Séance du jeudi 23 mai 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 7e session - 19e séance

No 19/III

Jeudi 23 mai 1996,

nuit

Présidence :

M. Jean-Luc Ducret,président

La séance est ouverte à 20 h 45.

Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Olivier Vodoz et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Philippe Joye et Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Luc Barthassat, Anita Cuénod, Erica Deuber-Pauli, Marlène Dupraz, Catherine Fatio, Gilles Godinat, Philippe Schaller, Jean Spielmann, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Le président. Les projets de lois suivants sont parvenus à la présidence :

PL 7469
de MM. Pierre-François Unger (DC), Bénédict Fontanet (DC) et Olivier Lorenzini (DC) modifiant la loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature (E 4 1) et la loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire (E 4 3). ( )   PL7469
PL 7467
de Mmes et MM. Michel Balestra (L), Claude Howald (L), Pierre Kunz (R), Claude Lacour (L), Jean-Philippe de Tolédo (R) et Michèle Wavre (R) modifiant la loi générale sur les contributions publiques (taxe sur les jeux d'adresse et de hasard) (D 3 1). ( )  PL7467

Ils figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

b) de propositions de motions;

Le président. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :

M 1066
de Mmes et MM. Michel Balestra (L), Claude Howald (L), Pierre Kunz (R), Claude Lacour (L), Jean-Philippe de Tolédo (R) et Michèle Wavre (R) concernant les jeux d'adresse et de hasard. ( )M1066

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

PL 7449
4. Projet de loi de Mmes Evelyne Strubin, Anita Cuénod et Liliane Johner modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques. (A 5 1). ( )PL7449

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit:

Art. 54, al. 2 (nouvelle teneur)

2 L'Etat pour l'élection du Grand Conseil, du Conseil d'Etat et du pouvoir judiciaire et les communes pour l'élection du Conseil municipal et du Conseil administratif ou du maire et de ses adjoints, expédient à tous les électeurs, 15 jours au moins avant l'ouverture officielle du scrutin, les bulletins électoraux et une notice explicative sur les élections.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les élections judiciaires se sont déroulées dans une certaine confusion, du fait que les électeurs ont reçu en tout et pour tout trois bulletins de vote avec leur carte de vote, sans la moindre explication sur ce scrutin. Cette absence d'information n'est pas acceptable, compte tenu du fait que les électeurs reçoivent une notice explicative à l'occasion de chaque votation et élection et que les élections judiciaires sont peu connues et en général tacites.

Le Conseil d'Etat aurait dû prévoir l'envoi d'une notice explicative à cette occasion, même si la loi sur l'exercice des droits politiques ne le prévoit pas expressément, mais uniquement pour les élections législatives. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi propose de combler cette lacune et de prévoir également l'envoi d'une notice explicative à l'occasion de l'élection du Conseil d'Etat et des conseils administratifs ainsi que des maires et adjoints, puisque cet envoi n'est pas prévu par la loi. Certes, le délai entre le dépôt des listes et la date du scrutin n'est pas très long pour l'élection du Conseil d'Etat et des conseils administratifs ainsi que des maires, mais en s'organisant de manière appropriée cette expédition doit être possible et elle est très souhaitable, compte tenu du fait que le mode de scrutin est différent pour le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.

Préconsultation

Mme Evelyne Strubin (AdG). Lors des dernières élections judiciaires, les électeurs et les électrices ont eu la surprise de recevoir trois bulletins de vote avec leur matériel de vote, mais sans la moindre explication. Certains responsables politiques étaient d'ailleurs si peu renseignés qu'ils ne savaient même pas que le vote avait lieu au scrutin majoritaire, pensant qu'il s'agissait d'un scrutin proportionnel. C'est dire si les citoyens «ordinaires» pouvaient se montrer perplexes. En effet, beaucoup d'entre eux ignoraient quel était le mode de scrutin et pourquoi la votation portait uniquement sur les juges d'instruction, et non pas sur les autres juridictions.

Dans ce parlement, on se lamente sur le manque d'intérêt de la population pour les votations et les élections, et on craint un accroissement de l'abstentionnisme. Il ne faut pourtant pas s'en étonner lorsque les électrices et les électeurs sont convoqués sans que les explications nécessaires à une bonne compréhension des objets soumis à votation ou élection leur soient données.

Nous pensons que le Conseil d'Etat aurait dû prendre l'initiative d'envoyer une notice explicative aux électrices et aux électeurs à l'occasion des élections judiciaires, même si la loi sur les droits politiques ne le prévoit pas expressément.

Par le biais de ce projet de loi, nous proposons une modification de la loi prévoyant désormais ce devoir d'information aux citoyens. Suivant notre logique, nous profitons de l'occasion pour demander que cette notice explicative soit également adressée aux électrices et aux électeurs à l'occasion des élections au Conseil d'Etat, des élections des conseillers administratifs, ainsi que des maires des petites communes, afin que ce type d'élection ne soit plus le fait des citoyens initiés, mais soit abordable par toute la population.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Tout est perfectible. J'accepte donc volontiers que l'on renvoie ce projet de loi en commission pour en discuter. Toutefois, Madame la députée, je vous fais remarquer que la participation à ces élections judiciaires a été relativement élevée, si on tient compte du contexte. Ce n'est pas l'absence de notice explicative qui a découragé les gens, car le vote par correspondance nous a permis d'avoir une participation inattendue, si l'on se réfère aux commentaires qui ont été faits auparavant. Mais si les choses peuvent s'améliorer, allons dans cette direction !

En effet, la question que vous soulevez nous a été posée par quelques citoyens, car - comme vous le savez - nous avons un système de communication durant les votations permettant à ceux qui souhaitent avoir des renseignements de les obtenir en permanence à notre service des votations et élections.

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.

PL 7460
5. Projet de loi du Conseil d'Etat concernant la constitution d'une fondation intercommunale des terrains industriels et artisanaux de La Pallanterie. ( )PL7460

LE GRAND CONSEIL,

vu l'art. 175 de la constitution genevoise;

vu l'art. 72 de la loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984;

vu les délibérations des conseils municipaux des communes de Collonge-Bellerive, du 4 décembre 1995, et de Meinier, du 14 décembre 1995;

vu l'arrêté du Conseil d'Etat, du 14 février 1996, approuvant lesdites délibérations,

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Il est créé sous le nom de «Fondation des terrains industriels et artisanaux de la Pallanterie» une fondation intercommunale de droit public, au sens de la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958.

2 Cette fondation est dotée de la personnalité juridique. Elle est placée sous la surveillance des conseils municipaux des communes de Collonge-Bellerive et de Meinier.

Art. 2

Les statuts de la «Fondation des terrains industriels et artisanaux de la Pallanterie», tels qu'ils ont été adoptés par les délibérations des conseils municipaux des communes de Collonge-Bellerive, du 4 décembre 1995, et de Meinier, du 14 décembre 1995, joints en annexe à la présente loi, sont approuvés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les communes de Collonge-Bellerive et de Meinier désireuses de promouvoir, en commun, le développement et la gestion de la zone de développement industriel et artisanal de la Pallanterie, ont décidé la création de la Fondation intercommunale dont les statuts sont aujourd'hui soumis à votre approbation.

Cette démarche affirme la volonté des autorités des deux communes de développer l'économie et les emplois et de contribuer à assurer les équilibres financiers communaux. Se fondant sur d'autres expériences similaires tentées dans d'autres communes, notamment à Bernex et à Versoix, cette démarche a été approuvée à l'unanimité par les conseils municipaux concernés.

Les autorités communales, comme les habitants, fondent de réels espoirs sur cet instrument de l'essor économique des terrains de la Pallanterie.

Le Conseil d'Etat, à la demande des autorités de Collonge-Bellerive et de Meinier, vous prie donc de bien vouloir approuver ce projet de loi afin de permettre à ces communes de poursuivre leur action.

Ce sont là, Mesdames et Messieurs les députés, les considérations qui tendent à éclairer et motiver le présent projet de loi et dont nous espérons, de votre part, un accueil favorable.

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Préconsultation

Mme Sylvie Châtelain (S). La fondation intercommunale, proposée par ce projet de loi, concerne des terrains dont le déclassement éventuel devrait être discuté lors d'une de nos séances du mois de juin.

Cette proposition de déclassement répond à une motion, votée par le Grand Conseil en 1992, lors du déclassement d'un premier terrain à La Pallanterie. La motion demandait d'étudier l'extension de cette zone de développement industriel dans le secteur situé le long de la route de Compois, et dans l'exposé des motifs s'exprimait la volonté de ne répondre qu'à des besoins effectifs, et de façon mesurée. Plus précisément, on pouvait lire que : «La pratique constante du Grand Conseil en matière de déclassement de la zone agricole est de répondre à des nécessité ciblées et impérieuses.»

Or le projet de loi 7460 concernant la création de la fondation intercommunale ne va pas tout à fait dans le même sens, puisque, comme on peut le voir dans l'exposé des motifs, il table explicitement sur un essor économique conséquent à La Pallanterie.

Alors, je suis un peu perplexe et je souhaiterais que la commission soit attentive à ces divergences d'objectifs, lors de l'examen de ce projet de loi.

En conclusion, j'aimerais juste porter à votre connaissance les propos tout récents de M. Bosson, président de la Chambre genevoise d'agriculture. Selon lui, la Chambre pouvait accepter d'entrer en matière sur des déclassements ponctuels de la zone agricole, pour autant qu'ils correspondent à des besoins réels. Il ajoutait que la Chambre genevoise d'agriculture s'était déjà fait...

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

Une voix. Monsieur le président, votre collègue de parti m'a agressé !

Mme Sylvie Châtelain. ...avoir une fois avec Reuters, mais que cela ne se produirait pas une seconde fois.

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.

PL 7462
6. Projet de loi du Conseil d'Etat allouant une subvention au Centre protestant de vacances et à Caritas pour leur action en faveur des jeunes de Bosnie-Herzégovine. ( )PL7462

EXPOSÉ DES MOTIFS

Durant la guerre qui a sévit en Ex-Yougoslavie, le canton de Una-Sana, dont le chef-lieu est Bihac, a beaucoup souffert. Si la ville elle-même n'est que très partiellement détruite, en revanche les faubourgs ne sont plus que ruines et désolation, les champs brûlés afin de tenter de faire exploser les mines déposées par les belligérants. Sur le plan humain, le bilan est particulièrement catastrophique pour la jeunesse. Beaucoup d'enfants se sont en effet retrouvés orphelins ou pour le moins sans nouvelles de leurs parents. Il faut savoir que dans cette région, plus de 50% de la population a été déplacée au cours de ce conflit.

Pour tenter d'apporter soulagement et espoir à ces jeunes, le Centre protestant de vacances (ci-après CPV) et Caritas, à l'initiative du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales et en étroit contact avec le Comité international de la Croix-Rouge, ont décidé d'organiser des camps de vacances pour de jeunes orphelins bosniaques.

Le principe est simple. Une centaine de jeunes Bosniaques, y compris une quinzaine d'accompagnateurs parlant le serbo-croate et une langue européenne (anglais, français ou allemand), viendront à Genève pendant un mois et séjourneront, à raison de 5 à 6 enfants, dans divers camps pour vacances organisés par le CPV et Caritas. Ces enfants Bosniaques seront accompagnés également par de jeunes enseignants ou étudiants qui recevront une formation spécifique d'animateurs par les soins de Caritas et du CPV.

Le séjour aura lieu du 28 juin 1996 (des cars genevois iront chercher des enfants en Bosnie) au 28 juillet 1996. Afin que cette opération ne soit pas ponctuelle et qu'elle ait un prolongement dans le temps, le projet prévoit d'une part de former de jeunes Bosniaques pour qu'ils deviennent animateurs de colonie de vacances et de centres aérés et, d'autre part, d'aider le gouvernement du canton de Una-Sana à aménager un centre de vacances qui pourra accueillir, dès l'année prochaine, de jeunes Bosniaques; d'ailleurs les deux organismes susmentionnés lui apporteront une aide technique à ce sujet.

Il faut préciser aussi que la Ville de Genève, par le biais du dicastère des affaires sociales, des écoles et de l'environnement dirigé par M. Michel Rossetti, conseiller administratif, apporte également un soutien financier pour accueillir cette centaine de jeunes Bosniaques.

Le séjour de ces enfants devrait se dérouler de la façon suivante: les jeunes orphelins, dans la mesure du possible, auront l'occasion de séjourner quelques jours à Genève, soit dans des familles, soit dans le Centre du Bois-des-Frères où les moniteurs de Caritas et du CPV organiseront des visites et des rencontres pour leur faire découvrir Genève et ses habitants. Puis, ils se rendront dans des camps qui se situent dans la région genevoise, en Suisse et en France. Ils auront l'occasion de côtoyer des enfants de leur âge de notre canton. Des activités spéciales seront prévues pour eux et surtout, ils auront dans chaque camp de vacances un moniteur parlant le serbo-croate afin que ces jeunes ne soient pas coupés de leurs racines.

En fin de séjour, il resteront encore quelques jours à Genève, où également des activités spécifiques seront prévues pour eux. Ils recevront aussi divers matériels (sac de couchage, ustensiles de cuisine, etc.) que les Bosniaques emporteront avec eux pour équiper la future colonie de vacances rénovée que le gouvernement du canton de Una-Sana aménagera grâce à l'aide de l'Etat de Genève.

Un rapport circonstancié sur l'utilisation des fonds sera remis aux autorités dès la fin de l'opération. Celle-ci s'inscrit d'ailleurs dans un registre d'actions au niveau suisse qui touche l'ensemble des pays de l'Ex-Yougoslavie.

Au vu de ce qui précède et de la proximité des vacances, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement le présent projet de loi et d'accepter d'allouer une aide financière de 300 000 F pour cette action en faveur des jeunes Bosniaques.

Préconsultation

M. Olivier Lorenzini (PDC). Nous demandons la discussion immédiate pour ce projet de loi.

Le président. Cette proposition est adoptée tacitement.

Premier débat

Le président. S'il vous plaît, un peu de discipline !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). M. Dupraz a l'air très motivé, ce soir, pour «embêter» !

Notre groupe soutient ce projet de loi, ainsi que sa discussion immédiate. Toutefois, il est bon de préciser une ou deux choses par rapport à ce projet. La première concerne la question qui resurgit à chaque fois que des projets de ce type sont organisés, à savoir le bien-fondé de tels séjours pour des enfants qui, et on peut vraiment le dire, changent de monde en venant quelques semaines dans notre pays. Ces séjours sont-ils bénéfiques ou non ? J'avoue ne pas avoir de réponse à cette question, mais je crois que la réflexion doit être poursuivie. Les avis divergent, les arguments sont fondés de part et d'autre, et nous devons chercher à trouver réponse à cette question.

Le second aspect qui me semble particulièrement positif et que j'aimerais relever dans ce projet de loi est l'idée de donner une formation spécifique d'animateur à des jeunes enseignants bosniaques. Je crois qu'il y a là une véritable conception d'aide aux gens pour qu'ils deviennent responsables et autonomes.

Enfin, concernant l'idée d'un accueil et de sa réalisation, je désire préciser que le montant voté ne servira qu'à couvrir des frais réels. Le montant est généreux, il est vrai, mais tout le travail d'organisation, de prise en charge et d'accompagnement sera assumé bénévolement par Caritas et le CPV.

Dans le même temps, à l'heure où notre Grand Conseil réduit leur subvention, nous leur demandons des efforts supplémentaires, et je crois qu'il fallait le relever. Que nous votions aujourd'hui 300 000 F, c'est très bien, mais c'est aussi un peu facile. Que M. Haegi se mette à jouer soudain - je m'excuse - à lady Di en s'occupant d'orphelins bosniaques... (Brouhaha.) ...c'est aussi un peu facile !

J'aimerais donc rappeler que ce projet de loi ne se réalisera pas sans peine de la part de ceux qui, concrètement, devront assumer cette réalisation, qu'il s'agit d'un lourd engagement et qu'il faudra le reconnaître. Je tiens, d'ores et déjà, à les en remercier en espérant que cette action amènera un peu de bonheur à ces enfants de la guerre.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je dois dire que l'humour de Mme Reusse-Decrey m'échappe. Madame, je me suis rendu à Bihac, après avoir été à Sarajevo, accompagné de trois collaborateurs, l'un du service qui s'occupe de ces affaires, le second du centre de vacances du CSP, et le troisième de Caritas, et nous avons pu évaluer la situation.

Si vous ne pouvez pas répondre à la question de savoir si un tel séjour est bénéfique pour ces enfants, je prends le risque de dire qu'il l'est dans la mesure où, aujourd'hui, il est impossible de proposer autre chose. En effet, ces pays attendent des réponses concrètes à des problèmes concrets, et le plus rapidement possible.

Je vous remercie d'avoir relevé que l'idée de donner une formation d'animateur à des enseignants bosniaques n'est pas trop mauvaise. Nous espérons pouvoir organiser cette formation dans les pays en question d'ici un an. Ainsi, nous éviterons ces déplacements d'enfants.

Dans ces pays, les enfants surtout, mais aussi les adultes, vivent des situations difficiles au plan psychologique, si bien que, lorsque l'on peut en extraire d'un tel environnement et les envoyer dans un pays où règne une certaine tolérance, cela ne peut être que positif.

Je vous remercie d'avoir proposé la discussion immédiate. Grâce à ce crédit, nous pourrons, en premier lieu, recevoir des enfants durant l'été, en second lieu, former des jeunes qui, en acquérant plus d'expérience, géreront mieux ces problèmes. En troisième lieu, nous créerons un centre d'accueil sur place.

Je me fais un plaisir de relever que le Centre social protestant et Caritas apportent une contribution non négligeable. Ceci étant, vous avez bien compris que ces enfants seront intégrés dans des camps de vacances déjà organisés, justement pour atteindre un certain nombre d'objectifs mentionnés dans l'exposé des motifs. Je vous remercie de l'accueil que vous réserverez à ce projet de loi.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7462)

LOI

allouant une subvention au Centre protestant de vacances et à Caritas pour leur action en faveur des jeunes de Bosnie-Herzégovine

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Une subvention de 300 000 F est allouée au Centre protestant de vacances pour soutenir leur action en faveur des jeunes de Bosnie-Herzégovine, en collaboration avec Caritas.

2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.

Art. 2

L'urgence est déclarée.

 

PL 7294-A
7. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et M. Claire Torracinta-Pache, Mireille Gossauer-Zurcher et Laurent Moutinot modifiant la loi sur l'administration des communes (B 6 1).( -) PL7294
Mémorial 1995 : Projet, 5261. Commission, 5267.
Rapport de majorité de M. Claude Lacour (L), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de minorité de M. Laurent Moutinot (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Ce projet de loi, déposé le 29 août 1995, qui a fait l'objet d'un débat en préconsultation lors de la séance du Grand Conseil du 13 octobre 1995, a été renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement (Mémorial 1995, pages 5261 à 5267).

1. Modifications proposées

Celles-ci sont de deux ordres, soit:

1. Actuellement, pour les communes de moins de 800 habitants qui sont au nombre de 9 à Genève, la loi prévoit que le conseil municipal est présidé par le maire ou par un des adjoints (article 9).

Il est proposé (article 7, nouvel alinéa) que les conseillers administratifs, les maires et les adjoints ne puissent plus siéger au conseil municipal.

2. En ce qui concerne les communes de moins de 3 000 habitants qui sont au nombre de 20 à Genève, la loi actuelle prévoit (article 10.2) que «les commissions peuvent être présidées par le maire ou un adjoint, à moins que le règlement du conseil municipal ne prévoie que les commissions du conseil municipal soient présidées par l'un de ses membres».

Le nouveau texte proposé est le suivant: «Les commissions sont présidées par un membre du conseil municipal».

2. Rappel historique

La loi sur l'administration des communes a été revue en 1984, et a fait l'objet de très longs débats, relatés au Mémorial 1984, pages 1400 à 1673. La règle voulant que le conseil municipal soit présidé par le maire ou éventuellement un adjoint, qui concernait les communes jusqu'à 3 000 habitants, n'est restée valable que pour les communes jusqu'à 800 habitants. La possibilité que les commissions du conseil municipal soient présidées par le maire ou un adjoint a été accordée aux communes comptant jusqu'à 3 000 habitants, et non pas seulement 800 habitants, comme le prévoyait le projet initial.

3. Débat d'entrée en matière

Les auteurs du projet soulignent qu'un grand principe de notre démocratie réside dans le respect de la séparation des pouvoirs. Ils ne comprennent pas, par conséquent, pourquoi l'on continuerait à mélanger ceux-ci dans les petites communes.

M. Yves Martin, secrétaire général du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, explique que cette solution a été acquise après l'un des débats les plus importants et les plus longs effectués lors des travaux de la commission. Le département n'a reçu aucune plainte relative à des abus ou de mauvais fonctionnements. Il a rappelé que, dans les petites communes, il n'y a pas de véritable législatif à proprement parler. Enfin, ce système a été considéré comme non contraire à la constitution.

Il est alors décidé de renvoyer après les auditions le vote d'entrée en matière.

4. Auditions

M. Pierre Hiltpold, président de l'Association des communes genevoises, précise d'emblée que les communes concernées sont hostiles au projet de loi 7294, et rappelle que le conseil municipal constitue, selon lui, un organe seulement délibératif.

M. M. P. Plojoux, maire de Russin (380 habitants), indique que son conseil municipal est composé de 9 personnes, travaillant en commun, et qu'il serait difficile de trouver 3 candidats de plus pour gérer la commune. Il n'est pas en faveur du projet de loi.

Il pense qu'il est illusoire de vouloir donner des structures complexes aux petites communes, au nom du respect des principes, si ces mesures risquent de s'avérer pires que la violation théorique du principe de la séparation des pouvoirs.

Mme Mme P. Surdez, maire de Cartigny (740 habitants), s'oppose également au projet de loi, insistant sur l'idée que celui-ci risquerait d'obstruer la dynamique de groupe encouragée par la législation actuelle.

M. M. R. Dutoit, maire de Gy (340 habitants), rappelle que sa commune a les plus grandes difficultés pour trouver des candidats. Il note que sa commune n'a aucune possibilité d'engager du personnel administratif, à l'exception d'un quart de poste de secrétaire. Ayant interrogé sa commune, celle-ci lui a fait savoir qu'elle est opposée au projet de loi.

Il rappelle que, dans les petites communes, le maire reçoit tous les renseignements, s'occupe de tous les dossiers et renseigne le conseil municipal sur l'état de ceux-ci. Il répond également à toute question qui peut être posée par le conseil municipal. S'il y avait un président du conseil municipal différent, celui-ci ne pourrait, en cette qualité, que poser des questions au maire dans le cadre de sa présidence, ce qui reviendrait exactement au même.

MM. Cornu et Emeri, conseillers municipaux à Avusy, rappellent qu'ils siègent dans une commune de moins de 3 000 habitants, et qu'ils font partie de la minorité. La majorité de la commune considère que, pour l'instant, il vaut mieux que les commissions soient présidées par le maire, «squattage» qu'ils trouvent inadmissible. Ils admettent néanmoins que les conseillers municipaux peuvent convoquer le conseil municipal quand ils le veulent et qu'en pratique le président du conseil municipal assiste à toutes les séances de l'exécutif.

Dans la discussion il est relevé que si le projet de loi était accepté les conseiller municipaux minoritaires de cette commune ne pourraient de toute manière pas accéder à la présidence des commissions et que cette collaboration, qui est le grand argument des opposants, ne va pas de pair avec une démotivation des conseillers municipaux.

