Séance du
jeudi 9 mai 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
6e
session -
17e
séance
P 1086-A
La pétition no 1086, déposée le 1er septembre 1995, a été traitée par la commission des pétitions sous la présidence de Mme L. Johner, puis deMme J. Hagmann, lors des séances des 2 et 9 octobre, 7 et 27 novembre, et 18 décembre 1995.
(P 1086)
PETITION
concernant la sécurité et la tranquillité
à la route Antoine-Martin
C'est au nom d'habitants las des promesses sans lendemain, déçus de voir leur cadre de vie se détériorer dans l'indifférence générale et surtout inquiets pour leur sécurité et celle de leurs enfants que je vous écris aujourd'hui.
Afin de vous permettre de mieux situer l'endroit et de comprendre la nature des problèmes qui nous occupent, voici quelques caractéristiques de la route Antoine-Martin.
Il s'agit d'une route traversant un quartier résidentiel, ayant originellement la qualification de chemin et d'un tracé quasi rectiligne sur son tronçon reliant la route de Veyrier au chemin de la Place-Verte. Il n'y a qu'un seul trottoir, sur le côté impair de la chaussée, dont l'étroitesse permet à peine le passage d'une poussette ou le cheminement de deux personnes de front.
Sur ce tronçon, d'une longueur de 1,2 kilomètre, on ne dénombre pas moins de 60 sorties de villas ou de chemins. Il est à noter que la plupart de ces derniers desservent des dizaines d'habitations qui n'ont d'autre débouché que cette route, obligeant chaque jour de nombreux riverains à s'engager sur cette voie de circulation.
La route Antoine-Martin est également le chemin de l'école pour les nombreux enfants des habitants de la région devant se rendre à l'école ou au cycle de Pinchat, ainsi qu'au collège de Staël.
De nombreux dangers guettent l'utilisateur de la route Antoine-Martin:
- une vitesse excessive pour près de 30% des automobilistes selon le dernier contrôle de gendarmerie effectué;
- des dépassements téméraires et irresponsables, dont sont victimes les conducteurs respectant les limites de vitesse et les usagers venant en sens inverse;
- un flux de camions extrêmement supérieur à celui que le caractère résidentiel du lieu devrait permettre, mettant de surcroît en danger les nombreux deux-roues circulant sur la chaussée.
Si les dangers ne manquent pas, les aménagements de sécurité sont, quant à eux, réduits à la portion congrue.
Suite à l'action, par le passé, d'une partie des présents pétitionnaires, la vitesse est limitée à 50 km/h sur le tronçon qui nous intéresse. Au-delà de cette protection minimum de notre quartier résidentiel, on ne peut mettre au crédit de la sécurité que deux passages piétons et, depuis peu, la pose de panneaux d'interdiction de dépasser, initiative réjouissante, même si, en l'absence de contrôles réguliers, l'interdiction risque de rester sans effet.
Pourtant, ainsi que le texte de la pétition le souligne, de nombreuses mesures peuvent être prises pour rendre un minimum de sécurité et de qualité de vie aux habitants du Plateau de Vessy.
Il s'agit avant tout de protéger les zones «sensibles» telles que les arrêts de bus et les abords du Centre sportif du Grand-Donzel, fréquenté par de nombreux enfants amateurs de football, tennis, athlétisme ou skateboard. Des aménagements simples, tels que la création de passages piétons sur des surfaces de couleurs différenciées, ou un peu plus élaborés avec des seuils de ralentissement, seraient des améliorations simples à mettre en oeuvre et adaptées.
D'autres aménagements sont, bien entendu, envisageables, tels que la mise en place de rétrécissements de la chaussée, comme à la route Alphonse-Ferrand à Lully, ou des parcages alternés, comme ceux dont la voie voisine de la Place-Verte a été dotée.
Enfin, si les pétitionnaires comprennent aisément qu'il n'est pas possible d'interdire tout trafic poids lourds sur la route Antoine-Martin, ils estiment qu'une norme d'interdiction générale devrait être adoptée pour le trafic de transit, sujette à des exceptions ciblées pour les services publics notamment.
Par ailleurs, pour le cas où une telle interdiction ne recueillerait pas votre approbation, il semble évident que ces flux de circulation doivent être répartis sur l'ensemble des axes routiers à disposition.
