Séance du
vendredi 26 avril 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
6e
session -
15e
séance
PL 7396-A
Lors de sa séance plénière du 26 janvier 1996, le Grand Conseil a renvoyé à la commission judiciaire le projet de loi 7396, lequel a été étudié le 1er février 1996 sous la présidence de M. Bernard Lescaze. Assistaient aux travaux de la commission judiciaire: M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, président du département de justice et police et des transports (DJPT) ainsi que M. Bernard Duport, secrétaire adjoint du DJPT.
Préambule
Il ressort clairement de l'exposé des motifs relatifs à ce projet de loi que la Chambre des notaires a estimé nécessaire d'étayer les obligations générales des notaires et de renforcer les mécanismes de protection des clients ainsi que ceux de contrôle de la comptabilité des études.
Travaux de la commission
Audition de Me Jean-Rodolphe Christ, président de la Chambre des notaires
Me Christ, après avoir rappelé que ce n'est pas de gaieté de coeur que les notaires ont dû se pencher sur les questions présentement étudiées et tout en déplorant que, contre la malhonnêteté patente, l'on ne puisse rien faire, est convaincu que les nouvelles dispositions permettront vraisemblablement de «limiter les dégâts».
Me Christ précise que tous les notaires sont membres de la Chambre, que celle-ci est de droit privé, à l'inverse de la plupart des pays étrangers où elle est une Chambre de droit public, et qu'il a pu constater que plus de la moitié de ses membres sont favorables à la transformation de la Chambre des notaires en Chambre de droit public.
Me Christ relève ensuite que le notaire a le devoir de protéger les intérêts de l'Etat, même s'il doit aller à l'encontre de l'intérêt de ses clients, que le notaire n'a en principe pas le droit de garder les fonds qu'il reçoit, à moins qu'un blocage ait été prévu dans un acte, que le notaire a surtout différentes obligations, notamment le paiement de l'impôt sur les bénéfices immobiliers ainsi que les droits d'enregistrement et qu'un contrôle de l'affectation de l'argent s'impose.
En ce qui concerne l'article 2, alinéa 3 (nouveau), relatif au comportement des notaires dans l'exercice de leurs fonctions comme en dehors de leur ministère, Me Christ rappelle que l'origine se trouve dans la loi de ventôse, datant de la Révolution française, qui précise que le notaire est un officier public, qu'il n'est pas aussi libre que l'avocat mais plus proche du juge et qu'il doit, même dans sa vie privée, adopter un comportement moral adéquat.
Les termes qualifiant le comportement des notaires sont repris des us et coutumes de la Chambre des notaires afin de les légaliser et leur conférer, en conséquence, une portée moins symbolique.
Enfin et pour rendre plus efficaces les mesures proposées, Me Christ précise qu'il y a lieu de pouvoir saisir plus facilement la commission de surveillance. En effet, le projet de loi permet au Conseil d'Etat de convoquer cette commission sur dénonciation et non plus de manière limitative sur la base d'une plainte émanant d'un lésé.
Entrée en matière
Après un premier tour de table, les commissaires ont été convaincus de la nécessité de renforcer la loi sur le notariat afin de mieux prévenir les irrégularités professionnelles éventuelles et l'entrée en matière a été votée par 9 oui (3 L, 2 R, 1 PDC, 2 PS, 1 Ve), pas d'opposition et une abstention (PDC).
Discussion
Si les dispositions relatives au contrôle de la comptabilité des études de notaires ainsi qu'à la saisine facilitée de la commission de surveillance sont apparues adéquates à l'ensemble de la commission, il n'en fut pas tout à fait de même des termes employés pour qualifier le comportement du notaire dans ses relations avec ses clients, le public et les autorités.
En effet, la question s'est posée de savoir si les termes relativement vagues n'allaient pas affaiblir plutôt que renforcer le serment du notaire.
Il a toutefois été relevé qu'il y avait une certaine cohérence entre la légalisation des termes employés dans les us et coutumes et le renforcement de la commission de surveillance.
Commentaires article par article
Article 2, alinéa 3 (nouveau)
Cet alinéa vient compléter les obligations générales du notaire en précisant que ces obligations doivent être respectées non seulement pendant l'exercice de leurs fonctions, mais également en dehors.
Les notaires doivent faire preuve de la dignité et de la délicatesse que leur impose leur profession. Il faut comprendre le mot «délicatesse» par opposition à «indélicatesse». Les termes «dignité et délicatesse» sont mentionnés ici dans le but d'éviter que le notaire ne devienne donataire de ses propres clients.
Article 2, alinéa 4 (nouveau)
Cette disposition oblige les notaires à garder leur indépendance, notamment matérielle, dans l'exercice de leur fonction d'officier public.
Bien que la sujétion matérielle soit difficile à contrôler, il n'est pas inutile de la rappeler aux personnes concernées.
L'article 2, alinéas 3 et 4, a été accepté par 7 oui (1 Ve, 1 PS, 2 R, 3 L), pas d'opposition et 3 abstentions (2 PDC, 1 PS).
