Séance du jeudi 25 avril 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 6e session - 13e séance

M 1056
a) Proposition de motion de MM. Jacques Boesch, Christian Ferrazino, Christian Grobet, Jean Spielmann et Pierre Vanek sur les perspectives d'avenir de l'aéroport de Genève-Cointrin. ( )M1056
M 1057
b) Proposition de motion de Mme et MM. Laurent Moutinot, Micheline Calmy-Rey et René Longet sur l'aéroport de Genève-Cointrin. ( )M1057
R 314
c) Proposition de résolution de MM. Jacques Boesch, Christian Ferrazino, Christian Grobet, Jean Spielmann et Pierre Vanek à l'attention de Swissair et du Conseil fédéral sur la desserte de Genève-Cointrin. ( )R314
R 315
d) Proposition de résolution de Mme et MM. Olivier Lorenzini, Daniel Ducommun et Geneviève Mottet-Durand concernant la desserte long-courrier de l'aéroport international de Genève. ( )R315

8. Déclaration du Conseil d'Etat sur Swissair

et

(M 1056)

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la décision de Swissair de supprimer ses vols long-courriers depuis Genève;

- les conséquences particulièrement graves de cette décision pour l'aéroport de Genève-Cointrin et pour la Suisse romande;

- l'évolution en cours depuis plusieurs années en ce qui concerne l'exploitation du trafic aérien international, plus particulièrement des liaisons intercontinentales par long-courriers;

- les intentions clairement exprimées depuis trois ans au moins par les compagnies d'aviation quant à un regroupement des liaisons intercontinentales dans un nombre limité d'aéroports intercontinentaux jouant le rôle de plates-formes de liaison (HUB) desservies par un réseau dense de vols de liaison desservant les aéroports de proximité par des moyen-courriers, intentions qui étaient connues du Conseil d'Etat;

- les conséquences prévisibles de cette évolution pour l'aéroport de Genève-Cointrin en raison du maintien très aléatoire de deux aéroports intercontinentaux en Suisse dans un tel concept;

- le rôle primordial de Swissair en ce qui concerne la desserte de notre pays par voie aérienne et l'importance du trafic assuré par notre compagnie nationale à partir de Genève-Cointrin ;

- la nécessité d'une part d'assurer l'avenir de Swissair, confrontée à la fois à des pertes importantes dues à la cherté du franc suisse et à une concurrence exacerbée avec une guerre des prix destructrice provoquée par la dérégulation en matière de trafic aérien, et la nécessité d'autre part de veiller à ce que son activité tienne compte des intérêts de l'ensemble des régions de notre pays,

invite le Conseil d'Etat

- à désigner immédiatement un remplaçant à M. Jean-Philippe Maitre, démissionnaire, dans le Conseil d'administration de Swissair, afin d'une part de défendre les intérêts de l'aéroport de Genève-Cointrin, de notre canton et de la Suisse romande au sein de ce Conseil et d'autre part de bénéficier des importantes sources d'information que constitue le statut d'administrateur de Swissair;

- à lui présenter un rapport dans les meilleurs délais sur:

- la stratégie que le Conseil d'Etat a conçue dès le moment où il a eu connaissance, il y a trois ans en tout cas, de l'intention de Swissair de favoriser la création d'un HUB à l'aéroport de Zurich-Kloten et de regrouper sur cette plate-forme ses vols intercontinentaux ;

- l'actualisation de la stratégie définie il y a bientôt 20 ans quant au rôle, au développement envisagé et aux objectifs retenus pour l'aéroport de Genève-Cointrin ;

- l'adaptation de ce concept et du plan de développement de l'aéroport en fonction de l'évolution de l'organisation du trafic aérien en retenant les solutions les plus favorables pour notre aéroport, notre canton et la Suisse romande, sans recourir à une dérèglementation accrue, mais plutôt à un respect des exigences de la concession concédée par la Confédération à Swissair.

EXPOSÉ DES MOTIFS

En automne 1979, le Conseil d'Etat rendait public son rapport sur l'aéroport «Horizon 1990» et sollicitait du Grand Conseil l'octroi d'un crédit d'étude de 10,5 millions de francs pour l'adaptation des installations de l'aéroport de Genève-Cointrin. L'étude devait porter sur une vingtaine d'ouvrages répondant aux besoins à court, moyen et long terme, dont le coût de réalisation était estimé à 232 millions de francs. Ces constructions diverses, dont un bâtiment «gros porteurs», étaient conçues de manière à répondre à des prévisions d'un trafic passant de 4,5 millions de passagers en 1978 à un trafic présumé de 9,4 millions de passagers en 1990 (les mouvements d'avions par année devant passer pendant la même période de 70 000 à 91 600 (voir mémorial du Grand Conseil du 8 novembre 1979).

A la suite de l'adoption de ce projet de loi, le Grand Conseil fut saisi de toute une série de demandes de crédit portant sur des installations aéroportuaires. Très rapidement, les projections de l'augmentation du nombre de passagers, fondée sur une estimation de l'Institut Battelle, devaient toutefois s'avérer nettement supérieures à la réalité, ce qui amena deux des présents motionnaires à déposer en décembre 1985 une motion (M 362) demandant le réexamen du développement de l'aéroport en fonction d'une part de l'évolution du trafic aérien et du type d'avions (notamment en ce qui concerne les gros-porteurs) et en fonction d'autre part d'un développement raisonnable du canton. Dans son rapport à cette motion, traité lors de la séance du Grand Conseil du 20 juin 1986, le Conseil d'Etat tout en reconnaissant les erreurs d'évaluation de l'augmentation du nombre de passagers à Cointrin, devait faire part du fait qu'il maintenait son programme d'extension décidé 5 ans plus tôt, tout en modifiant l'ordre des priorités et en insistant sur les besoins d'adaptation de l'aéroport en fonction des avions gros-porteurs.

A partir de 1981, les investissements consentis en faveur de l'aéroport de Genève-Cointrin ont été considérables, puisque le Grand Conseil a libéré les crédits suivants:

- 50 millions pour la réfection de la piste (loi du 7 mai 1981);

- 134 millions pour la halle de fret (lois des 26 juin 1981 et 22 janvier 1988);

- 30 millions pour des installations contre le bruit et liés à la sécurité (loi du 23 avril 1982);

- 60 millions pour le parking P1 (loi du 24 juin 1983);

- 22 millions pour les deux plates-formes extérieures des niveaux arrivée et départ (loi du 24 juin 1983);

- 40 millions pour le bâtiment tri-bagages (loi du 17 janvier 1985);

- 10 millions pour l'aire de stationnement à côté de l'aéroport;

- 12 millions pour l'extension de l'aire de trafic des avions gros-porteurs (loi du 15 février 1985);

- 23,6 millions pour l'extension frontale de l'aérogare et la liaison avec la gare CFF (loi du 19 septembre 1986);

- 2,5 millions pour l'extension du garage SSA (loi du 5 juin 1987);

- 1,6 million pour la signalisation piétonne (loi du 18 mars 1988);

- 71 millions pour l'extension latérale du bâtiment principal de l'aéroport lère étape (loi du 24 juin 1988);

- 29 millions pour la 2e étape de ce bâtiment (loi du 7 février 1991).

A ces crédits, qui dépassent 500 millions de francs compte tenu des crédits de bouclement, il faut ajouter les crédits budgétaires annuels de 5 millions pour la poursuite de la réfection de la piste à partir de 1992, des adaptations financées par le fonds d'adaptation de l'aéroport alimenté par des taxes aéroportuaires et les investissements actuellement en cours concernant la mise en place de passerelles télescopiques, qui n'ont pas été soumis à l'approbation du Grand Conseil.

Face à des investissements aussi importants et du programme de constructions retenu par le Conseil d'Etat en fonction d'un aéroport de 9 millions de passagers l'an (actuellement ce nombre dépasse légèrement 6 millions de passagers l'an), il importe, compte tenu de la progression relativement faible du nombre des passagers depuis quelques années et des risques d'un plafonnement voire d'une diminution du nombre de vols gros-porteurs, de réexaminer si ce programme d'investissements ne doit pas être revu en fonction aussi bien des réalités d'aujourd'hui, que de l'état des finances cantonales.

Il s'agit plus particulièrement de connaître quelle est la stratégie du Conseil d'Etat face aux intentions, dont il a connaissance depuis 1993, de créer une plate-forme HUB à Zurich, compte tenu de l'évolution du trafic aérien et la création d'une seule plate-forme de ce type dans les principaux pays européens. Certes, la façon dont le Conseil d'administration de Swissair a mis les autorités devant le fait accompli, comme il l'a fait depuis un certain temps pour d'autres décisions, notamment de suppression de postes de travail, est inadmissible, mais on ne saurait prétendre que la volonté de supprimer la plupart des vols long-courriers depuis Genève et de les transférer à Zurich n'était pas connue depuis un certain temps déjà, comme le fait qu'il serait très difficile de maintenir deux aéroports intercontinentaux en Suisse.

La façon de procéder de Swissair est d'autant plus inadmissible, qu'il s'agit d'une compagnie nationale d'économie mixte, chargée de répondre à des intérêts nationaux et bénéficiant à cette fin d'une situation de quas- monopole résultant de la concession qui lui a été concédée et des accords de liaisons aériennes conclus avec d'autres pays par la Confédération. Swissair a non seulement des comptes à rendre envers les pouvoirs publics, qu'elle sollicite du reste pour défendre ses intérêts notamment sur le plan international, mais encore se doit de rechercher avec les autorités du pays les solutions qui non seulement lui sont le plus favorables pour le maintien et le développement de son activité, mais encore qui assurent un juste équilibre de celle-ci entre les diverses régions du pays.

Dans ce contexte, nous considérons que le Conseil d'Etat doit mettre le Conseil fédéral en demeure de veiller au respect de cet équilibre dans le cadre de la concession concédée et des accords internationaux dont bénéficie Swissair, plutôt que de réclamer une libéralisation, au profit de l'aéroport de Cointrin, des règles applicables au trafic aérien sachant les effets par-ticulièrement destructeurs que cette politique de dérégulation engendrant une concurrence exacerbée entre compagnies aériennes a provoqués.

S'il y a tout lieu d'être indigné du comportement des dirigeants de Swissair qui prennent leurs décisions comme s'ils n'avaient de comptes à rendre à personne, si ce n'est à leurs actionnaires, appliquant ainsi les principes de gestion d'entreprise proclamés par les mêmes milieux qui demandent la privatisation des services publics dont on peut voir les conséquences à travers cet exemple, nous estimons qu'il faut éviter d'aggraver la situation très difficile dans laquelle se trouve notre compagnie aérienne. La façon d'agir des dirigeants de Swissair ne doit pas amener à provoquer des conditions de concurrence qui pourraient conduire à la perte de Swissair face à certains géants de l'aéronautique, qui n'ont qu'un seul désir: éliminer leurs concurrents. Ce serait catastrophique aussi bien pour notre pays, que pour les postes d'emploi qu'il faut à tout prix préserver.

Faire le jeu de ceux qui veulent supprimer ce qui reste d'une réglementation qui a fait ses preuves, qui veulent suivre la dérégulation mise en place aux Etats-Unis avec les conséquences catastrophiques qui en ont résulté (faillites, disparition de grandes compagnies d'aviation, pertes massives d'emplois, baisses de salaires, mise en péril de la sécurité des passagers en raison de recherches d'économies pour tenir face à la concurrence exacerbée dans le cadre d'une guerre des prix sans merci), nous nous y refusons. Ce n'est pas en usant de méthodes dont Swissair est la victime que nous sauverons une compagnie aérienne indispensable aussi bien pour notre pays, que pour l'aéroport de Cointrin dont elle assure près de la moitié du trafic aérien.

C'est la raison pour laquelle nous considérons indispensable que le Grand Conseil soit tout d'abord informé sur les questions évoquées par la présente motion, par un rapport complet portant sur la situation actuelle en matière de trafic aérien, le statut exact de l'aéroport, les objectifs du Conseil d'Etat ainsi que de l'actualisation de ses plans de développement de l'aéroport en fonction de l'évolution de la situation, notamment en ce qui concerne la construction - côté piste - d'installations destinées à l'accueil d'avions gros-porteurs, afin de pouvoir débattre sérieusement de ces questions essentielles quant à l'avenir de l'aéroport.

Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion recevra bon accueil de votre part.

(M 1057)

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'importance de l'aéroport de Genève-Cointrin pour la Genève internationale et son rôle dans la politique étrangère de la Suisse, pour l'économie genevoise et celle de l'ensemble de la Suisse romande et de la région;

- la décision de Swissair de supprimer l'essentiel des lignes intercontinentales au départ de Genève-Cointrin pour des motifs de rationalisation propres à cette entreprise;

- les conséquences néfastes pour Genève, la Suisse romande et la région d'une diminution de l'offre des vols à l'aéroport de Genève-Cointrin;

- l'impérieuse nécessité de conserver à Genève, à l'heure de l'internationalisation des échanges, un aéroport nous reliant à toute la planète;

- l'ampleur de la tâche à accomplir pour garantir la pérennité de l'aéroport de Genève-Cointrin dans le sens d'un développement durable et dans le respect des impératifs écologiques qu'une telle activité engendre;

- les conséquences dangereuses pour le fonctionnement harmonieux de la Confédération, composée de parties très diverses, des décisions d'entreprises ne visant que leur intérêt propre,

invite le Conseil d'Etat

- à convoquer dans les plus brefs délais les Etats généraux de l'aéroport de Genève-Cointrin en y invitant les cantons romands et les partenaires sociaux;

- à prévoir à l'ordre du jour desdits Etats généraux la recherche, l'élaboration et la concrétisation des moyens propres et de nature à garantir la pérennité de l'aéroport comme véritable poumon de Genève, de la Suisse romande et de l'ensemble de la région, soit notamment :

- d'assurer, en priorité par l'intermédiaire de Swissair, ou subsidiairement par l'application du principe «open sky Geneva», des offres de vols intercontinentaux en quantité et en qualité suffisantes;

- de développer les effets de synergie avec l'aéroport de Zurich-Kloten et de Lyon-Satolas, ainsi qu'avec les relations ferroviaires dont les trains à grande vitesse;

- de veiller à ce que les conditions de travail et les emplois soient maintenus;

- de veiller à ce que l'activité aéroportuaire respecte les normes de protection de l'environnement et notamment de lutte contre le bruit et la pollution;

- à définir les différences structurelles entre la Suisse alémanique et la Suisse romande, à évaluer leurs conséquences tant du point de vue économique que social et à mettre en oeuvre les mesures compensatoires nécessaires.

EXPOSÉ DES MOTIFS

«L'aéroport de Genève-Cointrin compte pour beaucoup dans la vitalité de notre économie. D'une part il renforce l'attractivité de la région genevoise pour les entreprises; d'autre part les retombées économiques générées par son exploitation sont d'une façon générale largement positives.» Ainsi commençait l'exposé des motifs de la motion 714 déposée par le groupe socialiste le 17 janvier 1991; cette motion réclamait, il est vrai, la mise en oeuvre de mesures de protection de l'environnement, mais il est frappant de constater aujourd'hui, dans un contexte radicalement différent, qu'elle commençait par rappeler le rôle économique primordial de l'aéroport.

Aujourd'hui, l'aéroport de Genève-Cointrin est menacé dans sa substance même et il nous appartient de trouver les moyens adéquats pour garantir sa pérennité et son développement. On avait coutume de dire que Genève avait raté la bataille du rail - ce qui reste tragiquement vrai - mais qu'elle avait réussi à prendre le train de l'avion (!), ce qui est aujourd'hui remis en question.

Les menaces

Genève-Cointrin est menacé par la décision de Swissair de supprimer l'essentiel des vols intercontinentaux au départ de notre aéroport, d'une part, et, d'autre part, par la politique restrictive de l'office fédéral de l'aviation civile (OFAC) à l'égard des compagnies étrangères.

La décision de Swissair, si regrettable qu'elle soit, pourrait être compensée par des vols de compagnies étrangères si l'OFAC y donnait son aval. A l'inverse, la politique de l'OFAC ne serait pas trop dommageable pour Genève-Cointrin si Swissair ne se détournait pas de notre aéroport.

Il est encore trop tôt pour dire s'il faut tenter d'infléchir la position de Swissair ou celle de l'OFAC : en l'état, les deux pistes méritent d'être suivies.

La décision de Swissair a ceci d'absurde, fort bien mis en évidence par «Entreprise Romande» (Editorial du numéro du 12 avril 1996), que l'aspect arithmétique des économies comptables escomptées par notre compagnie nationale - 50 millions de francs - peuvent fort bien être contredites par une évolution négative de l'aspect commercial de ladite décision. Il suffit en effet que 10% des clients pour des vols intercontinentaux au départ de Genève renoncent à partir de Zurich-Kloten pour que l'économie comptable soit anéantie.

La politique de l'OFAC, quant à elle, est en contradiction avec les accords «open sky» et la libéralisation des marchés du ciel, pourtant réclamée par Swissair à son profit en d'autres circonstances. La politique de l'OFAC est de surcroît néfaste à la Suisse tout entière en privilégiant une région par rapport à une autre.

Les principes

Nous ne sommes pas favorables au «tout à l'avion», notamment pour des motifs écologiques, mais, à l'inverse, l'avion est, de toute évidence, un moyen de transport inégalable sur longues distances... et c'est précisément ce type de vol qui est menacé à Genève-Cointrin. L'argument de Swissair selon lequel une seule plate-forme aéroportuaire intercontinentale par pays est viable n'est pas pertinent, car dans un pays centralisateur comme la France, tout passe par Paris, alors que dans un pays multilingue comme la Suisse et disposant d'un pôle économique à Zurich et d'un pôle diplomatique à Genève, l'unicité est un critère absurde.

