Séance du vendredi 21 juin 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 8e session - 25e séance

M 1055
8. Proposition de motion de MM. Christian Grobet, Pierre Vanek et Jean-Pierre Rigotti sur la maîtrise des coûts de la santé. ( )M1055

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'explosion des coûts de la santé dans notre canton;

- la nécessité de freiner le suréquipement, notamment dans le domaine hospitalier, compte tenu du fait que notre canton a un taux de médicalisation parmi les plus élevés du monde;

- l'obligation faite par la nouvelle loi sur l'assurance-maladie (LAMal) d'établir une planification hospitalière jusqu'à fin 1997;

- le projet d'extension de la clinique des Grangettes, qui a fait l'objet d'une autorisation de construire publiée récemment dans la Feuille d'avis officielle,

invite le Conseil d'Etat

à lui faire rapport dans les meilleurs délais sur les options retenues en vue de la planification hospitalière qu'il doit établir en vertu de la LAMal et sur les mesures qu'il entend prendre pour lutter contre l'explosion des coûts de la santé à Genève, notamment quant à une éventuelle surcapacité hospitalière et un suréquipement médical dans notre canton;

à examiner, dans l'intervalle, si un moratoire ne devrait pas être décrété en matière de nouvelles infrastructures hospitalières, notamment en cas d'augmentation du nombre de lits, et surseoir à l'agrément de l'extension de la Clinique des Grangettes, en raison des conséquences que celle-ci aura sur les coûts de la santé, ou du moins vérifier si cette extension répond aujourd'hui à la clause du besoin.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La nouvelle LAMal fait obligation d'établir d'ici fin 1997 une planification hospitalière et de fournir davantage de transparence dans les comptes hospitaliers. Cette disposition s'explique, d'une part, par les importantes surcapacités en matière de lits disponibles, qui sont responsables pour une bonne part des augmentations de coûts hospitaliers déjà très élevés, et, d'autre part, du fait que de nombreux hôpitaux ne procèdent pas au calcul, pourtant nécessaire, des centres de charges, afin d'évaluer le prix de revient des différents types d'intervention et l'opportunité de les effectuer dans les établissements hospitaliers concernés. En résumé, il s'agit, par une meilleure connaissance de l'état de la situation et des coûts réels, non seulement de déterminer où des économies peuvent être réalisées, mais encore de planifier les investissements futurs de manière à les limiter à ceux véritablement nécessaires et éviter ainsi de nouvelles hausses des coûts de la santé.

Certes, la situation diffère beaucoup d'un canton à un autre, mais Genève étant le canton où les coûts de la santé sont les plus élevés, on doit bien admettre que la planification exigée par la loi fédérale devrait permettre de mettre un peu d'ordre dans le développement désordonné et particulièrement onéreux ces dernières années des prestations dans le domaine de la santé. Vu l'importance de la question, il paraît légitime que le Grand Conseil soit informé des intentions du Conseil d'Etat et puisse en débattre avant que la planification définitive ne soit arrêtée et communiquée à l'autorité fédérale de surveillance. Tel est le but principal de la présente motion.

Dans l'attente de ce rapport, il se justifie que le Conseil d'Etat prononce un moratoire en matière de nouvelles infrastructures hospitalières, ou pour le moins examine les projets dans ce domaine au regard de la clause du besoin qui doit être réactualisée en fonction de la situation d'aujourd'hui. En effet, avec la crise actuelle, la situation s'est profondément modifiée à plusieurs égards.

Tout d'abord, on ne saurait poursuivre la politique d'euphorie des années 1980 qui a provoqué un suréquipement médical très onéreux à Genève, chacun voulant être doté de la dernière nouveauté technologique souvent très onéreuse, plutôt que de rechercher des solutions d'utilisation en commun des équipements. Nous n'avons plus les moyens d'une telle politique.

D'autre part, vu la baisse des revenus de nombreux citoyens et plus particulièrement de ceux qui recouraient à une hospitalisation privée, les hôpitaux privés ont vu une nette diminution de leur clientèle alors que les hôpitaux publics sont toujours plus sollicités.

Enfin, la forte hausse des primes d'assurance-maladie a amené de nombreux assurés à renoncer à leur assurance complémentaire utilisée pour des hospitalisations dans les cliniques privées, dont certaines risquent de ne plus être reconnues par les caisses-maladie.

