Séance du jeudi 25 avril 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 6e session - 14e séance

M 1052
22. Proposition de motion de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, Jean Spielmann et Pierre Vanek sur des indemnités de chômage partiel touchées indûment par des employeurs. ( )M1052

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

1. à lui présenter un rapport sur les prestations versées par la caisse cantonale et les autres caisses genevoises de chômage aux employeurs dans le cadre des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail et en cas d'intempéries, en répondant plus particulièrement aux questions suivantes:

· combien de décisions d'octroi d'indemnités de réduction de l'horaire de travail ont été prises depuis 1991 ?

· quel a été le montant des indemnités versées ?

· combien de décisions ont fait l'objet d'un contrôle tant quant aux conditions d'octroi qu'au respect des exigences relatives à l'horaire réduit ?

· combien de décisions d'octroi d'indemnités ont fait l'objet d'une annulation et d'une demande de restitution des indemnités versées indûment ? Dans combien de cas les indemnités indûment perçues ont-elles été remboursées et dans combien de cas elles ne l'ont pas été ?

· combien de décisions d'octroi d'indemnités ont fait l'objet d'un recours de la part de l'OFIAMT et avec quel résultat ?

· combien de décisions de restitution d'indemnités ont donné lieu à des amendes ou des poursuites pénales ?

2. à donner toutes explications utiles relatives aux cas des prestations indûment touchées par certains employeurs, dont le promoteur immobilier visé par la présente motion (date de la décision ordonnant la restitution des indemnités et motifs pour lesquels l'office de l'emploi n'a pas encore statué), et les suites données à ce propos;

3. à lui soumettre une proposition de modification de la législation cantonale assurant un statut autonome à la caisse cantonale de chômage, conforme à son statut de caisse publique en lui accordant les compétences décisionnelles résultant de la loi fédérale sur le chômage avec l'institution de voies de recours directes auprès de la commission de recours en matière de chômage et non auprès d'un service de l'administration.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En date du 5 octobre 1993, le conseiller national Josef Zisyadis déposait un postulat demandant au Conseil fédéral de présenter un rapport sur les abus des employeurs en matière de demandes d'indemnités de chômage. L'auteur du postulat visait plus particulièrement les indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail et les indemnités en cas d'intempéries, dont les montants versés par les caisses de chômage ont considérablement augmenté à partirde 1991, passant, sur le plan national, de 16 millions de francs en 1990 à766 millions de francs en 1993 pour les premières et de 28 millions de francs en 1990 à 114 millions de francs en 1993 pour les secondes.

A la suite de ce postulat, l'OFIAMT a décidé d'engager des procédures de contrôle qui ont démontré un certain nombre d'abus, notamment en matière de versement aux employeurs d'indemnités de réduction de l'horaire de travail dont l'octroi est soumis à des conditions strictes, son but étant de compenser pendant une durée de temps limitée des interruptions passagères d'activité, la réduction de l'horaire devant bien entendu être réelle et vérifiable. Compte tenu du fait que le canton de Genève a été particulièrement généreux en matière d'octroi d'indemnités de réduction de l'horaire de travail (30% du total des indemnités versées pour l'ensemble de la Suisse selon un communiqué de l'OFIAMT), il serait intéressant de savoir:

· combien de décisions d'octroi d'indemnités de l'horaire de travail ont été prises depuis 1991 ?

· quel a été le montant des indemnités versées ?

· combien de décisions ont fait l'objet d'un contrôle tant quant aux conditions d'octroi qu'au respect des exigences relatives à l'horaire réduit ?

· combien de décisions d'octroi d'indemnités ont fait l'objet d'une annulation et d'une demande de restitution des indemnités versées indûment ? Dans combien de cas les indemnités indûment perçues ont-elles été remboursées et dans combien de cas elles ne l'ont pas été ?

· combien de décisions d'octroi d'indemnités ont fait l'objet d'un recours de la part de l'OFIAMT et avec quel résultat ?

· combien de décisions de restitution d'indemnités ont donné lieu à des amendes ou des poursuites pénales ?

Ces questions se justifient du fait que nous avons appris avec stupéfaction qu'un grand promoteur genevois, qui est probablement le plus gros spéculateur de notre canton et qui admettait publiquement un endettement de près de 600 millions de francs il y a 4 ans en arrière dans le cadre d'affaires immobilières, endettement qui aurait considérablement augmenté depuis lors, aurait bénéficié durant plusieurs années d'indemnités de réduction de l'horaire de travail pour son bureau d'architectes qui auraient atteint un million de francs, alors que ce même promoteur architecte était chargé d'un certain nombre de gros chantiers portant sur plusieurs centaines de millions de francs de travaux !