La défense stricte de l'aéroport de Genève pour Genève n'est pas suffisante, car même le rôle important de la Genève internationale ne justifierait pas pleinement un aéroport intercontinental. L'aéroport de Genève-Cointrin remplit également un rôle régional que notre Grand Conseil a bien compris, lors de l'adaptation des statuts actuels de l'aéroport, en octroyant au canton de Vaud, au canton du Valais et à la France voisine des sièges au conseil d'administration. La défense de Genève-Cointrin doit dès lors être la cause commune de la Suisse romande et de la région.

Le maintien et le développement éventuel de l'aéroport ne doivent pas se faire à la seule norme «du profit immédiat», comme le rappelait M. John Dupraz au Congrès du Parti radical suisse, mais à l'aune d'un développement durable, respectueux de l'environnement et porteur de potentialités économiques à long terme.

En d'autres termes, la défense d'un instrument économique tel que l'aéroport doit se faire dans une politique économique visant prioritairement à la défense et à la création d'emplois et non en fonction d'une vision purement comptable - telle que celle de Swissair - de l'économie.

Pourquoi des Etats généraux ?

Nous ne voulons pas jouer ici les indépendantistes ni renforcer l'idée d'une Genève-casino, mais engager l'ensemble des forces politiques, économiques et sociales qui tirent parti de l'aéroport de Genève-Cointrin dans le processus nécessaire à la défense de l'aéroport. Seule, en effet, une base large nous évitera de tomber dans le piège d'une «Genferei» et permettra d'infléchir le cours des décisions venues d'ailleurs, de Swissair ou de l'OFAC.

L'aéroport de Genève-Cointrin n'est pas un bébé phoque et nous ne crions pas «sauvez Genève»; nous estimons en revanche que notre Grand Conseil doit prendre toutes les initiatives utiles pour garantir la pérennité de l'aéroport de Genève-Cointrin et que plus large sera le soutien à l'aéroport, plus grandes seront les chances de succès.

C'est dans cet esprit que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver bon accueil à la présente motion.

(R 314)

Vu l'annonce abrupte par la direction de Swissair de la décision de son Conseil d'administration de supprimer ses vols long-courriers à partir de l'aéroport de Genève-Cointrin;

vu la manière inacceptable avec laquelle ce Conseil d'administration a pris la décision (délai d'information trop bref des administrateurs, absence de concertation avec les autorités fédérales et cantonales concernées, absence d'alternatives);

vu les conséquences particulièrement graves de la décision du Conseil d'administration de Swissair pour l'aéroport de Genève-Cointrin et pour l'ensemble de la Suisse romande, notamment sur le plan économique et social, sur le plan des communications, des infrastructures et de l'emploi,

LE GRAND CONSEIL,

- proteste vigoureusement contre la manière inadmissible avec laquelle le Conseil d'administration de Swissair a pris la décision de supprimer ses vols long-courriers à partir de Genève au mépris de toute concertation;

- demande instamment au Conseil d'administration de Swissair de suspendre sa décision pour donner le temps d'engager une véritable concertation avec l'autorité fédérale compétente et les Conseils d'Etats zurichois, genevois et des cantons romands, afin de procéder à une analyse sérieuse des différentes solutions envisageables et leurs incidences économiques et sociales aussi bien pour Swissair que pour les cantons concernés;

en appelle au Conseil fédéral

pour qu'il refuse d'homologuer, dans le cadre de la concession accordée à Swissair, toute modification des liaisons aériennes assurées par celle-ci à partir de Genève-Cointrin tant que la procédure de concertation demandée par la présente résolution n'aura pas eu lieu et que ses résultats n'auront pas fait l'objet d'un rapport aux Grands Conseils des cantons concernés.

(R 315)

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la décision de Swissair de rapatrier l'essentiel de ses vols intercontinentaux sur Zurich-Kloten;

- le rôle de Genève, cité des organisations internationales, au service de la politique étrangère du pays;

- l'importance de l'aéroport international de Genève pour l'ensemble du tissu économique romand;

- la nécessité de préserver la solidarité confédérale et de maintenir les équilibres entre les différentes régions du pays;

- le mandat donné par l'article 103 de la loi fédérale sur la navigation aérienne à Swissair de desservir un réseau d'intérêt général,

invite le Conseil fédéral

- à tout mettre en oeuvre pour favoriser à l'aéroport international de Genève une desserte long-courrier de qualité;

- à autoriser les compagnies étrangères à desservir librement l'aéroport international de Genève;

- à intervenir auprès du groupe Swissair pour que son réseau long-courrier ne soit pas uniquement concentré à Zurich.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La décision du Conseil d'administration de Swissair de rapatrier ses vols intercontinentaux sur Zurich-Kloten a soulevé force réactions, en Suisse romande bien entendu, mais également en Suisse alémanique.

Motivée par des calculs économiques pour le moins discutables et carctérisée par une vision à court terme, cette décision soudaine porte un coup brutal à l'ensemble de la Suisse romande.

Cette décision constitue:

· Un danger pour la Genève internationale, au service de la politique extérieure du pays

 Le Conseil fédéral a, à plusieurs reprises et à juste titre, souligné que la présence des organisations internationales était un élément essentiel de la politique extérieure du pays. Une desserte aérienne long-courrier de qualité est une condition importante pour le maintien de cette présence.

· Un danger pour la Suisse romande

 En prise depuis quelques années avec des difficultés économiques sans précédent, les cantons romands sont également durement touchés par cette décision.

 Alors qu'ils se battent, à travers une politique de promotion économique active, pour conserver des emplois menacés par la crise et en créer de nouveaux, la décision de Swissair porte un coup sérieux à leur dynamisme et à leurs efforts.

· Un danger pour la cohésion nationale

 En jouant ainsi un aéroport contre l'autre, et cela au mépris du mandat que lui confère la loi fédérale sur la navigation, Swissair remet en cause son statut de compagnie nationale.

 Alors que les différentes parties de notre pays ont de plus en plus de mal à communiquer et à se comprendre, alors que les sujets de discorde, ou pour le moins de divergences, se multiplient au rythme des scrutins populaires, Swissair était un symbole de cohésion et de fierté nationales.

 Un symbole très fortement mis à mal par cette décision malheureuse, qui entame davantage la cohésion, pourtant si nécessaire, de notre pays.

La décision prise par Swissair a pour effet de remettre en cause son statut de compagnie nationale, avec les protections qui en découlaient jusqu'ici sur le marché intérieur suisse. En effet, les compagnies étrangères n'étaient autorisées à opérer en Suisse, avec le droit d'y embarquer des passagers, que pour autant que les intérêts économiques de Swissair ne soient pas lésés. Cette pratique doit aujourd'hui être abandonnée. Il n'y a en effet plus aucune raison de ne pas autoriser les compagnies étrangères qui souhaitent valoriser ou compléter leur réseau au départ de Genève, de pouvoir y opérer désormais librement avec le droit d'y embarquer des passagers (droit de 5e liberté).

Tels sont les motifs pour lesquels nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver bon accueil à la présente résolution.

Débat

M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Pendant de nombreuses années, le transport aérien s'est développé, notamment en Europe, grâce à des compagnies nationales bénéficiant souvent de monopoles publics et fixant ensemble leurs tarifs dans le cadre de l'IATA.

A la fin des années 80, un vaste effort de déréglementation, réduisant le protectionnisme, a été engagé, d'abord aux Etats-Unis, puis dans l'ensemble du monde occidental, notamment en Europe. Les compagnies aériennes ont été soumises aux lois du marché. Certaines, prestigieuses, ont disparu; d'autres, imaginatives et dynamiques, sont nées.

En Suisse, les faits sont là : Crossair est un enfant du marché, Swissair est un enfant du monopole. Elle a donc dû s'adapter à la nouvelle situation des lois du marché, avec des difficultés d'autant plus grandes que notre pays n'est pas membre de l'Union européenne. Dans cet effort d'adaptation, Swissair n'a pas eu, dès le départ, une stratégie claire et cohérente, suivie avec persévérance : avec des projets mal préparés, tel Alcazar, elle a provoqué inquiétude et désarroi au sein de son personnel.

Allant, au fil de leurs choix successifs, d'incohérences en revirements, les dirigeants de Swissair ont eu, cependant, une constante : les décisions prises à l'égard de l'aéroport de Cointrin - rendu, il est vrai, vulnérable par les contestations qui s'élevaient à chaque étape de son développement - ont régulièrement conduit à une baisse des activités de Swissair et à un affaiblissement de la desserte de Genève et de la Suisse romande.

Toutes ces décisions ont été prises contre l'avis du représentant du canton de Genève, Jean-Philippe Maitre, qui a longtemps mené, au sein du conseil d'administration de Swissair, un combat minoritaire, qui l'a d'ailleurs conduit, il y a plus de six mois, à avertir le Conseil fédéral des menaces qui pesaient sur la Suisse romande, sur son économie et son tourisme.

A la veille du week-end de Pâques, ce combat minoritaire s'est transformé en combat solitaire. C'est à l'unanimité, avec l'abstention du représentant de la Confédération et du représentant de Bâle, mais avec l'appui des autres Romands, que le conseil d'administration de Swissair a décidé de supprimer, au départ de Genève, treize vols intercontinentaux sur quinze.

A la forme, ces décisions ont été prises de manière détestable, sans concertation préalable avec les gouvernements cantonaux de Suisse romande ou avec le Conseil fédéral qui a été mis devant le fait accompli.

C'est pourquoi le Conseil d'Etat a non seulement soutenu la décision de Jean-Philippe Maitre de quitter immédiatement le conseil d'administration de Swissair mais a remis en cause le siège du représentant de Swissair au sein du conseil d'administration de l'aéroport de Cointrin.

Sur le fond, Swissair a choisi, par ses propres décisions, de ne plus être une compagnie nationale, mais de devenir une entreprise comme une autre.

En tant que compagnie nationale, Swissair pouvait prétendre à une certaine protection sur son marché intérieur en contrepartie de ses prestations d'intérêt général. Cette protection se manifestait, notamment, par le fait que les compagnies étrangères étaient autorisées à opérer à Cointrin pour autant que les droits de Swissair ne soient pas menacés.

Par ses propres décisions, Swissair a modifié complètement les règles du jeu. Devenue une entreprise comme une autre, elle n'a plus droit à une certaine protection. L'aéroport de Cointrin, qui n'appartient pas à Swissair mais au canton de Genève, doit être autorisé à accueillir toute compagnie, suisse ou étrangère qui en fait la demande, avec le droit d'y embarquer des passagers. C'est le concept dit «open sky».

Ce concept, soutenu par le Conseil d'Etat vaudois et par les autres gouvernements de Suisse occidentale, par de grandes formations politiques nationales, par le groupe des multinationales de Suisse romande et par de nombreuses PME, a conduit le Conseil d'Etat genevois à demander au Conseil fédéral de saisir le parlement au début de la session de juin, par un arrêté fédéral urgent, d'une modification de la législation fédérale :

- révisant, d'une part, le statut de Swissair, qui ne respecte plus ni la loi ni la concession;

- garantissant, d'autre part, l'«open sky» pour l'aéroport de Genève qui est celui de toute la Suisse romande.

Le Conseil d'Etat aurait naturellement préféré que Swissair revienne sur sa décision. Mais ses dirigeants ont clairement indiqué, encore devant le Conseil fédéral, son irrévocabilité.

C'est pourquoi, tirant les conséquences de cette détermination, le Conseil d'Etat a adopté le concept de l'«open sky» qui n'est pas dirigé contre Swissair, mais destiné à élargir l'offre actuelle de trente vols intercontinentaux, assurés par une quinzaine de compagnies étrangères, et à consolider dans la durée le développement de l'aéroport de toute la Suisse romande et de la France voisine.

Je conclus avec un dernier mot, plus personnel.

La décision de Swissair, qui a frappé de plein fouet la politique extérieure de la Suisse - discutée, il y a quelques jours, entre M. Boutros-Boutros Ghali, secrétaire général de l'ONU, et M. Flavio Cotti, notre ministre des affaires étrangères - a provoqué de vives réactions dans toute la Suisse.

Certains ont vu dans cette décision de Swissair le symbole fort du malaise croissant entre Suisses romands et Suisses allemands.

Cette analyse est trop rapide pour être exacte.

Il est vrai que les relations entre Suisses romands et Suisses allemands constituent dans notre pays un problème ancien qui resurgit périodiquement. Comme l'a montré le vote sur l'Europe, il existe aussi un problème entre les Suisses des villes et ceux des campagnes. Mais la décision de Swissair révèle un autre problème : celui de la concentration du pouvoir économique. Elle pose une autre question : le rôle de la Zurich économique dans la Confédération helvétique.

Je le dis clairement, mais loyalement. Et j'espère que cela sera loyalement entendu : il devient insupportable de constater que les hauts dirigeants des grandes entreprises qui, à l'étranger, vivent de la marque suisse et de son label de qualité, ne veulent plus rien investir, ne veulent plus rien donner à l'intérieur du pays pour que cette marque helvétique se maintienne, qu'elle conserve son identité, sa personnalité et son caractère.

La Suisse a remarquablement fonctionné tant que le fédéralisme politique était accompagné d'un fédéralisme économique. Aujourd'hui, la concentration des pouvoirs économiques sur les bords de la Limmat devient un véritable problème, parce qu'elle casse tous les équilibres délicats de notre pays : au fédéralisme politique ne répond plus le fédéralisme économique, mais le centralisme économique. Cette évolution est dangereuse pour la cohésion nationale de notre pays, comme l'a d'ailleurs bien compris le parlement de Zurich qui a voté, il y a dix jours, une motion soutenant l'aéroport de Cointrin. (Applaudissements.)

Le président. S'agissant de la procédure que nous suivrons pour organiser ce débat, je présume que personne ne s'oppose à la discussion immédiate sur les motions et résolutions déposées. Je vous propose donc de faire un seul débat aussi bien sur les propositions de motions que sur les propositions de résolutions.

Nous voterons séparément, d'abord sur les propositions de résolutions, puis sur les propositions de motions.

M. Daniel Ducommun (R). Nous remercions le président du Conseil d'Etat de sa prise de position des plus claires. Dans ce contexte, notre groupe a cosigné, avec les groupes libéral et démocrate-chrétien, la résolution déposée sur vos bancs : elle sollicite l'intervention du Conseil fédéral, afin de mettre les dirigeants de Swissair devant leurs responsabilités, suite aux décisions de cette compagnie de brader la croix nationale contre quelques monnaies trébuchantes supplémentaires.

Notre parti est révolté par cette attitude, lui qui, ces dernières années, a misé sur le développement dynamique de notre aéroport comme référence prioritaire à la Genève ouverte au monde.

De nombreux représentants de notre parti se sont engagés, contre vents, marées, oppositions, recours et référendums de toutes sortes. Mon message de ce jour n'est toutefois pas celui des règlements de comptes mais, bien au contraire, celui de jouer pleinement l'union et la cohésion vis-à-vis de l'autorité fédérale, seul gage de crédibilité et de volonté politique marquée. C'est la raison pour laquelle notre résolution doit être soutenue par l'ensemble des bancs de ce Grand Conseil.

L'abandon de Swissair d'une desserte de long-courriers à Genève nous incite naturellement à une ouverture du ciel aux compagnies étrangères. Nous précisons, notamment à l'adresse de l'Alliance de gauche, que cette démarche ne condamne pas Swissair ou l'emploi. Bien au contraire ! Elle met la compagnie devant de nouvelles responsabilités de concurrence, mais sans l'exclure !

Cette situation nouvelle ne peut qu'entraîner un développement économique positif pour Genève et la région romande.

La leçon a été reçue. Elle est dure. Sachons dorénavant, devant les autres défis qui nous attendent, développer une stratégie d'action et ne nous bornons plus à une attitude de réaction ! Ce sera tout à notre profit.

L'ensemble des cantons romands est à nos côtés. Soyons dignes de cette solidarité, et soutenez massivement notre résolution !

M. Jean Spielmann (AdG). Il n'y a pas de contestation à faire sur le fond des décisions qui ont été prises. Il est, en effet, inacceptable que Swissair ait arrêté, sans en référer, des mesures d'une importance telle qu'elles pèsent sur le développement économique de toute une région. Sur ce plan, il n'y a pas de contradiction entre les projets de résolutions et les discussions que nous avons dans cette enceinte.

Le problème se situe au niveau des solutions envisagées et de l'orientation de nos actions par rapport aux mesures prises par Swissair. C'est avec lucidité que nous devons analyser la situation telle qu'elle est, prévoir son évolution et considérer le développement de l'aéroport à partir des concepts concrétisés depuis plusieurs années. A maintes reprises, nous avons eu l'occasion d'en débattre dans cette enceinte.

Je rappelle les projets de lois de 1979 sur le développement de l'aéroport, puis la révision des décisions prises au vu du développement du trafic. A cette époque, nous parlions de la nécessité d'adapter l'aéroport aux gros-porteurs; des plates-formes ont été prévues et, dans le contexte du trafic aérien international, elles ont été mises progressivement en place, en liaison avec des avions de plus petites dimensions. Le tout a nécessité chaque fois un réexamen et une adaptation du développement global de l'aéroport de Cointrin. Cela a été fait.

Je rappelle également les motions que nous avons déposées, nos débats sur les importants investissements nécessaires à la place économique genevoise, pour qu'elle ne soit pas écartée des grandes liaisons internationales.

Aujourd'hui, nous devons choisir entre l'«open sky», c'est-à-dire la libéralisation complète du trafic aérien, et le maintien d'un service public de transport aérien par une compagnie, c'est-à-dire l'application de l'article 103 de la Constitution qui, par une série de dispositions de la loi fédérale sur la navigation aérienne, confère à la compagnie nationale Swissair des droits et des obligations. La voie à suivre, à notre avis, est d'obliger la compagnie nationale à respecter les dispositions de cet article 103.

Nous entendons dire, haut et fort, que toutes les stratégies de libéralisation et de concentration présentées par M. Segond sont précisément celles qui conduisent à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Si nous décidons de les adopter, nous serons perdants à courte échéance. Il n'est pas possible de laisser la libéralisation du trafic aérien s'exercer pleinement à Genève, sous peine de conséquences catastrophiques.

