Séance du jeudi 19 septembre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 10e session - 36e séance

P 1073-A
10. a) Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la pétition concernant le secteur Sécheron-Prieuré. ( -)P1073
Rapport de majorité de M. René Koechlin (L), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de Mme Alexandra Gobet (S), commission d'aménagement du canton
M 1076
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Yvonne Humbert, Geneviève Mottet-Durand, Martine Roset, Florian Barro, Hervé Dessimoz, Michel Ducret, René Koechlin, Jean Opériol et Olivier Vaucher concernant l'aménagement du quartier de Sécheron-Prieuré. ( )M1076

Jugeant que la pétition citée en titre portait essentiellement sur un sujet d'urbanisme, le Grand Conseil a décidé de la renvoyer à la commission d'aménagement.

Celle-ci l'a traitée au cours de ses séances des 29 mai, 5 et 19 juin 1996, sous la présidence de M. Florian Barro.

Assistaient aux séances, MM. Denis Dufey, secrétaire général du département des travaux publics et de l'énergie, Georges Gainon, chef de la division des plans d'affectation, Jean-Charles Pauli, juriste du département.

Préambule

La pétition concernant le secteur Sécheron-Prieuré porte sur trois sujets distincts, ce qui en rend le traitement difficile, faute d'unité de la matière.

La première question est de nature urbanistique et concerne principalement l'aménagement du territoire municipal de la ville de Genève.

Le deuxième revêt un caractère purement technique. Elle évoque en effet les mesures que prend - ou ne prend pas - Ecotox dans le quartier.

Enfin, la troisième invite de la pétition est de nature économique et concerne les rapports privés entre une entreprise, en l'occurrence Sécheron SA, une société d'investissement, Noga-Invest, et la banque cantonale.

Cette diversité de matière nuit à l'efficacité de la démarche, en dépit de son bien-fond et de la pureté des intentions de ceux qui l'ont entreprise. Nous verrons d'ailleurs qu'elle pourrait à satisfaction se limiter à la question d'aménagement, tant celle-ci oblige à traiter aussi, le moment venu, les autres problèmes soulevés.

La commission a d'abord procédé à l'audition des pétitionnaires, puis à celle du Conseil administratif de la ville de Genève, représenté par Mme Jacqueline Burnand, conseillère administrative.

Audition des pétitionnairesreprésentés par MM. Jeanmairet et Monney

Les habitants du quartier, signataires de la pétition en question, se sont constitués en association le 5 mai 1994. Ils sont préoccupés par la progressive dégradation de leur quartier, dont une partie importante des terrains est en friche - industrielle ou autre. Ils ignorent s'il existe un plan d'urbanisme ou non et déplorent les nuisances de bruit et d'émission de gaz provenant des véhicules à moteur qui transitent par la rue de Lausanne et l'avenue de France. Ils craignent en outre la gène que risque de leur causer à l'avenir le passage du tram 13 sur cette dernière avenue.

Les pétitionnaires se plaignent en somme des inconvénients que leur procure la surabondance du transit des personnes et des véhicules à travers leur quartier, et à la fois du manque d'animation dont souffre ce dernier par la progressive désaffectation dont il est l'objet.

De plus, aucun programme ni aucun projet concret de construction autre que celui d'une organisation internationale, d'urbanisation ou simplement d'aménagement ne leur offre la moindre perspective d'avenir, proche ou lointain, qui leur laisse entrevoir quelque amélioration. Ils se sentent enfin tenus à l'écart de tout processus de décision à propos du sort de leur propre environnement.

Ce malaise, les commissaires l'ont tous clairement ressenti et enregistré, même si leur différentes sensibilités ne les polarisaient pas nécessairement sur les mêmes objets.

Ainsi les uns, par exemple, ont-ils davantage mis l'accent sur les nuisances, tandis que d'autres considèrent que ces dernières ne constituent qu'un des aspects du problème qui porte pour l'essentiel sur l'aménagement - ou le réaménagement - et sur la revitalisation de ce quartier.

Il convient de relever que les habitants ont adressé la même pétition au Conseil Municipal, qui pour l'heure n'y a pas encore donné suite.

Audition de Mme Jacqueline Burnand, conseillère administrative

Le Conseil administratif persiste à souhaiter élaborer avec le concours du DTPE un plan global d'aménagement du quartier. Mais les circonstances ne s'y sont guère prêtées jusqu'à ce jour. Par ailleurs, le Conseil administratif entend maintenir à cet endroit la zone industrielle, bien qu'il reconnaisse la nécessité d'en assouplir l'affectation, notamment en ville.

Il convient de relever ici que le quartier par deux tiers - si non la moitié - est situé en zone industrielle dont la majeure partie est actuellement désaffectée.

Il ressort de l'audition que le Conseil administratif ne s'opposerait pas nécessairement au déclassement de la dite zone si le besoin et un projet concret le justifiaient. Il s'agit d'une question d'opportunité. Or, en matière d'urbanisme, il appartient précisément aux autorités de susciter cette opportunité. Dans cet esprit, le Conseil administratif est prêt à lancer conjointement avec l'Etat une étude d'aménagement du quartier. Reste à la mettre sur pied; et pour le moment, personne n'en prend l'initiative. Chacun se cantonne dans l'expectative et n'agit que très ponctuellement en fonction de quelques projets très spécifiques, dont certains - tels celui de la maison Europa - sont de surcroît contestés et combattus.

Il ressort de cette audition qu'à l'évidence, la volonté d'entreprendre à brève échéance quelque chose dans ce quartier n'anime guère le Conseil administratif, qui voue son attention et son énergie à d'autres questions plus opportunes ou plus brûlantes comme l'aménagement de la place des Nations ou, à l'heure de l'audition, le combat contre la traversée de la rade.

Débat de la commission

La diversité de matière qui caractérise la pétition eut pour effet de confiner le débat dans un dialogue de sourds. Les uns parlaient d'aménagement du territoire, d'autres de mesures écotoxicologiques, d'autres encore du projet avorté de l'usine de Sécheron SA et du sort de cette entreprise.

En réalité, le problème soulevé par les pétitionnaires, précisément parce qu'il touche à tous les domaines qui viennent d'être évoqués, s'avère bel et bien de nature urbanistique. Car s'il existe dans sa diversité et dans toute sa complexité, c'est par défaut d'urbanisation.

Non seulement aucun plan d'aménagement abouti ne régit le quartier, mais aucun programme n'en trace la destinée et les études qui visent à l'établir sont pour le moins fantomatiques.

Dans ces conditions, les habitants ont raison de réagir et leur pétition constitue davantage un cri d'alarme qu'un plan d'action.

C'est cet appel aux accents désespérés que la majorité de la commission a entendu.

C'est pourquoi, plutôt que de renvoyer telle quelle la pétition à l'exécutif qui ne saurait quelle suite lui donner, les commissaires, dans leur majorité, ont préféré recommander au Grand Conseil de la déposer sur son bureau et lui proposer une motion de synthèse à renvoyer au Conseil d'Etat.

Cette motion vise à promouvoir l'aménagement du quartier en mettant en place - à l'instar de la FAG aux Grottes - l'organe exécutoire du projet.

Conclusions

Pour les motifs qui viennent d'être évoqués, la majorité de la commission d'aménagement vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés:

1. de déposer la pétition 1073 sur le bureau du Grand Conseil;

2. de renvoyer au Conseil d'Etat la motion jointe au présent rapport et qui répond globalement aux voeux des pétitionnaires.

(P 1073)

PÉTITION

concernant le secteur Sécheron-Prieuré

Au Grand ConseilAu Conseil municipalAux autorités compétentes

Les habitants de Prieuré-Sécheron signataires de cette pétition demandent impérativement:

1. un plan d'urbanisme pour l'ensemble de la zone qui tienne pleinement compte des intérêts des habitants, des enfants et des jeunes des différentes écoles;

2. une station de mesures de Ecotox au centre du quartier (angle rue de Lausanne-avenue de France) avec comptage précis et périodique du trafic motorisé pour tout le quartier;

3. une transparence complète sur le dossier «Sécheron-Noga Invest-BCG, etc.»;

s'opposent absolument à:

- tout projet de nature à dégrader encore les conditions de vie dans le quartier;

- l'implantation de nouveaux parkings destinés à gonfler davantage le trafic pendulaire;

- l'idée d'une traversée de la rade dans le prolongement de l'avenue de France.

