Séance du jeudi 9 mai 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 6e session - 17e séance

P 1081-A
12. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition «Rue des Deux-Ponts : Halte aux nuisances». ( -)P1081
Rapport de majorité de M. Bernard Lescaze (R), commission des pétitions
Rapport de minorité de Mme Evelyne Strubin (AG), commission des pétitions

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La commission des pétitions, sous la présidence de Mme Janine Hagmann, a traité de la pétition susmentionnée lors de ses séances du 11 décembre 1995, où elle a reçu une délégation des pétitionnaires, du 18 décembre 1995 et du 15 janvier 1996, durant lesquelles elle a auditionné M. Freddy Wittwer, directeur de l'OTC.

1. Le texte de la pétition

Adressée à la fois au Grand Conseil et au Conseil municipal de la Ville de Genève, la pétition avait le contenu suivant:

(P 1081)

PÉTITION

Rue des Deux-Ponts: Halte aux nuisances

Plus de 46 000 véhicules empruntent la rue des Deux-Ponts chaque jour, et cela sur une chaussée d'une vingtaine de mètres de large !

Deux trottoirs de moins de 1 m 50 bordent cet axe, donnant accès à des immeubles locatifs pourvus en grande majorité de logements pour familles.

Le bruit atteint 76 décibels durant la journée. C'est la rue la plus bruyante de Genève. Une palme décernée par le service d'écotoxicologie cantonal.

De plus, suite à l'ouverture de l'autoroute de contournement de Plan-les-Ouates en juin 1997, on peut craindre un très fort accroissement de la circulation à la rue des Deux-Ponts via l'autoroute des Jeunes.

Des mesures de modération de trafic, telles que élargissement des trottoirs (principalement aux arrêts de transports publics), pistes cyclables, ralentisseurs, diminution de la vitesse avec synchronisation des feux, radars, doivent être prises pour faire descendre le niveau de bruit en dessous de 60 décibels pour redonner une qualité de vie minimum aux habitants, comme prévu dans le plan «Circulation 2000». Le rond-point de la Jonction doit être également réaménagé. De nombreux enfants habitent la pointe de la Jonction et doivent emprunter ce carrefour extrêmement dangereux pour se rendre dans les écoles du quartier. Un passage pour piétons supplémentaire à l'arrêt du bus direction Onex est une mesure de sécurité indispensable.

Les soussignés demandent aux autorités compétentes d'accepter ces propositions et de mettre tout en oeuvre pour que ces mesures soient prises le plus rapidement possible !

Associations soutenant cette pétition: Conseil Quartier Enfants et Conseil de Quartier provisoire de la Jonction - Association des parents d'élèves Jonction - Association des habitants de la Jonction - La Ludothèque - La Maison du quartier de la Jonction - Trois écoles primaires du quartier - Les magasins du monde - CRAC - ASPIC - ATE - UGP - Le 3e optimiste - Club des Aînés de la Jonction - Les équipes du Parascolaire du quartier.

N.B. : 830 signatures

Maison de quartier de la Jonction

Avenue Sainte-Clotilde 18 bis1205 Genève

2. Audition des pétitionnaires

Le 11 décembre 1995, la commission a reçu Mmes Rouiller et Libois ainsi que M. Schweri, au nom des pétitionnaires.

Un document est distribué aux commissaires (voir annexe), accompagné d'un plan.

Les pétitionnaires soulignent que la rue des Deux-Ponts, qui relie le pont de Saint-Georges au pont Sous-Terre, étroite et bordée d'habitations, doit supporter un trafic considérable, soit 40 000 véhicules dans un sens, 30 000 dans l'autre. Les habitants mettent beaucoup d'espoir dans le plan «Circulation 2000», selon lequel leur rue deviendrait «secondaire».

Les pétitionnaires ne se sont pas contentés d'adresser leur pétition aux autorités compétentes. Ils ont entrepris un certain nombre de démarches auprès du service d'aménagement de la Ville, dont le responsable, M. Philippe Gfeller, les aurait encouragés à déposer leur pétition, pour lui demander des déviations de trafic. Le directeur technique de l'office des transports et de la circulation (OTC), M. Gesseney, les a également appuyés dans la poursuite de leur action. Enfin, au niveau du bruit, le laboratoire ECOTOX leur a confirmé que la rue des Deux-Ponts pouvait être considérée comme une zone d'alarme avec 75 décibels la journée et 70 la nuit, soit nettement au-dessus des normes fédérales. Au niveau de la pollution atmosphérique, la situation peut aussi être considérée comme sinistrée. Toutefois, les habitants mettent beaucoup d'espoir dans d'éventuelles subventions fédérales que pourrait obtenir le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales pour l'exécution des mesures à prendre afin de respecter l'ordonnance fédérale OPair.

