Séance du
jeudi 12 septembre 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
10e
session -
32e
séance
M 1086
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le vote du 9 juin 1996 s'opposant à la création d'une nouvelle traversée routière de la Rade;
- le projet de la Fondation pour l'exploitation et la construction de parcs de stationnement (dite «Fondation des parkings») de construire 8 500 places de stationnement dans des parcs de stationnement d'échanges («P+R») situés en périphérie de l'agglomération;
- les plans de mesures OPAir 2002 de lutte contre la pollution de l'air adopté par le Conseil d'Etat en mars 1991 et OPBruit de lutte contre les nuisances sonores, encore à l'étude;
- le plan de circulation «C 2000», et en particulier son volet station-nement;
- la complémentarité souhaitée des modes de déplacement qui ne peut se concrétiser efficacement que par la création de parcs de stationnement d'échanges véhicules privés - transports publics;
- la possibilité de dégager, avec la création de ces «P+R» extérieurs, des espaces pour d'autres usages au centre-ville,
invite le Conseil d'Etat
à élaborer d'urgence un programme de parcs de stationnement d'échanges basé sur les études de la Fondation pour l'exploitation et la construction de parcs de stationnement, permettant de réaliser au moins1 000 places par an durant 8 ans.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La Fondation des parkings a montré, dans une étude présentée à la commission des transports de notre Grand Conseil ainsi qu'à la commission consultative de la circulation (CCC) que le besoin en places d'échanges véhicules individuels - transports publics était à Genève de 8 500 places. La Fondation a localisé une série d'emplacements pour ces futurs parcs de stationnement d'échanges en lien avec les transports publics, dont le vote du9 juin 1996 lève l'hypothèque qui retardait la réalisation de certains d'entre eux: Port-Noir, Frontenex, Sécheron. Il est à noter, d'autre part, que la réalisation de plusieurs d'entre eux pourrait démarrer rapidement: Etoile et Lancy-Sud.
C'est aujourd'hui l'occasion de réaliser ce programme de 8 500 places évalué à 100 millions de francs, en conjonction avec le développement des transports publics dont il reste un corollaire indispensable.
Une telle proposition s'inscrit parfaitement dans la ligne de la complémentarité entre les modes de déplacement dans la région genevoise, laquelle impose, consécutivement à un urbanisme de l'habitat périphérique dans et hors les limites cantonales qui est l'héritier de l'ère du «tout pour l'automobile» ainsi qu'à l'impossibilité d'intervenir massivement en faveur des transports publics au-delà de nos frontières nationales, une solution de transfert modal essentiellement destinée aux déplacements dits «pendulaires» à destination du centre urbain et de ses abords.
Outre la contribution apportée ainsi à une décharge du trafic sur les pénétrantes utilisées également par les transports publics, un tel report modal est susceptible de contribuer à la lutte contre les nuisances dues au trafic automobile et à la saturation de l'espace public que pourrait induire une éventuelle reprise économique.
Enfin, il n'est pas à négliger que de telles réalisations, en diminuant la demande en places de stationnement dans le centre-ville, contribueront à:
- crédibiliser les mesures de limitation du temps de stationnement dans le centre-ville au profit des visiteurs;
- libérer des espaces nouveaux pour les piétons et le commerce (terrasses, étalages, etc.);
- faciliter l'implantation de parcours pour les cyclistes;
- favoriser le stationnement des habitants, trop souvent contraints par la limitation du temps de stationnement à remettre leur véhicule en circulation au lieu d'utiliser les transports publics;
- entrer dans les faits une politique d'intention dont l'application se révèle trop souvent aujourd'hui encore impossible.
Sur ce dernier point, il convient d'ailleurs de relever que, si depuis de nombreuses années, on parle d'inciter les pendulaires à plus utiliser les transports publics, on ne leur a offert en vérité que fort peu de réalisations de P+R dignes de ce nom et présentant les qualités requises pour être attractives. Il est peu admissible qu'il n'y ait quasiment aucune possibilité de garer sa voiture avant de parvenir au centre-ville lorsque l'on arrive de Versoix ou de Thonon ! D'autre part, et contrairement à certaines réalisations genevoises, ces parcs devraient être attrayants, bien situés par rapport aux routes d'accès au centre-ville, offrir un accès direct aux transports publics et équipés, au-delà de la fourniture de journaux, pour de petits achats (kiosque), voire offrir une possibilité de «cafétéria-express». Il est impératif, d'autre part, qu'ils soient aussi munis d'une cabine téléphonique et d'un abri avec banc pour l'attente, et complétés d'automates aptes à fournir les diverses possibilités de titres de transport des transports publics acceptant les billets (ainsi qu'éventuellement les cartes de crédit pour les sommes d'une certaine importance) et rendant la monnaie. Il est également fondamental que, si ces P+R ne sont pas situés en bout d'une ligne, l'offre des transports publics soit organisée de façon à assurer de la place et du confort en suffisance. Enfin, s'il est normal par le jeu des tarifs de favoriser les usagers réguliers, il est totalement absurde d'en interdire l'accès aux usagers occasionnels ainsi que cela se pratique actuellement à Genève.
Il faut encore noter que la multifonctionnalité des parcs de stationnement d'échanges, notamment avec les loisirs, doit être favorisée, car elle contribuera à une meilleure rentabilité économique de ceux-ci. Au Port-Noir, par exemple, le besoin en stationnements tant de Genève-Plage que de la Nautique n'est plus à démontrer, besoin qui se fait sentir surtout les fins de semaine lorsque la demande en échanges vers les transports publics est moins élevée.
Enfin, un investissement de l'ordre de 10,5 millions de francs annuels durant 8 ans dans le génie civil n'est pas à négliger au vu du marasme que traverse aujourd'hui ce secteur de notre économie.
Pour tous les motifs exposés ci-dessus, et tenant compte que ces équipements seront utiles quelle que soit l'orientation future que prendra l'organisation des déplacements à Genève et dans sa région, les proposants de la présente motion vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à lui réserver le meilleur accueil.
Débat
M. Michel Ducret (R). Cette motion n'est pas un projet nouveau. Elle ne fait que demander, très simplement, que le programme de réalisation de «Park and Ride», à savoir les parkings d'échanges entre les transports individuels et les transports collectifs - programme soutenu de toute part - soit poursuivi, et ceci dans l'optique d'une certaine qualité des prestations offertes aux automobilistes que l'on souhaite voir devenir des usagers des transports publics.
La motion énumère en conséquence quelques éléments qui visent à atteindre cette qualité. Je n'y reviendrai donc pas, mais je veux souligner que c'est en respectant ces données que l'on évitera des échecs cuisants comme notre canton en a connus. Je citerai comme exemple malheureux le parking de Pré-Bois qui a été réalisé là parce qu'il y avait un bout de terrain dont on ne savait que faire, sans penser aux usagers que l'on souhaitait attirer !
J'aimerais souligner encore qu'il paraît indispensable que ces «Park and Ride», à l'image de ce qui se pratique ailleurs autant en Suisse qu'à l'étranger, puissent également recevoir des usagers occasionnels et pas seulement des abonnés. Bien sûr, nous souhaitons dans le même temps que les premiers fassent bientôt partie du cercle des seconds.
Ces équipements ont été jusqu'à maintenant retardés par l'inconnue que représentait la réalisation d'une nouvelle traversée de la rade. Ceci concerne tout particulièrement les deux rives de notre lac. En effet, cela ne sert à rien de dire aux automobilistes qui viennent dans le centre de Genève d'utiliser les transports publics, qu'ils viennent de Thonon, d'Hermance, de Corsier, de Versoix ou de Lausanne, alors qu'ils ne trouveront aucune possibilité de stationnement attractive à proximité de lignes de transports publics permettant de pratiquer ce report modal souhaité par tous, le gouvernement précédent comme le gouvernement d'aujourd'hui, comme l'immense majorité des partis de ce canton.
La traversée de la rade étant rejetée, plus rien ne s'oppose à ce que ces «Park and Ride» ne soient réalisés du côté de Sécheron, du côté du stade de Frontenex, voire de la Nautique. Bien entendu cela devra se faire peu à peu et en fonction de nos moyens financiers limités. Néanmoins ce dossier est un élément essentiel d'une politique visant à améliorer réellement le rapport modal en faveur des transports publics; aussi il ne faut pas le négliger.
Enfin, un autre élément est à prendre en considération dans cette affaire : de tels investissements participeront à une relance bienvenue pour le secteur de la construction à Genève. Toutes ces raisons me poussent, Mesdames et Messieurs les députés, à vous inviter à faire bon accueil à la présente motion.