Il en résulte que les besoins hospitaliers doivent être analysés en fonction de ces paramètres nouveaux, qui auront une forte influence sur les taux de fréquentation des divers établissements hospitaliers. Dans ce contexte, tout nouveau projet hospitalier doit être analysé de manière approfondie et tel devrait être le cas, à notre avis, du projet d'extension de la Clinique des Grangettes qui avait déjà suscité des doutes il y a 4 ans, à l'occasion de la modification du régime des zones applicable aux terrains où se trouve situé cet établissement hospitalier, afin de permettre son extension. Bien que M. Guy Olivier Segond, président du département de l'action sociale et de la santé, ne parût pas convaincu à l'époque par ce projet, la commission de l'aménagement n'a finalement pas voulu se prononcer sur une question qui n'était pas vraiment de sa compétence et décida de recommander, sans enthousiasme, l'adoption du nouveau plan de zone, qui fut approuvé par le Grand Conseil.

Depuis lors, la situation a profondément évolué comme rappelé ci-dessus et le problème de l'explosion des coûts de la santé dans notre canton, comme la reconstruction en cours de la Maternité, exigent que Conseil d'Etat, avant de donner son agrément à cette nouvelle construction hospitalière, réexamine son opportunité, au vu de ces éléments nouveaux ainsi que sous l'angle - d'aujourd'hui - de la clause du besoin, et fasse rapport à ce sujet au Grand Conseil.

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion recevra bon accueil de votre part.

Débat

M. Christian Grobet (AdG). La population a réagi très fortement aux hausses des cotisations d'assurance-maladie, au point que le président du Conseil d'Etat ou l'un de ses collègues a pensé que c'était l'un des motifs qui l'avaient amenée à rejeter la traversée de la rade.

Certes, cette augmentation a suscité de très nombreuses réactions dans la population, et il n'y a pas de jour où l'un d'entre nous n'est pas interpellé par des citoyens.

Cependant, on met un peu trop souvent en cause ces cotisations qui doivent bien couvrir les charges. Force est de constater que les coûts de la santé ont, eux aussi, fortement augmenté et qu'ils sont reportés sur les primes acquittées par les assurés.

C'est pourquoi il faut tout entreprendre pour mieux maîtriser ces coûts. En vertu de la LAMal, les cantons ont l'obligation de procéder à une planification hospitalière et de la transmettre à l'autorité fédérale.

Le but de cette motion est donc que le Conseil d'Etat transmette cette planification au Grand Conseil, une fois qu'elle aura été établie, et indique, analyse faite, les mesures qu'il entend prendre pour lutter contre l'augmentation de ces coûts.

Nous souhaitons également que cette analyse tienne compte d'une éventuelle surcapacité hospitalière, notamment d'un éventuel suréquipement médical dans notre canton. Hier soir, un médecin député a stigmatisé le sous-équipement en matière de mammographie. Par contre, il est notoire que d'autres équipements, relativement onéreux, abondent, ce qui n'est pas sans répercussion sur les coûts de la santé. Aussi estimons-nous que cette question doit faire l'objet d'un débat dans ce Grand Conseil, et nous faisons confiance à M. Segond pour nous faire des propositions à cet égard.

Nous profitons de cette motion pour demander quelques explications sur le projet de construction du Conseil d'Etat, prévu à la clinique des Grangettes. Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous devez vous en souvenir, puisque la commission d'aménagement avait demandé à vous entendre personnellement quand il s'est agi de créer la zone à bâtir. En effet, elle désirait savoir si vous considériez justifié ou non cet agrandissement de la clinique des Grangettes. Ayant assisté, à l'époque, à votre audition, j'ai eu l'impression que vous n'aviez pas d'opinion définitivement arrêtée. Vous aviez reconnu l'estimation difficile à faire et admis d'éventuels problèmes.

Toutefois, la situation est en train d'évoluer rapidement, l'augmentation des primes des caisses maladie semblant inciter un nombre non négligeable de citoyennes et de citoyens à renoncer à l'assurance complémentaire qui concerne, précisément, l'hospitalisation des patients dans les établissements privés, lesquels connaissent, maintenant, des surcapacités dans plusieurs cantons.

Nous n'entendons pas lancer une croisade contre la clinique des Grangettes qui est un excellent établissement hospitalier. Néanmoins, la question posée en commission de l'aménagement, voici trois ans, par des députés de différentes tendances politiques, est à nouveau d'actualité, et nous aimerions connaître la réponse du Conseil d'Etat.

