Séance du vendredi 26 janvier 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 3e session - 4e séance

M 1038
19. Proposition de motion de Mme et MM. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Roger Beer et Laurent Moutinot concernant les conséquences de la majorité à 18 ans pour certains jeunes adultes en difficulté. ( )M1038

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- que le nouvel âge de majorité civile est un droit pour tous;

- que le Conseil d'Etat a proposé des modifications de lois visant à garantir la pérennité de prestations acquises pour les jeunes de 18 à 20 ans (PL 7307);

- que la nouvelle majorité peut avoir comme effet indésirable de limiter l'aide éducative aux jeunes adultes en difficulté familiale ou sociale grave;

invite le Conseil d'Etat

- à étudier les conséquences de la majorité civile à 18 ans pour les jeunes adultes en difficultés;

- à étudier l'opportunité que les institutions d'éducation spécialisée conservent à l'avenir les ressources pour poursuivre leur tâche en faveur des jeunes adultes, selon des modalités appropriées au nouveau droit.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les institutions genevoises de l'éducation (IGE) accueillent des jeunes en internat, semi-internat ou externat, de la petite enfance à la majorité. Les placements se font par les services officiels (tuteur général, service de protection de la jeunesse, service médico-pédagogique) et par le Tribunal de la jeunesse, après une évaluation approfondie de la situation. Les IGE reçoivent des enfants et des adolescents qui souffrent:

- de difficultés familiales et présentant des problèmes de comportement;

- de troubles importants de la personnalité;

- de troubles graves de la communication;

- de difficultés d'adaptation scolaire, professionnelle et sociale;

- de handicaps physiques ou mentaux.

Le cadre légal de ces activités se trouve dans la loi J 8 9 sur la coordination, le contrôle et l'octroi de subventions aux institutions spécialisées pour mineurs et jeunes adultes. Cette loi a été modifiée en 1994 pour son organisation et pour une répartition plus transparente des subventions du département de l'instruction publique (DIP) et du département de l'action sociale et de la santé (DASS) (et du département de justice et police et des transports (DJPT)), le DASS restant principalement en charge des adultes.

Pour les jeunes qui bénéficient d'appuis éducatifs, comme pour ceux qui sont placés dans les IGE, les dispositions actuelles ou futures prises par le DIP (ou le DASS) seront déterminantes, tant en ce qui concerne la forme de prise en charge que pour ce qui est de leur financement.

Dans le projet de loi 7307, annexe, point 12, le Conseil d'Etat déclare: «Il va ... de soi qu'avec leur accord, des jeunes qui seraient déjà suivis par les services de l'office de la jeunesse lors de leur accession à la majorité pourront continuer, dans la mesure nécessaire, à bénéficier temporairement du soutien social ou thérapeutique ou du traitement psycho-médical déjà entrepris avec les services qui les leur ont apportés jusqu'à leur majorité, afin d'éviter une rupture inadéquate de prise en charge.»

La même disposition s'applique actuellement, mais à la limite des vingt ans. Alors que dès 1996, l'office de la jeunesse «n'aura plus, en principe, à s'occuper des jeunes de 18 à 20 ans, qui relèveront au besoin des structures et institutions médico-sociales placées sous l'autorité ou la surveillance du département de l'action sociale et de la santé».

Il paraît dès lors judicieux d'étudier en quoi une offre de service prolongée au-delà du nouvel âge de la majorité civile se justifie pour des jeunes adultes sous des formes contractuelles adaptées à leur nouveau droit et à leurs situations difficiles.

Il faut savoir que dans le système actuel de financement des placements (civils) qui n'est pas remis en cause,

- les subventions fédérales et cantonales couvrent la majeur partie des frais d'exploitation des institutions;

- qu'un montant de 18 F par jour est laissé à la charge du représentant légal ou du tuteur général dans le cas de mesure tutélaires;

- que, lorsque les parents ne peuvent assumer ces coûts, ils sont pris en charge par l'Hospice général, cette aide ne constituant pas une dette, s'agissant du placement d'un mineur;

- que les quelques jeunes de plus de 20 ans placés dans les IGE doivent recourir à l'aide de l'Hospice général et que dans ce cas ce soutien est constitutif d'une dette.

Ainsi, si l'opportunité de maintenir l'accès aux institutions d'éducation spécialisée pour les 18-20 ans devait être jugée positivement, il faudrait alors étudier les possibilités de financement des placements lorsque des indications psycho-éducatives sont posées. La question du financement étant d'une part une question de département responsable du subventionnement (DIP ou DASS) et d'autre part la question de la création d'une dette due à l'Hospice général.

Pour toutes ces raisons, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette motion et de la renvoyer à la commission de l'enseignement.

