Séance du
vendredi 13 septembre 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
10e
session -
34e
séance
P 1079-A
Le 26 juin 1995, la commision des pétitions a pris connaissance d'une pétition déposée par devant le Grand Conseil en date du 16 juin 1995, par la Coordination genevoise pour la défense du droit d'asile. La teneur en est la suivante:
(P 1079)
PÉTITION
Droit d'asile: à l'aéroport aussi !
Depuis des années, des abus de pouvoir sont régulièrement signalés dans le traitement des demandes d'asile à l'aéroport de Genève-Cointrin. Des requérants qui demandent la protection de la Suisse en faisant état d'un risque de persécution dans leur pays et qui sont retenus en zone de transit ont été renvoyés en dehors de toute décision exécutoire. D'une façon plus générale, et malgré certaines améliorations, le droit de ces requérants à l'assistance d'un mandataire n'est pas garanti, faute d'une information adéquate et en raison de la difficulté de communiquer avec l'extérieur depuis la zone de transit. Enfin, il arrive que ces requérants, qui ne sont en rien des délinquants, soient traités comme des détenus, enfermés dans les locaux de police de l'aéroport, soumis à des fouilles humiliantes ou à des mesures injustifiées. Ces pratiques sont injustifiables, et les autorités cantonales genevoises ne sauraient se retrancher derrière l'office fédéral des réfugiés (ODR), dès lors qu'elles sont elles-mêmes compétentes pour ce qui touche aux dispositions pratiques entourant le séjour en transit de requérants d'asile, en attente d'une décision de cet office, ainsi que pour l'exécution concrète des décisions devenues exécutoires.
D'accord en cela avec la Coordination genevoise pour la défense du droit d'asile, les soussignés demandent dès lors au Grand Conseil d'intervenir par voie législative, par motion ou résolution auprès du Conseil d'Etat ou par toute autre démarche utile, pour préserver le droit d'asile à l'aéroport de Cointrin. Ils demandent notamment que des dispositions précises soient prises et rendues publiques:
1. Pour qu'aucune obstruction administrative ne vienne empêcher le dépôt d'une demande d'asile à l'aéroport de Cointrin et qu'aucune mesure de renvoi ne soit exécutée en l'absence d'une décision définitive de l'autorité fédérale. (Il est à souligner à ce propos que, même après une décision de renvoi prise par l'ODR, la loi sur l'asile(art. 47 LA) prévoit un délai utile de 24 heures pour solliciter la suspension du renvoi par l'autorité de recours, laquelle dispose elle-même d'un délai utile de 48 heures pour répondre à cette requête).
2. Pour que les requérants retenus en zone de transit puissent exercer pleinement leurs droits dans la procédure, il importe que ceux-ci soient informés clairement et complètement de ces droits et qu'ils ne se heurtent pas à des obstacles pratiques pour prendre contact avec une oeuvre d'entraide ou tout autre mandataire. (Le cas échéant, une aide concrète - mise à disposition d'un téléphone pour des appels régionaux, recours à un interprète, voire assistance juridique - doit être envisagée.)
3. Pour que le séjour en zone de transit, dans l'attente d'une décision, et l'exécution éventuelle du renvoi, se déroulent dans le respect de la dignité humaine, sans que ces requérants ne soient assimilés abusivement à des délinquants. (S'agissant de la détention en vue du refoulement, celle-ci paraît a priori injustifiée, dès lors que la personne est déjà retenue en zone de transit et ne peut donc s'échapper. L'exécution du renvoi, même en cas d'opposition, doit par ailleurs exclure le recours à des moyens disproportionnés.)
N.B. : 1467 signatures
Coordination genevoise
pour le droit d'asile
MM. Michel Ottet
et Yves Brutsch
Case postale 110
1211 Genève 7
Cette pétition a été traitée les 18 septembre, 9 et 23 octobre 1995 sous la présidence de Mme Liliane Johner, ainsi que les 11 décembre 1995, 7 février, 25 mars, 15 et 29 avril 1996 sous la présidence de Mme Janine Hagmann.
