Séance du
jeudi 29 février 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
4e
session -
5e
séance
IU 160
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Permettez-moi d'interpeller une seconde fois M. le conseiller d'Etat Joye sur le sondage de la traversée de la rade.
Ce qui a motivé la commande de ce sondage, selon les propres déclarations de M. Joye au «Journal de Genève», est, je cite : «de prendre la température afin d'être sûr que les électeurs comprendront bien la formulation des questions qui se trouveront sur le bulletin de vote. Le cas échéant, il s'agira d'informer les citoyens pour que la compréhension soit exacte». En outre, M. Joye ne veut pas être accusé, je cite toujours, «d'avoir mal effectué son travail par ceux qui se battent pour la réalisation d'une traversée de la rade». Trois éléments sont à relever dans cette déclaration :
1. on souhaite une information sur l'état de l'opinion publique au sujet de la traversée de la rade;
2. la volonté sous-jacente de mener campagne;
3. la peur de se faire gronder par ses amis politique.
Ainsi, au désir d'informer s'ajoute la volonté de propagande !
Vous vous souviendrez que le chef du département avait déjà été interpellé en automne 1994 sur le même sujet, la traversée de la rade, et pour les mêmes raisons, à savoir l'ambiguïté manifeste de sa conception de l'information et sa compréhension fort limitée des mécanismes budgétaires. Une demande de levée d'immunité avait d'ailleurs été déposée à l'époque. M. Joye avait argumenté de sa conviction et du droit du gouvernement à informer sur de grands projets. Dont acte, Monsieur Joye ! Après tout, pourquoi ne pas considérer normal le fait de prendre la température de l'opinion publique avant une votation importante ? Oui, mais à la condition de diffuser l'intégralité du rapport, afin de permettre aux opposants et aux partisans de mesurer la qualité de l'information. (Dénégation de M. Philippe Joye.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez diffusé un dossier de presse et non le rapport complet. Manquent notamment toutes les variables socio-démographiques ! Les appartenances politiques et les habitudes de vote ne figurent pas dans le rapport que vous nous avez donné. Manquent également les tableaux croisés, dont précisément ceux en relation avec les variables socio-démographiques.
Je souhaite la transmission de tous ces éléments aux députés et aux partis politiques et, par conséquent, je vous demande ce que vous entendez faire à ce sujet.
Autre remarque : information n'est pas propagande. L'information se limite à donner la connaissance d'un fait; la propagande, elle, étant organisée pour influencer et diriger l'opinion. Je dis ici ma grande réticence face à la propagande d'Etat, car elle favorise d'emblée les partis de la majorité au pouvoir, en l'occurrence les partisans de la traversée de la rade, par rapport aux partis minoritaires.
A cet égard, certaines questions posées par l'institut de sondage mélangent les aspects factuels et les aspects persuasifs. La question 16, par exemple, est inadmissible. Dans ce même ordre d'idées, les questions 12, 17, 18 et 19 peuvent être citées. Les questions 22 à 27 sont destinées, elles, à «façonner» la campagne, ce qui nous convainc que ce sondage correspond à une motivation de propagande. Deux questions sur ce point :
1. Quelle sont vos intentions en termes de campagne ? Avez-vous celle de conduire une campagne sous le label du département des travaux publics ? Dans l'affirmative, quelles sont les prochaines activités prévues et pour quel prix ? Vous devriez, à mon sens, en informer complètement le Grand Conseil et la commission des travaux. Avez-vous l'intention de le faire ?
2. Si un nouveau sondage devait être commandé par vous - d'ores et déjà, vous en avez manifesté l'intention - pourriez-vous en informer la commission des travaux en lui soumettant, au préalable, la totalité des questions ?
La question financière constitue le troisième élément. Monsieur le président, vous financez un sondage avec des moyens provenant de l'ensemble des contribuables pour un objet que beaucoup ne veulent pas. Je vous demande sur quel budget vous avez prélevé les fonds nécessaires au financement de ce sondage, sur quelle rubrique budgétaire vous avez l'intention de débiter les moyens nécessaires à vos campagnes futures en faveur de la traversée de la rade - et la rubrique étant d'ores et déjà dépassée - je vous demande pourquoi vous n'avez pas demandé un crédit complémentaire à la commission des finances avant de commander le sondage.
Vous ne m'écoutez pas, alors je répète ma question...
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Oh, je m'en fous !
Mme Micheline Calmy-Rey. S'il vous plaît, Monsieur Joye ! Pourquoi n'avez-vous pas demandé à la commission des finances un crédit complémentaire pour financer ce sondage ? La rubrique est d'ores et déjà dépassée, tout le monde le sait, et je vous demande de revenir devant la commission des finances pour financer les prochaines activités de propagande que vous entendez mener concernant la traversée de la rade.
Le président. Il sera répondu à votre interpellation urgente au point 43 ter de notre ordre du jour.