Séance du
vendredi 11 octobre 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
11e
session -
40e
séance
P 1033-B et objet(s) lié(s)
Le Conseil d'Etat fait le point sur deux objets en suspens devant le Grand Conseil concernant l'expérimentation animale et les méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale.
Il y a lieu de rappeler ici que la commission de l'université du Grand Conseil avait rapporté le 7 mars 1995 (P 1033-A) sur la pétition sur les méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale, qui avait la teneur suivante:
PÉTITION
sur les méthodes alternatives et substitutivesà l'expérimentation animale
Considérant que les étudiants en médecine, pharmacie, biologie et biochimie devraient pouvoir s'informer sur les méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale, les soussigné(e)s demandent au Conseil d'Etat du canton de Genève et au Conseil d'Etat du canton de Vaud d'étudier la création d'un cours portant sur ces méthodes dans les universités de Genève et Lausanne.
Par ailleurs, sur le même sujet, le député René Longet avait posé la question écrite suivante:
QUESTION ÉCRITE
de M. René Longet
Expérimentation animale -
Enseignement des méthodes substitutives
La controverse entourant l'expérimentation animale a donné lieu à plusieurs votations populaires fédérales, au cours desquelles il a été souligné qu'il existait des méthodes substitutives qu'il importait de pouvoir développer. Le PNR 17 achevé en 1988 a en particulier montré le potentiel encore largement sous-estimé de ces méthodes, et plusieurs organisations et fondations ont été récem-ment créées pour en assurer l'essor.
Il est naturellement essentiel que la formation des res-ponsables d'expérimentations comprenne un enseignement sur les méthodes substitutives, si l'on veut que l'exigence de la loi sur la protection des animaux, du 9 mars 1978 (RS 455) soit suivie d'effet: «Des douleurs, maux ou dommages ne peuvent être imposés à un animal que si le but visé ne peut pas être atteint d'une autre manière» (al. 1, art. 16).
Le Conseil d'Etat peut-il faire le point sur la situation à cet égard dans notre canton, et est-il en mesure de prendre un engagement similaire à celui qu'avait pris le Conseil fédéral en réponse à une motion qui lui avait été transmise le 9 octobre 1986 sur le même sujet (BO CN 1986, page 1473), à savoir, en particulier, qu'il faut encourager l'enseignement des méthodes de substitution aux expériences sur animaux dans la formation des responsables d'expériences ?
La commission du Grand Conseil avait auditionné entre le 10 novembre 1994 et le 26 janvier 1995 plusieurs personnes dont le président de la Ligue suisse contre la vivisection et un membre de cette ligue, M. A. Steiger, chef de la division de protection des animaux de l'office vétérinaire cantonal,Mme A. Rod, vétérinaire cantonale, ainsi que le doyen de la faculté des sciences et le président de la section de biologie.
Ces auditions, et en particulier le rapport de la commission du Grand Conseil mentionné ci-dessus, ont permis de faire le point sur les méthodes alternatives et substitutives actuellement déployées dans le cadre des laboratoires de la faculté des sciences et de la faculté de médecine.
Si le rapport sur la pétition 1033 a été renvoyé au Conseil d'Etat, c'est afin que celui-ci puisse faire le point dans un délai d'une année sur la manière dont l'université de Genève envisage d'organiser l'enseignement inter-facultaire sur les méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale. La question d'un cours intégré entre les universités de Lausanne et de Genève sur les méthodes alternatives et substitutives ne sera pas retenue ici, car des efforts non négligeables ont été déployés en 1re année de biologie à Genève.
En date du jeudi 21 mars 1996, les députés de la commission de l'université ont eu l'occasion de se rendre à la faculté des sciences pour une visite des lieux.
Ils ont pu poser toutes les questions relatives aux méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale et ont visité l'animalerie de la faculté des sciences ainsi que plusieurs laboratoires qui appliquaient précisément ces méthodes substitutives.
Lors de cette visite, il a également été relevé que l'initiative populaire «pour la protection de la vie et de l'environnement contre les manipulations génétiques» (initiative pour la protection génétique) - (voir Feuille fédérale no 36, vol. III, du 12 septembre 1995, page 1269), en interdisant toute manipulation génétique, limiterait le recours à des méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale.
Un débat public sur ce sujet ne manquera pas d'avoir lieu lors de l'examen du contreprojet à cette initiative et les facultés des sciences et de médecine, ainsi que les laboratoires, produiront un certain nombre de documents attestant de leurs pratiques réelles quant aux méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale.
Lors de la visite du 21 mars 1996, il a été relevé que les méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale avaient été intégrées dans les cours de 1re année de biologie fondamentale, cours suivis conjointement par les étudiants des facultés des sciences et de médecine.
Quant à la possibilité de donner des cours plus ciblés à des étudiants de post-grade, le directeur du laboratoire d'embryologie moléculaire et morphogenèse, à savoir le professeur D. Duboule, a pu donner les informations suivantes:
- «Les méthodes alternatives à l'expérimentation animale s'imposent chaque fois qu'elles sont possibles. Dans l'enseignement universitaire, les connaissances sont présentées avec les données expérimentales, et donc celles obtenues par les méthodes alternatives sont présentées en tant que telles.»
- «Le corps enseignant a été sensibilisé à ces problèmes et il a été convenu que, chaque fois qu'un cours impliquerait des discussions de résultats obtenus par des manipulations sur l'animal, une discussion des systèmes alternatifs (le cas échéant) serait considérée. Il faut toutefois remarquer que ceci ne concerne qu'une part minime de l'enseignement uni-versitaire.»
- «Les enseignants des cours spécialisés dans ce domaine (en particulier l'embryologie expérimentale) ont fait un effort de clarté dans la présentation de nouvelles méthodes de recherches impliquant un usage des animaux plus parcimonieux. Dans les laboratoires, les étudiants sont formés au respect absolu des directives fédérales et cantonales dans ces domaines.»
- «Le 25 janvier 1996, un colloque, organisé au Muséum d'histoire naturelle par un professeur de la faculté des sciences, a traité du problème de la transgenèse animale (cette technologie fait l'objet d'une nouvelle initiative - voir ci-dessus). Cette réunion publique, largement annoncée auprès des étudiants et des représentants de diverses associations, a bénéficié du concours de Mme A. Rod, notre vétérinaire cantonale, et du professeur B. Mach, de la faculté de médecine, qui est un expert en thérapie génique. Malheureusement une assistance relativement faible s'est déplacée, ce qui nous laisse penser que ces problèmes n'en sont peut-être pas pour une grande majorité de nos étudiants.»
En conclusion, il apparaît que les méthodes alternatives et substitutives à l'expérimentation animale sont suffisamment enseignées dans le cadre des facultés des sciences et de médecine de l'université de Genève, et il n'est pas envisagé, à l'heure actuelle, de créer un nouveau cours commun avec l'université de Lausanne.
Par ailleurs, il convient de rappeler que l'office vétérinaire cantonal, rattaché au département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, en sa qualité d'organe de contrôle et de surveillance en matière d'expérimentation animale, exige, chaque fois que cela se justifie, le recours à des méthodes alternatives ou substitutives, conformément à l'article 16 de la loi fédérale sur la protection des animaux, du 9 mars 1978.
Les chercheurs qui ne se conforment pas aux prescriptions de cet office se voient refuser l'autorisation de procéder à des expérimentations animales.
Pour les raisons évoquées ci-dessus, le Conseil d'Etat vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de classer ces deux objets, actuellement en suspens devant votre Grand Conseil.
Débat
M. René Longet (S). Notre groupe est déçu de ce rapport, et je vais vous dire pourquoi.
Ce n'est pas de la sensiblerie que d'être le porte-parole des nombreuses personnes qui se sont fiées aux engagements politiques et juridiques pris au cours de ces quinze dernières années, lors des votations sur des initiatives fédérales.
Toutes ces initiatives ont été refusées, des promesses, et plus que des promesses, ayant été faites. Des engagements juridiques ont été inscrits dans la loi et des programmes ont été mis sur pied pour réduire les expérimentations sur les animaux.
Aujourd'hui, le sujet ne prête plus à l'ironie et à l'affrontement. Nous devons véritablement tendre à un programme de réduction effective de ces expérimentations.
Sur la forme, le rapport du Conseil d'Etat est assez curieux. Il ressemble au jeu des poupées russes : derrière le Conseil d'Etat se trouve l'université; derrière l'université, se trouve la faculté de médecine, etc. Il nous renvoie aux constats de la faculté de médecine qui sont d'une banalité affligeante. Il nous rappelle le procès-verbal d'une séance de la commission de l'université du Grand Conseil au cours de laquelle cette même faculté nous avait conviés à visiter les lieux et à observer les pratiques actuelles. Ce rapport ne répond pas aux exigences formelles minimales.
