Séance du jeudi 23 mai 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 7e session - 18e séance

PL 7437
41. Projet de loi de MM. Jean Opériol, Jean-Pierre Gardiol, Thomas Büchi et David Hiler sur l'aide à la propriété individuelle (I 5 24). ( )PL7437

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Chapitre I

Principe

Article 1

But

1 L'Etat encourage la construction et l'acquisition de logements destinés à la propriété individuelle par des personnes qui, faute de fortune personnelle suffisante, ne sont pas en mesure d'investir les fonds propres nécessaires.

2 L'aide s'étend à d'autres droits réels ou personnels qui confèrent des prétentions semblables à celles qui découlent du droit de propriété, ainsi qu'à la propriété collective.

3 La présente loi, sous réserve des articles 4 et 12, peut être appliquée par analogie par les communes qui en émettent la volonté lorsque les logements à construire ou à acquérir sont situés sur leur territoire.

Art. 2

Nature de l'aide

L'Etat cautionne et accorde des prêts et consent des avances aux propriétaires aux conditions fixées par la présente loi.

Art. 3

Cumul d'aides

Les aides instituées par la présente loi sont cumulables avec les aides prévues par la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, et la loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements, du 4 octobre 1974, ainsi qu'avec toute autre aide que l'Etat ou la Confédération octroie dans le but de favoriser l'accès à la propriété.

Art. 4

Autorité compétente

L'autorité compétente pour l'application de la présente loi est le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (ci-après: le département).

Chapitre II

Conditions relatives aux logements

Art. 5

Conditions

Pour bénéficier de l'aide de l'Etat instituée par la présente loi, le requérant doit construire ou acquérir un logement répondant aux conditions suivantes:

a) être édifié sur le territoire du canton;

b) être destiné à servir effectivement d'habitation principale au propriétaire du logement, sauf circonstances particulières fixées par le règlement;

c) être au bénéfice d'une autorisation de construire délivrée par le département compétent;

d) être acquis selon un plan financier agréé par le département.

Art. 6

Aliénation ou opérations analogues

1 Le bénéficiaire doit se libérer du cautionnement et rembourser les avances fournies par l'Etat en capital et en intérêts si:

a) le logement en propriété est vendu;

b) des droits équivalant économiquement à une aliénation sont concédés sur le logement en propriété.

2 Pendant la durée de l'aide et du remboursement à l'Etat, un logement acquis avec l'aide de l'Etat ne peut être vendu avec bénéfice sans l'accord du département. L'aliénation est autorisée aux conditions prévues à l'alinéa 1.

3 Une restriction d'aliéner fondée sur la présente loi est inscrite au registre foncier.

CHAPITRE III

Aides

SECTION I

Financement

Art. 7

Financement

1 Pour la construction ou l'acquisition d'un logement en propriété, l'Etat cautionne des prêts hypothécaires jusqu'à 90% du coût de revient (terrain et construction) ou du coût d'acquisition du logement. Il peut aussi accorder lui-même des prêts lorsqu'un resserrement du marché des capitaux rend le financement difficile, à un taux d'intérêts ne pouvant être inférieur au taux d'intérêts pratiqué par la Banque cantonale de Genève pour des prêts hypothécaires sur des immeubles locatifs.

2 Le bénéficiaire de l'aide peut en tout temps se libérer du cautionnement et rembourser un éventuel prêt, en capital et en intérêts.

Art. 8

Garantie

Une telle aide de l'Etat est subordonnée à la condition que le propriétaire garantisse le service des intérêts et l'amortissement des hypothèques de rangs inférieurs en fournissant des sûretés convenables.

SECTION II

Abaissement des charges

Art. 9

Avances remboursables

1 Afin d'abaisser les charges du propriétaire pendant les années qui suivent la construction du logement ou son acquisition, l'Etat offre des avances remboursables en capital et en intérêts, à un taux ne pouvant être inférieur au taux d'intérêts pratiqué par la Banque cantonale de Genève pour des prêts hypothécaires en premier rang sur des immeubles locatifs.

2 Les charges du propriétaire sont constituées par les intérêts des capitaux empruntés, les frais d'entretien et d'administration et les prestations permettant l'amortissement des dettes hypothécaires en 25 ans à 60% du coût de revient.

3 Le bénéficiaire de l'aide peut en tout temps rembourser les avances fournies par l'Etat, en capital et en intérêts.

Art. 10

Conditions

1 L'aide octroyée en vue de l'abaissement des charges est accordée au propriétaire qui s'engage à rembourser les avances selon un plan financier accepté par le département.