Association des habitants de Prieuré-Sécheron

Case postale 2003

1211 Genève 2

Roger Deneys, président

RAPPORT DE LA MINORITÉ

La minorité de la commission s'est rassemblée sur les trois demandes formulées par les habitants du quartier de Prieuré-Sécheron et vous invite à envoyer la pétition au Conseil d'Etat.

Le déroulement des séances figurant au rapport de la majorité, il ne sera repris qu'en tant qu'il est nécessaire.

I.0Présentation de la pétition (annexe)

Les habitants de Prieuré-Sécheron demandent:

- Un plan d'urbanisme allant des quais à la Place des Nations et de Prieuré-Sécheron jusqu'au Reposoir.

- Une station Ecotox angle rue de Lausanne, avenue de France, avec comptage périodique du trafic motorisé.

- Une transparence complète sur le dossier ABB-Sécheron/Noga Invest et autres. Les pétitionnaires déclarent maintenir cette demande nonobstant l'absence d'une commission d'enquête parlementaire.

La pétition a recueilli plus de 400 signatures.

Elle rappelle l'opposition des citoyens à toute nouvelle dégradation de leur environnement.

II.0Les raisons de soutenir la pétition

1. Pour un plan d'urbanisme global à Prieuré-Sécheron

Les terrains classés «industriels» à Sécheron couvrent une surface de près de 8 hectares. Mais comme le soulignent les pétitionnaires, l'abandon de l'activité secondaire produit des effets négatifs sur le quartier bien au-delà des limites de cette zone.

Le périmètre suggéré pour un plan d'urbanisme s'étend jusqu'aux dernières habitations et comprend la zone ferroviaire dont les CFF sont propriétaires.

Il jouxte également les sites de prédilection des organisations internationales.

Pour les habitants, ce plan d'urbanisme marque la recherche d'une identité pour leur cadre de vie:

Certains citoyens sont désemparés par la perte des repères du passé et se battent pour conserver aux Pâquis les éléments de sa mémoire de quartier, populaire et animé.

D'autres sont las d'attendre l'issue d'imbroglios politico-financiers pour voir leur environnement se structurer en tenant compte de leurs besoins, d'une certaine qualité de vie à laquelle ils aspirent.

Pour le député, c'est l'occasion de balayer tout un fatras de plans mort-nés, de projets de lois tacitement enterrés, d'ébauches repoussées par quelque et anonyme potentat.

Le peuple n'a-t-il pas commencé à faire lui-même le ménage puisqu'il a fait tomber à l'eau les hypothèques qui grevaient le dessin de l'Avenue de France?

2. Pour une mesure régulière du trafic et des pollutions à l'angle rue de Lausanne/avenue de France

Ces dernières années, le service d'ecotoxicologie et l'office des transports ont déjà effectué des mesures relatives au bruit et au passage des véhicules à l'intersection désignée. Le plus souvent, les résultats (dépassement des valeurs de bruit, d'autres et lointaines normes fédérales) sont rendus véritablement publics dans le contexte de dossiers politiques quelque peu retentissants: Sécheron II (aménagement de la parcelle du Foyer), rénovation de l'école de Sécheron ou traversée de la rade.

En commission l'examen de la pétition n'a fourni aucune garantie sur le suivi régulier d'une situation incontestablement préoccupante, une fois que les projecteurs médiatiques se sont éteints.

Aucune objection solide n'a été présentée à l'encontre du déplacement de la station de mesure d'air «Wilson» au carrefour de l'avenue de France.

La minorité estime notamment que le champ d'action de l'équipement(1 km) est une explication à son amarrage actuel mais pas un obstacle à sont transfert au point sensible visé par la pétition.

A souligner que la commission n'a disposé, sur ce point, que d'une information indirecte.

Il n'a été procédé à aucune audition.

3. Pour une transparence démocratique sur le dossier ABB-Sécheron/Noga-Invest et autres.

«Ça ne les regarde pas» ont courageusement susurré les chantres de la majorité.

La minorité est d'un avis différent.

Des conditions auxquelles ABB-Sécheron a lâché ses reliefs urbains à une société d'investissements de la place, jusqu'à la paralysie glauque qui règne actuellement sur l'avenir de ces parcelles, rien n'a été une pure affaire de «privés».

Si l'implication du Conseil d'Etat - et d'autres élus du peuple, portant casquette - est un fait connu, l'usage qu'il a été fait de la puissance publique et de l'influence politique demeure obscur.

Il est peut-être difficile, pour un gouvernement, de résister à la pression d'une entreprise qui met en balance la récupération d'une plus-value foncière avec le nombre des licenciements.

Au-delà d'un petit tribut oratoire à «la volonté du souverain» certains dimanches soirs de défaite, la minorité de la commission estime toutefois que l'élu se doit, par essence, de fournir de véritables explications sur sa conduite, lorsque des représentants du corps électoral en demandent.

III.0L'envoi au Conseil d'Etat, la bonne voie pour sortir de l'ornière.

1. En ce qui concerne le plan d'urbanisme.

Des divergences d'objectif correspondent-elles aux divergences de moyens qui ont séparé la majorité et la minorité de la commission? Toutes les déclarations d'intention ont en tout cas convergé sur la nécessité de remettre sur le métier un nouveau plan d'urbanisme mais...

A qui l'initiative?

· A la Ville de Genève?

Si un plan doit être élaboré, c'est dans une perspective de développement et d'adaptation du quartier.

La Ville de Genève souhaite un large maintien des activités secondaires

Toutefois, un simple gel des limites de zones en l'état entrave les possibilités d'action, pour de nombreuses raisons qui seront oralement explicitées.

Modifier des limites de zone, convertir de la zone industrielle ordinaire en zone de développement industriel, installer du logement social sur une ancienne zone primaire, toutes ces décisions n'appartiennent pas au législateur communal.

Il n'est donc pas étonnant que le Conseil administratif veuille apporter sa contribution à l'élaboration d'un plan, mais qu'il en décline l'initiative.

· Aux propriétaires?

Dans ce secteur, une large part des inconnues repose sur les décisions d'intention d'une poignée d'acteurs:

Les CFF réaliseront-ils la halle d'entretien du Pendolino pour laquelle ils ont sollicité une autorisation? Ont-ils d'autres projets?

Les organisations internationales et autres entités publiques internationales ont-elles besoin de surfaces? Les moyens financiers nécessaires à leurs besoins sont-ils disponibles ou le seront-ils à moyen terme?

La société Noga-Invest, recomposée, a-t-elle de nouvelles perspectives de construction?

Dans son courrier du 11 janvier 1989 à ABB-Sécheron, le Conseil d'Etat prévoyait:

«3. a) L'affectation des parcelles déclassées fera l'objet d'une étude d'aménagement complète, effectuée par ABB ou Aprofim à ses frais, risques et périls, couvrant l'ensemble du périmètre de Sécheron [...]

6. La mise en valeur des terrains concernés du périmètre de Sécheron ne pourrra intervenir que dans la mesure ou l'acheteur présente un projet détaillé [...].»

 Mémorial de la Ville de Genève,

 146e année, page 3355

Il faut néanmoins avouer que les déboires successifs des différents plans proposés par l'acquéreur incitent la minorité de la commission à ne pas réclamer l'application de ces clauses pour la mise en oeuvre du plan d'urbanisme global de Prieuré-Sécheron.

Il serait vain d'espérer que la juxtaposition des plans des uns et des autres - fondés sur des intérêts particuliers - puisse donner naissance à une image répondant aux besoins collectifs.

· Aux habitants?

Les pétitionnaires appellent à la prise en compte de leurs besoins; comme dans le cas de la Ville de Genève, leurs aspirations devraient influencer la mise en forme du plan d'aménagement ou le choix entre les variantes.

Pourquoi pas dans le cadre d'un concours?

Hors ce contexte, les habitants des quartiers ne disposent que rarement des moyens financiers nécessaires à un projet.

· Au Conseil d'Etat?

Le Conseil d'Etat est l'interlocuteur naturel ou privilégié de la Ville de Genève, des CFF, de la Banque Cantonale, des Organisations Internationales, de Noga-Invest et... du Grand Conseil.

Le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil peuvent, théoriquement, accueillir la première demande de la pétition de façon égale.

Seul le gouvernement, toutefois, dispose des services de l'administration, un avantage écrasant.

La science et le travail de très nombreux fonctionnaires seront, en l'occurrence, indispensables pour servir la volonté politique d'une nouvelle image coordonnée du développement de Prieuré-Sécheron.