Nous nous demandons surtout s'il ne se justifierait pas que le Conseil d'Etat décrète un moratoire en matière de constructions hospitalières nouvelles, comme celui, Monsieur le président, que vous aviez mis en place pour les pensions pour les personnes âgées quand il s'est avéré qu'il y avait surabondance d'offres.

Par le biais de cette motion, nous posons plusieurs questions. Un rapport du Conseil d'Etat y répondra et remédiera, peut-être, à l'explosion des coûts de la santé.

Mme Micheline Spoerri (L). A en croire les motionnaires, on pourrait s'imaginer que Genève est déjà sous le régime de la clause du besoin en matière d'infrastructures hospitalières.

Il semble, Messieurs, que vous preniez vos désirs pour des réalités. Votre façon d'anticiper est, à mon sens, quelque peu imprudente, car rien ne nous permet de penser que les Genevois souhaitent vivre sous des régimes planificateurs, directifs, interventionnistes, comme le révèle, en particulier, la deuxième invite de votre motion.

Malgré les charges inacceptables que nos concitoyens supportent dans l'assurance-maladie, ils restent profondément attachés à leur liberté de choix, et votre approche simplificatrice est inquiétante.

D'ailleurs, l'intérêt politique de cette motion est qu'elle dévoile bel et bien la vision que vous avez de la Genève de demain et nous permet d'imaginer, si l'occasion vous en était donnée, de quelle façon vous entendriez résoudre les problèmes de santé publique à Genève. A bon entendeur, salut !

Ceci étant dit, il est de la responsabilité de notre députation toute entière de s'atteler à la maîtrise des coûts de la santé, mais ni vous, ni nous, ni le président du département de la santé, ni même, à l'évidence, Mme Dreifuss, votre proche collègue politique, n'avons de recette miracle.

Quant à nous, libéraux, nous condamnons toute approche qui porte atteinte au respect de la sphère individuelle et privée. Voilà pour ce qui concerne l'analyse politique de cette motion.

En ce qui concerne les faits, M. Guy-Olivier Segond nous informera probablement tout à l'heure.

Il me semble qu'aujourd'hui aucun canton n'est en mesure de proposer d'option en ce qui concerne la planification hospitalière, effectivement inscrite dans la LAMal. Cela tout simplement parce que l'OFAS, accaparé par toutes sortes de problèmes liés à l'application de la LAMal, n'a pas à ce jour édicté de dispositions permettant aux cantons de s'orienter en la matière.

Par ailleurs, la planification prévue concerne l'assurance de base, c'est-à-dire les établissements hospitaliers qui détiennent des divisions communes. Or l'établissement privé, visé dans la deuxième invite, ne détient précisément pas de divisions communes. Il n'y a donc pas, à mon avis, de relation de cause à effet entre la planification et la clinique des Grangettes.

Quant aux arguments qui consisteraient à revenir sur l'autorisation d'extension de cet établissement, je ne les commenterai pas, du moins pas pour l'instant. Mais le Grand Conseil, s'il suivait la recommandation de M. le député Grobet, créerait un grave précédent auquel il est hors de question que nous, libéraux, souscrivions.

Voilà les quelques raisons pour lesquelles je vous recommande, au nom du groupe libéral, de rejeter la motion 1055.

M. Dominique Hausser (S). Le groupe socialiste accueille cette motion avec intérêt. Il espère, néanmoins, en discuter en commission, afin de préciser les quelques points que je vais brièvement commenter.

La planification hospitalière n'est qu'une des composantes de la planification sanitaire. Cette dernière comprend l'ensemble des services essentiellement thérapeutiques, hospitaliers et ambulatoires, et l'ensemble des services de santé, dont, notamment, ceux de la promotion de la santé.

S'il est vrai que l'article 57 de la LAMal ne vise que les établissements hospitaliers qui offrent des prestations soumises à l'assurance de base, je vous rappelle que ce parlement a voté, il y a plus d'un an, une loi, la K 1 3, intitulée «loi instituant un plan directeur des prestations sanitaires». Dans son article 1, premier alinéa, elle stipule que : «...le plan directeur de l'ensemble des prestations, tenant compte des activités privées...». Par conséquent, il est évident que l'ensemble des activités privées doit être planifié et inclus dans le plan directeur.

Les données financières sont bien entendu essentielles. La maîtrise des coûts est indispensable, même pour des activités d'utilité publique. Je tiens néanmoins à rappeler que par rapport au produit intérieur brut les coûts de la santé n'ont augmenté que depuis 1994, alors qu'ils sont restés stables durant les dix ou douze dernières années. Il importe donc que nous réfléchissions sérieusement à ce qui pourrait se passer dans le futur.

