Séance du
jeudi 20 juin 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
8e
session -
24e
séance
PL 7444
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980, est modifiée comme suit:
Art. 19, al. 3 et 4 (nouveaux)
3 La prévention est confiée à un centre de prévention qui a pour mission de mener des actions prophylactiques gratuites au profit de la population. A cette fin, le centre organise et coordonne avec les services hospitaliers concernés et le cas échéant avec d'autres services publics, tels que l'institut d'hygiène, et d'autres organismes publics et privés menant des actions préventives:
a)
les campagnes de vaccinations obligatoire et facultative;
b)
les campagnes d'examens pulmonaires (détection notamment de la tuberculose);
c)
les campagnes de dépistage du cancer ou d'autres maladies, notamment le dépistage du cancer du sein par mammographie tout particulièrement pour les femmes âgées de plus de 50 ans;
d)
les campagnes d'information en faveur de la promotion de la santé.
4 Il est adjoint au centre de prévention une commission consultative formée des membres suivants, nommés par le Conseil d'Etat pour 4 ans:
a)
un représentant de la direction générale de la santé publique rattachée au département de l'action sociale et de la santé, qui préside la commission;
b)
trois représentants de l'Hôpital cantonal;
c)
un représentant du service de santé de la jeunesse;
d)
un représentant de l'institut d'hygiène;
e)
un représentant de l'Association des médecins genevois;
f)
un représentant de «Forum santé»;
g)
un représentant de l'Association des pharmaciens genevois;
h)
un représentant de la Ville de Genève;
i)
trois représentants d'associations d'importance cantonale ayant pour but de mener des campagnes prophylactiques.
La commission a pour but de suivre l'activité du centre de prévention et de lui soumettre toutes suggestions utiles. Elle présente un rapport annuel au Grand Conseil.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La population a réagi très vivement contre les augmentations de primes des assurances-maladie. Ces augmentations résultent principalement de la hausse vertigineuse des coûts de la santé, qui ont doublé en un peu plus de 10 ans. Il ne s'agit donc pas d'agir uniquement contre les hausses de primes décidées par les caisses de maladie, quoique leur bien-fondé doive être soi-gneusement analysé, mais il faut tenter de réduire les coûts de la santé et mener à cette fin des actions préventives dans le but de diminuer le nombre d'interventions coûteuses, sans parler de la volonté de réduire les souffrances et les décès dus à la maladie, et d'améliorer l'état de santé général de la population.
La médecine préventive, notamment au niveau du dépistage des maladies, et la promotion de la santé, au niveau de l'information destinée à lutter contre les comportements néfastes à la santé, peuvent jouer dans ce domaine un rôle primordial, en favorisant un meilleur état de santé de la population et une prévention de la maladie. Certes, il se fait déjà beaucoup à Genève, mais il convient d'accentuer et de développer les actions dans ce domaine, si l'on songe que, selon les dernières statistiques publiés dans les «Cahiers de la santé» de juin 1993, le nombre de cas de maladie par assuré est plus élevé à Genève que dans l'ensemble de la Suisse (2,6 en moyenne à Genève, contre 2,0 pour la Suisse), le taux étant particulièrement élevé pour les femmes (3,3 contre 2,5 pour la Suisse).
La prévention et la promotion de la santé constituent l'une des mesures recommandées dans les 38 buts de la santé définis par l'OMS dans sa politique de la santé de l'Europe, mesures qui sont reprises dans les recommandations en matière de santé du département de l'action sociale et de la santé, telles que publiées dans les «Cahiers de la santé» de juin 1993. Enfin et surtout, la prévention est l'un des buts, inscrits dans la loi, que doivent poursuivre les établissements publics médicaux genevois (voir article 2 de la loi sur les établissements publics médicaux). La création d'un centre de prévention à l'Hôpital cantonal, qui aurait pour mission de mener cette tâche et de coordonner les actions menées dans ce cadre, aurait certainement pour effet de développer les actions de prévention et de promotion de la santé en les rendant plus efficaces.