Plusieurs architectes qui n'ont pas pu bénéficier de telles indemnités et qui ont dû fermer leur bureau n'ont pas manqué de s'étonner d'une telle générosité, qui est effectivment incompréhensible.

On sait qu'à Genève les décisions d'octroi d'indemnités de réduction de l'horaire de travail sont prises par l'office cantonal de l'emploi rattaché au département de l'économie publique. Il s'avère que la caisse cantonale de l'emploi, rattachée au même département, doit exécuter ces décisions, ce qu'a confirmé un des responsables de la caisse à un quotidien genevois, étant précisé que la caisse procède a posteriori à des contrôles de l'application effective de l'horaire réduit.

Dans le cas d'espèce, est-il exact que la caisse cantonale a procédé à des contrôles sur la base desquels elle a demandé la restitution des prestations versées qui auraient été indûment touchées par le promoteur et que ce dernier a recouru contre cette décision ? Est-il exact que le recours doit être tranché par l'office cantonal de l'emploi comme son directeur l'a déclaré à la presse, qui avait pris la décision d'octroi de l'indemnité, et que cet office n'a pas statué à ce jour sur cette affaire, qui remonte à un certain temps déjà ?

Cette affaire (y en a-t-il d'autres ?) met en évidence l'organisation pour le moins insatisfaisante du processus d'octroi des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail et des indemnités en cas d'intempéries.

En effet, il s'avère que la caisse de chômage, qui est l'office payeur des indemnités versées, n'est qu'un simple exécutant des décisions d'un service de l'office de l'emploi, alors que la caisse de chômage devrait manifestement bénéficier d'une autonomie de gestion, comme c'est le cas de la caisse cantonale AVS, avec la compétence de décider elle-même si l'octroi des indemnités précitées se justifie ou non.

Ce système ne paraît, du reste, pas conforme aux exigences de la loi fédérale sur le chômage. En effet, conformément aux articles 39 et 48 de la loi sur le chômage, c'est à la caisse de chômage d'examiner si les conditions de l'octroi des indemnités sont remplies et de décider, le cas échéant, de leur octroi, si l'autorité cantonale coresponsable de l'application de la loi ne s'y oppose pas. L'autorité cantonale au sens de la loi fédérale, en l'occurrence l'office cantonal de l'emploi, n'a donc qu'un droit de veto, la compétence de décider de l'octroi des indemnités appartenant à la caisse.

Plus grave encore est la question de la restitution de prestations versées indûment. L'article 95 de la loi fédérale spécifie que c'est à la caisse de chômage de prendre les décisions y relatives et non à l'autorité cantonale. Par ailleurs, l'article 101 de la loi fédérale spécifie que les décisions de la caisse cantonale sont sujettes à recours auprès d'un tribunal ou d'une commision de recours indépendants de l'administration et non auprès de l'autorité cantonale. Il est inconcevable que le recours contre les décisions de restitution d'indemnités prises par les caisses soient tranchées par l'office cantonal de l'emploi qui est l'autorité ayant alloué les indemnités et qui se trouve donc juge et partie de ses propres décisions ! Il est manifeste, au vu des dispositions légales rappelées ci-dessus, que le processus décisionnel genevois dans le domaine évoqué par la présente motion n'est pas conforme aux exigences du droit fédéral et aux principes applicables en matière de droit administratif. Il s'impose donc de le modifier.

Tout d'abord, il paraît évident que la caisse cantonale de chômage, dont les prestations et les frais de fonctionnement sont pris en charge par la Confédération à travers l'OFIAMT, doit bénéficier d'une autonomie de gestion à l'image du statut de la caisse cantonale AVS et ne plus avoir le statut d'un service administratif du département de l'économire publique. Cette caisse devrait être soumise à une commission de surveillance et détachée administrativement du département de l'économie publique, afin d'assurer son indépendance de décision.

D'autre part, les décisions d'octroi et de restitution des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail et des indemnités en cas d'intempéries doivent être prises, conformément au droit fédéral, par la caisse cantonale de chômage en tenant compte, en ce qui concerne les décisions d'octroi des indemnités de réduction de l'horaire de travail, du préavis de l'office cantonal de l'emploi au sens de l'article 38 de la loi fédérale, dans le cadre duquel ledit office peut faire part de son opposition au versement des indemnités précitées.

Enfin, les recours contre les décisions de la caisse cantonale de chômage doivent être déférés devant la commission cantonale de recours et non auprès de l'office cantonal de l'emploi.

Pour ces motifs, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à la présente proposition de motion.

