Séance du
vendredi 24 mai 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
7e
session -
20e
séance
M 1051
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le tapage médiatique organisé autour du licenciement abrupt du chef de la division de traitement des eaux et des résidus;
- le caractère inhabituel d'une décision aussi précipitée;
- le tort moral causé à la personne intéressée dont l'intégrité professionnelle a pu être mise en doute par la brutalité de la sanction,
invite le Conseil d'Etat
à lui faire rapport dans les meilleurs délais sur les résultats de l'audit organisé à l'usine des Cheneviers;
à lui indiquer dans quelle mesure le licenciement abrupt du chef de la division du traitement des eaux et des résidus était justifié par les résultats de l'audit;
à l'assurer que la procédure obligatoire ayant abouti à la décision de licenciement inopiné a été régulièrement conduite.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le licenciement abrupt d'un haut fonctionnaire est un événement heureusement assez rare dans notre Etat de droit. Il revêt donc un certain caractère de gravité. Il sous-entend que l'intérêt de l'Etat exige que le fonctionnaire quitte immédiatement son poste.
Il ne peut donc qu'être la conséquence de graves manquements. La réputation personnelle et l'intégrité de l'intéressé vont sérieusement être mises en doute. Il pourrait en effet paraître étrange qu'une simple divergence de point de vue sur un rapport d'audit puisse entraîner une mesure aussi capitale.
D'autre part, l'organisation d'une conférence de presse donne à l'événement un caractère public, augmentant ainsi le discrédit qui frappe le fonctionnaire.
Le Conseil d'Etat a choisi de donner une certaine publicité à cette affaire. Il doit aller jusqu'au bout de son idée et dire toute la vérité.
Tel est l'objectif de la présente proposition de motion que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir appuyer.
Débat
M. Bernard Clerc (AdG). J'aimerais vous raconter l'histoire véridique de M. X. Il ne s'agit pas du chef de division aux Cheneviers, mais d'un chauffeur de four employé dans cet établissement depuis plus de trois ans, licencié avant sa nomination de fonctionnaire - sans aucune indemnité de l'Etat - à la fin de l'année 1995. Une pétition en sa faveur a été signée par 98% du personnel manuel. Si les deux premières analyses de prestations avant nomination étaient favorables, la troisième l'était moins, mais elle n'avait pas été validée par ses supérieurs directs. Après avoir connu le chômage, il a retrouvé un emploi dans le secteur privé avec un salaire inférieur de 1 200 F par mois.
L'exposé de ce cas vous permettra d'établir un parallèle avec celui de la motion. A fin janvier, le chef de la division du traitement des eaux et des résidus a été licencié avec effet immédiat. Or un tel licenciement ne peut toucher une personne ayant le statut de fonctionnaire qu'en cas de faute grave. M. Haegi a, par la suite, tenu une conférence de presse en mettant en cause le fonctionnaire licencié. Selon nos informations, le chef de division était en désaccord avec certaines conclusions de l'audit mené à l'usine des Cheneviers. Un tel désaccord justifie-t-il un licenciement avec effet immédiat ? Cette mesure ne va-t-elle pas à fin contraire d'une vision participative du personnel, prônée officiellement dans la nouvelle gestion publique ? Le droit de parole est-il banni de la fonction publique ? Est-on entré dans le régime «aligné, couvert» ?
Afin de répondre à ces questions, nous vous demandons d'accepter cette motion, d'autant plus que les bruits les plus divers courent au sujet de cette affaire : le chef de division aurait renoncé à toute procédure en échange d'espèces sonnantes et trébuchantes. Selon quelles dispositions statutaires un tel dédommagement a-t-il été accordé ? Pour répondre à ces questions, nous vous proposons de supprimer la troisième invite de la motion déposée au mois de février par M. Blanc et d'autres députés et de la remplacer par une nouvelle, dont la teneur serait la suivante :
«à l'informer sur les modalités légales et financières ayant mis fin à ce conflit de travail.»
C'est par souci de transparence que nous vous demandons de voter cette motion ainsi amendée.