Une action efficace de prévention aurait pour effet de diminuer les causes d'hospitalisation et de réduire ainsi les coûts hospitaliers, au même titre que les soins à domicile, dont le développement s'est heurté à l'époque à une forte opposition, mais qui ont démontré depuis lors qu'ils répondaient non seulement à une nécessité, mais encore avaient pour effet de diminuer sensiblement la durée moyenne d'hospitalisation ainsi que les charges hos-pitalières.
Un domaine particulier où l'action préventive est essentielle, c'est le dépistage du cancer du sein. Notre pays, selon un article publié dans un ré-cent numéro du journal «Médecine et Hygiène», est un de ceux où l'inci-dence de ce type de cancer est l'une des plus élevées enregistrées au monde (taux de 0,7% ). Chaque année, 3 500 nouveaux cas et près de 1500 décès par cancer du sein sont notifiés dans notre pays.
«Médecine et Hygiène» relève que «la seule manière de lutter contre cette forme de cancer passe aujourd'hui par son dépistage précoce (préven-tion secondaire). Celui-ci permet de faire un diagnostique précoce du cancer du sein et, par voie de conséquence, d'améliorer l'efficacité de son traite-ment. Il existe un consensus au niveau international pour admettre que la mammographie constitue l'examen de choix pour réaliser le dépistage. Plu-sieurs études ont en effet démontré qu'il était possible de réduire la mortalité induite par ce cancer de 20 à 40%. En Europe, une commission d'experts désignée par l'Union européenne recommande la mise en oeuvre de pro-grammes organisés de dépistage proposant aux femmes asymptomatiques, dès l'âge de 50 ans, la réalisation d'une mammographie tous les 2 à 3 ans.»
Il est inadmissible, vu les conséquences particulièrement graves (et coûteuses) de cette maladie, qui peut être maîtrisée moyennant un détectage précoce avec un taux de guérison particulièrement élevé, que l'action pré-ventive envisagée dans ce domaine par le département de l'action sociale et de la santé ne soit pas engagée, ce d'autant plus que le coût de cette action préventive sous forme de mammographies serait largement compensé par les économies réalisées en matière de traitement hospitaliers et autres.
La solution la moins coûteuse et la plus efficace, c'est que les campa-gnes de dépistage du cancer du sein soient exécutées par l'Hôpital cantonal, qui dispose de l'équipement médico-technique nécessaire et peut recourir à des médecins en voie de formation, ce qui permettrait d'éviter que des pra-ticiens privés doivent acquérir des équipements complémentaires pour mener une telle action à des coûts forcément plus élevés que ceux de l'Hôpital cantonal, indépendamment du fait que les actions préventives de ce type re-lèvent manifestement de la médecine publique. C'est du reste à ce type de solution que le canton de Vaud a recouru dans le cadre du projet pilotequ'il mène avec succès depuis 1993 dans les hôpitaux de district d'Aigle, Aubonne et Morges, les résultats des examens étant, bien entendu, communiqués aux médecins privés des femmes examinées.
Le présent projet de loi propose, en outre, de constituer une commission consultative pour suivre l'action du centre de prévention et lui suggérer toutes actions utiles, comme c'est le cas pour le centre d'information familiale et de régulation des naissances (loi J 7 0,5). Il est nécessaire d'y faire siéger également des représentations des associations telles que la Croix-rouge, les ligues contre le cancer et la tuberculose qui mènent des actions prophylactiques, afin de développer la promotion de la santé, notamment dans le domaine de l'alimentation, de l'hygiène corporelle, de la prévention contre le tabac et l'alcool, etc. A cet égard, la collaboration des centres médico-sociaux de la Ville de Genève et des pharmacies (en ce qui concerne notamment la prise de tension) est également extrêmement importante.