Pour les représentants des pétitionnaires, l'idéal serait de dévier le trafic par le Pont-Butin et sur le pourtour de Plainpalais par le boulevard du Pont-d'Arve.

L'une des pétitionnaires exprime son malaise de ne pas pouvoir ouvrir les fenêtres pour manger ou dormir. L'étroitesse des trottoirs fait que le bruit et le déplacement d'air provoqués par les poids lourds ou les buts sont particulièrement pénibles. La pluie et les poubelles rendent la situation infernale. Un autre pétitionnaire souligne la difficulté de traverser le carrefour, qui coupe le quartier en deux !

Face aux questions des commissaires, les pétitionnaires estiment que, malgré l'autoroute de contournement, la situation s'est aggravée et que d'autres quartiers de la ville bénéficiant de bas loyers, comme à la rue des Deux-Ponts, ont moins de nuisances. Il est fait remarquer que, dans «Circulation 2000», la rue des Deux-Ponts reste une pénétrante et que le trafic des transports publics restera important. Pour les pétitionnaires, il conviendrait d'élargir les trottoirs, de créer un passage pour piétons supplémentaire et de diminuer de façon importante le trafic automobile. Ils souhaiteraient que les gens venant d'Onex ou du Petit-Lancy tournent rue François-Dussaud ou prennent le quai Ernest-Ansermet afin d'éviter la rue des Deux-Ponts, ce qui devrait ainsi supprimer tout transit.

Les pétitionnaires ne pensent pas que le départ des Services industriels, pour Châtelaine ait changé quoi que ce soit puisque les projets prévus pour la parcelle comportant également des bureaux, une école et des logements. En revanche, ils insistent sur le fait qu'à leur avis, comme à celui de l'OTC, les aménagements pour l'amélioration de l'air et de la pollution pourraient être directement financés par Berne.

3. Audition de M. Freddy Wittwer, directeur de l'OTC

Ayant pris connaissance des doléances exprimées par les pétitionnaires, le directeur de l'OTC admet qu'en matière de pollution sonore les valeurs d'alarme de 70 décibels sont dépassées dans ce cas. Trois possibilités d'assainissement existent. Pour atténuer les nuisances lors de l'émission du bruit, on peut diminuer le trafic et la vitesse, car si les moteurs ne font plus beaucoup de bruit, les pneus, par contre, peuvent être fort bruyants, notamment en cas de pluie. On peut aussi mettre des doubles vitrages pour empêcher le bruit de pénétrer, comme construire des parois antibruit, ce qui ne paraît guère possible dans le cas précis.

En 1997, l'autoroute arrivera à 500 mètres de la rue des Deux-Ponts, et il faudra imposer une stricte limitation de vitesse, alors qu'il est prévu d'accroître le débit des voitures. A ce sujet, M. Freddy Wittwer précise qu'une limitation de la vitesse à 40 km/h permet de diviser par deux le bruit existant. Les meilleurs résultats obtenus le sont quand on remplace des signalisations lumineuses par des giratoires. Une étude est en cours pour la rue des Deux-Ponts, notamment à l'entrée du pont de Saint-Georges.

A plusieurs questions de commissaires sur les éventuels conseils prodigués par l'OTC en matière de détournement de trafic comme d'encouragement au dépôt de pétition, le directeur de l'OTC décline toute responsabilité.

Le directeur de l'OTC précise encore que le débit de véhicules est plus important à 40 km/h qu'à 60 km/h, contrairement à l'opinion commune. En effet, plus les véhicules roulent rapidement, plus l'espace entre eux est grand. Quant à l'utilisation des giratoires, il lui semble qu'elle est satisfaisante, car l'automobiliste genevois en a maintenant une bonne habitude.

Pour ce qui regarde l'élargissement du trottoir, M. Freddy Wittwer reste sceptique quant à la possibilité de l'élargir, conformément aux voeux des pétitionnaires, en raison de l'étroitesse de la rue et des quatre voies automobiles existantes. Il souligne que, selon le plan de trafic «Circulation 2000», la rue des Deux-Ponts reste un axe principal et qu'il n'a jamais été question d'en faire une rue de quartier. Il y a des axes primaires et des axes secondaires, et sur les axes secondaires, on donne priorité aux transports publics. La limitation à 40 km/h est prévue pour des questions de bruit et de pollution. On est assuré qu'une vitesse limitée donne une amélioration de la pollution sonore. En revanche, la question reste controversée entre les experts au niveau de la pollution de l'air.

