Séance du jeudi 12 septembre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 10e session - 32e séance

PL 7500
36. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'exécution des peines, la libération conditionnelle et le patronage des détenus libérés (E 3 9). ( )PL7500

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'exécution des peines, la libération conditionnelle et le patronage des détenus libérés, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:

Art. 5 (nouvelle teneur)

1 La commission de libération conditionnelle est nommée lors de chaque élection des magistrats du pouvoir judiciaire.

2 Elle se compose de:

a) un juge ou un ancien juge à la Cour de justice;

b) un médecin;

c) un avocat;

d) un travailleur social;

e) trois autres membres,

ainsi qu'un suppléant pour chacune des catégories de personnes.

3 Les membres de la commission sont nommés par le Conseil d'Etat, à l'exception du juge délégué de la Cour de justice et de son suppléant qui sont désignés par celle-ci.

4 Les médecins des établissements publics ou privés ne peuvent pas faire partie de la commission.

5 Le procureur général assiste de droit aux séances de la commission avec voix consultative.

6 La commission est indépendante de l'administration.

Art. 7, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Avant de statuer, la commission sollicite un préavis écrit du procureur général.

Art. 8, al. 2 (nouveau)

2 La composition de l'autorité de surveillance du patronage est fixée par arrêté du Conseil d'Etat.

Art. 2

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi vise à harmoniser les dispositions de la législation cantonale traitant de la commission de libération conditionnelle aux exigences posées par l'article 98a de la loi fédérale d'organisation judiciaire, du 16 décembre 1943 (ci-après OJF), qui entrera en vigueur le 15 février 1997 (RO 1992, p. 288).

Rappelons que la teneur de l'article 98a OJF est la suivante:

Autorités de dernière instance cantonale

1 Les cantons instituent des autorités judiciaires statuant en dernière instance cantonale, dans la mesure où leurs décisions peuvent directement faire l'objet d'un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral.

2 Ils règlent la compétence de ces autorités, leur organisation et la procédure dans les limites fixées par les dispositions du droit fédéral.

3 La qualité pour recourir et les motifs de recours doivent être admis au moins aussi largement que pour le recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral.

Les dispositions révisées de l'OJF imposent ainsi aux cantons d'édicter, jusqu'au 15 février 1997, des dispositions d'exécution instituant des autorités judiciaires statuant en dernière instance cantonale pour les décisions qui, actuellement, n'émanent pas d'une autorité à caractère judiciaire et qui peuvent uniquement faire l'objet d'un recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral.

Comme l'a relevé le Conseil fédéral dans son message (FF 1991 II 518), les cantons sont libres de régler les compétences, l'organisation et la procédure de ces nouvelles autorités comme ils l'entendent. Il leur est loisible, par exemple, d'aménager un tribunal administratif général compétent pour l'ensemble du droit administratif fédéral ou alors de scinder le droit administratif fédéral en plusieurs domaines et de les attribuer à des tribunaux administratifs spécialisés comme le sont les commissions de recours. La seule obligation que leur impose le droit fédéral est de pourvoir à ce que ces autorités soient indépendantes.

A Genève, les décisions susceptibles de faire directement l'objet d'un recours de droit administratif sans avoir été rendues en dernière instance cantonale par une autorité à caractère judiciaire sont peu nombreuses et les exigences de l'OJF pourront être remplies au travers du projet de loi, actuellement en cours d'élaboration, faisant du Tribunal administratif, en lieu et place du Conseil d'Etat, le juge administratif du droit commun.

Toutefois, s'agissant la commission de libération conditionnelle, il est vite apparu qu'il ne serait guère cohérent que le Tribunal administratif soit appelé à se prononcer sur des sujets ayant trait à l'exécution des peines.

La question s'est alors posée de savoir si la Chambre pénale de la Cour de Justice pouvait être instituée comme autorité de recours de la commission de libération conditionnelle. Après avoir été consulté, le pouvoir judiciaire a émis la crainte que les juges de la Chambre pénale fassent l'objet d'une récusation pour avoir déjà connu de la cause au stade de la procédure de condamnation. Si ce risque n'existe guère pour les causes que la Chambre pénale aura connues en qualité de juridiction d'appel du Tribunal de police, puisque la récusation n'intervient que si le juge visé a déjà connu de la cause «dans une autre juridiction» (art. 91, lettre c, LOJ), la récusation sera en revanche la règle si les juges de la Chambre pénale, qui composent la Cour correctionnelle sans jury et qui président les cours avec jury, ont déjà traité le dossier en cette qualité. Cour correctionnelle et Cour d'assises sont en effet des «autres juridictions» selon la liste figurant à l'article 1 LOJ. Il en va de même de la Chambre d'accusation, dont la charge est assumée par d'autres juges de la Cour de Justice.

Pour ne pas risquer de se heurter à des inconvénients pratiques importants et afin d'éviter d'alourdir encore, par la création d'une nouvelle voie de recours, un contentieux qui, jusqu'à ce jour, s'est fort bien accommodé d'une seule instance sur le plan cantonal, il convient - pour se conformer à l'article 98a OJF - de ne pas instituer une autorité de recours de la commission de libération conditionnelle, mais de conférer à cette dernière la qualité d'autorité judiciaire. Pour ce faire, il y lieu de modifier la composition de la commission de libération conditionnelle de telle sorte qu'elle puisse être considérée comme un tribunal indépendant et impartial, au sens de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après CEDH).

Rappelons que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 103 Ib 372, 106 Ib 201 c.1 et 289 c.1, 108 Ia 185 c.4, 114 Ia 186 c.3b; SJ 1996 p. 363 c. 2b; JAAC 47.81 et 151), une commission est considérée comme un tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 5 CEDH lorsqu'elle statue sans instructions contraignantes du gouvernement ou de l'administration, lorsqu'elle garantit que la procédure suivie a un caractère juridictionnel correspondant à la nature de la privation de liberté en cause et lorsqu'elle n'est pas présidée par un membre du Conseil d'Etat. Le fait que les membres d'une telle autorité soient élus par l'exécutif cantonal ne remet pas en cause à lui seul leur indépendance.

S'inspirant des dispositions qui régissent le conseil de surveillance psychiatrique, dont la qualité de tribunal impartial et indépendant a récemment été reconnue par le Tribunal fédéral (SJ 1996 p. 363 et ss.), le présent projet de loi prévoit une composition visant à garantir l'impartialité et l'indépendance de la commission de libération conditionnelle. Ainsi, le chef du département de justice et police et des transports et le procureur général ne sont plus membres de la commission qui comporte désormais sept commissaires. Toutefois, avant de statuer, la commission doit solliciter le préavis écrit du procureur général qui a de surcroît la possibilité de siéger, avec voix consultative, aux séances de la commission. Enfin, en excluant de la commission les médecins des établissements publics ou privés, le projet de loi vise également à assurer l'indépendance de la commission vis-à-vis de l'administration et des parties.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.