Audition des pétitionnaires
MM. Brutsch, du Centre social protestant, Ottet de l'association Elisa, et Gardiol, responsable de l'aumônerie de l'aéroport, souhaitent que le droit d'asile soit pleinement garanti à l'aéroport de Genève-Cointrin sous l'angle:
- du droit à demander l'asile et à ne pas être renvoyé avant une décision définitivement exécutoire de l'autorité fédérale compétente;
- du respect des droits de procédure, dont les requérants doivent être valablement informés et qu'ils doivent pouvoir exercer sans se heurter à des obstacles pratiques;
- de la nécessité de respecter la dignité et la liberté personnelles des intéressés durant leur séjour et d'éviter des mesures de force excessives en cas de renvoi.
Il est du ressort de l'Office fédéral des réfugiés à Berne, (ODR) respectivement de sa délégation à Genève, de prendre toute décision en matière d'asile. La pétition concerne les conditions pratiques, d'information, d'accueil, de séjour, qui entourent une demande d'asile. Cet aspect logistique incombe aux autorités cantonales. Et c'est là que le bât blesse.
A leur arrivée et avant leur interrogatoire, les demandeurs ne sont pas informés de leurs droits et devoirs - notamment sur la possibilité de faire appel à un mandataire. Ensuite ils sont livrés à eux-mêmes, dans la zone de transit dont ils ne peuvent pas sortir. S'ils n'ont pas d'argent, impossible de téléphoner à un ami, un avocat, alors que ce droit est accordé sans difficulté à tout détenu arrivant à Champ-Dollon. Faute de locaux adéquats, les conditions d'hébergement en dortoir sont rudimentaires, les portes fermées à clé de 22 heures à 7 heures, ce qui devient difficilement supportable quand le séjour se prolonge au-delà d'un jour ou deux. Enfin des renvois abrupts, c'est-à-dire avant décision de l'ODR, auraient eu lieu.
Il n'existe pas de législation écrite sur les conditions de «transit» entre la demande d'asile et la décision de l'ODR. Ce flou, sur lequel les pétitionnaires aimeraient attirer l'attention du Grand Conseil, engendre des difficultés qu'on pourrait réduire, voire supprimer. Par ailleurs, c'est aussi pour les policiers de l'aéroport un surcroît de travail, qui plus est, dans un domaine pour lequel ils ne sont pas préparés. Des discussions ont été entamées avec le département de justice et police et des transports, des directives sont en préparation, qui pourraient améliorer la situation. Il faudrait pouvoir ancrer ces modalités dans un texte législatif.
Les pétitionnaires résument en indiquant qu'il ne s'agit pas de remettre en cause la procédure de demande d'asile mais bien d'une part de savoir comment l'attente de la décision de l'ODR est vécue à Cointrin - lieu où le séjour ne devrait pas dépasser 24 heures, respectivement 72 heures en cas de recours - et d'autre part de fournir au requérant, avant son interrogatoire, tous renseignements sur ses droits et devoirs.
Audition de M. Gut, secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports
M. Gut, responsable du Service de la population/asile et secrétaire de la délégation aux réfugiés du Conseil d'Etat, est conscient des difficultés qui sont relevées à l'aéroport. Elles proviennent de ce que le traitement des candidats à l'asile dépend d'une instance fédérale, l'Office fédéral des réfugiés, et de deux instances cantonales: le DJPT pour l'hébergement et le DEP pour les locaux. Jusqu'au moment du lancement de la pétition, ce sont des policiers qui, en plus de leur travail habituel, ont procédé aux interrogatoires des requérants. Dorénavant, ce rôle devrait être dévolu à des fonctionnaires de l'Office de la population, davantage préparés à ce genre d'auditions.