Ainsi, le trafic transfrontalier transitant par la douane de Veyrier et se dirigeant vers ou venant de Troinex est particulièrement en cause. En effet, plutôt que d'emprunter, entre la douane de Veyrier et Troinex, les routes de Veyrier et Antoine-Martin, il serait beaucoup plus logique d'utiliser le parcours établi par le plan directeur communal, soit la route de l'Uche et le chemin des Marais. Il est bon à ce propos de rappeler que la route de l'Uche, qui a fait l'objet d'une votation populaire communale, avait pour but de créer un évitement du village de Veyrier et une voie de contournement du Plateau de Vessy par le sud-ouest.
En conséquence, nous pensons que la pose d'un panneau «douane de Veyrier» à l'intersection des chemins de Marsillon, des Marais et Antoine-Martin devrait être décidée dans les meilleurs délais. Son pendant devrait, bien entendu, être placé aux endroits propices sur les routes du Pas-de-l'Echelle et de l'Uche afin d'indiquer le parcours adéquat aux automobilistes. Une obligation ou, pour le moins, une incitation devrait être donnée aux camions circulant sur l'axe Troinex-Veyrier d'utiliser cette voie de contournement.
En conclusion, les pétitionnaires, représentés par le soussigné, n'ont rien souhaité d'autre que vous mettre au courant d'une situation pour le moins difficile dans laquelle ils se trouvent plongés depuis de nombreuses années et à laquelle ils espèrent remédier au moyen des quelques aménagements, dont la liste n'est pas exhaustive, qu'ils ont soumis à votre réflexion.
Ils sont convaincus, par ailleurs, que c'est l'ensemble du concept de circulation sur le Plateau de Vessy, zone résidentielle par excellence, qu'il faut reconsidérer.
Cela doit se matérialiser tant par la création, dans l'immédiat, de la route d'évitement du Plateau par le nord-ouest, appelée route Cottier selon les projets et dont on parle depuis plus de dix ans, que par la réglementation des flux de circulation par l'introduction de sens uniques sur certaines des artères traversant la zone résidentielle.
En espérant que ces quelques remarques vous auront fourni matière à réflexion, je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les députés, en mes sentiments distingués.
N.B. : 92 signatures
p.a. M. Claude Lassauce
Route Antoine-Martin 1101234 Vessy
Auditions
Le 2 octobre 1995, la commission auditionne les pétitionnaires:Mmes Liliane Marbach, Andrea Bizon, MM. Claude et Charles Lassauce.
M. Charles Lassauce explique qu'il n'est pas seulement question, dans cette pétition, de tranquillité, mais surtout de sécurité. Il précise que la route en question passe au centre d'un quartier résidentiel du Plateau de Vessy. Le problème est important, car cette route reçoit du trafic en provenance de la douane de Veyrier et d'autres automobiles et camions allant en direction de Carouge et du tunnel de Carouge. Il précise que, sur une distance de 1 200 m, il n'y a qu'un trottoir et deux passages de sécurité.
Mme Marbach explique qu'après une pétition faite en 1987, ils avaient obtenu une limitation à 50 km/h.
C'est pour ces diverses raisons que les pétitionnaires demandent une ligne médiane continue, malgré les panneaux d'interdiction de dépasser, ainsi que des contrôles radar une ou deux fois par semaine.
Le 9 octobre 1995, la commission a profité de la venue, pour une autre pétition, de M. Jean-Pierre Christen, chef du service de la signalisation de l'office des transports et de la circulation (OTC), pour lui poser quelques questions sur la pétition no 1086. Il nous a dit avoir reçu la pétition et qu'elle est à l'étude dans son service. Une réunion avec les autorités de Veyrier et l'OTC était fixée pour le 20 octobre 1995, il n'avait pas d'élément de réponse sur le moment.
Le 6 novembre 1995, la commission a auditionné les conseillers administratifs de la commune de Veyrier, MM. Jean-Paul Bart (chargé de l'urbanisme et de l'environnement) et Philibert Perrin (délégué aux routes).