En regard, le Parlement fait figure d'ensevelisseur de toute première classe de la pétition, qui ne dispose d'aucun moyen à son service.

L'impossibilité, enfin, de connaître l'état des cogitations du groupe de travail (?) Ville/Etat, déjà créé sur le sujet, démontre, pour le surplus, que l'aménagement de Sécheron est un dossier qui supporte mal la dilution politique.

Le Conseil d'Etat doit prendre lui-même le dossier en main avec les autres acteurs du périmètre.

La création d'une fondation est prématurée (la fondation ne pourrait fonctionner qu'après le dessin de la zone par voie délibérative ou, au moins, accord entre toutes les parties) ou, plus prosaïquement, dilatoire (voir plus loin, point III 3).

2. Pour déplacer la station Ecotox de Wilson et compter périodiquement le trafic.

Le Conseil d'Etat chapeaute les deux services dont dépend la seconde demande des pétitionnaires.

L'acquisition de matériel supplémentaire n'est pas indispensable.

Le déplacement de la station Wilson et l'établissement d'une périodicité des autres mesures suffisent.

Ce point de la pétition ressort donc, comme le premier, de la compétence du Conseil d'Etat.

3. Pour apporter, de l'intérieur, un éclairage sur le dossier ABB-Sécheron/ Noga-Invest et autres.

C'est au Conseil d'Etat le premier, qu'ABB-Sécheron a fait part, il y a dix ans, de son intention de «valoriser» ses terrains en ville, suscitant quasi instantanément la création d'une délégation ad hoc de l'Exécutif et l'ouverture de négociations. Depuis lors, et pour cause, la liaison n'a guère été interrompue.

Naturellement, le gouvernement n'a jamais eu la compétence d'intervenir directement dans le processus de restructuration industrielle de cette entreprise, ni, plus tard, dans celui de la société reprenante; il s'est limité à parrainer la réimplantation d'ABB et à accueillir avec bienveillance son marché financier.

Evidemment, c'est le hasard qui conduit l'actuel Conseil d'Etat à figurer, à la faveur des renouvellements successifs, dans l'une des compositions les mieux informées sur ce dossier.

Mais les pétitionnaires ne demandent rien d'autre que le bénéfice d'une si heureuse conjonction. A quoi la collectivité publique a-t-elle renoncé, qu'a-t-elle cédé, soutenu, influencé? Autant d'interrogations en suspens.

Face au gouvernement, le Grand Conseil est un bien pâle interlocuteur pour répondre à la pétition: somme anonyme de ceux qui ne savent pas et n'ont donc rien à dire, de ceux qui savent mais qui ne le diront pas, de ceux qui ne savent pas, mais qui diront sûrement quelque chose et de ceux qui, de toute façon, comme les pétitionnaires, aimeraient bien savoir.

Une fondation ou une martingale?

Fer de lance de la création d'une Fondation d'aménagement, tenant lieu de succédané à la pétition, le rapporteur de majorité et sa suite interpellent la raison.

Reine sans couronne, portée sur les épaules de mécènes aux allures de collectivités publiques, une Fondation serait, par sa seule grâce, en mesure de révéler aux propriétaires égarés le destin de leurs terres?

Ne s'agirait-il pas plutôt, d'une martingale, d'un simulacre de table rase, avec coup d'éponge sur les ardoises et rangement des cadavres dans les placards?

Une façon comme une autre d'occuper l'avant-scène, à quelques mois des élections...

Toute favorable qu'elle soit à redonner vie à ce quartier, la minorité ne croit pas qu'une seule pierre puisse jamais être posée à Sécheron si les bases politiques ne sont pas assainies.

En répondant, notamment, à la pétition.

La création d'une Fondation brouillerait un peu plus les cartes, sans qu'en l'état on puisse espérer davantage d'elle que d'un «groupe de travail».

Cette position pourrait évidemment être revue si le Conseil d'Etat éclairait la situation et trouve un accord entre toutes les parties.

Sous ces réserves pour l'avenir, la minorité refuse d'entrer en matière sur la motion de la majorité.

IV.0Conclusions.

Pour l'ensemble des motifs précités, la minorité de la commission de l'aménagement vous engage, Mesdames, Messierus les députés, à adresser la pétition 1973 au Conseil d'Etat pour qu'il y donne suite et à rejeter les conclusions du rapport de majorité, ainsi que tous ses accessoires.

Annexe: Extrait du mémorial de la Ville de Genève, 146e année, pages 3354, 3355 et 3356.

ANNEXE

16

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Débat

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. En dépit de ses qualités et autres bonnes intentions, cette pétition tend à perpétuer la partie de ping-pong à deux, puis à quatre joueurs, engagée, il y a des lustres, entre l'Etat et la Ville de Genève. Ces quatre joueurs sont le Conseil d'Etat et notre Grand Conseil, d'une part, le Conseil administratif et le Conseil municipal, d'autre part.

A l'évidence, Madame la rapporteuse de minorité, vous aimez ce sport, puisque votre rapport tend à soutenir cette pétition, laquelle, il faut le souligner, a été adressée non seulement à notre parlement mais également au Conseil municipal de la Ville de Genève.

De deux choses l'une : ou bien nous poursuivons cette partie de ping-pong, fort agréable pour certains mais pas pour tous, notamment pas pour les habitants de Sécheron; ou bien nous décidons de mettre fin à une situation dont précisément se plaignent les pétitionnaires.

Il nous appartient aujourd'hui - et lesdits pétitionnaires nous en donnent l'occasion - d'empoigner le problème en engageant le Conseil d'Etat à se doter de l'instrument lui permettant de le résoudre. L'alternative est aussi simple que cela ! C'est précisément le but poursuivi par la motion que la majorité de la commission a décidé de joindre au présent rapport. Cette motion ne propose rien moins que de constituer un organe similaire à la FAG, aux Grottes. Je vous rappelle que cette fondation a permis de trancher un noeud gordien, celui de l'aménagement de ce quartier, après des décennies de tergiversations et d'interminables parties de ping-pong entre les diverses autorités concernées.

Cet organe permettra de promouvoir, en collaboration avec la Ville de Genève, et non sans impliquer les habitants du quartier, l'aménagement coordonné du secteur en cause.

Soutenir votre rapport, Madame, revient à stériliser l'action des pétitionnaires, ce dont ils ne se rendent pas compte. Naïvement, ils adressent leur pétition à toutes les autorités possibles et imaginables, sans réaliser que, sur le plan de l'efficacité de leur action, ils vont exactement à fin contraire.

Vous faites mine de soutenir ces pétitionnaires. Si vous le faisiez réellement, vous appuieriez notre motion; vous leur procureriez cet organe indispensable pour aller de l'avant et les satisfaire !

Soutenir notre rapport constitue un acte politique clair et constructif pour l'avenir du quartier de Sécheron et de ses habitants. C'est pourquoi, au nom de la majorité de la commission, je vous invite à déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignement, et de renvoyer notre motion au Conseil d'Etat.

Mme Alexandra Gobet (S), rapporteuse de minorité. Il est un secret des lieux, un secret qu'on peut leur faire livrer.

Pour les pétitionnaires, l'avenir du quartier Prieuré/Sécheron se confond avec le leur. Pour nous, les politiques, c'est quasiment l'angle mort de notre rétroviseur. Pourtant, majorité et minorité s'accordent, du moins dans leurs propos, à vouloir remettre un plan d'urbanisme sur le métier.

Nous disons que cette opération doit être pilotée par le Conseil d'Etat, et par lui seul, ceci pour plusieurs raisons :

1. A cet endroit, aucune modification valable pour l'avenir ne peut avoir lieu sans une modification préalable des limites de zones. Il est vrai que jusqu'aux années 80, la zone industrielle ordinaire a permis de maintenir le coût des terrains à des valeurs correspondant aux possibilités objectives des entreprises, et c'était très bien. Mais dans la perspective d'un redéploiement d'activités, tel que nous l'avons souhaité en commission, les équipements seraient totalement à reprendre. En effet, les terrains en mains privées ne disposent que de voiries élémentaires et d'accès non utilisables. Si le périmètre est sis en zone industrielle ordinaire, le financement du réseau serait à la charge des collectivités publiques, et vous le savez, Monsieur Koechlin ! En zone de développement industriel, la charge financière peut être ventilée; des cessions de terrains peuvent être obtenues.