A noter que la promotion de la santé a fait l'objet d'une motion cir-constanciée (n° 800) de Mmes et MM Andreas Saurer, Vesca Olsommer, Gabrielle Maulini-Dreyfus et André November, renvoyée au Conseil d'Etat lors de la séance du Grand Conseil du 16 octobre 1992 et restée sans réponse à ce jour, bien que M. Guy-Olivier Segond ait déclaré à cette occasion que le Conseil d'Etat pouvait y répondre dans les six mois.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Gilles Godinat (AdG). Le projet de loi que nous vous soumettons s'inscrit dans le contexte très particulier d'une situation de blocage, voire de non-démarrage d'une campagne de prévention et de dépistage du cancer du sein à Genève. Ce projet veut être un outil de coordination d'une politique de prévention qui intègre et intéresse les différents milieux concernés. Le débat nous semble indispensable, spécialement en commission, afin de définir les objectifs et les moyens nécessaires pour une politique cantonale de prévention médicale.
L'objectif est très précis, il s'agit du démarrage de la campagne de prévention de dépistage du cancer du sein. La doctoresse Bouchardy, responsable du registre genevois des tumeurs et épistémologiste du cancer, déclare que, dans le domaine de la santé publique, la prévention du cancer du sein est une des priorités reconnues par l'ensemble des pays industrialisés. A Genève, c'est non seulement le cancer le plus fréquent, mais notre canton détient aussi le triste record d'une des fréquences les plus élevées au monde.
C'est d'autant plus grave qu'il existe actuellement un moyen de dépistage efficace. Selon les chiffres relevés dans un des quotidiens de la place, le cancer du sein provoque chaque année, en Suisse, près de mille six cents décès, soit plus de 20% des décès dus au cancer, et 5% du total des décès des femmes. A Genève, dans le canton de Vaud et à Bâle, on relève un taux de cancers parmi les plus élevés d'Europe, et on estime qu'une femme sur dix développera un cancer du sein au cours de son existence.
Un groupe de travail s'est créé, à Genève, en 1991, à l'instigation du département de l'action sociale et de la santé publique pour mettre sur pied un programme de coordination entre l'action de service public et les praticiens privés. Le consensus international et les programmes établis par la majorité des pays européens ont démontré que de bons programmes de dépistage prévoyant un dépistage par mammographie tous les deux ans pour les femmes âgées de plus de cinquante ans permettaient de réduire la mortalité de 20 à 40%. L'efficacité d'un tel examen est donc reconnue au niveau international.
C'est pourquoi cette situation, bloquée depuis deux ans, devrait changer. Le travail de coordination avec les gynécologues et les radiologues pour établir une charte définissant la qualité des prestations pour la prévention a été accompli. Le programme et le centre de dépistage étaient prêts - la peinture finissait de sécher - mais la volonté politique de démarrer a fait défaut.
La LAMal avait prévu, au niveau national, de développer les programmes de prévention par mammographie, mais elle les a écartés ensuite. Actuellement, cet examen n'est plus remboursé, et cela crée des difficultés aux radiologues et aux gynécologues, en particulier, qui doivent trouver une voie «adéquate» pour une prévention efficace. Nous souhaitons vivement que ce programme démarre !
On trouve un certain nombre d'erreurs dans notre proposition. Nous avons premièrement été surpris d'apprendre l'existence d'un seul spécialiste en mammographie dans les institutions publiques, alors qu'ils sont seize en pratique privée. Il est regrettable que le service public soit sous-doté, et le privé, sous-exploité. Compte tenu de cette situation, nous devons avancer, mais il serait regrettable de laisser de côté les radiologues ayant la formation et l'installation adéquates, alors que les spécialistes reconnaissent le manque de qualification des institutions publiques pour un tel programme. La coordination entre le public et le privé est donc indispensable.
Quant à la conception d'un centre de prévention à l'hôpital, nous avons tenu compte de l'article 2 des EPM qui établit leur mission de prévention. Comme il existe un lieu de coordination pour le dépistage du cancer du sein, une structure analogue serait possible pour coordonner les actions de dépistage de type médical dans ce canton.
Tout en reconnaissant le côté très provocateur de notre projet de loi envers les médecins privés, nous souhaitons voir ce dossier avancer.
