Séance du
jeudi 10 octobre 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
11e
session -
38e
séance
PL 7515
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi en matière de chômage, du 10 novembre 1983, est modifiée comme suit:
Art. 22, al. 1 à 3 (nouvelle teneur)al. 5 (nouveau)
1 L'autorité compétente propose aux chômeurs proches de l'âge de la retraite ou n'ayant pu trouver un nouvel emploi grâce à l'allocation de retour en emploi et ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales, un emploi temporaire d'une durée maximale de 12 mois correspondant dans la mesure du possible à leurs aptitudes professionnelles. Cette mesure peut également être proposée aux personnes à la recherche d'un emploi après avoir exercé une activité indépendante.
2 L'emploi temporaire se déroule au sein de l'administration cantonale, d'établissements et fondations de droit public, d'administrations communales et d'administrations et régies fédérales.
3 En cas de chômage prononcé et persistant au sens de la loi fédérale, le Conseil d'Etat peut également promouvoir l'emploi temporaire de chômeurs auprès d'associations ou de fondations reconnues à but non lucratif et agréées par autorité compétente ainsi que par les entreprises privées si les besoins d'emplois temporaires ne peuvent pas être satisfaits par les services publics ou les associations et fondations sans but lucratif.
5 La charge financière de l'occupation temporaire des chômeurs est assumée par le budget de l'Etat.
Art. 42 (nouvelle teneur)
Il est institué une commission tripartite formée à parts égales de représentants de l'Etat, des associations patronales et des syndicats de travailleurs pour suivre l'application de la présente loi. La commission présente un rapport une fois par année au Grand Conseil.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La nouvelle loi sur le chômage (LACI) a des répercussions directes sur la législation cantonale et plus particulièrement en ce qui concerne les chômeurs en fin de droit. En effet, les mesures novatrices adoptées par notre canton pour faire face à cette situation, à savoir l'occupation temporaire permettant aux chômeurs en fin de droit de retrouver au bout de six mois un statut de travailleur et ainsi de bénéficier à nouveau des prestations de chômage au terme de cette occupation temporaire, sont mises en péril du fait qu'en vertu du nouveau droit fédéral cette occupation devrait durer 12 mois.
C'est ainsi que le Conseil d'Etat, dans son projet de loi 7496 modifiant la loi cantonale en matière de chômage, confirme les intentions déjà exprimées par M. le conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre d'abandonner le système des occupations temporaires, sauf pour les chômeurs en fin de droit qui sont proches de l'âge de la retraite. Cet abandon est motivé par des motifs financiers, d'une part, et parce que le Conseil d'Etat considère, d'autre part, que les nouvelles mesures initiatives instituées par la LACI (notamment l'allocation de retour à l'emploi) permettront de répondre aux besoins et qu'il n'y aura donc plus besoin de recourir aux occupations temporaires.
Nous ne partageons pas l'optimisme du Conseil d'Etat et nous pensons que l'occupation temporaire, qui a fait ses preuves, doit être maintenue dans notre législation cantonale pour tous les chômeurs en fin de droit, et non uniquement pour ceux proches de la retraite, lorsque ceux-ci n'ont pas pu trouver un nouvel emploi grâce à l'allocation de retour en emploi qu'il propose d'instituer. Il serait, en effet, socialement inacceptable que des chômeurs en fin de droit, même s'ils étaient peu nombreux, ne se voient plus accorder la possibilité de retrouver leurs droits grâce au système de l'occupation temporaire mis en place à Genève.
C'est la raison pour laquelle nous déposons le présent projet de loi, dans le but de compléter le projet de loi 7496 du Conseil d'Etat. Ce projet de loi, qui concrétise notre motion 1015 portant sur le même objet, vise à modifierle texte actuel de l'article 22 de la loi cantonale et notre proposition est rédigée de manière à pouvoir se substituer au texte de l'article 39 du projet de loi 7496, qui vise à restreindre les occupations temporaires aux seuls chômeurs en fin de droit proches de l'âge de la retraite. Même si les demandeurs sont peu nombreux, le maintien de cette mesure se justifie et son coût à la charge du budget cantonal, serait dans cette hypothèse, nettement moindre que le coût actuel des occupations temporaires. En tout état de cause, le coût d'une occupation temporaire, limitée dans le temps, sera inférieur à celui du versement du revenu minimum garanti (RMCAS), seule alternative qui subsisterait à défaut d'occupation temporaire. Au contraire, notre proposition permettra à l'Etat de faire des économies en évitant que les chômeurs tombent à la charge de l'assistance publique et en leur permettant au bout de 12 mois de retrouver les allocations de chômage versés par la Confédération.