P.-S. - Au moment de déposer la présente motion, nous avons appris une autre affaire d'indemnités de réduction de l'horaire de travail portant sur un montant d'environ un milion de francs versé à l'entreprise Haro, tombée en faillite et dont l'assemblée des créanciers a eu lieu le 19 mars 1996. Parmi les créanciers figure la caisse de chômage, ce qui implique qu'elle a pris une décision ordonnant une restitution d'indemnités et que le remboursement par le débiteur, qui semble parti à l'étranger, n'a pas eu lieu. Comme celui-ci est tombé en faillite, le département de l'économie publique a-t-il déposé une plainte pénale ?

Débat

M. Christian Ferrazino (AdG). Le débat devrait être plus facile, dès lors qu'il s'agit d'une motion, Monsieur le président, et non d'un projet de loi.

Nous avons eu connaissance du cas du bureau d'architectes dont la motion fait état. Comme on peut l'imaginer, les milieux concernés étaient fort mécontents de voir des architectes traités de cette manière. De plus, nous avons appris que le cas de M. Magnin, pour ne pas le nommer, n'était pas isolé.

A la suite des informations diffusées par les médias, l'Alliance de gauche a reçu de nombreux coups de téléphone. Nous avons appris - et c'est ma première question, Monsieur Maitre - que d'autres sociétés, appartenant à M. Magnin, auraient aussi perçu des indemnités pour plusieurs centaines de milliers de francs; je précise bien : des sociétés contrôlées et appartenant économiquement à M. Magnin. D'ores et déjà, je vous remercie de nous dire si les faits sont exacts.

Nous avons eu également connaissance de l'affaire Haro qui a donné lieu à une procédure pénale, ouverte spontanément par le procureur général, sans qu'il y ait, sauf erreur de ma part, intervention préalable de votre département, ce dont on peut s'étonner. L'affaire semble être prise au sérieux par le Parquet, puisque le juge d'instruction en charge du dossier a entendu non seulement le directeur de la caisse cantonale de chômage mais aussi quelques-uns de ses collaborateurs. Un analyste, qui travaillait pour cette caisse et précisément sur ces dossiers - et c'est ma deuxième question, Monsieur Maitre - a vu son contrat de travail être résilié. Est-ce exact et, dans l'affirmative, quelles sont les raisons de la résiliation du contrat de cet analyste ?

Le juge semble ne pas se limiter à l'affaire Haro, puisqu'il enquête, de manière générale, en entendant toutes ces personnes. C'est dire que ces affaires, qui revêtent une certaine ampleur, suffisent à justifier le renvoi de cette motion en commission.

M. Pierre-Alain Champod (S). Le parti socialiste soutiendra cette motion qui soulève des questions pertinentes.

Comme beaucoup ici, j'ai été surpris de lire dans la presse de nombreux articles évoquant des cas d'employeurs ayant abusé des prestations prévues par la loi sur l'assurance-chômage en cas de chômage partiel. Les dispositions concernant le chômage partiel sont nécessaires, mais doivent être appliquées avec discernement, eu égard aux montants en jeu.

Alors que certains patrons abusent des dispositions prévues en cas de chômage partiel, il est paradoxal que ces mêmes milieux patronaux aient fait pression sur le Parlement fédéral pour aggraver les pénalités frappant les chômeurs en cas de refus d'emploi, de congé donné ou de recherches d'emploi insuffisantes. Ces pénalités ont, en effet, passé de deux à trois mois, et cela dans une loi dont plusieurs articles commencent par : «pour éviter les abus...».

Dans l'affaire Magnin, sauf erreur de ma part, un recours est pendant. J'attendrai donc la décision de la justice pour émettre un avis définitif. Si cette affaire choque davantage que d'autres c'est en raison du passé de spéculateur de l'intéressé. Par ailleurs, la presse a révélé des affaires similaires à Genève et dans d'autres villes suisses.

Cette motion permettra d'obtenir des explications sur l'ampleur du phénomène et sur les mesures prises, tant au niveau fédéral que cantonal, pour éviter que les fonds de l'assurance-chômage ne soient utilisés de cette manière.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accepte, bien entendu, le renvoi de cette motion et fera volontiers rapport. Le sujet est important et nous entendons donner tous les renseignements sollicités tant sur la caisse cantonale que sur les autres caisses qui ne relèvent pas directement de nous, mais sont contrôlées par l'OFIAMT.