2 Les charges du propriétaire doivent s'inscrire dans un rapport raisonnable avec ses revenus.

CHAPITRE IV

Dispositions financières et finales

Art. 11

Hypothèque légale

Les créances de l'Etat découlant de la présente loi sont au bénéfice d'une hypothèque légale assimilée à celle prévue à l'article 80, alinéa 1, lettre d, de la loi d'application du code civil et du code des obligations, du 7 mai 1981.

Art. 12

Engagements de l'Etat

Lorsque les conditions de l'octroi de l'aide de l'Etat fondée sur la présente loi sont remplies, le requérant est en droit de l'obtenir, à concurrence d'un montant total annuel de montants cautionnés de 100 000 000 F et d'avances de 5 000 000 F.

Art. 13

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Avec une proportion de 30% de citoyens propriétaires de leur propre logement, la Suisse se situe, en matière d'accession à la propriété, au dernier rang des Etats européens. Le canton de Genève comporte lui-même le plus faible taux de propriétaires de Suisse avec 13,8%.

Or, l'article 34 sexies de la constitution fédérale vise notamment à encourager «l'accès à la propriété d'un logement ou d'une maison».

Par ailleurs, le peuple genevois s'est prononcé, le 16 février 1992, en faveur de l'inscription, dans la constitution cantonale, d'un article 10 A garantissant le droit au logement, que ce soit sous forme de location ou de propriété.

L'accession à la propriété de son logement constitue donc un objectif social de première importance.

Pourquoi l'accession à la propriété doit-elle être promue?

Devenir propriétaire, c'est acquérir la maîtrise économique et juridique du bien de première nécessité par excellence: son logement.

C'est aussi assurer la sécurité d'une famille. C'est également une forme de prévoyance. Par rapport au loyer payé pour la location d'un appartement, l'argent investi pour l'acquisition d'un logement demeurera toujours dans le patrimoine de l'accédant et ne l'aura donc jamais été «à fonds perdus».

L'idée de propriété induit une certaine permanence. Le propriétaire de son logement y est lié de manière plus forte que le locataire. Cette permanence et l'intangibilité qui l'accompagne sont l'expression même du droit garanti au logement auquel chacun peut prétendre. Devenir propriétaire, c'est enfin être chez soi.

A une époque où la mobilité des individus tend à s'accroître, notamment en raison de la situation du marché de l'emploi, au moment où la fiscalité intercantonale reste disparate, des mesures tendant à retenir la population à Genève ne doivent pas être négligées.

Au vu de toutes ces raisons, il convient de favoriser l'accession à la propriété de son logement.

A l'heure actuelle, l'accession à la propriété est encouragée par diverses mesures, tant sur le plan fédéral que dans notre canton.

Sur le plan fédéral:

1. La possibilité d'utiliser les fonds du deuxième pilier à titre de fonds propres ou pour garantir un prêt, en application de la loi fédérale sur l'encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

2. L'aide fédérale, instituée par la loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements, du 4 octobre 1974 (LCAP). En application de cette loi, la Confédération procure, cautionne ou accorde des prêts au candidat à l'accession à la propriété. Par ailleurs, afin d'abaisser les charges initiales du nouveau propriétaire à 5,3% (taux en vigueur aujourd'hui) du prix de revient ou d'acquisition du logement, elle lui procure des avances remboursables, appelées abaissement de base. En vue d'abaisser encore les charges du propriétaire, la Confédération peut verser, à certaines conditions, des abaissements supplémentaires. Ces avances-là ne sont remboursables que si le propriétaire revend l'objet dans les 25 ans en réalisant un bénéfice.

A Genève:

1. Le subventionnement de type HLM/PPE, introduit dans la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977 (LGL), permet de mettre l'acquéreur d'un appartement construit en propriété par étages au bénéfice d'une subvention fondée sur les normes HLM.

 Il est à relever que les abaissements supplémentaires prévus par la LCAP (voir ci-dessus) peuvent, à certaines conditions, être cumulés avec un subventionnement HLM/PPE.

2. La loi encourageant l'accession à la propriété par l'épargne-logement, du 26 septembre 1969, qui a pour but d'aider les candidats à la propriété individuelle à constituer un livret d'épargne-logement auprès d'un établissement agréé en leur ouvrant un compte de primes auprès de la caisse de l'Etat et en leur accordant des facilités fiscales, sous forme d'exonération de l'impôt sur le revenu net et la fortune nette afférente au logement acquis au bénéfice de cette loi, ainsi que de l'impôt immobilier complémentaire.

