Séance du
jeudi 9 mai 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
6e
session -
17e
séance
R 311
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que Genève abrite de nombreuses organisations internationales;
- que pour obtenir leur venue, un certain nombre de privilèges sont offerts à leurs membres, soit par la Confédération, soit par le canton;
- que l'un de ces privilèges est en contradiction totale avec les plus élémentaires règles de sécurité en matière de circulation routière;
- que ce même privilège ne permet pas de lutter efficacement contre la pollution, sachant que dans ce domaine seul un effort généralisé peut amener des résultats,
invite le Conseil fédéral
- à annuler la modification des prescriptions concernant l'admission à la circulation routière en Suisse des véhicules appartenant aux organisations internationales, aux missions diplomatiques ainsi qu'aux postes consulaires, modification intervenue dans le cadre de l'offre suisse pour abriter le siège de l'Organisation mondiale du commerce;
- à veiller que lorsque des privilèges sont accordés aux organisations internationales, ceux-ci ne dérogent pas aux règles de sécurité en vigueur dans notre pays.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Dans le cadre de l'offre suisse pour abriter le siège de l'Organisation mondiale du commerce, une prescription importante concernant la sécurité a été modifiée.
Comme vous le constaterez dans les annexes, cette modification est importante, puisqu'elle permet d'immatriculer dans notre pays certains véhicules sans restrictions.
En effet, sous le titre: «Informations concernant l'immatriculation des véhicules de personnes au bénéfice de privilèges et diplomatiques consulaires», on apprend qu'avant l'octroi des plaques de contrôle et du permis de circulation, le véhicule sera soumis à un contrôle quant à son état de marche et sa sécurité, mais que ne seront plus exigés pour l'immatriculation:
- la preuve que les prescriptions sur les gaz d'échappement sont respectées;
- la preuve que les valeurs limites du bruit ne sont pas dépassées;
- l'adaptation de l'installation des freins;
- l'adaptation ou le remplacement du compteur de vitesse;
- l'échange des pneumatiques.
· Ces véhicules sont exemptés de l'obligation du contrôle périodique et du service antipollution et ils pourront être revendus à des personnes jouissant des mêmes privilèges.
Nous estimons que cette modification des prescriptions concernant les véhicules s'est faite au mépris de la sécurité des usagers de la route et de la lutte contre la pollution, et nous prions le Conseil fédéral de revenir sur cette décision.
Loin de nous l'idée d'empêcher les organisations internationales de venir dans notre pays, dans notre canton, au contraire nous y sommes très favorables.
Rien ne permet de penser qu'une organisation internationale s'établira plus volontiers, si ces membres ont comme privilège de ne pas respecter les règles de sécurité en vigueur dans le pays d'accueil. C'est la raison pour laquelle nous pensons que le Conseil fédéral peut revenir sur cette décision sans mettre en péril l'apport enrichissant que constitue la venue d'organisations internationales dans notre pays.
C'est dans cet esprit que le groupe écologiste vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir lui adresser cette résolution.
Annexes I et II: Circulaire de la Mission permanente de la Suisse auprès des organisations internationales
ANNEXE I
ANNEXE II
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Cette résolution soulève la question de savoir dans quel domaine et jusqu'à quel point nous sommes prêts à faire des concessions pour favoriser la venue d'organisations internationales dans notre pays. Beaucoup d'avantages, fiscaux notamment, sont consentis aux membres des organisations internationales et des postes consulaires. Certains sont éminemment discutables pour des personnes ayant des revenus plutôt confortables. Toutefois, le but de cette résolution n'est pas de les remettre en cause.
Le but est de revenir sur des décisions prises par nos autorités fédérales dans le cadre de l'offre suisse en vue de l'obtention du siège de l'OMC. Le Conseil fédéral, à cette occasion, a décidé un assouplissement très marqué de la loi sur la circulation routière.
Le président. S'il vous plaît, regagnez vos places !