Article 49, alinéas 1, 2 et 4 (nouvelle teneur)
Expérience faite, il apparaît que le contrôle annuel de la comptabilité des études de notaires n'est pas suffisante et qu'un contrôle bisannuel permettrait de mettre plus rapidement en lumière des irrégularités.
Article 49, alinéa 5 (nouveau)
La commission de surveillance se voit donc octroyer le pouvoir d'ordonner le contrôle d'une étude et non pas seulement celui d'investiguer sur dénonciation.
L'article 49, alinéas 1, 2, 4 (nouvelle teneur) et 5 (nouveau) a été accepté par 9 oui (3 L, 2 R, 1 PDC, 2 PS, 1 Ve), aucune opposition et une abstention (PDC).
Article 52 (nouvelle teneur)
Cette disposition a trait à l'élargissement des possibilités de saisir la commission de surveillance, laquelle selon la loi actuelle ne pouvait être convoquée que sur plainte d'un lésé, donc uniquement dans l'hypothèse où il y avait lésion réalisée.
Il apparaît en effet, dans l'hypothèse où l'on veut renforcer le contrôle de la profession de notaire, de faciliter la saisine de la commission de surveillance. En conséquence, quiconque a des raisons de craindre qu'un notaire a manqué à ses obligations peut s'adresser au Conseil d'Etat afin qu'il convoque ladite commission.
Les commissaires ont relevé que cette disposition était l'innovation principale du projet de loi proposé.
L'article 52 (nouvelle teneur) a été accepté à l'unanimité.
Article 57, alinéa 1 (nouvelle teneur)
La modification en l'espèce consiste à supprimer les termes «après le dépôt de la plainte» et permettre, en conséquence et en cas d'urgence, au Conseil d'Etat de suspendre provisoirement un notaire de ses fonctions.
Cette modification s'inscrit dans la suite logique des précédentes dispositions.
L'article 57, alinéa 1 (nouvelle teneur) a été accepté à l'unanimité.
Vote d'ensemble: unanimité.
Conclusion
Les différentes dispositions proposées s'inscrivent dans les chapitres I et VII de la loi sur le notariat, respectivement intitulés «Fonctions et devoirs des notaires» et «Surveillance et discipline». Bien qu'il paraisse, de prime abord, quelque peu surprenant de devoir renforcer la loi en la matière, il y a lieu de se rappeler que c'est à l'initiative de la Chambre des notaires.
C'est pourquoi, après avoir étudié attentivement ce projet de loi et s'être fait expliquer, à satisfaction, la pertinence de certains termes employés, la commission judiciaire a accepté à l'unanimité et sans amendement le présent projet de loi; elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur le notariat
(E 5 1)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur le notariat, du 25 novembre 1988, est modifiée comme suit:
Art. 2, al. 3 et 4 (nouveaux)
3 Dans l'exercice de leurs fonctions comme en dehors de leur ministère, les notaires font preuve de la dignité et de la délicatesse que leur impose leur profession, ainsi que des égards et de la courtoisie auxquels ils sont tenus dans leurs relations avec leurs clients, le public et les autorités.
4 Les notaires évitent tous actes pouvant les placer dans la sujétion matérielle de leurs clients ou de tiers et toute opération mettant en danger leur crédit ou leur indépendance.
Art. 49, al. 1, 2 et 4 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)
Contrôle
1 Le notaire a l'obligation de faire contrôler, au 30 juin et au 31 décembre de chaque année, la comptabilité de son étude par une fiduciaire ou un expert-comptable agréés par le département chargé de la justice (ci-après le département).
2 Les conclusions du rapport de la fiduciaire ou de l'expert-comptable sont communiquées au département dans les 3 mois suivant les échéances mentionnées à l'alinéa 1. Tout changement de contrôleur pour le même exercice annuel doit être dûment motivé.
4 Le notaire est tenu de fournir à l'organe de contrôleet, le cas échéant, à la commission de surveillance, les renseignements et documents requis par eux. De plus, il doit confirmer à l'organe de contrôle, qui en fait mention dans les conclusions de son rapport, que toutes les dettes exigibles dues par lui, à titre professionnel et privé, en capital et intérêts, ont été acquittées à la date de la rédaction desdites conclusions.
5 La commission de surveillance peut ordonner le contrôle d'une étude lorsqu'elle estime que les circonstances le justifient. Ce contrôle peut porter sur les actes, procédures, registres, répertoires et archives de l'étude.
Art. 52 (nouvelle teneur)
Saisine de la commission
1 La commission est convoquée par le Conseil d'Etat lorsque celui-ci a des raisons de craindre qu'un notaire a manqué à ses obligations, notamment suite à une dénon-ciation émanant d'un lésé, d'une autorité judiciaire ou administrative, d'un membre de la commission ou de la Chambre des notaires. Son instruction peut s'étendre à d'autres faits que ceux dont elle a été saisie.
2 La commission ne peut valablement délibérer que si 4 membres ou suppléants au moins sont présents. Le notaire mis en cause doit être entendu ou avoir été dûment appelé.
Art. 57, al. 1 (nouvelle teneur)
Mesures provisionnelles
1 En cas d'urgence, le Conseil d'Etat peut suspendre provisoirement un notaire de ses fonctions.
La séance est levée à 19 h 5.