Par conséquent, il faut prendre une position absolument contraire à celle du Conseil d'Etat en réaction à Swissair. Il n'est pas imaginable qu'il y ait plusieurs aéroports intercontinentaux en Suisse et que l'on déroge à la règle établie depuis dix ans, à savoir la mise en place des plates-formes de liaison desservies par des navettes.

Il faut répartir équitablement les vols intercontinentaux entre Zurich et Genève, maintenir la compagnie Swissair et son rayonnement pour attirer à Genève, par son intermédiaire, l'attention des différentes places économiques du monde. Il ne faut surtout pas opter pour l'«open sky». Pour s'en convaincre, il suffit de lire les annonces déjà publiées dans la presse qui font de la publicité pour Gatwick, pour des aéroports en Hollande. Leurs rédacteurs savent pertinemment que l'avenir est aux navettes, aux plates-formes de liaison, et que, si nous nous engageons dans cette voie, nous devrons passer par leurs services, ce qui sera une perte et un recul considérables par rapport à la situation actuelle.

Il vaut donc la peine de réfléchir avant de se lancer dans des théories «d'open air» dont on sait ce qu'il en est advenu aux Etats-Unis et ailleurs, dans le monde, déclenchant catastrophes et défaites économiques.

Je m'étonne que l'on parte, tête baissée, dans une telle direction sans analyse ni réflexion. C'est peut-être une réaction épidermique, une réaction de mauvaise humeur, mais je crois sincèrement que la situation présente et les enjeux de l'avenir méritent un temps de réflexion. Je suis donc surpris que le groupe socialiste adopte les théories des milieux d'en face sur la libéralisation et l'«open sky».

Un certain nombre de responsables économiques de haut niveau dans ce pays ont signalé les dangers d'une fuite en avant dans une telle libéralisation du type «open sky». Il vaut donc la peine de mener une réelle réflexion.

Je vous rappelle nos décisions quant au développement de l'aéroport. Elles incluaient la politique des plates-formes, de même que la mise en place de transports intercontinentaux et de navettes, avec des déplacements d'un aéroport à l'autre, avant de traverser les océans. C'est une réalité à laquelle nous n'échapperons pas. Savoir aujourd'hui si demain Swissair naviguera au-dessus des océans et amènera ou non des passagers à Genève est tout aussi intéressant que d'offrir la libéralisation complète à toutes les compagnies venant à Genève, sans que le label suisse, synonyme de la haute qualité des prestations, puisse être abordé pour souligner l'attrait de Genève et de la Suisse.

Oui aux protestations à l'égard de Swissair ! Oui à l'application de l'article 103 de la loi sur la navigation aérienne ! Mais, surtout, non à la fuite en avant dans l'«open sky» et à l'abandon des sièges dans le conseil d'administration de Swissair où les choses se décident. C'est de la politique à la petite semaine et ce n'est pas ainsi que l'on développera l'avenir de l'aéroport et que l'on parviendra à rentabiliser les investissements importants consentis par la collectivité genevoise en faveur du trafic aérien.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer les propositions formulées dans ce sens et revendiquer l'application de l'article 103 de la loi fédérale sur la navigation aérienne. Je vous engage à livrer cette bataille et, si nous la perdons... (Réaction de M. Lombard.) Monsieur Lombard, il vaut la peine, dans ce dossier, de faire preuve de lucidité et de réflexion avant de s'orienter dans une direction qui nous coûtera cher à plus ou moins long terme.

M. Chaïm Nissim (Ve). «Penser globalement et agir localement», vous connaissez tous ce vieux slogan des Verts. Ce soir, je vais essayer de vous décrire notre étoile polaire, cette petite étoile pas très lumineuse, mais qui indique la direction à suivre à long terme, c'est-à-dire pendant vingt ans. Nous proposons une forte taxe sur le kérosène et tous les combustibles, bien sûr... (Brouhaha.) ...ainsi qu'une harmonisation au niveau interrégional, c'est-à-dire européen, afin que les avions n'aillent pas faire le plein où c'est moins cher ! Globalement, cette taxe viserait à intégrer les coûts écologiques de chaque carburant dans leur prix, afin d'assurer un développement durable. Concrètement, cette forte taxe provoquerait l'augmentation du prix des billets de manière à décourager les court et moyen-courriers, comme les huit Genève/Paris ou les neuf Genève/Londres quotidiens, au profit du TGV assurant les liaisons de moins de 500 km.

Comme la «Tribune de Genève» de ce jour le rapporte, le Conseil fédéral vient d'annoncer un crédit de 1,2 milliard pour permettre à la Suisse romande et à Genève, principalement, de se relier au réseau TGV. C'est une décision importante et une occasion à saisir. C'est pourquoi M. Maitre doit trouver un accord avec M. Ramseyer sur le tracé du TGV (Contestations.) Vous n'êtes peut-être pas concernés, mais des dissensions existent au Conseil d'Etat. Et cette déclaration du Conseil fédéral contredit M. Segond, lorsqu'il affirme - en jouant sur la fibre nationaliste romande - que les milieux économiques suisses allemands ne veulent plus investir.

La véritable vocation de l'aviation consiste à relier des villes séparées par une mer et à garder une dimension intercontinentale. Pour les courtes distances, le TGV consomme dix fois moins d'énergie par km/passager, il faut donc le privilégier. En plus de ses avantages écologiques, il pourrait décharger les voies aériennes très encombrées par les court et moyen-courriers et faciliter ainsi le travail compliqué des aiguilleurs du ciel et des pilotes. Voilà la perspective globale des écologistes.

En conclusion, l'aéroport de Genève est trop grand. Il compte annuellement six millions de passagers, mais le chiffre pourrait tomber à quatre ou cinq millions grâce au TGV, auquel une partie des investissements considérables réalisés ces dix dernières années aurait pu être consacrée. Le départ de Swissair nous permettrait de concilier l'écologie et l'économie. En effet, pour rentabiliser leurs investissements, les compagnies doivent remplir leurs avions au maximum - et il en va aussi de notre intérêt - afin de diminuer la pollution atmosphérique. Mais nous ne poursuivrons pas ce raisonnement, car les écologistes refusent de subventionner Swissair.

Si la décision de cette compagnie vise l'occupation optimale des avions, nous y souscrivons. Quant à l'alternative «Geneva open sky», nous pourrions l'approuver dans une perspective de développement durable entraînant la création d'une véritable taxe sur les énergies non renouvelables, le kérosène, en l'occurrence. Nous bénéficierions de ce fait de quelques destinations internationales supplémentaires. Un vol Djedda/Genève incluant un embarquement des passagers à Genève et une liaison avec New York pourraient ainsi être proposés, en référence à la cinquième liberté.

La motion de l'Alliance de gauche ressemble à un règlement politique anti-Jean-Philippe Maitre. Ces vieilles rognes politiciennes ne nous intéressent pas, car nous voulons trouver rapidement une solution à ces problèmes. La résolution de l'Alliance de gauche, quant à elle, demande un rapport, et nous le comprenons. Mais si l'on demande au Conseil fédéral de refuser d'homologuer une éventuelle décision de Swissair, avant de soumettre un rapport aux parlements concernés, on pourrait tout aussi bien réclamer sa nationalisation et se trouver ainsi dans l'obligation de la subventionner, ce que nous refusons.

L'image de la Genève internationale avec ses organisations multinationales doit se maintenir et se développer grâce à sa participation à la création de l'Europe des régions et en imposant la taxe sur le kérosène. Elle doit accepter de ne jamais appartenir aux quatre ou cinq HUB européens, mais elle peut saisir l'occasion d'une liaison optimale au réseau du TGV. L'ensemble des pays nordiques se rend à Copenhague pour prendre un avion intercontinental. Ainsi, un Suédois accepte de faire le trajet Stockholm/Copenhague, même s'il est nettement plus long que Genève/Zurich ! La Norvège et la Suède ne sont pas devenues des déserts économiques pour autant ! L'aéroport de notre ville est actuellement le quarante-neuvième aéroport européen, et il ne pourra jamais atteindre l'importance de Heathrow, il faut accepter cette réalité !

Je conclurai sur ce point, car, lors de la préparation de mon discours, je ne connaissais pas encore la résolution de l'Entente, mais je vous ferai part tout à l'heure de mon opinion.

M. Laurent Moutinot (S). Une belle unanimité genevoise condamne la décision de Swissair en raison de ses conséquences néfastes. Mais l'analyse des causes et des remèdes présente des divergences évidentes. Dans l'immédiat, notre Grand Conseil doit répondre à l'attente de la population qui souhaite des décisions énergiques. Nous devons tomber d'accord sur une résolution de protestation pour rappeler l'intérêt de Genève et les équilibres à maintenir entre les différentes régions de notre pays. Il s'agit de faire preuve d'une réaction politique rapide et importante.

Toutes les solutions devront être envisagées, car nous n'accepterons pas que notre avenir soit déterminé par l'économie. L'Etat doit tenir son rôle en refusant l'assujettissement au profit immédiat. La Confédération suisse ne doit pas devenir une société anonyme dont les cantons romands seraient floués en tant qu'actionnaires minoritaires. La prééminence du politique et de l'intérêt général doit être sauvegardée.

Parmi nos moyens d'action, la méthode évidente pour obtenir un résultat cohérent et négocier tout en occupant une position favorable, consiste à favoriser la concertation avec les partenaires sociaux, les cantons romands, la région et l'autorité fédérale. Nos objectifs principaux sont le maintien des vols intercontinentaux - de préférence par Swissair, car ils répondent aux besoins de la Genève internationale - et le renforcement de l'équilibre menacé entre les différentes régions suisses.

L'emploi représente une des grandes difficultés de ce dossier, car les intérêts immédiats des employés de Swissair à Genève ne sont pas les mêmes que ceux de Zurich, et les intérêts des employés de l'aéroport en général ne sont pas forcément les mêmes que ceux de l'ensemble de l'économie genevoise. Par conséquent, il faudra faire preuve de beaucoup de finesse, pour éviter de favoriser le court terme.

Le deuxième écueil à éviter est de transformer cette affaire en une «Genferei», un match où prédomineraient les sentiments nationalistes. Mais le lien confédéral oblige à traiter tous les cantons de manière égale dans le respect des minorités. L'intérêt du pays est en jeu; il ne faut mépriser ni rejeter aucune partie.

Nous nous trouvons face à un débat de politique des transports, car le parti socialiste tient aux liaisons intercontinentales aériennes. Mais on ne peut laisser le champ libre à un libéralisme sauvage permettant à l'aviation un envahissement excessif, alors que le train offrirait une alternative intéressante.

«Geneva open sky» pose un problème délicat. Que M. Spielmann se rassure, le parti socialiste n'est pas convaincu des vertus de ce programme ! Nous préférons catégoriquement des vols intercontinentaux depuis Genève assurés par Swissair, sans rejeter une certaine ouverture. Tactiquement, on aurait ainsi un moyen de pression sur cette compagnie, et notre ville pourrait garder son aéroport. «Geneva open sky» n'offrirait pas la liberté immédiate et totale à tout le monde. Le système de concession soumise à l'Office fédéral de l'aviation civile ne doit pas permettre d'exercer des pressions pour baisser les salaires comme ce fut le cas pour Crossair ni de «couler» notre compagnie d'aviation.

Dès lors, la résolution de l'Entente fait la part trop belle à l'«open sky», et nous ne pouvons pas la soutenir dans sa version actuelle. La résolution de l'Alliance de gauche nous paraît, elle, tout à fait adéquate, et nous sommes prêts à la soutenir. Ce n'est pas le cas, en revanche, de leur motion dont l'exposé des motifs exclut a priori et définitivement une certaine ouverture du ciel. Nous souhaitons une réaction importante et immédiate de protestation contre la décision de Swissair, suivie d'une réflexion qui s'inspirerait de la motion socialiste réclamant la réunion d'états généraux, afin d'examiner toutes les pistes.

M. Bénédict Fontanet (PDC). George Orwell écrivait dans son livre, «La ferme des animaux», que tous les animaux sont égaux, mais que certains sont plus égaux que d'autres. Et il en va de même pour les êtres humains et les différentes parties de notre beau pays ! Cette affaire Swissair est avant tout une grave affaire de cohésion nationale; je ne partage donc pas l'opinion du président du Conseil d'Etat. Pour une majorité de nos compatriotes suisses allemands et de décideurs d'outre-Sarine, la Suisse romande n'est plus qu'un appendice purulent dont il convient de se débarrasser à vil prix. A l'exemple de ce dirigeant d'entreprise suisse alémanique déclarant lors d'une émission de télévision qu'il renonçait aux investissements forcément médiocres chez ces «flemmards» de Romands.

Il est vrai qu'il y a aussi eu des réactions salutaires outre-Sarine et que 85% des délégués, au plan suisse, du parti politique auquel j'ai le plaisir et l'honneur d'appartenir, ont déclaré avec vigueur leur opposition aux décisions de Swissair; les délégués du parti radical ont d'ailleurs fait de même. Mais cette affaire représente une très grave atteinte à la cohésion nationale et à la solidarité confédérale. A la suite des votations au sujet de l'adhésion à l'Espace économique européen, des casques bleus, de la lex Friedrich, de la naturalisation facilitée - et la liste, hélas, s'allonge - le lien confédéral est mis à mal ! Le boycottage de Swissair aggrave la situation, et l'avenir de notre pays est sombre.

Aujourd'hui, les dirigeants de grandes entreprises agissent, malheureusement, selon des critères purement économiques et à courte vue; que mes préopinants et ceux qui s'exprimeront après moi se rassurent ! Je ne suis naturellement pas un adversaire du marché, mais on ne gère pas une entreprise sur la seule base de ratios et de chiffres, en prenant uniquement en compte les critères économiques. Une entreprise a également une dimension sociale et politique, et Swissair, véritable symbole national, l'a manifestement oublié. Notre petit pays, avec ses moyens limités, a de graves préoccupations face à ses entreprises qui se mondialisent et deviennent de véritables Etats dans l'Etat.

Seules de solides organisations multilatérales pourraient les contrôler en fixant des règles au plan international. En défavorisant les Genevois, Swissair a donc démontré qu'elle n'était plus une véritable compagnie nationale. Elle n'a pas su reconnaître l'importance de l'aéroport de Genève, tant pour l'économie romande que pour la Suisse internationale «publique», avec ses organisations internationales gouvernementales ou non, ou encore pour la Suisse internationale «privée», avec les nombreuses entreprises multinationales présentes à Genève, à Lausanne ou ailleurs.

Mon parti vous propose d'adopter une résolution pour permettre le développement de notre aéroport à la suite du désintérêt de Swissair. Toutes sortes d'opinions ont été émises sur le concept de l'«open sky», et je veux bien, Monsieur Spielmann, qu'on soit contre ce concept, mais on ne peut exercer aucune pression sur Swissair, qui est une compagnie privée malgré son statut particulier. L'unique moyen de maintenir et de développer l'aéroport, c'est de lui permettre d'accueillir librement les compagnies aériennes qui souhaitent y faire escale. Il demeurera un aéroport de taille moyenne et ne deviendra jamais un «mégaHUB», si vous me permettez d'utiliser cet horrible néologisme. Selon le droit fédéral actuel, Swissair a quasiment un droit de veto, lorsqu'une compagnie souhaite installer une nouvelle ligne.

J'ai de la difficulté à suivre le raisonnement de M. Nissim. Je ne vois pas comment on pourrait favoriser l'aéroport en augmentant les taxes sur le kérosène et les énergies non renouvelables, l'inverse me paraît plus probable. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien vous demande de soutenir le projet de résolution, qu'il a signé avec les partis libéral et radical, et de le renvoyer au Conseil fédéral.

M. Christian Ferrazino (AdG). L'analyse limitée du président du Conseil d'Etat m'a surpris. En effet, le problème ne peut se cantonner à la seule décision de supprimer ou non les vols long-courriers à Genève. On doit s'intéresser à la politique menée par cette compagnie depuis plusieurs années déjà. Et sur ce point, Monsieur le président, vous n'avez fait aucune observation.

Or Swissair a décidé de supprimer quatre mille deux cents emplois de 1991 à 1997, tout en menant une politique de délocalisation par le transfert de tous les services de comptabilité de Bâle à Bombay. Un comptable indien est bien meilleur marché, mais cette recherche de rentabilité est la cause de nombreuses suppressions d'emplois en Suisse. Une partie des activités a également été transférée auprès de filiales dont les employés reçoivent des salaires inférieurs à ceux de Swissair. A Crossair, par exemple, les salaires sont réduits de moitié. Toute cette politique antisociale a été conduite parallèlement à l'augmentation du volume des activités. C'est inacceptable.

Dans les rangs des partis de l'Entente et au Conseil d'Etat, on entend dire aujourd'hui que cette libéralisation - qui est un mot cher au gouvernement - aurait des effets désastreux. Nous sommes satisfaits que vous vous en rendiez enfin compte, et la décision de Swissair n'est que l'application des méthodes libérales que vous préconisez régulièrement ! Il est cocasse que vous vous réunissiez, même sans être très nombreux, pour gémir sur les conséquences de cette politique !

Malgré la mauvaise situation financière, certains souhaitent encore augmenter les investissements immenses déjà consentis en faveur de l'aéroport. Notre motion rappelle qu'en 1979 un plan extrêmement ambitieux avait été adopté pour Cointrin, or les prévisions se sont révélées totalement fausses. On prévoyait neuf millions de passagers pour 1990, mais, aujourd'hui, on n'en compte que six millions. Le programme d'agrandissement de l'aéroport était trop ambitieux, et il a déjà coûté 500 millions ! Nous avons repris ces crédits en les additionnant dans notre motion, et il serait temps de mettre un terme à cette politique de fuite en avant.

Un ancien député, juriste, Me Borgeaud, avait souvent demandé que la concession de l'aéroport soit produite au Grand Conseil, mais il n'a pas obtenu gain de cause. Alors qu'on s'interroge sur la valeur des garanties données à l'époque par Swissair au sujet de la pérennité des vols long-courriers, le Grand Conseil a le droit d'obtenir des informations sur la teneur de cette concession. Or le parlement ignore toujours quel est le statut accordé par la Confédération et quels sont les droits qui en découlent. Voilà les questions posées par notre motion.