Mme Fabienne Bugnon. Il est inutile que je vous présente l'ordonnance : elle est annexée à la résolution et largement rappelée dans l'exposé des motifs. Nous vous demandons votre soutien, afin que nous puissions intervenir sur le plan fédéral, car, en tant qu'écologistes, nous avons été choqués qu'une dérogation à la sécurité routière et le non-respect du contrôle antipollution puissent être considérés comme des avantages visant à attirer des organisations internationales. A vrai dire, nous trouvons cette démarche totalement absurde, et nous avons de la peine à comprendre ce qui a pu la motiver.
A ce sujet, les représentants des autorités fédérales répondent qu'ils désirent éviter des tracasseries à des gens qui ne s'établissent pas de manière durable dans notre pays. Je vous laisse juger du sérieux de l'argument.
J'ai voulu savoir comment cette mesure était reçue du côté des organisations internationales. J'ai donc écrit, entre autres, à M. Hans Alders, directeur et représentant régional du programme des Nations Unies pour l'environnement. Il me semblait être, en effet, la personne indiquée pour répondre à ma question, tant par sa fonction diplomatique que par son intérêt pour l'environnement. Je lui ai soumis l'argument de cette résolution, ainsi qu'à un certain nombre de personnes travaillant dans les ambassades.
Différentes réponses me sont parvenues...
Le président. Un peu de silence, Monsieur l'ancien président du Grand Conseil. Merci !
M. Claude Blanc. Aux conseillers d'Etat, vous ne dites rien !
Le président. Poursuivez, Madame !
Mme Fabienne Bugnon. ... orales ou écrites. Il en est ressorti que les personnes interrogées ne peuvent ni s'immiscer dans la politique du pays hôte ni avoir une position officielle. A ce sujet, la lettre de l'ONU est claire et décrit l'impossibilité pour des étrangers de prendre position sur le plan politique du pays qui les accueille.
Pour le reste, certains des différents fonctionnaires internationaux interrogés apprécient cette mesure fédérale, car elle leur évite des tracasseries administratives, et d'autres en sont étonnés et choqués. Plusieurs journalistes étrangers m'ont contactée, et j'ai pu obtenir la garantie qu'une telle pratique n'existe pas dans les autres pays hôtes d'organisations internationales.
Nous sommes convaincus que les diplomates automobilistes accepteront, avec tout autant de plaisir ou de résignation que les autres, les normes de sécurité et les lois contre la pollution en vigueur dans notre pays. Dans cet esprit, nous vous demandons de bien vouloir transmettre cette résolution au Conseil fédéral, afin qu'il annule l'ordonnance jointe à la résolution. Cette demande a également été déposée à Berne par des conseillers nationaux. Le vote de cette résolution, ce soir, nous permettrait d'appuyer cette demande.
En conclusion, cette résolution n'est pas dirigée contre les organisations internationales dont nous avons toujours appuyé la venue. Mais ce type d'avantages, offerts par le Conseil fédéral aux organisations internationales, ne nous permettra pas de faire partager à un certain nombre de nos concitoyens cet intérêt en leur faveur. Cette résolution n'est donc pas dirigée contre eux, mais bien contre cette décision du Conseil fédéral que nous trouvons regrettable et inutile.
M. Bernard Lescaze (R). Les remarques qui viennent d'être faites pourraient être prises en compte, mais il convient de peser les intérêts en présence. Etant donné que nous cherchons à attirer les organisations internationales à Genève, nous devons respecter les conventions internationales diplomatiques et faire un certain nombre de concessions. Il me paraît peu opportun de revenir sur ce sujet, même s'il ne s'agit que d'une résolution.
Je ferai deux remarques pour justifier notre refus. La première est triviale et concerne le fait que les véhicules importés ne sont pas, en principe, des voitures «bas de gamme». La seconde, plus importante, me fait m'étonner de l'attitude des organisations écologistes qui s'inquiètent du profil des pneus, alors qu'on parle de ne plus contrôler la vue des titulaires de ces permis. Cela me paraît tout à fait inacceptable, car, à mon avis, il est bien plus dangereux de rouler sans y voir clair que de rouler dans une très belle voiture qui dégagerait trop d'oxyde de carbone. En conséquence, nous refuserons cette résolution.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Très brièvement, Monsieur le président, même si votre souci d'aller rapidement vous honore, je vous dirai que mon groupe ne soutiendra pas non plus cette proposition de résolution.