Ce sont les exécutifs de la Ville et de l'Etat qui sont les plus aptes à définir ce type d'appréciation sur l'opportunité des changements de zone, et non une fondation ou un autre organe, tout compétents qu'ils puissent être en matière d'aménagement.

2. Par le biais des PLQ, l'indice d'utilisation du sol pourrait être fixé en fonction de la volonté politique et non - comme pour les zones ordinaires - selon la possibilité maximale des règles de construction pour autant qu'elles soient appliquées !

C'est un acte politique du ressort du Conseil d'Etat et du Grand Conseil.

Un plan, qui redéfinirait librement les zones sur un tel périmètre, permettrait, pour une fois, d'assortir une zone de développement industriel des commodités nécessaires à un lieu de travail comme à un lieu de vie. Nous en avons suffisamment discuté quand nous avons évoqué le problème des zones industrielles.

Ce plan permettrait donc de sortir de la «monofonctionnalité» chronique attribuée aux zones industrielles.

3. Le Conseil d'Etat a une longue pratique - et c'est un euphémisme - des propriétaires agissant dans ce périmètre. D'autre part, une fois assurés d'une volonté politique claire, les services du DTP sont parfaitement compétents pour élaborer des projets solides et valables, répondant aux souhaits des collectivités.

Pourquoi vouloir déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et transmettre le paquet ailleurs ? A nos yeux, c'est une dérobade politique. Ce quartier a besoin d'une image où travailleurs et habitants, commerces de proximité et équipements publics, puissent trouver leur place. Nous disons que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont les compétences pour la dessiner.

La seconde demande de la pétition concerne le traitement régulier des pollutions à l'angle de l'avenue de France et de la rue de Lausanne. Cette demande nous semble également relever de la compétence du Conseil d'Etat et de l'administration, pour les raisons qui figurent dans notre rapport. Ce point ne pose aucun problème et peut donc aussi être renvoyé au Conseil d'Etat.

J'en viens au troisième point de la pétition. Il s'agit là d'un «objet sportif» que la majorité actuelle de ce Grand Conseil a cru pouvoir mettre à la porte et qui rentre maintenant par la fenêtre. Je ne referai pas ici la genèse, les débats, l'interprétation de tout ce qui s'est dit, écrit et chuchoté sur le dossier de Sécheron. Il n'en demeure pas moins que la demande des pétitionnaires est claire et dépourvue de toute équivoque. Des centaines de pétitionnaires veulent savoir, à bon droit, ce qui s'est passé dans l'affaire ABB-Sécheron, Noga Invest et autres.

C'est élu par le peuple que le Conseil d'Etat est intervenu, dès le début de cette affaire, avec un investissement certes constant mais dont les contours restent flous - pour le moins - à l'heure actuelle. Ce sont donc bien ceux qui siègent aujourd'hui au gouvernement qui ont agi et détiennent les réponses aux questions des pétitionnaires.

Si l'exécutif n'a pas mésusé de ses facultés, s'il n'a pas outrepassé les limites de son pouvoir, s'il a servi l'intérêt collectif avant de servir l'intérêt particulier, pourquoi refuserait-il de s'expliquer ? De décrire les mécanismes d'un échec autant urbanistique que politique ?

Concernant ce point, la majorité de la commission s'est également exercée à la pirouette. Eludant soigneusement la demande des citoyens, elle tente de détourner leur attention sur autre chose. C'est gentil, une fondation ! Ça ne mange pas de pain ! Parfois, c'est utile ! Ce n'est pas comme ces groupes de réflexion «bidon» créés pour les besoins de la cause ! Mais cela ne répond pas du tout à la demande d'explications des pétitionnaires !

Ce soir, nous disons notre conviction qu'aussi longtemps que le Conseil d'Etat n'aura pas répondu le dossier risquera de finir en rade, quelle que soit la volonté que l'on puisse mettre dans un nouveau plan d'urbanisme pour l'avenir du quartier de Sécheron.

Au nom de la minorité, Monsieur le président, je vous prie d'inviter le Grand Conseil à renvoyer cette pétition au gouvernement.

M. Bernard Lescaze (R). En tant que députés, nous ne pouvons qu'être surpris en entendant certains arguments invoqués par la rapporteuse de minorité. Si nous reprenons les termes exacts de la pétition, nous nous apercevons, non sans un certain amusement, que les pétitionnaires demandent impérativement et s'opposent absolument ! En vérité, cette pétition n'est pas une oeuvre constructive en faveur du quartier de Sécheron.

Ils veulent surtout savoir ce qui s'est passé dans un dossier qui n'a qu'un lointain rapport avec le problème essentiel posé par eux-mêmes et la majorité de la commission, à savoir celui du futur, car avec un projet de ce genre, il s'agit, effectivement, de se tourner vers l'avenir.

C'est écarter d'une manière assez légère la possibilité, non pas la nécessité, de créer une fondation qui ne brouillerait pas forcément les cartes. J'accorde à la rapporteuse de minorité que la fondation n'est sans doute pas la panacée dans la mesure où pourraient refuser d'y entrer ceux qui ont, actuellement, la maîtrise réelle du sol. La grande différence d'avec la fondation d'aménagement des Grottes est qu'en faisaient partie ceux qui avaient la maîtrise du sol.

Nous regrettons, par exemple, que l'on n'ait pas créé une fondation, à l'instar de celle des Grottes, pour l'aménagement du quartier de Saint-Gervais. Je crois qu'il ne faudrait pas écarter cette possibilité pour le quartier de Sécheron.

On nous dit encore qu'il s'agit d'une dérobade politique. Je ne crois pas que c'est le cas. Il appartient à la Ville et à l'Etat de prendre leurs responsabilités. Le rapport de majorité, de l'avis du groupe radical, y répond totalement.

Je rappelle que la Ville de Genève n'a pas été capable de dégager une image cohérente et unanime, ni dans les plans d'utilisation du sol ni dans l'approbation ou le rejet de plusieurs des PLQ préparés par le département des travaux publics pour ce quartier. Cela prouve que les habitants de Sécheron - et qui sont-ils ? - et ceux de la ville de Genève, ou leurs représentants, ne se sont pas mis d'accord.

Je m'étonne du rejet, par la rapporteuse de minorité, de la proposition qui consiste à informer régulièrement les habitants des démarches entreprises pour un aménagement progressif - ne nous faisons pas d'illusions, la situation économique ne permettra pas de grandes transformations au cours des prochaines années ! - et à les associer dans la mesure du possible. Alors que le parti que représente la rapporteuse ne cesse de réclamer davantage de démocratie de quartier, il nous paraît que les propositions de la motion vont dans ce sens.

Bien entendu, nous avons affaire à l'histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide ! La majorité estime que le verre est à moitié plein et qu'il suffit de s'en tenir là pour le moment. La minorité estime que le verre est à moitié vide.

Pour notre part, soucieux de l'avenir de Prieuré/Sécheron, quartier important de notre ville, nous préférons choisir le côté constructif et le verre à moitié plein.

M. Luc Gilly (AdG), rapporteur. Contrairement à M. Koechlin, rapporteur de majorité, et à M. Lescaze, porte-parole du groupe radical, je trouve cette pétition parfaitement cohérente. C'est un cri d'alarme lancé par les habitants de Prieuré/Sécheron.

Ce n'est pas la motion qui va éclairer les débats sur l'avenir de ce quartier, Monsieur Koechlin ! Vous avez dit vouloir préparer cette motion en «concertation avec les habitants pour remettre», je vous cite, «le projet d'aménagement en route». Vous n'avez rien fait de tel, puisque aucun contact avec les habitant n'a été pris, à moins que tous les signataires de la motion n'habitent le quartier, sauf M. Koechlin. Les résidants apprécieront ! Cela fait douter de la généreuse collaboration que M. Koechlin propose aux habitants pour la suite des événements.

Dans cette saga, il importe surtout que le Conseil d'Etat réponde au point 3 de la pétition, qu'il sorte de son mutisme à propos de ce dossier politico-financier plus opaque de jour en jour. L'affaire Sécheron/Noga Invest/BCG and Co n'a que trop duré, Monsieur Joye ! La population a le droit de savoir - pas seulement les habitants de Sécheron - et d'être informée au plus vite.