Quant aux conditions d'hébergement, elles ont un aspect policier auquel on voudrait remédier. Les locaux ne sont pas grands, ils jouxtent le poste de police qui en est responsable. Jusqu'à récemment, on enfermait les gens à partir de 18 heures, limite qui a été reportée à 22 heures. Selon M. Gut il serait préférable de pouvoir disposer de locaux qui ne dépendent pas de la police.
En ce qui concerne les renvois et compte tenu des délais de recours, ils ne devraient donc pas être exécutés avant 72 heures. Depuis février 1995, une liste des mandataires à disposition est remise à chaque candidat à l'asile.
Enfin à propos des méthodes de renvoi, le DJPT tient à ce qu'elles soient correctes et est intervenu auprès des fonctionnaires concernés pour le leur rappeler.
Les requérants ont des droits, ils doivent en être informés. Le département de justice et police et des transports a décidé d'émettre un aide-mémoire à leur intention en vue d'améliorer la situation. On envisage la possibilité de remettre ce texte aux candidats à l'asile avant leur interrogatoire.
Ensuite de ces deux auditions, la commission décide de se rendre sur place, à l'aéroport de Cointrin pour se faire une opinion in situ.
Visite et parcours du requérant
Le 26 mars 1996, sous la conduite de M. J.-C. Ducrot, officier de police, chef de la police de l'aéroport, et de M. B. Gut, la commission suit le cheminement du requérant qui s'annonce comme tel en se présentant aux guichets de contrôle des passeports, dans la zone internationale de transit. Le rôle de la police se limite à accueillir, héberger et parallèlement informer l'autorité compétente, l'Office des réfugiés. Cas échéant elle devra aussi assurer le refoulement.
Durant la journée, les candidats à l'asile peuvent circuler librement dans la zone de transit, accéder aux boutiques (pour autant qu'ils en aient les moyens et ce n'est pas souvent le cas). Ils n'ont aucune possibilité d'aller à l'air libre, ni, bien sûr d'accéder au tarmac. Les dortoirs, corrects, sont d'un déouillement nonacal, avec prises de jour fixes en haut des parois. Ouverts dès 8 heures du matin, ils sont en principe fermés dans la journée. Mais si quelqu'un a besoin de se reposer, il peut en faire la demande auprès du SARA, Service administratif des refoulements à l'aéroport, organe interne de la police des lieux. Comme le précise la directive récemment mise à disposition, «les douches ont lieu dans le local sanitaire prévu à cet effet et le nécessaire de toilette est fourni».
Pour se nourrir, le requérant reçoit un bon qui lui permet de prendre trois repas journaliers au restaurant de la zone de transit (Ces frais devraient être rembourés par la Confédération qui, pour le moment fait la sourde oreille...).
Une des demandes des pétitionnaires a trait aux informations dont doit pouvoir disposer tout requérant dès l'instant où il dépose sa demande, notamment à propos des diverses procédures et d'autre part quant aux conditions de séjour à l'aéroport.
C'est chose faite depuis peu puisque M. Ducrot remet aux commissaires un exemplaire de deux textes très récents (janvier-mars 1996) disponibles en plusieurs langues (voir annexes):
1. Un «Aide-mémoire pour les étrangers ayant déposé une demande d'asile à l'aéroport de Genève», émanant du département de justice et police et des transports, et accompagné d'une liste de services juridiques à même de conseiller le requérant.
2. Une circulaire «Informations - directives aux occupants des dortoirs», émise par le Corps de police de l'aéroport.
Les responsables tant de la police que du service de la population ne souhaitent pas voir ancrer ces directives dans des textes légaux, ce qui leur conféreraient un caractère trop rigide, inadapté à une situation en évolution.
Quant à l'aspect délicat du baillon, de la fouille au corps, qui auraient été infligés à certains requérants, la police de l'aéroport réfute ces accusations et déclare, au contraire, faire de nombreux contrôles pour que les choses se passent correctement. Personne n'est refoulé sans avoir eu la possibilité de s'exprimer et notamment de déposer une demande d'asile. La police veille scrupuleusement à ce qu'il n'y ait pas de débordement en la matière. Cas échéant, le/les responsables seraient dûment réprimés.