Parmi les solutions proposées par la résolution des partis de l'Entente, on peut citer, dans la deuxième invite, le point suivant : «autoriser les compagnies étrangères à desservir librement l'aéroport international de Genève»; voilà ce que M. Maitre appelle l'«open sky». Dans la langue de Molière, cela signifie : libéralisation ! Vous évoquiez l'exemple américain, Monsieur le président, et les vastes efforts de déréglementation consentis par les Etats-Unis. Mais la concurrence a provoqué la faillite de nombreuses compagnies aériennes. Après leur disparition, selon un mécanisme désormais connu, un monopole s'est installé, et les prix ont à nouveau augmenté. Quant à la sécurité des passagers, on en a fort peu entendu parler, car elle n'est nullement garantie lors de la guerre des prix. Voilà les effets du système «open sky» que vous vantez, tout en nous rappelant ses effets dévastateurs, c'est vraiment paradoxal !

Lorsque vous approuvez, Monsieur Nissim, l'«open sky» à condition d'adopter la taxe sur le kérosène, j'ai un peu de peine à comprendre votre équation, car cette dérégulation, telle qu'elle nous est proposée, n'a rien à voir avec une taxe ! Dans notre résolution, nous demandons au Conseil fédéral de surseoir à homologuer les modifications de vol, et non de nationaliser Swissair, comme vous l'interprétez à tort. Votre raisonnement est absurde, car la loi fédérale donne à l'autorité fédérale la compétence et l'obligation d'approuver tous les vols. Sans l'homologation du Conseil fédéral, Swissair ne peut transférer ses vols de Genève à Zurich.

Plusieurs personnes souhaitent trouver un accord, et M. Moutinot propose en premier lieu une protestation contre la façon détestable d'agir de Swissair, dont le personnel est tenu éloigné de toute concertation. Notre parlement doit lancer un signal politique. Mais la résolution de l'Entente ne fait nullement état d'une quelconque protestation. Vous n'avez peut-être pas l'habitude de protester... (Brouhaha.) A part vous, Monsieur Dupraz, qui êtes peut-être une exception ! Mais comme nous nous reconnaissons tous dans cette volonté, il conviendrait que vous adoptiez notre résolution qui prévoit en premier lieu de manifester notre réprobation. Nous ne pourrons pas souscrire à la résolution des partis de l'Entente, puisque la deuxième invite n'est rien d'autre que l'«open sky» !

M. Bernard Clerc (AdG). Depuis le début de cette législature, sur les bancs des partis de l'Entente, nous entendons vanter les vertus du libéralisme économique pour sortir de la crise. Rappelons-nous les débats relatifs à la motion libérale 919. La main invisible serait le meilleur régulateur susceptible de répondre aux besoins des habitants de ce canton. Laissons la voie libre au capital. Permettons-lui de déréglementer, de baisser les salaires, de supprimer des emplois, et la société dans son ensemble s'en portera encore mieux ! Le débat relatif à Swissair est à remettre dans ce contexte. Cette compagnie d'aviation ne fait pas autre chose que d'appliquer les recettes néo-libérales que vous vantez tant.

Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, vous trouvez normal que Swissair ferme les lignes qui ne sont pas rentables et qu'elle se comporte comme n'importe quelle compagnie privée. En premier lieu, son objectif est de servir des dividendes à ses actionnaires, et non pas de répondre aux besoins d'une région ou d'un canton. N'a-t-elle pas annoncé qu'elle vise un rendement de 12% pour les actionnaires ? Le cours des actions n'a-t-il pas doublé en peu de temps ? Alors de quoi se plaint-on ?

Lorsque Swissair a supprimé des postes de travail, avons-nous entendu des protestations sur les bancs d'en face ? Lorsque cette compagnie a restructuré son service de restauration avec, à la clé, une hausse du temps de travail des employés et des baisses de salaire, nous n'avons enregistré aucune interpellation de la part des partis de l'Entente. Ce qui était bon pour Swissair était bon pour l'ensemble de la Suisse, et pour Genève en particulier ! Il s'agit aujourd'hui de la suite logique de cette politique économique.

La déréglementation de l'aviation civile a commencé aux Etats-Unis il y a plusieurs années, avec, dans un premier temps, des baisses importantes de tarifs provoquant la faillite de nombreuses compagnies. Aujourd'hui, les compagnies restantes créent des monopoles et augmentent les tarifs. Voilà le résultat de cette libéralisation à l'oeuvre actuellement en Europe.

Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, on ne peut pas prôner, à la fois, la déréglementation et s'insurger contre ses conséquences. Désormais, la seule voie possible est celle de la fuite en avant. Libéralisons encore, ainsi l'aéroport de Genève s'en sortira ! Soignons le mal par le mal ! A ce rythme-là, je crains que vous ne conduisiez le malade à la mort !

Le Conseil d'Etat nous déclare que Crossair est un enfant du marché. Et bien, Crossair est surtout un enfant de Swissair qui détient 70% de son capital et, en l'occurrence, il est difforme, comme l'a rappelé M. Ferrazino, car les conditions de travail du personnel de cette compagnie sont extrêmement défavorables par rapport à celles de Swissair. Nous devons en priorité exiger que Swissair suspende sa décision. C'est le sens de notre projet de résolution, et nous vous demandons de le soutenir.

M. Andreas Saurer (Ve). Permettez-moi d'ébrécher un peu cette unanimité du front de défense de l'aéroport. A ce sujet, je désire reprendre les remarques que M. Clerc vient de faire tout à l'heure, à savoir que Swissair applique d'une manière très rigoureuse, très conséquente, la politique économique que vous, Mesdames et Messieurs les députés sur les bancs d'en face, préconisez pour Genève. Exactement cela !

Lorsque le journal «La Suisse» disparaît, on nous répond que c'est le marché, que la concentration est trop importante. Lorsque la métallurgie genevoise disparaît, on nous répond que l'on ne peut rien faire contre les lois du marché et qu'il faut les respecter; que la concentration nous permet de rentabiliser, etc.

En premier lieu, les Verts et moi-même avons été surpris par votre double discours. D'une part, vous tenez un discours économique pur et dur quand cela vous arrange et, tout à coup, quand ce discours se retourne contre vous, vous commencez à parler de la responsabilité sociale des grandes entreprises. Nous ne sommes pas opposés, bien au contraire, à la responsabilité sociale des grandes entreprises, mais on ne peut pas tenir un double discours.

Ma deuxième remarque concerne la trompette régionaliste. Je dois bien avouer, Monsieur Fontanet, que j'ai été choqué de votre citation. Je suis d'autant plus choqué que je suis né de l'autre côté de la Sarine, que je viens des Grisons et que j'en ai un peu ras le bol de vos remarques. On peut même se sentir blessé par le discours de certaines personnes, et je pense particulièrement à un certain nombre de journaux, tels «Le Nouveau Quotidien» et «L'Hebdo» qui critiquent par tous les moyens les Suisses qui ne sont pas acquis à l'Europe.

Certes, je suis d'accord avec l'Europe, mais je peux comprendre que certaines personnes ont quelques doutes que nous devons prendre au sérieux. Et ce n'est pas en parlant d'abcès purulent, ou avec les termes analogues que vous utilisez, Monsieur Fontanet, que vous convaincrez ces personnes de la justesse éventuelle de vos discours. Ce soir, j'entends un discours régionaliste anti-suisse alémanique que je trouve inefficace et déplorable.

Les Verts ne soutiennent aucune des propositions qui sont faites ici. Pour quelles raisons ? Il est urgent de développer des propositions en matière de transport international. Notre projet genevois doit s'intégrer dans de telles propositions. Mon ami Nissim a déjà parlé du kérosène : c'est une chose extrêmement importante. Pour nous, il est évident que les courtes et moyennes distances doivent être desservies par le TGV. Par exemple, il est aberrant d'avoir des vols uniquement pour le trajet Genève/Paris. Pour ce type de distances, il faut développer le TGV. Il est également indispensable d'augmenter le prix du kérosène pour défavoriser les vols de courte distance.

Ensuite, sur le plan européen, il est indispensable d'avoir une planification des grands centres aéroportuaires. Il est aberrant que chaque petite région ait son aéroport international. Même dans une optique européenne intelligente, il est aberrant d'avoir deux aéroports internationaux en Suisse, un à Genève et l'autre à Zurich, sachant que, pour toute la Scandinavie - infiniment plus grande que la Suisse - il n'y a qu'un seul aéroport international à Copenhague. Nous sommes d'accord d'entrer en matière à condition que cette entrée en matière se fasse dans un projet de transport international.

Ma troisième remarque concerne la politique régionale. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai l'impression d'un combat de région contre région et, pour nous les Verts, la région ne s'arrête pas au niveau de la frontière nationale d'un pays, mais elle va plus loin. Selon nous, la politique des régions transfrontalières doit être intégrée dans un projet européen. Je vous rappelle, par ailleurs, que la Suisse moderne a été créée en 1848, non pas autour d'un projet économique mais avec un projet politique basé sur la révolution bourgeoise contre les pays qui nous entouraient et qui étaient rattachés à l'Ancien Régime et à la monarchie. Il y avait un projet politique qui sous-tendait la création de la Suisse. Aujourd'hui, force est de constater que ce projet politique n'existe plus. Nous n'avons qu'un vague souvenir du passé.

C'est vrai, Blocher et toute son équipe ont de la peine à comprendre la Suisse romande. Mais il faut dire, et je suis navré de le faire, que les plus attachés à la Suisse et ceux qui se sentent les plus Suisses ne sont pas les Genevois : c'est le gros morceau de la Suisse alémanique qui est le vrai porteur de la Suisse, et nous devons le convaincre de notre projet.

A titre tout à fait personnel, je ne vous cache pas que je ne suis pas convaincu que la Suisse, en tant que nation, va subsister au-delà des vingt ou trente années à venir. Je me demande très sérieusement si la Suisse n'est pas une nation, et aussi une notion, en voie de disparition qui pourrait être effectivement remplacée par une notion régionale, voire européenne.

Donc, dans la mesure où on nous propose une réelle politique de régions transfrontalières intégrées dans un projet européen et un réel projet en matière de transport international, nous serions d'accord d'entrer en discussion pour savoir ce qu'il faut à Genève. Mais, sans cette approche globale, il est impossible pour nous de soutenir l'une ou l'autre des propositions.

M. Chaïm Nissim (Ve). Mon ami Saurer ayant déjà dit une grande partie de ce que je voulais dire, je désire répondre à mon collègue Fontanet qui n'a pas compris mon discours. C'est probablement de ma faute. Peut-être étais-je trop ému, tout à l'heure, pour m'exprimer très clairement. Cela m'arrive parfois, lorsque je suis tout seul à défendre des opinions contre l'ensemble de ce Grand Conseil. Cela me prend aux tripes. (Rires.)

Monsieur Fontanet, il est clair que la taxe sur le kérosène augmentera le coût du billet et diminuera le nombre de passagers à Genève. Nous espérons que les passagers des petit-courriers prendront le TGV. Leur nombre sera ainsi abaissé sur ces vols et stabilisé sur les long-courriers, qui eux sont utiles et représentent la véritable vocation de l'aviation civile.

Cette taxe sur le kérosène, vous l'aurez compris, Monsieur Fontanet, permettra d'intégrer le coût écologique dans le prix du billet. Et, dans ce cadre - mon ami Saurer l'a très bien dit - nous pouvons accepter l'«open sky» et la libéralisation, tout comme un HUB à Zurich.

Un dernier petit mot pour M. Ferrazino qui, lui non plus, n'a pas compris. Notez que je ne lui en veux pas, car j'ai bafouillé. Nous sommes tout à fait d'accord avec la troisième invite de sa résolution à une concertation. Par contre, nous émettons quelques réticences lorsqu'il s'agit de soumettre le résultat de cette concertation aux différents Grands Conseils des régions concernées avant qu'il soit homologué. Cela me paraît un peu lourd, Monsieur Ferrazino. Quand on connaît le fonctionnement de nos Grands Conseils, on se rend bien compte que, de cette manière, aucune décision ne pourra jamais être prise. J'ajoute qu'il s'agissait d'une boutade lorsque je disais : «Autant nationaliser Swissair !».

M. Michel Halpérin (L). Genève, nous le savons tous, n'est pas un endroit comme un autre. D'abord, c'est le nôtre, et puis, il a une tradition qui est même plus ancienne que celle de la Confédération moderne dont nous parlait tout à l'heure le représentant des Verts. Bien avant que Genève ne soit suisse, c'était déjà une tradition de carrefour - César le rappelait - une tradition internationale et d'accueil, et nous le savons au moins depuis le XVIe siècle.

De sorte que Genève, qu'elle le veuille ou non, est et reste une des fiches d'identité de la Suisse, parce que, pour la Suisse, cette image d'internationalité est aussi une partie intégrante. De ce point de vue, Genève est un apport substantiel à l'identité helvétique et, en même temps, elle est ce que nos amis alémaniques appellent un «Sonderfall», un cas particulier.

Il tombe probablement sous le sens que les remarques faites par plusieurs des intervenants précédents au sujet de la viabilité des aéroports dans des grands espaces régionaux amènent sérieusement à s'interroger, non seulement sur Genève face à Kloten, mais sur la Suisse face à son environnement.

Je pense à l'une ou l'autre des remarques de M. Saurer et je me demande très sérieusement si, en cas d'intégration européenne, et à la mesure des enjeux économiques du transport aérien qui sont ce qu'ils sont, l'aéroport de Cointrin a raisonnablement une chance de survie, de même que Kloten, car nous ne sommes pas très éloignés des aéroports de Francfort et de Paris, et, probablement, d'autres encore d'une certaine importance. Cette proximité pourrait faire que la Suisse soit absorbée, comme nous le prédisait le docteur Saurer tout à l'heure, par ses voisins, régionaux ou non, et cesse d'avoir, à la fois, une raison d'être et des raisons d'avoir des aéroports. Toutefois, je suis moins inquiet que le docteur Saurer sur la question de savoir si la Suisse persévérera dans son identité parce que mon credo est à l'opposé du sien.

Naturellement, la Suisse s'est constituée sur une idée politique. C'est précisément parce qu'elle s'est constituée sur une idée politique détachée des ciments évidents - linguistiques, religieux ou nationaux - qu'elle a donné et donne encore l'exemple d'un fédéralisme possible. C'est la raison pour laquelle je crois beaucoup qu'un jour la Suisse aura un apport précieux à donner en faveur de l'Europe, non pas comme partie intégrée d'un morceau de France européenne et d'un morceau d'Allemagne ou d'Italie européenne, mais comme un exemple de ce que l'on peut faire en termes de vouloir vivre politique et collectif lorsque l'on n'est pas simplement rattaché par les liens du sang à son voisin de palier. Mais cela, c'est une autre affaire, et si vous voulez bien, revenons au choix de Swissair.

Pendant des années, nous avons été, les uns et les autres, fiers de notre compagnie d'aviation nationale qui a su porter haut les couleurs du pays. Si l'on considère les dimensions de notre pays, elle a su donner à son image de transporteur des qualités que lui reconnaissent bien des entreprises du même type situées dans des pays bien plus puissants que le nôtre.

Et voilà que, dans les derniers mois ou les dernières années, nous connaissons un sentiment de désaffection qui, pour ma part, n'est pas d'hostilité envers Zurich, mais parce que nous nous rendons bien compte que Genève, qui a été le premier aéroport de Suisse avant Zurich, a été vaincu par Zurich dans la concurrence interne et que le résultat, tout naturellement, s'aggrave à mesure que des décisions de gestion nouvelle sont prises par Swissair.

On a eu raison de dire qu'il existe plusieurs manières de gérer des entreprises, et que l'entreprise gérée de manière libérale présente des inconvénients que l'entreprise nationalisée ne présente pas. On oublie de dire, et à mon grand étonnement M. Ferrazino l'a passé sous silence tout à l'heure, que si Swissair a des difficultés économiques qui mettent, à long terme, son existence en péril, elle le doit notamment à sa gestion d'entreprise nationale. En effet, elle a dû faire un certain nombre de choix coûteux pour elle, raisonnables pour le pays, qui l'entraînent dans une concurrence inégale. Le fait est que les pilotes de Swissair sont les mieux payés du monde, que les avions de Swissair sont parmi les mieux entretenus et les plus sûrs du monde. Je m'en réjouis et je m'en félicite !

Mais tout cela a un prix. Il vient un moment où le prix est si élevé qu'il est impossible de l'assumer, parce que vous, Mesdames et Messieurs, tout comme moi, lorsque nous avons le choix entre un vol très cher de Swissair et un vol pas cher d'une compagnie concurrente, nous ne faisons pas le choix civique du vol le plus cher à tout coup. Nous faisons le choix naturel de nos économies personnelles et privées du vol le moins cher et, notamment, pour les longs transports.

Alors, il ne faut pas s'étonner que, progressivement, Swissair - mais le tiers-mondiste convaincu qu'est M. Ferrazino ne devrait pas l'en blâmer - transforme des emplois suisses qui lui coûtent trop cher en nombreux emplois dans le tiers-monde qui ne lui coûtent pas cher, mais qui sont certainement bienvenus à Bombay. J'aurais pu m'attendre à vous voir applaudir, mon cher collègue, mais j'ai été un peu surpris de constater qu'en période de crise vous faites comme tout le monde, vous serrez le poing pour garder les emplois plus près de nous, plutôt que de les donner à d'autres qui, d'une certaine manière, en ont hélas davantage besoin que nous.