 Cette loi autorise également l'Etat à se porter caution simple pour une durée maximum de 10 ans et jusqu'à concurrence de 20% de la valeur de gage du logement.

Au vu de l'existence de toutes ces aides, l'on pourrait être tenté de penser qu'il n'est pas nécessaire de compléter le système par une nouvelle forme d'encouragement à l'accession à la propriété. Tel est pourtant bien le cas. En effet, le bilan de la mise en oeuvre des aides présentées ci-dessus démontre leur insuffisance.

Il a été constaté que les fonds du deuxième pilier gérés à Genève étaient trop souvent mis à contribution par des frontaliers pour acquérir leur logement en France voisine. Par ailleurs, les montants disponibles pour les jeunes couples de la classe moyenne intéressés par l'acquisition de leur logement lorsqu'ils envisagent d'avoir des enfants est généralement insuffisant pour leur permettre d'atteindre les 20% de fonds propres exigés par les établissements bancaires.

Les effets de l'aide fédérale sont limités puisque seuls 59 propriétaires individuels en bénéficient actuellement. Cela est probablement dû à la méconnaissance de cette loi fédérale par les accédants potentiels genevois et par le peu d'information promotionnelle qui en a été faite dans notre canton.

Quant aux HLM/PPE, il n'en a été construit que très peu (environ 90 logements). Le nombre de ménages qui peuvent bénéficier de ce régime est réduit, puisqu'il ne faut pas que leur revenu dépasse un certain niveau mais qu'il faut malgré tout que ces ménages disposent de fonds propres suffisants.

Enfin, la loi encourageant l'accession à la propriété par l'épargne-logement est pratiquement restée lettre morte. Le nombre de logements au bénéfice de cette loi s'élevait à 38 en 1989, 43 en 1990, 35 en 1991, 20 en 1992 et 16 en 1993. Les raisons de cette situation résident principalement dans une information inexistante, dans une participation insuffisante de l'Etat (600 F et 300 F par an respectivement pour un titulaire du compte majeur ou mineur) et dans le montant annuel maximum des versements autorisés, de 6 000 F, respectivement 3 000 F, beaucoup trop bas par rapport au niveau des prix actuels.

Il découle de ce qui précède que la création d'un nouvel instrument réellement incitatif est nécessaire. Celui qui fait l'objet du présent projet de loi, soit l'aide à la propriété individuelle ou aide cantonale, s'inspire largement de l'aide fédérale instituée par la LCAP et est adapté à la réalité économique genevoise.

Par rapport aux aides au logement traditionnellement pratiquées à Genève, l'aide à la propriété individuelle instituée par le présent projet de loi est entièrement originale dans la mesure où l'Etat en demandera le remboursement à ses bénéficiaires.

L'objectif visé est de permettre l'acquisition, par 250 personnes par année si possible, de logements d'un prix moyen d'environ 500 000 F. C'est en fonction de ce chiffre que les montants cautionnés (100 000 000 F) ou avancés (5 000 000 F) par l'Etat ont été déterminés.

Voici un bref commentaire article par article du projet.

Article 1

L'aide cantonale instituée par la présente loi est destinée à ceux qui n'ont pas de fortune personnelle leur permettant d'investir les fonds propres généralement exigés par les banques au moment de l'octroi d'un prêt hypothécaire, soit, généralement, 20% du montant total du prix. Le projet ne pose en revanche aucune limite de revenu maximum.

L'Etat de Genève n'est pas seul mis à contribution par le projet de loi. Celui-ci prévoit expressément l'intervention des communes. En effet, il est souhaitable de permettre aux communes qui en ont les moyens et qui le désirent d'encourager l'accession à la propriété de ménages sur leur territoire. Cela leur permettra de sédentariser de «bons» contribuables.

Article 3

Le cumul d'aides diverses, de droit cantonal ou fédéral, est autorisé par le projet. En ce qui concerne la LGL, seul serait actuellement possible le cumul avec le système HLM/PPE.