5. Débats de la commission

Certains membres de la commission considèrent qu'il ne faut pas mélanger le rôle des maires avec celui des municipaux.

D'autres rappellent que dans les petites communes le seul rôle que pourrait jouer le président du conseil municipal, c'est de passer la parole au maire.

Il est rappelé que, dans les petites communes, le législatif ne légifère pas, mais délibère.

Il est suggéré que si le président du conseil municipal était un membre de ce conseil, ce dernier aurait un rôle d'organe de contrôle plus affirmé.

Sur le plan théorique, il apparaît à certains comme choquant que le maire ou son adjoint puissent voter pour un budget élaboré par eux-mêmes.

D'autres relèvent que la gestion d'une petite commune ressemble à celle d'une grande famille, et qu'en pratique toutes les décisions se prennent quasiment à l'unanimité.

Il est relevé par toutes les personnes qui ont siégé dans les conseils municipaux de petites communes que l'argument de simplicité de gestion résultant de la loi actuelle est beaucoup plus important dans les faits qu'une violation théorique de la séparation des pouvoirs, et que, de toute manière, dans la mesure où le projet de loi voudrait donner aux minorités des droits plus importants, tel ne serait pas le cas si l'on considère les propositions de modification contenues dans le projet de loi.

Sont annexées au procès-verbal de la séance de la commission :

- une lettre de la commune de Gy, du 2 novembre 1995, rappelant le désir de cette commune de maintenir le statu quo, rappelant que cette commune a beaucoup de difficultés à trouver suffisamment de personnes motivées pour s'investir politiquement;

- une lettre de l'Association des communes genevoises rappelant la pratique actuelle, ses avantages et préconisant le rejet du projet;

- une lettre de la commune de Cartigny, du 16 novembre 1995, rappelant qu'en théorie, si le principe de la séparation des pouvoirs semble ne pas être respecté pour les 9 petites communes du canton, en pratique les choses se présentent tout différemment, le conseil municipal décidant de son fonctionnement en nommant les commissions. Dans ces communes où tout le monde se connaît, le maire et les adjoints exécutent les fonctions de coordination et règlent les affaires courantes du ménage communal, système qui a fait ses preuves et qui permet à ces communes de faire face à des obligations beaucoup plus lourdes et pressantes de façon simple, directe, et peu onéreuse, cela à la satisfaction des communiers. La création de nouvelles incompatibilités ne ferait qu'alourdir les procédures pour des résultats non probants. L'engagement pour la chose communale étant une mission quasi bénévole, tout alourdissement du système conduirait fatalement à décourager les bonnes volontés, de sorte que le projet de loi va en sens contraire du but recherché par ses auteurs, soit encourager les citoyens d'une commune à se porter candidats;

- une lettre du groupement «Avusy Pour l'Avenir...», du 10 novembre 1995, rappelant que leur groupe considère que la décision d'attribuer la présidence des 8 commissions du conseil municipal d'Avusy aux membres de l'exécutif, a créé un malaise (signée par MM. Cornuz et Emery);

- une note de MM. Cornu et Emeri, conseillers municipaux de la commune d'Avusy, approuvant le projet de loi. Ils insistent sur le fait qu'à leurs yeux il serait instauré un mode de fonctionnement propre à assurer un partage plus clair des tâches entre le législatif et l'exécutif et aussi de nature à valoriser le rôle et le travail effectué par le conseil municipal;

- la liste des communes genevoises de moins de 800 habitants, de 801 à 3 000, et de plus de 3 000 habitants.

6. Audition de MM. Mégevand, Treier, et Mme Cerutti, maire et adjoints de la commune d'Avusy

Ceux-ci ont demandé à être auditionnés pour faire valoir le point de vue de l'exécutif de la commune d'Avusy, cela après l'audition des deux municipaux de cette commune, déjà entendus. Ils rappellent que, dans cette commune, si actuellement les commissions sont présidées par un membre de l'exécutif, il s'agit d'un souhait du conseil municipal, conforme à une possibilité donnée par la loi. Cette décision a été prise en début de nouvelle législature dans un souci pratique et pourra être, le cas échéant, modifiée.

7. Débat sur l'entrée en matière

Les commissaires s'entendent sur le fait que le cas particulier de la commune d'Avusy ne doit pas être pris comme exemple et que le débat doit porter sur les problèmes de fond soulevés par le projet de loi.

Si certains commissaires considèrent que le projet de loi donnerait au municipal un certain contre-pouvoir vis-à-vis de l'exécutif, la plupart des commissaires, au contraire, pensent qu'il n'est pas facile d'être maire dans une petite commune, ce qui représente un travail lourd, mal rémunéré, et que le système actuel est pratique, souple et fonctionnel.

En ce qui concerne la présidence des commissions, le système actuel est ouvert, alors que le projet de loi, au contraire, enlèverait la possibilité de confier la présidence d'une commission à un membre de l'exécutif.

Pour certains, le fait que ce soit le maire ou son adjoint qui dirigent la petite commune est un défaut, alors que pour d'autres, au contraire, c'est une qualité, voire une nécessité.

De toute manière, il est relevé que le projet de loi ne donnerait aucun droit nouveau ou supplémentaire aux minorités.

Enfin, il est rappelé qu'il n'y a pas eu de plaintes quant au système, ou quant à un maire abusif.

Considérant donc:

- que la sauvegarde du principe de la séparation des pouvoirs sur le plan purement théorique ne se justifie pas au vu des nécessités pratiques de la gestion d'une petite commune, notamment en ce qui concerne le partage des tâches;

- qu'il n'existe pas de demande de la part des communes quant à une modification, celles-ci étant satisfaites du système actuel;

- que le projet de loi n'apporte aucun soutien nouveau aux minorités;

- qu'une théorique valorisation du rôle du président d'une commission ne mérite pas de remettre en question un système qui donne actuellement satisfaction,

la commission a refusé l'entrée en matière du projet de loi 7294 par 6 non (2 PDC, 2 R, 2 L) contre 6 oui (3 ADG, 2 S, 1 Ve) et invite le Grand Conseil à faire de même.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

La commune est certainement la plus ancienne organisation publique dépassant le cadre de la famille. L'histoire médiévale nous apprend que les premières libertés publiques ont été gagnées par les communes, aussi bien chez les Waldstätten, que dans les villes du Saint Empire romain germanique, en Italie ou en Angleterre. Les franchises données à la Ville de Genève par Adhémar Fabri en 1387 participent de ce mouvement.

Ni la Révolution française et le centralisme jacobin, ni l'évolution des Etats-nations au cours des XIXe et XXe siècles n'ont, en Europe occidentale, pu détruire l'autonomie locale des communes.

Bien au contraire, dans la perspective d'une Europe plus unifiée, le rôle des petites entités se renforce et le Conseil de l'Europe a adopté la Charte européenne de l'autonomie locale, que la Suisse n'a malheureusement pas encore ratifiée pour des raisons liées aux compétences réservées des cantons.

Le projet de loi modifiant la loi sur l'administration des communes s'inscrit dans la volonté de développer le pouvoir des communes et de renforcer le fonctionnement démocratique de leurs institutions.

La situation actuelle

Outre la Ville de Genève, régie sur plus d'un point par des dispositions particulières, les communes du canton se classent en trois catégories:

1. les communes de moins de 800 habitants, dont le conseil municipal est élu selon le système majoritaire, et dont le maire et les adjoints peuvent siéger au conseil municipal;

2. les communes de 801 à 3 000 habitants, dont le conseil municipal est élu selon le système proportionnel, le maire et les adjoints ne siégeant pas au conseil municipal, mais pouvant présider les commissions dudit conseil municipal;

3. les communes de plus de 3 000 habitants, dont le conseil municipal est élu selon le système proportionnel, dont le maire et les adjoints ne font pas partie et qui ne peuvent présider les commissions des municipales.

Le présent projet de loi vise, d'une part, pour les communes de moins de 800 habitants, à distinguer clairement le conseil municipal du maire et des adjoints en empêchant ces derniers de siéger au conseil municipal et, d'autre part, pour les communes de 801 à 3 000 habitants, toujours dans l'esprit de mieux distinguer les compétences du municipal et de l'exécutif, à empêcher que les commissions des municipales puissent être présidées par le maire ou les adjoints.

Le principe de la séparation des pouvoirs

Depuis Montesquieu les démocraties occidentales sont fondées sur le principe de la séparation des pouvoirs de manière que, fractionné, le pouvoir arrête le pouvoir. Ni l'Association des communes genevoises, opposée au projet de loi, ni les députés membres de la commission qui l'ont rejeté, n'ont mis en cause la pertinence de ce principe. Ils n'ont pas davantage développé d'argument de principe qui viendrait faire échec, dans le cas des communes, à la séparation des pouvoirs. Leurs arguments, qui seront repris plus bas, sont essentiellement de nature pratique, mais aussi bien M. Bruno Mégevand, maire d'Avusy, que M. Hiltpold, président de l'Association des communes genevoises, se sont déclarés d'accord avec les principes énoncés dans le projet de loi. Il y aura donc lieu d'examiner s'il est justifié de déroger aux principes unanimement reconnus.

Objections et arguments

1. «Le conseil municipal n'est pas un véritable pouvoir législatif.» Il est vrai que les compétences du conseil municipal sont limitées, qu'il ne légifère pas à proprement parler et que les activités des communes sont soumises à la surveillance de l'Etat. Toutefois, l'article 30 de la loi sur l'administration des communes attribue de nombreuses et importantes compétences au conseil municipal et notamment d'adopter le budget annuel de la commune, le nombre des centimes additionnaux, la taxe professionnelle communale, les crédits supplémentaires ou extraordinaires, les emprunts, etc. Ces différents actes du municipal sont soumis au conseil par l'exécutif et il n'est pas normal que le maire et les adjoints, dans les communes jusqu'à 800 habitants, puissent présenter le budget... et le voter en tant que membres du conseil. Même si le conseil municipal n'a pas une souveraineté pleine et entière, il n'est pas normal que les mêmes personnes participent au vote puis soient chargées de l'exécution d'une délibération. Les rôles respectifs du municipal et de l'exécutif doivent être clairement distingués dans les personnes qui les composent.

2. «Le système actuel est plus pratique.» S'agissant du mode de prise de décisions, il n'est pas certain que le système démocratique soit le plus pratique ! S'agissant toutefois de l'adhésion de la population aux décisions prises par les autorités, le système démocratique offre en revanche l'avantage pratique que, la population étant associée aux décisions, leur mise en oeuvre ne nécessite pas les moyens coercitifs que d'autres systèmes rendent inéluctables. Pour en revenir aux communes genevoises, on ne voit pas en quoi les dispositions du projet combattu rendent la gestion de la commune plus compliquée. Aucune commune, lorsqu'elle a passé de 800 à 801 habitants ou de 3 000 à 3 001 habitants, n'a eu de difficulté à adopter les règles, manifestement plus démocratiques, qui régissent les plus grandes communes.

 L'argument utilitaire, outre qu'il ne saurait, par essence, faire obstacle à un principe fondamental, donne à la population le désagréable sentiment que les responsables politiques arrangent les affaires en famille, ce qui est un soupçon qui ne devrait en aucun cas planer sur eux.

3. «La situation spécifique des petites communes justifie les exceptions aux principes.» Le critère du nombre d'habitants a un côté manifestement aléatoire et arbitraire, dont ne saurait dépendre l'application des règles démocratiques. S'il est normal que le nombre de conseillers municipaux dépend du nombre d'habitants, il n'est pas normal que le mode de fonctionnement des autorités communales dépende de ce nombre d'habitants et il ressort des statistiques que plusieurs communes pourraient prochainement franchir le cap soit des 801 habitants, soit des 3 001 habitants. Il est d'ailleurs frappant de constater que le maire d'Avusy trouve parfaitement justifié le projet de loi s'agissant de la présence du maire et des adjoints pour les petites communes jusqu'à 800 habitants, mais qu'il refuse la partie du projet de loi concernant les communes jusqu'à 3 000 habitants. Sur la base de quelle logique?

4. «Dans les petites communes, il sera difficile de trouver assez de candidats.» L'argument peut être aisément retourné, car s'il est vrai qu'il est quelquefois difficile de trouver des candidats au poste de conseiller municipal, cela tient notamment au fait que dans les petites communes l'essentiel du pouvoir est entre les mains de l'exécutif et dans la mesure où il revalorise le rôle du conseil municipal le projet de loi est au contraire de nature à motiver de nouveaux candidats.

5. «Dans les communes on ne fait pas de politique.» Si l'on entend par là que les relations entre les élus sont empreintes de cordialité villageoise, nous ne pouvons que nous en réjouir. Le projet de loi contesté n'empêche d'ailleurs pas le moins du monde l'épanouissement des relations personnelles au sein des autorités communales, mais chacun a de l'intérêt public - que tous veulent défendre - une vision différente et il arrive, même dans les petites communes, que des projets importants soient à l'examen sur lesquels chaque conseiller municipal ou chaque groupe représenté au municipal a une vision politique différente. Il y a bel et bien acte politique des communes lorsqu'elles prennent position sur des sujets tels que l'aménagement du territoire ou la fiscalité communale.

6. «Laissons les communes s'organiser de façon autonome.» La constitution fédérale impose aux cantons de s'organiser de façon républicaine et il appartient au législatif cantonal de fixer les règles régissant les communes; il ne serait pas acceptable que lesdites règles varient d'une commune à l'autre. Actuellement d'ailleurs les institutions communales sont déterminées pour l'essentiel par le droit cantonal. Laisser aux communes le choix, sur les deux questions que se propose de modifier le présent projet de loi, revient en réalité à laisser à la majorité le soin de décider alors qu'il appartient au canton de veiller à l'équilibre des pouvoirs communaux et au respect des minorités. Il n'y a aucun élément, le dans présent projet, qui brime l'autonomie des communes puisqu'au contraire il vise à améliorer les institutions dans un sens plus démocratique.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions de réserver bon accueil au projet de loi 7294 et de le voter.

(PL 7294)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur l'administration des communes

(B 6 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)

Incompatibilités

  a) magistrats      communaux

1 Les conseillers administratifs, les maires et les adjoints ne peuvent pas siéger au conseil municipal.

Art. 8, al. 1 (nouvelle teneur)

Serment

1 Avant d'entrer en fonction, les conseillers municipaux, en séance du conseil municipal, prêtent serment:

a) entre les mains du doyen d'âge;

b) en cours de législature, entre les mains du président du conseil municipal.

Art. 9 (nouvelle teneur)

Présidence et bureau

1Le conseil municipal élit chaque année les membres de son bureau choisis parmi les conseillers municipaux. Le président de l'assemblée porte le titre de président du conseil municipal.

2 Les fonctions de secrétaire municipal peuvent être remplies par un secrétaire du conseil administratif ou de la mairie ne faisant pas partie du conseil municipal. Dans ce cas, il assiste aux séances du conseil avec voix consultative.

Art. 10, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les commissions sont présidées par un de leurs membres.

Art. 22, al. 1 (nouvelle teneur)

Droit d'assister aux séances

1 Les conseillers administratifs, les maires et les adjoints assistent aux séances du conseil municipal.

Art. 2

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur dès la prochaine législature.

Premier débat

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. L'Etat, en l'occurrence le canton, organise les structures communales, selon les principes démocratiques de notre constitution et de notre système politique. Or dans les communes, le système d'administration varie en fonction du nombre d'habitants. Les auteurs du projet de loi ayant constaté que, pour certaines petites communes, le système actuel ne donnait pas entière satisfaction quant aux principes, ils vous proposent deux modifications de la loi sur l'administration des communes.

La première consiste à ne plus permettre aux maires et adjoints des communes de moins de huit cents habitants de siéger au conseil municipal. La deuxième vise à ne plus permettre aux maires et adjoints des communes ayant entre huit cent vingt et trois mille habitants de présider les commissions du conseil municipal.

Nous estimons que le mélange entre exécutif et législatif est une pratique très discutable. Ces deux améliorations sont susceptibles de raviver les principes démocratiques au niveau communal.

L'un des arguments des opposants, auquel nous avons été sensibles, est que cela compliquera la vie des communes. Au contraire, nous pensons qu'en renforçant les pouvoirs du municipal, nous favoriserons de nouvelles candidatures, car certains conseillers municipaux de petites communes se disent être découragés par le peu d'influence qu'ils exercent dans la marche des affaires communales. En gros, le projet vise à ce que l'ensemble des communes, au-delà du nombre de leurs habitants, soit régi par les mêmes principes démocratiques. C'est dans cet état d'esprit que nous vous invitons à accepter les conclusions du rapport de minorité.

Mme Yvonne Humbert (L). Les articles de loi et les règlements ne suffisent pas à résoudre toutes les «chipoteries» de notre République. Il faut y ajouter pas mal de bon sens, ce que possédait le législateur qui, il y a environ dix ans, a voté la loi sur l'administration des communes.

En toute connaissance de cause, il avait admis cette légère confusion des pouvoirs, afin de permettre une gestion plus simple des communes de moins de huit cents habitants. Ce projet de loi vante les mérites et les bienfaits de la séparation des pouvoirs dans les petites communes pour combler un soi-disant déficit démocratique inadmissible. Sur le plan du juridisme pur, il n'y a rien à rétorquer, mais, sur le plan pratique, certaines nuances doivent être admises, et c'est là qu'intervient le bon sens.

Il faut savoir que les communes de moins de six cents habitants sont régies par un conseil municipal de neuf membres, celles de six cents à neuf cents habitants, par un conseil municipal de onze membres. Sur les quarante-cinq communes genevoises, neuf sont soumises à ce régime et ce ne sont pas les plus mal gérées. Il faut savoir que la gestion d'une petite commune n'est en rien comparable à celle d'une commune suburbaine de plus de huit mille habitants, tout en ayant bien des obligations similaires.

Le fait que le maire présente le budget et les comptes et puisse les voter semble provoquer une gêne. Sachez que, par honnêteté, le maire s'abstient. Avez-vous songé que, dans ces petites communes, le taux de la représentativité au sein du conseil municipal est bien plus important qu'au sein même de ce Grand Conseil. De plus, dans ces communes, les électeurs se déplacent plus facilement pour élire leurs représentants, car ils les connaissent. Le pourcentage de la participation se situe entre 73% et 85%.

Il faut aussi relever que, sur quatre cents habitants, le nombre d'électeurs se situe entre cent quarante et cent nonante. Les trois quarts de ces cent quarante à cent nonante personnes élisent, à la majorité, leur maire et leurs conseillers municipaux. Le verdict est bien plus sévère qu'au niveau d'une grande commune. Je désire aussi vous rappeler que, dans chaque commune, il existe un règlement du conseil municipal, conçu et adopté par ses membres, puis ratifié par le Conseil d'Etat. Ce règlement permet aux conseillers municipaux d'organiser les activités et de régler les problèmes.

Dans ce projet de loi, vous soulevez le problème du choix des présidents de commission. Il faut savoir que ce choix est proposé, puis voté par le conseil municipal, et si celui-ci nomme son maire comme président d'une de ces commissions, il agit en toute liberté.

Respectez le peu d'autonomie communale qui existe dans notre canton et n'en faites pas des discours uniquement lorsque cela vous arrange ! Ces petites communes ne vous ont rien demandé. Elles n'ont pas besoin d'être maternées par ce Grand Conseil. Elles se portent très bien tout en sachant s'administrer sans déficit avec les petits budgets qu'elles possèdent, car elles savent élire leurs représentants qui sont des maires et des conseillers municipaux honnêtes, disponibles et aimant beaucoup, et même passionnément, leur commune. C'est là que réside l'essentiel.

Mesdames et Messieurs les députés, nous vous conseillons de suivre les conclusions présentées par le rapporteur de majorité en refusant ce projet de loi inutile.

Une voix. Bravo !

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Il faut reconnaître que nous nous sommes trompés lorsque nous avons considéré que les mentalités semblaient avoir évolué au sein de notre parlement à propos de la séparation des pouvoirs. Les déclarations fréquentes de députés de tous les partis, à commencer par celles de présidents successifs du Grand Conseil affirmant leur attachement à ce principe de la séparation des pouvoirs en tant que membre d'un législatif, nous avaient laissé espérer que l'on pouvait faire un pas de plus, à savoir appliquer cette séparation des pouvoirs au plus petit échelon de la démocratie, c'est-à-dire à la commune, sans en faire un combat gauche-droite. Erreur et probablement naïveté de notre part, il faut bien en convenir.

Bien sûr, nous sommes un peu déçus. Monsieur Haegi, je me permets de vous demander de m'écouter, car vous êtes directement concerné. (Brouhaha.) Nous avons été surpris par l'ampleur de la réaction que notre projet de loi a suscitée parmi les principaux intéressés. Alors que, d'emblée, nous avions déclaré - je m'adresse à Mme Humbert - qu'il ne s'agissait absolument pas d'attaques personnelles. Nous avons toujours reconnu ce que pouvait représenter de dévouement et de services à la communauté un mandat à l'exécutif d'une commune, petite ou grande, d'ailleurs.

A cet égard, l'audition des représentants de l'Association des communes genevoises, venus en force - ils étaient une demi-douzaine environ - était révélatrice, et ce que le maire d'une petite commune a dit ce soir-là était tout à fait édifiant. Je vous cite de mémoire quelques propos dont la teneur m'a frappée : «Nous sommes une grande famille, un groupe d'amis, et l'on s'arrange toujours entre nous.»; «S'il y a un architecte parmi nous, on fait appel à lui, ce qui est très pratique.»; «Les conseillers municipaux nous font confiance, d'ailleurs, ils ne connaissent pas les dossiers, seul le maire les connaît.» Et enfin, la perle des perles : «Avec votre projet de loi, le maire deviendrait le larbin du conseil municipal.»

D'une manière générale, les conseillers municipaux ont été traités de manière extrêmement condescendante, pour ne pas dire méprisante. Cela n'est certainement pas de nature à les encourager à postuler un tel mandat. C'était assez gênant, et un certain malaise s'est répandu au sein de la commission. Même MM. Hiltpold et Hugues, les deux représentants des grandes communes, semblaient être - si vous me passez l'expression - dans leurs petits souliers. Je puis vous dire que si nous doutions encore du bien-fondé de notre projet de loi, ce doute aurait été dissipé à ce moment-là.

Nous sommes persuadés que si la démocratie s'exerce de cette manière dans les petites communes, cette situation est peu saine et sujette à certains dérapages. On nous a rétorqué que jamais plainte n'avait été déposée en rapport avec des abus et des problèmes de fonctionnement. Mais comment pourrait-il en être autrement, puisque le maire a tous les pouvoirs, et qu'il est seul à connaître les dossiers ?

Dans son excellent rapport, M. Moutinot a repris nos objections et nos arguments. Je n'y reviens pas, car tout a été dit.

En conclusion, l'Entente a fait un combat gauche-droite d'un enjeu au-delà des partis. D'ailleurs, même si notre projet de loi était accepté, les rapports de force resteraient les mêmes dans les petites communes, dans lesquelles les représentants de l'Entente sont largement majoritaires, même lorsqu'ils ne se présentent pas sous la couleur d'un parti.

Pour notre part, nous continuons à penser que la séparation des pouvoirs est un juste principe, qu'il ne souffre pas d'exception, et que décider de l'appliquer ou non en fonction de la taille d'une commune entame sérieusement la crédibilité de ceux qui s'en réclament dans ce parlement.

M. David Revaclier (R). Ce projet de loi modifiant la loi sur l'administration des communes, présenté par le groupe socialiste du Grand Conseil, nous apparaît inopportun à plusieurs titres.

En premier lieu, il sied de relever que les maires des neuf communes concernées par ce projet de loi ont déclaré qu'ils étaient hostiles aux modifications proposées. Ces magistrats sont d'avis que la loi en vigueur permet une certaine souplesse dans l'organisation spécifique de chaque commune. Dès lors, pourquoi vouloir imposer des directives plus contraignantes en raison du principe de l'égalité de traitement pour toutes les communes, alors que l'on proclame qu'il faudrait leur accorder plus d'autonomie ?

Il est illusoire de croire que, en vertu des grands principes démocratiques concernant la séparation des pouvoirs, le changement souhaité par notre collègue Laurent Moutinot pourrait améliorer le fonctionnement au sein de ces petites communes.

En effet, la possibilité qu'ont les maires et les adjoints de pouvoir conserver leur mandat de conseiller municipal, tout en siégeant à l'exécutif, n'a aucune conséquence fâcheuse sur la conduite des affaires communales et n'altère pas les relations entre l'exécutif et le municipal.

Il faut se rendre à l'évidence, ces petites communes se gèrent comme une entreprise familiale. Le témoignage unanime des représentants desdites communes est, sur ce point, sans équivoque. Les maires ont expliqué que la gestion de la commune est le fait d'un travail d'équipe qui fait le bien de celle-ci sans arrière-pensées politiques. Du reste, très souvent, les délibérations sont acceptées à l'unanimité par le Conseil municipal. Les déclarations du président de l'Association des communes genevoises, M. Pierre Hiltpold, vont dans le même sens.

Pour sa part, M. Yves Martin, le secrétaire général du DIER, a rappelé, lors de la révision de la loi sur l'administration des communes en 1984, que toutes ces questions avaient déjà été longuement débattues, et que le texte actuel avait été accepté à l'unanimité de l'ensemble des communes de ce canton.

Lors de leur audition, les maires des communes de Russin, Cartigny et Gy ont déclaré avec force que ce projet de loi était particulièrement malvenu, car les modifications projetées n'apporteraient que des complications sur le plan pratique et perturberaient le bon fonctionnement du ménage communal.

Ces magistrats ont fait part des difficultés qu'ils rencontraient à trouver des candidats en nombre suffisant lors des élections municipales.

Ce projet de loi prévoit l'obligation de nommer un président au conseil municipal. Cette disposition n'est pas souhaitable pour ce type de commune. Le rôle du président ne se bornerait qu'à passer la parole au maire pour répondre aux questions des conseillers municipaux.

Il faut savoir que dans ces petites entités, le maire est omniprésent. Il doit tout faire. Il conduit l'ensemble des dossiers et, bien souvent, s'occupe des tâches administratives et des problèmes d'intendance. De plus, il est le seul responsable devant la loi. En ce qui concerne la question de la présidence des commissions municipales, nous estimons qu'il faut laisser les communes s'organiser comme elles le désirent. Nous ne pensons pas que les modifications proposées par le projet de loi pourraient être plus favorables aux minorités.

Au vu de ces considérations, nous sommes convaincus qu'il ne faut pas modifier la loi actuelle qui a fait ses preuves et répond tout à fait aux aspirations des petites communes visées par ce projet de loi. Par conséquent, le groupe radical vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de le refuser.

M. Alain-Dominique Mauris (L). L'application du principe de la séparation des pouvoirs, qui a fait ses preuves dans d'autres communes, peut paraître indiquée pour l'ensemble des municipalités genevoises. Mais là s'arrête la théorie des comparaisons, car, dans la pratique, nous ne pourrons pas assumer les conséquences qu'entraînerait ce changement de fonctionnement pour les communes concernées.

La solution proposée risque d'être pire que la confusion de pouvoir qu'elle entend dénoncer. Nous ne pouvons pas transposer des modèles de fonctionnement sur la base d'une simple analyse législative. Ce n'est pas en alourdissant les procédures que nous préserverons les petites communes de l'influence potentielle de certains maires très engagés.

L'influence personnelle d'un élu charismatique ne se contrôle pas par une loi, aussi parfaite soit-elle. Le rapport de minorité pourrait être convaincant. Tout y est relaté de façon tellement évidente que l'on se demande pourquoi s'y opposer. C'est uniquement parce qu'il s'agit d'un discours théorique ne reflétant pas la réalité vécue, jour après jour, dans ces communes. N'alourdissons pas le système en vigueur, car il se heurterait à l'abstentionnisme grandissant. Si nous acceptions la proposition de changement, que se passerait-il ?

Si vous le voulez bien, prenons l'exemple de Russin qui est une commune de trois cent septante-huit habitants, dont trois cent seize Suisses et environ cent quatre-vingts électeurs. Précédemment, on parlait d'un taux d'environ 50% à 60% de participation aux votes, ce qui fait environ nonante ou cent personnes. Ici, nous sommes cent députés. Si 10% ou 15% des personnes siégeant ici devait représenter 10% ou 15% des électeurs inscrits, on imagine la difficulté de trouver des candidats pour siéger avec nous. Ce serait le cas de ces petites communes, car adopter la proposition défendue par le projet de minorité impliquerait de trouver immédiatement trois personnes de plus pour fonctionner dans cette commune.

Gardons l'exemple de la commune de Russin qui compte sept conseillers municipaux. Le maire et ses deux adjoints sont membres du Conseil municipal. Dès l'instant où ils ne le seraient plus, il faudrait trouver trois membres supplémentaires pour les remplacer. Souvenons-nous que d'autres communes, légèrement plus grandes, comme Choulex, par exemple, ont eu beaucoup de peine à trouver un maire et des adjoints. A Jussy, ce fut aussi difficile de trouver un conseiller municipal.

En plus, comme il s'agit d'une élection majoritaire, on est obligé de procéder à une deuxième élection, les «viennent ensuite» n'étant pas élus tacitement, par rapport au système proportionnel.

Il ne s'agit donc pas d'un débat gauche-droite. En plus, ces petites communes n'ont pas de partis politiques. Nous remercions les auteurs de ce projet de loi, très théorique, d'attirer notre attention sur les moyens mis à disposition des élus communaux pour accomplir leur mandat. Ce sujet mérite un débat porté à l'ensemble des communes. Je vous propose de refuser ce projet en votant le rapport de majorité.

M. Olivier Lorenzini (PDC). Tout d'abord, je désire féliciter les deux rapporteurs pour la qualité de leur texte, mais plus particulièrement M. Lacour... (Rires.) ...qui aura, en tout cas pour ce projet de loi, assumé sa lourde tâche de rapporteur jusqu'en plénum.

Néanmoins, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien s'opposera à l'entrée en matière de ce projet de loi pour les raisons suivantes :

Premièrement, je partage l'avis de Mme Torracinta-Pache sur les quelques maladresses survenues au cours des auditions, les personnes interrogées n'ayant pas été très précises. Cela étant, il ne faut pas changer le fonctionnement de ces petites communes, car en défendant au maire de siéger au conseil municipal, il courrait le risque d'être complètement mis à l'écart en cas de mauvaise entente et pourrait alors rester à la maison. Dans les petites communes, la quasi-totalité des objets passe par les mains du maire qui, du reste, est le seul à pouvoir engager la commune par sa signature.

Pour ce qui est de la présidence du conseil municipal, toujours en ce qui concerne les communes de moins de huit cents habitants, l'infrastructure est réduite à sa plus simple expression. Pas de secrétaire à plein temps, ni de technicien. Le maire et ses adjoints se chargent d'une grande partie du courrier, ainsi que de la gestion de l'agenda. Dès lors, il paraît évident que le maire convoque et dirige le conseil, si c'est utile.

Dans les cas extrêmes où un conseil municipal ne serait pas convoqué dans les règles, la loi permet aux conseillers municipaux de fixer eux-mêmes une ou des séances. Quant à la présidence des commissions, dans les communes de moins de trois mille habitants, je ne vois pas où est le problème. La loi dit bien, dans son article 10 : «Les commissions peuvent être présidées par le maire ou un adjoint, à moins que le règlement du Conseil municipal ne prévoie que les commissions ne soient présidées par l'un de ses membres.»

Je vous rappelle que ce règlement, édicté par le conseil municipal, est voté par celui-ci et approuvé par le Conseil d'Etat. Dès lors, je pense que les communes disposent des moyens nécessaires au fonctionnement de leur conseil. C'est pour ces raisons que je vous invite à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.

M. John Dupraz (R). J'ai étudié ce projet de loi avec d'autant plus d'attention que, voilà dix ans, en 1984, je présidais la commission qui avait déjà révisé la loi sur l'administration des communes.

A l'époque, il s'agissait d'un projet de loi de M. Ziegler, cosigné par Mme Claire Luchetta. La limite avait été fixée à huit cents habitants pour la séparation des pouvoirs d'avec un président du conseil municipal. J'ai beaucoup d'estime pour vous, Madame Torracinta, mais votre discours est dogmatique, et vous connaissez mal le fonctionnement des toutes petites communes, bien que vous ayez été conseillère municipale à Bernex; c'est une grande commune, dont on connaît la Coop et les commerces, mais pas les conseillers municipaux.

Pendant vingt ans, j'ai cumulé les fonctions d'adjoint et de conseiller municipal dans une petite commune. Je puis vous dire que les choses ne se passent pas comme vous le pensez.

M. Claude Blanc. C'est pire !

M. John Dupraz. N'écoutez pas ce vieux crocodile de la politique qui est sur sa fin, s'il vous plaît ! (Hilarité.)

Une voix. C'est toi qui dis ça !

M. John Dupraz. Moi, je ne fais que commencer !

Le président. C'est bien là notre drame. Continuez !

M. John Dupraz. Monsieur le président, votre présidence ne sera qu'une éclipse dans la vie politique de ce canton. (Rires.) Il faut savoir que dans une petite commune qui n'a pas d'infrastructure, il n'y a pas d'employés permanents mais un secrétaire à mi-temps qui accomplit sa tâche après son travail professionnel.

Les décisions se prennent au sein du conseil municipal après une discussion entre le maire, les adjoints et les conseillers municipaux; le maire et les adjoints cumulant ces fonctions. Il arrive parfois que des tâches de l'exécutif soient confiées à des conseillers municipaux dans des domaines bien précis, car le maire et les adjoints ne peuvent pas tout faire.

Il ne faut pas croire qu'en séparant le pouvoir exécutif du pouvoir législatif, comme vous comptez le faire, vous améliorerez le fonctionnement des petites communes, détrompez-vous !

Dans une petite commune, lorsque le conseil ou le maire prennent une initiative, le citoyen vous demande des comptes, le lendemain, lorsque vous le rencontrez au coin de la rue. La séparation des pouvoirs joue un rôle secondaire dans ces petites communes, et elle n'améliorerait en rien leur fonctionnement.

En 1984, nous avions trouvé un compromis. Je regrette que le parti socialiste veuille le remettre en cause. D'autant plus que de nombreuses communes, qui avaient moins de huit cents habitants, en ont aujourd'hui plus de huit cents, et ont passé dans le camp de la «séparation des pouvoirs». Plusieurs communes sont à la limite, et de plus en plus rares seront celles de moins de huit cents habitants. Ce n'est pas par cette loi que vous améliorerez le fonctionnement démocratique de notre canton et de nos communes.

M. Andreas Saurer (Ve). Ce manque de rigueur intellectuelle me surprend, surtout de la part du parti libéral. Que le parti démocrate-chrétien et le parti radical aient une démarche très pragmatique, j'en ai l'habitude. En revanche, le parti libéral défend très souvent des principes avec lesquels je ne suis pas forcément d'accord, mais qui se basent, je dois bien l'avouer, sur une certaine rigueur, dans certains domaines. Je pense, particulièrement, au débat concernant le don d'organes.

M. John Dupraz. Tu ne peux pas donner grand-chose !

M. Andreas Saurer. Je ne vous ai pas entendu, Monsieur Dupraz !

M. John Dupraz. Ce n'est pas grave !

M. Andreas Saurer. Ce n'est probablement pas grave !

En revanche, lorsque j'entends M. Lacour dire que les personnes qui dirigent les communes n'ont pas fait de demande particulière, je ne suis pas surpris. Quand vous siégez dans ces conseils municipaux, élus par - permettez-moi l'expression un peu péjorative, mais tout de même assez réaliste - les clans des petites communes. (Tollé.)

M. Olivier Vaucher. Allez arrête !

Le président. S'il vous plaît, poursuivez, Monsieur Saurer !

M. Andreas Saurer. Il est un peu difficile de poursuivre dans ce chahut, Monsieur le président ! Justement, venant des Grisons et connaissant parfaitement bien les petites communes, les petites familles et les petits clans, je sais de quoi je parle. Donc, évidemment, ces petites familles sont tout heureuses de pouvoir gérer les affaires entre elles, sans devoir tenir compte d'interventions extérieures.

Cela étant dit, pour être un peu plus sérieux et plus «principiel», il faut faire une différence entre le cadre et l'application du cadre. Que l'application du cadre ou l'application des principes doive se faire avec une certaine souplesse, entièrement d'accord ! En revanche, je pense qu'il est indispensable que le cadre soit basé sur des principes précis et clairs. Je trouve extrêmement grave de vouloir faire un doux mélange avec le principe de la séparation des pouvoirs en ce qui concerne le législatif et l'exécutif. Que l'on applique ce principe avec une certaine souplesse, comme nous le faisons par ailleurs dans les commissions du Grand Conseil, où nous tolérons parfaitement la présence des conseillers d'Etat dans nos commissions sans avoir demandé forcément leur présence, cela ne me dérange absolument pas, car le cadre est basé sur des principes clairs... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de sérieux !

M. Andreas Saurer. Il est extrêmement désagréable et grave que, dans les petites communes, vous ne soyez pas d'accord de respecter ces principes. Monsieur Opériol, vous vous en «fichez», cela ne m'étonne pas, vous vous «fichez» de pas mal de choses. Mais nous, qui sommes attachés à un certain nombre de principes et à un minimum de rigueur, nous trouvons très grave de ne pas respecter cette séparation des pouvoirs. Qu'on l'applique avec une certaine souplesse d'accord, mais le cadre doit être basé sur des principes clairs.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. Il est intéressant de constater, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes tous d'accord sur le principe. Toutefois, nous divergeons quelque peu sur l'application. C'est pourquoi je tenterai de donner des explications très concrètes.

Premièrement, M. Dupraz nous dit que, dans les petites communes, le maire et les adjoints ne peuvent pas tout faire. Par conséquent, ils doivent déléguer certaines de leurs tâches aux conseillers municipaux. C'est là le sens de notre projet de loi qui tend à renforcer les administrations communales.

Deuxièmement, je n'ai jamais entendu qu'il y ait eu la moindre difficulté à appliquer un nouveau régime lorsqu'une commune passe de huit cents à huit cent un habitants ou de trois mille à trois mille un habitants.

Troisièmement, au contraire de ce qui a été dit, l'autonomie communale sera renforcée par un meilleur système visant à une meilleure implication des conseillers municipaux dans la vie communale.

M. Claude Lacour (L), rapporteur de majorité. Je rappelle que, si l'article 130 de la constitution genevoise prévoit la séparation des pouvoirs entre le pouvoir judiciaire et les pouvoirs législatif et exécutif, aucun de ces articles ne prévoit la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif; cela a été voulu précisément pour les cas qui nous occupent.

Nous voulons surtout que le système actuel ne soit pas «péjoré». Mme Torracinta a parlé de clivage gauche-droite. A mon avis, cela n'a jamais été le cas. Le clivage se trouve entre la théorie et le fonctionnement, et entre le dogme et la réalité, ce qui n'est pas du tout la même chose. Pour notre part, nous pensons que l'application d'un principe, si beau soit-il, peut être inopportun.

Dans le cas particulier, permettez-moi de rappeler certaines remarques qui ont eu lieu au cours des débats de la commission. Par exemple, qu'il est vraiment stupide de vouloir faire le bien des communiers contre leur volonté, et inopportun de vouloir imposer des principes, si les communes doivent en pâtir. Suivons ce vieux principe : soyons pratiques et efficaces avant d'être légalistes à tout prix. Et enfin, rappelons que la loi est au service des gens, et pas le contraire.

M. Claude Blanc (PDC). L'intervention de mon collègue, le docteur Saurer, m'incite à faire quelques commentaires. En définitive, tout cela n'est que «politicaillerie».

En effet, la modification de la loi sur les HLM a fait qu'un certain nombre d'intellectuels gauchistes bien nantis ont été parachutés dans des petites communes, en de somptueuses villas, et qu'ils s'y trouvent un peu comme des corps étrangers. Alors, ils essaient, par l'intermédiaire du Grand Conseil, d'obtenir des droits qu'ils ne sont pas capables de conquérir eux-mêmes. Tout le problème réside dans ce sentiment de frustration.

Si M. Moutinot veut bien se donner la peine de congédier M. Dupraz qui n'est qu'un trouble-fête, je dirai mon étonnement aux deux éminents juristes siégeant à la table des rapporteurs qui ont dit, l'un et l'autre, que le conseil municipal était un pouvoir législatif. Il n'y a de pouvoir législatif, et vous le savez bien, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en notre parlement. Les conseils municipaux ne sont que des pouvoirs délibératifs. Ce n'est pas du tout la même chose. C'est une des bases du malentendu qui nous occupe ce soir. (Applaudissements.)

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Tout d'abord, je dirai à M. Blanc que je ne suis pas une intellectuelle gauchiste... (Brouhaha.) ...mais une socialiste habitant une villa modeste, dans une commune fonctionnant selon un mode démocratique. D'ailleurs, je ne sais pas si j'aurais accepté d'être conseillère municipale, selon un autre mode de fonctionnement, découvert après coup.

Il m'a fallu quatre ou cinq ans d'exercice de mon mandat de conseillère municipale à Bernex, une grande commune qui - je le répète - fonctionne déjà selon le mode attribué aux grandes communes, pour apprendre que cela n'avait pas toujours été le cas. En effet, alors qu'elle était encore une petite commune, on ne dressait même pas procès-verbal des discussions.

Si l'on disait maintenant aux responsables des grandes communes qu'il n'y a pas besoin de procès-verbal et que, de toute façon, le maire fait tout et sait tout, vous ne seriez pas d'accord. Je crois que la démocratie vient pas à pas. Je ne prétends pas que ce projet bouleverse tout, mais il semblait, à mon groupe et à moi-même, qu'il pouvait nous aider à faire un tout petit pas de plus.

Nous n'avons pas minimisé les efforts pour trouver des candidats - dans toutes les communes d'ailleurs - prêts à accepter de postuler un mandat de conseiller municipal. Contrairement à ce que vous pensez, nous voulons les valoriser, leur donner leur vrai rôle et, ainsi, les inciter à se porter sur une liste électorale. D'ailleurs, si l'on va jusqu'au bout du raisonnement, et si vraiment le maire fait tout et signe tout, alors il faut supprimer les conseils municipaux.

Monsieur Blanc, ne me faites pas l'injure de penser que je ne fais pas la différence entre un pouvoir délibératif et un pouvoir législatif. Durant dix ans, je fus conseillère municipale, et je sais que nous ne légiférons pas. C'est une formule pratique pour distinguer l'exécutif du pouvoir délibératif.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. Je m'exprime au nom du rapporteur de majorité et en mon propre nom, car nous sommes tombés d'accord sur la chose suivante : contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur Blanc, nous avons, et l'un et l'autre, écrit dans nos rapports que le conseil municipal n'était pas un véritable pouvoir législatif. M. Lacour l'a écrit en page 4 et moi-même en page 8. Nous savons pertinemment qu'il y a une différence entre ces deux systèmes.

M. Claude Blanc (PDC). Vous l'avez peut-être écrit, mes chers Maîtres, mais vous en avez parlé tout autrement à la table des rapporteurs. Alors admettez-le au moins !

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.

PL 7299-A-I
8. Rapport de la commission des affaires communales et régionales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat d'application des dispositions fédérales sur la protection civile. ( -) PL7299
Mémorial 1995 : Projet, 5410. Commission, 5424.
Rapport de M. Jean-Claude Vaudroz (DC), commission des affaires communales et régionales

La commission des affaires communales et régionales, sous la présidence de M. Olivier Lorenzini, a examiné le projet de loi visé en titre, lors de ses séances des 16 et 30 janvier 1996, 13 février 1996 et 5 mars 1996, en présence de M. Claude Haegi, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, de M. Claude Convers, secrétaire général du département, de M. Philippe Wassmer, directeur de la sécurité civile, de M. Guy Progin, attaché de direction au service cantonal de la protection civile et de Mme Claude-Janik Sollberger, secrétaire adjointe du département.

Les représentants du département ont rappelé qu'un nouveau concept cantonal de la protection civile a vu le jour en 1993, ils ont commenté les principales modifications introduites par la Confédération dans la loi fédérale sur la protection civile, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, et évoqué le projet de loi d'application cantonal.

Ces personnes ont, en particulier, déclaré qu'il y a 20 ans, le concept de protection civile suisse était basé uniquement sur les risques de guerre. Pour cela, des milliards ont été dépensés et il aurait été erroné de rejeter ce qui a été fait jusqu'à présent.

Toutefois il devenait impératif de procéder à des adaptations tenant compte des dangers et des exigences actuelles. C'est pourquoi, une nouvelle conception de la protection civile a été étudiée, de manière à créer une structure prête à agir rapidement.

Celle-ci a deux buts principaux:

· rendre la protection civile plus efficace pour qu'elle puisse mieux répondre aux besoins de protection;

· diminuer considérablement les coûts, grâce à une organisation rationnelle et un meilleur usage des moyens disponibles.

Le canton de Genève, sous l'impulsion de M. Claude Haegi, président du DIER, a fait oeuvre de pionnier et a anticipé la réforme fédérale pour la protection civile. A l'heure actuelle, les principes de cette réforme sont acceptés par les autorités fédérales.

La création de quatre détachements de «spécialistes» s'inscrit dans cette démarche.

Ces détachements dépendent du canton. Ils sont composés d'environ 1000 personnes au total, engagées volontairement dans cette fonction.

Ils sont chargés des missions suivantes:

Détachement sanitaire:

· détachement sanitaire mobile

- trier les blessés sur une zone sinistrée,

- assurer leur survie,

- préparer en vue de leur transport et, subsidiairement,

- approvisionner le secteur sinistré en médicaments et en pansements;

· postes sanitaires de secours d'élite

- accueillir des blessés légers.

Détachement assistance:

- pourvoir à l'accueil, à l'hébergement et au ravitaillement de groupes de personnes dépourvues de logement.

Détachement de génie civil:

- est engagé en renfort des formations du plan ISIS ou indépendamment pour effectuer des actions de recherches, pour collaborer avec les conducteurs de chiens de catastrophe et participer au sauvetage ainsi qu'aux dégagements à l'aide d'engins lourds.

Détachement logistique:

- est responsable des tâches de ravitaillement et de soutien au profit des formations engagées;

- est apte à effectuer de petites réparations et à rétablir des installations techniques.

Parallèlement, les moyens qui dépendent directement des communes (environ 12 000 personnes) forment les organisations de protection civile communales, constituées de «généralistes». Ce personnel est à disposition pour les cas où des événements particuliers pouvant se produire dans le canton de Genève le justifieraient.

La formation des personnes astreintes et des volontaires a été complètement repensée. Un effort particulier a été porté sur l'information et l'instruction relative aux risques générés par notre société et aux moyens de s'en prémunir.

Les cours sont dispensés au centre cantonal de Bernex ainsi qu'au centre de la Ville de Genève, à Richelien. Repris en début 1993, ils ont été accueillis favorablement par la plupart des participants (voir tableau des sondages effectués à la fin de chaque cours, en annexe).

L'introduction de la réforme de la protection civile sur le plan fédéral est intervenue deux ans après le début des études entreprises dans notre canton. Cet intervalle a permis aux autorités genevoises de mettre progressivement en place le nouveau dispositif.

L'objectif fixé par le gouvernement genevois d'abaisser les coûts de la protection civile d'environ 20% (frais de fonctionnement et d'investissement confondus), a été largement atteint.

Toujours avec le souci de réduire les dépenses en ce qui concerne les moyens techniques, le DIER a proposé une solution de regroupement qui a abouti à une «régionalisation» des organisations communales de protection civile. Des économies substantielles ont donc également été réalisées par les communes notamment dans le domaine des constructions.

L'Office fédéral de la protection civile encourage également les regroupements dans la mesure du possible et la plupart des cantons suit cette voie. Il s'agit, en fait, d'une approche différente des structures qui ne remettent pas l'autonomie communale en question mais favorisent une activité intercommunale financièrement supportable dans le domaine de la sécurité.

Les deux orientations qui sont présentées ci-dessus, à savoir la réforme de la protection civile et le regroupement des organismes communaux, ont permis de doter notre canton d'un dispositif de protection civile bien adapté aux besoins de notre population.

Le canton de Genève a fait oeuvre de pionnier en la matière. Initialement, son projet avait soulevé des controverses avec d'autres cantons, ainsi qu'avec certaines organisations genevoises. L'autorité fédérale avait même été interpellée au sujet de la suppression temporaire des cours de protection civile à Genève. Pourtant l'orientation a été maintenue. aujourd'hui, non seulement notre organisation est admise, mais elle est même fréquemment citée en exemple par les instances de la Confédération comme l'une des adaptations cantonales possibles et reproduites par plusieurs autres cantons.

Auditions

La commission a procédé, le 30 janvier 1996, à l'audition des représentants de l'Association des communes genevoises, MM. Pierre Hiltpold et Michel Hug et de M. Eric Ischi, directeur au département municipal des sports et de la sécurité de la Ville de Genève.

M. Eric Ischi a évoqué le rôle du centre de Richelien, en précisant que le projet de loi en question ne le modifiait nullement, il a rappelé que ce centre collabore en particulier avec l'organisation internationale de la protection civile, que plus de 7000 citoyens, âgés de 42 à 52 ans sont astreints à la protection civile et que des contacts permanents existent entre la Ville de Genève et le canton.

Il a également souligné le fait que la protection civile est plus professionnelle qu'autrefois, ce qui contribue à une plus grande motivation des participants.

MM. Pierre Hiltpold et Michel Hug, ont également relevé l'intérêt de ce nouveau concept, élaboré en collaboration avec l'Association des communes, et qui satisfait ces dernières, en particulier grâce aux économies substantielles qui ont pu être réalisées. En ce qui concerne le problème des organisations de protection civile pouvant faire double emploi avec d'autres, ces personnes ont estimé que le problème doit se régler région par région, et qu'à présent, notamment au niveau des dépenses, la situation est beaucoup plus saine.

Après discussion et explication article par article, le projet de loi a été voté, lors de la séance du 5 mars 1996 à raison de 8 voix pour et 4 abstentions.

La commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.

Premier débat

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC), rapporteur. J'apporterai un commentaire technique au projet de loi amendé par la commission des affaires régionales, soit quelques modifications mineures aux articles 6, 7, 9 et 10.

Mme Janine Hagmann (L). Le groupe libéral prend connaissance, avec satisfaction, de ce projet de loi qui semble convenir à chacun, puisqu'il n'y a pas de rapport de minorité.

Il faut souligner les efforts du DIER qui, grâce à ses réformes, a permis d'aboutir à une protection civile nouvelle, plus proche de la population et de ses préoccupations quotidiennes. La nécessité de la protection civile est reconnue, ce n'est pas un luxe, elle est utile à tous, surtout depuis son évolution.

Lors de sa création, elle avait pour mission de venir en aide à la population en cas de conflit. Avec la réforme de 1995, cette mission est officiellement étendue à l'assistance à la population en cas de catastrophe. Elle agit comme force d'intervention à part entière, aux côtés des services de secours officiels, notamment les corps de sapeurs-pompiers.

J'émets ici un souhait : les sinistres ne s'arrêtant pas aux frontières, la protection civile devrait participer à des actions de coopération dans le cadre national, régional, transfrontalier, et se développer en harmonie avec la politique de protection civile de la communauté européenne.

Comme écrit dans le très bon rapport de M. Vaudroz, des solutions de regroupement ont permis de rassembler les moyens disponibles, ce qui a contribué à diminuer les coûts. Il faut savoir que le coût de la protection civile dépend de facteurs que les communes ne maîtrisent pas. Elles doivent supporter le coût des constructions, tant celles destinées à la population que celles destinées aux besoins de la protection civile, sans oublier l'entretien des locaux, tout cela malgré la suppression des subventions.

C'est pourquoi je mettrais un bémol aux éloges sur la protection civile. Pourquoi maintenir l'obligation de construire des abris ? Ceux-ci renchérissent les coûts de construction des privés et des collectivités.

Je sais que les places d'abris ont été calculées en fonction du slogan : «Une place protégée pour chacun des habitants de la Suisse». Est-ce vraiment indispensable ? Se protéger ou non est un libre choix qui relève des libertés relatives à une société démocratique.

Ces remarques sont indépendantes du projet de loi 7299 qu'au nom du groupe libéral je vous recommande d'accepter.

M. David Revaclier (R). Le groupe radical accueille avec satisfaction ce projet de loi qui émane du nouveau concept cantonal de la protection civile, tel qu'il a été défini en 1993 sous l'impulsion déterminante et courageuse du conseiller d'Etat Claude Haegi, président du DIER, qui a eu le grand mérite de faire bouger les choses.

Cette nouvelle organisation de la sécurité civile est résolument innovatrice par rapport à l'ancien concept, très onéreux, de la protection civile suisse d'il y a vingt ans. Malgré le changement radical de la situation politique en Europe qui s'est opéré après la chute du mur de Berlin et l'effondrement du régime soviétique, la conception de la protection civile suisse demeurait figée. Le canton de Genève a su tirer les conclusions de ces nouvelles données en anticipant les études fédérales pour le projet de la protection civile 1995.

En effet, le Conseil d'Etat a fait oeuvre de pionnier en proposant une importante réforme de la protection civile genevoise dans le but de rendre cet organisme plus efficace, afin qu'il puisse, en tout temps, protéger, voire secourir la population en cas de catastrophe majeure ou de cataclysme naturel; de réduire notablement les coûts par la mise en place d'une organisation rationnelle instituant une gestion rigoureuse des fonds à disposition; en supprimant les nombreux doublons que l'on connaissait dans l'ancienne organisation et qui coûtaient cher à la collectivité.

Pour atteindre ces objectifs, la protection civile genevoise s'est basée sur deux éléments fondamentaux, soit la séparation entre les généralistes et les spécialistes. Ces deux groupes sont complémentaires et forment l'ensemble de l'organisation de la protection civile. Cette dernière comprend quatre détachements spécialisés, dépendant du canton et totalisant environ mille engagés volontaires.

Les autres personnes astreintes sont affectées à des formations intercommunales et communales. Elles font partie du groupement des généralistes, environ douze mille personnes conduites par des chefs locaux ou intercommunaux, assistés d'états-majors. Elles dépendent directement des communes.

Dans le souci de réduire les dépenses inhérentes aux infrastructures et aux moyens techniques, le DIER a mis en place la régionalisation des organisations communales : quarante communes réunies en huit groupements, trois communes indépendantes - Carouge, Lancy, Vernier - et une commune, Céligny, rattachée organiquement au district de la Terre Sainte près de Nyon. La ville de Genève, elle, est fractionnée en six secteurs.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe radical est persuadé du bien-fondé de cette importante restructuration de la protection civile cantonale. Elle a permis d'abaisser les coûts d'environ 20% et d'améliorer son fonctionnement. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter ce projet de loi. Je conclus en soulignant l'excellence du rapport de M. Vaudroz, rapporteur de majorité. (Applaudissements.)

M. Max Schneider (Ve). Je me rallie à l'avis de Mme Hagmann et de M. Revaclier sur le fait que la protection civile nous a coûté extrêmement cher, durant ces vingt dernières années.

Selon le rapport de M. Vaudroz, des milliards ont été dépensés inutilement pour des constructions tout à fait «bébêtes». Les architectes, les ingénieurs civils et les ingénieurs électriciens ont appliqué les ordonnances fédérales, bien souvent abusives, qui ont fait le bonheur de certaines entreprises suisses, notamment dans la promotion du matériel électrique pour d'autres constructions et de toutes les pièces annexes nécessaires aux abris de la protection civile. Des gens se sont rempli les poches aux frais des contribuables.

Nous pouvons aussi soutenir le département qui a réussi à maîtriser les coûts et à les diminuer. Cette politique doit continuer dans le sens d'une synergie. Nous pourrions nous inspirer de ce que l'on nous proposait, il y a dix ans, à savoir réunir les samaritains, les sauveteurs, les pompiers et les forces militaires. On voulait, à l'époque, intégrer la protection civile dans le concept de défense nationale.

On espère que cette synergie diminuera les coûts, non pas de la défense civile, mais ceux des autres corps, comme celui des pompiers, et supprimera les doublons dont parlait M. Revaclier.

Il est prévu une information relative aux risques générés par notre société et aux moyens de s'en prémunir. C'est très intéressant, mais cette information ne devra pas se limiter aux membres et aux cadres de la protection civile, elle devra parvenir à la population tout entière. Il est évident que si l'on vit dans un voisinage dangereux... je m'adresse à vous, Monsieur le président...

Le président. Oui.

M. Max Schneider. Il est clair que si l'on décide d'informer la population, il conviendra de le faire de la bonne manière. Si la protection civile a cet idéal, c'est formidable ! Mais il conviendra de ne rien cacher aux Genevois des risques qu'ils encourent en vivant, par exemple, près des dépôts de produits chimiques, des usines d'incinération et de déchets nucléaires, comme l'hôpital, par exemple, dont les déchets nucléaires sont incinérés depuis seize ans à l'usine des Cheneviers et stockés, en partie, à Genève...

Une voix. Au CERN !

M. Max Schneider. Au CERN, me souffle-t-on, c'est parfaitement exact. Alors, informons la population des dangers du CERN ! Le département et le Conseil d'Etat, ainsi que certaines communes, se sont engagés à nous informer des dangers de Creys-Malville. Qu'en est-il de cette vieille usine du Bugey qui risque de nous poser des problèmes ?

Parlons de notre liaison ferroviaire et des autoroutes proches de Genève, qui, elles aussi, sont un creuset de dangers, en raison du transport de produits toxiques extrêmement dangereux. Si la protection civile a réellement l'intention d'informer la population sur les risques réels qu'elle encourt du fait du développement de nos sociétés industrielles, alors je dis bravo ! Mais, pour l'instant, je n'ai encore rien vu.

Le président. S'il vous plaît, que ceux qui ne sont pas intéressés par le débat quittent la salle !

Des voix. Il n'y aura plus personne !

M. Max Schneider. Je vais conclure !

M. Claude Blanc. Aaahhh !

M. Max Schneider. Merci, Monsieur le président. (Rires.) On nous dit que réhabiliter certaines zones et nettoyer les rivières coûte trop cher. Puisque le concept de protection civile n'est plus uniquement basé sur les risques de guerre et les grandes catastrophes, ne pourrait-il pas intégrer tous les dangers dont je viens de faire la liste, et qui sont des risques écologiques liés à nos sociétés industrielles ? Si on veut s'en prémunir, il est impératif d'investir dans la prévention plutôt que dans des systèmes de protection.

La structure proposée ici est une loi d'application de la loi fédérale, mais nous y avons mis des nuances, afin que cette protection civile soit la plus démocratique possible. Malheureusement, la limitation des mandats des chefs, nommés par les communes ou par les groupements des communes, n'a pas été acceptée en commission; elle relève de la toute-puissance des maires. Toutefois, on ose espérer que l'application des décisions prises sera surveillée, afin que les jeunes qui s'engagent dans la protection civile soient motivés et qu'ils n'entrent pas d'emblée dans un appareil trop hiérarchisé.

Cette protection civile mérite mieux que cette loi. En effet, puisque la plupart des gens siégeant ici n'ont pas fait de protection civile ou n'en font plus, qu'ils laissent l'espoir aux jeunes d'entrer dans une protection civile plus proche d'eux, moins hiérarchisée, où le dialogue et la convivialité sont possibles comme, par exemple, chez les pompiers et les sauveteurs. Il serait utile que le département veille à ce développement, dans les prochains mois et les prochaines années. En attendant, le groupe écologiste s'abstiendra.

M. Luc Gilly (AdG). Monsieur Haegi, Mesdames et Messieurs les députés, un lifting nécessaire a enfin été accompli à la protection civile ! Toutefois, il aurait fallu une grosse liposuccion ! (Rires.) Cette réorganisation semble être positive, mais je reste très sceptique, surtout en ce qui concerne sa hiérarchisation trop rigide.

Voici quelques années, les ex-Vigilants et leurs proches avaient plus ou moins fait main basse sur la protection civile. Aujourd'hui, nous récupérons les officiers à la retraite de l'année 1995. Est-ce là vraiment ce qui attirera les jeunes et leur fera trouver quelque intérêt à la protection civile ?

Bien que les dépenses consacrées à cette réorganisation soient encore trop importantes, j'apprécie avant tout, Monsieur Haegi, le changement d'état d'esprit, du moins chez certains, face à la catastrophe nucléaire et guerrière de Moscou toujours annoncée. Je suis content qu'on ne la mette plus à l'ordre du jour. Aujourd'hui, le surgénérateur de Malville a remplacé la menace de l'Est, et, dans ce cas, je doute fort que la protection civile soit très efficace.

Monsieur Haegi, votre rapport ne fait allusion à aucune des questions que je vous avais posées, s'agissant de l'engagement des volontaires ou des pseudo-volontaires à la protection civile. J'aimerais connaître les critères d'engagement et comment il se fait que certains hommes, inaptes au service militaire, le soient pour la protection civile - je ne confonds pas la protection civile et le service civil - rassurez-vous ! Mais, d'un côté, on accepte les inaptes au service militaire à la protection civile et, de l'autre, les inaptes à l'armée sont refusés au service civil. Je désire que vous éclaircissiez cela, Monsieur Haegi, voulant connaître le pourquoi de ces mesures de discrimination. D'autre part, vu la réserve disponible d'hommes consentants à faire de la protection civile, pourquoi faut-il punir d'un mois de prison ceux qui refusent d'y participer ? Je demande l'abstention de mon groupe sur ce rapport qui m'a donné très peu d'explications.

M. Claude Blanc. Ouf !

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7299)

LOI

d'application des dispositions fédérales sur la protection civile

(G 2 1)

LE GRAND CONSEIL,

vu la loi fédérale sur la protection civile, du 17 juin 1994 (ci-après loi fédérale);

vu la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963, modifiée le 17 juin 1994,

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Généralités

Article 1

Autorités compétentes

Le Conseil d'Etat est chargé d'exécuter les dispositions fédérales en matière de protection civile et désigne le département compétent (ci-après le département).

Art. 2

Obligations des communes

1 Les communes doivent organiser la protection civile.

2 Le département peut constituer une seule organisation groupant plusieurs communes.

CHAPITRE II

Organisation générale

Art. 3

Structures

Sont constitués:

a)

un premier échelon composé d'une organisation de protection civile cantonale;

b)

un deuxième échelon composé des organisations de protection civile des communes et groupements de communes. Les établissements d'une importance particulière peuvent, sous réserve de l'approbation du Conseil d'Etat, se doter d'une organisation de protection civile qui sera assimilée à celle d'une commune.

Art. 4

Premier échelon

1 L'organisation de protection civile cantonale comprend des moyens de sauvetage, de secours, d'assistance et de logistique.

2 Sa direction est assumée par un chef cantonal assisté de suppléants et d'un état-major.

Art. 5

Deuxième échelon

1 L'organisation de protection civile des communes et des groupements de communes comprend divers services.

2 Sa direction est assumée par un chef de l'organisation de protection civile assisté de suppléants et d'un état-major.

Art. 6

Nominations

1 Le Conseil d'Etat nomme le chef cantonal et ses suppléants.

2 Les autorités exécutives de la commune ou du groupement de communes nomment le chef de l'organisation de protection civile et ses suppléants en fonction de leurs compétences et veillent à une bonne représentativité des différentes composantes des communes.

3 Les directions des établissements d'une importance particulière nomment le chef de l'organisation de protection civile et ses suppléants.

CHAPITRE III

Instruction

Art. 7

Généralités

1 Le service cantonal de la protection civile (ci-après le service) organise tous les cours prescrits par la législation fédérale pour l'organisation cantonale.

2 Le service organise pour toutes les communes ou groupements de communes, excepté la Ville de Genève, tous les cours prescrits par la législation fédérale sauf les rapports d'incorporation, les cours de répétition et les rapports annuels.

CHAPITRE IV

Intervention

Art. 8

Intervention

1 La direction de l'intervention des éléments de la protection civile incombe aux chefs des organisations de protection civile, lorsqu'une commune ou un seul groupement de communes est engagé.

2 Dès que l'ampleur de l'événement implique l'engagement de plusieurs communes ou groupements de communes, le chef cantonal assume la coordination et la direction de l'ensemble des éléments de la protection civile.

3 En cas d'application du plan ISIS, l'intervention des éléments de la protection civile sera coordonnée avec les responsables de ce plan, respectivement avec le chef de l'état-major cantonal de crise.

Art. 9

Mise sur pied

1 Il appartient au département de mettre sur pied l'organisation de protection civile cantonale et celle des communes et groupements de communes, au sens de l'article 13, alinéa 1, lettre b, de la loi fédérale.

2 Les autorités exécutives communales sont compétentes pour mettre sur pied les organisations communales de protection civile au sens de l'article 13, alinéa 1, lettre c, de la loi fédérale.

CHAPITRE V

Subventions et frais

Art. 10

Subventions

1 Le Conseil d'Etat fixe annuellement les subventions cantonales en matière de protection civile, sous réserve de l'approbation du Grand Conseil.

2 En cas de lacune du droit cantonal régissant ces aides financières, le droit fédéral s'applique à titre supplétif.

3 Le calcul des subventions cantonales est fondé sur les frais retenus pour déterminer les subventions fédérales.

CHAPITRE VI

Responsabilité civile et voies de recours

Art. 11

Prétentions pécuniaires

1 Le Tribunal administratif connaît en instance unique des prétentions fondées sur l'article 65, alinéa 1, de la loi fédérale.

2 Il connaît également des prétentions de nature pécuniaire fondées sur l'article 15 de la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963.

Art. 12

Recours

1 Le service statue en dernier ressort sur les recours concernant la procédure d'incorporation, de libération et d'exclusion (article 19 de la loi fédérale), ainsi que sur les exemptions.

2 Le Tribunal administratif est l'autorité compétente pour connaître de tous les autres recours contre les décisions prises en application de l'article 64 de la loi fédérale, et celles du département compétent, du chef cantonal de la protection civile, sauf dans les cas mentionnés à l'alinéa 1.

3 Le Tribunal administratif est l'autorité compétente pour connaître des recours contre les décisions prises en application de la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963, qui ne concernent pas des prétentions pécuniaires.

CHAPITRE VII

Dispositions finales

Art. 13

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.

Art. 14

Clause

abrogatoire

La loi d'application des dispositions fédérales sur la protection civile, du 17 avril 1980, est abrogée.

Art. 15

Modifications à

une autre loi

   (E 3,5 1)

La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:

Art. 8, chiffre 40 (nouvelle teneur)

40°

décisions des autorités communales, du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales et du chef cantonal de la protection civile, sauf en matière de procédure d'incorporation, de libération et d'exclusion, ainsi que sur les exemptions (G 2 1, art. 12, al. 2 et 3);

Art. 8 B (nouvelle teneur)

Protection civile

Le Tribunal administratif connaît en instance unique des contestations prévues aux articles 65, alinéa 1, de la loi fédérale sur la protection civile, du 17 juin 1994, et 15 de la loi fédérale sur les constructions de protection civile, du 4 octobre 1963.

Annexe: 1 tableau «Contrôle de qualité des cours d'introduction».

ANNEXE

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PL 7397-A
9. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Michèle Wavre, Fabienne Bugnon, Claude Lacour, Michel Balestra, Michel Halpérin, Jean-Pierre Rigotti, Christian Grobet, Pierre-François Unger et Laurent Moutinot modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (présidence de la commission législative) (B 1 1). ( -) PL7397
Mémorial 1996 : Projet, 363. Commission, 364.
Rapport de M. René Longet (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

Le projet de loi 7397 modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil a été déposé en date du 14 décembre 1995 par les membres de la commission législative.

Il s'agit de corriger une anomalie de notre règlement, concernant le renouvellement annuel des présidences des commissions permanentes.

A teneur du règlement, toutes les commissions renouvellent en effet leur bureau chaque année en novembre, à l'exception de quatre d'entre elles:

- les commissions de grâce et de réexamen des naturalisations, régies par une disposition particulière (leur présidence est désignée par le président du Grand Conseil);

- la commission des finances, qui renouvelle son bureau au moment de commencer l'examen du budget (fin de l'été);

- et la commission législative.

Cette dernière devrait donc être régie par un régime spécial, mais le règlement n'indique pas lequel, demeurant muet quant au rythme de renouvellement de son bureau que cette commission devrait s'appliquer. Personne ne connaît par ailleurs l'origine de ce traitement spécial, ni ce qui le motiverait. Dans la pratique, la commission législative renouvelle d'ailleurs déjà son bureau en novembre.

Au vu de cette situation, la commission législative souhaite par le présent projet de loi rendre la lettre conforme à la pratique, et propose ainsi d'abroger la lettre a de l'alinéa 2 de l'article 186 la concernant.

Comme toute modification du règlement du Grand Conseil doit obligatoirement être examinée en commission et que la discussion immédiate est ainsi exclue, ce projet a été renvoyé à la commission du règlement et des droits politiques. Cette dernière l'a examiné en séance du 14 février 1996 et vous recommande à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, de l'adopter.

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7397)

LOI

modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et cantonde Genève (présidence de la commission législative)

(B 1 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:

Art. 186, al. 2, lettre a (abrogée)

 

M 1042
10. Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Ferrazino, Laurent Moutinot, David Hiler, René Ecuyer, Fabienne Bugnon et Nicole Castioni-Jaquet concernant la nouvelle pratique adoptée par l'office du logement social en matière de renouvellement des allocations de logement. ( )M1042

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la nouvelle pratique de l'office du logement social visant à contraindre les locataires au bénéfice de l'allocation de logement à rechercher un logement meilleur marché, faute de quoi l'allocation serait supprimée;

- la pratique adoptée jusqu'à ce jour par l'office du logement social, en matière de renouvellement des demandes d'allocation de logement;

- les inconvénients que peut représenter un déménagement, tant sur le plan économique que social,

invite le Conseil d'Etat

1. à lui présenter un rapport indiquant:

a) le nombre de locataires concernés par les nouvelles directives de l'office du logement social (exigence, pour le renouvellement de l'allocation, de fournir la preuve de recherches actives d'un logement moins cher, faute de quoi l'allocation serait supprimée);

b) le montant du loyer à la pièce des logements actuellement occupés par les locataires concernés;

c) le type de logements concernés (libres ou subventionnés, le cas échéant HLM ou HCM);

2. à indiquer au Grand Conseil les raisons qui l'ont amené à changer cette pratique;

3. à donner les instructions nécessaires à l'office du logement social pour que les locataires bénéficiant actuellement d'une allocation de logement puissent continuer à la percevoir s'ils en remplissent les conditions prévues par la loi (taux d'effort et taux d'occupation).

EXPOSÉ DES MOTIFS

La presse s'est récemment fait l'écho du fait que plus d'un tiers des bénéficiaires de l'allocation de logement (soit 2 000 familles environ) viennent d'être avertis, par l'office du logement social, qu'ils devaient rechercher un appartement meilleur marché.

A défaut, l'aide de l'Etat pourrait, sans autre, être supprimée.

Cette pratique nouvelle de l'office se justifierait en raison du fait que le marché offrirait aujourd'hui des logements dont le loyer se situerait entre 3 000 F et 4 000 F la pièce par an (donc entre 1 000 F et 1 333 F par mois pour un logement de quatre pièces), soit à un prix plus bas que le loyer actuel de certains bénéficiaires de l'allocation de logement.

Le secteur libre offre bien peu de logements à de tels prix ! Par contre, le secteur subventionné, non seulement recense des logements à ces loyers, mais parfois n'arrive même pas à les louer ! C'est une des conséquences de l'augmentation des taux d'effort préconisée en 1992 par le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales.

Les locataires désireux de louer de tels logements s'entendent en effet souvent répondre qu'ils gagnent trop ou alors qu'ils gagnent trop peu !

Fallait-il pour autant aller chercher des locataires déjà logés, mais dans des appartements plus chers, pour tenter de palier cet inconvénient, découlant des barèmes d'entrée trop rigides actuellement pratiqués ?

On peut comprendre que la loi prévoit de n'accorder l'aide que si un échange avec un appartement moins onéreux ne peut intervenir sans inconvénients majeurs pour le locataire. Une telle exigence, lors de l'examen de la demande, permet de s'assurer que l'aide sera correctement dispensée.

Mais dès le moment où l'office a considéré que les conditions étaient remplies pour l'obtention d'une allocation - et décide en conséquence de l'accorder - il ne peut raisonnablement continuer à exiger du bénéficiaire qu'il poursuive inlassablement des recherches pour tenter de trouver à se loger moins cher.

On ne peut en effet admettre d'exiger que certains locataires soient à la recherche permanente d'un logement. Au-delà de la recherche même d'un appartement, le fait de devoir justifier de recherches est ressenti comme humiliant, notamment au travers de la suspicion que cela engendre.

Les chômeurs souffrent assez de ce procédé pour éviter de l'étendre aux allocataires.

L'allocation de logement est destinée à venir en aide aux locataires dont les revenus ne sont pas suffisants pour faire face au paiement du loyer. Elle n'est pas destinée à pénaliser les locataires qui en bénéficient, en exigeant d'eux des comportements inacceptables, dont les conséquences économiques et sociales sont, au demeurant, indésirables:

- ce serait en effet exposer les locataires concernés à des frais supplémentaires et non prévus d'un déménagement;

- sans compter les inconvénients que peut représenter, pour certaines familles, le changement de quartier, qui peut impliquer le changement d'école, de crèche, etc., voire le déracinement de son environnement (en particulier pour les personnes âgées, souvent attachées à leur cadre de vie).

Or, l'allocation de logement a non seulement un but économique évident mais également un but social, permettant d'éviter que les locataires ne soient considérés comme une marchandise que l'on déplacerait d'un endroit à l'autre, au gré de l'évolution du marché du logement.

Le nombre de locataires touchant une aide a passé de 6 295 à5 600 personnes, de 1994 à 1995.

Cette diminution du nombre d'allocataires n'est pas due à une amélioration de la situation économique des locataires genevois, ni à une baisse de leur loyer, mais à une décision du Conseil d'Etat d'augmenter le taux d'effort donnant droit à l'aide.

C'est d'ailleurs à la suite de cette décision éminemment contestable de l'Exécutif que ce dernier a proposé, à l'appui du budget 1996, une baisse du montant global affecté à l'aide personnalisée («la modification des taux d'effort implique une baisse des montants de l'allocation HLM(- 2 600 000 F) et hors HLM (- 400 000 F), sans porter atteinte aux locataires les plus démunis» (projet de budget de la République et canton de Genève pour 1996, août 1995, p. 234).

Ce que le gouvernement s'est toutefois bien gardé de dire, lors de la présentation du budget, c'est qu'il s'apprêtait à prendre d'autres mesures restrictives dans le but, non pas de diminuer le montant de l'allocation touchée par certains allocataires, mais de la supprimer purement et simplement !

Or, supprimer du jour au lendemain une aide qui peut représenter, pour certaines familles, une somme mensuelle de plusieurs centaines de francs (l'allocation peut atteindre au maximum 100 F par pièce et par mois), est une mesure grave qui va, en outre, à l'encontre de l'idée même de l'allocation de logement.

A tout le moins, une mesure plus proportionnée aurait pu être envisagée, permettant, le cas échéant, de réduire le montant de l'allocation de logement en fonction du loyer (dans l'hypothèse où ce dernier est considéré comme trop élevé) dont s'acquitte le bénéficiaire de l'allocation.

Si l'on sait qu'environ 200 locataires de logements HLM (habitations à loyer modéré) ont également reçu cette injonction de rechercher un logement moins cher, non seulement on est en droit de penser que les logements sociaux portent bien mal leur nom mais également que la pratique nouvelle que souhaite instaurer l'office du logement social respecte bien peu le principe de la proportionnalité.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions de bien vouloir accepter de renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Cette motion date un peu, puisqu'elle aurait dû être traitée en janvier. M. Haegi nous dira si la pratique instaurée en décembre, par l'office du logement social, a été maintenue ou retirée.

Cette motion est la réponse à une modification de la pratique en matière de renouvellement des allocations-logement. En effet, jusqu'à la fin de l'année 1995, il suffisait, comme le prévoit expressément la loi, de remplir les conditions de taux d'effort et de taux d'occupation pour pouvoir bénéficier de l'allocation-logement. Taux d'effort qui, d'ailleurs, a été revu à la hausse il y a fort peu de temps, ce qui a fait perdre l'allocation à bon nombre de bénéficiaires.

La loi prévoit de n'accorder l'aide que si le locataire peut changer d'appartement et en louer un moins onéreux sans inconvénient majeur pour lui. Une telle exigence, lors de l'examen de la demande, permet de s'assurer que l'aide sera correctement dispensée, et c'est à ce moment que l'office du logement social prend sa décision sur la base des critères que je viens de rappeler, qui sont le taux d'effort et le taux d'occupation. Si, à ce moment, l'office du logement social, qui peut difficilement être traité de laxiste, accepte la demande, il n'y a aucune raison pour que cette exigence soit réactivée au moment du renouvellement du bail, alors que les taux d'effort et d'occupation sont restés les mêmes pour le locataire. Et pourtant, l'office du logement social prétend le faire, à compter du 1er janvier 1996.

Ce dernier a envoyé à plus d'un tiers des bénéficiaires, soit environ deux mille allocataires, un avertissement précisant qu'ils devaient chercher un appartement moins onéreux, faute de quoi l'allocation serait susceptible d'être supprimée. De plus, cette recherche devra être dûment prouvée.

Ce nouveau procédé, dont personne n'a été avisé, et en tout cas pas ce Grand Conseil - alors qu'une information, dans le cadre du budget du mois de décembre 1995, s'imposait - a plongé de très nombreuses familles dans l'inquiétude. Evidemment, la plupart de ces familles ont des revenus modestes. Je passe sur la délicatesse de l'office du logement social qui a envoyé cette lettre quelques jours avant Noël, au moment où les gens font le plus de dépenses. Par ailleurs, ils se débattaient face au marasme provoqué par les hausses vertigineuses des primes d'assurance-maladie.

Ce nouveau procédé, qui consacre une nouvelle interprétation de la loi actuelle, est, pour les motionnaires, éminemment contestable. Par le biais de cette motion, les auteurs réclament des explications, car les seules informations obtenues à ce jour ont été fournies par la directrice de l'office du logement social. Elle a déclaré que cette nouvelle pratique était motivée par la détente du marché du logement. Selon elle, si, auparavant, il était impossible de trouver des appartements en dessous de 4 000 F la pièce par année, cette possibilité existe désormais et, par conséquent, un effort nouveau peut être demandé aux locataires.

L'aspect économique, Monsieur Haegi, est de nouveau la seule règle qui prévaut. L'aspect social, environnemental, n'existe pas. Qu'en est-il des enfants qui, en déménageant, devront s'habituer à une nouvelle école, à un nouveau quartier ? Qu'en est-il des personnes âgées qui devront rompre des liens de solidarité tissés depuis de longues années avec le voisinage, et grâce auxquels elles pouvaient rester à domicile ? Ce sont là deux exemples parmi d'autres qui n'ont pas été évoqués, car, comme toujours, on fait de la politique à court terme.

Mesdames et Messieurs les députés, l'Etat doit mener une politique économique rigoureuse, mais, avant tout, il doit rester le partenaire social de ses administrés. Quant à nous, nous estimons que la loi sur les allocations-logement est suffisamment restrictive par les taux d'occupation et d'effort qu'elle exige. En outre, elle ne fait pas l'objet d'abus, puisque l'allocation s'élève au maximum à 100 F par pièce et par mois, et que pour y avoir droit, le loyer doit dépasser 25% des revenus du ménage, si ce dernier loue un appartement dont le nombre de pièces n'excède que d'une unité le taux d'occupation. Par contre, si le nombre de pièces compte deux unités de plus que le taux d'occupation, le taux d'effort est poussé à 28%. Au-delà de ce niveau de confort, tout droit à une allocation est perdu.

Par le biais de cette motion, nous sollicitons un rapport en trois volets. Il est demandé combien de locataires sont concernés par les nouvelles directives de l'office du logement social et ont été mis en demeure de fournir la preuve de recherches d'appartements pour le renouvellement de leur allocation; quel est le montant du loyer à la pièce des logements qu'ils occupent actuellement; si ce sont des logements libres, subventionnés, ou, le cas échéant, des HLM ou des HCM.

Monsieur Haegi, par le biais de cette motion, nous demandons au Conseil d'Etat qu'il explique et motive les raisons qui l'ont amené à changer de pratique. Qu'il donne, ensuite, les instructions nécessaires à l'office du logement social pour que les locataires, bénéficiant de l'allocation-logement, puissent continuer à la percevoir dans les conditions prévues par la loi. Qu'il propose, enfin, une explication un peu moins sommaire que celle fournie par l'office du logement social. Et surtout, qu'il renonce à cette nouvelle pratique.

Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Au mois de janvier, quand j'ai préparé mon intervention au sujet de cette proposition de motion, je commençais mon texte en disant que l'année 1996 commençait bien mal. Je constate, à la fin de ce mois de mai, qu'elle continue d'être difficile pour un nombre important de nos concitoyens et concitoyennes, si l'on tient compte de la hausse des primes de l'assurance-maladie, des salaires gelés, du chômage et, maintenant, de la contrainte, pour les locataires au bénéfice de l'allocation-logement, de rechercher un appartement meilleur marché, faute de quoi l'allocation sera supprimée.

Si cette exigence est normale et recommandée lors de l'examen de la demande, que dire de ce chantage qui, en cours de route, oblige les familles à faire un choix entre déménager ou ne plus toucher l'allocation au logement ! Pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, mettre dans une situation pénible ces locataires qui n'ont pas des revenus très élevés, puisqu'ils entrent dans les barèmes de l'office du logement social ? De nouveau, on pénalise les catégories les moins aisées de la population de notre canton.

Vraiment, l'office du logement social porte bien mal son nom ! En effet, on supprime une aide qui peut représenter une somme de plusieurs centaines de francs pour des personnes âgées ou des familles qui ont déjà bien du mal à gérer leur budget. Mais où sont les appartements de quatre pièces, dont le coût se situe entre 1 000 et 1 300 F par mois ? Dans le secteur libre ? Non, soyons réalistes ! Seul le secteur subventionné offre la location de tels logements. Il est bien difficile d'entrer dans le barème de l'office du logement social, encore plus si l'immeuble est neuf, ceci est l'effet pervers de l'augmentation des taux d'effort préconisée par le DIER en 1992.

Au vu de ce qui précède, les socialistes vous demandent de renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.

M. René Ecuyer (AdG). Voilà cinq mois, nous étions prêts à intervenir sur ce sujet. Depuis, le soufflé est un peu redescendu, mais notre inquiétude est toujours aussi vive. En décembre de l'année dernière, l'intervention des services du logement a provoqué inutilement l'inquiétude parmi des milliers de personnes seules ou des familles.

Il serait bon de se souvenir que le projet de loi concernant l'élargissement de l'allocation-logement aux locataires du secteur privé a été pris en considération, par ce Grand Conseil, le 12 février 1987, et il a fallu deux ans de discussions en commission pour que la loi soit votée en 1989.

Les déposants se nommaient Claude Fischer et John Dupraz. Ils avaient défendu leur proposition comme un véritable contrat de confiance entre les propriétaires, les locataires et l'Etat. Claude Fischer constatait avec regret que, dans ce canton, des gens ne demandent rien, logent dans le secteur privé et consacrent plus de 25% de leur revenu au paiement du loyer de leur appartement. Ces gens méritent d'être aidés, au même titre que ceux qui ont un revenu inférieur à 50 000 F, soit une majorité.

A cette époque, les déposants prévoyaient une enveloppe globale annuelle - tenez-vous bien - de 25 millions pour l'allocation-logement permettant de venir en aide aux locataires d'immeubles privés ! Alors que, pour les locataires du secteur public, on avait dépensé, bon an, mal an, 2 millions par année. Les initiants ajoutaient, avec raison, qu'il ne serait pas pensable que l'Etat apporte sa contribution sans un droit de regard sur les coûts des logements concernés. L'un d'eux disait avec sagesse que l'on ne peut pas dépenser les deniers publics sans que l'Etat exerce son contrôle.

Et dire que le projet de loi, que nous avions déposé en début d'année en faveur des rénovations d'immeuble légères, a été refusé par la majorité de ce Grand Conseil ! En contrepartie de son aide, l'Etat aurait exercé un contrôle sur le montant des loyers desdits immeubles ! A l'époque, on avait un «bonard» discours, qui, depuis, a beaucoup changé.

Cette extension de l'Etat au secteur privé avait été accueillie avec intérêt par le groupe libéral, lequel affirmait, par la voix de Jean-Michel Gros, que les libéraux avaient toujours défendu le principe des aides personnalisées. Le PDC, représenté par Claude Blanc ici présent, était plutôt tiède : «Une loi - disait-il - qui ne fera en tout cas de mal à personne, mais dont on voit assez mal le bien qu'elle fera à beaucoup de gens.» On peut dire qu'elle a fait du bien, et qu'elle en fait encore, à beaucoup de gens. Le PDC était prêt, toutefois, à étudier le projet, sans croire à sa réelle efficacité.

A gauche, il faut le reconnaître, il y a eu du scepticisme, car nous avons toujours privilégié l'aide à la pierre, plutôt que l'aide personnalisée. L'aide à la pierre...

M. John Dupraz. Capitaliste !

M. René Ecuyer. ...favorise le travail pour tous et apporte du logement nouveau.

Une voix. T'as raison !

M. René Ecuyer. Tandis que l'aide personnalisée ne signifie pas que l'on construit.

Une voix. On peut faire les deux !

M. René Ecuyer. Pierre Schmid faisait part de son inquiétude face au nombre toujours croissant de familles qu'il fallait assister, simplement pour qu'elles obtiennent un logement. On a fait part d'une certaine réserve quant au projet de loi impliquant un retour à un système charitable, sollicitant l'aide de l'Etat.

En acceptant le projet de loi, nous faisions la démonstration que la construction de logements ne pouvait plus ressortir du secteur privé, puisque l'on devait intervenir, à raison de 25 millions par année, pour faire baisser les loyers du secteur privé. Finalement, la loi est entrée en vigueur en 1989 pour le bien d'un grand nombre de locataires.

Nous sommes de ceux qui, dans les services sociaux, ont encouragé beaucoup de gens à profiter de ces allocations-logement. Mais il faut dire que c'était trop beau pour que cela continue. La générosité a des limites, n'est-ce pas ?

Nous avons laissé au Conseil d'Etat la compétence de fixer, par des arrêtés, les modalités d'application de la loi sur l'allocation, et d'en limiter la portée en modifiant une première fois les taux d'effort, au gré des dispositions financières du moment. On décide, par le règlement, que le taux d'effort est plus élevé, et l'on restreint ainsi le nombre des ayants droit.

En 1987, Claude Fischer estimait, avec raison, qu'au-delà de 20 à 25%, le taux d'effort pour le paiement du loyer de l'appartement est insupportable. L'offensive du Conseil d'Etat contre la loi sur l'allocation-logement n'a qu'un seul objectif : celui de réduire considérablement le nombre des ayants droit.

Jusqu'en 1985, le taux d'effort d'une personne, ayant un appartement de deux pièces, soit une chambre et une cuisine, était fixé à 18%. Au-delà, elle avait droit à une aide au logement. Aujourd'hui, on a passé à 25,2%. On considère supportable un loyer atteignant le quart du revenu ! Si une personne vit dans un trois-pièces - oh, la malheureuse ! - chambre/salon/cuisine, quel confort ! le taux considéré comme supportable a été fixé à 28% en 1995, soit à presque un tiers du revenu. Dans le fond, c'est assez normal, car un appartement de trois pièces, pour une personne seule, représente un confort considérable ! Les initiants estimaient qu'une grande partie des locataires du canton étaient concernés par la loi sur le logement.

Venons-en aux chiffres : en 1994, six mille deux cent nonante-quatre locataires recevaient une allocation. En 1995, elles n'étaient plus que cinq mille six cents. En 1996, c'est la chute et on peut dire que le Conseil d'Etat a réussi son coup. Non content de ce résultat, pourtant éloquent, il y ajoute des tracasseries administratives, des menaces de suppression d'allocations, des invitations à aller se loger ailleurs et à fournir la preuve de la recherche de logements. On demande même à des locataires des tours de Carouge, qui paient un loyer à la pièce de 1 700 F par an, soit moins que dans une HBM, de donner la preuve de leurs recherches d'un logement meilleur marché, faute de quoi leurs allocations seront supprimées.

Je suis très content qu'un des déposants soit dans l'assemblée. On est très loin de l'objectif que ces derniers voulaient atteindre, c'est-à-dire apporter une aide personnalisée à un grand nombre de locataires. Il serait intéressant de savoir ce que pensent les auteurs de ce projet de loi sur l'allocation-logement et de l'évolution des choses. Par exemple, on se demande ce qu'en pense notre collègue Dupraz, l'un des déposants.

Une voix. Y pense pas !

Une autre voix. Y s'en fout !

M. René Ecuyer. Il ne s'en fout pas. Pour ma part, je pense qu'il y a matière à discussion. Vous aviez fait un truc formidable, et maintenant, qu'est-ce qu'on en fait ? Il me semble que les auteurs doivent avoir l'impression qu'on nous mène en bateau !

Je compte sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour apporter votre appui à la motion 1042 qui ne vise rien de plus qu'à faire le point de la situation. Après six ans d'entrée en vigueur, nous devons obtenir des explications sur la politique voulue par le Conseil d'Etat en matière d'allocation-logement.

Des voix. Bravo !

M. Pierre Kunz (R). Cette motion mérite qu'on la prenne au sérieux et qu'on n'en sous-estime pas la portée. En effet, si l'on se donne la peine de lire ce texte attentivement, si l'on pèse son contenu, insidieusement provocateur, on s'aperçoit qu'il révèle quelques-uns des aspects les plus dommageables du projet de société défendu par l'opposition.

L'un des motionnaires s'est singularisé, voici quelques mois, en déclarant au «Journal de Genève» que l'initiative prise par le Conseil d'Etat, en matière d'allocations personnalisées, risquait d'obliger certaines personnes aux moyens modestes de se contenter d'un appartement moins confortable, situé dans un environnement moins agréable.

Mesdames et Messieurs les motionnaires, permettez qu'on vous interroge ! Dans quel monde pensez-vous vivre ? Un monde où tout est douceur, calme et volupté, où chaque jour apporte à chacun son lot de facilités matérielles supplémentaires, où chaque enfant se voit gratifié à la naissance, et ceci pour sa vie durant, d'un appartement confortable, calme et spacieux ?

Mais quelle image vous faites-vous donc des hommes et des femmes, en particulier, de ceux que vous affirmez défendre ? Les prenez-vous pour des zombies, des êtres sans ressort, sans courage, incapables de mener une existence autonome et de faire face aux inconvénients - et il y en a, c'est vrai  - d'un déménagement ?

Les jugez-vous inaptes à comprendre et à accepter que l'aide sociale dont ils bénéficient ne peut être que momentanée ? Qu'elle ne doit pas dégénérer en une assistance perpétuelle et en une dépendance, car, comme M. Ecuyer l'a relevé, la manne de l'Etat n'est pas illimitée ? Pensez-vous qu'ils ne peuvent pas comprendre, pas admettre qu'après eux d'autres citoyens modestes, mal lotis, malchanceux, auront besoin, eux aussi, de bénéficier de ce que quelqu'un a appelé : «un supplément d'attention momentané de la part de la collectivité» ?

Si ce sont là le monde dans lequel vous vous imaginez vivre, où auquel vous aspirez, et l'image que vous vous faites des humains, alors il faut plaindre celles et ceux qui vous suivent, et condamner votre attitude politique, en général, et votre motion, en particulier. Il faut le faire, en premier lieu, pour des raisons éthiques.

Un philosophe a écrit que «persuader les hommes qu'ils sont malheureux est une action infâme et facile». C'est aussi une action destructrice parce qu'elle casse peu à peu ce qui fait l'essence de l'homme, son orgueil, disait Camus, sa capacité à se mesurer à l'obstacle, disait Saint-Exupéry. Il faut condamner votre attitude, en second lieu, parce qu'à Genève, pour surmonter les difficultés que nous connaissons et préparer notre avenir, nous avons besoin de la contribution de tous, même des plus humbles.

Or même les plus humbles de ces concitoyens n'aspirent, en fait, qu'à apporter leur contribution à l'édifice collectif. Et ils ont besoin qu'on les encourage, qu'on les associe à l'effort commun, et non que l'on cultive leurs peurs et leurs faiblesses. Voilà pourquoi plusieurs radicaux trouvent regrettable qu'une majorité de ce parlement donne, ne serait-ce qu'un soupçon, de crédibilité à ce texte en le renvoyant en commission. Mais par gain de temps, seulement par gain de temps, ils s'associeront à cette majorité.

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Après avoir entendu ce discours surréaliste, je vais tenter de revenir sur terre !