Le respect que nous avons porté à Swissair, il y a quelques mois, n'a pas disparu d'un seul coup. Simplement, nous constatons que les objectifs de Swissair ne concordent plus, ni avec les nécessités de Genève, ni avec le nécessaire équilibre entre une entreprise entrepreneuriale et une entreprise nationale qui a des devoirs, et je ne peux que me rallier au discours du président du Conseil d'Etat lorsqu'il disait que le problème n'était pas Zurich, ni les Suisses alémaniques face aux Suisses romands, mais de savoir s'il est encore logique que Swissair réclame de pouvoir se conduire comme toute entreprise le ferait probablement à sa place, tout en exigeant une protection légale nationale particulière, un droit d'intervention sur notre aéroport ou un droit de bénéficier d'une protection du Conseil fédéral dans la concurrence internationale. Cela n'est pas possible, il faut choisir son camp.

Il faut choisir la libre entreprise avec les risques que cela comporte, y compris pour l'entreprise libérale, ou il faut choisir le camp de l'entreprise nationale avec les risques monopolistiques que cela entraîne et les charges que cela suppose.

Swissair a fait un choix. A présent, nous devons nous positionner face à ce choix. Comme tout le monde, j'ai entendu beaucoup de choses aujourd'hui, et je dois dire qu'il me semble peu satisfaisant d'emboîter le pas à la proposition de M. Moutinot, reprise tout à l'heure par M. Ferrazino, consistant à dire : «D'abord et avant tout, protestons !».

Pour ma part, je suis fatigué de la protestation permanente de Genève face à ce qu'elle juge être une injustice permanente qui lui est faite. Je ne suis pas un «jérémiant» ni un maladif. Je ne suis pas un nain face à des géants, qui supplie qu'on lui laisse encore un peu d'air pour respirer. Je crois que Genève, parce qu'elle est Genève et le «Sonderfall» que nous réclamons et dont nous nous prévalons, a les moyens d'une ambition et de succès qui lui sont propres, a les moyens de se conquérir elle-même, au lieu d'attendre des autres qu'ils veuillent bien lui offrir une manne charitable.

Je ne demande la charité à personne. Je ne proteste contre aucune décision. J'assume mon destin de Genevois, et je souhaite désormais le faire, non pas en toute indépendance confédérale, mais en toute indépendance nationale au sein même de cette patrie confédérale à laquelle nous tenons.

C'est la raison pour laquelle la proposition de résolution qui est soumise par les trois partis de l'Entente n'est pas une protestation, ni un lamento, ni une jérémiade. C'est un constat. Nous constatons les décisions de Swissair. C'est un regret. Nous les regrettons. C'est une invite au Conseil fédéral qui le prie naturellement d'inviter Swissair à revoir sa position, mais nous n'y croyons pas, et vous non plus. C'est aussi une demande au Conseil fédéral de tirer immédiatement - parce que nous ne devons pas attendre pour marquer notre volonté - les conséquences des choix faits par Swissair. Car si Swissair ne revoit pas ses choix, alors la protection particulière de son monopole national n'a plus de raison d'être, et la loi fédérale doit être amendée et le Conseil fédéral doit changer ses pratiques et restituer à Genève et à son aéroport la liberté d'actions qui sont naturellement les leurs.

A ce stade, il n'est pas utile de savoir comment il faudra définir la suite des opérations. Le concept d'«open sky» ou de ciel ouvert s'étendra-t-il à tout le monde et pourquoi pas à Swissair aussi ? Comportera-t-il des risques pour l'emploi, je n'en sais rien, et vous non plus. Comportera-t-il des avantages et seulement des avantages pour Genève ? Nous avons le temps d'y réfléchir !

En revanche, nous n'avons pas le temps de remettre à plus tard une invite à cette forme de déréglementation d'une protection unilatérale pour une entreprise nationale qui n'est plus nationale et qui ne la mérite plus. Voilà pourquoi cette résolution doit être votée tout de suite.

Quant à la résolution proposée par l'Alliance de gauche, elle se caractérise par un immobilisme phénoménal. On proteste à pleins poumons, à pleine voix, mais on ne fait rien, on ne propose rien, et on annonce déjà l'enterrement de première classe. C'est la raison pour laquelle cette résolution ne me satisfait à aucun titre, même pas à celui qui serait légitime d'un moment d'émotion face aux mauvais traitements dont je me sens l'objet, comme vous tous.

Il reste les deux propositions de motions qui vous sont faites. Il faut qu'elles soient étudiées, c'est naturel, car les questions qu'elles posent sont parfois très importantes. Je suis aussi de ceux qui se demandent si nous n'avons pas intérêt, non seulement à ouvrir le ciel, mais à rechercher d'autres solutions, des alliances nouvelles, d'autres moyens de transport ou d'autres compagnies d'aviation, et pourquoi pas, puisque nous sommes un cas particulier, la création d'un «HUB» à Genève, ou bien encore la proposition de faire une meilleure répartition des tâches entre Zurich et Genève, l'un pour le nord, l'autre pour le sud, que sais-je ? Il y a d'immenses champs à explorer, à condition que nous le fassions dans un esprit dynamique et conquérant, soit dans la perspective d'une victoire, et sur nous-mêmes et sur cette mésaventure qui nous advient. Face à cela, les motions sont intéressantes et méritent d'être étudiées, parce que nous offrirons un catalogue de réflexions de ce qui a été fait dans le passé et sur ce qui peut être fait dans l'avenir.

Je désire rappeler aux auteurs de la motion de l'Alliance de Gauche qu'ils rappellent à leur tour, dans les considérants ou dans l'exposé des motifs, tout ce qui a été fait pour l'aéroport. Tout à l'heure, en écoutant attentivement M. Ferrazino, j'ai compris que cette énumération était l'expression d'un regret. Cet aéroport est trop beau. Il est trop grand, trop riche, trop bien desservi. Il nous faudrait une petite piste en terre battue avec un peu d'herbe pour faire joli et faire plaisir... (Protestation de M. Ferrazino.) Monsieur Ferrazino, c'est ce que vous avez dit tout à l'heure en d'autres termes. Vous prétendez que nous avons dépensé des dizaines de millions en vingt-cinq ou trente ans, que c'est beaucoup trop, que l'aéroport est surdimensionné, et M. Nissim disait, en gros, la même chose, et vous proposez tous les deux, en substance, qu'on le désaffecte un peu, l'un en augmentant les taxes, et l'autre en lui rendant ses dimensions véritables qui sont nécessairement des dimensions plus modestes que les siennes.

Mais nous savons tous que si ces dimensions étaient un peu plus importantes qu'elles ne le sont aujourd'hui la concurrence avec Kloten aurait été d'un tout autre ordre. J'ai envie de vous poser une question à laquelle vous ne répondrez pas. Vous vous rappelez ces différents textes de lois sur lesquels nous avons voté depuis 1971, en 1981, 1983, 1985 et 1988, et j'en passe, Monsieur Ferrazino ! Savez-vous combien de ces projets ont été combattus par votre groupe et par vos alliés de gauche et ceux des Verts ?

Vous rappelez-vous que le référendum de 1971 a été lancé par vos rangs et qu'il a manqué d'aboutir ? Il s'en est fallu de 0,4% des voix. Vous rappelez-vous que si ce référendum était passé, nous aurions pratiquement la piste en sable que je décrivais tout à l'heure ? Vous rappelez-vous, Monsieur Ferrazino, et vous, mes chers collègues de toutes les tendances de la gauche sensible, que nous n'aurions aucun des emplois créés par Swissair depuis vingt ans si nous n'avions pas voté contre vous tous ces projets de lois face à votre opposition farouche ? Faut-il que je vous rappelle qu'il y a eu encore un référendum, en 1991, je crois, contre les 29 millions de la deuxième étape du bâtiment. Cette fois-ci, la population avait tout à fait compris : il y a eu 75% de majorité pour l'aéroport.

Le président. Monsieur le député, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Michel Halpérin. Je m'assieds, Monsieur le président. C'est pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que la proposition de résolution que nous devons voter d'urgence, il faut la voter aujourd'hui. Nous examinerons les deux motions. Quant aux propositions de résolution de l'Alliance de gauche, qu'elles restent ce qu'elles sont, c'est-à-dire, rien ! (Applaudissements.)

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Swissair ne fait qu'appliquer le discours que tient le gouvernement monocolore, c'est-à-dire celui de la rentabilité et des économies comme priorité dans les choix.

A partir de ce constat, certains pourraient nous reprocher de défendre l'aéroport et d'autres nous refusent le droit de nous exprimer, comme nous le faisons dans ce débat, pour le motif que le parti socialiste, en 1991, a soutenu le référendum contre l'agrandissement des bâtiments de l'aéroport aux niveaux enregistrements et départs. Mais le fait que Genève ait besoin d'un aéroport efficace, accueillant et bien dimensionné n'est en aucune façon contesté par les socialistes...

M. Claude Blanc. C'est la première fois qu'on l'entend !

Mme Micheline Calmy-Rey....non plus qu'il ne l'était au moment de notre adhésion au référendum. Lequel, en effet, ne remettait pas en cause cette affirmation, mais avait pour objectif de contester les investissements prévus côté ville qui ne nous semblaient pas opportuns ni du point de vue des investissements généraux de l'Etat ni de celui, particulier, des investissements de l'aéroport - et nous avions malheureusement raison, puisque les compagnies américaines qui réclamaient des guichets, et pour lesquels nous avons dépensé des millions, ne sont finalement pas venues à Genève.

Dans ce débat, les socialistes entendent défendre la vocation internationale de l'aéroport de Genève-Cointrin, ceci pour deux raisons. La première, c'est la Genève internationale, ouverte sur le monde, et à laquelle nous tenons tous - en ce sens, la décision de Swissair nous a touchés en plein coeur, ainsi que toute la Suisse romande, puisque d'importants secteurs économiques dépendent de l'attractivité internationale de la région. La deuxième raison pour laquelle nous tenons à la desserte intercontinentale est la donne écologique. En effet, on ne peut ignorer la charge écologique due au développement du trafic aérien et ses effets sur la nature et les personnes. L'aéroport ne saurait être réservé à des vols à courte et moyenne distance qui, dans l'idéal, devraient être remplacés par des trains à grande vitesse.

Nous ne voulons pas non plus que notre aéroport se spécialise dans les vols charters, ni ne devienne un aéroport de transit où les passagers prendraient des navettes pour rejoindre leur correspondance à Amsterdam, Zurich, Londres ou Paris. Nous tenons à une desserte de qualité, à un réseau de lignes régulières de long-courriers.

En 1992 déjà, Monsieur Blanc, nous nous étions associés à d'autres partis pour accepter une motion, je cite :

«invitant le Conseil d'Etat à intervenir auprès de Swissair et des autorités fédérales pour maintenir, voire développer, le réseau de destinations intercontinentales directes, de et vers Genève.»

En partant de ces principes, la priorité est d'assurer notre capacité de desserte avec Swissair. Il n'est pas raisonnable de vouloir renoncer à notre compagnie nationale pour prôner un «open sky» sans égards pour elle. Affaiblir Swissair n'entre pas dans nos objectifs, car cela conduirait à affaiblir l'aéroport aussi. Une telle démarche ne serait pas raisonnable non plus pour le personnel, car elle conduirait à augmenter les délocalisations, les pertes d'emplois et les dégradations des conditions de travail pour les employés de Swissair qui en ont déjà vu pas mal ces dernières années.

Dans cet esprit, vous comprendrez aussi que nous nous opposons à ce que Crossair, dont on dit pudiquement que la structure de coûts est plus favorable que celle de Swissair, donc les salaires plus bas, prenne la place de Swissair à Cointrin.

Mesdames et Messieurs les députés, il est possible que Swissair revienne, au moins en partie, sur sa décision, et cela vaudrait la peine d'agir dans ce sens. Peut-être sera-t-elle aidée par une subvention de la Confédération pour le rôle d'intérêt public qu'elle jouerait en assurant des liaisons aériennes long-courriers au départ de Genève. Pourquoi pas ? Cela pourrait être une solution. Mais même si nous obtenions le rétablissement de quelques lignes, vous me permettrez de douter que Swissair renonce à sa stratégie de réduction des coûts, de délocalisation et de regroupement. Il devient lentement évident - je dis lentement parce que, en 1992 déjà, nous connaissions les projets de Swissair de concentration sur Zurich - que pour assurer sa vocation internationale et pour offrir la desserte de qualité que nous revendiquons pour Genève, l'aéroport ne peut pas miser uniquement sur Swissair. Il faut lui donner les moyens de ses ambitions.

Actuellement, Swissair jouit d'une sorte de monopole accompagné de privilèges et il n'est pas normal qu'il soit maintenu sans autre si elle ne respecte pas les obligations d'intérêt général qui y sont liées. Il ne serait pas normal, non plus, qu'elle fasse systématiquement obstacle à ce que Genève/Cointrin puisse accueillir d'autres compagnies aériennes pour des vols long-courriers partant de Genève ou à destination de Genève.

Nous avons encore quelques atouts à faire valoir, et il importe que nous puissions les jouer correctement. Notre taux de chômage n'est pas si faible que nous puissions ignorer les six mille personnes qui travaillent sur le site aéroportuaire. Notre responsabilité est aussi de garder et de développer ces emplois à moyen et long terme, mais encore une fois pas contre Swissair. Et c'est la raison pour laquelle nous vous proposons de sortir des joutes oratoires qui nous opposent à cette compagnie pour engager des discussions constructives et tenter de trouver des solutions.

C'est pourquoi, dans ce but, nous avons déposé une proposition de motion dans laquelle il vous est demandé de réunir les autorités des cantons romands et les partenaires sociaux pour ce que nous avons appelé les états généraux de l'aéroport.

Encore un mot : la décision de Swissair a été un révélateur. L'application stricte de mesures d'économie linéaires et des principes de rentabilité économique défavorise la Romandie. C'est un fait. Pourtant, durant ces dernières années, les centres de décisions économiques ont été déplacés. Presque toutes les grandes entreprises de Suisse romande sont aujourd'hui contrôlées de l'extérieur, faisant de la Suisse romande une province. Tout cela s'est fait sans grand brouhaha et sans protestation aucune. Il a fallu que Swissair touche aux dessertes aériennes pour qu'il y ait prises de conscience et réactions.

Pourtant, la stratégie de Swissair était évidente depuis quatre ans. Swissair a pris une série de mesures qui ont lourdement touché Cointrin, et contre lesquelles aucune voix, ou presque, ne s'est élevée. Des lignes long-courriers ont d'ores et déjà été supprimées, des emplois ont été perdus, des employés ont été vendus - carrément vendus - leurs salaires diminués de 15% à 20% et les temps de travail allongés.

Tout cela s'est fait dans l'entreprise nationale, sans tapage médiatique ni démissions fracassantes. J'espère que la décision de Swissair ouvrira les yeux et permettra de réviser certains choix, de réfléchir à deux fois avant de vanter les vertus du laisser-faire et la suprématie du marché, avant de réclamer des privatisations dans des secteurs aussi sensibles pour la Romandie que les télécommunications, les transports ou la poste.

En conclusion, nous souhaitons, plus qu'une large protestation, qu'un consensus puisse se dégager à l'issue de ce débat. Par conséquent, nous acceptons bien volontiers le renvoi de notre motion en commission. Nous voterons également le renvoi de la motion de l'Alliance de gauche et, moyennant quelques amendements qui ont d'ores et déjà été déposés sur le bureau du Grand Conseil, nous sommes prêts à nous rallier à la résolution de l'Entente.

Ces amendements consistent à intervertir les invites 2 et 3 de la résolution de l'Entente et à ajouter «prioritairement» à la troisième invite, pour donner précisément la priorité à l'intervention auprès de Swissair. En outre, nous proposons de modifier l'invite 2 de la façon suivante :

«-à tout mettre en oeuvre pour favoriser à l'aéroport international de Genève une desserte long-courrier de qualité;

-à intervenir prioritairement auprès du groupe Swissair pour que son réseau long-courrier ne soit pas uniquement concentré à Zurich;

-à autoriser les compagnies étrangères à desservir l'aéroport international de Genève-Cointrin pour des vols long-courriers partant de Genève ou à destination de Genève.»,

ceci en référence à de possibles engagements triangulaires avec des compagnies venant d'ailleurs, faisant escale à Genève pour prendre des passagers et partant ensuite aux Etats-Unis, par exemple. C'est ce que l'on appelle la cinquième liberté. Ces arrangements existent déjà pour l'Europe. Il serait intéressant que Genève puisse les négocier également pour l'Atlantique.

Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, nous acceptons la résolution proposée par l'Alliance de gauche.

M. Pierre Meyll (AdG). Le plus extraordinaire est que nous nous trouvions dans une situation qui était prévisible ! Quand vous parlez «d'open sky», vous faites courir un risque énorme à Swissair ! La dérégulation qui s'ensuivra - et les syndicats l'ont bien compris, puisqu'ils s'y opposent - développera des effets malvenus, inutiles et quasiment suicidaires. Nous avons reçu de nombreux avertissements à propos de cette situation. Je rappelle qu'en 1992, lorsque Swissair envisageait la création d'un HUB, avec Genève pour centre, M. Reutlinger avait réuni les autorités des communes riveraines. A cette occasion, je lui avais demandé s'il s'agissait d'un HUB définitif. Sa réponse a été celle d'un dirigeant d'une entreprise privée, entrevoyant le bénéfice de l'opération : «Il n'y a rien de définitif dans l'économie et seuls les résultats nous diront si nous maintiendrons ce HUB.» Il était clair que si les résultats ne correspondaient pas à ses espoirs le HUB serait retiré.

Dans l'esprit de M. Reutlinger, et cela constitue peut-être une réponse à M. Halpérin, il s'agissait de faire de Genève une liaison avec le sud, c'est-à-dire avec l'Afrique et le Moyen-Orient, avec des escales possibles en direction de l'Extrême-Orient. Il était évident que ces destinations nous seraient retirées si nous ne pouvions les assumer. M. Reutlinger avait également déclaré que l'escale à Genève des long-courriers Zurich/Genève/Johannesburg et Zurich/Genève/Rio, revenant à 60 000 F, elle était inutile, parce que trop onéreuse, pour les quelque douze passagers pris en charge à Genève. Dès lors, il était évident que ces long-courriers nous seraient peu à peu retirés comme tant d'autres.