M. Henri Gougler (L). Je constate avec plaisir que M. Godinat a tempéré les assertions figurant dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, mais je ne changerai rien à mon intervention.
La prévention est le souci primordial de tous les praticiens de ce canton, et la nouvelle LAMal ouvre déjà des perspectives intéressantes concernant leur financement, en allant beaucoup plus loin que par le passé.
Des campagnes de vaccination gratuite ont été organisées bien avant que l'AdG ne s'en préoccupe. Le dépistage de la tuberculose dans le cadre de la consultation des médecins de ville est devenu presque habituel, et le centre anti-tuberculeux existe toujours, ainsi que le camion des radiophotographies. Quant aux campagnes d'information pour la promotion de la santé, elles sont nombreuses dans notre canton; on pourrait citer celle de la commune d'Onex.
Je m'arrêterai au problème des mammographies dont le remboursement a été tout de même élargi, et dont les coûts ne seront pas trop élevés. Votre proposition, Mesdames et Messieurs de la gauche, vise à les faire toutes, et gratuitement, à l'hôpital cantonal universitaire de Genève par des médecins en voie de formation. Permettez-moi de vous ramener à la réalité et de calmer un peu vos fantasmes ! En effet, seuls des praticiens expérimentés peuvent faire cet examen difficile et en garantir la fiabilité. Par ailleurs, ce n'est pas le seul examen pour la prévention du cancer du sein. On ne compte qu'un seul médecin - avec un seul appareil pour mammographies - à l'hôpital, alors qu'il y en a une vingtaine en ville.
Je vous laisse évaluer l'investissement pour l'examen d'environ vingt mille patientes par année; pour l'instant, c'est matériellement impossible. Je tiens les chiffres à votre disposition, il s'agit de plusieurs centaines de milliers de francs, si ce n'est plus. Mais j'en ai déjà trop dit, les députés libéraux n'entreront pas en matière et ne voteront pas ce projet de loi, que je juge stupide, inutile et dispendieux.
M. Pierre-Alain Champod (S). C'est avec intérêt que le parti socialiste a pris connaissance de ce projet de loi. En effet, comme il vaut mieux prévenir que guérir, nous sommes convaincus de la nécessité de développer une politique de prévention. De nombreuses pathologies peuvent être évitées par des vaccinations, et un dépistage précoce peut atténuer les conséquences de nombreux cancers.
La prévention est intéressante au niveau des coûts de la santé et, surtout, elle évite des souffrances et retarde des décès. Nous regrettons que la nouvelle LAMal ne rembourse pas certains examens préventifs, les mammographies entre autres. Notre canton pourrait décider effectivement de prendre en charge financièrement ce type d'examens non remboursés par les caisses maladie, ce qui n'implique pas, à notre avis, que l'Etat doit réaliser forcément la totalité de ces examens.
L'augmentation de l'espérance de vie et l'amélioration de la santé d'une population sont plus liées aux conditions d'existence et aux mesures d'hygiène - qu'une véritable politique de prévention devrait englober - qu'aux progrès de la médecine de pointe, même si ceux-là ont été importants ces dernières années. On constate, par exemple, que l'augmentation du chômage a des effets importants sur la santé des hommes et des femmes privés d'emploi.
Nous sommes d'accord avec les objectifs des auteurs de ce projet de loi. En revanche, nous sommes beaucoup plus réservés sur les moyens, car nous ne sommes pas convaincus de la nécessité d'une nouvelle structure pour la prévention. Au contraire, chaque secteur de la santé - la médecine, la psychiatrie, la pédiatrie, etc. - devrait développer en son sein trois types d'activité : les soins, la recherche et la prévention. Ces trois activités doivent être liées, et non séparées.
Des collaborations dans d'autres domaines doivent être organisées, la protection de l'environnement, par exemple. Rien ne sert de progresser dans les thérapies des voies respiratoires, si notre air est de plus en plus pathogène. Nous regrettons que la prévention ne soit pas suffisamment développée. Pour cette raison, et malgré nos réserves, nous soutiendrons le renvoi en commission.