Notre groupe s'étonne de la nouvelle politique suivie par l'office du logement social. Si les faits rapportés par la presse sont véridiques, il est indispensable que le gouvernement s'explique sur les raisons de sa décision. Nous avons des statistiques fiables, nous informant sur la fourchette des revenus et des charges des personnes concernées. Mais existe-t-il une statistique des appartements vacants et de leurs prix ? De combien d'appartements de type HLM l'office du logement dispose-t-il ?

Ces questions sont légitimes, nonobstant les questions sociales qui doivent être prises en compte.

Si le chef du département veut mener une politique de rigueur, il doit, pour la conduire, tenir compte des personnes concernées en mettant en place des mesures incitatives afin qu'elles soient correctement conseillées dans leurs recherches.

La situation personnelle des allocataires étant connue du service, il lui sera facile de traiter, du moins je l'imagine, chaque cas individuellement et d'exiger un effort là où il sera possible, tout en faisant preuve de mansuétude dans les cas délicats.

C'est dans cet esprit que notre groupe soutient le renvoi de cette motion à la commission du logement, afin d'obtenir une information complète sur la politique menée par l'office du logement social.

M. David Hiler (Ve). Pour bien saisir la substance du discours de M. Kunz, il faut se rappeler que ce dernier a proposé, voici un an et demi ou deux ans, de supprimer les subventions au logement social, le système HLM notamment.

Monsieur Kunz, vous avez cité des philosophes. J'aurais préféré que vous parliez plus simplement, et j'aurais été d'autant plus impressionné si vous aviez les poches vides et pas pleines. Je vous le dis franchement ! Moraliser, quand on se trouve du bon côté, et dire aux gens de faire comme vous et de se débrouiller tout seul, est extrêmement déplaisant et méprisant.

M. John Dupraz. Tu es une vraie peau de vache !

M. David Hiler. Je vous rappelle, et le ferai chaque fois que vous tiendrez ce discours, pourquoi des systèmes de sécurité sociale ont été mis en place : sans eux, une majorité de la population n'aurait plus avantage à respecter les règles du jeu en vigueur; grâce à eux, des drames historiques, comme ceux des années 20 et des années 30, ont pu être évités.

Pendant les années 50, nous avons eu la sagesse de comprendre que le bon fonctionnement d'une société dépendait essentiellement de la redistribution, laquelle générait à son tour une spirale de croissance.

Tout au contraire, votre grande idée, Monsieur Kunz, est que les gens ne travaillent et ne font des choses intéressantes que lorsqu'on les place dans les plus grandes difficultés. Ce raisonnement est inacceptable, parce qu'il a déjà été suivi et que cela s'est très mal terminé. En fait, vos discours ne sont pas surréalistes, ni angéliques, mais socialement méprisants et dangereux pour la solidarité de la communauté genevoise. (Applaudissements.)

Mme Claire Chalut (AdG). L'essentiel a été dit. Néanmoins, je voudrais rappeler à M. Kunz que le droit au logement est inscrit dans la constitution genevoise.

M. Kunz a, sans doute, voulu faire de l'humour. Quant à moi, je pense que le respect et la dignité de chacun dépendent aussi d'un logement. Nous ne demandons pas des appartements luxueux, ces derniers étant d'ailleurs souvent mal conçus, mais des logements qui permettent aux gens de vivre convenablement, sans être entassés.

Votre discours est méprisant. Peut-être visez-vous à ce qu'une certaine catégorie de la population vive dans de petits appartements, souvent les plus chers ? En effet, vous savez que les logements bon marché sont de plus en plus rares, et ce ne sont pas les régies, malgré ce qui a été dit, qui vous offriront des appartements à bas loyer. D'ailleurs, elles ne vous reçoivent même plus.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Hiler a répondu à M. Kunz comme il se devait. Il lui a rappelé qu'il ne lui suffisait pas de citer des auteurs, même Saint-Exupéry, pour élever le niveau de ses propos.

Monsieur Kunz, il vous faudra trouver d'autres citations pour essayer de «voler» un peu plus haut. Je constate que le groupe radical est très hétéroclite, M. Dupraz étant un des initiants de l'allocation-logement dont nous venons de parler...

M. John Dupraz. Merci, Ferrazino !

M. Christian Ferrazino. Je te le rappelle parce que tu es un peu muet ce soir ! Il y a donc M. Dupraz et celui qui ne fait pas honneur au groupe radical en parlant en son nom. Vous ne pouvez pas, Monsieur Kunz, vous moquer impunément des petites gens qui peinent à joindre les deux bouts et à payer leur loyer. Vous ne pouvez pas toujours mépriser ces personnes et laisser croire, en agissant ainsi, que vous faites de la morale.

Il est vrai que vous nous avez fait rire avec cette motion traitée, à l'époque, de surréaliste : vous y préconisiez la suppression de toute aide sociale ! Maintenant, vous ne nous faites plus rire en nous rabâchant systématiquement ce genre de propos, avec le mépris qui vous caractérise.

Pour ma part, je trouve que c'est vous faire trop d'honneur que de vouloir vous le rappeler à chaque fois. Contrairement à M. Hiler, je m'en abstiendrai. Je dirai simplement que le débat de ce soir ne doit pas être dévié par votre attitude provocatrice, à laquelle nous sommes accoutumés.

Par conséquent, je vous demande, Monsieur le président Haegi, de vous référer à l'objet même du débat et de nous indiquer - supposant que vous avez eu le temps de préparer votre réponse depuis le dépôt de notre motion - si votre département entend cesser de harceler les locataires bénéficiant de l'allocation-logement, en usant de mesures vexatoires, inutiles et dommageables.

Il est utile de rappeler à certains, plus exactement à un certain, que déraciner des locataires de leur quartier, pour cause de revenus trop modestes, ne s'intègre pas dans une politique sociale digne de ce nom.

J'ose espérer, Monsieur le président, que vous le confirmerez ce soir, et que votre département ne prendra pas des mesures ayant de telles conséquences.

M. Pierre Kunz (R). En deux mots, je répondrai aux propos tenus à mon sujet.

Monsieur Hiler, contrairement à ce que vous croyez, je n'ai pas les poches pleines.

Mme Evelyne Strubin. Ah bon !

M. Pierre Kunz. S'agissant de M. Ferrazino, je souligne avec fermeté que jamais, au grand jamais, je ne me moque des petites gens ! Par contre, je m'élève avec vigueur et je me moque de ceux qui, comme vous, exploitent, avec la plus grande des démagogies, les peurs et les faiblesses de ces petites gens à des fins... (Brouhaha.) ...purement électoralistes.

Je vous dis, Monsieur... (Interruptions et brouhaha.) Taisez-vous, je ne vous ai pas interrompu. Je vous avertis que chaque fois que vous adopterez ce langage, que vous agirez ainsi, vous me trouverez !

M. Michel Ducret (R). Je tiens à dire à M. Ferrazino que son clientélisme, par rapport à une prétendue classe défavorisée... (Interruption de Mme Evelyne Strubin.)

M. Bernard Lescaze. Evelyne, tu te tais ! (Rires.)

M. Michel Ducret. Ces mesures qui, théoriquement, devraient profiter à des petites gens, profitent souvent à ceux qui mendient l'aide sociale, d'une part, et qui sont propriétaires à l'extérieur du canton, d'autre part.

En revanche, il est vrai que les gens, ne disposant pas du minimum des revenus requis, ne sont pas aidés et ne peuvent pas louer des logements subventionnés. Et c'est cela que vous voulez ignorer ! C'est très dommageable pour la réalité sociale que vous prétendez défendre.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Chacun raconte son histoire en fonction du message politique qu'il entend faire passer, mais il arrive que la mémoire soit courte ! Lorsque je vous ai suggéré de revoir la loi générale sur le logement, c'était dans le but de mieux aider ceux qui en avaient réellement besoin, alors que nous consentions à faire des efforts considérables pour des personnes dont les revenus étaient plus que substantiels. La remarque de M. Ducret est parfaitement exacte. (Brouhaha.) Le sujet n'a pas l'air d'intéresser grand monde...

Le président. On vous écoute, Monsieur le conseiller d'Etat.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Retournons en commission, ça m'est égal finalement ! Je n'ai pas oublié les importantes résistances provenant de vos bancs, lorsque je vous ai suggéré de nouveaux barèmes pour aider, de manière moins soutenue, ces personnes aux revenus à six chiffres; ma tâche ne fut pas aisée ! M. Ducret évoquait la catégorie de propriétaires à l'étranger, produisant des hypothèques déductibles des revenus, qui pouvaient habiter dans des immeubles HLM, HCM ou HBM - aux frais des contribuables genevois. Pourtant, pendant des années, cela ne vous a pas offusqués ! J'ai dû me montrer particulièrement tenace pour vous faire accepter ces modifications, car vous n'acceptiez pas ces diminutions.

Ma volonté de maintenir la dépense globale au même niveau impliquait un certain nombre d'aménagements. Je ne comprends pas votre discours lorsque vous parlez de politique sociale : à qui s'adresse-t-elle ? J'apprécie la franchise de M. Ecuyer qui rappelait qu'il n'était effectivement pas très favorable à l'allocation-logement qu'il a, à son corps défendant, finalement acceptée.

M. René Ecuyer. C'était du scepticisme !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Oh, c'était plus que du scepticisme ! La résistance fut farouche et longue ! Vous avez imaginé l'allocation réservée aux catégories 1, 2 et 3, c'est-à-dire HBM, HLM et HCM, déjà subventionnées. Vous accordiez ainsi une subvention supplémentaire uniquement aux locataires qui en bénéficiaient déjà. Vous n'envisagiez pas d'accorder une aide aux locataires d'autres immeubles. Monsieur Ecuyer, vous avez rappelé l'épisode qui nous a permis d'introduire un assouplissement, insuffisant cependant, car le système de contrôle n'était pas apprécié. Il ne nous permettait pas, par ailleurs, d'allouer l'allocation-logement aux locataires d'immeubles non subventionnés.

Il est extraordinaire que vous vous inquiétiez, ce soir, du mode d'application de l'allocation-logement ! Relisez les procès-verbaux des commissions de cette époque ! Vous me soupçonniez de favoriser des loyers d'appartements trop élevés, ainsi que l'augmentation des loyers grâce à l'allocation ! Aujourd'hui, en refusant de favoriser des locations d'appartement au taux de cette époque, nous avons fait exactement ce que vous souhaitiez !

Pour des raisons évidentes, les mêmes qui vous poussaient à aider socialement des personnes à revenus à six chiffres, la perception actuelle est donc différente. M. Ecuyer citait, en exemple, des locataires des tours de Carouge, qui payaient 1 600 F annuellement pour une pièce. Je souhaite consulter leur dossier, car, si on leur a écrit, c'est par erreur. Nous avons adressé environ deux mille neuf cents lettres, et ce uniquement aux locataires dont le loyer annuel, pour une pièce, dépasse 4 000 F. Ne racontez donc pas n'importe quoi ! A la suite de cet envoi, nous avons supprimé l'allocation à deux cents personnes qui n'avaient pas entrepris de démarches pour trouver un logement correspondant à la catégorie évoquée tout à l'heure. Nous avons encore deux cents cas en suspens.

Je me réjouis de me rendre à la commission du logement, car vous semblez tous d'accord de débattre d'une façon très concrète, en faisant appel aux statistiques. Je ne crains pas ce rendez-vous, mais je vous invite à vous y rendre dossiers en main ! Voilà quelques mois, Monsieur Ecuyer, je vous ai suggéré - compte tenu de votre activité - de me contacter directement lorsque vous rencontriez des cas sociaux difficiles. Lorsqu'ils sont révélateurs de l'imperfection de notre loi, des dispositions pour une véritable politique sociale, non abstraite, doivent être prises en se fondant sur un dossier. Or vous ne m'avez jamais téléphoné pour me citer le cas d'une famille X ou Y, victime de la démarche de l'office du logement social. Accomplir ici un acte politique, c'est bien, mais je préférerais travailler dans le concret et efficacement en commission.

Ne nous dites pas que nous avons restreint notre démarche sociale ! Nous avons oeuvré en utilisant les moyens consentis par l'Etat de Genève, de façon appropriée, pour aider les personnes dans le besoin. Par le système de «coulissage», on apporte une aide multipliée plus efficace aux deux cents locataires qui paient un loyer élevé, alors que d'autres immeubles sont disponibles. Nous en reparlerons en détail et concrètement.

M. René Ecuyer (AdG). Monsieur Haegi, vous vous cantonnez dans l'histoire, c'est bien, mais la motion soulève le problème de nouvelles chicaneries dont vous n'avez pas plus parlé que de la diminution des ayants droit à l'allocation-logement. Vous vous bornez à dire que nous avons retourné notre veste au sujet de l'aide au logement. A l'époque, nous y étions opposés, c'est vrai, car nous préférions l'aide à la construction en mettant à disposition des logements bon marché - tout en donnant du travail aux entreprises et en logeant des familles - à l'aide personnalisée; c'était un choix politique.

Ne me prenez pas pour un menteur... (Brouhaha.) Je ne voulais pas vous contacter à la suite de cette histoire de lettres. Les locataires, désemparés, se sont rendus dans les services sociaux : alors qu'ils étaient satisfaits de leurs logements pas trop chers, on leur demande de les quitter ! Mais il est temps, après plusieurs années de mise en pratique d'allocations-logement, de définir une direction et des améliorations possibles.

Le président. Je n'ai aucune demande de renvoi en commission.

M. René Ecuyer (AdG). Je demande le renvoi de cette motion à la commission du logement.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission du logement est adoptée.

M 1046
11. Proposition de motion de Mme et MM. René Longet, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Pierre-François Unger, Roger Beer et Gilles Godinat concernant l'application, dans le canton et la région, de la notion de développement durable. ( )M1046

LE GRAND CONSEIL,

- soulignant l'importance et la pertinence du concept de «développement durable» établi par la commission Brundlandt des Nations Unies et adopté au Sommet de la Terre en 1992;

- considérant que désormais les notions d'environnement, d'une part, de développement économique et social, d'autre part, ne sauraient plus être gérées indépendamment l'une de l'autre;

- considérant les lacunes de la politique familiale dans notre pays;

- vu le programme adopté en 1992 et appelé Action 21 (aussi dit Agenda 21) concrétisant les enjeux du développement durable;

- relevant que selon les Nations Unies chaque pouvoir local devrait avoir défini jusqu'en 1996 son Agenda 21 local;

- désireux que notre canton soit à jour en ces matières,

invite le Conseil d'Etat

1. à procéder à une analyse des exigences de l'Agenda 21 et de la conformité des politiques publiques cantonales et régionales à cet engagement international;

2. à lui donner toute explication utile sur la mise en oeuvre de l'Agenda 21 sur le plan cantonal et régional;

3. à définir les programmes et concrétisations nécessaires, par le biais d'un Agenda 21 local.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La préoccupation du développement est apparue avec force dans les années 60, après la décolonisation, et a notamment conduit à la création de la CNUCED, dont le secrétariat se trouve dans notre ville. Puis est apparue, à l'orée des années 70, la préoccupation de l'environnement (1971, article constitutionnel sur l'environnement; 1972, Conférence de Stockholm sur l'environnement humain). Or, loin de s'opposer, ces deux notions sont inséparables: les besoins des hommes sont encore loin d'être satisfaits dans le monde, mais pour pouvoir y répondre durablement, il nous faut mieux gérer les ressources et ne pas surexploiter les fonctions de la Terre. En vue d'établir cette harmonisation, les Nations Unies ont mandaté au cours de la première moitié des années 80 une commission, appelée commission Brundlandt, du nom de sa présidente. Cette commission, qui a siégé à Genève, au Palais Wilson, a rendu son rapport, intitulé «Notre avenir à tous», en 1987, présentant la notion de développement durable, définie ainsi: un développement permettant de répondre aux besoins des générations présentes sans obérer ceux des générations à venir. La crise structurelle dans laquelle se débattent les économies des pays industrialisés, avec un total de près de 40 millions de chômeurs, ne peut de même être abordée de manière séparée de la crise du développement et de la crise des ressources; ces crises vont de pair et ne peuvent connaître que des solutions communes.

C'est pour concrétiser cette notion nouvelle qu'a été convoquée la Conférence des Nations Unies pour l'environnement et le développement, à Rio de Janeiro en 1992. Son principal résultat est un programme d'action, appelé Agenda 21, détaillant les mesures à prendre en matière de développement et d'environnement sur tous les plans.

La notion de développement durable condense et résume ainsi les demandes principales des temps modernes, et depuis la tenue, en 1992, du Sommet de la Terre, le débat sur l'environnement mondial, sur les ressources, sur les besoins des habitants de cette planète et sur la juste distribution des moyens d'existence a pris un tour nouveau. La mise en oeuvre de l'Agenda 21 est maintenant au coeur des préoccupations; c'est la tâche de la commission du développement durable, installée en 1993 à New York, que d'y veiller sur le plan mondial. Le niveau des pays est également concerné; d'ailleurs un plan d'action suisse est en travail. Mais tout comme la mobilisation et la participation du secteur non gouvernemental, des milieux de l'économie et de ceux de la science a été retenue comme prioritaire, il est également nécessaire que chaque pouvoir local concrétise pour ce qui le concerne le concept du développement durable dans un Agenda 21 local, fondement de sa politique.

Un tel concept du développement durable régional et local a un double avantage: il constitue un standard internationalement accepté et comparable partout dans le monde; il permet une revue des politiques publiques sur un plan large. D'autres entités l'ont d'ailleurs compris, ainsi la municipalité de Zurich vient-elle de publier un «Lokale Agenda 21» qui est une plate-forme de politique publique concrétisant le développement durable. Genève, qui aspire à être «capitale de l'environnement», qui s'est toujours souciée d'être en phase avec les enjeux majeurs de son temps ne saurait se soustraire à cette responsabilité; la tâche est d'ailleurs passionnante, positive et constructive. Elle devrait se décliner sur trois plans: la lecture critique de l'Agenda 21 et la prise en compte de tous les éléments pertinents pour le canton et la région; l'intégration de ces éléments dans les programmes de politiques publiques (projet de concept de l'environnement, politique économique, etc.); une large discussion publique dans le canton et la région.

Pour ces motifs, et dans cet esprit, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement le présent projet de motion.

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Débat

M. René Longet (S). Le département de l'intérieur est vaste : tout en changeant de sujet, nous ne quittons pas les débats de fond. Si certains députés cherchent à sortir de la crise par la dérégulation, nous, nous trouvons notre monde suffisamment déréglé. La notion de développement durable paraît souvent abstraite, mais elle a été définie, mise en forme, concrétisée et soumise à l'ensemble des nations. On en a particulièrement discuté au sommet de la Terre, voilà quatre ans. Le document international, l'«Agenda 21», est le résultat de ces longues négociations. Il ne s'agit donc pas d'une invention de politiques en mal de copie et d'intellectuels ayant envie de refaire le monde. C'est un document de référence qui fait le tour, en quarante chapitres, de ce qu'il faudrait entreprendre pour remettre les choses à leur place face à des dérives dont nous n'avons que trop souffert.

La notion de développement durable est doublement constructive. On constate, d'une part, qu'on est bien loin d'un accès équitable aux ressources de la Terre, puisque 20% de la population dispose de 80% des ressources; un développement est donc nécessaire. Ce développement, d'autre part, a besoin de ressources dont la pérennité soit assurée. La Terre ne peut offrir plus qu'elle n'a, et si un développement est nécessaire, il doit être nécessairement différent. Ainsi, cette notion révèle toute sa dimension et toute sa richesse. C'est un impératif de changement, de cadre de référence, et c'est également un critère politique transversal. Elle intéresse donc non seulement un département ou un domaine spécifique, mais différents types d'activités. De nombreuses personnes pensent que sa réalisation est un des enjeux les plus importants de notre époque.

Bien entendu, cela n'intéresse pas tous les députés. De plus, il se fait tard ! Certains pensent avoir mieux à faire, mais nous nous targuons aussi - comme M. Haegi l'a dit - de nous intéresser aux enjeux du monde moderne, afin de défendre notre rôle international et les intérêts de notre canton. Le développement durable n'est pas destiné à rester dans les documents et sur papier, nous devons nous impliquer directement. C'est un correctif adéquat aux dérives constatées : constructif, positif et nécessaire.

Cela implique des réalisations concrètes et des options positives pour l'avenir économique de Genève. La Chambre de commerce - qui n'est certainement pas un repaire de la gauche - s'apprête à diffuser... (Brouhaha.) ...un inventaire des activités genevoises, économiquement intéressantes, qui établiraient le développement durable dans le domaine des produits et des services. C'est un pilier économique tout à fait concret. Le deuxième aspect est un pilier culturel et une nouvelle façon de voir le monde. Nous devons définir nos besoins de façon cohérente et équilibrée, et non selon nos caprices.

En défendant le rôle international de Genève et la promotion de ces notions, notre canton pourrait également valoriser son potentiel de recherche et de formation; nos institutions sont à la hauteur.

Je suis heureux de constater que cette motion est signée par cinq groupes sur six, et j'espère qu'elle trouvera un accueil favorable tout à l'heure en légitimant les acteurs du passage au concret. Je vous propose donc de la renvoyer au Conseil d'Etat, et j'ajoute, à l'attention de M. Haegi qui aura la responsabilité de préparer la réponse, que je compte sur lui pour organiser la consultation la plus large. S'agissant d'une notion globale et transversale, je souhaite que l'ensemble de ceux qui sont impliqués dans cet effort de concrétisation puissent réellement y participer, et que la réponse provienne largement de tous les milieux concernés, de l'administration comme de l'extérieur.

Nous sommes ancrés dans des choses concrètes et immédiates. Par différents canaux, le système des Nations Unies, qui a généré et mis au point cette notion, souhaite que les pouvoirs locaux, communes, régions, cantons, préparent pour 1996 un «Agenda 21» local. Nous n'allons pas faire ce travail directement ici, mais tous les intéressés doivent y contribuer. Tout pouvoir public peut trouver un fil conducteur dans cet agenda pour mener une action cohérente et tournée vers l'avenir.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). A moins de naviguer entre les salades «tchernobilisées», les veaux aux hormones et la vache folle...

Des voix. Meuh !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. ...en croisant les doigts ou en touchant du bois.

A moins d'ignorer que les pays industrialisés, soit 30% de la population mondiale, consomment 80% des richesses de la Terre.

A moins d'ignorer qu'il faudrait cinq planètes Terre pour supporter la concrétisation pour tous de notre standard de vie.

A moins d'accepter la logique de marché qui fait que Wall Street panique lorsque le chômage diminue.

A moins de préférer toujours la réparation à la prévention ou à la précaution.

Bref, à moins de tirer chacun notre épingle du jeu, dans un illusoire chacun pour soi, à moins de faire l'autruche devant un monde «fini», c'est-à-dire limité, devenu un seul écosystème, il faut faire nôtre la notion de développement durable. Il faut penser globalement et agir localement : pour ce qui nous concerne, au niveau des compétences et des prétentions cantonales. Les prétentions affichées de notre canton à être la capitale de l'environnement ne peuvent dépendre uniquement de l'offre d'infrastructure... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, Madame la présidente du parti libéral ! Elle n'écoute même pas !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. Ces prétentions devront, pour être crédibles, faire valoir des réalisations locales reconnues.

La communauté internationale a défini à Rio le concept de développement durable, soit les conditions du développement équitable ici et maintenant de même que les conditions pour préserver la possibilité de ce même développement pour les générations futures.