Le gouvernement devait le savoir, et ce d'autant mieux que les avertissements, concernant d'autres compagnies aériennes, n'ont pas manqué ! Toujours pour répondre à M. Halpérin, je rappelle le crédit de 29 millions, en 1991, qui avait fait l'objet d'un référendum, pour la construction de quarante-quatre guichets - devenus lieux permanents de rendez-vous, puisque inoccupés ! - en prévision notamment d'une liaison Genève/Los Angeles et de l'arrivée de compagnies américaines. En fait, les accords, soi-disant gouvernementaux, ratifiés avec les Etats-Unis ne donnaient pas la primeur à Genève, la preuve c'est que nous n'avons rien eu !

Lors de notre campagne référendaire contre ces quarante-quatre guichets qui n'ont servi à rien, nous avions dit, en forme de boutade, que Genève pouvait éventuellement devenir un aéroport de quartier. Nous ne le pensions naturellement pas, mais il est certain que, dans ce secteur, la place de Genève s'est considérablement détériorée.

Je repose la question à laquelle M. Maitre n'a jamais voulu répondre : qu'allons-nous faire auprès de l'Office fédéral aérien ? Allons-nous lui demander de nous laisser les long-courriers ? Nous n'avons jamais eu de réponse, et j'y reviendrai, concernant la concession de l'aéroport de Genève. D'après certains, elle n'est accordée que pour la piste de 1 200 mètres faite pour les court-courriers, mais ne l'a jamais été, semble-t-il, pour la piste de 3 900 mètres. Qu'en est-il ? Dans l'affirmative, nous serions mal placés pour réclamer.

Il ne faut donc pas se lancer dans l'aventure de l'«open sky». Ce serait catastrophique ! Les syndicats, je le répète, s'y opposent.

J'en viens à l'ancrage d'emplois à Genève. Je ne reviendrai pas sur certains problèmes, ceux du ravitaillement, par exemple. Par contre, lors de l'établissement des HUB à Genève, il fallait - et nous l'avions précisé à M. Maitre - que les pilotes qui en partaient soient domiciliés à Genève, avantage fiscal pour le canton et à cause des postes fixes de réparation. Or, M. Reutlinger a rétorqué qu'il n'y avait aucune obligation à cet égard et que l'emplacement de ces postes de réparation et d'entretien serait décidé en temps opportun. A partir de là, notre situation se fragilisait et notre gouvernement se devait d'intervenir.

Je ne reviendrai pas sur la problématique de la libéralisation totale qui nous vaudra des déconvenues prévisibles.

M. Jean Spielmann (AdG). M. Halpérin, dont le discours est aussi caricatural que celui de Swissair, a cru bon de faire diverses observations sur les considérants de notre motion. Il est donc nécessaire de lui répondre.

Contrairement à ses dires, nous avons tous voté et défendu les crédits énumérés à la page 2 de notre motion, totalisant plus de 500 millions de francs, à l'exception du dernier qui avait trait aux guichets dont M. Meyll vient de parler.

Lors du débat sur l'extension de l'aéroport, nous avions, à propos des gros-porteurs, attiré l'attention de ce Grand Conseil sur l'évolution du trafic international et sur la nécessité de tenir compte des modifications intervenues dans les concepts des transports et de la mise en place des plates-formes et des navettes de raccordement. Nous l'avions averti que le développement de l'aéroport ne pouvait être conçu sans tenir compte de ces facteurs, faute d'en payer l'addition un jour.

Il a été dit que notre motion n'avançait aucune proposition. Par conséquent, il est utile de rappeler les prises de position politique qu'elle contient, lesquelles s'opposent radicalement aux décisions prises par le Conseil d'Etat en faveur de l'«open sky» et de la libéralisation. Nos prises de position considèrent qu'une telle libéralisation serait la fin de Swissair, avec toutes les conséquences que cela comporte. Comme l'a reconnu M. Halpérin, cette compagnie est mondialement réputée pour son savoir-faire et ses prestations. Il n'est donc pas inutile que la reconnaissance de ces valeurs persiste de par le monde et que les gens sachent que notre pays a la notion de la qualité, de la sécurité et des choses bien finies. Cette image est très importante et vous ne pouvez pas la balayer au profit de l'«open sky» avec des compagnies en provenance de tous horizons et la perte du label de Swissair. Cela d'un seul coup de plume, sans tenir compte des conséquences à court terme, sans parler de la proportion de vols encore assurés aujourd'hui par Swissair et l'aéroport de Cointrin. Cette politique est la pire qui soit, comme celle de la chaise vide au conseil d'administration. Effectivement, nous nous y opposons, parce qu'ayant une option différente.

Il est évident que l'on doit créer des emplois dans le tiers-monde, mais que l'on ne nous dise pas, sur les bancs libéraux, que la délocalisation a été faite pour créer des emplois en Inde. Elle l'a été pour un coût de travail bon marché, mais de qualité nettement inférieure. Elle l'a été surtout en regard de lois sociales qui ne sont pas comparables aux nôtres. Tout cela s'inscrit dans le droit-fil de la proposition de modification de la loi sur le travail, avec le week-end non indemnisé, un travail de nuit qui commence à 23 h, sous prétexte de compétitivité internationale pour la place économique suisse. Quand aura été démoli l'ensemble des acquis sociaux qui sous-tendent la vie associative et familiale que nous connaissons, pourquoi ne pas envisager le travail des enfants ? En effet, s'il faut être compétitif, pourquoi interdirait-on le travail des enfants ? Le jour où vous aurez tout démantelé, vous n'aurez plus besoin de délocaliser, parce que vous aurez réussi à niveler les prestations par le bas. Il n'y aura plus besoin d'avions non plus pour démontrer la qualité de notre pays à l'étranger et vous aurez ainsi bouclé la boucle. C'est une politique d'autruche, une politique néfaste pour l'avenir économique de notre pays et nous n'entendons pas y souscrire.

En revanche, nous vous invitons à bien réfléchir avant de prendre une telle décision qui ne sera pas sans conséquence.

C'est pour cela que nous proposons :

1. que l'on occupe un siège chez Swissair pour y défendre les positions de notre canton;

2. qu'au niveau de la loi fédérale et de son article 103, l'on demande à la Confédération de ne pas autoriser Swissair à supprimer les vols et la desserte de Genève, et qu'elle remplace son mandat de compagnie nationale;

3. de protester contre les décisions de Swissair prises, comme rappelé à plusieurs reprises, sans concertation et discussion avec les régions économiques, les cantons et le personnel concernés. Ces décisions conduisent à une politique de démantèlement, de sous-traitance et de privatisation. Cette politique, qui aboutit dans un cul-de-sac, reflète, d'ailleurs, votre propre politique de libéralisation dans les domaines des télécommunications, des postes et des transports.

Le label et la qualité du travail suisse, ainsi que les conditions-cadre favorables à son économie, découlent directement de conditions favorables au niveau des services publics. Vous êtes en train de tout saboter pour un bénéfice immédiat. C'est de la politique à courte vue. Libre à vous d'aller dans la direction de l'«open sky» ! Moi, je vous donne rendez-vous dans quelques années pour constater les dégâts de votre politique !

M. Pierre Kunz (R). Une fois de plus, une partie de l'opposition se révèle incapable de mettre au fourreau ses instruments de politique politicienne et ceci malgré l'importance de la cause, une cause qui, partout ailleurs, aurait conduit à l'union sacrée de toutes les forces politiques et sociales. M. Halpérin a déjà dit, et fort bien, tout ce qu'il faut penser de cette attitude. Je n'y reviendrai pas.

Je me trouve dans le rôle, parfois désagréable, du critique de l'action gouvernementale ou plutôt de sa volonté réformatrice, insuffisante à mon gré. Je ne voudrais donc, ce soir, pour rien au monde omettre d'adresser, en toute simplicité, un bravo sans bémol au Conseil d'Etat pour la manière dont il a su, crânement et intelligemment, dans un esprit d'ouverture, faire d'une crise grave une opportunité enthousiasmante pour la Romandie et Genève. (Rires en provenance des bancs de gauche.) Cela vous fait rire, évidemment, car ce n'est pas l'enthousiasme qui vous motive, mais plutôt un profond pessimisme. Je le sais depuis deux ans et demi que je vous fréquente.

La bataille pour «Geneva open sky» sera âpre et difficile. Il faudra commencer par convaincre une partie de l'opposition. Elle exigera, il est vrai, des efforts importants et des renoncements. Mais cette bataille, nous la gagnerons en dépit des corporatismes, des aigris, des défaitistes, des illusionnistes, des pessimistes, des Cassandre, j'allais dire des Spielmann, et des jeteurs de sorts ! Les Romands, et particulièrement les Genevois, en ont assez d'affronter la crise en réclamant des subsides et en se serrant, tout simplement, la ceinture. Ils n'attendaient qu'une occasion de retrousser leurs manches... Eh bien, nous l'avons !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). La Suisse a très bien fonctionné tant que le fédéralisme politique s'accompagnait de fédéralisme économique, dit notre président du Conseil d'Etat. Elle a très bien fonctionné aussi et surtout tant qu'il y avait assez d'argent. De même, Swissair a été une compagnie aérienne exemplaire, jusqu'en matière de protection de l'environnement et de politique salariale dans son entreprise.

Maintenant - et ceci a été développé plusieurs fois - face aux difficultés économiques, ses réponses sont devenues légèrement plus autoritaires et la nomination d'un nouveau directeur correspond à la perspective de procéder à des assainissements qui devraient, dans un premier temps, concerner deux mille emplois et, marginalement, les vols intercontinentaux de l'aéroport Genève-Cointrin.

Swissair est une société privée et fonctionne comme une société privée. Deux autres sociétés privées viennent de fusionner, Ciba et Sandoz pour créer Novartis. Lors de l'assemblée générale qui s'est tenue hier, seuls trois actionnaires ont proposé de consacrer un tout petit fonds à ceux qui perdraient leur emploi à l'occasion de cette fusion. L'assemblée a refusé ! Swissair fonctionne donc bien selon les normes d'une entreprise privée.

Les cantons qui prétendent, aujourd'hui, s'intéresser à l'avenir de Swissair étaient membres de son conseil d'administration et en étaient actionnaires. Dernièrement, ils ont trouvé que leurs actions fructifiaient mal. En ce moment, elles fructifient ! Et de leur point de vue d'actionnaires, ils peuvent s'en réjouir. Quand les actions fructifient, c'est qu'il y a des raisons et le plan d'assainissement proposé en est probablement une.

Il a été dit tout à l'heure qu'on ne comprenait pas le discours des Verts, parce qu'il n'était pas compatible avec le désir du développement de l'aéroport de Genève-Cointrin. Evidemment, on ne peut pas le comprendre si le présupposé est que nous souhaitons tous ce développement. Nous n'avons pas ce présupposé. En revanche, nous avons celui que l'aviation est nuisible, mais qu'elle est indispensable et merveilleuse quand elle met en relation des pays, des autorités, des peuples, des personnes. Pour nous et le sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire la qualité internationale de Genève, elle est indispensable.

Nous nous sommes interrogés quant à la possibilité de maintenir la qualité internationale de Genève, en vertu du fait décrit tout à l'heure, à savoir celui des plates-formes intercontinentales. Si nous avons la chance d'en conserver une pour un pays de six millions d'habitants, c'est que nous sommes assez forts. Si nous en conservons deux, on pourra le regretter.

Notre préoccupation est de savoir comment la qualité internationale de Genève, de ses organisations et de ses multinationales, pouvait être protégée par rapport aux nouvelles politiques de mondialisation et de concurrence qui, elles aussi, ont été décrites et sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Il nous est apparu - et nous avons été aidés dans cette réflexion par des prises de position de multinationales et d'organisations internationales - que lesdites organisations jugeaient une desserte absolument nécessaire, en liaison avec l'ensemble du globe. Cette liaison ne devrait pas forcément partir de Genève et surtout ne pas être issue d'un bricolage genevois. Il s'agirait d'une liaison efficace, dont découleraient des transbordements sur d'autres plates-formes de grande importance.

L'on peut discuter de savoir si la desserte genevoise jusqu'à ces plates-formes doit être assurée par Swissair, par Crossair ou par des compagnies étrangères. Il semble que la question ne nous a même pas été posée. La Confédération est en train de mener des négociations bilatérales en vue d'accords qui ne pourront être que réciproques et qui feront donc venir en Suisse des compagnies étrangères.

Les Verts, vous le savez, ne sont pas très chauds pour les courtes distances couvertes par avion. Ils estiment, en effet, que le développement des TGV fera que le rail concurrencera l'avion et l'exemple parisien le prouve : le rail est le meilleur moyen pour se rendre dans une ville assez proche, dès lors que l'on y pénètre vraiment. Si l'on ne quitte pas son aéroport, il se peut que la desserte aéronautique soit une meilleure solution.

Il n'est pas donc contradictoire d'affirmer qu'il faut développer les transports à grande vitesse par rail pour les courtes distances, alors qu'une desserte efficace doit être utilisée pour les autres.

Quant aux propositions faites dans les motions, les résolutions et les discours, à savoir suspendre ou revenir sur les décisions prises, nous n'y croyons pas et présumons que les auteurs eux-mêmes n'y croient pas. Il nous a été demandé de renoncer à l'«open sky» et de préférer le retour de Swissair, lequel ne peut pas se faire, comme déjà dit.

Dès lors, l'arrivée de Crossair ou de compagnies étrangères constituera une déréglementation, ainsi qu'une libéralisation. «Open sky» en sera une et nous devrons l'assumer d'une manière efficace et protectrice par rapport aux politiques salariales appliquées dans notre canton.

Négocier avec Swissair, comme dit M. Moutinot, dommage ! Quant à l'appel de M. Fontanet pour désigner un ennemi zurichois, je pense que les réactions qui s'expriment au nom de la cohésion nationale sont plus dangereuses que la décision de Swissair.

Nous, les Verts, nous nous sommes sentis d'abord très seuls dans cette affaire, parce qu'il semblait y avoir une unité de pensée sur le problème et peut-être, comme le dit M. Kunz de toute sa hauteur, une union sacrée. Le présent débat montre à l'évidence qu'on s'est trompé d'objet pour susciter une union cantonale ou romande.

Proposer, comme Mme Calmy-Rey le suggère, une subvention à l'aéroport de Genève, c'est également proposer une subvention à l'aéroport de Kloten, alors que l'existence d'un seul aéroport n'est même pas garantie. Proposer de combattre Swissair, cela va peut-être dans l'intérêt de Genève, mais en est-il de même pour l'intérêt national ? Nous appartenons à un pays, même si celui-ci se reconnaît principalement dans son armée, son aviation et ses CFF, et qu'il faudra bien, un jour, trouver autre chose à mettre en commun.

Dans un premier temps, vous avez essayé de donner force de symbole à la question du trafic aérien. C'était un mauvais symbole. Il nous faut avoir des projets au long cours, des projets durables.

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). J'ai été très intéressé par les considérations économiques développées par les députés de l'Alliance de gauche. Une fois de plus, ils ont fait une critique en règle de l'économie libérale. Une fois de plus aussi, ils n'ont fait que critiquer sans présenter aucune proposition concrète, ni aucun modèle économique de remplacement.

M. Jean Spielmann. Il y a notre motion !

M. Jean-Philippe de Tolédo. Vous avez parlé de fuite en avant à propos des investissements. Ce faisant, vous commettez une grave erreur, car ce que vous proposez n'est rien d'autre qu'une «subventionnite» plus aiguë que celle qui existe aujourd'hui. La vraie fuite en avant, c'est bien cela et non les investissements ! En effet, toute subvention ne sert qu'à reproduire un modèle passéiste et seuls les investissements garantissent la construction de l'avenir. De toute façon, c'est votre discours habituel !

Vous avez dit que l'Entente gémit sur son sort. Ce n'est pas vrai, cela a été énoncé par d'autres. Si nous avons élevé des protestations quant à la tournure prise par les événements, nous ne gémissons pas et, comme l'a dit M. Kunz, il faut saluer la capacité de réaction et de décision de notre gouvernement qui, je le rappelle, est un gouvernement homogène. Il faudra s'en souvenir, lors des prochaines élections, quand il s'agira de voter pour un gouvernement capable de prendre des décisions dans les moments qui s'y prêtent.

M. Jean Spielmann. Avec des résultats remarquables !

M. Jean-Philippe de Tolédo. Pour une fois, nous sommes d'accord, Monsieur Spielmann ! En effet, il ne sert à rien de protester dans le vide, de gémir, il faut trouver des solutions propres à l'esprit de Genève, à son statut de ville, carrefour de civilisations, de cultures et de religions, et qui, bien entendu, assurent son avenir. Dans cette perspective, nous avons pris connaissance, avec plaisir, de la résolution de l'Entente que nous vous demandons de soutenir. Cette résolution, il faut la voter maintenant ! Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe d'attendre dix ans pour que les députés de l'opposition en comprennent l'utilité.

M. Michel Balestra (L). Après tout ce que j'ai entendu, je n'arrive pas à me contenir et je suis obligé de prendre la parole ! En 1945, le monde s'est trouvé partagé en deux, de manière arbitraire. A l'Est, les défenseurs du système soutenu par M. Spielmann, à l'Ouest, les défenseurs du système libéral, avec toutes ses lacunes. Vous avez raison, le libéralisme ne connaît pas que des succès. En revanche, Monsieur Spielmann, le socialisme ne connaît que des échecs, et c'est une différence suffisante pour préférer l'autre système ! (Brouhaha.) Et le partage des deux mondes a apporté la preuve de cette affirmation : d'un côté la liberté, l'avance technologique, une écologie maîtrisée, des salaires multipliés par trois en francs constants, et de l'autre, un désastre écologique, la prison, la misère, la pénurie.

