Séance du
vendredi 21 juin 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
8e
session -
26e
séance
PL 7447
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les cimetières, du 20 septembre 1876, est modifiée comme suit:
Art. 4A (nouveau)
1 Dans la règle, chaque commune doit avoir un ou plusieurs cimetières afin de pourvoir à la sépulture décente :
a) de toutes personnes décédées sur son territoire;
b) de ses ressortissants;
c) des personnes qui y sont nées, domiciliées ou propriétaires.
2 Le Conseil d'Etat peut autoriser plusieurs communes à avoir un cimetière commun.
Art. 4B (nouveau)
Chaque commune prend à sa charge les frais de creusage, de comblement d'une fosse et de mise à disposition d'un emplacement de tombe pendant 20 ans,ou, en cas d'incinération, de mise à disposition d'un emplacement pour l'urne cinéraire pendant 20 ans, pour :
a) les personnes décédées sur son territoire;
b) ses ressortissants;
c) les personnes nées, domiciliées ou propriétaires sur son territoire.
Art. 4C (nouveau)
1 Les frais de funérailles comprennent la fourniture d'un cercueil, la mise en bière et le transfert au cimetière ou au crématoire et, le cas échéant, la fourniture d'une urne. Au besoin, ils sont avancés dans les limites fixées par le règlement d'exécution:
a) par la commune de domicile du défunt;
b) à défaut de domicile dans le canton, par la commune où le défunt était propriétaire;
c) à défaut de propriété immobilière dans le canton, par la commune d'origine du défunt;
d) à défaut de commune d'origine dans le canton, par la commune sur le territoire de laquelle le décès est survenu.
2 La commune qui a fait l'avance des frais de funérailles visés à l'alinéa 1 produit sa créance dans le cadre de la succession du défunt.
Art. 7 (nouvelle teneur)
1 Pour l'inhumation de toute personne qui ne se trouve pas dans les conditions indiquées à l'article 4B, la commune peut exiger un droit, dont la quotité est fixée par règlement communal.
2 Les communes peuvent accorder, dans le terrain réservé aux tombes, des concessions dont la durée et le tarif sont fixés par règlement communal.
3 Le montant de ces concessions et les autres revenus du cimetière font partie des recettes communales.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I.NIntroduction
La loi sur les cimetières, du 20 septembre 1876, n'a pas posé de problèmes particuliers pendant plus d'un siècle.
Il a ainsi fallu attendre les difficultés financières rencontrées par les collectivités publiques au début des années 1990 et de la présence de deux ou trois cadavres de personnes de passage décédées à l'hôpital cantonal dont aucun parent ne réclamait les corps pour voir apparaître un problème d'interprétation de la loi sur les cimetières au sujet de la prise en charge des frais d'obsèques.
Suite à un échange de correspondance entre le Conseil d'Etat et le Conseil administratif de la Ville de Genève en 1992-1993, il a finalement semblé nécessaire, afin d'éviter des discussions souvent sordides qui donnent en outre la fâcheuse impression que les autorités n'assument pas leur responsabilité en matière de police des cimetières, de clarifier et de limiter au strict nécessaire l'étendue de l'obligation des communes, et donc de modifier la loi sur les cimetières.
Au mois d'avril 1994 - après une réunion entre MM. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat chargé du département de justice et police et des transports (département compétent en matière de police des cimetières), et Michel Rossetti, conseiller administratif de la Ville de Genève chargé du département municipal des affaires sociales, des écoles et de l'environnement, dont dépend le service des pompes funèbres, cimetières et crématoire de la Ville de Genève - la création d'un groupe de travail chargé de rédiger un avant-projet de modification de la loi sur les cimetières a été décidée.
Le projet de loi qui vous est soumis par le Conseil d'Etat a donc été établi sur la base d'un avant-projet de loi rédigé par le groupe de travail précité, composé de représentants du département de justice et police et des transports, de la Ville de Genève, et de l'Association des communes genevoises.
II.NBref rappel du droit constitutionnel
L'article 53, alinéa 2, de la Constitution fédérale a la teneur suivante :
«Le droit de disposer des lieux de sépulture appartient à l'autorité civile. Elle doit pourvoir à ce que toute personne décédée puisse être enterrée décemment.»
L'article 53, alinéa 2, de la Constitution fédérale a donc pour but de laïciser tout ce qui touche aux sépultures. Les autorités civiles (avant tout les communes) se voient donc attribuer le droit de disposer des lieux de sépulture, et l'obligation de pourvoir à ce que toute personne décédée ait un enterrement décent.
Le droit d'être enterré décemment constitue un droit constitutionnel du citoyen qui produit ses effets au-delà de la mort. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'article 53, alinéa 2, de la Constitution fédérale contient pour le défunt un droit public subjectif reconnu, ce qui signifie que si le défunt a choisi son mode d'ensevelissement, il y a lieu de le prendre en considération (voir Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874, Editions Helbing et Lichtenhahn SA, Bâle, ad. art. 53 Cst. féd.).