M. Philippe Schaller (PDC). L'intervention de M. Godinat est d'importance, compte tenu que ce projet de loi, concernant la promotion, l'organisation et la coordination de la prévention, mérite d'être soutenu. Il pose le problème de la responsabilité de l'Etat dans la promotion de la santé.
Le moyen préconisé, soit la création d'un nouvel institut, est faux. Un autre mode d'organisation doit être trouvé pour mobiliser toutes les ligues de santé cantonales, privées ou publiques, subventionnées ou non; certes, l'Etat doit coordonner leur action.
Concernant le cancer du sein, la situation des EPM et dans le privé a été évoquée largement. Le DASS doit donner une impulsion et dégager les fonds complémentaires nécessaires à la Ligue contre le cancer, pour mettre en route un programme de prévention du cancer du sein.
Le programme proposé est intéressant : il permet, grâce aux données épidémiologiques, d'avoir une action plus performante. Par ailleurs, il est pédagogique en stimulant la collaboration privée et publique, en développant le contrôle de qualité des examens effectués et en abaissant le coût de la mammographie. Il permet à toutes les citoyennes de ce canton - quelle que soit leur situation socioculturelle - d'accéder à la prévention.
Ce parlement doit avoir la volonté de donner des signes clairs, car il s'agit d'un bon projet de prévention. J'aimerais dire aux auteurs de ce projet de loi et à M. Champod que c'est une erreur de prétendre que la prévention est la solution miracle pour freiner les hausses des coûts de la santé, même si elle peut avoir une certaine influence.
Nous acceptons que ce projet de loi rejoigne la motion écologique 800, pendante à la commission de la santé. Ce parlement doit se déterminer pour une politique claire en matière de prévention.
M. Andreas Saurer (Ve). Ce projet de loi me fait penser à la cuisine chinoise aigre-douce, dont je ne retrouve pas la subtilité, car le dosage laisse à désirer. (Brouhaha.) Laissez-moi développer mon argumentation !
Vous souhaitez des campagnes de vaccination prises en charge par ce centre. Mais, pour les enfants en particulier, je vous rappelle que les vaccinations sont parfaitement bien organisées par le service de santé de la jeunesse. Quant aux campagnes d'examen pulmonaire pour la détection de la tuberculose, en légère augmentation dans le canton, c'est vrai, tous les tuberculeux sont parfaitement bien traités, donc bien dépistés.
En revanche, le point c) concernant les campagnes de dépistage du cancer du sein est extrêmement important, et j'y reviendrai. Les campagnes d'information que vous demandez à ce centre d'assumer posent un problème, car les réelles campagnes de prévention sont beaucoup plus d'ordre politique que médical. C'est aux autorités publiques, au Conseil d'Etat, à l'Office fédéral de la santé publique, de mener des campagnes d'information de masse, comme c'est le cas pour le sida. Je ne crois pas que c'est l'affaire du corps médical ou d'un centre hospitalier.
Je suis d'accord avec la remarque de mon collègue Schaller. Il faut arrêter d'expliquer et de justifier la prévention au nom du coût ! Une personne qui meurt tranquillement et lentement à quatre-vingts ans coûte infiniment plus cher à la société qu'une personne qui meurt rapidement à quarante ans. (Brouhaha.)
C'est la réalité, mes chers amis ! Vouloir justifier la prévention par le coût est «archifaux» ! Mettons-nous dans la cervelle que la prévention à long terme ne permet pas de diminuer les coûts; elle les augmente ! Il faut être clair ! Cela étant dit, je ne suis évidemment pas pour autant opposé à la prévention.
Je remercie l'Alliance de gauche de faire référence à la motion écologiste déposée, il y a quatre ans déjà, au Conseil d'Etat. J'ai déjà vu deux projets de réponses disparaître. Cela devient un vrai serpent de mer, comme la traversée de la rade ! Mais j'espère que le sort réservé à notre motion sera plus favorable que l'attitude de la population vis-à-vis de la traversée de la rade ! En ce qui concerne l'organe de contrôle que vous proposez, je dirais - étant un peu polémique - que c'est du Grobet «tout craché» ! C'est pire que le pont de la traversée de la rade ! (Rires. Brouhaha.)