La maîtrise des coûts ne se limite pas, pour moi, aux institutions publiques, mais concerne l'ensemble des citoyens et habitants de ce canton. Si l'Etat fait des efforts pour diminuer le nombre des lits dans les établissements publics, il est aberrant que ce nombre augmente dans les établissements privés. Ce n'est pas ainsi que nous pourrons réduire les coûts d'hospitalisation.

Il est important que nous précisions, en commission, ces différents points qui lient le canton à la LAMal, d'une part, et à la loi votée par ce parlement, d'autre part. Par conséquent, je vous prie de renvoyer cette motion à la commission de la santé.

M. Pierre Froidevaux (R). Messieurs les motionnaires, vos trois premiers considérants et votre première invite sont déjà caducs. Ils ont fait l'objet d'une loi sous l'intitulé 7173, votée à l'unanimité par ce parlement il y a plus d'une année.

Cette loi se concrétise dans les faits par la procédure de consultation en cours d'une union des forces institutionnelles entre le canton de Vaud et le canton de Genève.

Devons-nous comprendre que vous vous y opposez déjà et qu'ainsi vous vous opposez définitivement à la maîtrise des coûts de la santé ? Dès lors, même le titre de votre motion, symbole de vos intentions, ne serait que mensonge !

La deuxième invite et le quatrième considérant, eux, sont passionnants. Vous demandez à l'Etat d'intervenir dans le secteur privé. Or vous-mêmes savez que le secteur privé ne coûte rien à l'Etat et qu'au contraire il rapporte, puisque c'est toujours à ce niveau que vous vous plaisez à «inventer» de nouveaux sous ! Dès lors pourquoi une clinique privée, avec des assurés privés, ne serait-elle pas une source d'économies très sérieuses pour l'Etat, comme le sont nos écoles privées, Monsieur le député Vanek ?

Combien coûterait à l'Etat la disparition de toutes les écoles privées du canton ? Heureusement, Monsieur le député Grobet, vos honoraires privés d'avocat ne coûtent rien à l'Etat et la fiscalité ainsi induite paie vos clients commis d'office. Mais quel serait le coût si l'Etat devait prendre aussi en charge vos clients privés ?

Alors pourquoi voulez-vous que la médecine privée coûte au lieu de rapporter ? Or, je dois en partie vous donner en raison : la médecine privée coûte à la collectivité précisément parce qu'elle est collectivisée, parfait synonyme de «étatisée» ! Elle est collectivisée non seulement par les gouvernements de gauche mais aussi par ceux de droite. Lorsqu'un mot reçoit l'adjectif «collectivisé», il se transforme souvent en «faillite» ! Les milliards de la «sécu» française hypothèquent les générations futures de Françaises et de Français à la manière d'un emprunt russe. Le système anglais thatchérien n'est pas meilleur. Rappelez-vous l'histoire récente de cette fillette leucémique que les hôpitaux publics refusaient de soigner, le traitement étant jugé trop cher et sans chance de succès. La prise en charge de cette fillette par le milieu privé lui a permis d'entrer en rémission de sa maladie.

Messieurs les motionnaires, vous souhaitez poursuivre plus avant dans votre logique étatique, en préconisant une clause du besoin toujours en faveur du secteur public et au détriment du secteur privé. C'est encore augmenter les coûts de la médecine; c'est aller à l'encontre des besoins de notre population.

Pour avoir une médecine sociale digne de ce nom, tout l'effort politique doit tendre à favoriser la médecine privée, afin de pouvoir concentrer l'effort de la collectivité sur le plus petit nombre possible. C'est dans cet esprit-là que nous arriverons à résoudre le problème lancinant des coûts des assurances-maladie pour les classes moins favorisées, sans que s'installe une médecine à deux vitesses.

Le secteur privé d'activités scolaires, comme celui des avocats, permet aux maîtres Vanek et Grobet de pouvoir continuer à s'appuyer sur une école publique de renom et une magistrature de qualité. Aidez-nous à faire de même en soutenant politiquement l'activité médicale privée pour favoriser la médecine et rejetons votre motion ! (Applaudissements des libéraux.)

M. Christian Grobet (AdG). Les interventions de Mme Spoerri et de M. Froidevaux, défenseurs de la médecine privée, ne m'étonnent guère.