Que deviennent les millions avancés par la BCG ? La «Tribune de Genève» du 10 février 1995 rapportait les propos de M. Joël Herzog, administrateur de Noga Invest, je cite : «Nous avons des accords avec le Conseil d'Etat, à lui d'en parler !» et le journaliste de poursuivre : «Malheureusement, M. le conseiller d'Etat, Philippe Joye, n'a pas souhaité nous répondre et M. Vodoz est inatteignable». Quels sont ces accords, Monsieur Joye ? Ce n'est pas lors de son audition en commission que la conseillère Burnand nous a appris quelque chose, puisqu'elle a déclaré n'être ni pour ni contre, bien au contraire. Bref, on n'a rien appris sur ce dossier ! De plus, Monsieur Joye, votre absence en commission ne nous a pas aidés à voir plus clair dans ce délicat dossier. En saurons-nous un peu plus ce soir ?

Au point 2, les habitants de Prieuré/Sécheron demandent une station de mesures Ecotox. Il existe deux stations mobiles sur les dix existantes, et M. Landry ne s'oppose pas du tout à en installer une, pour une année au minimum, à l'endroit précisé par les pétitionnaires. Leur coût est de 20 000 F et non de 300 000 F, comme indiqué en commission. Le comptage des véhicules ne devrait pas poser de problèmes. Je rappelle que le dernier plan de charges date, à notre connaissance, de 1988. Entre-temps, la circulation a certainement beaucoup augmenté dans le secteur.

Je précise que les pétitionnaires ne s'opposent pas au tram 13, comme le laisse entendre le rapport de M. Koechlin. Ils ont simplement dit qu'un trolleybus serait moins bruyant et sa réalisation plus rapide.

Reste le point 1, à savoir le plan d'urbanisme. Nous pensons que si les points 2 et 3 sont résolus, ils fourniront des indications fiables sur les futures directives du plan d'urbanisme impérativement réclamé par les pétitionnaires. Ce plan exige une vision globale et non une politique de «saucissonnage» ! Il doit être accompagné d'une sérieuse étude d'impact et écarter la construction de parkings tous azimuts. Nous demandons qu'un soin particulier soit apporté au bien-être des habitants de ce quartier. Quid donc de l'utilisation de la zone industrielle, voulue et réclamée par la Ville ?

Avant de conclure, je voudrais ajouter ceci : nous ne pouvons accepter, Monsieur Koechlin, que ce dossier, aussi important pour la Ville que pour le canton, tombe dans les mains de la fondation voulue par votre motion. Cette fondation empêcherait tout regard démocratique de notre parlement et surtout du Conseil municipal sur ce dossier dont les énormes enjeux ne sont plus à citer.

Voilà les réflexions dont je voulais vous faire part. Nous vous demandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Notre groupe et la minorité rejettent la motion 1076 qui ne fera que compliquer un dossier déjà fort lourd et retarder les travaux d'aménagement que le quartier Prieuré/Sécheron mérite depuis longtemps.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je voudrais d'abord dire à Mme la rapporteuse de minorité qu'elle propose des solutions d'aménagement - déclassement, aménagement de voies, répartition d'activités, etc. - avant même qu'elles n'aient été étudiées ! Nous, nous demandons des études et, pour les mener à bien, un unique maître d'ouvrage.

Les autorités prendront des mesures clairement définies au préalable. Pour le moment, il n'en est rien. Or, pour définir ces mesures, il faut un seul et même organe.

Vous parlez de dérobade politique, mais c'est vous qui vous dérobez, Madame, en renvoyant une pétition au Conseil d'Etat, sans du tout vous préoccuper de savoir ce qu'il en fera ! Or vous savez ce que le Conseil d'Etat fait des pétitions : en général, cela se termine par des rapports au Grand Conseil ! Dites-moi quelle suite concrète ces rapports ont-ils jamais reçue ? Dites-le moi !

Pour ma part, je me préoccupe de la suite et de l'aménagement de ce quartier, et c'est pour cela que nous voulons créer l'organe exécutoire apte à nous garantir que cette suite aboutira, un jour, à la réalisation de projets concrets.

De plus, en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat, vous ignorez ce que le Conseil municipal et le Conseil administratif en feront à leur tour, puisqu'ils en sont saisis eux aussi.

Nous en serions à notre première tentative en matière de fondation que nous pourrions douter de son efficacité mais, dans ce domaine, nous sommes forts d'un certain nombre d'expériences, et savons qu'elles sont concluantes.

Pour ce qui est du dialogue avec les habitants, ce sont précisément ces fondations qui sont le mieux placées pour l'engager. Ce fut le cas aux Grottes, Monsieur Gilly. Je m'inscris donc en faux contre l'interprétation que vous donnez de mes propos en commission. Je n'ai jamais dit que nous, députés, allions collaborer avec les habitants du quartier pour rédiger une motion ! Voyons, Monsieur Gilly, vous rêvez ! J'ai parlé d'une collaboration entre les habitants du quartier et la fondation que nous appelions de nos voeux, un point c'est tout ! C'est la seule collaboration qui ait des chances d'aboutir à quelque chose de concret et de constructif.

Cette fondation aura un cahier des charges qui définira, précisément, la mission que nous lui confierons. Cela étant, nous pourrons espérer que ce quartier soit, un jour, aménagé de manière harmonieuse, selon les voeux des habitants, exprimés par les pétitionnaires.

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de majorité. Le rapporteur de majorité déclare être préoccupé par l'aménagement du quartier de Sécheron. Je vous crois volontiers, Monsieur Koechlin, puisque vous avez effectué une étude d'aménagement pour le compte de Noga Invest SA, propriétaire des terrains sur le plan formel. J'ignore si vous êtes toujours mandaté par cette société ou si vous espérez un nouveau mandat en vous déclarant préoccupé par l'aménagement du quartier. Toujours est-il que je me permets de considérer que vous n'étiez pas la personne indiquée pour rédiger le rapport de majorité, vu les liens que vous avez entretenus avec Noga Invest.

Je vous vois sourire, Monsieur Lescaze. Mais quand vous évoquez les intérêts des habitants et leur désir d'une bonne qualité de vie, vous savez de quoi vous parlez, puisque, dans votre propre quartier du Mervelet, vous avez pris la tête d'un référendum qui s'opposait à une très modeste opération d'urbanisation. Vous devriez, vu votre cadre de vie, être sensible à la préoccupation des habitants de Sécheron qui voudraient éviter, non pas la petite opération envisagée dans votre quartier, mais une monstrueuse transformation !

Monsieur Koechlin, vous connaissez beaucoup de choses, mais vous en énoncez parfois de fausses avec beaucoup d'aplomb. Votre référence à la fondation des Grottes est des plus malencontreuses. Je siégeais au Conseil municipal lors de sa création. Eu égard à votre âge, plus respectable que le mien, vous savez, Monsieur Koechlin, que cette fondation avait pour but d'exécuter la volonté conjointe du Conseil d'Etat et du Conseil administratif, à savoir raser complètement le quartier des Grottes pour ériger un énorme édifice en forme de croix gammée. C'était cela, la politique de la fondation, présidée à l'époque par M. Ducor, et ce n'est pas elle qui a viré à 180 degrés. Ce sont l'initiative populaire et l'action des habitants du quartier qui ont forcé les autorités à revoir leur position et à confier une nouvelle mission à la fondation. Cette mission ayant été déterminée, la fondation a fait du bon travail.

Je n'exclus pas, personnellement, le principe d'une fondation, mais dans le cas d'espèce, une fondation, vous le savez comme moi, ne fera rien tant que des décisions politiques n'auront pas été prises par les autorités compétentes que sont le Conseil municipal et le Grand Conseil.

Votre tentative de confier le dossier à un autre organe, pour des raisons que nous saisissons parfaitement, est vaine, parce que ces deux autorités-là n'admettront pas d'être dessaisies de leurs compétences. D'ailleurs, rien ne se fera tant que la situation n'aura pas été assainie.

La commission écarte les demandes de la pétition dont une des plus justifiées, à savoir l'installation d'une station de mesures. Même cela, vous ne l'acceptez pas !

L'autre demande a trait à la situation de Sécheron. C'est la moindre des choses que d'en être informés, mais cela ne suffit pas. Maintenant, il faut absolument que des mesures d'assainissement soient prises au niveau foncier, car rien ne se fera tant que la situation n'aura pas été épurée. Noga Invest a acheté ces terrains à un prix hautement spéculatif. Il est dommage que le Conseil d'Etat, à l'époque, ait accepté cette opération, aujourd'hui si lourde de conséquences. Les terrains étaient inconstructibles au prix où ils avaient été achetés; ils le sont d'autant plus aujourd'hui. Noga Invest les a acquis sans sortir un sou, grâce aux prêts consentis par les banques. A ce sujet, je vous recommande la lecture d'un article émanant des milieux de la construction et publié dans l'organe de la Fédération immobilière. Interviewé, un spécialiste d'une fiduciaire a très bien expliqué le mécanisme du financement bancaire de ces opérations spéculatives à la fin des années 80, les banques ne sachant plus que faire de l'argent dont elles regorgeaient. Je ne lis pas régulièrement la prose de la Fédération immobilière, mais je dois dire que celle-ci est excellente et fort évocatrice !