M. Bart commence son exposé en rappelant que la route Antoine-Martin est une route cantonale. Il évoque ensuite les essais de fluidification du trafic par la limitation à 50 km/h et l'interdiction de dépasser. D'autres mesures sont actuellement envisagées.
La pose d'un feu tricolore à induction (coût de l'installation: 150 000 F), mais vu l'état des finances du canton, l'OTC ne peut contribuer que pour 70 000 F, coût d'un feu normal.
La construction d'un giratoire au début de la route Antoine-Martin, à l'angle du chemin de la Place-Verte: les autorités communales y sont favorables, mais elles rencontrent l'opposition des deux propriétaires qui ne veulent pas céder la parcelle nécessaire à ce projet.
En 1990, la route Antoine-Martin voyait défiler 4000 à 5000 véhicules par jour. Si l'on décourage ce trafic, on le reporte sur la route de Veyrier déjà surchargée (14 000 véhicules par jour).
Quant à la création de la route d'évitement (route Cottier) mentionnée dans la pétition, elle se heurte à des conflits d'intérêts entre riverains. La commune de Veyrier a des contacts avec les communes de Troinex et de Carouge dont le plan de circulation empiète sur la commune de Veyrier. Une discussion sur le projet «Cottier» est prévue prochainement avec l'OTC.
M. Perrin, conseiller administratif de Veyrier, pense qu'il faut, d'une part, amenuiser le flux en imposant des contraintes dissuasives et en contruisant un autre canal de circulation et, d'autre part, améliorer la qualité de ce flux, ce qui est envisageable à court terme.
Le 27 novembre 1995, la commission a auditionné à leur demande:Mme Geneviève Guinand-Maitre, présidente de la Fédération d'associations Genève-Sud (FAGS), M. Urs Schwarz, Association des intérêts Place-Verte-Vessy, et M. Eric Willy, trésorier de ladite association.
La FAGS se déclare contre la voie Cottier, qui est en fait un ancien tracé de l'autoroute de contournement. Après son abandon, les réserves d'emprises n'ont pas été levées. Elle apparaît maintenant dans trois études:
- les améliorations foncières de Plan-les-Ouates;
- le plan de circulation de Carouge;
- le réexamen du plan cantonal.
Selon la FAGS, rien ne permet de penser que le trafic diminuera si la voie Cottier se réalise en semi-autoroute.
Propositions faites par Mme Guinand (voir son document)
- installation d'un feu avec bouton-poussoir plus limitation de vitesse;
- priorité au transport modal avec de nombreux bus à toutes créations d'axes routiers;
- moratoire sur le trafic de la voie Cottier;
- comptage sélectif des véhicules à la route Antoine-Martin et autres points difficiles;
- étude alternative du département de justice et police et des transports avec les communes concernées et les communes avoisinantes;
- étude par Carouge d'autres solutions;
- contacts avec les autorités françaises.
Le 18 décembre 1995, la commission auditionne M. Freddy Wittwer, directeur de l'OTC.
M. Wittwer informe qu'il a eu une réunion à la mairie de Veyrier, à la suite de laquelle il vient de leur envoyer une lettre de confirmation concernant les installations retenues: signalisation lumineuse à la demande, appareil de photos aux passages à piétons isolés. Le financement sera assuré par l'OTC pour la signalisation lumineuse, 77 000 F, et par Veyrier pour la modération de la vitesse, 47 000 F. Ces mesures devraient répondre à la demande de la pétition.
Il est demandé à M. Wittwer s'il peut donner son avis au sujet de la voie Cottier.
M. Wittwer dit qu'elle est un ancien projet du département des travaux publics et de l'environnement. Les Français avaient construit une autoroute parallèle; ce projet a été abandonné, mais le Conseil d'Etat avait décidé à l'époque de garder les alignements. En 1990, on a commencé l'étude des plans pour l'évitement de Plan-les-Ouates. L'évitement ne prévoyait aucune liaison routière locale suite à la route de Saint-Julien, ni avec le centre autoroutier d'entretien. L'OTC a demandé que l'évitement aboutisse dans un giratoire où l'autoroute permet d'accéder à la P 104 et au centre d'entretien.