Le directeur de l'OTC confirme par ailleurs que si la route devient secondaire, tout en restant axe de trafic, il y aura une onde verte installée par le pont Sous-terre jusqu'aux Charmilles afin de favoriser la fluidité du trafic, tant pour les véhicules privés que pour les transports publics. Quant aux feux pour piétons, ils seront maintenus, tels quels, le nouveau système garantissant aux personnes qui traversent une meilleure sécurité.

4. Discussion

Au cours de la discussion animée qui s'ensuit, il est constaté que le trafic en provenance d'Onex et du Petit-Lancy ne pourra pas être évité puisque la rue des Deux-Ponts est une pénétrante en ville. D'ailleurs, les nouveaux immeubles construits notamment au rond-point de la Jonction contiennent des appartements traversants et sont mieux isolés. Le problème se situe au niveau des anciens immeubles très bon marché, dont la population tourne beaucoup.

Le ralentissement du trafic à 40 km/h permettra une importante diminution de la pollution sonore (de moitié, selon le directeur de l'OTC). Par ailleurs, la majorité de la commission souligne que le détournement de trafic sur d'autres axes prétéritera ces autres axes, fondés ensuite à déposer d'autres pétitions.

Pour ces raisons, la majorité de la commission est favorable au dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Il appartient en effet aux autorités politiques de mettre en oeuvre le plan «Circulation 2000» et d'en mesurer les effets. Il convient ici de rappeler qu'il s'agit d'un plan d'ensemble et qu'il n'est pas possible d'en modifier une partie, quelle que soit la sympathie que l'on puisse avoir pour les revendications sectorielles des habitants d'une rue, sans se préoccuper des conséquences induites sur d'autres rues, voire d'autres quartiers.

Force est de constater que les pétitionnaires se leurrent en imaginant que l'application de «Circulation 2000» entraînera une diminution importante du trafic routier. L'OTC a été très clair à ce sujet. En revanche, les mesures de réduction des nuisances sonores et atmosphériques proposées par l'OTC paraissent tout à fait acceptables à la majorité de la commission.

Celle-ci ne pense pas que la situation géographique de la rue des Deux-Ponts puisse être modifiée par un coup de baguette magique. Assurément, il ne s'agit pas de la rue la plus conviviale de la cité, mais personne n'imagine cette artère comme le modèle d'une rue résidentielle. C'est pourquoi, pour ce qui regarde les demandes des pétitionnaires adressées à l'Etat, la majorité de la commission ne souhaite pas renvoyer la pétition au Conseil d'Etat. Il lui paraît, notamment à l'avis du rapporteur, que la pétition a une connotation nettement politique (et même politicienne) qui va bien au-delà des requêtes habituelles en matière de modération de trafic et de bruit et qu'en prétendant réclamer l'application de «Circulation 2000», on s'efforce en fait, par une interprétation extensive et douteuse, de remettre en question ce plan de trafic pour lui en substituer un autre qui conduirait à la proscription de la circulation automobile (hormis celle des habitants), à la rue des Deux-Ponts. Ce qui n'apparaît pas admissible, en l'état, à la majorité de la commission.

5. Conclusion

Pour ces motifs, la majorité de la commission des pétitions, par 8 voix pour (4 L, 2 DC, 2 R) contre 5 (2 AdG, 2 S, 1 Ve) vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1081 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

ANNEXE

«Rue des Deux-Ponts: Halte aux nuisances»

Situation

La rue des Deux-Ponts «accueillent» chaque jour sur son tronçon 40 000 véhicules dans un sens et 30 000 dans l'autre !

Or, cette rue est affectée à une zone dite «mixte», soit d'habitations et d'activités. Relevons que la rue des Deux-Ponts est à 95% composée d'habitations, les activités (commerces, artisans, etc.) se situant dans l'environnement proche.

La largeur de la rue, d'une vingtaine de mètres, ne peut contenir ce flot de voitures incessant, sans toucher les cotes d'alerte tant au niveau du bruit qu'au niveau de la pollution de l'air.

Au niveau du bruit: après une rencontre avec le responsable du secteur Bruit à ECOTOX (service d'écotoxicologie cantonal), nous avons appris ceci:

- le niveau limite de décibels acceptable selon les normes fédérales est de 60-65 décibels;

- à 65-70 décibels, nous sommes dans l'urgence d'assainissement;

- dès 70 décibels, nous sommes dans la zone alarme.

La rue des Deux-Ponts est à 75 décibels durant la journée et 70 décibels durant la nuit, ce qui est énorme ! La personne du service d'ECOTOX nous a parlé de zone sinistrée. Cette rue n'a pas une seule minute sans passages de voitures.