Préféreriez-vous, cher Monsieur Spielmann, être pilote chez Crossair ou à l'Aéroflot ? Une Trabant à une BMW ? Lire le «Journal de Genève», la «Tribune de Genève», le «Courrier», «Le Nouveau Quotidien», ou la «Pravda», la «Pravda», la «Pravda», la «Pravda» ? Comme le disait si bien Winston Churchill, le capitalisme, c'est l'injuste répartition des richesses, et le socialisme, la juste répartition de la pauvreté. Malheureusement, ce débat est celui des hommes et des femmes qui règlent des comptes ! Mais ils sont bien mal placés pour donner des leçons. Nous, nous voulons trouver des solutions dans le seul intérêt des Genevois ! (Applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). Notre collègue M. Kunz - avec lequel je n'ai pas beaucoup d'affinités politiques - en appelle à l'union sacrée. Il se fait beaucoup d'illusions, et nos adversaires profitent de nos divisions ! Les décideurs d'outre-Sarine savent qu'ils peuvent nous faire toutes les vilenies, car nous n'arriverons jamais à nous mettre d'accord pour défendre nos intérêts. L'attitude des différents partis dans l'affaire de l'aéroport n'est pas récente, et elle est même assez piquante. En effet, les Verts ont le mérite d'une pensée conséquente : c'est le Moyen Age, la diligence, le TGV !

M. Andreas Saurer. Merci !

M. Claude Blanc. Mais les Verts, de l'autre côté de la frontière, se couchent sur les travaux de pose de rails du TGV Méditerranée, parce qu'il traverse quelques vignes ! (Rires.) Les Verts de Genève prônent le TGV, mais je me réjouis de les entendre lorsqu'on taillera dans le «gras» au sud du canton ! Ce jour-là, ils auront certainement la même attitude que leurs collègues français !

Les communistes n'ont pas changé non plus. Ils défendent toujours un système étatique et s'y attachent. Peu leur importe les coûts, l'Etat doit gérer l'économie ! M. Balestra fustigeait ce système dépassé, mais - à l'opposé - nous ne pouvons pas pratiquer un libéralisme total. C'est pourquoi nous sommes partisans d'une «économie sociale de marché», si vous me passez cette expression assez éculée !

Quant aux socialistes, c'est Tartuffe et compagnie ! Depuis la fin de la guerre, ils n'ont pas cessé de démolir tous les projets de l'aéroport. En s'y opposant par tous les moyens, ils ont même tenté d'en faire un aéroport de province. Mais actuellement en pleurs, ils veulent convoquer des états généraux ! Souvenez-vous du débat sur la Société de l'aéroport international de Genève. Les socialistes ont utilisé toutes les astuces de procédure pour la vouer à l'échec. Il faut arrêter de pleurer et nous prendre en main. Nos concurrents d'outre-Sarine connaissent nos faiblesses et en usent. Il faut leur montrer que nous «en avons» ! (Rires.) Il en va de même avec les prochaines votations sur la traversée de la rade : votre malthusianisme donne à vos concurrents l'idée de vous mater en exploitant votre manque de volonté ! Réagissez, que diable ! Rejoignez les véritables défenseurs des intérêts de Genève ! Retroussez vos manches et prouvez aux Suisses allemands votre capacité à accomplir une oeuvre valable ! (Applaudissements.)

M. Jean-François Courvoisier (S). Je ne suis pas un fanatique du régime soviétique, mais j'aimerais répondre à M. Balestra par une parole de  l'Ecclésiaste qui dit que : tout dépend du temps et des circonstances. En 1945, l'Union soviétique était entièrement ravagée par la guerre, et détruite jusqu'à Moscou. En Europe, nous avons eu la chance d'être ravitaillés par les Etats-Unis, qui voulaient relever toute l'économie de l'Europe de l'ouest par esprit de propagande. Je rappelle à M. Balestra la crise de 1929 à 1935. En 1931, par exemple, trois cent cinquante Américains souhaitaient quotidiennement aller vivre en Union soviétique, car ils «crevaient» de faim. Dans ce pays, et en Chine également, les régimes que l'on condamne aujourd'hui ont réalisé, de façon spectaculaire, d'immenses progrès. Cette situation - que je ne souhaite pas - nous attend, si nous n'arrivons pas à sortir du marasme créé par notre économie libérale.

Le président. Regagnez vos places, s'il vous plaît !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Swissair, qui a commencé à l'époque à traiter le réseau long-courriers au départ de Genève, a été soumise à un certain nombre d'évolutions à partir des années 70-80. Sous un régime de douches écossaises provoquant une succession de progressions, de réussites, de difficultés et d'échecs, ses relations avec la Suisse romande se sont transformées.

En 1992 - cela ne date pas d'hier - à la suite de la suppression de certaines lignes intercontinentales depuis Genève en direction de Rio et de Johannesburg, nous avons développé avec Swissair les contacts nécessaires pour parvenir à un accord, jugé satisfaisant pour la Suisse en général et pour la Suisse romande en particulier. Cet accord créait une spécialisation du trafic long-courriers en le répartissant sur les deux plates-formes de Zurich et de Genève, au désavantage de Bâle. Conjointement avec Zurich, Genève gardait les liaisons avec les Etats-Unis, pour les destinations de New York et de Los Angeles, et obtenait le trafic spécialisé sur l'Afrique - Johannesburg excepté - et le Proche-Orient. La conclusion de ces accords est le résultat de discussions entre Swissair et le gouvernement de Genève. Après quelques saisons d'exploitation du concept des deux HUB, nous avons constaté qu'il n'était pas pleinement respecté. Aussi sommes-nous intervenus auprès de Swissair à plusieurs reprises et parfois même de façon véhémente. Vous en avez lu quelques répercussions dans la presse. Cela nous a conduits à trouver de nouveaux accords et à créer un groupe permanent de travail, le Groupe de Contact Genève-Swissair.

Nous avons pu ainsi rouvrir les dossiers et rediscuter de manière franche du concept de la desserte long-courriers par la compagnie nationale au départ de Zurich et de Genève. De nouveaux progrès ont été enregistrés... (Brouhaha.) Monsieur le président, ce bruit est tout à fait désolant ! Cette discussion est importante. Il s'agit de motions, mais leurs auteurs et ceux qui se sont longuement exprimés n'écoutent même pas des renseignements qui pourraient leur être utiles, car - je les ai patiemment écoutés - manifestement ils les ignorent !

Ce groupe de contact a permis, grâce à des discussions fermes, claires, ouvertes et loyales, de réaliser de nouveaux progrès dans la desserte long-courriers. Au cours de ces dernières années, grâce au travail du gouvernement - sans lui attribuer des mérites excessifs, Swissair ayant fait preuve de bonne volonté en l'occurrence - nous avons amélioré - pour prendre quelques exemples - la desserte des long-courriers au départ de Genève, notamment avec des lignes sur Osaka et Taipeh, avec des fréquences augmentées pour Singapour et une nouvelle ligne sur Washington. Sans parler de l'amélioration extrêmement sensible de la desserte européenne qui n'est pas touchée par la dernière décision de Swissair.

En octobre 1995, j'ai entendu pour la première fois parler d'ébauches d'études, d'hypothèses informelles, ayant trait à l'éventuelle concentration à Zurich de la majeure partie du réseau long-courriers Swissair. A ce moment, j'ai estimé, même si des études n'étaient pas formellement engagées, que les hypothèses étaient suffisamment graves en elles-mêmes pour que le Conseil fédéral en soit averti. Je précise que c'est moi qui l'ai fait et non Swissair, ce qui est tout de même paradoxal ! Fin octobre et début novembre 1995, j'ai eu un entretien avec M. Delamuraz, parce que la Suisse romande était touchée par ce type de réflexions. J'ai eu un entretien avec M. Cotti, parce que la Genève internationale était concernée par ces hypothèses. J'ai eu un entretien avec M. Moritz Leuenberger, qui venait d'être élu, puisque c'est notre ministre des transports. A la suite de mon intervention, M. Delamuraz a soumis le problème au Conseil fédéral, d'où la réaction officielle des services de Moritz Leuenberger auprès de Swissair. La réponse de cette dernière à fin novembre 1995, signée Otto Loepfe, est celle-ci, en substance : «Bien sûr, nous voulons améliorer nos parts de marché au départ de Genève. Il n'est pas question d'abandonner Genève. Nous voulons même y améliorer le long-courrier, mais - et le poids des «mais» augmente considérablement dans notre pays - la rudesse de la concurrence nous oblige à envisager toute une série de variantes. En l'état, aucune réflexion n'est enclenchée et, par conséquent, vous n'avez pas de souci à vous faire.» C'est l'exemple du genre de correspondance caoutchouc auquel nous avons dû nous habituer durant ces derniers mois.

En janvier et février, j'ai eu de nouveaux contacts avec Philippe Bruggisser. Je l'ai vu, notamment, le 8 février. A cette occasion, il m'a confirmé que l'hypothèse de la concentration des long-courriers à Zurich était une variante parmi quinze autres, qu'elle n'était absolument pas suffisamment avancée pour que l'on puisse l'imaginer comme une proposition. En février, Philippe Bruggisser a dit lui-même que le système informatique de Swissair n'était pas assez performant pour faire l'ensemble des simulations qui visent à reconstruire totalement le réseau Swissair long-courriers au départ de Zurich, notamment avec quatre pointes, alors qu'il y en a trois totalement engorgées aujourd'hui. Il faut donc les «écrêter» et les répartir, ce qui implique la reconstruction complète du réseau long-courriers. Il s'agit de la mise en place de nouveaux plans de vol d'une complexité extrême.

A ce moment-là, aucune décision n'avait été prise. Et pour cause, il n'y avait aucune proposition ! On en était toujours aux vagues hypothèses ! Les choses se sont précipitées à fin mars 1996 quand, au conseil d'administration, nous avons constaté que ce point était porté à l'ordre du jour, mais sans documentation annexe, celle-ci devant suivre. Elle ne nous est parvenue que quelques jours avant la réunion du conseil d'administration. J'ai immédiatement contacté Philippe Bruggisser et l'ai rencontré la veille de la séance du 3 avril du conseil d'administration à Zurich. Il est venu à Genève et nous avons dialogué tout l'après-midi du mardi 2 avril. Je lui ai dit très clairement que ce qui était une hypothèse de travail, dès lors transformée en proposition, était une erreur commerciale, une sous-estimation crasse des conséquences politiques. J'ai constaté que l'hypothèse de proposition était, en fait, devenue un préalable de décision. Toujours ce 2 avril, j'ai déclaré à Philippe Bruggisser que dans ces conditions je ne pouvais pas rester au conseil d'administration, parce qu'il n'était pas concevable que Genève soit l'otage d'une décision qu'elle désapprouvait formellement et qu'elle devait aussi travailler avec des compagnies étrangères - sous-entendu, pour Swissair, travailler avec la concurrence. Il ne peut, en effet, y avoir de double langage consistant, d'un côté, à favoriser la venue de compagnies étrangères sur notre aéroport et, de l'autre, à siéger au conseil d'administration de Swissair. C'était une pure question d'éthique en affaires et, le 3 avril, j'ai confirmé à mes collègues du conseil d'administration de Swissair que je ne resterai pas.

Vous connaissez cette décision du 3 avril : progressivement, à partir du mois de novembre, au début de l'horaire d'hiver 1996-97, treize liaisons long-courriers seront retirées au départ de Genève, pour ne laisser subsister dans le réseau Swissair que la destination de New York, hautement rentable, et de Washington en coopération avec Austrian Airlines et Delta Airlines. Malgré la décision de Swissair, et alors qu'on a tendance à croire qu'il n'y a plus de réseau long-courriers au départ de Genève, je voudrais souligner qu'il reste trente destinations long-courriers desservies par des compagnies étrangères. On conserve donc un réseau d'une certaine qualité mais insuffisant, compte tenu des besoins de l'ensemble de l'économie romande, des exigences légitimes de la présence en Suisse et à Genève en particulier des organisations internationales.

Cette décision de Swissair est tout d'abord une erreur commerciale, dictée uniquement par la logique de réduction des coûts. On ne pense qu'aux actionnaires et on en oublie les clients. Or ceux-ci peuvent «zapper» très aisément ! Au départ de Paris, de Londres ou de Francfort, par exemple, ils peuvent rejoindre d'autres liaisons long-courriers que celles du réseau de Swissair, et souvent à des conditions tarifaires plus avantageuses. Ma crainte très profonde est de voir cette volonté d'économiser 50 millions, puisque tel est l'enjeu, largement «compensée» par des diminutions de recettes. Je suis prêt à prendre le pari qu'elles seront plus importantes à relativement court terme que l'économie recherchée.

Cette décision est également une lourde erreur en termes politiques, parce qu'elle sous-estime totalement l'impact politique, et que de facto elle change la règle du jeu.

J'en viens à la suite des opérations : comme vous le savez, le Conseil fédéral a immédiatement réagi, en termes extraordinairement secs, pour ne pas dire violents. J'ai assisté à une réunion organisée par le président de la Confédération et à laquelle les dirigeants de Swissair étaient conviés. Le président n'y est pas allé par quatre chemins. Nous avons également pris note avec beaucoup de satisfaction de la déclaration de M. Leuenberger consistant à dire que si désormais il y avait un conflit d'intérêts entre celui, bien légitime, de Swissair et celui de la Suisse romande il trancherait en faveur de cette dernière. Il annonçait clairement que la politique des transports n'est pas faite pour Swissair, qui n'est qu'un des éléments de la politique des transports aériens au service du pays. Dans ce contexte, la donne a fondamentalement changé.

Quelles sont les solutions ? Certaines sont évoquées ou envisagées dans les résolutions de l'Alliance de gauche. On demande à Swissair de revenir sur sa décision. A ce sujet, j'aimerais préciser deux points. La direction et le président du conseil d'administration ont déjà déclaré que cette décision était irrévocable. On peut toujours essayer ! Sommes-nous en position favorable pour le tenter ? Serait-ce utile ? Ceux qui demandent à Swissair l'annulation de cette décision sont les mêmes qui, au sein du Conseil municipal de la Ville de Genève, voulaient vendre les actions de Swissair. Ce n'est pas une situation cohérente et favorable pour imaginer - à supposer qu'elle puisse être efficace - une quelconque pression. Nous devons également nous interroger sérieusement sur l'opportunité de cette décision. Si Swissair revient sur sa décision - en tout ou partie - à la condition qu'on rentre désormais dans un régime de concurrence permettant aussi à des compagnies étrangères de travailler à Genève, nous sommes d'accord. Mais si Swissair revient sur sa décision en offrant une compensation qui ne rétablirait que quelques liaisons intercontinentales au départ de Genève afin de nous calmer, mais tout en maintenant par ailleurs la situation protectionniste dont elle bénéficie sur le marché intérieur, je dis que c'est un marché de dupes ! En effet, ces liaisons intercontinentales pourraient être rétablies, certes pendant une année ou deux, et exploitées évidemment dans des conditions commercialement insatisfaisantes. Et on viendra nous les retirer dans deux ans en disant, comme par hasard, que la démonstration est faite : le marché est insuffisant ! Nous devons dire clairement que c'est Swissair qui a pris la responsabilité de modifier la règle du jeu, et qu'elle doit par conséquent entrer dans cette nouvelle logique. On ne nous calmera pas avec un sucre dans un verre d'eau tiède !

Il faut l'affirmer de la manière la plus ferme : jusqu'ici, Swissair, à teneur de l'article 103 de la loi fédérale sur la navigation aérienne, doit assumer une desserte d'intérêt général. Ce sont les termes mêmes de la loi. En contrepartie, elle est protégée sur son marché intérieur. Les compagnies étrangères ne peuvent pas y embarquer des passagers et, par conséquent, tirer parti d'un marché suisse, en l'occurrence d'un marché romand, incontestablement porteur, quoi qu'en disent certains. La rentabilité moyenne par siège, au départ de Genève, est incontestablement supérieure à celle par siège, au départ de Zurich. Evidemment, Zurich a un volume plus important que le nôtre. Il est capital de s'en souvenir - vous verrez pourquoi - pour la nouvelle stratégie de la Suisse romande.

Aujourd'hui, Swissair a pris la responsabilité de modifier la règle du jeu. En d'autres termes, elle a adopté une décision d'entreprise. Nous en avons pris acte, tout en stipulant que nous la désapprouvions et la contestions. Par conséquent, Swissair doit également être confrontée avec cette logique d'entreprise, c'est-à-dire de concurrence, qui est la clé de voûte du marché sur lequel elle veut s'exprimer. Et dans cette logique, nous affirmons désormais qu'il doit être possible à des compagnies étrangères de venir travailler à Genève avec ce que l'on appelle techniquement des droits de cinquième liberté. C'est le droit, pour une compagnie qui vient de son pays d'origine, d'embarquer à Genève des passagers pour les transporter vers une autre destination intercontinentale. Aujourd'hui, cette possibilité est totalement exclue sur l'Atlantique Nord - la Confédération s'y est toujours refusée - et elle est soumise d'autre part à de grandes restrictions sur les autres destinations. C'est pourtant d'une importance capitale pour nous !

On a parlé du concept «Geneva open sky» et on s'aperçoit qu'il faut se méfier des termes anglo-saxons qui deviennent rapidement des slogans imprécis. Genève ne peut pas avoir la prétention de la grenouille qui voulait devenir aussi grosse que les grands HUB ! Mais elle a, en revanche, un marché de qualité en termes de rentabilité par siège, et la Suisse romande doit adopter une stratégie qui vise à s'allier au marché des liaisons trois points. Mais de nombreuses difficultés apparaissent, j'en veux pour preuve cette compagnie que les services de marketing de l'aéroport avaient réussi à intéresser à une liaison entre le Golfe et Genève. Cette dernière souhaitait, après l'embarquement des passagers dans notre ville, poursuivre sur l'Atlantique Nord, Washington pour être précis. La Confédération a refusé d'accorder ces fameux droits de cinquième liberté pour sauvegarder les intérêts prépondérants de Swissair. C'est pourquoi, dans un premier temps, Londres puis Amsterdam furent choisies comme destinations européennes intermédiaires. Actuellement, après une analyse de ce marché tout à fait rentable, Golfe-Air souhaiterait cette desserte Golfe/Genève/Atlantique Nord si une possibilité s'offrait. Ce souhait est partagé par d'autres compagnies non européennes.