Article 5

Les conditions que le logement mis au bénéfice de la loi doit remplir sont calquées sur celles de la loi encourageant l'accession à la propriété par l'épargne-logement. L'exigence de l'occupation effective du logement par le bénéficiaire de l'aide n'est toutefois pas limitée à 5 ans. Des motifs de dérogation à l'exigence de l'occupation effective pourront être prévus par le règlement. L'on pense en particulier à des motifs liés à une absence temporaire de Genève, pour des raisons professionnelles ou de santé.

Le logement ne doit répondre à aucune norme technique particulière. Il suffit qu'il soit au bénéfice d'une autorisation de construire. Il peut s'agir d'un logement neuf ou d'occasion.

Article 6

Cette disposition est inspirée de la LCAP. Il s'agit de garantir, autant que faire se peut, que le logement mis au bénéfice de l'aide cantonale demeure affecté à l'habitation principale du bénéficiaire et de déterminer à quelles conditions le logement en question peut être aliéné.

Article 7

L'aide au financement de l'investissement initial prend deux formes. D'une part, l'Etat et les communes qui le veulent, comme la Confédération, cautionnent des prêts hypothécaires à concurrence de 90% du coût de revient du logement. D'autre part, ils peuvent accorder eux-mêmes des prêts lorsqu'un resserrement du marché des capitaux rend le financement difficile, soit lorsque le taux de l'intérêt hypothécaire devient prohibitif ou que le crédit bancaire devient insuffisant.

Article 8

Le propriétaire mis au bénéfice d'un cautionnement ou d'un prêt de l'Etat ou d'une commune doit fournir des sûretés convenables permettant de garantir le payement des intérêts hypothécaires et l'amortissement des hypothèques de rang inférieur (art. 9, al. 2) dans un délai de 25 ans. Sauf circonstances particulières, le logement ou les droits cités à l'article 1, alinéa 2, constituent de telles garanties lorsqu'ils sont correctement gagés.

Article 9

Il appartiendra au règlement de déterminer la quotité de l'aide. A titre d'élément de référence, indiquons que l'aide fédérale, actuellement, allège de 22% environ le budget de l'accédant, pendant sa première année de propriété. Elle abaisse ainsi de 6,8% à 5,3% du prix d'acquisition du logement les intérêts et amortissements hypothécaires ainsi que les charges d'exploitation du logement.

C'est précisément cet abaissement (abaissement de base en aide fédérale) qui devra être remboursé en capital et en intérêts à la collectivité publique qui l'aura octroyé. Le taux d'intérêt sur les avances ne devrait pas être inférieur à celui pratiqué par la Banque cantonale de Genève en matière d'hypothèques de 1er rang sur les immeubles locatifs.

Article 10

L'article 5, lettre d, prévoit l'obligation de faire agréer un plan financier d'acquisition par l'autorité compétente. Les remboursements fixés dans ce plan constituent un minimum. Le propriétaire devra être autorisé à effectuer librement un remboursement anticipé en tout temps, sans pénalités (art. 7,al. 2 et 9, al. 3).

Si le projet de loi ne prévoit pas de limites de revenu maximum (voir commentaire ad art. 1), l'autorité doit s'assurer que le candidat à la propriété individuelle dispose de revenus suffisants pour assumer ses charges initiales.

Article 12

Les aides prévues par le présent projet de loi n'impliquent pas de dépenses, mais seulement des avances de trésorerie. Ainsi, l'article 12 instaure une obligation de l'Etat d'accorder son cautionnement et des avances remboursables lorsque les montants qui y figurent ne sont pas atteints et lorsque les dispositions de la loi et de son règlement sont respectées. Le pouvoir discrétionnaire dont l'Etat dispose dans le cadre de l'application de la LGL pour l'octroi de subventions à fonds perdus n'a ici pas de justification.

Cette disposition n'est pas applicable aux communes qui décideraient de faire usage de la présente loi. Les communes détermineront, dans le cadre de leur budget, les moyens financiers qu'elles entendent allouer à l'aide à l'accession à la propriété.

Article 13

La présente loi se veut être une loi-cadre. De larges compétences sont laissées au Conseil d'Etat pour réglementer en détail la mise en oeuvre de la loi.

L'aide cantonale à la propriété individuelle constitue un nouvel élément de l'édifice légal destiné à favoriser l'accession à la propriété. Comme les autres aides existantes et citées ci-avant, elle vise à faciliter le financement de l'acquisition d'un logement. Elle est toutefois adaptée à la réalité économique de notre canton et aux besoins des Genevois. Elle devrait constituer un instrument de nature à porter à Genève, dans les meilleurs délais, le taux de propriétaires à 20%.

C'est pour les raisons qui précèdent que nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à l'aide à la propriété individuelle.

Préconsultation

M. Thomas Büchi (R). L'accession à la propriété à Genève n'est plus valorisée depuis de nombreuses années. Pour preuve 30% des Suisses sont propriétaires de leur logement contre 13,8% des Genevois seulement. L'un des fondements de base d'une société qui se veut libre est que les hommes puissent disposer et gérer leur logement comme ils l'entendent.

L'article 34 de notre Constitution fédérale le prévoit d'ailleurs, puisqu'il encourage l'accès à la propriété individuelle. Le groupe radical pense qu'il est urgent de rétablir un équilibre plus sain entre ces pourcentages dans notre canton et de se rapprocher de la moyenne suisse.

Ce projet de loi qui s'inspire beaucoup des critères établis par l'aide fédérale devrait avoir un caractère incitatif pour que les Genevois osent à nouveau se lancer dans l'acquisition d'un logement qui - je le rappelle - doit être un droit fondamental.

Certains aspects doivent encore être examinés et approfondis. Il faut donc renvoyer le projet de loi 7437 à la commission du logement. Une fois voté, il sera très profitable à la population, puisqu'il permettra à beaucoup de gens d'être moins dépendants des autres.

M. Laurent Moutinot (S). Le parti socialiste n'est pas opposé à l'accession à la propriété, et, donc, il approuve le fait que des mesures soient prises pour favoriser cette accession. Cependant, en période de difficultés financières, l'Etat doit respecter des priorités et ne dépenser les deniers publics qu'en faveur de ceux qui en ont manifestement le plus besoin.

Je ferai quelques brèves remarques sur le projet qui nous est soumis. Le premier point - positif - de ce projet de loi est qu'il évite le système des avances à fonds perdu, puisqu'il prévoit un système d'avances remboursables et de cautionnements. Toutefois, on ne parle pas du coût de ce projet pour la collectivité publique. En l'état, il demeure plein d'imprécisions.

Dans la loi, on ne trouve aucune définition des conditions relatives aux bénéficiaires de ladite loi - quelle devra être leur situation de fortune ou de revenu ? - ni aucune définition du plan financier des bénéficiaires - dans quelle mesure pourront-ils bénéficier de l'aide ? - pas plus qu'une évaluation de l'impact qu'auront ces mesures.

Je ne suis pas convaincu que l'adoption d'une loi transforme la population genevoise, en admettant que ce soit souhaitable, en propriétaires. L'impact sera forcément limité. D'ailleurs, j'observe avec une certaine ironie la contradiction existant entre le fait d'affirmer que le statut de propriétaire est un statut responsable et que, parallèlement, on entoure le malheureux propriétaire de tout un arsenal législatif destiné à l'aider ! De deux choses l'une, soit le propriétaire est responsable soit il ne l'est pas. Comment peut-on vouloir, à la fois, sa liberté et une loi de plus en la matière ?

Le projet de loi dont on nous dit qu'il s'harmonise fort bien avec les dispositions fédérales en la matière posera des problèmes, malgré tout, car pour une seule opération celui qui entendra bénéficier de l'ensemble des dispositions se trouvera face à un arsenal législatif incroyable. La complexité du sujet fait que l'on court le risque, une fois de plus, que ce projet de loi ne serve à rien.

Nous reprendrons tout cela en commission. Vous l'avez compris, nous sommes peu enthousiastes face à ce projet de loi, mais ne formulons pas d'objection quant à son étude.

M. Jean Opériol (PDC). Notre groupe souhaite le renvoi de ce projet de loi à la commission du logement. L'originalité de ce projet se situe sur le plan cantonal, car, comme vient de le dire M. Moutinot, il reprend l'esprit de la loi sur l'aide fédérale à la propriété. Je rappelle que cette loi, en vigueur depuis 1974 dans tous les cantons, sauf le nôtre, rencontre un vif succès.

A l'heure où les finances de l'Etat sont ce qu'elles sont, ce projet est un pari sur le fait de concilier l'accession à la propriété au moment où l'Etat n'en a théoriquement pas les moyens. Ce projet de loi appelle donc une contribution de l'Etat qui n'est pas à fonds perdu, mais remboursable avec intérêt.

Il s'adresse principalement à de jeunes couples dont les revenus sont établis et en rapport avec le prix de leur appartement, mais dont les fonds propres seront jugés insuffisants pour l'accession à la propriété. L'Etat leur apportera une aide en cautionnant leur emprunt hypothécaire.