Cependant vivre en zone de transit de l'aéroport, désoeuvré, parfois désorienté, dans un milieu très différent de celui d'où l'on vient, n'a rien d'un séjour de vacances. Théoriquement, l'Office fédéral des réfugiés devraient prendre une décision très rapide. Le requérant disposant de 24 heures pour faire recours et l'autorité fédérale compétente de 48 pour rendre son verdict, la décision finale devrait tomber dans le 72 heures suivant la demande, délai tolérable. Les difficultés proviennent du fait que l'Office fédéral des réfugiés tarde à rendre sa réponse et que des séjours se prolongent plusieurs jours, voire jusqu'à deux semaines. On imagine combien la situation peut se dégrader, les rapports se tendre, ce d'autant plus lorsqu'il s'agit de familles avec des enfants, parfois en bas âge, qu'on ne sait comment occuper, qui ne peuvent pas sortir se promener, qu'il faut changer, etc. Zurich a, semble-t-il, résolu la question à sa manière: si le cas nécessite une instruction supplémentaire, on laisse entrer après 72 heures.
Discussion
Depuis le dépôt de la pétition, la commission constate avec satisfaction que la situation a évolué dans le bon sens. L'autorité genevoise concernée a répété à plusieurs reprises sa volonté de voir s'améliorer les conditions d'accueil et d'hébergement des requérants d'asile. Les deux circulaires (aide-mémoire et conditions d'hébergement) devraient permettre d'arrondir les angles. La création du SARA, Service administratif des refoulements à l'aéroport (dont l'appellation nous semble quelque peu malheureuse...) va dans le même sens. Quatre fonctionnaires de police, choisis pour leurs qualités d'écoute, sont chargés entre autres tâches, de faciliter tant l'accueil que le séjour, voire le départ, des requérants. S'il y a eu une des bavures antérieurement, elles ont été sanctionnées et l'officier de police responsable veille tout particulièrement à ce que l'accueil des requérants soit respectueux de la personne et des droits de gens qui ne sont pas des prévenus.
Il n'en reste pas moins que le confinement dans la zone de transit, l'attente, le désoeuvrement, le dépaysement, l'angoisse, le manque de contacts avec des compatriotes, etc. sont des éléments perturbants. D'autre part, les policier du SARA, tout dévoués qu'ils soient, ne sont pas des assistants sociaux. Les dortoirs, tout corrects qu'ils soient, n'ont rien d'un lieu de séjour où on aurait envie de s'attarder.
La conclusion est simple: tout requérant a droit à ce que sa demande soit enregistrée. La police assure que c'est le cas sans exception. Par ailleurs, il serait hautement bénéfique que l'Office fédéral des réfugiés rende ses décisions dans les délais impartis, soit au plus tard 72 heures. Bien que cela ne soit pas de sa compétence, la commission se permet d'insister pour que les autorités genevoises interviennent auprès de Berne dans ce sens. Il s'agit aussi de soulager le travail des gens de Cointrin.
Conclusion
Considérant que les demandes des pétitionnaires pour la part qui incombe aux autorités genevoises aéroportuaires sont en très grande majorité satisfaites, c'est à l'unanimité que la commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer le présent rapport sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
ANNEXE I
9
ANNEXE II
ANNEXE III
Débat
Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. J'ai malheureusement quelque chose à rajouter à mon rapport.
Déposé le 7 mai 1996, c'est la quatrième fois que ce rapport apparaît à notre ordre du jour. C'est probablement dommage. En tout cas, il est certain que si ce point avait été traité la première fois où il a été présenté je n'aurais eu aucun commentaire supplémentaire à faire.
Je me sens plutôt perplexe, voire mal à l'aise; mal à l'aise parce que j'ai l'impression que le courant n'est pas passé entre les décisionnaires en matière d'accueil des demandeurs d'asile et les exécutants. A moins que, naïfs, les députés qui ont étudié ce sujet délicat s'en soient trop laissé conter, bref qu'on les ait quelque peu endormis avec de bonnes paroles et des accents de sincérité.