Autrement dit, le développement est durable s'il garantit que les besoins de la génération actuelle de tous les pays et groupes de populations sont satisfaits, sans porter préjudice à la faculté des générations futures de satisfaire leurs besoins, et s'il maintient la biodiversité.

Par définition, le développement durable doit remplir l'exigence de la durabilité et l'exigence de trois compatibilités : compatibilités écologique, économique et sociale. (Brouhaha.)

Pour souscrire à ce modèle, les innovations scientifiques et technologiques, soit ce qu'il est convenu d'appeler «la révolution dans l'efficience», ne constitueront probablement qu'une partie de la réponse. Au surplus, une révolution dans la «suffisance» sera également nécessaire; c'est-à-dire un changement de valeurs, socialement soutenu, dont le but sera une qualité de vie élevée en même temps que des exigences matérielles moindres que de nos jours.

Si les grands axes de la fiscalité des mesures d'incitation économiques sont de la compétence fédérale, le canton et les politiques gardent cependant nombre de compétences pour prendre en compte l'aspect de développement durable et ne pas se contenter de le nommer, comme si, par la pensée magique, une chose, une fois nommée, existe.

La mise en oeuvre du concept de développement durable est non seulement complexe, mais de plus elle est transversale. Elle concerne tous les aspects de production et de consommation. Pour les tâches de l'Etat, elle concerne, par exemple, l'aménagement du territoire, les transports, l'éducation, la promotion de la santé, l'énergie, etc.

Le Conseil fédéral a instauré un Comité interdépartemental de Rio, CERio, qui a notamment pour mission d'élaborer des propositions sur la manière d'intégrer dans la politique nationale les engagements pris par la Suisse lors du sommet de Rio, en particulier l'«Agenda 21». Le caractère interdépartemental de la démarche voulu par le Conseil fédéral est celui-là même que nous revendiquons pour la prise en considération de notre motion par le Conseil d'Etat.

Et nous suivons en cela les déclarations du Conseil fédéral qui souligne que : «Le comportement en matière de consommation et la surexploitation des ressources naturelles par les pays industrialisés ont une grande part de responsabilité dans les atteintes négatives à l'environnement. Ils ne peuvent constituer un modèle pour les pays en voie de développement. C'est pourquoi la Suisse doit également fournir sa contribution au développement durable chez elle.»

L'idée fait son chemin, mais le long terme n'est la tasse de thé ni de la majorité des électeurs ni de la majorité des élus.

L'idée se fait pourtant insistante.

Du côté économique, par le Business Council for Sustainable Development, basé à Genève, par le développement des critères environnementaux dans les labels de qualité, notamment les normes ISO, ISO 14 000, qui estiment, soit dit entre parenthèses, que l'environnement constitue un des leviers de la prospérité de la société moderne... et qu'il sera l'une des priorités du XXIe siècle, enfin, par des investissements d'entreprises qui cherchent une part de marché sur la base d'une production intégrée ou d'une production respectueuse de l'environnement pour répondre à une demande sensible.

L'idée se fait insistante aussi dans le débat public et c'est heureux, car la responsabilité écologique ne se décrétera pas, elle est étroitement liée à l'exercice des droits démocratiques. Dans ce domaine, nombre de chartes de développement durable lancées dans le débat font référence à la citoyenneté participative.

M. Roger Beer (R). Vu le motif du débat et la dissipation de l'assemblée, j'aimerais remercier les représentants du Conseil d'Etat qui s'intéressent un peu à cette question d'environnement. Ce n'est pas un sujet sur lequel on s'enflamme, ou auquel on s'attaque comme au problème du logement, mais il s'agit d'un sujet enthousiasmant.

Le développement durable est devenu à la mode pour les politiques depuis 1992, alors que dans certaines professions, la mienne, par exemple, celle des forestiers, c'est une vieille histoire que l'on nomme rendement soutenu.

Cette motion - qui concerne principalement M. Haegi - devrait permettre de légitimer un peu le Conseil de l'environnement, en lui permettant de créer un concept appliqué à la réalité actuelle. S'il est vrai que nous sommes en temps de crise, de chômage et de problèmes de logement, il n'en demeure pas moins que la politique consiste aussi à former des projets. Ces concepts, un peu moins concrets, permettent cependant de s'identifier à un projet.

Pour les questions d'environnement, au niveau cantonal, le DIER pourrait tenter d'appliquer le développement durable - ou rendement soutenu - médiatisé en 1992. Il ne s'agit pas de chiffrer directement, comme vous avez essayé de le faire avec l'eau, mais, au niveau du gouvernement et de notre canton, mais de procéder à certaines applications et orientations qui correspondraient à l'idéal et à la volonté de Genève d'être la capitale de l'environnement.

C'est dans cette idée, Monsieur le conseiller d'Etat, que cette motion doit vous être renvoyée. Les motionnaires et - une fois n'est pas coutume - le parti radical... (Brouhaha.) ...ils dorment, mais ils réagissent quand même ! (Rires.)

Une voix. Y'a plus personne !

Des voix. Vas-y, Beer, vas-y !

M. Roger Beer. Avec cette motion, nous espérons que vous pourrez établir, avant la fin de la législature, un programme non chiffré mais avec un timing, selon une conception qui démontrera peut-être que le Conseil de l'environnement peut avoir une légitimité dans ce canton. Aussi je vous remercie d'accepter de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Lorsque les représentants de la plupart des pays se sont réunis à Rio en 1992, ils ont adopté l'«Agenda 21». En réalité, ces vingt et une actions sont décrites en des termes diplomatiques et alambiqués. Je les résumerai en une phrase : nous, les Occidentaux, nous vivons sur un trop grand pied, sans égard envers les pays en voie de développement et notre environnement.

Les termes de l'échange se dégradent aux dépens des pays pauvres; ce n'est pas un scoop, mais une réalité qui plonge de plus en plus d'êtres humains dans la précarité. Et ce n'est pas une vue de l'esprit d'affirmer que nos modes de vie engendrent des effets négatifs sur l'environnement. C'est même un constat sur lequel les scientifiques s'interrogent de plus en plus.

Les changements climatiques, l'amincissement de la couche d'ozone, les pluies acides, la régression des espèces, sont autant de signes du dépassement des limites écologiques. Une étude commandée par cette organisation active dans l'aide au développement et la protection de l'environnement a abouti au constat suivant : pour maintenir une Suisse durable, nous devons restreindre notre boulimie ! Il serait fastidieux, dans le cadre de cette intervention, de produire les chiffres révélateurs de notre fringale en matières premières et en énergie. Retenons cependant, selon l'étude précitée, que notre consommation en énergie est cinq fois supérieure à la normale. Pour prendre une image populaire, disons qu'au lieu d'user des intérêts nous «boulottons» le capital.

Si au moins nous prenions le chemin d'une reconversion vers plus de modération, nous pourrions établir un planning et fixer des échéances. Mais ce n'est pas le cas, et le bilan, quatre ans après la rencontre de Rio, est bien mince. Une prise de conscience et une évaluation de nos véritables besoins sont nécessaires. Comme cette motion peut nous y aider, notre groupe accepte son renvoi au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette motion corrigée (suppression du troisième considérant) est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

(M 1046)

MOTION

concernant l'application, dans le canton et la région, de la notion de développement durable

LE GRAND CONSEIL,

- soulignant l'importance et la pertinence du concept de «développement durable» établi par la commission Brundlandt des Nations Unies et adopté au Sommet de la Terre en 1992;

- considérant que désormais les notions d'environnement, d'une part, de développement économique et social, d'autre part, ne sauraient plus être gérées indépendamment l'une de l'autre;

- vu le programme adopté en 1992 et appelé Action 21 (aussi dit Agenda 21) concrétisant les enjeux du développement durable;

- relevant que selon les Nations Unies chaque pouvoir local devrait avoir défini jusqu'en 1996 son Agenda 21 local;

- désireux que notre canton soit à jour en ces matières,

invite le Conseil d'Etat

1. à procéder à une analyse des exigences de l'Agenda 21 et de la conformité des politiques publiques cantonales et régionales à cet engagement international;

2. à lui donner toute explication utile sur la mise en oeuvre de l'Agenda 21 sur le plan cantonal et régional;

3. à définir les programmes et concrétisations nécessaires, par le biais d'un Agenda 21 local.

 

M 1049
12. Proposition de motion de Mme et MM. Christian Ferrazino, René Ecuyer et Anita Cuénod sur l'aide aux sans-abri. ( )M1049

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement;

- le nombre croissant de logements inoccupés (plus de 2 000 selon les dernières statistiques) qui ont été retirés du marché locatif;

- la loi approuvée par le peuple visant à permettre la réquisition d'appartements restés inoccupés sans juste motif;

- que cette loi, devenue exécutoire en 1993, après le rejet de recours dont le Tribunal fédéral avait été saisi, n'a sauf erreur pas fait l'objet d'applications concrètes à ce jour,

invite le Conseil d'Etat

à appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs, notamment par l'expropriation temporaire de l'usage des appartements locatifs laissés abusivement vides (articles 8 B et suivants).

EXPOSÉ DES MOTIFS

A l'occasion de l'examen par une commission du conseil municipal de la Ville de Genève de l'usage de la villa Freundler, à la rue de Carouge, propriété de la Ville de Genève, les auditions de divers organismes sociaux, notamment du responsable de «La Coulou», ont mis en évidence le nombre croissant de sans-abri, notamment de femmes en détresse, et l'insuffisance des logements d'accueil à disposition.

Au moment où la fracture sociale s'aggrave à Genève, que de nombreux citoyens et citoyennes vivent dans des conditions de précarité, sans possibilité de se payer un logement, alors que le droit au logement est consacré dans notre constitution cantonale, le maintien de logements vides, dont le nombre va croissant, provoqué souvent par des motifs de spéculation immobilière, est intolérable.

En France voisine, les autorités ont su faire usage des moyens légaux à leur disposition pour mettre des logements, maintenus abusivement inoccupés, à la disposition des personnes dans le besoin. Le Conseil d'Etat se doit de suivre cet exemple, ce d'autant plus que le peuple a voulu que les moyens nécessaires pour mener une telle politique soient introduits dans notre législation.

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion recevra un bon accueil de votre part.

Débat

M. Christian Ferrazino (AdG). Il peut paraître insolite que le parlement doive adopter des motions invitant le Conseil d'Etat à appliquer des lois votées.

Dans le cas particulier, le parlement a adopté un certain nombre de mesures pour mettre un terme au fléau que constituent les logements vides dans notre canton. Malheureusement, ces dispositions n'ont pas trouvé à ce jour, sauf erreur de ma part, de cadre d'application.

Depuis le dépôt de cette motion, au début de cette année, deux faits nouveaux sont intervenus... (Brouhaha, intervention de M. Pierre Kunz.)

Le président. Un peu de silence !

M. Christian Ferrazino. Je sais, Monsieur Kunz, que le problème du logement ne vous intéresse guère, mais laissez-moi m'exprimer !

Le premier fait nouveau a trait au nombre des logements vides qui a fortement augmenté. Les statistiques du mois d'avril 1996 viennent d'être diffusées. Elles font état, pour 1995, de deux mille trois cent septante-huit logements vides, alors que ce chiffre était de deux mille pour 1994 et de mille cent dix-huit il y a cinq ans. Durant cette période, le nombre de logements vides a donc doublé pour atteindre quasiment le chiffre de deux mille quatre cents. Monsieur Haegi, je ne parle pas des logements vacants offerts en location, mais ne trouvant pas preneur. Je parle des logements vides, soustraits volontairement du marché locatif par les propriétaires. En effet, selon un communiqué de la «Feuille d'avis officielle», rédigé d'après l'un de vos discours, sinon de celui de M. Maitre, seuls 27% des logements vides font l'objet d'une demande officielle de permis de construire en cours.

Le deuxième fait nouveau est la récente modification de la LDTR par ce parlement. Lors de débats nourris, nous avons examiné minutieusement la révision de cette LDTR. Néanmoins, tout un chapitre a été ignoré, car il n'est venu à l'idée de personne de le remettre en cause. C'est le chapitre concernant les dispositions prévues pour mettre un terme à la situation précitée. Avec la systématique de la loi, seuls les numéros des dispositions ont été modifiés : soit les articles actuels 26 à 38, la section II du chapitre 7 de la LDTR, qui constituaient les articles 8 et suivants de l'ancienne LDTR. Mais les dispositions elles-mêmes n'ont pas varié d'un iota.

C'est dire que le parlement a voulu confirmer sa volonté de mettre en application les dispositions qu'il avait adoptées quelques années plus tôt, soumises, je vous le rappelle, au vote populaire en 1992.

Il est donc temps d'appliquer des dispositions :

1. votées par le peuple;

2. réaffirmées par le parlement dans le cadre de la révision de la LDTR, il y a quelques mois seulement, ce d'autant plus que le nombre de logements vacants n'a fait qu'augmenter ces derniers temps.

Monsieur Haegi, j'aimerais entendre de votre bouche que le Conseil d'Etat est enfin prêt, à l'instar des pays qui nous entourent, notamment la France, à appliquer ces mesures légales qui n'ont pas encore été mises en pratique, sauf erreur de ma part, afin que cesse, une fois pour toutes, cette situation particulièrement scandaleuse des logements vides.

M. Jean-Pierre Gardiol (L). En résumé, cette proposition de motion vise à inciter le Conseil d'Etat à faire application de l'expropriation, la plus grave atteinte à la propriété privée.

Certes, Monsieur Ferrazino, votre but est louable, puisqu'il vise à mettre des surfaces habitables vides à disposition des sans-abri, mais la LDTR n'autorise pas l'expropriation en l'occurrence.

Je m'étonne que vous ne vous en soyez pas rendu compte en lisant la loi. En effet, l'expropriation temporaire obéit à des conditions très strictes; elle doit être prononcée conformément à la procédure d'expropriation pour des motifs d'utilité publique. Il ne s'agit donc pas de placer les SDF dans les logements que de méchants propriétaires auraient abusivement laissé vides.

L'article 8 K, futur article 35 de la nouvelle LDTR, prévoit que les logements expropriés sont destinés à des personnes solvables et payant un loyer. Or l'exposé des motifs explique bien que la fracture sociale empêche les sans-abri genevois d'acquitter le moindre des loyers. En clair, cela signifie que même si on expropriait les surfaces vacantes, cette mesure manquerait le but visé par les motionnaires, car on ne pourrait y loger les sans-abri.

De plus, en vertu de l'article 8 G, futur article 34 de la LDTR, l'expropriation doit être accompagnée du versement d'une indemnité au propriétaire, correspondant aux loyers qu'il est en droit d'attendre pour son immeuble. Dès lors, on ne voit pas pourquoi et comment l'Etat se mettrait à recruter des locataires solvables, en lieu et place des régies, pour des appartements qui ne trouvent pas preneur.

D'autre part, comme vous le savez, les centres spécialisés dans l'accueil des SDF sont actuellement - et heureusement ! - sous-occupés.

Vous aurez tous compris que cette motion est incompatible avec les articles de la LDTR. Une fois de plus, Me Ferrazino use d'une pirouette juridique, dont il a le secret, pour tenter de vous faire «avaler» son point de vue.

Ces raisons m'amènent, au nom du groupe libéral, à refuser d'entrer en matière sur cette proposition de motion. Je vous invite à en faire de même.

M. Michel Ducret (R). Genève dispose de lits en suffisance pour les sans-abri. Il est vrai aussi que même en hiver certains SDF n'en veulent pas. Et ce n'est pas la proposition de motion débattue ce soir qui changera quoi que ce soit à ce fait qui n'a rien à voir avec les places disponibles.

En réalité, au-delà de son titre, cette motion constitue une manoeuvre pour enjoindre le Conseil d'Etat d'appliquer l'expropriation prévue dans la LDTR, dans le cadre juridique que M. Gardiol vient d'évoquer, et sur lequel je ne reviendrai pas.

C'est la recherche désespérée d'un prétexte pour le plaisir de faire appliquer une loi qui, par elle-même, est d'ailleurs peu applicable en ce qui concerne lesdits logements vacants.

A priori, le groupe radical est fondé à dire non à cette proposition, mais comme nous ne voulons pas ignorer la détresse des plus mal lotis de notre canton, nous déposerons, tout à l'heure, un amendement par la voix de notre collègue Bernard Lescaze.

Si cet amendement est adopté, nous soutiendrons cette motion.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je réponds à M. Gardiol qui a une manière toute particulière de lire la loi.

Monsieur Gardiol, vous aurez certainement lu l'article 35 des nouvelles dispositions que vous avez votées. Il stipule précisément que les mesures incitatives que nous avions adoptées, pour permettre justement la location forcée des appartements laissés abusivement vides, devaient être appliquées aux locataires inscrits à l'office du logement social.

Comme, apparemment, vous avez eu de la peine à comprendre la teneur dudit article, je vous la cite : «L'appartement exproprié est mis à disposition d'une personne régulièrement inscrite à l'office du logement social et désignée par ce dernier.» L'alinéa 2 de cette disposition précise : «Le bénéficiaire de l'appartement est redevable envers l'Etat d'une indemnité d'occupation des locaux qui est fixée par le département.» C'est en quoi la loi s'applique précisément aux locataires qui ont particulièrement besoin d'un logement, notamment à ceux qui se sont inscrits auprès de l'office du logement social pour en obtenir un.

Monsieur Ducret, comme vous n'avez pas notifié votre amendement, nous attendrons donc l'intervention de M. Lescaze pour nous déterminer. Vos propos ont été plus nuancés que ceux de M. Gardiol.

Le nombre des sans-abri augmente et, selon les dernières statistiques, près de deux mille quatre cents logements sont laissés abusivement vides. Cela étant, Monsieur Gardiol, comment pouvez-vous dire que ce problème ne mérite pas notre attention, et qu'il ne vaut pas la peine que le Conseil d'Etat applique la loi pour le traiter ? Or vous l'avez votée en février dernier, dans le cadre de la modification de la LDTR. Certes, à cette occasion, vous avez manqué de courage pour évoquer ce chapitre qui vous dérange. Mais je vous rappelle, quitte à vous déplaire, que l'ensemble des dispositions ne sont pas le fruit d'un vote du parlement, mais celui de la volonté populaire.

Voulez-vous dire ce soir, publiquement, que vous demandez au Conseil d'Etat de ne pas respecter la volonté populaire ? Parce que votre intervention revient exactement à cela.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Dans sa dernière intervention, M. Ferrazino mélange deux problèmes distincts.

Le premier est celui des sans-abri. On observe, à Genève, le développement important d'une société à deux vitesses : des citoyens réduits à ne plus avoir de logement sont devenus des SDF. C'est absolument inadmissible, et c'est contre quoi nous devons lutter.

Les dispositions de la LDTR, auxquelles vous faites référence, ne visent pas, à mon sens, ce cas de figure : le logement des sans-abri est du ressort de l'aide sociale. Je n'aurai pas le front de vous expliquer ces dispositions, puisque vous avez largement contribué à leur élaboration et à la campagne qui a mené à leur adoption par le peuple. Je rappelle simplement qu'elles visent à mettre à disposition des locataires, qui ne trouvent pas d'appartement, des logements qui seraient soustraits, de manière indue, au marché locatif.

Dont acte, ces dispositions existent. Elles ont été votées par le peuple, mais je ne crois pas qu'elles s'appliquent à la problématique des sans-abri et de ceux qui, en raison de leur situation, sont dans l'incapacité de payer un quelconque loyer.

Par conséquent, je ne crois pas que ces problèmes soient identiques, mais il se peut que je vous aie mal compris.

Cela dit, le parti auquel j'appartiens est particulièrement sensible à la problématique des sans-abri. Nous sommes disposés, nous aussi, à ce que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, moyennant l'amendement, à propos duquel le suspense dure encore, de notre collègue Bernard Lescaze... (Interruption de M. Christian Grobet.) Monsieur Grobet, je ne veux pas voler son amendement à M. Lescaze, sinon il me fera une scène. En outre, vous aurez remarqué, Monsieur Grobet, avec la sagacité et l'oeil vif qui vous caractérisent, que cet amendement a été déposé sur votre table, et connaissant l'attention que vous portez à nos débats, je suis certain...

M. Christian Grobet. Je ne l'ai pas eu !

M. Bénédict Fontanet. M. Lescaze n'a donc pas fait son boulot !

Le président. L'amendement a été distribué, Monsieur le député.

M. Bénédict Fontanet. Si M. Grobet ne l'a pas, c'est qu'il est victime d'un ostracisme scandaleux ! Plus sérieusement, nous accepterons cette motion dans la mesure où elle sera modifiée par l'amendement que M. Lescaze développera, puisque le hasard des prises de parole a voulu que je m'exprime avant lui.

Cela n'implique pas, selon nous, l'approbation de l'exposé des motifs, à savoir que des logements, dans des buts de pure spéculation, seraient soustraits au marché locatif. S'il y a beaucoup de logements vides, c'est aussi en raison, Monsieur Ferrazino, de la crise immobilière et de la crise économique qui sévissent dans notre canton. Il y a eu peut-être de la spéculation, voici cinq ou dix ans, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Par voie de conséquence, si nous approuvons en partie les buts qui sont les vôtres, nous n'approuvons pas en revanche les motifs, du moins en totalité, que vous évoquez à l'appui de votre motion.

Le président. Je vous dois des excuses : en effet, l'amendement n'a pas été distribué.

M. Bernard Lescaze (R). L'amendement a été déposé sur votre bureau. Etant fort simple, il ne vous causera pas une énorme surprise. Néanmoins, il peut aider ce Grand Conseil à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, bien que ce ne soit pas la procédure habituelle. Cela ne veut pas dire que nous approuvions la motion, mais cela signifie que nous sommes intéressés à connaître la position du Conseil d'Etat sur le problème des sans-abri. Encore que nous sachions parfaitement qu'il y a actuellement plus de lits que de sans-abri, le conseiller d'Etat chargé de la prévoyance sociale nous l'ayant affirmé à plusieurs reprises.

Néanmoins, une chose est certaine : contrairement à votre premier considérant, une partie plutôt défavorisée de la population, à savoir les étudiants, trouve actuellement plus facilement des logements qu'il y a quelques années. Cela ne veut pas dire, pour autant, que la pénurie a disparu, nous en sommes bien d'accord.

J'en viens à l'amendement. Il consiste simplement à arrêter l'invite à «appartements locatifs.» :

«à appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

de façon à ne pas faire référence à l'un ou l'autre article de la LDTR.

Nous sommes tous conscients du problème des sans-abri. Mais nous affirmons qu'il est moins urgent que vous ne le prétendez. Nous sommes prêts à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour obtenir des chiffres précis, afin de vous convaincre, nous l'espérons du moins, de l'inutilité de cette motion. Néanmoins, si les chiffres vous donnaient raison, la motion sera en main du Conseil d'Etat pour qu'il agisse.

Voilà ce que nous vous proposons. Nous sommes donc prêts à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, dans le cadre que nous vous avons indiqué, pour autant que l'amendement soit accepté.

M. Christian Grobet (AdG). MM. Gardiol et Ducret m'ont vivement étonné, pour ne pas dire plus. Ils semblent ignorer complètement certaines réalités sociales de notre ville.

Récemment, en quittant la gare de Cornavin le soir, j'ai vu une personne dormant devant l'entrée d'un bâtiment inoccupé...

Une voix. C'est facile de regarder !

Le président. Je vous en prie, pas de dérapages !