M. Michel Balestra (L). Voici quelques années, l'appel de Heidelberg, signé par deux cent soixante-quatre scientifiques et intellectuels, dont cinquante prix Nobel, nous mettait en garde contre l'émergence, à l'aube du XXIe siècle, d'une idéologie irrationnelle s'opposant au développement économique et social. (Rires.) Les signataires de cet appel affirmaient que l'état de la nature, parfois idéalisée par des romantiques passéistes, n'a jamais existé depuis l'apparition de l'homme sur la terre, dans la mesure où l'humanité a toujours progressé en mettant la nature à son service et non le contraire. Il se réclame donc d'une écologie scientifique et non d'une écologie issue de préjugés irrationnels. L'appel de Heidelberg nous mettait surtout en garde contre toute décision ressortant de raisonnements pseudo scientifiques ou de données fausses ou inappropriées.
Les plus grands maux qui menacent notre planète sont l'ignorance et l'oppression et non la science, la technologie et la croissance. Prenons donc garde à cet écologisme qui est à la science des grands équilibres ce que l'astrologie est à l'astronomie. On ne compte plus les erreurs et les approximations imputables à cet écologisme émotionnel, dénué de tout fondement scientifique.
Ce soir, conscients des risques exposés dans l'appel d'Heidelberg, vous venez d'avouer, Mesdames et Messieurs les députés, avoir commis une grosse erreur au nom de cet écologisme irrationnel : celle de refuser d'appuyer notre initiative «Dix mille parkings». Rappelez-vous qu'à l'époque nous préconisions la construction rapide d'au moins dix mille parkings à répartir, en fonction des besoins, entre :
1. des places de stationnement pour visiteurs, aussi bien au centre-ville que partout où des centres d'activités en présentent la nécessité;
2. des places de stationnement pour habitants dans les zones d'habitation, en priorité celles bien desservies par les transports publics;
3. des places de stationnement de dissuasion à la périphérie des agglomérations, mais surtout à proximité des lignes de transport public directes et rapides.
Notre conclusion était la suivante :
«La résolution des problèmes des transports à Genève passe effectivement par la construction d'un certain nombre de parkings. Les calculs montrent qu'une voiture est utilisée, en moyenne, durant trois cent trente heures par an sur les huit mille sept cent soixante que compte une année de trois cent soixante-cinq jours de vingt-quatre heures. Pour résumer et permettre une meilleure compréhension du problème, une voiture reste parquée 96% de sa durée de vie. D'où la nécessité de disposer de places de stationnement en suffisance, et à des endroits judicieux, et par là de créer un système de transports plus cohérent que celui que nous connaissons.» Fin de citation de l'exposé des motifs de l'initiative «Dix mille parkings» !
Pour atteindre cet objectif, les députés vous demandaient, il y a cinq ans, la construction de ces dix mille places de parking. A l'époque, vous n'avez pas voulu en entendre parler. Aujourd'hui, vous en demandez huit mille cinq cents ! Beaux joueurs, nous hurlons... Enfin ! (Rires.)
Il nous reste à vous convaincre de l'utilité de rétablir ces parkings selon les trois points que j'ai énumérés tout à l'heure.
Sans doute, à l'époque, avons-nous commis une grave erreur portant sur mille cinq cents places ! Huit mille cinq cents est peut-être enfin le bon chiffre ! Et nous vous félicitons de la précision de votre projet.
Nous voterons donc le renvoi de cette motion en commission, tout en attendant, avec une impatience non dissimulée, vos prochaines propositions novatrices et corrigées. Et qui sait, un petit bonus sur les loyers verra peut-être enfin le jour ! (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Après cette brillante démonstration, je me contenterai d'être pragmatique.
Je signale tout d'abord que M. Widmer a tenu parole puisqu'il nous avait promis de nous présenter son concept de stationnements dans les meilleurs délais; cela a été fait en juillet dernier.
Ce document aborde tous les points soulevés par notre motion. Dès lors, j'estime inutile d'en débattre maintenant. Il vaut mieux l'étudier en commission et procéder aux auditions habituelles pour de plus amples informations.
J'espère vivement qu'une volonté politique se dégagera pour que les travaux d'aménagement des parkings de dissuasion soient entrepris au plus vite. Par ailleurs, je relève avec satisfaction que le stationnement des clients et des commerçants est pris en compte, ce qui répond à nos préoccupations et à la motion 992.
Je vous remercie de faire bon accueil à la présente motion.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). M. Balestra nous a fait part de ses lectures de vacances et nous avons été très heureux de l'entendre.