Depuis quelques années, Noga Invest n'a plus un centime. Aprofim n'est pas en mesure de payer régulièrement ses employés. Elle est lourdement obérée, et il serait bon de faire le point de ses dettes, à l'office des poursuites. On maintient ces sociétés artificiellement en vie, les banques ne voulant pas assainir la situation.

Cette situation est extrêmement grave. Il nous intéresse vivement de connaître la réponse du département des travaux publics pour savoir si c'est l'Etat - ce qui serait énorme ! - qui a pris le relais de Noga Invest et de M. Gaon pour payer la suite des études sur ces terrains, et cela au profit de Noga Invest. Voilà où nous en sommes !

Ne parlons même plus d'information, le minimum du minimum, quoique nous aimerions savoir, par exemple, si l'Etat a récupéré la parcelle qu'il avait cédée, bien légèrement, en droit de superficie à Noga Invest. On nous avait dit que Sécheron SA n'avait pas construit d'usine fantomatique et que Noga Invest refusait de restituer ce terrain.

Où en est-on aujourd'hui ? J'ai constaté que le terrain était occupé par des voitures, j'ignore qui encaisse les loyers. L'ancien bâtiment qui devait être démoli ne l'est qu'à moitié. Bref, tout cela est pitoyable. L'Etat a-t-il au moins récupéré le terrain dont il est resté miraculeusement propriétaire, bien que l'ayant cédé en droit de superficie à Noga Invest ?

Un certain nombre de bâtiments sis sur ces terrains peuvent être réutilisés. D'ailleurs, M. Gaon, recourant à ses vantardises habituelles, avait déclaré devant le Conseil municipal : «Bof ! cela m'est égal si mon projet n'aboutit pas. J'utiliserai les bâtiments actuels.» Ces bâtiments ont, effectivement, une certaine valeur et pourraient être réemployés.

Aujourd'hui, il nous faut traiter la situation tout différemment. Monsieur Koechlin, et vous en êtes conscient, ce n'est pas votre pseudo fondation qui va faire quoi que ce soit, ni même le Conseil d'Etat. Ce sont les banques qui détiennent la clé de la solution et qui doivent prendre des mesures de transparence financière, quitte à faire mal à leur bilan. A mon avis, les tromperies, sur le plan financier, frisent actuellement le pénal. Les banques doivent prendre leurs responsabilités et assumer le «bouillon», comme elles l'ont fait dans d'autres cas !

Mme Alexandra Gobet (S), rapporteuse de minorité. J'ai pris acte de ce que pense le rapporteur de majorité quant aux aptitudes du Conseil d'Etat à mettre en oeuvre des plans d'aménagement. Je lui laisse la responsabilité de ses affirmations. Naïvement, je pensais que le gouvernement était encore en mesure de faire un plan d'aménagement, si on le lui demandait !

Quant à la fondation, je m'efforcerai d'être précise pour en démontrer l'inutilité. Une fondation doit avoir le pouvoir et pas seulement un cahier des charges. Or le pouvoir sur ces parcelles - même M. Lescaze l'a dit - est en main de propriétaires privés. C'est un obstacle majeur à l'efficacité d'une fondation. Alors lancez un concours d'architecture et dites que c'est pour la beauté du geste ! Quitte à me répéter, j'affirme qu'une fondation, pour être efficace, doit avoir le pouvoir sur les terrains. Il lui faut aussi des moyens. Qui les fournira à cette fondation ? Les collectivités publiques ? Estimons-nous n'avoir pas assez donné, politiquement ? Devons-nous accorder une rallonge financière pour satisfaire à votre petit dada ? La minorité refusera de donner un seul centime pour financer une fondation ayant pour but d'éluder la demande de la pétition.

Une fondation, toujours pour être efficace, doit avoir un projet politique. Or le projet politique se dessine ici et nulle part ailleurs ! Vous auriez beau réunir les meilleurs professionnels de la construction au sein d'une fondation, cette dernière ne pourra rien faire sans argent et sans pouvoir. C'est pourquoi cette proposition de fondation est un leurre.

J'aimerais aussi entendre la majorité en ce qui concerne la troisième demande de la pétition. Une fois de plus, vous passez dessus comme chat sur braise. Si le dossier est bloqué aujourd'hui, c'est en partie à cause de l'inaction des racheteurs de ABB-Sécheron et de l'imbroglio politico-financier de cette affaire. Sans parler des CFF qui ont fini par mettre une sourdine à leurs nombreux projets.

Je voudrais quand même que vous répondiez à la demande d'éclaircissements des pétitionnaires concernant la «paralysie» de leur quartier. Vous ne dites rien et c'est bien dommage ! Pour quelle raison le Conseil d'Etat ne répond-il pas ? Je tiens également à l'entendre !

M. Luc Gilly (AdG). Il va sans dire que j'appuie les propos de Mme Gobet et de M. Grobet.

J'invite M. Koechlin à relire les procès-verbaux dressés en commission, lors du débat sur la pétition 1073. Il a proposé de rédiger la motion en concertation avec les habitants. Il n'en a rien fait, et il le sait bien !

M. Michel Ducret (R). De nombreuses études ont été faites sur ce site de Sécheron. Elles n'ont pas abouti. Cette friche urbaine subsiste, alors qu'elle reste un site intéressant sur le plan industriel, sur celui d'activités plus générales et d'autres aménagements complémentaires.

C'est un projet politique honorable que de refuser que cette situation perdure !

Certes, des problèmes ont surgi entre la Ville, l'Etat et les propriétaires, mais ils doivent être résolus. Or je n'ai jamais entendu que l'on puisse modifier des affectations de zone, Madame Gobet, avant d'avoir étudié le problème, surtout lorsqu'on souhaite - et mon parti la souhaite aussi - une «multifonctionnalité» sur le site.

C'est dans un souci de concertation avec la Ville de Genève - dont la volonté de maintenir des activités sur son territoire ressort du désir légitime de s'assurer des revenus fiscaux suffisants - que nous suggérons la création d'une fondation pour gérer ce problème relativement complexe.

Vous savez que les activités d'aujourd'hui et de demain ne sont plus celles qui nécessitaient des implantations du type «monofonctionnel», donc une zone industrielle «pure et dure» telle que nous la connaissons à Sécheron.

Il nous faut aller de l'avant en réunissant autour d'une même table les différents acteurs intéressés au devenir de ce quartier. Il ne s'agit pas d'inviter exclusivement les représentants du monde politique, du canton et de la Ville, mais d'y convier aussi les représentants des propriétaires privés du secteur. Je ne vois pas en quoi cette suggestion serait émise pour détourner le débat, puisqu'une fondation ne pourra que faire des propositions aux autorités politiques, au Grand Conseil et au Conseil municipal. C'est à ce moment seulement que des décisions politiques pourront être prises sur la base d'études sérieuses.

A mon sens, cette fondation pourrait gérer, outre l'aménagement de cette zone, les réalisations qui pourraient s'y faire, à l'image des sociétés d'économie mixte françaises. Ce serait une forme nouvelle de gestion des zones de ce type à aménager dans notre canton.

Quant à la pétition fourre-tout - à l'origine de tous les refus de changements, traversée de la rade et autres - elle présente au moins l'avantage de demander un plan d'urbanisme. Cela nous paraît plus ambitieux, plus porteur d'avenir, que d'installer une station de mesures de la pollution ou de nommer une commission d'enquête. C'est le sens de notre motion, ce sera celui de notre vote de ce soir.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je ne reviendrai pas sur la tentative de coup bas de M. le député Grobet à propos de mes mandats. Il y a huit ans, j'ai effectivement fonctionné en qualité de conseil dans le quartier, cela pendant une année. J'affirme n'avoir reçu aucun mandat depuis et n'en attendre aucun à Sécheron.

En revanche, Monsieur Grobet, je vous sais friand, en tant qu'avocat, de mandats émanant d'associations de quartier et autres groupements d'habitants. J'espère, cependant, que vous ne comptez pas uniquement sur eux pour vivre...

