Séance du
vendredi 26 janvier 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
3e
session -
4e
séance
PL 7300-A
La commission judiciaire s'est réunie à deux reprises, soit le 23 et le 30 novembre, pour traiter ce projet de loi, sous la présidence de notre collègue Bernard Lescaze et en présence de M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, accompagné de M. Bernard Duport, Secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports.
But de la loi
Ce projet vise à modifier l'organisation judiciaire, en procédant à l'engagement de cinq juges suppléants désignés pour siéger à la Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes, actuellement surchargée.
Dans l'exposé des motifs qui accompagne le projet de loi, le Conseil d'Etat fait mention d'un engorgement se situant principalement au niveau de la Chambre d'appel, où les délais de convocation sont à l'heure actuelle de plus de sept mois. Ce qui est totalement inacceptable pour les justiciables et pose problème au bon fonctionnement de la juridiction dans son ensemble.
Selon le Conseil d'Etat, il y a urgence et il est impossible d'attendre la réforme en profondeur de la juridiction, prévue pour la fin de ce siècle.
Et sur l'aspect financier, le Conseil d'Etat de préciser, «il n'en découlera aucune dépense supplémentaire pour l'Etat, puisque les juges seront rétribués au casuel».
Débat en séance plénière
Pour la plupart des groupes politiques, de même que pour le Conseil d'Etat, ce projet aurait dû être voté en discussion immédiate, car il représentait «un moyen simple, économique et politiquement neutre de restituer son efficacité à la Chambre d'appel».
Ce raisonnement est tout de même un peu court.
Un certain nombre de députés (dont la rapporteuse) ont brisé ce bel élan en posant un certain nombre de questions pertinentes auxquelles le Conseil d'Etat n'a pas souhaité répondre, ce qui a permis tout de même un bref renvoi en commission judiciaire, avec accord de part et d'autre que ce projet serait traité en priorité, malgré la surcharge chronique de la commission judiciaire et que le président de la Cour de justice serait invité à répondre aux interrogations des députés.
Il est intéressant de relever que, lors de ce débat de préconsultation, les interventions, qu'elles émanent de la gauche, de la droite, ou des Verts, se rejoignaient sur un même point.
A savoir, on ne rend pas son efficacité à la justice en engageant des juges supplémentaires, lorsque l'on sait que le problème ne se réduit pas à un simple retard, mais bien à un dysfonctionnement profond, qui mérite donc que l'on résolve le problème en profondeur. Et non pas, par des mesures cosmétiques ajoutées les unes aux autres.
D'autant que cette situation ne peut être considérée comme nouvelle, puisqu'en juin 1988, lors de l'adoption de la modification de la loi sur les prud'hommes, les rapports de l'époque (majorité Brunner, minorité Cramer), déploraient déjà un certain nombre de problèmes.
Travaux de la commission
L'audition de MM. Pierre Heyer et Pierre-Yves Demeules, respectivement président de la Cour de justice et président de la Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes, a eu lieu lors de la séance de commission judiciaire du 23 novembre 1995.
M. Heyer estime n'avoir rien à ajouter à l'exposé des motifs qui lui semble suffisamment clair et explicite. Il informe les commissaires que, selon un dernier pointage effectué le jour même, une affaire déposée en appel aujourd'hui ne sera vraisemblablement convoquée qu'en septembre 1996.
M. Demeule confirme, quant à lui, que ce projet doit être considéré comme une «mesure provisionnelle» pour répondre à une situation d'urgence, mais qu'il ne s'agit en aucun cas d'une partie de la réforme engagée au printemps 1995 qui, elle, comportera des améliorations de fond concernant les prud'hommes.
En réponse aux questions des commissaires, M. Heyer informe que les juges de la Cour de justice fonctionnent comme juges à la Chambre d'appel des prud'hommes. Qu'un seul de ces juges est retraité et que les autres sont en fonction. Que le nombre d'audiences qui ont lieu aujourd'hui ne peut être dépassé et que la juridiction fait déjà appel à de nombreux juges suppléants. Mais comme cela ne suffit pas, l'idée est venue d'engager cinq nouveaux magistrats et de les affecter à la Chambre d'appel des prud'hommes.