Notre motion n'est pas la concrétisation d'un écologisme irrationnel et la preuve en est que vous la soutenez, Monsieur... (Interruption de M. Michel Balestra.) Le problème, Monsieur Balestra, n'est pas le nombre, mais les emplacements des parkings. Vous proposez d'en construire au centre-ville, et évidemment cela pose un problème !
Dans notre motion, nous parlons des parkings d'échanges et pas de votre initiative. C'est sur ce point que vous dérapez ! Et il est probable que vous n'avez pas totalement assimilé vos lectures estivales !
Mesdames et Messieurs, avec la diffusion des idées écologistes et la prise de conscience qui lui est liée, nous aurions pu penser qu'une image favorable aux transports publics s'élaborerait peu à peu et favoriserait leur utilisation au détriment de la voiture.
En réalité, la part de l'automobile ne diminue pas et nous savons tous que son succès tient à sa vitesse et à la souplesse de son utilisation. Cette interprétation collective lui confère une supériorité manifeste sur les transports en commun dont la fréquentation est stagnante.
Des études universitaires récentes sur le report modal de l'automobile vers les transports publics mettent en évidence l'importance de la politique de stationnement. Ce ne sont, en effet, ni la qualité de l'offre des transports publics ni le prix du billet qui constituent les leviers principaux du choix modal. Dans la majorité des cas, ces études démontrent que l'usage des transports publics dépend des conditions de stationnement aux destinations de la mobilité journalière.
Reste que mener une action de stationnement restrictif au centre-ville, en diminuant l'offre par exemple, est difficile sur le plan politique, car, dans l'esprit des gens, la représentation sociale des transports publics est par trop défavorable. Une telle politique serait perçue comme une guerre anti-automobile et combattue comme telle.
Cela ne signifie néanmoins pas qu'en matière de stationnement nous sommes sans moyens. Le département de justice et police nous a fait parvenir pendant l'été - j'ai eu aussi de bonnes lectures durant cette période ! - une brochure dans laquelle M. Ramseyer explique la démarche, issue de «Circulation 2000», qu'il entend faire aboutir, à savoir une gestion différenciée du parcage dans le centre-ville pour favoriser le stationnement de courte durée et limiter le stationnement des pendulaires en leur offrant une alternative avec le développement des parkings d'échanges.
C'est exactement ce que réclame notre motion, c'est-à-dire le passage à la réalisation concrète d'un programme de parkings d'échanges de mille places pendant huit ans. Ce programme peut être financé aujourd'hui, puisque nous ne réalisons pas la traversée de la rade. Pour les acteurs économiques, notamment pour ceux de la construction, un tel investissement d'une dizaine de millions par an n'est pas à négliger.
Je vous remercie de bien vouloir renvoyer cette motion en commission.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je suis ravi d'entendre M. le député Genecand souligner que mon département remplit ses promesses, tout comme je le suis d'entendre Mme Calmy-Rey relever l'intérêt des documents que nous avons publiés cet été.
Je n'ai pas d'observation à faire sur le renvoi en commission de cette motion. Néanmoins, je tiens à faire remarquer qu'il est excessif de dire qu'il est inadmissible de ne pas disposer d'un «Park and Ride» sur le rive droite, avec un accès direct à une cafétéria, des boutiques, un kiosque, etc.
Vous parlez d'un empêchement, Monsieur Ducret. Le seul empêchement existant n'est ni la politique ni les sous, mais la géographie ! Nous n'avons pas de terrains qui se prêtent idéalement à la construction de «Park and Ride». Actuellement, nous avons deux projets, l'un pour la rive droite, l'autre pour la rive gauche, lesquels sont bloqués dans l'attente d'autres projets venant les contrecarrer !
Cela ne signifie pas que nous abandonnons nos intentions. Je porte à votre connaissance que depuis octobre 1991, ce très volumineux document intitulé «parkings d'échanges», oeuvre du bureau Ribi, répertorie toutes les potentialités que nous avons à Genève en la matière.
Monsieur le député, vous avez peut-être raison de dire que des possibilités existent. Je vous rends simplement attentif au fait qu'il ne suffit pas de demander un kiosque pour que je trouve un terrain.
Cette motion retournera en commission. Elle sera étudiée avec grand plaisir par mon département qui vous remercie des compliments que vous lui avez décernés.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des transports.
La séance est levée à 19 h 25.