Au niveau de la pollution de l'air: l'ordonnance fédérale (OPair) demande au canton de prendre des mesures.

Aspects urbanistiques: plan «Circulation 2000»

Le plan «Circulation 2000» prévoit que la rue des Deux-Ponts devienne une rue «secondaire», c'est-à-dire que le trafic de transit sera découragé.

Les voitures de transit venant de la direction d'Onex seront:

- soit envoyées sur la rue François-Dussaud, puis le pont des Acacias ou direction La Plaine;

- soit sur la rampe Saint-Georges en direction du pont Butin. (Voir plan: «Circulation 2000», OTC.)

En compensation, cette rue de réseau secondaire laissera plus de place aux TPG, aux piétons et aux cyclistes.

La rue des Deux-Ponts retrouvera son visage de rue, laissant son visage fatigué de route à grand trafic !

Aspects qualité de vie

- Cette artère coupe le quartier en deux, isolant considérablement les habitants de la pointe de la Jonction. Ceux-ci sont en majorité des étrangers ou des jeunes (loyers modérés), populations déjà minorisées en terme d'intégration !

- Le bruit (75 décibels, cote d'alarme) est un véritable mur antisocial. Il isole et provoque des comportements agressifs (hurler pour se faire entendre).

- La rue des Deux-Ponts est une rue entourée d'immeuble locatifs, abritant en majorité des familles et des personnes âgées. Les conditions de vie sont très difficiles et dangereuses, spécialement pour les enfants. Impossibilité de sortir de chez soi sans se faire agresser par le flux de circulation.

- L'étroitesse des trottoirs rend la population extrêmement tendue, un seul faux pas pouvant être fatal ! Les contacts entre habitants sont, de fait, pratiquement impossibles, la peur, la tension et le bruit coupant toute possibilité de discussion.

- Les arrêts de bus sont surchargés et les usagers ne peuvent se frayer un chemin qu'en poussant des coudes.

- Le rond-point est le carrefour le plus long à traverser pour les piétons en ville de Genève.

- Ce carrefour dangereux est très utilisé par les enfants, car il n'y a pas d'école primaire à la pointe de la Jonction. Seul un nouvel aménagement complet pourrait parer à cette situation (Elargissement des trottoirs + coordination des feux avec priorité aux piétons).

En conclusion

Les habitants et associations signataires de la pétition demandent:

- la réduction du trafic routier par un changement d'affectation de zone: passage en zone secondaire, enlevant le trafic de transit;

- que la Ville de Genève prennent en compte les projets d'aménagement de ce tronçon. Un architecte (M. Jacot-Descombes) avait été mandaté pour travailler sur l'aménagement du rond-point, qu'en-est-il de ce projet ?

- que la Ville informe les habitants et associations du quartier via le Conseil du quartier des études en cours, suffisamment tôt pour que celles-ci puissent réagir et donner leur avis;

- que la Ville appuie le projet «Circulation 2000» et fasse pression pour que l'Etat tienne ses engagements. Selon les normes fédérales, AIR-BRUIT, le département de M. le conseiller d'Etat Haegi (environnement) peut obtenir les 40% des frais d'aménagement, pris en charge par la confédération.

(980 signatures)

RAPPORT DE LA MINORITÉ

En date du 14 septembre 1995, le Grand Conseil recevait la pétition 1081, qui était également adressée au conseil municipal de la Ville de Genève. Soutenue par de nombreuses associations, clubs, conseils de quartier et écoles (voir texte de la pétition), cette pétition fut renvoyée à la commission des pétitions.

Travaux de la commission

La commission des pétitions traita la pétition 1081 durant les séances des 11 et 18 décembre 1995, puis le 15 janvier 1996, sous la présidence deMme Janine Hagmann. La commission décida de traiter cette pétition et procéda aux auditions suivantes:

Audition des pétitionnaires

Mme Libois, membre du Conseil de quartier de la Jonction, Mme Rouiller, habitante du quartier, M. Schweri, membre du comité de gestion, travaillant dans le quartier

Mme Libois donne aux commissaires un document exposant la situation et précise que la rue et le trottoir, rue des Deux-Ponts, sont très étroits et bordés d'habitations.

La circulation, très abondante, a pu être chiffrée à 40 000 véhicules dans un sens et 30 000 dans l'autre. Elle dit que dans le plan «Circulation 2000», cette rue passera d'un statut prioritaire à un statut secondaire et rappelle qu'il s'agit d'une zone mixte d'habitations et de commerces, où les appartements de 4 à 5 pièces, à loyers généralement modérés, sont habités par des familles à revenus modestes.

Mme Libois explique quelles sont les démarches entreprises par les pétitionnaires avant le recueil des signatures. Soit une rencontre avec M. Gfeller, du service de l'aménagement de la Ville, à qui ils ont demandé des déviations de trafic, et une rencontre avec M. Gesseney, de l'OTC, qui les a encouragés à poursuivre leur action. Ils ont également reçu une confirmation d'ECOTOX, concernant la situation alarmante au niveau du bruit: 76 décibels de jour et 70 de nuit, ce qui est nettement au-dessus des normes fédérales. A propos de l'air, ils n'ont pas obtenu les chiffres, mais ils savent que la zone est considérée comme sinistrée et, connaissant l'ordonnance fédérale OPair, qui demande aux cantons de prendre des mesures, ils pensent que M. Haegi pourrait obtenir des subventions pour intervenir. Selon Mme Rouiller, après la réalisation du plan «Circulation 2000», la rue des Deux-Ponts devrait avoir une baisse de trafic de 40%.

Mme Rouiller, quant à elle, trouve très difficile d'habiter dans ce quartier, que pourtant elle aime. Elle relève l'impossibilité d'ouvrir les fenêtres, été comme hiver et de jour comme de nuit. Le repos devient difficile dès 6 h du matin, ce qui, en cas de maladie, par exemple, est dommageable à la santé. Au point de vue de la santé, Mme Rouiller se dit également agressée par le bruit à l'extérieur. Les poids lourds et les bus, lignes 2, 10, 11, sont nombreux, sans parler des véhicules.

Elle avait pensé que la situation s'améliorerait avec la création de l'autoroute de contournement, mais elle constate que cela a empiré. Habitant le quartier depuis longtemps, elle s'est aperçue qu'il y a saturation au niveau de la circulation depuis 4 à 5 ans.

M. Schweri ajoute que le quartier étant coupé en deux, il y a des problèmes également pour les piétons, qui doivent prendre leur mal en patience pour traverser, cela étant dangereux, notamment pour les enfants, qui doivent se rendre dans des écoles extérieures au quartier. Il explique qu'étant donné l'étroitesse de la rue, le bruit et la pollution stagnent, ce qui est aggravé par la situation «brumeuse» de la Jonction.

A ce stade de l'audition, la présidente ouvrit le débat et, étant donné le caractère «Ville» de cette pétition, elle demanda aux pétitionnaires d'expliquer pourquoi ils s'adressent au Grand Conseil.

A cette question Mme Libois répond qu'elle a entendu dire que les travaux sur le plan «Circulation 2000» n'avancent pas et que les mesures ne se mettent pas en fonction comme prévu. Elle précise que les pétitionnaires sont conscients du fait que les bus doivent être maintenus, mais qu'ils souhaitent un élargissement des trottoirs et un passage pour piétons supplémentaire. Quant au fait d'être intervenu au Grand Conseil, Mme Libois répond que la première invite et la dernière concernent l'Etat et qu'il faut considérer cette pétition comme un encouragement au plan «Circulation 2000».

M. Schweri précise qu'il y a eu une nette amélioration depuis le départ des trams, mais qu'il faut examiner le plan et décider à quels endroits mettre des dissuasions pour ralentir et diminuer le trafic. Il pense qu'il y avait lieu de construire des appartements traversants avec chambres à coucher donnant derrière, ce qui améliorerait les conditions de vie. Il souligne encore le manque d'écoles dans le quartier.

A la suite de cette audition les commissaires décidèrent d'entendre M. Wittwer, directeur de l'OTC.

Audition de M. Freddy Wittwer, directeur de l'OTC

M. Wittwer admet que les valeurs d'alarme de 70 décibels sont dépassées à la rue des Deux-Ponts et que plusieurs zones de la ville sont dans ce cas. Il expose ensuite, les 3 moyens d'assainissement: 1) à l'émission du bruit: diminution du trafic et de la vitesse; 2) à l'immission: pour celui qui reçoit le bruit; 3) traiter la protection entre l'émission et l'immission: construction de parois anti-bruit, etc. M. Wittwer explique ensuite, qu'en 1997 l'autoroute arrivera à 500 m de la rue des Deux-Ponts et que, si les temps verts ne seront pas augmentés, la vitesse sera strictement limitée à 40 km/h. Ce qui divisera par deux le bruit existant. Il annonce également que la mise en place de giratoires est à l'étude, car de meilleurs résultats sont à attendre des giratoires que des feux lumineux. Concernant l'étroitesse des trottoirs, M. Wittwer reconnaît bien connaître le problème mais ajoute que la rue n'étant pas large et comprenant 4 voies de circulation, il ne voit pas comment on pourrait élargir les trottoirs. Il précise, en outre, que selon le plan «Circulation 2000», la rue des Deux-Ponts reste une pénétrante, qu'il n'a jamais été question d'en faire une rue de quartier, mais qu'elle deviendra un axe secondaire où la priorité est donnée aux transports publics. Cependant, la limitation à 40 km/h est prévue pour améliorer les problèmes de bruit et d'air et, de plus, si la rue devient secondaire et qu'elle reste un axe de trafic il y aura une onde verte par le pont Sous-Terre jusqu'aux Charmilles. Il faudrait encore régler le cas du temps de passage des piétons qui, il l'admet, est très limité.

Discussion de la commission

Suite à ces deux auditions la commission estima pouvoir se faire une opinion.

Avis de la majorité

La majorité souhaite déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil, arguant du fait que des mesures sont déjà prévues dans le plan «Circulation 2000» et qu'il faut laisser les études et la réalisation du plan aller leur cours, compte tenu du fait qu'il ne peut être question de prétériter une zone pour en traiter une autre, cela, d'autant plus que la rue des Deux-Ponts n'est pas une priorité et qu'il faut tenir compte des moyens financiers de l'Etat.

Avis de la minorité

La minorité désire un renvoi au Conseil d'Etat. Elle considère que la situation de cette rue est à traiter avec toute l'attention nécessaire, étant donné la gravité alarmante de la pollution de l'air et le dépassement constaté des normes fédérales sur le bruit. Par ce renvoi au Conseil d'Etat la minorité ne souhaite pas demander le traitement de la rue des Deux-Ponts en priorité, elle est consciente du fait que le plan «Circulation 2000» est en cours et qu'il ne peut être demandé de tout stopper, pour se préoccuper, en premier lieu, de cette rue. Cependant, elle pense souhaitable que le Conseil d'Etat soit en possession du dossier, afin de lui attribuer toute l'attention qu'il mérite.

Vote

La commission procéda au vote qui aboutit à recueillir 8 voix pour le dépôt sur le bureau du Grand Conseil (2 R, 2 PDC, 4 L) contre 5 voix pour le renvoi au Conseil d'Etat (2 Adg, 2 S, 1 Ve).

Conclusion

Après ce vote la minorité décida qu'il était nécessaire de tenter un revirement de position et donc, de déposer ce rapport de minorité. Cela parce qu'il ne peut être question de traiter le dépassement de deux normes sur l'air et sur le bruit avec légèreté. Ces dépassements ont été constatés officiellement (il faut d'ailleurs relever ici le travail des pétitionnaires, qui se sont préoccupés de faire vérifier leurs impressions avant de déposer la pétition) et sont reconnus pour être préjudiciables à la santé physique et morale.

Quand on a à coeur le bien-être et la qualité de vie de ses concitoyens on ne peut qu'être inquiété par la situation de la rue des Deux-Ponts. Il est d'ailleurs à rappeler que la Confédération a donné ordre à Genève, comme aux autres cantons, de prendre des mesures pour se conformer aux normes fédérales et que, malgré des motions déposées à ce sujet, le Conseil d'Etat n'a toujours pas dit ce qu'il pensait mettre en oeuvre. La situation de Genève n'est pourtant pas anodine, puisque 300 km sont considérés comme dangereux au niveau du bruit dans l'agglomération, dont 30 km ont dépassé la cote d'alarme.

De plus, la minorité estime que les pétitionnaires ont soulevé d'autres besoins (passage pour piétons supplémentaire, élargissement des trottoirs, pistes cyclables, ralentisseurs, synchronisation des feux, voire même pose de double vitrage ou de parois antibruit lors d'éventuels travaux de rénovation) qui sont à envisager pour donner satisfaction aux pétitionnaires. Pour toutes ces raisons il est nécessaire que le Conseil d'Etat soit en possession du dossier afin, lors de la mise au point du plan «Circulation 2000», qu'il puisse aux mieux cerner les besoins des habitants de ce quartier et mettre en oeuvre ce qui lui semble réalisable financièrement. Il est en outre important que le Conseil d'Etat soit informé du fait que les pétitionnaires aspirent à la réalisation de son plan «Circulation 2000» qui leur paraît satisfaisant et qu'ils encouragent sa rapide réalisation. C'est un rare exemple de soutien direct de la population à un projet du Conseil d'Etat et il peut paraître surprenant que la majorité n'ait pas jugé bon de le lui transmettre. Dans ce cas, la minorité prend donc le relais et vous engage à voter ce rapport de minorité.

Débat

Mme Evelyne Strubin (AdG), rapporteuse de minorité. La minorité et la majorité sont d'accord sur le fond de cette pétition, à savoir que le plan «Circulation 2000» soit mis en place et devienne effectif. Je rappelle que la minorité n'a jamais demandé que l'on s'occupe de la rue des Deux-Ponts en priorité.

Les divergences ont émergé au sujet de la forme. Quand la majorité dit que le Conseil d'Etat se débrouillera bien, la minorité prétend que si on veut qu'il fasse du bon travail, il faut lui en donner les moyens. A ce propos, il sera utile au Conseil d'Etat de recevoir très rapidement tous les dossiers qui présentent des doléances en relation avec l'aménagement des quartiers, afin qu'il puisse y répondre au mieux lors de la mise en place du plan «Circulation 2000». Cela lui éviterait les recours, pétitions et réclamations diverses qui pourraient surgir par la suite.

Quant au fait de cette pétition qui serait politicienne et viserait à remettre en question le plan «Circulation 2000», pour lui en substituer un autre, comme indiqué en fin du rapport de majorité, il est bien mentionné qu'il s'agit de l'avis du rapporteur. Je le lui laisse et, pour ma part, j'en reste à ce qui a réellement été dit par les pétitionnaires qui, je le rappelle, soutiennent le plan «Circulation 2000» et appellent de leurs voeux...

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence, il est très difficile de suivre les débats !

Mme Evelyne Strubin, rapporteuse de minorité. ...sa rapide réalisation. Ces personnes vivent une situation très pénible, et même anormale. En effet, les normes fédérales sur le bruit et la pollution de l'air sont largement dépassées dans cette zone. Ces gens méritent que le Conseil d'Etat se penche sur leurs problèmes.

J'énumère la liste des atteintes à la santé, causées par la pollution de l'air : les affections pulmonaires diverses, les allergies, les affections des voies respiratoires supérieures, telles que les bronches, la trachée, le larynx; les inflammations et irritations diverses, ainsi que celles dues à l'excès de bruit : le stress et son cortège de maladies inhérentes, les maux de tête, les insomnies, etc. Il me semble que si l'on désire réduire les coûts de la santé, il faut être attentif aux conditions de vie des habitants.

Dans cette pétition, certaines mesures sont possibles tout de suite, sans qu'elles prétéritent le moins du monde d'autres quartiers, comme la création d'un passage à piétons supplémentaire, la pause éventuelle d'un ralentisseur. Pour toutes ces raisons, la minorité espère vivement que vous accepterez de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, suivant ainsi la Ville de Genève, qui, pour sa part, a renvoyé la pétition à son Conseil administratif.

Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). S'il est vrai que cette pétition émane d'un quartier précis de la ville, elle a, néanmoins, le mérite d'attirer l'attention sur le plan «Circulation 2 000» dont la réalisation de certaines mesures tarde un peu.

Les pétitionnaires n'ont jamais voulu remettre ce plan en question, ni lui en substituer un autre. Ils ne veulent qu'une chose : que l'Etat tienne ses engagements ! Les fonctionnaires l'ont bien compris, puisque le directeur de l'office des transports et de la circulation a encouragé les revendications des pétitionnaires. Le laboratoire ECOTOX a parlé de «zone sinistrée». Il s'agit bien d'un cas d'urgence. Se préoccuper du bien-être de nos concitoyens n'est pas faire de la politique politicienne.

Il n'est pas question non plus de vouloir proscrire la circulation automobile. Au mieux, pourrait-on inciter les gens à prendre les transports publics, notamment ceux en provenance de Bernex-Onex. Cette ligne est desservie par les bus 2 et 22; ils sont très rapides, parce que circulant sur une voie prioritaire.

A longueur d'année, les habitants de la rue des Deux-Ponts endurent les nuisances liées à la circulation. Le bruit y est insupportable, car le nombre des décibels, en dessus des normes fédérales, est répertorié dans la zone d'alarme. Quant à la pollution de l'air, l'ordonnance fédérale OPair demande au canton de prendre des mesures. Il est bon de relever que la Confédération prend en charge 40% des frais occasionnés par les aménagements nécessaires.

Par le biais de cette pétition, il s'agit de rappeler au Conseil d'Etat qu'il a des engagements à tenir par rapport au plan de «Circulation 2000» et des mesures à prendre concernant les pollutions sonore et atmosphérique. Le groupe socialiste vous invite à voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Après ce qui vient d'être dit, je tiens à préciser que, contrairement à ce que certains avancent, le directeur de l'office des transport et de la circulation n'a pas encouragé les pétitionnaires en commission, bien au contraire. Par contre, un de ses fonctionnaires a pris cette initiative, et il est regrettable que la députée Gossauer m'oblige à donner cette précision qui n'apportera certainement pas la paix des ménages au sein de l'OTC.

