Séance du jeudi 19 septembre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 10e session - 36e séance

M 1022-A
8. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de la commission LCI concernant l'assainissement des ascenseurs et monte-charge. ( -)  M1022
Mémorial 1995 : Développée, 5694. Adoptée, 5698.

Lors de sa séance du 12 octobre 1995, le Grand Conseil a adopté la motion 1022, dont la teneur est la suivante:

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- les dramatiques accidents survenus récemment dans les ascenseurs;

- le projet de loi 7283 de MM. Pierre Vanek, René Ecuyer et Christian Ferrazino,

invite le Conseil d'Etat

- à conduire, par voie réglementaire comme le lui impose l'article 151 LCI, un programme d'assainissement rapide et réaliste des ascenseurs qui ne répondent pas aux exigences du règlement concernant les ascenseurs et monte-charge, du 22 septembre 1961 (L 5 5) ;

- à présenter dans les 6 mois un rapport au Grand Conseil sur les mesures qui ont été effectivement prises et le calendrier du programme d'assainissement.

Préalablement, il est rappelé que le projet de loi 7283, modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 (ci-après LCI), sur la question des ascenseurs et monte-charge, a été déposé le 28 août 1995 au Grand Conseil.

Ce projet de loi a été examiné par la commission LCI lors de sa séance du 5 octobre 1995.

Considérant en substance qu'il y avait urgence à limiter les risques d'accidents dans les ascenseurs, vu les événements dramatiques survenus lors des derniers mois, d'une part et, d'autre part, qu'une modification de la LCI n'était pas la solution la plus appropriée, la commission a proposé de transformer ce projet de loi en motion.

Cette proposition a été acceptée par le Grand Conseil lors de sa séance du 12 octobre 1995.

Donnant ainsi suite à cette motion, le Conseil d'Etat expose ce qui suit:

Le 30 juin 1995, un accident s'est produit dans l'ascenseur d'un immeuble situé avenue de Feuillasse, à Meyrin.

A la suite d'une glissade en patins à roulettes, lesquels ont brisé un vitrage d'une des portes palières de l'ascenseur, un enfant a eu le pied arraché par ledit vitrage.

Ce tragique accident est dû principalement au fait que l'immeuble en cause était équipé d'un ascenseur dit «à face lisse», c'est-à-dire sans porte de cabine.

Dans ce cas, comme dans d'autres accidents dénombrés ces dernières années, il a été constaté que le vitrage des portes palières des ascenseurs en cause, installé conformément à la réglementation de l'époque, ne répondait plus aux exigences actuelles.

Cela étant, un assainissement généralisé des ascenseurs sans porte de cabine n'était toutefois pas possible en l'état de la réglementation, les propriétaires d'installations existantes n'étant tenus de faire adapter ces dernières au règlement que si:

a) par sa vétusté, une installation n'offrait plus la sécurité requise;

b) un accident était dû au fait que l'installation ne répondait pas au règlement;

c) une transformation importante était apportée à l'installation.

Considérant dès lors qu'une telle situation n'était absolument pas satisfaisante et qu'il y avait lieu d'agir, et agir rapidement de surcroît, diverses mesures concrètes ont été immédiatement mises en oeuvre.

Ainsi, dès le mois de juillet 1995, le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après: DTPE) a procédé à une information très large, auprès des régies, agences immobilières et propriétaires d'immeubles, sur les dangers que présentaient les ascenseurs sans porte de cabine. Par la même occasion, il les invitait - à défaut de pouvoir ordonner - à prendre notamment les mesures d'assainissement nécessaires.

Deux nouveaux accidents d'ascenseurs étant malheureusement survenus dans le courant du mois d'août 1995, le DTPE s'est à nouveau adressé, en date du 4 septembre 1995, aux gérants et propriétaires d'immeubles afin non seulement de leur rappeler la teneur de son information antérieure, mais en leur demandant également d'afficher immédiatement des avis à l'attention des enfants et de leurs parents, les informant des dangers liés à l'utilisation de ce type d'ascenseur et leur interdisant l'accès en patins à roulettes.

Parallèlement à ces diffusions répétées d'informations, le DTPE a engagé une étude visant à modifier le règlement sur les ascenseurs, qui ne lui permettait pas en l'état - rappelons-le - d'exiger formellement des propriétaires d'immeubles qu'ils procèdent à un assainissement des installations en cause.

Cette étude ayant été rapidement menée à bien et compte tenu de la volonté du Grand Conseil, le Conseil d'Etat a adopté le 25 octobre 1995 une disposition réglementaire nouvelle, soit l'article 66A du règlement concernant les ascenseurs et monte-charge.