Ce projet est original dans le sens où il propose que les communes soient associées à l'aide que l'Etat apportera aux candidats à la propriété. J'ai pu vérifier que bien des communes sont intéressées à garder, en tant qu'«accédants» à la propriété, des catégories d'habitants fiscalement intéressants.

Enfin, on peut faire confiance à ce qui s'est passé sur le plan national. L'aide fédérale fonctionne parfaitement bien depuis 1974, avec beaucoup de succès et de satisfaction pour ceux qui en bénéficient, et on ne voit vraiment pas les raisons pour lesquelles - étant reprise aux plans cantonal et communal - cette loi n'aurait pas le même succès chez nous. Je vous remercie de renvoyer ce projet de loi à la commission du logement.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Il est exact que nous nous trouvons dans le pays qui a le moins de propriétaires, notre canton étant le dernier de Suisse avec un taux de 13,8%.

Si nous pouvions arriver au taux de 20% et réaliser ce changement sur une dizaine d'années, cela représenterait environ 700 millions injectés dans l'économie de ce canton, grâce aux décisions de ceux qui entendent accéder à la propriété. Je songe, en particulier, à l'accès à la propriété pour la classe moyenne. Il s'agit d'un acte social, comme dans les pays nordiques où l'on a bien compris et agi pour créer le cadre le plus approprié à sa réalisation.

Le département fera un certain nombre de propositions allant dans ce sens. Toutefois, nous avons à disposition des instruments que nous n'utilisons pas suffisamment, comme l'épargne-logement qui a été oubliée et n'a pas été adaptée depuis un certain nombre d'années, alors que cette proposition n'était pas inintéressante. La PPE/HLM est plus limitée, compte tenu des modifications sur les barèmes, mais, là encore, j'espère que nous aurons quelque succès, même si vous avez dit ne pas imaginer que la PPE/HCM puisse être envisagée.

Nous avons besoin de quelques grands projets, quelques grands axes sur lesquels nous mènerons des actions qui modifieront la situation économique de ce canton. En ce sens, ce projet est intéressant. Les investissements de ce type ne nous laissent pas indifférents. Ce projet est donc accueilli avec intérêt. Nous pourrons le compléter et l'adapter en commission pour lui donner sa pleine efficacité tout en ménageant les deniers de l'Etat.

M. Christian Ferrazino (AdG). Permettez-moi de vous dire, Monsieur Haegi, que cette loi ne transformera pas la population genevoise en un peuple de propriétaires. Si, pour reprendre vos propos, l'accès à la propriété constitue un acte social majeur cela ne doit pas vous faire oublier que la pénurie de logements à Genève, malgré la détente relative que l'on connaît pour les petits logements à loyer abordable, existe toujours.

A Genève, on constate que les loyers sont les plus chers de Suisse. Par conséquent, la charge que représente le loyer pour les familles est de plus en plus lourde et devient insupportable pour les revenus les plus modestes.

Vous savez mieux que quiconque, Monsieur Haegi, que les montants de l'allocation-logement ont explosé ces dernières années portant la somme à environ 20 millions par année. Il ne s'agit pas d'un hasard si la liste des personnes inscrites à l'office du logement social, la plupart du temps à la recherche d'un logement meilleur marché, s'élève encore à presque quatre mille personnes après l'épuration des fichiers de cet office.

Trouver un logement à Genève est un exercice des plus difficiles, surtout s'il s'agit d'un logement à loyer abordable. Cette difficulté va encore s'accroître avec l'augmentation de notre population et le manque de nouveaux logements mis sur le marché. Si un effort tout particulier n'est pas fait pour la construction de logements sociaux, la situation de pénurie que nous connaissons aujourd'hui s'accentuera pour devenir une situation de crise.

Nous savons que les finances publiques limitées exigent que l'on cible au mieux l'effort de l'Etat en matière de politique sociale du logement. On pourrait s'attendre à ce que cet effort intervienne avant tout en faveur de celles et ceux qui sont les moins bien lotis, et non en faveur des nantis.

Monsieur Haegi, vous aviez déjà déposé un projet de loi, dont vous avez brièvement rappelé l'existence, sur l'accession à la propriété HCM. Ce projet de loi a été considéré comme une provocation par de nombreux députés et de nombreuses associations. J'avais cru comprendre, suite aux observations qui avaient été formulées, que vous y aviez renoncé. Votre intervention me fait penser le contraire, car vous n'êtes plus aussi catégorique à ce sujet. Votre projet de loi, sauf erreur, dort dans les tiroirs de la commission du logement. Il faut dire que celui de l'Entente et de M. Hiler est moins provocateur que le vôtre, puisque, comme l'a rappelé M. Moutinot tout à l'heure, il est basé sur le modèle de l'aide fédérale de la loi de 1974.

Toutefois, ce projet de loi pourrait avoir des effets pervers et conduire à aider des nantis au détriment de familles défavorisées, puisqu'il permettra de supprimer des logements bon marché destinés à des familles aux revenus modestes du parc locatif actuel pour les vendre, avec l'aide de l'Etat, à des familles qui auront les moyens de les acheter.

L'aide cantonale, sous quelque forme que ce soit, ne doit pas être utilisée pour déloger des locataires, mais devrait être destinée à l'acquisition de nouveaux logements. Et cela créerait des emplois. Comme l'a relevé M. Moutinot, les dispositions sont tellement générales et vagues qu'elles permettent de faire un peu tout et n'importe quoi, pour n'importe qui. Ces dispositions ne fixent pas de limites de revenus.

Les auteurs de ce projet de loi se sont interrogés sur le fait qu'il ne fallait pas accorder d'aide à des gens qui auraient de trop faibles revenus car, bien entendu, ces derniers ne pourront plus faire face à la charge financière que représente pour eux l'acquisition d'un logement. C'est dire, Monsieur Haegi, qu'en relevant cela vous convenez que ce n'est pas avec une loi que vous ferez des Genevois un peuple de propriétaires.

Mais encore faut-il avoir les moyens d'acquérir son logement. Vous souriez en disant : «Très bien !». Vous connaissez le nombre de chômeurs ? Quand vous parliez de 13,8% à 20%, je me demandais si vous faisiez allusion au nombre des chômeurs à Genève. Avec la politique que vous menez, on y arrivera très rapidement ! (Brouhaha.) Cela m'étonne que M. Vaucher ne soit pas encore intervenu !

Ce projet cantonal étant, en quelque sorte, calqué sur la loi fédérale de 1974, n'oubliez pas que l'Etat peut être appelé en garantie, puisqu'il donne sa caution. La presse alémanique a révélé une trentaine de cas litigieux en Suisse allemande, cas représentant des dizaines de millions pour lesquels la garantie de la Confédération pourrait être demandée. Ce risque serait réel à Genève si l'Etat devait accorder des aides remboursables à des gens qui, par la suite, ne pourraient plus les rembourser. Sa garantie serait alors requise. L'expérience précitée devrait nous rendre plus prudents et, par conséquent, nous amener à nuancer les déclarations de M. Haegi.

M. David Hiler (Ve). Je désire situer ce projet à partir de trois points de vue différents. Le premier est celui des bénéficiaires. Soyons tout à fait précis : ces bénéficiaires sont plus ou moins les mêmes, socialement parlant, que ceux qui peuvent, aujourd'hui, retirer leur deuxième pilier pour financer un accès à la propriété. Le problème est que, bien souvent - et je me permets de trouver cela navrant pour les jeunes couples - la LPP devient suffisante lorsque les enfants ont déjà grandi. A ce moment-là, l'envie de devenir propriétaire diminue. Or, ce type de projet vise des gens jeunes qui n'ont pas pu accumuler les fonds nécessaires. Il contient une restriction très nette. Si M. Ferrazino ne l'a pas vue, c'est qu'il n'a pas voulu la voir. Cette aide s'adresse aux personnes n'ayant pas les fonds propres nécessaires, c'est-à-dire sans fortune. C'est sur ce point précis que nous aimerions les aider. Ce sont des couples ayant des revenus à terme qui suffisent à payer un loyer d'achat de 2 000 à 2 500 F par mois.

Le deuxième point de vue est celui des investisseurs. Actuellement, on entend partout cette litanie : «Il n'y a pas d'investisseurs à Genève !». Nous considérons que c'est une grande chance, car cela peut favoriser deux choses : d'une part, l'accès à la propriété pour ceux qui le souhaitent et, d'autre part, l'encouragement au développement des coopératives où nous avons pris un retard affligeant par rapport à la Suisse alémanique.

De ce point de vue, ce projet de loi, qui a une portée limitée, apporte une contribution.

Le troisième point de vue est celui des locataires, dont la protection est passée pour l'essentiel, à Genève, par des mesures juridiques. Il s'agissait donc de rétablir l'équilibre d'un marché, injuste par définition, au moyen de mesures légales. Ailleurs, en Europe du Nord et en Suisse alémanique, on a procédé différemment, en encourageant simultanément les coopératives d'habitation et l'accès à la propriété qui sont deux manières de rendre aux gens ce qu'ils utilisent journellement : leur logement. La solution genevoise d'un très fort subventionnement, lié à des mesures législatives extrêmement sévères, est dangereuse à long terme. On le voit déjà aujourd'hui, car on n'arrive plus à maintenir artificiellement une demande solvable pour les logements construits.

De ce point de vue, il nous paraît tout à fait clair que la priorité d'une politique du logement doit passer par les HBM, par la coopérative d'habitation, et aussi par l'accès à la propriété pour une part assez importante de la classe moyenne. C'est seulement de cette manière que le logement changera de main et qu'il ne sera plus concentré dans les mains de quelques privilégiés. Je rappelle à M. Ferrazino que la notion de capitalisme signifie simplement qu'un certain nombre de gens concentrent des capitaux et que le but d'une loi sur l'accession à la propriété est, en principe, de déconcentrer cette dernière.

Ce projet de loi est loin d'être parfait, et j'en suis conscient. A mon avis, il valait la peine de le signer, et c'est pour cela que je l'ai fait, engageant mon groupe par cet acte. Il me semblait nécessaire d'aller de l'avant en matière d'aides remboursables. Mais d'ores et déjà j'avise l'Entente et M. Haegi que si le projet HCM/PPE devait ressortir du tiroir, nous nous joindrions au référendum pour le combattre.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Concernant la PPE/HCM, je désire relever qu'il s'agit d'octroyer une aide à des gens de la même catégorie sociale que ceux pouvant en bénéficier lorsqu'ils sont locataires. Je n'arrive pas à comprendre comment vous pouvez accepter que l'on accorde une aide à une personne qui a choisi un statut de locataire et qu'on prive une autre personne, dont le revenu est le même, de cette aide parce qu'elle choisit d'investir dans un logement, alors que, ce faisant, elle apporte une contribution à l'économie dans son ensemble. Il faudrait relever cette injustice, si l'on est tant soit peu équitable, ou alors limiter l'aide et supprimer la catégorie HCM. On s'est rendu compte de l'erreur que nous aurions commise en le faisant.

Messieurs Hiler et Ferrazino, j'ai bien compris votre signe politique. Monsieur Hiler, vous m'avez dit une fois que je devais mieux cultiver le dialogue pour arriver à des consensus qui nous permettent de progresser et m'inspirer de certaines méthodes que vous m'aviez citées en commission. Je vous ai écouté, et c'est la raison pour laquelle j'ai «levé le pied» sur la PPE/HCM, si vous me passez l'expression, en attendant avec intérêt les propositions telles celles soumises ce soir pour parvenir à un consensus qui nous permette d'imaginer une propriété accessible à une certaine catégorie sociale.

M. Ferrazino a dit que l'Etat courrait des risques s'il donnait des garanties. Il faudra mesurer ces risques, et, pour m'être déjà livré à cet exercice, je pense qu'ils sont raisonnables et qu'ils nous permettront d'atteindre les objectifs intéressants soulignés par M. Hiler. De toute façon, d'après ce qui s'est dit ce soir, je note qu'à travers et grâce à ce projet de loi nous sommes parvenus tout de même à dialoguer un peu différemment sur le sujet.

En continuant à construire si peu, nous aurons de grandes difficultés dans les années à venir. Reconnaissez que ces difficultés ne concernent pas une catégorie mais plusieurs. Votre collègue a donc raison de dire que nous devons nous occuper de l'ensemble de ces catégories.

Aujourd'hui, nous prenons du retard dans le domaine de la construction. C'est préoccupant pour une des catégories sociales que vous avez évoquées, mais aussi d'une manière plus globale. En ce qui concerne les coopératives, je note, Monsieur Hiler, un regain d'intérêt et des proposition intéressantes. Des projets démarrent dans le domaine coopératif, en liaison avec la LGL. Ainsi parvient-on à concrétiser un certain nombre de projets dans le sens que vous souhaitez.

Ce projet est renvoyé à la commission du logement. 

La séance est levée à 19 h 15.