Séance du
vendredi 26 janvier 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
3e
session -
4e
séance
M 948-B et objet(s) lié(s)
Le 29 septembre 1995, sous la présidence de M. Michel Halperin, les membres de la commission législative ont été saisis à nouveau de la motion 948-A concernant la réglementation du courtage en matière de guerre.
Si la première invite a été concrétisée par la publication de la prise de position du Canton et annexée au premier rapport sur la motion 948 de Mme Michèle Wavre, la deuxième invite mériterait d'être traitée puisqu'un élément nouveau a été porté à la connaissance des membres de la commission.
L'élément nouveau qui les interpelle est l'alinéa 2 de l'article 14, qui affaiblit le projet de loi.
Section 3: Autorisation de courtage
Art. 14: objet
1 Toute personne qui, sur le territoire suisse, veut procurer à titre d'intermédiaire du matériel de guerre à un destinataire à l'étranger doit être titulaire d'une autorisation de courtage pour chaque cas particulier, quel que soit le lieu où se trouve ledit matériel.
2 Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions pour certains pays.
Art. 15: portée
1 L'autorisation de courtage peut être d'une durée limitée et assortie de charges et de conditions.
2 Si des circonstance exceptionnelles l'exigent, l'autorisation de courtage peut être suspendue ou revoquée.
De ce fait, la 2e invite de la motion n'est pas réalisée et il faudra donc régler cette imprécision.
En outre, plusieurs commissaires demandent des autorisations afin d'apporter des témoignages sur l'ampleur prise par le courtage d'armes dans notre pays et tout spécialement dans notre République. Il est à souligner que le courtage ne nécessite pas de structure particulière, les produits concernés ne sont pas exposés en vitrine.
La majorité de la commission est intimement convaincue qu'il faut soumettre à autorisation le courtage d'armes, pour certains à défaut de ne pouvoir l'interdire complètement.
La commission renonce à auditionner des journalistes compétents en la matière et préfère s'attaquer à la problématique sur le plan purement technique.
Le 20 octobre, la commission auditionne M. Hansjorg Meyer, qui appartient à la division publique du département militaire fédéral, après qu'il a été au préalable libéré de son secret de fonction.
M. .
La commission de politique de sécurité du CN discute aujourd'hui la révision de la loi existante.
Le 29 août 1995, a été votée l'entrée en matière.
Aujourd'hui, cette commission n'a pas encore abordé la question du courtage d'armes de guerre.
Le CN sera probablement d'accord avec le principe de réglementer une telle activité et dira s'il choisit la version retenue par le CF ou une version nouvelle, résultat de modifications qui auront pu être apportées. Actuellement, on ne peut rien préjuger.
Les séances de la commission sont «agendées» en novembre 1995, de sorte que le projet de loi pourra éventuellement être discuté par le CN dès décembre 1995, puis par le Conseil des Etats. Ainsi la nouvelle loi pourra entrer en vigueur au plus tôt le 1er janvier 1997. La détermination de cette date n'est pas certaine, car elle dépend de l'inconnue du référendum.
En outre, l'avant-projet prévoit dans ses dispositions transitoires un délai de cinq ans pendant lequel les activités de courtage qui ne sont pas aujourd'hui soumises à autorisation ne le seront pas non plus. Ainsi, l'effectivité de la nouvelle loi ne se fera sentir que dans plusieurs années.
M. .
- la lettre a appelle de toute façon une base légale au niveau fédéral, soit, dans la pratique, une nécessaire modification de la loi fédérale. Evidemment, la question peut être résolue autrement, à savoir avec les arrêtés fédéraux urgents. Cette procédure a néanmoins peu de chances d'aboutir, malgré la légitimité de son objet «la longueur excessive du délai transitoire»;
- la lettre b de la motion nécessiterait aussi une modification de la loi actuelle, voire de la constitution (art. 141, al. 2 Cst.). Or, une telle démarche (adoption de la motion avec modification de la loi et de la constitution) prendrait probablement autant de temps que la mise en application effective de la loi fédérale en cours de modification. En outre, une telle démarche serait contraire à la tendance générale de «fédéralisation» du droit au niveau international.
Conclusion de M. Meyer
La motion proposée vise un problème reconnu par la Confédération, et que ce problème sera réglé au niveau fédéral dans le sens souhaité par les «porteurs de motion».
Le service responsable de la répression, en cas de violation de la future version de la loi, est le Procureur de la Confédération, à savoir les services de Mme Carla Del Ponte.
Cette compétence peut néanmoins être déléguée, ce qui est déjà souvent le cas pour d'autres types d'infraction, aux Parquets cantonaux.
Suite à ces informations et après discussion, c'est à l'unanimité que la commission a accepté de transformer la motion 848 A en résolution, afin de pouvoir l'adresser à Berne.
Deux invites nouvelles sont formulées:
Première invite
invite les Chambres fédérales
- à prévoir dans la loi sur le matériel de guerre une disposition permettant aux cantons qui le souhaitent de légiférer de manière plus restrictive sur le courtage du matériel de guerre
Vote de cette invite: oui: 5 (2 AgG, 1 PEG, 1 PDC, 1 PSS)
non: 4 (3 L, 1 R)
abstention: 0
Deuxième invite
invite les Chambres fédérales
- à modifier l'article 42 du projet de loi fédérale du 15 février 1995 sur le matériel de guerre en fixant à 6 mois, à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de délai d'application, des dispositions spécifiques au courtage.