En effet, tant lors de l'audition du responsable du service de la population et de l'asile que lors de la visite sur place à Cointrin du service administratif des refoulements à l'aéroport, organe interne de la police, la commission a eu le sentiment que si des maladresses, voire des bavures, avaient eu lieu dans le passé la barre avait été redressée et la manière de faire et de donner des directives avait été assouplie. Le responsable de Cointrin nous a affirmé avec grande vigueur vouloir veiller personnellement à ce que tout ce qui se passe à Cointrin le soit correctement, en respectant la loi, bien sûr, mais en tenant compte de la dignité des requérants d'asile.
Il y a loin de la coupe aux lèvres, ce qui me rend perplexe ! En effet, la presse a fait état - je n'ai pas pu vérifier le fait, car j'étais absente - d'un fait qui s'est déroulé le 17 juin. Un ressortissant zaïrois dépose une demande d'asile. En date du 20, l'Office fédéral des réfugiés rejette la demande et ordonne le renvoi immédiat. Puis ce requérant dépose un recours et le 3 juillet son mandataire fait appel au Tribunal administratif.
En principe d'après la loi fédérale, lorsque septante-deux heures sont écoulées, tout requérant doit être remis en liberté. Mais cela n'a pas été le cas : pendant quinze jours ce requérant a été retenu à Cointrin. On joue beaucoup sur les termes «rétention» et «détention» : en réalité c'est bien de «détention» dont il faut parler.
Durant ces quinze jours - période chaude où l'on a besoin d'air - ce requérant n'a pu sortir s'aérer qu'une seule fois. Il a été suspecté de trafic de drogue, ce qui me semble plutôt naïf de la part des employés, car l'on sait très bien que les personnes qui transportent de la drogue, y compris sur eux et dans leur corps, ne vont pas demander l'asile : ceux qui le font essayent de passer le plus possible inaperçus. Or cette personne a été fouillée au corps à plusieurs reprises et tous les soirs avant d'aller au dortoir. Il a été enfermé, surveillé pendant les douches et fouillé à chaque sortie. Bref, ses conditions de détention ont été tout à fait différentes de ce que nous attendions.
La preuve est que le Tribunal administratif a rendu un jugement très sévère - je l'ai en main - contre le département de justice, police et des transports et contre l'Office fédéral des réfugiés. Le Tribunal relève notamment que les conditions de détention - et non pas de rétention - ne sont pas conformes aux exigences de la loi; en particulier le fait que ce requérant ait été enfermé dans sa chambre pendant la nuit apparaît dépourvu de tout fondement légitime dans la mesure où s'il avait de l'argent il pourrait louer une chambre et en disposer à volonté.
On ne fournit aucune occupation ni aucun travail aux personnes détenues dans la journée. Pourtant une loi fédérale prévoit qu'autant que possible, s'agissant de détenus administratifs, une occupation leur soit donnée. Je pourrais transmettre le dossier à qui le désire. Il est long aussi je ne veux pas vous imposer cette lecture. Mais tout de même il semble bien que la procédure utilisée à Cointrin ne corresponde pas à celle qui nous a été promise et qu'elle est beaucoup plus restrictive qu'il n'est nécessaire pour assurer la sécurité et le maintien de l'ordre.
Dans ces conditions, les personnes qui administrent la prise en charge des requérants d'asile ont-elles véritablement pris conscience des recommandations données ou tout du moins de celles dont on nous a dit qu'elles l'ont été ? On nous a dit que ces personnes étaient choisies pour leur qualité d'écoute. Alors on frémit à l'idée de ce qu'aurait pu être la situation si tel n'avait pas été le cas ! Mon impression n'est pas uniquement émotive ou émotionnelle; elle s'appuie sur les considérants et sur l'arrêt rendu par le Tribunal administratif.