En substance, cette disposition réglementaire contraint désormais les propriétaires d'immeubles à modifier, dans un délai de 2 ans à compter du 2 novembre 1995, date d'entrée en vigueur de la nouvelle disposition, les regards et attiques de portes palières présentant un danger et, dans un délai de 5 ans, de faire installer des portes de cabine à tous les ascenseurs à face lisse.

L'introduction de cette disposition a par ailleurs été accompagnée d'une campagne d'information auprès des divers milieux immobiliers et auprès des constructeurs d'ascenseurs. Des directives ont été également émises par le DTPE sur les plans technique et administratif afin de faciliter la mise en oeuvre des conditions fixées par la nouvelle disposition.

Enfin, le DTPE a invité les gérants et propriétaires d'immeubles ainsi que les fabricants d'ascenseurs à procéder aux travaux d'assainissement désormais imposés par la réglementation, en respectant un ordre de priorité déterminé en fonction du degré de danger présenté par chaque type d'installation, qui est le suivant:

1. cabines d'ascenseurs sans dispositif de sécurité anti-coincement;

2. portes palières d'ascenseurs à petits et grands vitrages en verre ordinaire ou armé;

3. ascenseurs munis de faces intérieures frontales en verre ordinaire ou armé;

4. cabines d'ascenseurs munies d'un garde-pieds rétractile;

5. cabines d'ascenseurs munies d'une liste de sécurité pneumatique;

6. cabines d'ascenseurs munies d'une liste de sécurité à clapet métallique;

7. ascenseurs à grande vitesse ascensionnelle (>1,0 m/s);

8. ascenseurs se déplaçant le long de faces intérieures frontales à protubérances.

Aujourd'hui, le DTPE commence à enregistrer les premières modifications d'installations suite à l'adoption de l'article 66A nouveau du règlement sur les ascenseurs et monte-charge.

Tels sont les mesures effectivement prises par le Conseil d'Etat et le calendrier du programme d'assainissement prévu suite à l'adoption de la motion 1022.

Débat

M. Pierre Vanek (AdG). Ce rapport découle du dépôt d'une motion, elle-même issue des considérants d'un projet de loi que nous avions déposé, certains collègues de l'Alliance de gauche et moi-même, à la suite d'une série d'accidents survenus - ils surviennent toujours ! - dans des ascenseurs.

Cette motion invitait le Conseil d'Etat à conduire par voie réglementaire, selon l'article 151 de la LCI, un programme d'assainissement rapide et réaliste des ascenseurs ne répondant pas aux exigences légales.

Or, dans son rapport, le Conseil d'Etat nous répond avoir adopté un règlement imposant l'installation, dans un délai de cinq ans, de portes de cabine pour tous les ascenseurs à face lisse. Cette mesure devant être prise de toute évidence, le délai de cinq ans me semble excessivement long.

Si je ne fais erreur, cette disposition a été introduite il y a près d'une année. Combien d'installations ont-elles été assainies depuis ?

La longueur de ce délai ne peut qu'inciter les propriétaires à attendre son échéance pour procéder à l'assainissement de leurs installations.

Cet été encore, de graves accidents se sont produits. Alors pourquoi un tel délai ?

C'est un accident survenu dans la cité où j'habite qui m'a conduit à proposer un projet de loi. Récemment, des portes inférieures ont été posées sur l'ascenseur de mon immeuble. Cette installation ayant été réalisée en un jour par un technicien, j'en conclus que la masse globale de travail est relativement modeste. Même s'il y a cinq à six mille ascenseurs à assainir, à raison de deux jours par modification, cela donne approximativement du travail à une quarantaine de personnes pendant un an ou à une vingtaine pendant deux ans. A mon sens, cela ne nécessite pas cinq ans d'attente.

Le rapport du Conseil d'Etat ne nous satisfait donc pas. Il y aurait lieu, à mon avis, de revenir à une disposition légale du type de celle que nous avions proposée, il est vrai dans l'urgence, et qui fixait un délai de six mois. Nous pourrions entrer en matière sur un délai d'une année. Des dérogations pourraient être accordées aux propriétaires qui n'auraient pu accomplir les transformations dans le délai prescrit, à cause d'entreprises débordées.

Nous devons aller dans ce sens et ne pas nous contenter du rapport du Conseil d'Etat.

Encore une fois, ce délai de cinq ans est beaucoup trop long et ne peut qu'inciter les propriétaires à retarder les mesures qui s'imposent pour éviter les accidents graves qui ne manqueront pas de se produire.

Le président. Votre conclusion, Monsieur Vanek ?

M. Pierre Vanek. Ma conclusion est que je ne suis pas du tout content du rapport du Conseil d'Etat. Par conséquent, nous déposerons sans doute une nouvelle mouture de notre projet initial, et la logique veut que nous renvoyions ce rapport au Conseil d'Etat.

Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Le 18 juin dernier, un petit garçon de quatre ans, ayant voulu rattraper son ballon, a eu un bras entier et son autre main entièrement arrachés. Il se trouvait avec sa soeur aînée dans la cabine d'un ascenseur dépourvu de porte intérieure. Dernièrement, un autre enfant a été mutilé. Cet effroyable accident est le quatrième en moins d'une année. Nous nous devons de réagir !

Si nous nous réjouissons de l'article 66 A du règlement sur les ascenseurs et monte-charge contraignant les propriétaires d'immeubles à faire installer des portes de cabine sur tous les ascenseurs à face lisse, nous regrettons que le délai d'application soit de cinq ans.

Si l'on se réfère aux quatre accidents qui ont eu lieu d'août 1995 à ce jour, cinq ans correspondent à vingt accidents.

Comme demandé, ce programme d'assainissement doit être rapide et réaliste. Nous sommes persuadés que les fabricants d'ascenseurs ont avantage à entreprendre ces travaux au plus vite. Ils peuvent ainsi obtenir des contrats et, par-là même, sauvegarder ou créer des emplois.

La sécurité des usagers, en particulier celle des enfants, doit être une priorité.

Ce rapport nous indique que le département des travaux publics commence, au terme de huit mois, à enregistrer les premières modifications. Mais si les propriétaires n'entreprennent que maintenant ces assainissements, pas grand-chose n'aura été fait à échéance du délai de cinq ans, soit en l'an 2000.

Combien d'accidents surviendront durant les quatre années à venir ? Afin d'éviter d'autres drames, les socialistes vous demandent de réduire ce délai.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je ne reviendrai pas sur l'intervention de ma collègue qui rejoint ma préoccupation.

Je voudrais suggérer au Conseil d'Etat de suivre la voie tracée par l'association Pro Juventute qui a fait paraître, cet été, des petits cartons à apposer sur les ascenseurs non équipés de portes intérieures pour en signaler les dangers. Il y est mentionné : «ascenseur non conforme et dangereux».

Je voudrais que cette information soit diffusée partout où ce genre d'ascenseurs existent, y compris dans les bâtiments publics. Elle mettra en garde les enfants qui les utilisent.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je suis de l'avis des personnes qui viennent de s'exprimer, mais je dois vous livrer quelques explications :

1. Cinq mille cinq cents installations sont concernées. A ma première proposition, les régies et compagnies d'ascenseurs ont répondu qu'il leur était impossible de faire tout le travail durant le délai de quatre ans que j'avais prévu, et elles m'ont demandé un délai de cinq ans.

2. Dans mes prescriptions à tous les régisseurs, Madame Deuber-Pauli, j'ai demandé la pose d'autocollants. Cela n'a été fait que très partiellement, ces autocollants étant, paraît-il, régulièrement arrachés.

3. Je me suis enquis, il y a un mois, de l'état de l'avancement des travaux. J'ai été effaré d'apprendre que sur les huit cents modifications demandées pour la première année - cinq mille cinq cents étant prévues - seules quatre-vingts avaient été effectuées. C'est très grave. J'ai donc demandé par écrit aux régies de me communiquer, sur le champ, leur planning pour l'année 1996 et les années suivantes, et de m'indiquer nommément les installations qu'elles ont l'intention de réparer pour que nous puissions suivre ce travail et être renseignés avec précision.

Il est possible que quatre-vingts autres modifications aient été effectuées entre-temps, mais quoi qu'il en soit, ce serait largement inférieur aux huit cents à mille installations annuelles que nous avions prévues.

Nous enverrons à toutes les régies de nouveaux autocollants en les priant de les faire poser et de les remplacer si nécessaire. En dernier lieu, nous avons l'intention de demander à Mme Brunschwig Graf de diffuser une information dans les écoles, surtout dans les petites classes, puisque le dernier blessé était âgé de trois ans.

Nous avons un projet de loi en cours pour les bâtiments de l'Etat : il nous permettra d'intervenir en force pour assurer la sécurité dans les ascenseurs.

Restent les ascenseurs pour les handicapés. Le professeur Rossier m'a rendu attentif au fait qu'il ne pourrait plus pénétrer dans l'ascenseur de son immeuble s'il était modifié. Nous étudions également des solutions pour ces cas particuliers.

Je conclus en disant que je partage entièrement votre avis, comme l'ensemble de ce Grand Conseil. Il faut que tout le monde s'y mette pour que ce problème soit résolu au plus vite. En attendant, j'ai déjà émis toutes les réserves du Conseil d'Etat si, à fin 1996, un progrès notoire n'était pas enregistré dans l'avancement des travaux.

La proposition de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cette proposition est rejetée.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.