Cette question étant évacuée, je dirai à Mme la rapporteuse de minorité que si l'on ne donne à une fondation ni pouvoir ni moyens elle risque fort d'être peu efficace. Aux Grottes, la fondation a été dotée de pouvoir et de moyens et, pour commencer, ceux de maîtriser le sol. Ce fut sa première mission, et elle l'a menée à terme avec succès. Les Grottes se trouvaient dans la même situation que Sécheron, avec un terrain majoritairement en mains privées. Il a fallu que la fondation acquière une quantité de terrains pour pouvoir réaliser le quartier tel qu'il est aujourd'hui. (L'orateur est interpellé par un député.) Monsieur, vous connaissez bien mal le cas des Grottes ! J'ai encore sous les yeux le découpage des propriétés publiques et des propriétés privées au moment où la fondation a été créée. Je puis vous assurer que le travail essentiel de M. Ducor, pendant les premières années, a été d'acquérir les terrains manquants, pour que l'on puisse enfin faire quelque chose de valable dans ce quartier. Par conséquent, ce type de mission pourrait parfaitement être confié à la fondation que nous appelons de nos voeux.

Vous parliez des banques. Nommez-moi l'interlocuteur des banques pour ce quartier ! Il n'existe pas ! Ce n'est pas l'Etat, pas la Ville, pas un privé quelconque : il n'y en a simplement pas ! C'est le vide total. Or, nous désirons «créer» cet interlocuteur qui, chaque fois qu'il s'agit de nos autorités, d'où qu'elles soient, se dérobe non seulement face aux banques et aux propriétaires, mais aussi au nom des habitants qui attendent d'avoir quelqu'un en face d'eux, avec qui ils puissent s'entretenir, quelqu'un qui tienne les promesses qu'il pourrait formuler.

M. Dominique Hausser (S). Je constate qu'au terme de quelque cinquante minutes de débat M. Koechlin exprime, à haute et intelligible voix, le rôle qu'il attribue à la fondation qu'il entend créer : celui d'acheter des terrains !

La première fois que j'ai entendu M. Koechlin, ce n'était pas à la commission de l'aménagement, mais à la commission des travaux. Le plan de la zone de Prieuré/Sécheron y était affiché. En le voyant, M. Koechlin s'est exclamé : «Ah ! pour résoudre ce problème, il faut créer une fondation.». Puis nous avons parlé d'autre chose. Il avait tenté d'expliquer que cette fondation aurait le rôle de celle du quartier des Grottes. Je suis désolé, l'histoire du quartier de Sécheron n'est pas celle de celui des Grottes. S'il est vrai que le développement des Grottes a connu des débuts chaotiques, je ne suis pas certain qu'à l'origine la fondation avait pour but d'aménager ce quartier dans l'intérêt de ses habitants. M. Grobet l'a dit tout à l'heure.

A l'ouverture des débats, M. Koechlin a dit qu'il fallait associer les habitants et rechercher leur collaboration. Or la troisième invite de la motion précise : «On doit les y associer dans la mesure du possible.»

M. Christian Grobet. Comme pour la rédaction de la motion !

M. Dominique Hausser. C'est une perversion du texte et du discours, puisque la formule «dans la mesure du possible» sous-entend que chaque fois que cela sera possible on n'associera pas les habitants.

J'entends maintenant soulever le troisième argument défendu ici par la plupart des membres de la majorité, à savoir l'étude des problèmes avant toute prise de décision politique ou technique. Vous vous moquez de nous ! Les problèmes du quartier sont connus et la solution, ne serait-ce que pour commencer à y remédier, est aussi connue : il faut assainir cette situation pourrie par l'imbroglio politico-financier cité tout à l'heure.

D'évidence, c'est ce que nous devons faire. Le parlement doit donner ce signal, et pour le donner, il doit renvoyer la pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il réponde, en particulier, à la demande de transparence complète sur le dossier, ainsi qu'à la demande d'un plan d'urbanisme, en prenant les mesures nécessaires et en amenant les banques à ne plus faire de profit sur une société qui est déjà quasiment morte.

M. Pierre Meyll (AdG). En tant qu'ancien habitant des Grottes, je me souviens que, lors de la création de la FAG, beaucoup de problèmes étaient pendants à cause de terrains voués à la spéculation. De grands tracés d'urbanisme inséraient le quartier, que l'on voulait raser complètement, dans un triangle délimité par Fort-Barreau, la rue de la Servette et les voies CFF.

La FAG était intervenue dans ce sens, notamment en prenant position lors d'une votation populaire, ce qui était contraire à la démocratie, la FAG émanant de l'Etat. Et c'est à l'issue de nombreux débats contradictoires que l'APPAS fut fondée. L'APPAS ou Association populaire pour l'aménagement des Grottes était, elle, d'expression véritablement populaire. Je me rappelle encore les débats contradictoires qui ont eu lieu. Je me souviens que M. Segond - c'est bien dommage qu'il soit parti ! - avait participé à l'un d'eux. La FAG n'a pu agir face à l'opposition populaire qui s'était manifestée.

Par conséquent, Monsieur Koechlin, une fondation en la matière reviendrait à réitérer, quoique différemment, ce que nous avons connu aux Grottes. Je reste donc persuadé qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le projet des Grottes était un mauvais projet. Je l'avais dit à mon parti présidé, à l'époque, par M. Milleret.

La situation de Sécheron/Prieuré est différente. Nous avons affaire à une loi que nous avons votée et selon laquelle nous avons accepté des échanges de terrains, du droit de superficie, etc., au prix de 6 000 F le m2 pour la parcelle du Foyer et au prix de 1 850 F le m2 pour la grande parcelle.

Le problème est d'ordre financier. Contrairement à ce qu'affirment certains, l'interlocuteur des banques existe : c'est une délégation du Conseil d'Etat. Nous avons rencontré dix fois, au moins, les représentants des banques. Il est difficile de trouver quelqu'un qui accepte d'assumer cette affaire.

Pourquoi ces dizaines de plans de quartier qui n'ont jamais abouti ? Parce qu'au départ des prix de 6 000 et 1 850 F précités, tout projet de rentabilité exagérée du terrain était vain et que les oppositions, les aller et retour entre la Ville et l'Etat, entre les promoteurs et leurs architectes, furent innombrables.

Notre dialogue avec les banques engagées - la BCG à raison de 46%, le Crédit Suisse et l'UBS à raison de 27% chacun - consiste à leur dire que l'endettement de cette parcelle est de 300 millions, soit 80 millions peut-être empruntés bien que libellés «fonds propres», 50 millions d'intérêts et le solde en capital. C'est tout simplement insupportable !

Le montant que nous estimons pour une solution financièrement viable est de l'ordre de 70 à 80 millions.

Le propriétaire du terrain - il l'est toujours, juridiquement parlant, bien qu'ayant des démêlés avec la justice - doit entamer des négociations avec les banques, négociations qui iront plus loin que celles portant sur les terrains de Sécheron et du Prieuré. A leur tour, les banques devront accepter nos propositions qui, elles, seront extrêmement arrêtées.

Pour repartir d'un bon pied dans cette affaire, nous devons, comme nous le disons en architecture, «faire terrain propre». Si la question du terrain n'est pas réglée, la meilleure des fondations ne pourra rien faire. Personnellement, j'espère obtenir un résultat avant le mois de décembre.

Nous avons des contacts avec le Conseil administratif de la Ville de Genève. J'ai en main une lettre au Conseil administratif, datant de fin juillet et répondant à un courrier de Mme Burnand. Elle propose de contribuer au règlement rapide du dossier en mettant sur pied un groupe de travail Etat/Ville. Au stade où nous en sommes, il est difficile de créer un groupe Etat/Ville et de propriétaires autrement que sous l'égide des organes politiques, les nombreuses décisions à prendre étant de nature essentiellement politique. Ces décisions concerneront le Grand Conseil et le Conseil municipal.

Nous avons ébauché notre propre organisation de travail en commun. Mais le préalable indispensable est l'accord entre les banques et le propriétaire.

Quelques problèmes annexes, concernant cette parcelle, sont encore en suspens. Nous avons récupéré le droit de superficie, ce qui rassurera M. Grobet, et nous avons effectivement placé des voitures sur le terrain. Nous prêtons ces voitures à l'OMC en vertu des accords que nous avons signés avec cette organisation qui exigeait un parking à «walking distance».

