Séance du vendredi 26 janvier 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 3e session - 4e séance

PL 7398
6. Projet de loi du Conseil d'Etat fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire (E 2 2). ( )PL7398

EXPOSÉ DES MOTIFS

1.  Les magistrats judiciaires sont soumis à réélection tous les 6 ans (art. 132, al. 2, de la Constitution). La prochaine échéance électorale tombe en 1996. Les élections se dérouleront le 21 avril, soit entre le 15 avril et le 15 mai, conformément à l'article 115 de la loi sur l'exercice des droits politiques.

Pour certaines juridictions, la loi sur l'organisation judiciaire (LOJ) ne prévoit pas un nombre fixe de magistrats, mais une fourchette, et charge le Grand Conseil d'en arrêter le nombre 6 mois au moins avant les élections judiciaires (art. 2).

Il s'agit de la Cour de justice (art. 29 : 12 à 18 juges titulaires et 10 à 15 juges suppléants), du Tribunal de première instance (art. 14: 15 à 20 juges), de l'Instruction (art. 47: 9 à 15 juges) et des substituts du procureur général (art. 38: 4 à 8 substituts).

A ces juridictions, énumérées à l'article 2 LOJ, il convient d'ajouter la Cour de cassation, pour laquelle l'article 51 LOJ prévoit une composition de 5 à 7 juges.

Le présent projet de loi tient compte, en outre, des travaux de la commission judiciaire du Grand Conseil relatifs au projet de loi 7162 (suppression de la collégialité à la Chambre des tutelles), soit du changement d'appellation de la Chambre des tutelles en Tribunal tutélaire et de l'introduction d'une fourchette de 4 à 6 juges pour cette juridiction (art. 2 et 5 LOJ, nouvelle teneur). Il tient compte également du projet de loi 7300, proposant que le nombre maximum de juges suppléants à la Cour de justice passe de 15 à 20 (art. 29 LOJ, nouvelle teneur).

2.  S'agissant de fixer le nombre des magistrats du pouvoir judiciaire, le projet que nous vous soumettons comprend 3 modifications par rapport à la loi actuelle, qui concernent la Cour de justice (+1 juge titulaire et 5 juges suppléants), et le Ministère public (+1 substitut).

3.a)  L'augmentation de 15 à 20 des juges suppléants à la Cour de justice découle directement du projet de loi 7300 (élection de 5 juges suppléants à la Cour de justice pour présider la Chambre d'appel de la Juridiction des prud'hommes), en voie d'adoption.

 b)  Les deux autres modifications, qui visent à renforcer la Cour de justice et le Parquet, ont fait l'objet d'une concertation entre le Conseil d'Etat et le pouvoir judiciaire.

Récemment, le procureur général, au nom de la commission de gestion du pouvoir judiciaire, a en effet dénoncé la surcharge chronique des juridictions et le manque d'effectifs de ces dernières pour y faire face, insistant sur le fait que l'absence de mesures aurait nécessairement pour conséquence la diminution, en qualité et en quantité des prestations que la population attend de sa justice (annexe 1). Compte tenu de ce que diverses réformes structurelles envisagées pour rationaliser encore davantage l'administration de la justice ne verront éventuellement le jour qu'à moyen ou à long terme, il a paru impératif au Conseil d'Etat d'entrer en matière sur un accroissement, limité à 2 magistrats pour des motifs d'ordre budgétaire, des effectifs du pouvoir judiciaire, à charge pour ce dernier de désigner les juridictions auxquelles ils seraient affectés (annexe 2).

Le procureur général a indiqué que, s'agissant de la priorité des besoins à satisfaire, la commission de gestion du pouvoir judiciaire, laquelle réunit tous les présidents de juridiction, avait décidé que les deux postes de magistrats, s'ils étaient approuvés, devraient être attribués à la Cour de justice et au Ministère public (1 substitut) (annexe 3).

c)  Considérant que les chefs des juridictions sont les mieux placés pour savoir où doivent être affectés les renforts proposés, le Conseil d'Etat n'entend pas discuter leur choix, mais se doit de l'expliquer au Grand Conseil.

La surcharge de la Cour de justice résulte en particulier du transfert en son sein de la Chambre d'accusation, depuis le 1er septembre 1994. La charge de travail qui en est résulté n'a en effet pas été intégralement compensée par le transfert d'un juge du Tribunal de première instance. Cela tient au fait que les recours à la Chambe d'accusation, en constante augmentation (environ 466 pour 1995 contre 392 en 1994) sont examinés par 3 juges de la Cour, alors qu'ils ne l'étaient que par un juge du Tribunal, assisté de 2 assesseurs. Actuellement, les 3 juges qui siègent à la Chambre d'accusation, ensemble pour l'examen des recours, ou comme juge unique avec 2 assesseurs pour l'examen des demandes de mise en liberté, sont occupés à plein temps par cette fonction, de sorte que toutes les autres procédures de la Cour de justice reposent sur les 12 autres juges restants, soit sur un effectif équivalant à celui de 1981.