M. Christian Grobet. Si cela vous laisse indifférent, sachez que d'autres ont mal en constatant une telle situation. Par rapport à de tels problèmes, votre comportement, Monsieur Annen, et celui de vos amis politiques, est indigne de notre parlement ! Si nous ne sommes pas capables, nous députés de cette République, de nous occuper de trouver un toit pour des gens qui dorment dans la rue, nous n'avons plus rien à faire dans cette enceinte. Votre réaction est pitoyable, Monsieur ! Quant à moi, je réagis quand je vois des gens dormir dans la rue.

Si nous voulons nous occuper de ces personnes, nous devons mettre à leur disposition ces logements laissés vides sans raison pertinente, et dont le nombre est plus important aujourd'hui que jamais.

Cette motion s'adresse à deux catégories de personnes, comme M. Fontanet l'a fait remarquer à juste titre. L'une constituée de personnes totalement démunies et l'autre formée de gens, à revenus modestes, qui ne trouvent pas à se loger à la mesure de leurs moyens. Si vous contestez ce fait, c'est que vous êtes très éloignés des réalités sociales de ce canton. Vous ne connaissez pas la situation des gens au chômage, des gens en fin de droit, des jeunes qui...

Des voix. Arrête !

M. Christian Grobet. ...cherchent du travail. C'est une réalité ! A l'office social du parti du Travail, nous connaissons des gens à la recherche d'un logement à la mesure de leurs moyens financiers et qui n'en trouvent pas. De très nombreux logements vides pourraient être mis à leur disposition !

Par voie de conséquence, cette motion s'adresse aussi bien aux gens totalement démunis qu'à ceux de condition modeste qui ne trouvent pas de logement.

En outre, je serais curieux de savoir pourquoi l'on s'est fixé, Mesdames et Messieurs les députés, l'ambition de réaliser trois mille logements HBM ! Je suppose que le besoin s'en fait sentir, sinon nous ne serions pas en train de voter des crédits pour les construire ! Du reste, je me souviens que certains conseillers d'Etat disaient, non sans raison, qu'un moyen de satisfaire aux besoins en logements bon marché serait d'acheter d'anciens immeubles, ce qui serait moins coûteux que d'en construire de nouveaux. Cela prouve bien que le Conseil d'Etat a conscience des demandes et des besoins dans ce domaine.

Or, au lieu de construire des immeubles chers, l'on ferait mieux de récupérer des appartements laissés vides sans raison valable; cela coûterait moins cher ! Il ne s'agit pas, Monsieur Ducret, d'un prétexte pour appliquer une loi votée par le peuple, comme l'a rappelé M. Ferrazino. Il est vrai que vous vous êtes opposés, à l'époque, à ce projet de loi et que vous avez été étonnés que le peuple le vote. Mais le peuple a voulu cette loi que vous refusez d'appliquer.

Nous n'avons pas déposé cette motion pour avoir raison à tout prix, mais parce que nous connaissons les besoins. Je vous assure que si le Conseil d'Etat rendait publique, au cours d'une conférence de presse, la mise à disposition d'un certain nombre de logements pour les personnes de condition modeste, au prix de 300 ou 400 F par mois, vous verriez bien s'il y a preneur ou pas. Faisons la conférence ensemble, Monsieur Annen ! Nous verrons, après coup, combien de gens s'inscriront. Je parie qu'il y en aura beaucoup.

Mais ce soir, nous demandons simplement que les logements, laissés vides sans raison pertinente, soient mis en location, voire mis à disposition des personnes véritablement sans abri.

Nous ne ferons pas de juridisme à propos de ce problème social bien réel. C'est pourquoi, Monsieur Lescaze - étant donné que vous visez expressément la LDTR - nous ne nous attacherons pas à la reprise, dans le texte de la motion, des termes qui figurent dans la loi.

Monsieur Lescaze - vous qui m'avez rappelé vos connaissances juridiques que nous apprécions à chaque séance de la commission judiciaire que vous présidez avec distinction - vous savez, tout comme moi, qu'une expropriation ne peut avoir lieu sans un intérêt public suffisant. Pour que l'on puisse exproprier le droit d'usage d'un logement, il faut effectivement qu'il ait été laissé vide abusivement. Mais comme la loi le stipule, il n'est peut-être pas utile de le répéter dans la motion. Si ce petit plaisir suffit à faire accepter cette motion par vos amis politiques, c'est bien volontiers que nous voterons votre amendement.

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Messieurs Grobet et Ferrazino, les SDF nous émeuvent aussi, nous les libéraux. Il est donc bon de vous rappeler que vous ne détenez pas le monopole du coeur.

Mais les SDF, Monsieur Ferrazino, n'ont rien à voir avec la LDTR et son article 35 ! Par conséquent, il n'est pas nécessaire de renvoyer la motion en commission ou au Conseil d'Etat, parce qu'elle ne répond en rien à la législation votée il y a peu.

Si vous entendez vous occuper réellement des SDF, faites une motion sur ce problème. Je crois me souvenir qu'il y en a eu une, voici deux ou trois ans. La réponse du Conseil d'Etat, au regard de tous les groupes, avait été jugée tout à fait satisfaisante.

Il serait regrettable de perdre du temps avec une telle motion. Laissons les motionnaires en rédiger une nouvelle qui ne mélange pas les problèmes.

M. John Dupraz (R). Je serai bref. Le problème des sans-abri a été traité en début de législature, et le Conseil d'Etat a répondu. L'Alliance de gauche revenant à la charge avec cette motion, je me demande si elle ne prend pas les sans-abri en otages, à des fins purement politiques pour revenir... (Huées, protestation de M. Christian Grobet.) Voyons, Monsieur Grobet, vous n'avez pas le monopole de la mansuétude, de la bonté, dans cette République. Prenant le train aussi souvent que vous, il m'arrive aussi de voir des sans-abri dans la gare de Cornavin. Mais ces personnes refusent souvent d'être accueillies dans des maisons disposant de lits. (Protestation de M. Christian Grobet.) Mon cher ami, je suis issu d'une famille de paysans et non, comme vous, d'une famille de bourgeois. Quand un sans-abri passait chez nous, il avait une assiette et un lit ! Ça, c'est une tradition paysanne ! Alors, ne nous donnez pas de leçons à propos des sans-famille et des déshérités ! Vous vous en servez comme prétexte pour appliquer des dispositions de la loi sur la LDTR et pour rien d'autre !

Dans un esprit d'apaisement, notre collègue a déposé un amendement. Si vous le votez, nous renverrons cette motion au Conseil d'Etat qui vous répondra ce qu'il a répondu, il y a deux ans, sur une précédente motion.

M. Max Schneider (Ve). Le groupe écologiste n'avait pas prévu d'intervenir, car il lui semblait évident que le Grand Conseil accepterait cette motion. Mais comme ce sont les membres de l'Alliance de gauche qui la proposent, on les attaque, on leur fait des remarques du genre monopole du coeur, etc.

Il y a plus de cinq cent mille pauvres en Suisse. Aussi l'Alliance de gauche a raison de déposer cette motion, informée qu'elle est des problèmes de dénuement à Genève.

A l'adresse de ceux qui se permettent de ricaner, je rappelle que dans les sociétés africaines, souvent des plus misérables, ce problème se pose moins que dans notre société industrialisée. Nous pourrions peut-être prendre exemple sur elles.

Nous accepterons donc cette motion, avec l'amendement radical.

M. Michel Balestra (L). Quand j'entends de tels propos, je n'ai pas l'impression que nous parlons du même pays !

Nous avons une assurance-chômage des plus sociales et compétitives. Nous avons un Hospice général au budget en constante augmentation. Nous sommes le seul canton de Suisse à avoir mis en place un RMCAS. Nous poursuivons un objectif d'équilibre des finances publiques, sans augmentation de la fiscalité et sans diminution des investissements, et ce parallèlement à l'augmentation constante et importante du budget de redistribution sociale.

Si vous voulez résoudre les vrais problèmes, arrêtez de vous opposer à des investissements, tels ceux prévus pour la traversée de la rade, qui vont créer plus de mille emplois pendant cinq ans ! Arrêtez de vous opposer à des déclassements comme celui de la ZODIM qui aurait préservé cent quarante emplois à Meyrin !

Madame et Messieurs, votre motion est politique et polémique. Votre discours est insupportable, et même si l'amendement Lescaze rend votre motion plus acceptable, je la refuserai : je n'adopterai pas votre sensiblerie face aux mal-logés !

M. Pierre Marti (PDC). On peut parler des SDF, en faisant montre d'une certaine sensiblerie, pour amadouer les gens.

Actuellement, à disposition des SDF, il y a plus de lits libres que d'utilisés. En outre, la Ville de Genève mettra prochainement à disposition une structure d'accueil dans des appartements lui appartenant, en collaboration avec Carrefour et Le Caré. Ne prenons donc pas les SDF en otages !

J'en viens à l'intervention de M. Grobet. Effectivement, si nous offrons des appartements de quatre pièces à 200 ou 300 F par mois, en tant que preneur, je m'inscris le premier. Si l'on peut faire cela, tout le monde louera très bon marché un appartement mis à disposition. Malheureusement, cet appartement est introuvable ! Vous avez raison, Monsieur Grobet, et je suis donc étonné de vous voir revenir régulièrement sur le problème de la Pelotière. Vous savez très bien que la Pelotière est constituée d'appartements HBM pour les gens aux revenus modestes, et les conditions d'habitat y sont très bonnes...

M. Pierre Meyll. Sous les avions et entre les voies ferrées !

M. Pierre Marti. Monsieur Meyll, si les conditions étaient aussi mauvaises, il n'y aurait pas 75 à 80% d'appartement loués avant même la fin du chantier.

M. Bernard Clerc (AdG). Bien sûr, l'Entente se préoccupe des pauvres et des sans domicile fixe; elle aime faire la charité. Quand on a des biens, faire la charité est plus facile qu'appliquer la justice.

Un certain nombre de personnes, actuellement assistées, se trouvent sans logement. Ce ne sont pas des SDF, au sens strict du terme, que l'on voit dormir sous les ponts. Ce sont des personnes sans habitat, qui vivent dans des pensions de troisième catégorie; elles ont souvent été évacuées de leur logement, faute de pouvoir continuer d'en acquitter le loyer. Dès lors, les propriétaires et les régies refusent de leur accorder des baux, estimant n'avoir aucune garantie de solvabilité. Vous savez qu'il est extrêmement difficile de trouver ou de retrouver un emploi, à défaut d'un domicile fixe, d'une adresse privée, d'un lieu qui ne soit pas une pension ou un hôtel de troisième catégorie. L'absence de logement est un facteur aggravant qui contribue à la dégradation de la situation des personnes concernées.

Dès lors, cette motion est légitime. Plus encore, elle est juste. Si vous la refusez, vous légitimerez pleinement les tentatives faites par les squatters et les sans-abri d'occuper illégalement des immeubles vides.

M. Christian Grobet (AdG). La remarque de M. Clerc ne pouvait pas tomber plus à propos, puisque le Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement - auquel appartient le parti de M. Fontanet, sauf erreur - a lancé l'initiative qui est à l'origine de ce droit d'expropriation portant sur le droit d'usage des appartements, à la suite de quatre occupations d'immeubles survenues à la veille des élections cantonales de 1989. Cet événement avait fortement embarrassé la classe politique de ce canton, toutes tendances confondues. Lors des réunions extraordinaires tenues, à l'époque, par le Conseil d'Etat, avec le procureur général et les responsables de la police, d'anciens collègues venant des rangs de l'Entente se demandaient comment éviter la soustraction du marché, dans un but spéculatif, de logements parfaitement habitables et bon marché, une véritable provocation, selon leurs termes, vis-à-vis des jeunes à la recherche de logements.

Monsieur Fontanet, nous aurons l'occasion de reparler de la spéculation. Contrairement à ce que vous dites, elle est plus vivace que jamais, mais, ce soir, je n'ouvrirai pas le débat sur un certain nombre de cas concrets.

Je me contenterai de rappeler la mise en demeure adressée, à l'époque, par le Conseil d'Etat à l'Association des gérants immobiliers. Je me souviens de la lettre signée par M. Vernet, libéral, lui fixant un délai afin qu'elle propose des solutions pour que ces logements vides soient mis à la disposition de la population, et l'avertissant qu'à défaut le Conseil d'Etat saisirait le Grand Conseil du projet de loi repris, mot à mot, par l'initiative du Rassemblement. Ce projet était, en fait, un projet de loi du Conseil d'Etat.

Il était bon de rappeler ces faits pour que l'on ne laisse pas, aujourd'hui, sous-entendre qu'il s'agissait de «politicaillerie», alors que de réelles tensions sociales étaient à l'origine de cette législation.

Or ces tensions sociales existent toujours et quand vous dites, Monsieur Marti, que le problème des sans-abri est réglé, ce n'est pas vrai ! Effectivement, des SDF ne veulent pas se rendre dans les logements institutionnalisés, mis à leur disposition par des groupements, parfaitement honorables, que je respecte grandement.

Outre les sans-abri, il y a une importante catégorie de gens, aux revenus si modestes qu'ils ne peuvent même pas payer le loyer d'un logement HBM de la Pelotière. Je n'ai fait aucune critique à propos de ce projet de construction, Monsieur Marti. Je déplore seulement que le Conseil d'Etat ait fait une opération HBM pour sauver un promoteur, de plus député, qui pourra encore gérer ces immeubles ! Je n'ai jamais critiqué la construction de logements HBM, tant s'en faut !

Par ailleurs, vous n'avez pas parlé du montant des loyers de la Pelotière, à Versoix. Vous savez qu'il est trop élevé pour certaines personnes qui gagnent, dans cette République, 2 500 ou 3 000 F par mois. Ce sont là des réalités sociales ! Demandez aux vendeuses le montant de leur salaire et vous verrez bien si elles peuvent payer... (Interruption de M. Nicolas Brunschwig.) Je comprends votre gêne, Monsieur Brunschwig ! Vous n'aimez pas que l'on parle des vendeuses que vous exploitez, et je le comprends ! En attendant, bien des vendeuses ne peuvent acquitter le loyer d'un appartement HBM, à Versoix, et vous le savez ! Il leur faut des logements à 400 F par mois !

J'ose espérer, Monsieur Marti, que vous ne défendez pas certains régisseurs qui ne veulent pas de ce type de logements sur le marché.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Dupraz s'étonnait, tout à l'heure, que l'on revienne, avec cette motion, sur des problèmes ayant été réglés à satisfaction, selon lui, par le Conseil d'Etat.

Monsieur Dupraz, en date du 20 janvier 1995, j'ai déposé une question sur cette problématique auprès du Conseil d'Etat. En date du 10 avril 1995, M. Joye m'a répondu ceci : «En attendant que le Conseil d'Etat y réponde formellement - j'attends toujours cette réponse, le Conseil d'Etat étant apparemment préoccupé par d'autres dossiers - j'ai pris l'initiative, d'ores et déjà, d'interpeller un très grand nombre d'intervenants, afin de connaître les motifs qui poussent leurs propriétaires à les - logements vides - maintenir hors du marché.» M. Joye conclut en promettant un rapport au Grand Conseil dès qu'il aura recueilli ces informations. Or nous n'avons eu aucun rapport, aucune réponse, et le nombre des logements vides ne fait qu'augmenter.

Croyez-vous que les citoyens et habitants de ce canton puissent comprendre que la loi qu'ils ont votée ne soit pas appliquée pour combattre ce phénomène qui va grandissant ? Comment M. Balestra peut-il être fier d'annoncer qu'il ne votera pas une motion demandant l'application d'une loi qu'il a lui-même votée ? J'ai peine à suivre sa gymnastique cérébrale !

En revanche, Monsieur Lescaze, votre proposition d'amendement est particulièrement bienvenue. Si vous ne l'aviez faite, je l'aurais formulée moi-même en raison du libellé de la motion. En effet, il n'est plus d'actualité, puisqu'il vise les articles 8 B et suivants qui n'existent plus. La LDTR ayant été modifiée, ils sont devenus les articles 26 à 38.

Nous soutiendrons votre amendement qui remet ce texte dans la justesse de la loi récemment modifiée.

M. René Ecuyer (AdG). Il ne faut pas fermer les yeux sur la détérioration très rapide de la situation, dans ce canton. Le chômage induit une baisse considérable de revenu pour certaines personnes. Des gens sont en fin de droit. Quand vous avez gagné 5 000 à 6 000 F pour faire tourner votre ménage et que vous vous retrouvez avec le minimum vital de 1 300 F pour une personne et un peu plus pour une famille, toutes sortes de problèmes se posent. Bien souvent les familles se séparent.

Actuellement, nous dirigeons énormément de personnes vers l'office du logement social, voire vers le secrétariat des fondations immobilières, c'est-à-dire celles qui gèrent les logements les meilleur marché.

C'est un fait : il manque des HBM dans ce canton, la demande en est très pressante et, parallèlement, il y a des logements vides qui pourraient être remis sur le marché.

Je ne vois, dès lors, pas en quoi cette motion est révolutionnaire. Elle demande simplement l'application de la loi.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat ne peut accepter l'analyse sociale faite, ce soir, au sujet des sans-abri. Il n'a jamais été fait référence aux prestations auxquelles ont droit les personnes se trouvant dans des situations désespérées. Nous y sommes aussi sensibles que d'autres.

Il faut de la méthode pour traiter les problèmes. De quoi parlons-nous ? D'une des applications de la LDTR ou d'une catégorie sociale confrontée à des difficultés ?

J'ai cru comprendre, d'après le titre de la motion, qu'il s'agissait de s'occuper de personnes sans abri.

Plusieurs d'entre vous ont rappelé, à diverses reprises, que le nombre des lits disponibles dépassait celui des demandes. M. le député Grobet n'a pas contesté le fait; il a simplement dit que certaines personnes n'y trouvaient pas de satisfaction. Il est vrai que ces problèmes sociaux sont parfois extrêmement complexes.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à examiner les problèmes dans l'ordre, et c'est pourquoi je me permettrai de compléter l'amendement de M. le député Lescaze. En effet, je désire, et le Conseil d'Etat aussi sans doute, traiter le problème des sans-abri à Genève. D'ailleurs, M. Grobet m'y invitait indirectement, tout à l'heure, en déclarant ce problème non réglé.

Si vous acceptez mon amendement, le Conseil d'Etat pourra s'exprimer à ce sujet. Il est nécessaire qu'il le fasse, ce débat en est la démonstration. Ensuite, il faudra voir les réponses que nous pourrons donner aux sans-abri, car il est vrai que les appartements les meilleur marché ne se trouvent pas dans les HBM, malgré l'allocation personnalisée de 100 F par pièce et par mois. Cette allocation ne suffit pas toujours.

Vous savez que ce sont souvent les personnes seules qui se trouvent dans des conditions sociales difficiles. Là encore, parlons de ce dossier, et, de grâce, de cas extrêmement précis ! Les fondations HBM disposent de logements et de studios. Il est donc faux de prétendre que nous n'avons pas de logements libres pour des personnes seules. D'ailleurs, les fondations HBM m'invitent, faute de demandeurs, à ne plus faire construire de petits appartements et des studios. Alors, acceptez de traiter ces problèmes dans l'ordre !

C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, y compris le groupe libéral, à voter la motion ainsi amendée :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

Il est évident que, dans ce cas, nous vous donnerons une réponse complète, d'une part, sur la situation des sans-abri et, d'autre part, sur nos solutions pour résoudre les problèmes posés et la nécessité de pratiquer la LDTR sur le point évoqué tout à l'heure.

Monsieur le président du Grand Conseil, je vous remets cette proposition de texte. Elle ne devrait pas vous contrarier...

Une voix. J'en doute.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Comment j'en doute ? Mais attendez le rapport ! Je vous suggère de traiter les choses dans l'ordre et c'est pourquoi, Monsieur le président du Grand Conseil, je vous remets le texte de la nouvelle teneur de l'invite.

M. Christian Grobet (AdG). Je vois comment le Conseil d'Etat essaie de dévier le débat. Il est vrai, Monsieur Haegi, que le titre de la motion est «sur l'aide aux sans-abri», mais tous les titres de motions et de projets de lois sont relativement brefs et ne recouvrent pas l'intégralité des textes.

Or le premier considérant de cette motion commence par «le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement». Dans l'exposé des motifs, nous avons, effectivement, insisté sur le cas particulièrement douloureux des personnes sans domicile fixe, des personnes sans abri. Mais nous ne pouvons pas accepter que le but de cette motion se limite uniquement aux sans-abri et que l'on veuille, par là même, circonscrire le débat à une catégorie limitée de demandeurs.

Aujourd'hui, une partie de la population n'a pas les moyens de payer les loyers des appartements offerts sur le marché. Je persiste à affirmer que les loyers de la Pelotière, même assortis de l'allocation-logement, sont inaccessibles à beaucoup de personnes... (Brouhaha.) Oh, ça suffit ! Je viens de reconnaître l'intérêt de cette opération. Il n'empêche, et tout le monde le sait, que les loyers des constructions nouvelles sont d'un montant relativement élevé.

La motion vise d'autres catégories de personnes... (Intervention de M. Claude Haegi.) Ce ne sont pas uniquement les sans-abri que nous visons, Monsieur Haegi, si vous m'écoutiez !

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je ne fais que ça !

M. Christian Grobet. Nous avons indiqué, dans le premier considérant, «le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement». Lorsque nous invitons le Conseil d'Etat à appliquer les mesures prévues par la LDTR pour lutter contre la pénurie de logements locatifs, c'est dans le sens indiqué, tout à l'heure, par Christian Ferrazino : il s'agit de mettre les logements laissés vides à disposition de gens aux revenus modestes.

Nous ne pouvons donc pas limiter la motion, comme vous entendez le faire, uniquement aux sans-abri. Cette rédaction ne convient pas.

Le président. Nous allons voter l'amendement de M. Claude Haegi qui propose de remplacer l'invite de la motion par une invite dont la teneur est la suivante :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

M. Christian Grobet (AdG). Pouvons-nous présenter un amendement à l'amendement de M. Haegi ?

Le président. Un sous-amendement, Monsieur le député ?

M. Christian Grobet. Oui, je demande que l'amendement de M. Haegi soit complété comme suit :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et des demandeurs de logements ayant un revenu inférieur à 60 000 F...»

M. Pierre-Alain Champod (S). Nous avons eu à peine le temps de lire l'amendement qui a été voté. Il contient ces mots surprenants : «...la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR...». Jusqu'à maintenant, je croyais que dans un Etat de droit une loi s'appliquait en tant que telle et non par opportunité.

Le président. Nous votons le sous-amendement de M. le député Christian Grobet libellé ainsi  :

«à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et des demandeurs de logements ayant un revenu inférieur à 60 000 F et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs.»

Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

(M 1049)

MOTION

sur l'aide aux sans-abri

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le nombre croissant de personnes n'ayant pas les moyens de s'offrir un logement;

- le nombre croissant de logements inoccupés (plus de 2 000 selon les dernières statistiques) qui ont été retirés du marché locatif;

- la loi approuvée par le peuple visant à permettre la réquisition d'appartements restés inoccupés sans juste motif;

- que cette loi, devenue exécutoire en 1993, après le rejet de recours dont le Tribunal fédéral avait été saisi, n'a sauf erreur pas fait l'objet d'applications concrètes à ce jour,

invite le Conseil d'Etat

à lui présenter un rapport sur la situation des sans-abri et la nécessité d'appliquer les mesures prévues dans la LDTR visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs. 

La séance est levée à 0 h.