Qu'il me soit simplement permis de dire que les mesures, concernant les réductions des horaires de travail, sont extrêmement utiles, parce que destinées à éviter les licenciements. Pour être efficaces, elles doivent faire l'objet de décisions très rapides, prises sur la base d'un examen prima facie. La loi elle-même stipule que : «La justification de la mesure doit être rendue vraisemblable.» Il y a là certains risques d'erreurs, voire de dérapages possibles. C'est pourquoi la caisse fait une vérification systématique de tous les dossiers, et ce sur la base de la décision de principe prise par l'office cantonal de l'emploi. Des procédures sont ouvertes quand il y a doute ou que des éléments sont susceptibles de générer des anomalies, à tout le moins des questions. En 1993, il y en a eu soixante-quatre; en 1994, nonante; en 1995, septante-cinq qui ont abouti, d'une part, à des décisions, de la compétence de la caisse, de ne pas payer les montants et à des décisions de demandes de restitution.

Sur la base des renseignements de l'OFIAMT - que je dois vérifier, car on n'est jamais trop prudent - je puis vous dire que Genève est le seul canton à opérer des contrôles aussi systématiques. Les cas évoqués ont été mis en lumière à l'occasion de contrôles effectués par les instances de l'office cantonal de l'emploi, en l'occurrence par la caisse.

S'agissant du cas Magnin, il faut distinguer deux choses : d'une part, M. Magnin et ses activités de promotion que vous critiquez et, d'autre part, le bureau d'architectes Magnin, une société anonyme qui ne participe pas aux activités de promotion de l'intéressé qui, lui, a fait l'objet du contrôle et de la décision de la caisse. La réclamation de M. Magnin a entraîné des contrôles supplémentaires - ce qui a pris du temps - par une fiduciaire spécialisée et la décision de la caisse a été confirmée par l'office cantonal de l'emploi, agissant sur réclamation. Aujourd'hui, l'instance judiciaire est saisie d'un recours et il conviendra qu'elle tranche.

C'est aussi grâce aux contrôles de la caisse que l'affaire Haro a été mise en évidence, suite à l'examen minutieux de la personne à laquelle vous avez fait allusion. Je précise que cette personne n'a pas eu son contrat rompu, puisqu'elle était en occupation temporaire à la caisse et que cette occupation a pris fin. C'est le cas pour celles et ceux qui sont dans cette situation. Là aussi, des vérifications ont été faites, des demandes de restitution adressées et une information pénale ouverte par le procureur général, compte tenu de délits de droit commun pour lesquels le Parquet avait déjà ouvert une information. C'est dans ce contexte que le procureur général a eu connaissance des indemnités versées.

Je l'ai dit et je n'ai pas à le cacher : je regrette que la caisse n'ait pas déposé une plainte pénale immédiate, des motifs évidents la justifiant pleinement.

Depuis et sur la base de l'intervention du procureur général, les dossiers ont été immédiatement transmis. Une aide diligente est apportée au Parquet, en l'occurrence au juge d'instruction chargé du dossier, pour que cette affaire soit instruite également sous l'angle de la violation de la loi sur le chômage. D'autres infractions existent, dont la matérialité est vérifiée, telles que faux dans les titres, délit de banqueroute, banqueroute frauduleuse, etc. C'est dans ce contexte que j'ai donné instruction à la caisse de chômage de se constituer partie civile, de sorte qu'elle soit partie à cette procédure.

Voilà ce que je puis vous dire maintenant. Il est entendu que pour le surplus nous ferons volontiers rapport sur l'ensemble des questions posées.

Je souhaite simplement, et je le dis non sans malice, qu'un certain nombre de caisses syndicales soient en mesure de répondre aux questions que nous leur poserons de la manière dont la caisse cantonale genevoise de chômage a su nous informer sur les contrôles qu'elle a ouverts.

M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur le président, je ne veux pas allonger le débat, mais vous dites vous être constitué partie civile dans le cadre de cette procédure.

Vous savez comme moi, Monsieur Maitre, que lorsque vous produisez des prétentions dans le cadre d'une faillite, il y a peu d'espoir d'obtenir quelques dividendes. Vous être constitué partie civile ne servira donc pas à grand-chose, de ce point de vue.

Cela met en évidence la nécessité de contrôles rapides. Vous nous dites, avec une certaine satisfaction, que Genève est le canton le plus diligent en matière de contrôles et qu'il y en aurait eu septante-cinq. Indépendamment de la quantité des contrôles qui, apparemment, sont peu nombreux, tout dépend du moment auquel ils interviennent. Si vous attribuez l'indemnité et n'intervenez que six ou douze mois plus tard, le contrôle n'a guère de raison d'être et perd, en tout cas, de sa pertinence.