Je me demande s'il ne faudrait pas que nous entendions à ce sujet le responsable du département de justice et police, dont je veux bien croire que ce sujet a retenu son attention cet été, malgré les multiples occupations qui sont les siennes. Mais je remarque tout de même que lorsque les pétitionnaires demandaient que tout ce qui concerne les structures d'accueil des requérants d'asile, leur gestion et les mesures fasse l'objet d'un règlement il nous a été rétorqué que nous ne devions pas avoir la maladie de la réglementation ni des lois. C'est vrai, mais dans le cas particulier il semble bien que les craintes des pétitionnaires étaient justifiées. En réalité avec un règlement digne de ce nom - et non une directive - les choses se passeraient mieux.
En matière de fouilles, je tiens à vous faire savoir - ce qui en tant que femme me fait froid dans le dos, mais je n'ai pas pu le vérifier - que des fouilles au corps sont effectuées sur des femmes. Je trouve cela parfaitement scandaleux compte tenu des conditions dans lesquelles elles se pratiquent.
Le président. Madame la députée, vos conclusions modifient-elles votre rapport ?
Mme Liliane Charrière Urben, rapporteuse. Ecoutez, la difficulté dans le cas particulier réside dans le fait qu'au moment où le rapport a été rédigé nous avions tous, en commission, le sentiment que les mesures avaient été prises pour que tout se passe mieux. Les entreprises étant humaines, elles peuvent tout à fait être susceptibles de déraper une fois ou l'autre, et il fallait redresser la barre. Trois mois se sont écoulés depuis, et je ne maîtrise pas suffisamment la pratique de ce Grand Conseil pour pouvoir dire ce qu'il faut faire de ce rapport. Je vous ai rapporté les informations en ma possession depuis le dépôt de ce rapport, notamment le jugement du Tribunal administratif qui est assez sévère, pour ne pas dire très sévère.
C'est donc au responsable des procédures du Grand Conseil et peut-être également au chef du département que je demande comment je dois faire pour bien faire, afin que les choses aillent mieux dorénavant, comme on nous l'avait assuré.
Le président. Vous avez la possibilité de demander au Grand Conseil le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Est-ce ce que vous désirez ?
Mme Liliane Charrière Urben, rapporteuse. Ce n'est pas ce qui correspond aux conclusions de la commission ! Que se passe-t-il lorsqu'un élément nouveau intervient entre le dépôt d'un rapport et son traitement en séance plénière ?
Le président. Il faut le renvoyer en commission !
Mme Liliane Charrière Urben, rapporteuse. Je ne sais pas s'il faut le renvoyer à la commission des pétitions... Il y a peut-être d'autres instances...
Le président. Nous allons donc voter sur les conclusions de votre rapport, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'interviens tout d'abord sur le rapport qui nous occupe actuellement. J'évoquerai ensuite le cas dont nous a parlé Mme la députée Urben...
Mme Liliane Charrière Urben, rapporteuse. Charrière Urben !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. ...Charrière Urben ! (Rires.)
Je précise tout d'abord qu'il y a quatre mois... (L'orateur répète ces derniers mots.) ...avant que vous vous préoccupiez de ce problème, les inspecteurs de sûreté avaient déjà été remplacés par des fonctionnaires de l'OCP. Ce n'est donc pas cette pétition qui a fait changer quoi que ce soit. C'est mon département qui en a pris l'initiative !
Je tiens à faire remarquer en deuxième lieu que l'aide-mémoire évoqué dans cette pétition est déjà remis aux requérants d'asile.
Troisièmement, le requérant ne dispose pas de vingt-quatre heures pour interjeter recours, mais pour demander la restitution de l'effet suspensif du recours.
Quatrièmement, ce n'est pas l'ODR qui tarde à prendre des décisions, mais la commission de recours. Je précise que la loi n'impartit aucun délai à l'ODR pour rendre ces décisions.
