Séance du
jeudi 12 septembre 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
10e
session -
32e
séance
IU 218
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Mon interpellation s'adresse au chef du gouvernement à qui je demande ce qu'il faut faire pour maîtriser un conseiller d'Etat qui ne semble ni connaître les lois en vigueur dans notre canton ni tenir compte démocratiquement de l'avis des communes.
Comme depuis le mois d'avril je tente de faire entendre ma voix, j'utilise l'interpellation urgente pour obtenir une réponse à la fin de la législature, date à laquelle personne ne sait qui sera encore là.
Afin de n'être pas trop longue, je cite trois exemples, le quatrième venant d'être donné.
A Avusy, M. Joye, puisqu'il s'agit de lui, bafoue allègrement la LaLAT. En effet, des parcelles, faisant l'objet d'une autorisation de construire, sont situées en zone agricole et la société, qui bénéficie de cette autorisation, ne développe aucune activité liée à l'agriculture. Elle a aménagé en son temps des installations à proximité d'habitations dans le but d'extraire du gravier et de le traiter sur place. L'extraction sur le site est terminée depuis longtemps et les installations ne servent plus qu'à traiter du gravier provenant d'autres sites d'extraction. Les autorisations délivrées à cet effet étaient subordonnées à l'obligation de restituer à l'agriculture les terrains exploités au 31 décembre 1994 au plus tard. Ces installations ont été complétées par un concasseur dont la mise en place, semble-t-il, n'a pas fait l'objet d'une autorisation. Au lieu de se conformer à la condition précitée, l'exploitant voudrait poursuivre son exploitation commerciale en mettant en place de nouvelles installations sur d'autres terrains, situés à une certaine distance des installations actuelles, lesquelles font l'objet d'une autorisation de construire sous le libellé abusif de «réorganisation des installations». Sachant que notre Grand Conseil a créé en 1980 la zone à bâtir du bois de Bay pour des activités du type de celles que le département vient d'autoriser et qu'il reste des terrains disponibles, nous nous étonnons de cette décision.
A Chancy, le département autorise un ensemble de constructions qui outrepasse très largement les conditions fixées par le plan directeur du village, daté de janvier 1994, notamment le règlement de construction qui, pour le secteur concerné, arrête un indice d'occupation à 0,2. La mairie était pourtant prête à accepter un dépassement raisonnable du taux d'occupation fixé à 0,35, mais le promoteur a insisté pour une construction au taux de 0,5, et ce uniquement pour des raisons d'ordre pécuniaire.
Enfin, à Dardagny, où les anciens se querellent avec les modernes, le département a tranché pour un objet qui aurait dû enrichir le patrimoine du village. Dans sa réponse écrite à l'interpellation urgente de M. Dupraz, M. Joye ose affirmer que les avis sont partagés et, je cite, «qu'il convient, en définitive, de prendre une décision à ce sujet qui tienne compte de tous les intérêts en présence et non pas seulement des réactions épidermiques». La pétition, dont nous parlerons plus tard, mentionne 924 signatures et non 200. Face aux vingt-sept personnes solidaires, l'on peut se demander qui a l'épiderme fragile ! Cela nonobstant le fait que M. Joye, une fois de plus, ne tient pas compte d'un règlement communal élaboré avec le département des travaux publics et adopté par un arrêté du Conseil d'Etat !
Ces décisions entraînent une multitude de recours, voire de pétitions. A Avusy, nous avons les recours de la Chambre d'agriculture genevoise, de la commune et d'un groupe d'habitants. A Chancy, seule la commune s'oppose.
Dans d'autres affaires, le WWF occupe tout son temps à élaborer des recours. Durant la seule année 1995, il en a déposé cinquante et un, dont quinze ont été liquidés et presque tous acceptés. Avant le règne de M. Joye, le WWF déposait au maximum trois recours par an.
Pourquoi tant de décisions illégales de la part de M. Joye et qu'en est-il de sa doctrine ? Dans un courrier adressé à Mme Calmy-Rey, il estime qu'elle a une conception passéiste, contraire aux principes modernes d'aménagement du territoire. Est-ce à dire que la modernité engendre l'illégalité ? Pour lui, la tendance actuelle est à la reconnaissance d'un espace rural multifonctionnel ! Dans la loi, la multifonctionnalité est définie ainsi : «1. l'agriculture; 2. la biodiversité; 3. le paysage». Selon sa conception, il s'agit du tourisme à la ferme, du travail à temps partiel, de cultures spécifiques, du développement des loisirs liés à l'agriculture, de l'encouragement du contact avec la terre des citadins, genre jardins familiaux. Mais dans sa description, M. Joye a omis le concassage de matériaux de construction autorisé à Avusy.
Face à ces décisions qui suscitent tant de recours et qui coûtent cher à tout le monde, je vous demande, Monsieur le président, de quels moyens disposons-nous pour obliger un conseiller d'Etat à respecter les lois.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 73 bis de notre ordre du jour.