Vous êtes totalement obnubilés par la défense de la médecine privée. Vous pensez que ceux qui posent des questions et soulèvent des problèmes s'y opposent totalement. Nous n'avons aucune raison de nous dresser contre la médecine privée, et vous nous faites un mauvais procès d'intention.

Il est clair que nous sommes pour la liberté de choix en la matière, la médecine publique jouant un rôle essentiel, reconnu par M. Froidevaux à l'instant même, pour la grande majorité de la population. Mais nous ne voulons pas étatiser la médecine privée pour autant, et vous le savez fort bien !

Le malheur est que dès qu'on égratigne un tout petit peu la médecine privée - ou que vous nous en prêtiez le dessein - vous avez des réactions quasi épidermiques !

M. Froidevaux a bien raison de reconnaître que la médecine privée a un coût social qui se répercute, que vous le vouliez ou non, sur les charges des assurances-maladie. C'est une réalité, et l'on ne peut faire une analyse démontrant qu'un secteur n'aurait aucune influence sur l'autre.

Nous avons soulevé le problème général des surcoûts de la médecine, et, comme l'essentiel de la médecine extra-hospitalière est en mains privées, c'est bien de la médecine privée, ne vous en déplaise, Monsieur Froidevaux, que proviennent la cherté des prestations et l'explosion des coûts.

Nous savons que cette question vous gêne... (Intervention de M. Pierre Froidevaux.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Froidevaux, en dépit de vos propos discourtois, à l'image de votre personnage !

Le président. Je vous en prie, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. Tout comme moi, vous avez entendu les propos de M. Froidevaux. Je lui réponds sur le même ton.

Il suffit de se rendre dans d'autres cantons suisses pour comparer les honoraires des médecins et constater de notables différences selon les endroits où l'on se trouve.

Par voie de conséquence nous posons des questions. Nous nous rendons compte que vous ne désirez pas connaître les réponses, et cela ne nous étonne pas. Effectivement, vous avez tout intérêt à maintenir l'opacité la plus totale sur ce qui se passe dans la médecine privée, pour justifier vos pratiques.

M. Andreas Saurer (Ve). Nous estimons que le projet de motion de l'Alliance de gauche soulève un vrai problème, à savoir la surcapacité hospitalière dans le canton de Genève.

Toutes les études faites jusqu'à maintenant, particulièrement celle de M. Gilliand, ont montré que nous avons trop de lits dans ce canton. Ils sont peut-être mal répartis entre certains secteurs, mais nous avons trop de lits hospitaliers.

J'estime donc tout à fait légitime de discuter de ce problème dans le cadre des instances politiques, pour voir comment essayer de le régler. Ce problème est parfaitement réel. L'application, elle, peut être un peu plus difficile.

Maintenant, je donne juste une petite réponse à Mme Spoerri et à M. Froidevaux :

Madame Spoerri, je suis d'accord avec vous. Personne ne détient la solution pour freiner l'évolution des coûts de la santé. C'est extrêmement complexe. Mais en disant : «Faites tout, sauf de la planification !» ou «Faites tout, sauf de l'intervention dans l'économie de marché ou dans la sphère individuelle !», vous choisissez le camp des «Neinsager» qui disent systématiquement non, dès que l'on propose quelque chose.

Monsieur Froidevaux, vous dites : «Séparez le secteur public du secteur privé, ce dernier n'ayant rien à voir avec les pouvoirs publics !». Permettez-moi de vous rappeler, ainsi qu'à mes autres collègues médecins, qu'environ 10% de votre revenu proviennent des subventions des pouvoirs publics... (Intervention de M. Pierre Froidevaux.) Oui, 10% de votre revenu proviennent des pouvoirs publics, Monsieur Froidevaux ! Vous êtes subventionné comme moi et comme toute la paysannerie suisse ! (Exclamations.) Puis-je continuer, Monsieur le président ?

Le président. Bien sûr !

M. Andreas Saurer. Il est vrai que l'on s'excite sur les bancs radicaux !

Maintenant, venons-en au problème de la clinique des Grangettes. Lors de la législature précédente, ce sujet a été abordé non seulement en commission de l'aménagement mais aussi en commission de la santé. Sur tous les bancs, on était d'avis qu'il n'était pas opportun d'accroître la capacité des lits des cliniques privées. Le problème était que l'on ne pouvait pas intervenir sur le plan juridique, la LAMA étant encore en vigueur à ce moment-là.