Nous avons renoncé à l'implantation d'un parking en sous-sol à proximité de l'usine existante. Nous la ferons en sous-sol, sur une surface de l'Etat, conformément à l'autorisation de l'OMC de changer l'emplacement initialement convenu contractuellement. Nonobstant l'opposition de la pétition «à tout projet d'implantation de nouveaux parkings destinés à gonfler davantage le trafic pendulaire», une servitude contractuelle existe concernant le parking de l'OMC.

Notre département et la Ville de Genève n'ont plus de prise sur le problème posé par le plan localisé de quartier pour la Maison de l'Europe, sise sur la parcelle du Foyer. Ce plan est pendant devant les tribunaux, les oppositions se sont manifestées, les recours vont être examinés au niveau intermédiaire; d'autres seront peut-être déposés.

Je reviendrai sur la contribution de 50 000 F de l'Etat pour terminer un travail que le maître d'ouvrage, comme l'a dit M. Grobet, n'était pas en mesure de payer. Il fallait absolument modifier les corrections déjà nécessitées par le gabarit, et qui ont fait précisément l'objet du recours. Ce montant est infime par rapport à celui des honoraires concernés.

J'en viens à la conservation des édifices. Le bâtiment administratif a belle allure, et il n'est pas exclu que le groupe Etat/Ville déclare qu'il mérite d'être conservé.

La notion de zone touche essentiellement la problématique des PUS. L'incertitude, en matière d'affectation des bâtiments, est si grande à Genève, et en Suisse en général, qu'il nous est difficile de promettre la création d'une zone industrielle de 12%, d'une zone d'habitation de 13%, d'une zone commerciale de 5%, etc. Il faut introduire la notion des PUS, telle que pratiquée dans la plupart des villes suisses, c'est-à-dire disposer d'une fourchette indiquant un minimum, quitte à l'infléchir quelque peu. Par exemple, il faut pouvoir adapter les PUS si un acquéreur veut prendre le risque de construire. La fondation que vous proposez ne pourra pas résoudre ce problème, en tout cas pas en l'état. Comme l'a dit un député, un programme d'intentions urbanistiques claires doit être établi pour que cette fondation voie le jour. Mais c'est aux politiques de décider s'ils sont d'accord ou non d'entrer dans ce genre de discussions.

La pétition demande «un plan d'urbanisme pour l'ensemble de la zone qui tienne pleinement compte des intérêts des habitants, des enfants et des jeunes des différentes écoles». Je ne puis m'y opposer et, à la limite, ce serait un pléonasme, car un PLQ doit précisément tenir compte de ces éléments. Je ne vois également pas d'objection à l'installation d'une station de mesures Ecotox. Croyez-moi sur parole et évitez de renvoyer la pétition au Conseil d'Etat !

Pour ce qui est de la transparence complète sur le dossier Sécheron/Noga, accordez-moi, je vous prie, un délai pour vous communiquer les résultats de la négociation sur le plan foncier. Actuellement, nous discutons avec un acquéreur potentiel qui serait d'accord de reprendre la totalité, mais pas au niveau des engagements bancaires. Je vous demande de patienter quelque peu, le temps que nous ayons réglé la question foncière.

S'opposer à «tout projet de nature à dégrader encore les conditions de vie dans le quartier» est tout à fait normal. On peut prétendre que la Maison de l'Europe dégrade les conditions de vie dans le quartier, mais je ne suis pas de cet avis, et c'est aux conseils qu'il appartient de réagir. Je répète que nous sommes obligés de construire le parking de l'OMC. Ce problème ne se serait pas posé si la traversée de la rade avait été acceptée, mais comme vous n'en avez pas voulu...

La motion entend promouvoir, en collaboration avec la Ville de Genève, l'aménagement coordonné du quartier en question. C'est exactement ce que je vous propose. Pour ma part, j'aurais remplacé le texte de la deuxième invite «à constituer l'organe qui - à l'instar de la FAG aux Grottes...» par «...à laisser la Ville et l'Etat proposer l'organisation ultérieure, une fois le programme de base défini, et à informer régulièrement le Grand Conseil et les habitants de l'état d'avancement des travaux».

Voilà ce que j'avais à dire à ce sujet.

M. Christian Grobet (AdG). Nous avons écouté les déclarations de M. le conseiller d'Etat Joye avec beaucoup d'intérêt. Elles nous ont partiellement rassurés, en tout cas par rapport aux propos tenus par la majorité de la commission. Nous sommes heureux que M. Joye ait remis l'église au milieu du village en rappelant que le premier problème à résoudre est celui du prix des terrains.

Monsieur Joye, vous avez fourni une indication intéressante en relevant que la valeur de ces terrains, pour réaliser une opération ayant des chances de réussir, ne devrait pas dépasser 70 à 80 millions de francs.

J'aimerais quand même rappeler ce secret de polichinelle : le montant de 80 millions était exactement le maximum considéré comme admissible par l'ancien conseiller d'Etat Robert Ducret dans le cadre d'une transaction financière portant sur les terrains de Sécheron. Huit ans plus tard, justice est rendue à ceux qui avaient refusé que l'on double la mise. Dans les faits, les terrains n'ont pas été vendus à 80 millions, mais en tout cas à 165 millions ! La vérité sera peut-être connue un jour !

Vous faites prudemment allusion, Monsieur Joye, à un montant de 80 millions de fonds propre, et promettez de tenir le Grand Conseil au courant - ce qui est naturel - de l'évolution de ce dossier qui a suscité beaucoup d'interrogations dans la population. La nature exacte de ces 80 millions de fonds propres sera donc définie dans votre rapport. Votre hypothèse qu'ils émanent d'un prêt sera certainement la bonne. En effet, je suis convaincu que non seulement Noga Invest n'a pas mis un sou sur la table mais a réussi le tour de force de se faire prêter un montant supérieur à celui nécessaire à l'achat des terrains. C'était l'époque où les banques prêtaient à 120%, et, dans cette affaire, je doute que cette pratique ait été abandonnée !

Nous notons avec satisfaction que vous ferez installer une station de mesures Ecotox dans le quartier. Cela justifie, à mon sens, que la pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat. Vous pourrez ainsi faire votre rapport et nous rendre compte des résultats des négociations avec les banques, puisque, comme vous l'avez fort justement dit, rien ne se fera tant que la situation financière n'aurait pas été assainie et que ceux qui ont spéculé rendent gorge pour que l'on puisse enfin faire quelque chose de ces terrains.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Ce que j'ai dit à propos des fonds propres était en rapport avec ce qui se faisait à l'époque et qui ne se fait plus aujourd'hui. M. Ducret avait une juste vision des choses, mais il aura fallu une crise économique sans précédent pour que les gens raisonnent différemment.

Quel que soit le lieu où se trouvent les fonds, il faut savoir qu'ils ont été perdus en grande partie et que la punition que vous semblez demander s'appliquera d'elle-même. Ceux qui ont voulu faire une opération rentable dans cette affaire en sont pour leurs frais !

P 1073-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission d'aménagement du canton (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 1076

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

concernant l'aménagement du quartier de Sécheron-Prieuré

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la pétition 1073 concernant le secteur Sécheron-Prieuré, déposée le 7 juin 1995 par les habitants;

- la progressive désaffectation dont le quartier et plus particulièrement sa zone industrielle sont l'objet;

- les nuisances que subit ce dernier;

- les incertitudes qui pèsent sur le caractère et la destinée des activités à cet endroit, qu'elles soient liées ou non à une entreprise ou à un projet d'implantation;

- l'urgence que revêt la nécessité de trouver une solution à l'ensemble des problèmes qui se posent dans ce secteurs, du fait qu'il est habité, que ses habitants sont insatisfaits et que de nombreux et précieux terrains sont en friche,

invite le Conseil d'Etat

- à promouvoir, en collaboration avec la ville de Genève, l'aménagement coordonné du quartier en question;

- à constituer l'organe qui - à l'instar de la FAG aux Grottes - réunisse les compétences et les moyens de promouvoir l'urbanisation de tout le secteur dans un périmètre à définir,

- à informer régulièrement les habitants des démarches qui sont entreprises et à les y associer dans la mesure du possible.

L'argumentation contenue dans le rapport de majorité de la commission d'aménagement chargée d'étudier la pétition 1073 susmentionnée, offre les explications qui justifient la présente motion. Elle tient lieu d'exposé des motifs.

 

La séance est levée à 19 h 10.