Interrogées récemment par la «Tribune de Genève», Lufthansa, British Airways et Air France se sont dites plus intéressées par du «rabattement» depuis Genève sur leur grand HUB que par les liaisons trois points. Mais avec les compagnies asiatiques, du Moyen-Orient et américaines, nous avons de grandes chances de revitaliser ce marché suisse romand, si l'on accorde des conditions de libre concurrence. Voilà ce que représente le concept «open sky» qui permet aux compagnies d'embarquer des passagers au départ de Genève pour une autre destination que celle de leur pays d'origine - il ne s'agit pas de liaison point à point aller-retour - sans entrave de concurrence.

J'aimerais vous dire que ce concept non seulement ne menace pas les places de travail mais les consolide. En effet, Swissair a intérêt à ce concept, quoiqu'elle s'en défende aujourd'hui dans ses dernières réactions protectionnistes. Si de nouvelles liaisons intercontinentales ne sont pas mises en place, au départ de Genève, avec des compagnies étrangères, Swissair va également perdre du travail, mais à un titre différent. Je vous rappelle que Swissair, à Genève, est un agent de «handling» prépondérant, c'est-à-dire un agent s'occupant de l'assistance aux compagnies étrangères. Elle est également un agent de «catering», elle possède des intérêts dans la «tax free shop», etc. Il est évident que si le réseau long-courriers est affaibli, par voie de conséquence et par effet de ricochet, le réseau européen de correspondances pour Genève le sera aussi. Ce sont des occasions de travail qui manqueront également à Swissair. Par conséquent, je suis convaincu que ce concept d'ouverture - et, une fois encore c'est la Suisse romande qui en est l'aiguillon - est un concept valable pour Swissair.

Je conclus en disant que ce concept de cinquième liberté, surnommé «Geneva open sky», n'est pas un concept contre Swissair mais pour la Suisse romande. Nous ne demandons qu'une chose : que Swissair ou le groupe Swissair puisse, dans ce concept de libre concurrence, conserver les meilleures parts de marché possibles ! C'est notre souhait le plus cher.

De toute façon, les règles du jeu devront être modifiées, que Swissair le veuille ou non. Si nous ne les modifions pas, notre pays sera dans l'incapacité de conclure avec l'Union européenne un accord aérien dans le cadre des négociations bilatérales. L'article 103 de la loi sur la navigation aérienne est incompatible avec la législation européenne. Nous devons donc travailler pour une eurocompatibilité de notre loi sur la navigation aérienne. Swissair n'a aucune chance de prétendre travailler, à armes égales, avec ses concurrents européens sur le marché européen si elle n'accepte pas de libéraliser son propre marché intérieur. Cela doit être clairement dit.

Les dernières offensives de Swissair pour conserver un marché intérieur sont, en réalité, un combat d'arrière-garde, et nous pouvons avoir, en Suisse romande, la prétention d'affirmer qu'en étant fermes sur notre volonté d'ouvrir le jeu à la concurrence nous rendons service à Swissair et qu'elle viendra peut-être, demain, nous remercier, pour autant qu'elle ait véritablement la volonté de conserver, au départ de Genève, des parts de marché suffisantes dans un contexte qui ne sera plus de protectionnisme mais d'ouverture. Une fois encore, c'est la Suisse romande qui montre la voie. Cette fois-ci, c'est une ouverture non seulement politique, mais une ouverture économique. (Applaudissements.)

Le président. Nous passons au vote de la proposition de résolution de MM. Boesch, Ferrazino, Grobet, Spielmann et Vanek.

R 314

Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée.

Le président. Nous passons au vote de la proposition de résolution 315 de Mme Mottet-Durand, de MM. Lorenzini et Ducommun.

R 315

M. Pierre-François Unger (PDC). Mme Calmy-Rey a proposé des amendements dans lesquels, malheureusement, disparaît la notion de desserte sans entrave.

Pour nous, il est intolérable d'imaginer que des entraves, de quelque nature qu'elles soient, existent dans la desserte d'un aéroport. Néanmoins, et dans le souci de réunir une très large majorité de ce parlement en faveur de notre résolution, je vous propose que l'actuelle deuxième invite devienne la troisième, en fonction d'un des amendements de Mme Calmy-Rey que nous pourrions accepter, et qui aurait la teneur suivante :

«- à autoriser la desserte de l'aéroport international de Genève sans entrave protectionniste, pour des vols long-courriers de et pour Genève ainsi que des vols triangulaires,...

...notamment dans le but d'affirmer la vocation internationale de Genève, de maintenir des emplois et de préserver les conditions de travail à l'aéroport.»

En effet, il nous apparaît que l'objectif prioritaire de la desserte libre est non seulement de maintenir une vocation internationale à Genève mais, également, comme le président vient de le dire, de maintenir l'emploi à l'aéroport de Genève.

Le président. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir me donner votre proposition d'amendement.

M. Christian Grobet (AdG). Notre groupe ne pourra pas voter cette résolution, même avec l'amendement suggéré par M. Unger. A ce sujet, je constate, une nouvelle fois, que l'on invoque l'emploi à tout crin. Nous sommes convaincus que les mesures de libéralisation en matière de trafic aérien - et la meilleure preuve est ce que l'on peut voir, à cet égard, aux Etats-Unis - conduisent précisément à la suppression d'emplois. On ne peut pas vouloir, à la fois, libéraliser et préserver des emplois, surtout dans ce domaine.

Ce soir, nous aurions voulu rencontrer l'unanimité, au moins sur la résolution, et renvoyer en commission les éventuelles solutions alternatives aux décisions de Swissair. Les problèmes posés ont des solutions diverses. Tout à l'heure, la proposition d'examiner ces questions en commission a été faite.

Par le biais d'une résolution, vous voulez déjà prendre parti pour la solution défendue par le gouvernement monocolore. Nous ne sommes pas de cet avis. Donc, il ne pourra pas y avoir d'unanimité, et encore moins d'union sacrée, comme l'aurait voulu M. Kunz.

Notre position se rattache à celle des syndicats qui sont peut-être les mieux placés pour apprécier la question de la sauvegarde de l'emploi et les mesures qui sont de nature à porter atteinte ou non à cet emploi.

Nous trouvons paradoxal que d'aucuns sur les bancs d'en face, indignés par le comportement de Swissair, n'hésitent pas à le dire, mais, lorsqu'il s'agit de le faire paraître avec une certaine solennité dans une résolution, que personne n'est d'accord de l'y inscrire.

Nous pensons qu'il est nécessaire de protester et, M. Halpérin, bien que l'on ait de la peine à suivre ses propos... (Rires.) ...disait qu'il ne fallait pas se contenter de gémir. Eh bien, nous ne sommes pas ici pour gémir, mais pour affirmer nos opinions.

Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, nous retrouvons votre continuel double langage. Non, vous n'êtes pas satisfaits, mais vous n'osez pas le dire ! Considérant votre attitude, une résolution qui ne protesterait pas sur la manière dont notre canton a été traité n'est pas satisfaisante.

D'autre part, je m'étonne des propos de ceux qui pensent que l'on ne peut rien faire, et que la seule solution réside dans la fuite en avant avec toutes les conséquences que cela peut avoir, non seulement pour Genève, mais pour notre compagnie nationale, à laquelle nous tenons beaucoup, figurez-vous ! Nous ne nous rallions pas à l'opinion de ceux qui l'ont déjà enterrée, comme M. Kunz qui pense qu'une compagnie nationale d'aviation n'est pas nécessaire et qu'il faut laisser cela à la liberté d'entreprise. On a très bien compris votre discours, Monsieur. Du reste, c'est toujours le même. On ne peut s'y tromper. M. Blanc, lui-même, a bien fait de dire qu'il fallait éviter ces divisions fâcheuses au sein des bancs de l'Entente. Vous voyez, Monsieur Kunz, je ne suis pas le seul à avoir bien compris votre discours !

En fin de compte, c'est l'autorité fédérale qui détient la solution de cette affaire en accordant les concessions, les accords et les autorisations de vols à Swissair. Alors, Monsieur Maitre, comment pouvez-vous dire, dans un premier temps, que le Conseil fédéral a la volonté d'agir, qu'il l'affirme par un discours ferme, et, dans un deuxième temps, ne pas vouloir lui demander de surseoir à de nouvelles autorisations, de bloquer la situation jusqu'à ce que de véritables négociations avec l'ensemble des parties concernées aient lieu et donnent d'éventuels résultats. Mais, si on part perdant, eh bien nous n'obtiendrons rien.

La politique du Conseil d'Etat n'est pas claire. Il est juste de dire, Monsieur Maitre, que j'étais aussi au Conseil d'Etat lorsque l'affaire des HUB a été évoquée en 1992. C'est à cette époque, d'ailleurs, que j'ai appris la signification de ce terme. A ce moment, on avait l'illusion que deux plates-formes pouvaient coexister en Suisse, l'une à Genève, l'autre à Zurich. Toutefois, et vous étiez intervenu à ce sujet, Monsieur Maitre, celle de Genève était déjà plus ou moins menacée, le risque existait qu'il n'en reste qu'une, soit celle de Zurich. Il faut être lucide et savoir que cette affaire se trame depuis un moment, même s'il n'y a pas eu de projet officiel.

En conclusion, nous regrettons qu'il soit impossible d'arriver à une position commune. Mais nous ne pouvons en aucun cas voter une résolution qui, à notre avis, est un simple satisfecit qui n'est en tout cas pas la bonne solution pour sauver les emplois, notre principale préoccupation dans cette affaire.

M. Chaïm Nissim (Ve). Rassurez-vous, ma chère voisine, je serais très bref. Je voulais dire à M. Unger et à ceux qui ont proposé cet amendement pour la résolution de l'Entente, donc aux socialistes et aux gens de l'Entente, que, dans ce cadre, ils ne créeront pas d'emplois.

La seule possibilité de créer des emplois est de l'inscrire dans un développement durable, notamment avec la proposition que nous vous faisions, tout à l'heure, d'une taxe sur l'énergie. Nous sommes d'accord de tenir des assises pour discuter d'autres propositions dans le cadre d'un développement durable. Pour l'instant, vous ne faites que des salmigondis, des prières, et vous ne créerez des emplois qu'en transférant les court-courriers vers les TGV.

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Sur ce point, nous sommes tout à fait d'accord avec M. Nissim. C'est précisément la raison pour laquelle, pour maintenir une desserte de qualité à Genève, soit un aéroport qui ne soit pas consacré uniquement aux vols court ou moyen-courriers, ou aux charters, ou encore à des navettes qui feraient la liaison vers les grands HUB, mais qui conserve des long-courriers et des vols intercontinentaux. En définitive, pour une raison d'ordre écologique, nous partageons les soucis exprimés dans la résolution de l'Entente.

Encore une remarque : l'emploi est au centre de nos préoccupations. Les amendements, tels qu'ils vous sont présentés, ne proposent pas une libéralisation sans égard pour Swissair. La proposition originelle a été amendée, et s'il n'est pas raisonnable de prévoir que la desserte intercontinentale se fasse sans Swissair il n'est pas non plus réaliste de penser qu'elle ne se fera qu'avec Swissair. Nous avons besoin que des compagnies aériennes étrangères puissent prendre des passagers à Genève pour les emporter vers des destinations intercontinentales.

Pour ces raisons-là, étant entendu que le souci de l'emploi et des conditions de travail figure dans le texte actuel de la résolution, nous l'acceptons et nous la voterons.

Enfin, permettez-moi de mentionner un autre amendement que j'avais proposé et qui concerne ce qui est devenu la deuxième invite, soit que l'intervention auprès de Swissair est prioritaire. La deuxième invite aurait donc la teneur suivante :

«- à intervenir prioritairement auprès du groupe Swissair pour que son réseau long-courrier ne soit pas uniquement concentré à Zurich;»

Je vous demanderai, Monsieur le président, de faire voter cet amendement aussi. Je vous remercie.

M. Bernard Annen (L). Je demande l'appel nominal. (Appuyé.) Nous pensons qu'il est utile de le faire, mais uniquement sur la résolution finale. Prononçons-nous d'abord sur l'amendement de Mme Calmy-Rey.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Une chose doit être dite, en particulier à l'attention du député Grobet, suite à son intervention.

Nous n'avons tout simplement pas la possibilité de provoquer des assises, de renvoyer en commission pour faire pression sur Swissair, afin d'obtenir du Conseil fédéral qu'il accepte que la solution qui doit être retenue soit, bien entendu dans toute la mesure du possible, une desserte long-courriers pour Swissair, mais aussi une desserte mise en concurrence avec les capacités de compagnies étrangères. Pour la raison très simple que le Conseil fédéral, par la bouche du président de la Confédération, a donné, voici dix jours, exactement quinze jours à Swissair pour faire de nouvelles propositions, à la suite de quoi le Conseil fédéral se déterminerait.

On n'a donc tout simplement plus le temps, contrairement à ce que vous imaginez, de pouvoir encore discuter de cela indéfiniment. Cela presse, et il faut une volonté politique. Je regrette que vous ne puissiez pas vous rallier à cette volonté politique, mais nous en prenons acte. L'essentiel est que ce Grand Conseil puisse maintenant trancher clairement dans ce contexte. L'amendement proposé par M. Unger, de même que l'inversion des invites 2 et 3 de votre projet de résolution sont tout à fait acceptables.

M. Chaïm Nissim (Ve). Un tout petit mot à ma collègue Micheline Calmy-Rey qui disait être d'accord avec nous sur cette question du développement durable, et de favoriser plutôt les long-courriers que les courts.

Madame Calmy-Rey, vous prétendez vouloir le transfert modal, donc favoriser le transfert des court-courriers vers le TGV. Mais il ne suffit pas de le prétendre, encore faut-il s'en donner les moyens. Or, les moyens ne figurent pas dans votre résolution - la taxe sur l'énergie en est un - mais, sans eux, vous n'y arriverez jamais. (Brouhaha.)

Le président. Nous votons sur la proposition d'amendement de Mme Calmy-Rey qui consiste à insérer le mot «prioritairement» à l'invite 3, qui est devenue la 2, soit :

«- à intervenir prioritairement auprès du groupe Swissair pour que son réseau long-courrier ne soit pas uniquement concentré à Zurich;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous passons maintenant au vote sur la proposition d'amendement de M. Unger, invite n° 3, dont la teneur est la suivante :

«- à autoriser la desserte de l'aéroport international de Genève sans entrave protectionniste, pour des vols long-courriers de et pour Genève ainsi que des vols triangulaires, notamment dans le but d'affirmer la vocation internationale de Genève, de maintenir des emplois et de préserver les conditions de travail à l'aéroport.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

M. Jean Spielmann (AdG). Par rapport au vote, puisque l'appel nominal a été demandé, il est important que l'on précise de manière très brève les différentes positions. (Tollé général.) Nous ne voterons pas cette résolution parce qu'elle prévoit l'«open sky», qu'elle posera des problèmes d'emplois, et je vous donne rendez-vous dans quelques années pour voir les conséquences désastreuses de la politique que vous entendez conduire sur l'emploi et sur l'avenir de la Genève internationale. (Rires.)

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent cette proposition de résolution répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.

Mise aux voix, cette résolution ainsi amendée est adoptée par 59 oui contre 29 non.

Ont voté oui (59) :

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Thomas Büchi (R)

Hervé Burdet (L)

Micheline Calmy-Rey (S)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Jean-Claude Genecand (DC)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Gérard Laederach (R)

Armand Lombard (L)

René Longet (S)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Laurent Moutinot (S)

Vérène Nicollier (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Christine Sayegh (S)

Philippe Schaller (DC)

Micheline Spoerri (L)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Michèle Wavre (R)

Ont voté non (29) :

Jacques Boesch (AG)

Fabienne Bugnon (Ve)

Matthias Butikofer (AG)

Claire Chalut (AG)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Marlène Dupraz (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Christian Grobet (AG)

David Hiler (Ve)

Liliane Johner (AG)

Sylvia Leuenberger (Ve)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Chaïm Nissim (Ve)

Vesca Olsommer (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Andreas Saurer (Ve)

Max Schneider (Ve)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Pierre Vanek (AG)

Yves Zehfus (AG)

Personne ne s'est abstenu.

Etaient excusés à la séance (6) :

Nicolas Brunschwig (L)

Pierre Ducrest (L)

Laurette Dupuis (AG)

Catherine Fatio (L)

Alexandra Gobet (S)

Alain-Dominique Mauris (L)

Etaient absents au moment du vote (5) :

Dominique Hausser (S)

Bernard Lescaze (R)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Martine Roset (DC)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Présidence :

M. Jean-Luc Ducret, président.

Elle est ainsi conçue :

RESOLUTION

concernant la desserte long-courrier

de l'Aéroport international de Genève

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- la décision de Swissair de rapatrier l'essentiel de ses vols intercontinentaux sur Zurich-Kloten;

- le rôle de Genève, cité des organisations internationales, au service de la politique étrangère du pays;

- l'importance de l'aéroport international de Genève pour l'ensemble du tissu économique romand;

- la nécessité de préserver la solidarité confédérale et de maintenir les équilibres entre les différentes régions du pays;

- le mandat donné par l'article 103 de la loi fédérale sur la navigation aérienne à Swissair de desservir un réseau d'intérêt général,

invite le Conseil fédéral

- à tout mettre en oeuvre pour favoriser à l'aéroport international de Genève une desserte long-courrier de qualité;

- à intervenir prioritairement auprès du groupe Swissair pour que son réseau long-courrier ne soit pas uniquement concentré à Zurich;

- à autoriser la desserte de l'aéroport international de Genève sans entrave protectionniste, pour des vols long-courriers de et pour Genève ainsi que des vols triangulaires, notamment dans le but d'affirmer la vocation internationale de Genève, de maintenir des emplois et de préserver les conditions de travail à l'aéroport.

M 1056

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.

M 1057

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.

 

La séance est levée à 20 h 10.