Une voix. Continue, tu es bon !
M. Andreas Saurer. C'est vraiment l'horreur, ce n'est pas ainsi qu'on peut fonctionner !
Mais venons-en au point essentiel ! Il s'agit du dépistage et de la prévention du cancer du sein. Monsieur Gougler, vous avez fait allusion à une lettre de l'AMG. C'est surprenant, pour ne pas dire scandaleux, qu'un groupe de travail se réunisse pendant cinq ans pour réfléchir aux solutions, alors que le monde scientifique déclare unanimement que le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 70 ans est nécessaire, indispensable et utile. Il faut avancer, on ne peut plus continuer à tergiverser. Cette lettre en est la preuve : voilà cinq ans qu'ils réfléchissent !
Pour atteindre un objectif, considéré comme indispensable par tous, je vous demande de renvoyer ce projet de loi, malgré mes critiques, à la commission de la santé.
M. Pierre Froidevaux (R). Les auteurs de ce projet de loi nous proposent de compléter l'arsenal médical des EPM par un institut hospitalier supplémentaire, dédié uniquement à la prévention. Ce sujet est depuis longtemps une préoccupation constante du DASS qui n'a pas attendu ce projet de loi pour assurer cette importante fonction de l'Etat.
Si l'action du département n'a pas été reconnue par certains députés, d'autres personnalités, très impartiales au demeurant, l'ont fait. Il s'agit d'une organisation internationale, supranationale : l'OMS.
Messieurs les auteurs du projet de loi, vous avez sans doute été invités, ce 31 mai dernier, à la cérémonie de remise de la plus haute distinction mondiale pour la prévention du tabagisme, par le directeur, M. Nakajima. A cette occasion, Mme Barbara Hendricks était entourée de M. Juan Antonio Samaranch et de notre président, M. Guy-Olivier Segond. Ils ont reçu la médaille et le certificat «Tabac ou santé». (Applaudissements. Quolibets.)
Une voix. A nos frais !
M. Pierre Froidevaux. J'y arrive ! C'est la reconnaissance du travail de plusieurs organismes, privés comme le Cipret ou publics comme la direction de la santé. (Brouhaha.) Ce ne sont donc pas vraiment les mesures générales de la prévention qui vous préoccupent, et encore moins les résultats obtenus par les campagnes de vaccination, pour la lutte contre les maladies transmissibles, ou la promotion pour la santé de notre jeunesse.
Vous vous précipitez au secours du département fédéral de l'intérieur qui n'arrive pas à pallier toutes les difficultés causées par la nouvelle LAMal, comme dans le cas actuel du dépistage du cancer du sein par la technique de la mammographie ! Vous vous réfugiez de manière irrésolue vers votre idéal absolu, l'Etat tout-puissant, père de votre pensée unique ! Puisque les mammographies sont trop chères pour nos assurances sociales, il suffit de demander à l'Etat de Genève de les payer, c'est simple !
C'est simpliste ! Mesdames et Messieurs les auteurs de ce projet de loi, c'est une matière à réflexion pour tous les confédérés. Si, par infortune, il n'y avait pas d'entente possible, la solution serait étudiée sur le plan cantonal. Dans cette dernière hypothèse, un projet de loi de cette nature n'aurait de sens qu'accompagné de son mode de financement, mais ce n'est pas le cas actuellement.
Dans ses propos, le député Godinat a la sagesse de rester en retrait du projet de loi et d'évoquer le thème principal de la prévention primaire du cancer du sein. Dans cette seule optique, nous appuierons le report à la commission de la santé, mais sans aucun espoir sur le fond du projet de loi tel qu'il est proposé ce soir.
M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. La solution proposée par le projet de loi au problème de la mammographie, qui est réel, est mauvaise. Je suis prêt à discuter d'un vrai problème en commission, mais non à adopter la solution proposée.
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé.
La séance est levée à 23 h 25.