Vote de cette invite: oui: 5 (2 AgG, 1 PSS, 1 PSG, 1 PDC)
non: 4 (3 L, 1 R)
abstention: 0
(R 305)
Nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement ce projet de résolution.
Note: Annexe pour information: texte original de la M 948.
ANNEXE
(M 948)
proposition de motion
pour réglementer le courtage de matériel de guerre
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que des courtiers en matériel de guerre opèrent régulièrement depuis Genève;
- que leur activité n'est pas réglementée, si les armes concernées ne transitent pas par le territoire suisse;
- qu'il apparaît nécessaire de combler ce vide juridique, sans attendre la révision totale, en cours d'étude, de la loi fédérale sur le matériel de guerre du 30 juin 1972,
invite le Conseil d'Etat
- à remettre aux députées et députés une copie de la prise de position adressée par le canton au Conseil fédéral à propos de la révision projetée de la loi fédérale sur le matériel de guerre du 30 juin 1972;
- à déposer aux Chambres fédérales une initiative cantonale visant:
a) à soumettre rapidement à autorisation le courtage, exercé régulièrement depuis la Suisse, d'armes de guerre, même lorsque les armes concernées ne transitent pas par notre pays, ceci indépendamment de la nouvelle loi à l'étude;
b) dans la mesure du possible à autoriser les cantons qui le désirent et qui sont particulièrement touchés par ce phénomène, à pouvoir réglementer sur leur territoire le courtage en matériel de guerre, ceci dans l'attente de la révision projetée.
Débat
M. Luc Gilly (AdG). La future loi fédérale... (Brouhaha.)
Le président. Ceux que le sujet n'intéresse pas sont priés de se rendre à la salle des Pas-Perdus ou dans leur local préféré ! Nous vous écoutons, Monsieur le député.
M. Luc Gilly. La future loi... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de discipline, s'il vous plaît ! Silence sur les bancs libéraux !
M. Luc Gilly. La future loi fédérale sur le matériel de guerre entrera en vigueur en 1997, selon les prévisions les plus optimistes. Cette loi continuera à autoriser le courtage du matériel de guerre, sous réserve d'autorisations qui, évidemment, seront accordées.
Or un délai de cinq ans est prévu pour que l'objet de la loi, c'est-à-dire le courtage du matériel de guerre, soit rendu conforme aux nouvelles dispositions.
En étant optimiste... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, ayez un peu de respect pour l'orateur !
M. Luc Gilly. En étant optimiste, dans six ou sept ans, c'est-à-dire vers 2002, les choses changeront. Entre-temps, les assassins en col blanc pourront poursuivre leur trafic de mort sans aucun contrôle. Or, il va sans dire que je suis contre toute exportation et tout courtage de matériel de guerre.
Vous aurez relevé dans notre rapport que la commission a auditionné M. Hansjorg Meyer, spécialiste en la matière auprès du DMF, qui nous a tranquillement expliqué, entre autres, que des arrêtés fédéraux urgents ne sont pas envisageables, vu la durée excessive des mesures transitoires qu'il faudrait adopter.
Cette résolution, au niveau genevois, traite d'un problème reconnu par la Confédération qui ne pourra pas le régler avant 2002. S'agissant de trafic d'armes, on croit rêver ! La résolution, bien modeste, est là pour rappeler que Genève compte de nombreuses places de courtage de matériel de guerre, ce que personne n'accepte ici, à l'exception de ceux des bancs d'en face.
M. Hansjorg Meyer nous a dit que la compétence de poursuivre certains types d'infractions pouvait être déléguée aux Parquets cantonaux. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour le courtage de matériel de guerre ?
Notre résolution demande simplement que les Chambres fédérales autorisent les cantons, dont le nôtre, à légiférer sur le courtage de guerre et qu'un délai transitoire de six mois, au lieu des cinq ans actuellement prévus, suive l'entrée en vigueur de la nouvelle loi relative au matériel de guerre.
Le commerce de la mort doit-il toujours supplanter le droit à la vie ? Je cite en passant le petit scandale du «bricolage» blochérien rapporté, aujourd'hui, par la presse : vente d'armes à l'Irak, envoyées en Autriche.
Par conséquent, je demande au parlement de voter cette résolution minimaliste. Merci !
R 305
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
résolution
pour réglementer le courtage de matériel de guerre
LE GRAND CONSEIL
considérant,
- que des courtiers en matériel de guerre opèrent régulièrement depuis Genève;
- que leur activité n'est pas réglementée, si les armes concernées ne transitent pas par le territoire suisse;
- qu'il apparaît nécessaire de combler ce vide juridique, sans attendre la révision totale, en cours d'étude, de la loi fédérale sur le matériel de guerre du 30 juin 1972,
invite les Chambres fédérales,
- à prévoir dans la loi sur le matériel de guerre une disposition permettant aux cantons qui le souhaitent de légiférer de manière plus restrictive sur le courtage du matériel de guerre,
- à modifier l'article 42 du projet de loi fédérale du 15 février 1995 sur le matériel de guerre en fixant à 6 mois à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de délai d'application des dispositions spécifiques au courtage.
M 948-B
M. Pierre-François Unger (PDC). La motion avait été adressée à la commission législative pour un réexamen, dont il est sorti la résolution 305. Pour autant que mes coauteurs l'autorisent, je me permettrai, en leur nom, de retirer notre motion.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je confirme la décision de M. Unger en proposant également le retrait de la motion. Pour ce faire, nous attendions un vote favorable de la résolution.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.