S'agissant du nouveau cas dont vous parlez - je vous le dis tout de suite, vous pourrez renvoyer cette pétition à chaque session du Grand Conseil, car il y aura toujours un nouveau cas ou quelque chose qui ne vous plaira pas (Remarques.) - un arrêt du Tribunal fédéral a été rendu. Eh bien je vous prie d'intervenir sur le cas de ce Zaïrois qui sera traité indépendamment !
Depuis quelque temps je constate que de manière régulière il n'y en a jamais assez : il faut prendre de nouvelles mesures, il faut construire un «Club Med'» pour requérants d'asile dans un canton qui s'est clairement prononcé pour des mesures de contrainte. (Exclamations.) Si vous voulez parler d'un nouveau cas sur la base d'un jugement du Tribunal administratif, déposez un autre texte, mais je ne vois pas l'utilité de renvoyer ce rapport en commission. Si vous le voulez, faites-le ! Nous vous renseignerons sur le cas de ce Zaïrois dont vous parliez à l'instant.
M. Christian Ferrazino. Vous avez été aussi lamentable que d'habitude !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Mais oui, cher Monsieur !
Une voix. Ta gueule !
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît ! Monsieur Ferrazino, arrêtez ! Demandez la parole et je vous la donnerai ! (Exclamations.)
Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. Monsieur le président du département de justice et police, je trouve votre réponse un peu courte, voire un peu légère !
Si vous nous dites que le contenu de l'arrêt rendu par le Tribunal administratif n'a aucune importance...
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !
Mme Liliane Charrière Urben, rapporteuse. C'est pourtant ce que j'ai cru comprendre !
Le Tribunal administratif est tout à fait clair en disant que : «Force est de constater que la détention ne peut excéder septante-deux heures, durée citée dans la LAL...». Si vous vous moquez des délais impartis par la loi, alors à quoi sert-il de parlementer et de discuter en séance plénière ? Dans le cas particulier, mais de manière générale, nous n'avons pas inventé ce délai de septante-deux heures qui ne doit pas être dépassé en cas de recours ! Ce sont vos propres fonctionnaires qui nous ont expliqué ce fonctionnement. On nous a même dit - c'est écrit noir sur blanc dans le rapport - que, à Zurich, lorsque les septante-deux heures sont échues on relâche les détenus quitte à devoir les rechercher et à les retrouver avec difficulté.
Je vous demande simplement pourquoi les conditions de détention sont plus sévères à Cointrin que celles prescrites par la loi et pourquoi les personnes responsables de cette détention n'appliquent pas exclusivement ce que la loi leur intime de faire tout en nous disant qu'elles le font alors que ce n'est pas le cas. Ma question est simple !
M. Bernard Lescaze (R). Je suis surpris de la tournure que prend cette discussion, puisque la commission des pétitions n'a pas consacré moins de huit séances à ce sujet et que c'est à l'unanimité que ses conclusions ont été déposées.
D'autre part, la commission judiciaire a approuvé un projet de loi qui modifie la procédure de recours en matière d'asile - projet qui sera traité prochainement par ce Grand Conseil - pour qu'elle soit davantage conforme à certaines exigences du Tribunal fédéral. Dans ces conditions, il n'est pas question de changer les conclusions de la commission, s'agissant de cette pétition qui date déjà de plus d'une année. Je propose que l'on vote le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, étant donné que par ailleurs nous avons d'autres motions sur le droit d'asile à traiter, notamment celle de Mme Reusse-Decrey que nous ferons examiner en temps voulu.
M. Christian Ferrazino (AdG). Merci, Monsieur le président, de me donner l'occasion de répondre à M. Ramseyer qui n'a manifestement pas très bien compris les propos tenus par la rapporteuse.
En effet, tout le monde s'accordait à reconnaître, il y a quelques mois, que les promesses faites par le Conseil d'Etat dans ce rapport étaient satisfaisantes et allaient donc permettre à ce Grand Conseil de les accepter par le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Or ce qui s'est passé depuis la rédaction de ce rapport - Mme Charrière Urben l'a rappelé tout à l'heure - démontre uniquement que si les promesses étaient belles elles n'ont toutefois pas été tenues.