Tout le sud devrait avoir une liaison avec l'autoroute. Les habitants de Troinex, Veyrier et Carouge ont demandé au DTPE d'avoir au moins une première liaison entre le giratoire et Saconnex-d'Arve pour accéder à l'autoroute. Le quartier de Saussac a demandé que la route de desserte puisse être une partie de la voie Cottier. Cela permettrait de décharger toutes les routes qui ont trop de trafic telle la route Antoine-Martin.
Discussion
Suite à tous les éléments recueillis auprès des personnes auditionnées, la commission ne peut que constater que, puisque le nombre d'habitants augmente à Genève, le nombre de véhicules augmente également, sans compter le trafic dû aux véhicules frontaliers.
Quant aux problèmes de sécurité, l'accord entre l'OTC et les autorités communales de Veyrier, concernant les installations retenues, devrait répondre à la pétition.
Conclusion
C'est à l'unanimité des membres présents que la commission vous propose le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Débat
Le président. Madame la secrétaire, veuillez lire la lettre de l'Association «Sécurité et tranquillité» adressée à la présidence en date du 2 mai 1996 :
Mme Vesca Olsommer (Ve). Un rapide pointage des dossiers de la commission des pétitions démontre qu'une bonne moitié de ceux-ci concerne les problèmes environnementaux. Plus précisément, la population fait état de son besoin d'espace vert et de tranquillité, ainsi que des nuisances liées à un trafic automobile qui augmente, des difficultés qu'il génère : le bruit, la pollution. Il semble bien qu'un sentiment d'insécurité règne face au trafic automobile qui va croissant. Les pétitions venant du centre de la ville comme de la périphérie, il s'agit donc d'un problème cantonal.
En plus des pétitionnaires, la commission a entendu une association d'habitants, la FAGS, soucieuse des mêmes problèmes, ainsi que des représentants de la mairie de Veyrier et le directeur de l'OTC. Pour simplifier les choses, les préoccupations des pétitionnaires peuvent être analysées sous deux angles. En premier lieu, celui de la densité de la circulation à la rue Antoine-Martin, que d'aucuns nomment «la quantité du trafic automobile» ou «la quantité du flux», et, en second lieu, la mauvaise qualité de ce flux, à savoir le problème urgent, immédiat, de la sécurité.
De profondes divergences existent entre les pétitionnaires et l'association que nous avons entendue sur la réduction de la densité du trafic. Pour les pétitionnaires, par exemple, il convient de répartir le trafic et les nuisances, en en reportant une partie sur d'autres rues. Par exemple, ils proposent un sens unique à cette route.
Pour ces habitants, il s'agit d'aménager une nouvelle voie d'évitement. Pour les autres, la FAGS, le report de la circulation sur une autre voie ne résout rien. Ils s'appuient sur des études qui démontrent que toute création de route d'évitement induit un nouveau trafic et finit par aggraver la situation initiale. Ils vont même jusqu'à faire une boutade pleine de bon sens en comparant les voitures aux pigeons : «Lorsqu'on nourrit les pigeons, il en vient toujours plus !». Ils préconisent le report modal et le développement substantiel des TPG. Inutile de préciser que les écologistes partagent cette option.
Cependant, les pétitionnaires, ayant obtenu gain de cause pour une partie de leurs demandes - nouvelle signalisation, piste cyclable créée sur la route Antoine-Martin - la commission des pétitions a décidé de déposer ce rapport sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Nous autres écologistes, nous nous abstiendrons, car si nous sommes sensibles au fait que les habitants de la rue Antoine-Martin ont obtenu en partie satisfaction sur leur pétition qui est la deuxième - on peut les féliciter de leur obstination - il y a encore à faire à la rue Antoine-Martin. A plusieurs reprises, ils nous ont expliqué le danger qu'il y avait à entrer dans le centre sportif du Grand-Donzel fréquenté par des centaines d'enfants. Il me semble qu'un projet est en cours pour aménager cette entrée de manière plus sûre, encore faut-il y donner suite ! C'est la raison pour laquelle, nous nous abstiendrons.
Je terminerai en citant la phrase du rapport de M. Barthassat qui est un truisme : «...puisque le nombre d'habitants augmente à Genève, le nombre de véhicules augmente également...» et que l'on n'y peut rien ! J'espère que ce n'est pas votre avis, Monsieur le président, et, en tout cas, ce n'est pas le nôtre.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.