Les pétitionnaires, qui s'appuyaient sur le plan «Circulation 2000», l'ont mal interprété. En effet, dans ce dernier, la rue des Deux-Ponts est décrite comme secondaire. Mais il faut savoir que, dans ce contexte, le mot «secondaire» n'a pas le sens commun qu'un honnête député pourrait leur attribuer. Une rue secondaire n'est pas une rue où il ne passe pas de voitures, mais une route où il en passe moins que sur une voie primaire qui, elle, est à très grande circulation, comme le pont du Mont-Blanc, par exemple.

En conséquence, les pétitionnaires s'illusionnent en pensant que nous renverrons cette pétition au Conseil d'Etat, car la rue des Deux-Ponts restera, cela a clairement été dit par le directeur de l'OTC, une rue secondaire où passeront plusieurs milliers de véhicules par jour.

Par ailleurs, la majorité de la commission des pétitions a dû constater que, soucieux du confort de leur propre rue, les pétitionnaires l'étaient beaucoup moins du confort des rues voisines, puisqu'ils envisageaient de faire détourner tout le trafic venant des cités satellites d'Onex, par exemple, par la rue de l'Ecole-de-Médecine ou la rue François Dussaud. A ce moment-là, les habitants des quartiers du Mail ou des Acacias auraient eu de grands problèmes. Je crois que nous devons être conscients de l'enjeu.

Cette pétition doit être déposée à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil. Le Conseil d'Etat s'est déclaré prêt à assurer «Circulation 2000», mais seulement «Circulation 2000». Je maintiens que les pétitionnaires poursuivent d'autres buts, notamment celui de la proscription totale de la circulation automobile en ville. En effet, des pétitions, issues des mêmes milieux et comportant les mêmes arguments, ont déjà été lancées concernant la rue de Jargonnant et celle de Montchoisy.

M. David Hiler (Ve). Les Verts soutiendront la demande de renvoi au Conseil d'Etat. Au député Lescaze, rapporteur en cette occasion, je dirai qu'il n'est pas dans nos intentions, ni dans celles des pétitionnaires, d'interdire totalement la circulation automobile en ville, ni à la rue des Deux-Ponts ni ailleurs.

En revanche, il est dans nos intentions - et c'est tout ce qui nous sépare - de la réduire considérablement, comme cela se fait dans différentes villes européennes. L'espace d'un instant, nous avions cru comprendre que l'Entente s'était ralliée à ce genre de mesures.

Mais il faut se rendre à l'évidence : chaque fois qu'un cas concret se présente, l'Entente s'en tient à une politique «pro-bagnole», sans aucune nuance, peu différente de celle des années 50 et 60 que j'ai eu l'honneur d'étudier.

Pour le reste, il est parfaitement possible de prendre des mesures à la rue des Deux-Ponts consistant à limiter le nombre de voies de circulation réservées au trafic automobile, afin d'en réduire le débit, en concentrant ces voies plutôt sur le centre de la route, comme cela se fait partout, et protéger ainsi, au moins en partie, les habitants des nuisances insupportables. Nous savons que, tant que la majorité sera celle que nous connaissons, aucune mesure ne sera prise, nous n'avons plus aucun doute à ce sujet. Mais ce choix politique se représentera au cours des années à venir.

Mme Vesca Olsommer (Ve). Je me souviens, lorsque nous avons traité cette pétition en commission, que le climat y était assez mauvais, et j'ai perçu une certaine animosité contre les pétitionnaires. Parmi eux se trouvaient des usagers de la maison de quartier qui ont signé la pétition. Les accuserait-on de gauchisme ? J'ai été affectée par certains commentaires de la droite qui, lorsqu'elle leur posait des questions, laissait sous-entendre que, du moment qu'ils habitaient dans des maisons à loyers bon marché, ils n'avaient qu'à supporter les nuisances de la rue. Je ne rêve pas, puisqu'un des pétitionnaires a demandé : «La qualité de la vie s'achète-t-elle ?». C'est un véritable débat de société. Je trouve que la droite traite ces gens comme quantité négligeable, et je le regrette beaucoup.

Le plan «Circulation 2000» permet de réduire la circulation. Je vous demande, par solidarité avec ces gens qui sont parmi les plus mal lotis du canton du point de vue du bruit, de la sécurité et de la pollution de l'air, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. D'ailleurs, je me demande si le président du département ne partage pas un tout petit peu notre avis.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.