J'ai pris note que l'analyste en question était sous contrat d'occupation temporaire et qu'il y a été mis fin à échéance. Néanmoins, je pars de l'idée que ce poste a plus que jamais sa raison d'être au sein de la caisse et que cet analyste va être remplacé...

Une voix. Ils sont nombreux !

M. Christian Ferrazino. En effet, parce que vous ne gardez jamais la même personne pour deux périodes consécutives de six mois. Je m'attendais de la part de votre département à quelques explications sur l'absence d'autonomie de la caisse. C'est une question également soulevée par la motion. On peut s'interroger sur le fait que les décisions d'octroi d'indemnités sont prises par l'office cantonal de l'emploi et qu'en définitive la caisse cantonale n'en est que la simple exécutante. Lorsque la caisse décide de la restitution d'indemnités indûment versées et qu'un recours est interjeté, devant quelle autorité croyez-vous qu'il l'est ? Précisément devant l'office cantonal de l'emploi, c'est-à-dire devant l'office qui a pris la décision.

Nul besoin d'être fin juriste, Monsieur Maitre, pour s'apercevoir qu'il y a quelque chose de choquant en l'espèce et que manifestement l'organisation du département, concernant cet aspect du dossier, ne répond pas aux exigences du droit fédéral et aux principes applicables en matière de droit administratif.

Je souhaite simplement savoir si vous partagez cet avis et, dans l'affirmative, si vous pensez qu'il convient de modifier cette organisation.

Le président. Monsieur le député, confirmez-vous votre demande de renvoi à la commission ?

M. Christian Ferrazino. Tout à fait, Monsieur le président !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Ferrazino fait erreur en ce qui concerne l'organisation ou confond un certain nombre de notions qu'il devrait connaître.

L'autorité cantonale - un service de l'office cantonal de l'emploi - prend une décision de principe, octroi ou refus d'octroi. S'il y a décision d'octroi sur le principe, le dossier est envoyé à la caisse, laquelle fait systématiquement une vérification et a le droit, tout à fait autonome, de dire : «Nous ne payons pas, parce que nous ne sommes pas d'accord.» La caisse est absolument indépendante sur ce plan-là.

Si la caisse dit refuser de payer, le requérant dispose d'une possibilité de réclamation. Si la caisse dit accepter de payer, elle règle et procède ensuite aux contrôles dans le contexte que vous connaissez.

En cas de réclamation - et c'est probablement là qu'une correction s'impose, mais uniquement dans les termes, puisqu'il ne s'agit pas d'un recours, mais d'une voie interne - contre les décisions de la caisse, la requête va à la direction générale de l'office cantonal de l'emploi. On se trouve dans le même contexte qu'en matière fiscale : vous pouvez présenter une réclamation au chef du département quant au montant de votre bordereau. De même si vous contestez une décision de la caisse, vous pouvez faire une réclamation auprès de la direction générale de l'office cantonal de l'emploi. C'est une procédure interne.

Contre la décision de l'office cantonal de l'emploi prise sur réclamation, une voie de recours est prévue devant l'instance judiciaire qui est la commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage. Cette voie de recours appartient à l'administré s'il estime que la décision est erronée. Elle appartient aussi à la caisse si elle n'est pas d'accord avec la décision prise sur réclamation par l'autorité cantonale de recours. La caisse a, en effet, le droit de recourir auprès de la commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage et ce même droit appartient à l'OFIAMT.

Vous voyez que les instances et les garanties judiciaires sont données, mais il est vrai que l'appellation «recours» est probablement erronée pour ce qui est, en réalité, une seule voie de réclamation préalable, dans un contexte interne. Une correction s'imposerait, semble-t-il.

Sur le fond juridique, cela ne changera rien à l'organisation du système. Ce système fonctionne, étant entendu qu'il garantit l'indépendance de l'autorité appelée à statuer sur recours qui est la commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage; étant entendu aussi qu'il garantit l'indépendance de la caisse qui, en tout état de cause, a le droit de faire et réclamations et recours, le cas échéant, devant la commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'économie est adoptée.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je prends note qu'une majorité a décidé de renvoyer cette motion à la commission de l'économie déjà surchargée d'objets, dont certains viennent de lui être renvoyés ce soir. La motion demande de nombreux renseignements au Conseil d'Etat. Nous sommes donc prêts à la recevoir pour y répondre d'une manière complète.

Est-il donc nécessaire de procéder à un renvoi à la commission de l'économie ? Vous aurez une réponse, cas échéant, mais dans des délais beaucoup plus longs. Il ne faudra pas venir vous en plaindre !

Le Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, le Grand Conseil s'est exprimé sur ce point et la proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.