Notre projet de loi prévoit qu'en cas de chômage persistant l'occupation temporaire par des associations et des fondations sans but lucratif doit être privilégiée par rapport à des emplois dans l'économie privée, qui constituent une concurrence de certaines entreprises par rapport à d'autres.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un accueil favorable de votre part.
Préconsultation
M. Bernard Clerc (AdG). La nouvelle loi sur le chômage introduira notamment deux mesures qui auront des conséquences importantes sur le traitement social du chômage dans notre canton.
Une de ces conséquences est le délai de douze mois pour recréer le droit à l'assurance-chômage et l'autre est la nécessité, pour notre canton, d'aménager mille neuf cents places par an, sous peine de devoir payer 20% des indemnités de chômage.
Face à cette situation, le Conseil d'Etat a déposé un projet de loi qui supprime purement et simplement les emplois temporaires, sauf pour les personnes à trois ans et demi de leur retraite. Il met en place, à titre de substitution semble-t-il, des allocations de retour en emploi auprès d'entreprises privées, s'élevant, selon les cas, de 20 à 40% du salaire.
Nous nous opposons, en ce qui nous concerne, au principe des allocations de retour en emploi. Nous sommes fort sceptiques quant à la possibilité de trouver ainsi l'équivalent des deux mille six cents emplois temporaires actuels et pensons, surtout, que cela constitue une incitation aux licenciements dans les secteurs à faible qualification de main-d'oeuvre : la précarité de l'emploi s'en trouverait aggravée.
La suppression des occupations temporaires conduira un grand nombre de chômeurs en fin de droit au RMCAS qui, lui, ne recrée pas de droit à l'assurance-chômage et consacre, en quelque sorte, la désinsertion du monde du travail.
Ces mesures représentent une économie à très court terme : treize mois de plus de revenu minimal d'aide sociale que d'emploi temporaire, avec un coût identique.
Notre projet de loi vise à maintenir les emplois temporaires pour les chômeurs qui n'auront pas pu bénéficier des autres mesures cantonales, et ce dans le but de recréer un droit à l'assurance-chômage.
Nous vous remercions d'accepter le renvoi de ce projet en commission.
M. Pierre-Alain Champod (S). Nous avons lu avec intérêt le projet de loi de l'Alliance de gauche.
La loi sur le chômage a suscité des projets en abondance : le projet du parti socialiste, déposé en octobre 1995, prévoyait également la prolongation à douze mois de la durée des emplois temporaires; ensuite, il y a eu le projet du Conseil d'Etat, puis celui des Verts renvoyé à la commission de l'économie, lors de notre dernière séance plénière.
Le présent projet n'apporte pas grand-chose de nouveau, et un amendement des projets en cours aurait pu suffire.
Nous partageons l'analyse de l'Alliance de gauche sur les bienfaits des occupations temporaires. D'ailleurs, c'est pour cela que nous avions déposé notre projet dès que nous avions appris que la LACI modifiée portait à douze mois, au lieu de six, la durée de l'emploi temporaire permettant de retrouver le droit aux prestations de chômage. Notre projet permettait d'adapter la législation genevoise à la législation fédérale.
La loi genevoise datant de 1984, nous avons dix ans d'expérience en matière d'occupations temporaires. Nous avons constaté leurs bienfaits. Grâce à elles, les chômeurs reprennent confiance en eux.
Le paradoxe de la situation actuelle est qu'il est plus facile de changer d'emploi que d'en retrouver un quand on l'a perdu. La raison en est simple : l'employeur qui s'apprête à engager une personne désireuse de changer d'emploi peut obtenir des références récentes sur ses capacités professionnelles.
Nous soutenons le renvoi de ce projet en commission de l'économie. Celle-ci l'examinera avec les autres déjà en cours d'étude.
M. David Hiler (Ve). Nous soutiendrons évidemment le renvoi de ce texte en commission. Sur de nombreux points, il est proche du projet des Verts renvoyé en commission, lors de notre dernière séance, projet préparé, je le rappelle, par la CGAS.
L'essentiel est de trouver une solution qui ne supprime pas ce que je nomme, personnellement, le «filet des occupations temporaires», même si d'autres méthodes plus incitatives peuvent être employées. Dans ce sens, ce projet, comme les autres, vient à point pour que la commission de l'économie puisse envisager le problème dans toute sa diversité et, hélas, dans toute sa complexité aussi.