Seul le recours fréquent aux juges suppléants permet à la juridiction de faire face, tant bien que mal, à la masse des recours et demandes dont elle est saisie. L'octroi d'un juge titulaire supplémentaire devrait permettre de mettre fin à cette situation hautement insatisfaisante, avant qu'elle ne devienne critique.

La situation du Ministère public a été exposée dans le rapport intermédiaire du Conseil d'Etat déposé le 2 octobre 1995 en réponse à la motion 918. Dans la conclusion de ce rapport, le Conseil d'Etat relevait qu'à l'instar de M. le Procureur général, il était d'avis qu'il importait de connaître les résultats des travaux du groupe présidé par M. Pierre Marquis sur une éventuelle fusion du Parquet et de l'Instruction avant d'envisager une augmentation du nombre des substituts du Ministère public.

Or, depuis le dépôt de ce rapport, un fait nouveau est intervenu, puisque le groupe de travail présidé par M. Pierre Marquis a fait savoir qu'il renonçait à étudier plus avant les modalités de la fusion envisagée, dont la faisabilité s'avérait par trop problématique. Ce groupe a recentré ses travaux sur des améliorations sectorielles de la procédure pénale, soit sur des objectifs moins ambitieux, mais plus réalistes.

Ce fait nouveau repose avec acuité le problème du sous-effectif du Parquet, d'où la proposition qui vous est soumise de porter à 6 le nombre des substituts. Cette force de travail supplémentaire constituera un renfort bienvenu pour le Parquet, même s'il reste insuffisant.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le projet de loi qui vous est soumis.

Annexes: 1. Lettre du procureur général au Conseil d'Etat, du 11 septembre 1995.

 2. Lettre du Conseil d'Etat au procureur général, du 8 novembre 1995.

 3. Lettre du procureur général au Conseil d'Etat, du 21 novembre 1995.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

page 10

Préconsultation

M. Pierre-François Unger (PDC). Ce projet de loi est parvenu à la commission judiciaire, il y a quelque temps. Mais grâce à l'entregent et à la vivacité de son président, M. Lescaze, nous avons pu entendre l'avis de M. le Procureur général Bertossa. Ce projet de loi correspond aux besoins de la magistrature dans son intégralité; on sait en effet à quel point certaines chambres sont encombrées. Mais par rapport à ce qu'il est possible d'offrir du point de vue budgétaire : deux postes de magistrats que la commission de gestion, elle-même, a choisi d'attribuer : un magistrat à la Cour de justice et un substitut au Ministère public.

Parallèlement, notre Grand Conseil avait voté, lors de sa dernière séance, une augmentation des suppléants à la Cour de justice. Ils ont été affectés prioritairement à la Chambre d'appel des Prud'hommes, pour tenter de rattraper leur retard. Ce projet de loi est donc parfaitement conforme aux souhaits de ce parlement, et je propose donc la discussion immédiate.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

Le président. Monsieur Spielmann, j'ai une demande d'amendement de M. Christian Grobet. Que faut-il faire ?

M. Jean Spielmann (AdG). Il est retiré !

Je trouve qu'on ne travaille pas de manière très normale ! Cet amendement visait à corriger une erreur. Si vous faite l'addition des juges et des juridictions, vous n'arrivez pas au résultat qui est indiqué dans le projet de loi. Mais cela m'est complètement égal que cela soit faux ! Toujours est-il que cela vous posera quelques difficultés !

Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

fixant le nombre de certains magistratsdu pouvoir judiciaire

(E 2 2)

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 2, alinéa 1, de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941,

Décrète ce qui suit:

Article 1

Nombre de juges

Jusqu'aux élections générales d'avril 2002, le nombre des juges de juges à la Cour de cassation, des juges à la Cour de justice, des juges au Tribunal de première instance et de police, des juges d'instruction, des juges au Tribunal tutélaire et des substituts du procureur général est fixé comme suit:

a) 5 juges à la Cour de cassation;

b) 16 juges titulaires et 20 juges suppléants à la Cour de justice;

c) 17 juges au Tribunal de première instance et de police;

d) 15 juges d'instruction;

e) 4 juges au Tribunal tutélaire:

f) 6 substituts du Ministère public.

Art. 2

Clause abrogatoire

La loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 janvier 1990, est abrogée.