Débat

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Ce sujet a partiellement été abordé au cours de notre dernière séance, lors de la présentation, par le Conseil d'Etat, d'un train de lois faisant application du droit fédéral sur la majorité à 18 ans. Certaines lois cantonales seront donc modifiées en conséquence.

Le projet de loi du Conseil d'Etat, actuellement à l'étude à la commission législative, comportait, en annexe, la liste des lois où le changement d'âge de la majorité civile - entré en vigueur le 1er janvier de cette année - n'affectait que la terminologie, la majorité à 20 ans devenant la majorité à 18 ans. Par conséquent, lesdites lois n'avaient pas lieu d'être examinées par la commission législative.

En consultant cette annexe, nous avons retrouvé et partagé la préoccupation des directeurs des institutions d'éducation spécialisée. En effet, au printemps 1995, ces derniers avaient invité les députés et la presse pour leur faire part de leur souci de voir leurs jeunes acquérir leur majorité à 18 ans et, de ce fait, perdre leur droit à rester dans l'institution.

La majorité à 18 ans n'est plus à discuter, personne ne demandant notre avis. Nous sommes en train d'étudier ses conséquences, notamment sur le droit cantonal. Voulant répondre aux préoccupations des institutions d'éducation spécialisée, j'ai interpellé le département et le directeur de l'office de la jeunesse qui m'avaient promis leur réponse pour la rentrée automnale. Celle-ci nous est parvenue sous la forme d'un projet de loi, avec : «rien à signaler» en guise d'appréciation de ce cas particulier !

Comme je ne suis pas de cet avis, j'en ai parlé à d'autres collègues. Ensemble, nous avons rédigé et proposé cette motion qui devrait être étudiée par la commission de l'enseignement pour la raison suivante :

Si, maintenant, nous devions réfléchir à un nouveau projet de loi pour la majorité à 18 ans ou non, nous devrions charger une commission d'examiner l'ensemble des conséquences d'une telle modification. Mais nous ne nous trouvons pas dans cette situation, la loi sur la majorité à 18 ans ayant déjà été votée.

Nous sommes en train d'examiner les conséquences de la loi, secteur par secteur, ceux-ci n'ayant pas de lien entre eux. Nous avons des commissions parlementaires spécialisées dans chaque secteur. Par conséquent, j'estime que la motion devrait être renvoyée à la commission de l'enseignement.

M. Roger Beer (R). Notre collègue Gabrielle Maulini-Dreyfus a bien expliqué ce qui nous préoccupait sur le fond. Dernièrement, le DIP a sorti une brochure sur la problématique de la majorité à 18 ans, rendant compte des problèmes et des responsabilités de ces jeunes adultes. L'information a été bien faite.

Il semblerait, pourtant, qu'elle a moins bien passé au sein même de l'administration et des organisations qui lui sont proches. Nous avons été plusieurs à avoir été entendus ou approchés par la Conférence des directeurs d'institutions d'éducation spécialisée qui nous ont fait part de leurs soucis en relation avec l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier. Nous partageons leurs préoccupations.

Etant donné qu'un paquet de projets de lois a été renvoyé à la commission législative, lors de notre dernière séance, je propose que nous lui renvoyions également cette motion - plutôt qu'à la commission de l'enseignement - munie, Madame la présidente, d'une invite à auditionner l'association ou la conférence des directeurs d'institutions. Ainsi, il leur sera répondu en connaissance de cause.

M. Laurent Moutinot (S). Par le biais des projets de lois qu'elle a reçus, la commission législative examine soigneusement les conséquences de l'abaissement de la majorité de 20 à 18 ans. Elle étudie non seulement les lois soumises par le Conseil d'Etat et renvoyées par notre Grand Conseil mais celles que le Conseil d'Etat n'estime pas devoir modifier, afin de s'assurer que son avis corrobore le nôtre.

Nous avons décidé d'entendre le président de l'association des directeurs des institutions spécialisées. Il est convoqué, le 2 février, devant la commission législative, et nous ferons bon usage de sa déposition. L'abaissement de l'âge de la majorité concernant tous les domaines, nous aurions pu disperser tous ces projets de lois dans les commissions du Grand Conseil, mais la logique commande que la commission législative en conserve l'ensemble.

Si la matière se révélait trop difficile pour notre commission, nous renverrions les sujets aux commissions spécialisées. Mais il est peu probable, comme le fait remarquer M. Halpérin, que cela se produise.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je suggère à cette honorable commission qu'après avoir entendu les directeurs d'institutions elle veuille bien entendre le département, qui lui communiquera les directives d'ores et déjà appliquées par ses services, lesquels prennent en compte le souci légitime d'éviter les ruptures de prises en charge dans les institutions spécialisées.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Abandonnée par mes amis, je retire ma proposition de renvoyer la motion 1038 à la commission de l'enseignement.

Le président. Il en est pris acte.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission législative.