M. Philippe Schaller (PDC). Nous revenons à la discussion que nous avons eue lors de nos précédentes séances.
Bien entendu, nous accueillons avec intérêt ce projet de loi qui confirme, une fois de plus, qu'il n'y a pas de politique idéale en matière de chômage.
Le projet de loi du Conseil d'Etat mise sur des mesures incitatives. Le vôtre mise plutôt sur des garanties de ressources, ce qui n'est pas sans danger, ce type de garantie de ressources pouvant constituer une trappe de paupérisation.
Nous discuterons de ces projets de lois en commission de l'économie, et je suis certain qu'une solution sera trouvée. Il est important de voir comment la LACI pourra être appliquée et de quelle manière le projet qu'elle sous-tend peut être adapté à la situation genevoise.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Ce projet de loi complète la série importante de propositions, actuellement en discussion devant la commission de l'économie, qui se rapportent au traitement des chômeurs en fin de droit.
L'approche du groupe parlementaire auteur du projet de loi 7515 consiste à axer l'offre principalement sur des emplois temporaires, dont on sait, à teneur de la nouvelle loi fédérale sur le chômage, que pour pouvoir réamorcer un nouveau délai-cadre d'indemnisations fédérales ils doivent durer douze mois au moins.
Il reste à vérifier - surtout du côté des formations politiques qui, en principe, ne votent pas le budget - si la capacité budgétaire du canton peut soutenir ce type de prestations et surtout en estimer l'opportunité.
Il ne faut pas oublier que la nouvelle loi fédérale sur le chômage est profondément différente de la précédente, en ce sens qu'elle mise sur des mesures actives de réinsertion professionnelle et non pas sur les seules mesures d'indemnisation auxquelles l'assuré peut prétendre.
Par ailleurs, le délai-cadre total d'indemnisation, entre les indemnités de base et les indemnités spécifiques en cas de mesures actives, est de cinq cent vingt jours, ce qui représente une durée importante.
Compte tenu de cette nouvelle dynamique de la loi fédérale sur le chômage, le Conseil d'Etat a estimé qu'il était intéressant de profiler notre système dans la même lancée, s'agissant des chômeurs en fin de droit sur le plan fédéral, et d'essayer de mettre à leur disposition une offre diversifiée en fonction de leur situation particulière. En effet, on ne traite pas le cas d'un chômeur à deux ans de sa retraite comme celui d'un chômeur de 25 ans, qui a perdu son premier emploi ou qui n'en a jamais trouvé.
De même, nous voulons mettre en place des mesures incitatives, pour permettre à des chômeurs de bénéficier de leviers financiers valables pour retrouver un emploi; les allocations de retour en emploi appartiennent à ces mesures.
Monsieur Clerc, le risque de licenciements existe théoriquement, et il serait sot de le nier. C'est pourquoi nous avons proposé que les commissions du marché de l'emploi - composées des représentants des syndicats, du patronat, des associations professionnelles et de l'office cantonal de l'emploi - puissent traiter les demandes d'allocations de retour en emploi, comme elles traitent déjà les demandes de main-d'oeuvre étrangère. Ces commissions connaissent très bien le marché de l'emploi et les entreprises.
Nous croyons que par ce biais le risque que vous évoquez sera extrêmement réduit. Vous savez que la condition sine qua non de l'octroi de l'allocation est que l'entreprise désireuse d'engager un bénéficiaire de ladite allocation n'ait procédé à aucun licenciement pendant un certain laps de temps précédant le traitement de la requête.
Nous aurons l'occasion d'évoquer tout cela en commission. Le Conseil d'Etat observe simplement dans ce parlement des syndromes de blocage évidents sur ce type de problème ! Certaines personnes, peu nombreuses il est vrai, disent qu'il ne faut rien faire sur le plan cantonal et que ce qui est prévu sur le plan fédéral suffit largement. D'autres veulent davantage que ce que le Conseil d'Etat propose; ce sont notamment l'Alliance de gauche, le parti socialiste et, dans une moindre mesure, le mouvement des Verts.
Le Conseil d'Etat estime avoir proposé des mesures sociales ouvertes et progressistes, mais qui engagent notre responsabilité budgétaire. Nous avons maintenu pour le budget 1997, qui devrait voir l'entrée en vigueur de ces nouvelles mesures, un effort équivalent à celui de 1996 pour l'aide aux chômeurs en fin de droit. Celle-ci ascende à 70 millions environ, et ce n'est pas rien ! Aucun canton suisse ne fournit un effort comparable. Je tenais à le rappeler une fois encore.
Le Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, rassurez-vous ! Il n'y a pas de syndrome dans ce parlement, seulement des députés qui réfléchissent et qui débattent !
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.