III.NNécessité de légiférer
1. L'article 4 de la loi sur les cimetières, du 20 septembre 1876, a la teneur suivante :
«1 Dans la règle, chaque commune doit avoir un ou plusieurs cimetières destinés à la sépulture :
a) de toutes les personnes décédées sur son territoire;
b) de ses ressortissants;
c) des personnes qui y sont nées, domiciliées ou propriétaires.
2 Le Conseil d'Etat peut autoriser plusieurs communes à avoir un cimetière commun.»
Quant à l'article 7 de la loi sur les cimetières, il a la teneur suivante:
«1 Pour l'inhumation de toute personne qui ne se trouve pas dans les conditions indiquées à l'article 4, la commune peut exiger un droit, dont la quotité est fixée par le règlement.
2 Les municipalités peuvent accorder, dans le terrain réservé aux tombes, des concessions dont la durée et le prix sont fixés par règlement.
3 Le montant de ces concessions et des autres revenus du cimetière font partie des recettes communales.»
2. La question du droit d'être enterré gratuitement dans un cimetière communal a fait l'objet de longs débats devant le Grand Conseil, lors de l'élaboration de la loi sur les cimetières (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1876, vol. III, pages 643, 661 à 669, 732 à 740). Alors que le texte du projet de loi initial visait, en son article 2, les ressortissants et les personnes qui sont nées, domiciliées ou propriétaires dans la commune (Mémorial précité, page 48), un député s'est ému du sort des personnes décédées dans une commune sans y être domiciliées (Mémorial précité, page 665). La question fut reprise sous forme d'un amendement et la commission proposa finalement la rédaction suivante :
«Dans la règle, chaque commune doit avoir un cimetière destiné à l'inhumation :
a) de toutes les personnes décédées sur son territoire;
b) de ses ressortissants;
c) des personnes qui y sont nées, domiciliées ou propriétaires» (Mémorial précité, page 733).
Après nouvelles discussions, c'est finalement ce texte qui fut adopté et qui correspond à l'article 4, alinéa 1, de la loi actuellement en vigueur (Mémorial précité, pages 740 à 782).
3. Alors que selon une interprétation historique de la loi sur les cimetières, le département de justice et police et des transports, ainsi que le Conseil d'Etat, estimaient que la loi prévoyait la gratuité des funérailles pour les personnes qui remplissent les conditions de l'article 4, alinéa 1, lettres aà c, certaines communes ont peu à peu cherché à introduire, dans leur règlement, des exceptions pour les personnes de passage ou pour celles qui séjournent dans des homes ou autres pensions pour personnes âgées et qui décèdent sur leur territoire.
4. S'agissant plus particulièrement de la Ville de Genève, l'article 13 du règlement des cimetières et du crématoire a la teneur suivante :
«La Ville de Genève assure gratuitement, par l'entremise de son service de pompes funèbres, les funérailles, l'inhumation ou l'incinération :
a) de toute personne née ou décédée sur son territoire;
b) de ses ressortissants;
c) de toutes personnes domiciliées sur son territoire ou propriétaires au moment du décès.
Les frais de funérailles, d'inhumation ou d'incinération des personnes de passage, notamment dans les hôtels, en traitement dans les cliniques, hôpitaux et autres établissements situés sur la commune de Genève, restent à la charge de leur famille ou de la commune de domicile.
La gratuité couvre :
a) la fourniture du cercueil, la mise en bière, le dépôt éventuel dans une chambre mortuaire, le transfert jusqu'au lieu du culte, l'acheminement sur un cimetière de la Ville, le service des porteurs;
b) le creusage et le comblement de la fosse ou l'incinération et l'urne pour les cendres. Si la famille désire que l'urne soit inhumée, le droit de fosse ne sera pas perçu.»
5. Selon l'avis exprimé par le Conseil d'Etat en 1992-1993, l'article 13, alinéa 2, du règlement des cimetières et du crématoire de la Ville de Genève est contraire à l'article 4, alinéa 1, lettre a, de la loi sur les cimetières, qui oblige chaque commune à avoir un ou plusieurs cimetières notamment destinés à la sépulture de toutes les personnes décédées sur son territoire, y compris les personnes de passage.
Quant au Conseil administratif, il a contesté le point de vue du Conseil d'Etat, estimant que l'article 29 du règlement municipal, selon lequel la Ville de Genève met gratuitement à disposition des personnes décédées sur son territoire un emplacement de tombe, pour une durée de 20 ans, respecte les dispositions de l'article 4 de la loi sur les cimetières.
6. Il convient en outre de tenir compte du fait qu'à l'heure actuelle, les frais d'obsèques des personnes sans famille qui décèdent sur le territoire d'une autre commune ou à l'hôpital sont, à bien plaire et dans la majorité des cas, pris en charge par la Ville de Genève, ce qui représente 10 à 12 cas par an.