Sur le fond, il est extraordinairement évasif. Vu tous les engagements juridiques qui ont été pris, on aurait pu montrer une volonté politique, cibler les efforts déjà fournis, et dire ce qui restait à faire. Il est désinvolte, notamment à l'égard de celles et ceux qui, en votant, avaient cru aux engagements des professeurs et des politiques qui avaient promis de réduire ces expériences.
Je sais qu'elles sont moins nombreuses aujourd'hui, je sais aussi que l'on recourt à d'autres méthodes, que d'ailleurs le rapport «vend» très mal. Nous ne voulons pas renvoyer la balle au Conseil d'Etat et lui dire de revoir sa copie. Mais nous tenions à déclarer que nous ne sommes pas vraiment dupes et dire notre déception de ne pouvoir savoir ce qui se fait et reste à faire.
Le dossier reste donc ouvert.
Mme Vesca Olsommer (Ve). Nous aussi sommes déçus du rapport du Conseil d'Etat.
Aborder ce sujet, c'est éveiller de nombreuses réactions contradictoires, surtout si l'on est sensible à la condition des animaux d'expérimentation. On se dit qu'après tout ils font avancer la science, que la législation est bien faite sur le plan fédéral, qu'elle est appliquée sur le plan cantonal, que le vétérinaire responsable n'autorise que les interventions nécessaires, etc. Bref, on admet qu'il faut un équilibre entre les besoins de la science et ceux des animaux qui la servent.
Nous tenons ce raisonnement d'adultes privilégiant la science avant de visiter les animaleries et d'assister aux expérimentations. Après, nous nous rappelons l'existence des éthologistes, ces autres chercheurs, qui nous expliquent que les animaux souffrent aussi de stress, de détresse et de solitude.
Seul le développement maximum des méthodes alternatives et substitutives nous permettra de sortir de cette contradiction.
Sur le site, on vous dit de ne pas vous soucier des souris, parce qu'elles naissent dans des laboratoires, comme si cela changeait quoi que ce soit ! Mais il n'y a pas que des souris dans les animaleries ! Je vous assure qu'il est pénible de voir ces animaux souffrir cruellement et continuellement de stress. Sous cet angle-là, le rapport est défaillant et ne soutient pas suffisamment les méthodes substitutives.
Par conséquent, je propose de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je n'ai pas encore compris si c'était le Conseil d'Etat...
Le président. N'anticipez pas trop ! Nous avons encore une séance de nuit.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je vous présente, Monsieur le président, mes excuses empressées. Nous désirons que vous terminiez votre mandat... Je continue ! (Rires.) Je me demandais si c'était le Conseil d'Etat qui devait gérer directement la faculté de médecine et la faculté des sciences.
Madame la députée, je supposais que le rapport tenait compte de votre question fondamentale qui a reçu sa réponse lors de la visite des commissaires : un cours de première année de biologie fondamentale intègre les méthodes substitutives à l'expérimentation animale, et ce conjointement pour les étudiants de la faculté des sciences et de médecine. C'est une information importante qui, sans anticiper sur les effets de cet enseignement dans les dix ans à venir, répond néanmoins à vos exigences.
En relation avec les étudiants postgrade, une autre information importante figure dans le rapport. La voici : «Les méthodes alternatives à l'expérimentation animale s'imposent chaque fois qu'elles sont possibles. Dans l'enseignement universitaire, les connaissances sont présentées avec les données expérimentales, et donc celles obtenues par les méthodes alternatives sont présentées en tant que telles.» On lit plus loin que le corps enseignant a été sensibilisé à ces problèmes et qu'il insiste sur un usage plus parcimonieux des animaux, dans le respect des dispositions fédérales et cantonales.
Ce rapport ne décrit pas en détail ce qui se fait dans les facultés, les cours et les projets de recherches. Je pensais vous donner la certitude que vos préoccupations avaient été prises en considération, et cela d'autant plus que, depuis les votations, les chiffres démontrent que l'expérimentation animale diminue plus que progressivement. En effet, chaque année apporte des découvertes permettant la mise au point de nouvelles méthodes substitutives.
Que vous dire de plus ? Les méthodes substitutives sont enseignées; elles sont encouragées au niveau postgrade, et Mme le vétérinaire cantonal veille à l'application des dispositions fédérales et cantonales. Vous disposez de chiffres qui vous le démontrent.
Ce rapport n'est pas un rapport scientifique. Cela me donne l'occasion de rappeler que ce n'est pas le Conseil d'Etat qui gère les facultés. L'université a ses pratiques et semble respecter les directives en la matière.
P 1033-B
Le président. Nous votons la proposition de Mme Vesca Olsommer de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Q 3515
Cette question écrite est close.