L'affectation à la Chambre d'appel permettrait de se passer des services de ces juges suppléants, sitôt le retard résorbé.
A la réflexion d'un commissaire (partagée par d'autres) qui estime que le problème se situe en première instance où le manque de qualifications des juges, en regard de la complexité du droit du travail, aboutit à une cascade de recours contre les jugements, les représentants de la Cour de justice ont admis que l'engagement de professionnels en première instance serait souhaitable.
Concernant enfin la grande réforme des prud'hommes prévue pour 1999, M. Demeule reconnaît qu'une réforme totale est difficile et qu'il est plus aisé d'opérer par paliers.
Tant l'audition que la discussion qui a suivi ont permis aux commissaires d'avoir la confirmation qu'aucune réforme en profondeur n'était entreprise par le biais de projet et que celui-ci avait pour seul but de répondre par une mesure provisoire à une situation d'urgence.
Néanmoins, le problème de spécialiser des juges suppléants en les affectant à une juridiction précise a donné lieu à une discussion nourrie.
Selon certains commissaires, il allait être difficile de recruter des juges suppléants qui acceptent de n'être affectés qu'à la Chambre d'appel des prud'hommes et pour d'autres il était nécessaire que ceux-ci restent polyvalents, afin de pouvoir officier partout où le besoin s'en faisait sentir.
La discussion a débouché sur deux options :
a) ne pas spécialiser ces juges suppléants, en renonçant à les affecter à la seule Chambre d'appel des prud'hommes;
b) nommer ces juges suppléants pour une période de six ans, en faisant figurer cette limite dans la loi.
Le délai ne rencontrant pas l'aval de l'ensemble des commissaires, la solution retenue fut l'introduction des mots «en priorité» dans l'affectation, ce qui donne l'amendement suivant :
«La Cour de justice comprend 12 à 18 juges, dont un président, un vice-président, 10 à 20 juges suppléants (dont cinq désignés pour siéger en priorité à la Chambre d'appel des prud'hommes), 10 juges assesseurs rattachés à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers...»
La majorité de la commission (2 Adg, 2 PS, 1 Ve, 1 Pdc, 2 Rad.) s'est prononcée en faveur de l'amendement, alors que les commissaires libéraux, par 4 non, auraient souhaité en rester au libellé proposé par le Conseil d'Etat.
L'article 2 concernant la modification à d'autres lois n'a donné lieu à aucune discussion. L'amendement opéré sur l'article 29 n'ayant aucune incidence sur l'article 2 souligné, il vous est proposé de l'adopter comme tel.
Le projet de loi ainsi amendé a tout de même été accepté à l'unanimité lors de notre séance du 30 novembre 1995, les commissaires libéraux s'étant abstenus.
Je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir voter le projet de loi tel qu'amendé par la commission judiciaire.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur l'organisation judiciaire
(E 2 1, E 2 2, E 2 4)
(élection de 5 juges suppléants à la Cour de justice pour présiderla Chambre d'appel de la juridiction des prud'hommes)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:
Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur)
1 La Cour de justice comprend 12 à 18 juges, dont un président, un vice-président, 10 à 20 juges suppléants, dont5 désignés pour siéger en priorité à la Chambre d'appel des prud'hommes, 10 juges assesseurs rattachés à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers, soit 5 choisis dans les groupements représentatifs des locataires et 5 dans les milieux immobiliers, ainsi que 2 juges assesseurs et 4 juges assesseurs suppléants rattachés à la Chambre d'accusation pour l'examen des demandes de mise en liberté et de prolongation de la détention.
Art. 2
Modification à d'autres lois (E 2 2)
1 La loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 janvier 1990, est modifiée comme suit:
Article 1, lettre b (nouvelle teneur)
b) 15 juges titulaires et 20 juges suppléants à la Cour de justice;
(E 2 4)
2 La loi sur la juridiction des prud'hommes, du 21 juin 1990, est modifiée comme suit:
Art. 53, al. 1 (nouvelle teneur)
Composition
1 La Chambre d'appel est composée d'un président, juge, ancien juge ou juge suppléant à la Cour de justice, de2 prud'hommes employeurs et de 2 prud'hommes salariés.