M. Chaïm Nissim (Ve). Nous sommes d'accord avec les trois invites de cette motion et l'amendement proposé. Au sujet de la première invite, les syndicats ont demandé un rapport sur l'audit des Cheneviers. Il est en effet souhaitable, dans un souci de transparence, que les employés sachent comment leur travail est jugé et comment il sera organisé. Mais la question de savoir comment les Cheneviers ont été gérés depuis dix ans ne figure pas dans la motion.
En tant qu'écologiste, j'ai été impliqué dans le projet Cheneviers III; mon parti fut le seul à s'opposer à son agrandissement. En effet, les possibilités de compostage et de recyclage avaient été délibérément sous-estimées par M. Lancoud. En raison des erreurs volontaires de celui-ci, la construction est surdimensionnée d'environ 30%, ce qui représente un coût de 50 millions. C'est ainsi qu'on gaspille l'argent du contribuable ! Ce fonctionnaire, technocrate de l'ancienne école, dont le plaisir était d'agrandir son «jouet», a réussi à convaincre tout le monde - le Conseil d'Etat et l'ensemble des partis représentés à l'époque au Grand Conseil - sauf nous ! Il n'est personnellement pas responsable de la fausse optique de toute une équipe qui avait du sable dans les yeux. Lors d'un tel gaspillage, le responsable qui s'obstine à ne pas reconnaître son erreur doit - selon les principes d'une bonne démocratie - être remplacé.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Personnellement, si ça ne me gêne pas de donner toutes les explications au sujet des audits et de la personne mentionnée dans cette motion, j'ai cependant un devoir de réserve face à sa sphère privée. Selon sa demande, je n'entrerai pas dans des détails personnels. En intervenant ainsi et en reprenant un texte qui n'est pas le vôtre, Monsieur Clerc, votre souci est-il vraiment de défendre cette personne ou bien les modalités ? D'autre part, lorsque j'ai tenu une conférence de presse pour parler - non pas d'un collaborateur - mais des quatre audits, un journaliste, qui n'avait pas été renseigné par moi ou mes services, m'a interpellé au sujet de ce collaborateur. Vous prétendez à tort qu'il s'agissait d'un licenciement abrupt... (Brouhaha.) ...mais - je vous donnerai toutes les précisions - il se justifiait par les résultats de l'audit, et la procédure obligatoire a été régulièrement conduite. On ne peut pas parler d'un licenciement «inopiné» si on entend gérer un centre industriel aussi important en suivant les directives du Grand Conseil.
M. Clerc propose de supprimer la troisième invite de la motion et de la remplacer par : « à l'informer sur les modalités légales et financières ayant mis fin à ce conflit de travail». Je vous invite à refuser cette suppression, tout en restant à la disposition de la commission des finances.
M. Max Schneider (Ve). J'étais tenu d'assister à la conférence de presse sur l'audit, afin d'établir le rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture qui étudie la politique des déchets recyclables et dégradables. J'en suis revenu avec une interpellation urgente, Monsieur Haegi, dans le but d'obtenir le texte intégral de cet audit pour que nous, députés, puissions comprendre clairement ce qui s'est passé ces dernières années aux Cheneviers et prendre position non seulement sur les commentaires de l'audit mais sur un texte intégral à étudier en commission.
Le président. Nous allons voter sur la proposition d'amendement du député Clerc qui supprime la troisième invite et la remplace par :
«à l'informer sur les modalités légales et financières ayant mis fin à ce conflit de travail.»
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cet amendement est adopté par 34 oui contre 32 non.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
(m 1051)
MOTION
concernant le licenciement abrupt du chef de la division du traitement des eaux et des résidus
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le tapage médiatique organisé autour du licenciement abrupt du chef de la division de traitement des eaux et des résidus;
- le caractère inhabituel d'une décision aussi précipitée;
- le tort moral causé à la personne intéressée dont l'intégrité professionnelle a pu être mise en doute par la brutalité de la sanction,
invite le Conseil d'Etat
à lui faire rapport dans les meilleurs délais sur les résultats de l'audit organisé à l'usine des Cheneviers;
à lui indiquer dans quelle mesure le licenciement abrupt du chef de la division du traitement des eaux et des résidus était justifié par les résultats de l'audit;
à l'informer sur les modalités légales et financières ayant mis fin à ce conflit de travail.