Certes, tous les patients qui se rendent aux Grangettes ont des assurances complémentaires, mais leur assurance de base intervient aussi ! L'assurance complémentaire ne s'applique qu'aux montants dépassant les prestations de base. Par conséquent, les cliniques privées, y compris la clinique des Grangettes, font appel à la LAMal.

Il est vrai que le problème juridique existe. Il s'agit de savoir si les pouvoirs publics peuvent intervenir au niveau de la planification des lits, qu'ils soient privés ou pas. Le problème n'est pas résolu, il n'y a pas de réponse officielle à cette question, parce que les cliniques privées en Suisse, comme vous avez pu le lire récemment dans la presse, sont d'accord de recevoir certains droits et certaines subventions de la Confédération, mais entendent garder une liberté totale quant à leur planification hospitalière. Là, il y a quelque chose qui ne joue pas !

Pour tirer cette question au clair, y compris au niveau cantonal, et pour étudier à fond ce problème sur le plan juridique, je vous supplie de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission de la santé.

M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. A propos des questions de planification sanitaire et hospitalière, je répondrai d'abord sur la procédure et le calendrier.

Comme je l'ai déjà dit devant ce Conseil, nous devons, au niveau du Conseil d'Etat, terminer la planification financière quadriennale qui couvre les années 1997 à 2000. Sur cette base, nous vous présenterons cet automne la planification sanitaire quantitative qui sera suivie, en automne 1997, de la planification sanitaire qualitative, préparée, sur la base d'un mandat, par l'Institut de médecine sociale et préventive de l'université de Genève.

Ceux qui ont lu le rapport du professeur Gilliand ou qui ont répondu à la procédure de consultation connaissent déjà les grandes options, c'est-à-dire le fond de la planification sanitaire.

Pour l'essentiel, elles sont au nombre de quatre :

1. développer la promotion de la santé et la prévention des maladies et des accidents;

2. développer l'aide à domicile pour éviter les hospitalisations coûteuses;

3. rationaliser le fonctionnement des hôpitaux sur le plan régional comme sur le plan local.

4. prolonger le moratoire sur les établissements médicaux-sociaux.

Il demeure encore un certain flou juridique sur le champ d'application de la planification sanitaire : la loi prévoit qu'elle doit être établie en tenant compte du secteur privé. Que signifient les termes «en tenant compte du secteur privé» ? Doit-on laisser le secteur privé évoluer librement et tenir compte de son évolution ? Doit-on tenir compte du secteur privé et l'intégrer dans la planification sanitaire ? Une chose est sûre : quelle que soit l'option retenue, un recours sera déposé, et l'autorité judiciaire sera appelée à se prononcer...

La planification sera contraignante pour toutes les prestations des établissements financées par l'assurance obligatoire qui couvre les soins de base. D'où le problème posé par les assurances complémentaires et les prestations qu'elles financent. On peut décider qu'elles ne sont pas comprises dans la planification sanitaire, en prenant une position juridique plus restrictive qu'extensive. Mais, en tout état, l'effet des assurances complémentaires sur la planification sanitaire est réel : soit les assurances complémentaires augmentent et le secteur privé déleste un peu le secteur public; soit elles diminuent, et le secteur public reprend ce qui n'est plus pris en charge par le secteur privé.

Quelle que soit la formule retenue, contraignante ou pas, il y aura donc toujours un effet de l'assurance complémentaire, qu'elle évolue à la hausse ou à la baisse, sur la planification sanitaire.

J'en viens à la clause du besoin. Dans les documents que vous recevrez cet automne figure un avis de droit du professeur Saladin de l'université de Berne, qui répond d'ailleurs à une demande de ce Grand Conseil, suite à une motion de la commission de la santé. Celle-ci demandait la maîtrise des coûts par l'introduction d'une étude d'impact, inspirée de la législation sur l'environnement, pour les équipements de diagnostic d'un coût supérieur à 2 millions, voire l'étude d'une véritable clause du besoin.

Vous lirez avec intérêt la prise de position du professeur Saladin en ce qui concerne le noyau dur de la liberté du commerce et de l'industrie et de sa «périphérie» considérée, sur le plan juridique, comme étant un peu plus «molle».

Que vous renvoyiez ou pas cette motion à la commission de la santé, vous aurez, cet automne, réponse à ces questions avec les documents que vous recevrez.

Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi de la motion à la commission de la santé.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

La proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé est rejetée par 42 non contre 37 oui.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.