En 1994, il y a eu 3 329 décès à Genève (canton). Le service des pompes funèbres de la Ville de Genève a organisé 2 136 convois, soit 64% des décès survenus dans le canton. 1 096 obsèques gratuites ont été organisées, ce qui représente 51% des affaires traitées par le service précité et 32% des cas par rapport à l'ensemble des décès du canton.
7. C'est donc pour régler définitivement ce problème d'interprétation et pour limiter au strict nécessaire l'étendue de l'obligation constitutionnelle des communes, que le Conseil d'Etat, d'entente avec le Conseil administratif de la Ville de Genève, a estimé qu'il était nécessaire de modifier la loi sur les cimetières.
IV.NPrincipale innovation du projet de loi
La principale innovation du projet de loi est sans conteste la suppression de la prise en charge, par la Ville de Genève, des frais de funérailles des personnes ne remplissant pas les conditions de gratuité de la Ville et de certaines communes, et l'instauration, en cas de besoin, d'un système d'avance de frais par les communes (voir commentaire de l'article 4C, alinéas 1 et 2).
V.NCommentaire du projet de loi article par article
Article 4A
Cette disposition ne vise pas la question des frais, mais rappelle tout d'abord l'obligation constitutionnelle des communes de pourvoir à ce que toute personne décédée ait un enterrement décent.
L'alinéa 1 reprend mot pour mot l'article 4, alinéa 1, actuel, sauf que l'expression «un ou plusieurs cimetières destinés à la sépulture...» est remplacée par «afin de pourvoir à la sépulture décente...», pour rappeler plus clairement l'obligation constitutionnelle précitée.
Quant à l'alinéa 2, il est repris tel quel de la loi en vigueur.
Article 4B
Cette disposition reprend, avec quelques améliorations de nature rédactionnelle, le contenu de la loi en vigueur en ce qui concerne l'obligation constitutionnelle des communes de prendre en charge les frais de creusage et de mise à disposition d'un emplacement de tombe.
L'article 4B, plus clair que l'article 4 de la loi en vigueur, précise expressément que chaque commune prend à sa charge les frais de creusage, de comblement d'une fosse et de mise à disposition d'un emplacement de tombe pendant 20 ans, ou, en cas d'incinération, de mise à disposition d'un emplacement pour l'urne cinéraire pendant 20 ans, pour :
a) les personnes décédées sur son territoire;
b) ses ressortissants;
c) les personnes nées, domiciliées ou propriétaires sur son territoire.
Après quelques hésitations, il a finalement semblé nécessaire de maintenir les personnes propriétaires dans l'énumération précitée, partant du principe que l'hypothèse du richissime prince qui, de son vivant, a manifesté le désir de ne pas être enterré dans son lointain palais, mais dans le cimetière d'une commune genevoise (où il avait une maison) pour avoir une jolie vue sur le lac ou sur les Alpes, est tout à fait exceptionnel, alors que, dans la majorité des cas, il serait extrêmement difficile de refuser un emplacement de tombe à une personne qui a passé 30 ou 40 ans dans sa maison ou dans son appartement et qui, au moment du décès, était domiciliée depuis quelques années ou quelques mois seulement, hors de la commune tout en étant restée propriétaire du logement familial.
A noter encore que c'est à dessein :
- que l'article 4B ne parle pas de «frais de sépulture», pour bien montrer que les frais annexes (notamment la fourniture d'un cercueil ou d'une urne, la mise en bière et le transfert au cimetière ou au crématoire) ne sont pas payés par les communes;
- que les mots «en cas d'incinération» ont été expressément choisis, pour bien souligner que les incinérations en tant que telles ne sont pas non plus payées par les communes.
Article 4C
Cette disposition constitue le point le plus important du projet de loi en ce sens qu'elle supprime, pour les personnes solvables, la prise en charge par les communes des frais de funérailles et institue, en cas de besoin, un système d'avance de frais par les communes, qui ont ensuite la possibilité de produire leurs créances dans le cadre des successions des défunts et qui ne supportent en définitive que les frais de funérailles des personnes sans ressource.
Dans la mesure où les frais d'enterrement sont colloqués en première classe, conformément à l'article 21, lettre c, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889, la charge financière, pour les communes, est tout à fait supportable, étant rappelé qu'il n'y a à Genève que 10 à 12 personnes qui décèdent par année et dont les frais de funérailles restent à la charge de la collectivité publique.
L'article 4C permettra enfin à la Ville de Genève - qui prend actuellement en charge les frais de funérailles pour des personnes qui ne remplissent pas les conditions de la gratuité - de ne plus payer à la place des autres communes.
Article 7
L'alinéa 1 est repris tel quel de la loi actuellement en vigueur, sauf qu'il ne se réfère plus à l'article 4, mais à l'article 4B.
L'alinéa 2 voit sa rédaction améliorée, pour préciser notamment que le règlement auquel il est fait mention est un règlement communal, et non le règlement d'exécution de la loi sur les cimetières.
L'alinéa 3 est repris tel quel de la loi en vigueur.
VI.NConclusion
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le présent projet de loi.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires communales et régionales.