Par conséquent, le Conseil d'Etat, en nous faisant croire qu'il allait adopter une certaine politique en la matière, nous prouve dans les faits, trois mois après avoir déposé ce rapport, qu'il fait précisément le contraire de ce qu'il s'était engagé à faire ! Alors, Madame Charrière Urben, je ne crois pas qu'une solution meilleure que celle-là sera trouvée en renvoyant cette pétition en commission.
Je tiens à dire, au-delà de ce rapport, que vos propos, Monsieur Ramseyer, démontrent que votre attitude vis-à-vis des candidats réfugiés - permettez-moi de vous le dire - est totalement inacceptable, à moins que vos propos ne vous aient à nouveau échappé, puisque je sais que ces temps vous faites des déclarations intempestives sur à peu près tout et n'importe quoi. Comparer les conditions de détention de ces personnes à celles des clubs Méditerranée, Monsieur Ramseyer, c'est indigne d'un magistrat qui occupe la fonction qui est la vôtre : chef de la police ! Votre manière de traiter des candidats réfugiés qui sont des êtres humains comme vous et moi, Monsieur Ramseyer, démontre de façon peu glorieuse pour vous le peu de respect que vous portez à ces personnes !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je renonce à m'exprimer, car je voulais dire la même chose que M. Ferrazino. Je trouve le discours de M. Ramseyer à la limite du racisme !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. S'agissant du Club Med' je ne parlais pas de Cointrin, mais de la construction qui est en train d'être réalisée. Je me réjouis de vous montrer le dossier, car vous parlez visiblement de quelque chose que vous ne connaissez pas, Monsieur le député Ferrazino !
Madame, vous avez allégué que je ne me préoccupais pas de ce problème, alors que je viens de vous démontrer que mon département avait anticipé votre demande de quatre mois en prenant les dispositions nécessaires, en remplaçant les inspecteurs de sûreté par des fonctionnaires et en communiquant aux requérants leurs droits sous forme d'aide-mémoire. Cela a été effectué par mon département à son initiative. Aussi je n'accepte pas, Madame, une telle affirmation.
Vous m'avez par ailleurs demandé si j'étais à disposition en faisant allusion à mes devoirs d'été. Je suis tout le temps à la disposition des commissions pour venir déposer et je me déplacerai comme vous le souhaitez pour vous parler du droit d'asile. Mais alors je tiens à ce que l'on évoque le problème dans sa globalité, parce qu'il est trop facile de passer d'un sujet à un autre : une fois Cointrin, ensuite la prison, une autre fois Favra. Cette «guéguerre» a assez duré ! Et je ne suis pas le seul à dire que la coupe commence à être pleine. Je le répète, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions à ce sujet, mais je vous en prie ne dites pas que nous ne nous préoccupons pas des problèmes que vous soulevez, alors que nous vous avons précédé de quatre mois en la matière !
Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. Monsieur Ramseyer, j'ai l'impression que nous ne sommes pas tout à fait sur la même longueur d'onde. Cela ne m'étonne pas d'ailleurs !
Vous dites que la coupe est pleine. Eh bien moi j'entends : «La barque est pleine.» ! Peut-être mes références sont-elles mauvaises ?
Je n'ai pas dit que vous ne vous préoccupiez pas de ce dossier. J'ai simplement émis l'hypothèse - je veux bien reconnaître que je me suis trompée - qu'il y a une déperdition entre les ordres que vous donnez et ceux qui les exécutent. Or vous dites qu'il n'y en a pas; donc vous devez parfaitement savoir ce qui s'est passé au mois de juin et vous êtes au courant des conclusions de l'arrêt du Tribunal administratif. Chacun en conclura ce qu'il voudra ! Vous savez donc parfaitement ce qui s'est passé à Cointrin, ce qui est encore pire ! Moi, je pensais que vous n'étiez pas tout à fait au courant et qu'on ne s'en était pas trop vanté auprès de vous.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.