On ne peut aborder le statut des fonctionnaires internationaux que de manière globale. En effet, ce dernier comporte toute une série d'immunités, d'accords de siège, qui confèrent des privilèges bien plus importants aux fonctionnaires internationaux que celui de pouvoir importer des voitures non conformes aux normes suisses. Il est vrai que certains de ces fonctionnaires changent de pays tous les trois ou quatre ans. Alors, s'il leur fallait adapter leur véhicule à chaque fois, ils n'en finiraient plus !
Cette résolution m'apparaît bien chicanière et compliquée, et j'imagine mal comment on pourrait suivre de telles directives qui font état de difficultés tout à fait mineures en regard du problème global qui est celui des organisations internationales. En plus, cette résolution arrive fort mal à propos, au moment où nous essayons de faire montre d'une ouverture au monde international dans un contexte de compétition particulièrement difficile.
Certes, il convient de ne pas autoriser les véhicules dangereux à circuler sur le territoire suisse... (Exclamations sur les bancs des écologistes.) Mais je suis tout à fait d'accord avec vous ! Permettez-moi de reprendre vos idées formidables, comme celle des prescriptions non respectées en matière de gaz d'échappement. C'est vrai, il existe des catalyseurs américains, japonais, suisses, suédois. Peut-on sérieusement exiger d'un attaché d'ambassade - qui vient s'établir en Suisse avec sa famille pour un certain temps - qu'il modifie le catalyseur de son véhicule ? Personnellement, je trouve cela un peu chicanier.
Sur la question des valeurs limites en matière de bruit, et jusqu'à preuve du contraire, beaucoup de voitures de diplomates, circulant à Genève, ne correspondent pas aux normes de contrôle en raison des différentes immunités diplomatiques - je ne parle pas des organisations internationales. Avez-vous remarqué qu'elles pétaradent plus que les autres à la rue du Rhône et dans les rues Basses ? Non, tel n'est pas le cas !
Ensuite, il n'est pas dit expressément qu'il n'y a pas de contrôle des freins de voitures dans les autres pays, mais on laisse entendre qu'il faudra les modifier en fonction des normes suisses. Je puis vous rassurer, il est - Dieu soit loué - d'autres pays dans lesquels les véhicules sont munis de freins qui fonctionnent très bien. Je puis vous rassurer aussi sur l'adaptation ou le remplacement du compteur de vitesse, à savoir qu'un compteur en miles ne rend pas incapable le conducteur de contrôler sa vitesse. Quant à l'échange des pneumatiques, d'autres éléments sont donnés dans la circulaire de la mission permanente de la Suisse qui devrait tendre à vous tranquilliser.
Pour toutes ces raisons, cette résolution n'est pas souhaitable et nous vous invitons à la rejeter.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il s'agit d'une affaire fédérale et, par conséquent, je pourrais m'abstenir de tout commentaire.
Pourtant, les fonctionnaires internationaux sont mis sur pied d'égalité avec les personnes en provenance de l'étranger et qui séjournent temporairement en Suisse. Ils peuvent utiliser leur véhicule, pour autant que celui-ci satisfasse aux exigences énumérées dans les dispositions de la convention internationale du 8 novembre 1968 sur la circulation routière. Bien entendu, ces véhicules doivent être en parfait état de fonctionnement.
Cette résolution n'est donc pas sans intérêt, mais il est vrai qu'elle présente un aspect chicanier pour ceux qui en seront les «victimes», donc les fonctionnaires internationaux.
S'il le faut, j'intercéderai auprès Conseil fédéral, mais je souhaite que la Confédération ne nous envoie pas une fin de non-recevoir.
Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée.