Séance du
vendredi 26 janvier 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
3e
session -
3e
séance
PL 7406
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit :
Article 1
1 Le plan no 28792-530 dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 20 septembre 1995 (extrait du plan n° 28481, du 22 avril 1992), modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Pregny-Chambésy (création d'une zone de développement 4A destinée à des organisations internationales et à du logement au lieu-dit «Les Crêts»), est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
Un exemplaire du plan no 28792-530 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le projet de modification du régime des zones faisant l'objet du présent projet de loi répond à l'objectif principal de favoriser l'implantation d'organisations internationales et de délégations d'Etats étrangers auprès des Nations unies tout en autorisant la réalisation de logements.
Le périmètre concerné par le présent projet de loi est situé sur le coteau de Pregny, au lieu-dit «Les Crêts», feuille 31 du cadastre de la commune de Pregny-Chambésy. Il est délimité au nord par le chemin des Crêts-de-Pregny, au sud par le secteur affecté à l'Organisation mondiale de la santé, à l'ouest par le chemin piétonnier de la Vie-des-Champs et à l'est par le domaine de Mérimont.
D'une superficie totale d'environ 66 000 m2, ce périmètre est actuellement situé en 5e zone (villas); il comporte une vingtaine de parcelles de tailles diverses, dont une grande parcelle portant le numéro 421, qui compte à elle seule une surface de 21 102 m2. A l'exception des parcelles 417 et 823, accessibles par l'avenue Appia, l'accès aux autres parcelles s'effectue actuellement depuis le haut du coteau, par le chemin des Crêts-de-Pregny. Hormis la présence d'une mission diplomatique auprès des Nations unies, l'ensemble du secteur est présentement affecté à l'habitat individuel.
La parcelle 421 recèle un important potentiel à bâtir et il subsiste sur les autres parcelles encore des potentiels à bâtir dont l'ampleur est tributaire des impératifs de maintien ou non du bâti existant et des éléments majeurs de la végétation existante abondante dans ce secteur.
Un Etat étranger a formé le projet d'établir sa délégation auprès des Nations unies sur le haut de la parcelle 421, de rénover la villa existante pour y loger son ambassadeur, tout en construisant un bâtiment administratif complémentaire mais dissocié du bâti existant. Il souhaite s'installer au plus vite et a déposé une requête pour la construction en première étape d'une partie du nouveau bâtiment projeté compte tenu du maintien de la villa existante; ce projet présente une densité ne dépassant pas 0,2, villa comprise. C'est pourquoi cette requête est mise au bénéfice de la clause permettant de déroger à l'affectation de la zone villas (L 1, 17, art. 26), sans attendre la modification du régime des zones. Lorsque celle-ci aura été adoptée, le bâtiment administratif pourra alors être complété en seconde étape.
La partie inférieure de la même parcelle, qui est libre de construction, serait affectée à des organisations internationales. Afin de faciliter l'implantation de ce genre d'institution, l'Etat de Genève s'est porté acquéreur de ce périmètre.
Ces projets d'implantation d'activités internationales motivent, pour l'essentiel, le présent projet de modification du régime des zones.
Ce dernier fait suite, dans un périmètre restreint, à l'important projet de modification du régime des zones couvrant l'ensemble du secteur des organisations internationales mis à l'enquête publique du 3 août 1992 au 18 septembre 1992. Il était alors proposé d'affecter le périmètre des Crêts en zone de développement 4A destinée à des organisations internationales et à du logement. Ce vaste projet de modification du régime des zones, dont le plan portait le numéro 28481 et concernait les communes de Genève (section Petit-Saconnex), du Grand-Saconnex et de Pregny-Chambésy.
Au vu des nombreuses observations recueillies, le département a apporté, durant l'automne 1993, des corrections tant au plan qu'au projet de loi. Ces derniers ont été soumis pour préavis aux trois communes concernées. Le Conseil municipal de la commune de Pregny-Chambésy a émis, dans sa délibération du 9 novembre 1993, un préavis défavorable au projet portant le numéro 28481A. Le Conseil municipal de la Ville de Genève a émis pour sa part, en date du 18 janvier 1994, un préavis favorable sous réserve de modifications à apporter au projet de loi. Le Conseil municipal de la commune du Grand-Saconnex s'est prononcé, en date du 17 décembre 1993, défavorablement. Au vu des problèmes rencontrés, la procédure d'adoption de ce plan a été alors mise en suspens.
Le Conseil d'Etat entend donner toute priorité aux projets d'implantation d'activités internationales décrits plus haut. C'est pourquoi il propose aujourd'hui de poursuivre la procédure précédemment entamée en ouvrant la procédure d'opposition, limitée cependant au seul périmètre des Crêts. En effet, l'affectation prévue initialement sur le périmètre restreint des Crêts n'est pas modifiée. Il reste présentement judicieux d'introduire dans ce périmètre restreint, situé à proximité des organisations internationales, des activités internationales, tout en y permettant également la réalisation de logements. La commission cantonale d'urbanisme avait en effet exprimé à plusieurs reprises sa crainte de voir évoluer ce secteur en une zone monofonctionnelle et entièrement consacrée aux activités tertiaires.
Même si aucun projet précis de construction de logements n'est connu à ce jour dans ce périmètre, les besoins en nouveaux logements sont aujourd'hui suffisamment importants pour justifier son déclassement en zone de développement 4A destinée à des organisations internationales et à du logement. En l'absence de nouveaux projets concernant les parcelles autres que celle portant le numéro 421, la mixité proposée a l'avantage d'offrir la souplesse requise et de préserver l'avenir.
Le régime de la zone de développement permettra de contrôler l'urbanisation de ce secteur dans les meilleures conditions grâce à l'adoption de plans localisés de quartier. Ces derniers fixeront, en fonction des besoins futurs et de la qualité des sites (arborisation, vues à préserver...), les indices d'utilisation, les espaces libres de construction, les cheminements piétonniers, etc. Concernant la question des accès au secteur des Crêts, le principe de créer l'accès principal depuis l'avenue Appia est dores et déjà admis et le département s'emploie à trouver la solution adéquate, d'entente avec l'OMS.
Il faut enfin mentionner que l'introduction d'un droit de préemption aux fins d'atteindre tous les buts poursuivis et la clause d'utilité publique prévus aux articles 2 et 3 du précédent avant-projet de loi ont été abandonnées. Seul subsisterait donc le droit de préemption instauré par l'article 3 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, pour tout projet de construction de logements.
Lors d'une rencontre avec une délégation du Conseil d'Etat, le maire de la commune de Pregny-Chambésy a donné son accord au présent projet de loi. Cet entretien a été motivé par le préavis négatif du Conseil municipal susmentionné relatif à l'ancien projet de modification du régime des zones couvrant l'ensemble du secteur des organisations internationales. En effet, en vertu de l'article 16, alinéa 4, de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, lorsqu'un avant-projet de loi modifiant le régime des zones fait l'objet d'un préavis communal négatif, «le Conseil d'Etat procède au préalable à l'audition du Conseil administratif ou du maire de la commune» avant, le cas échéant, de poursuivre la procédure.
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité II aux bien-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le présent projet de loi.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons le projet de loi à votre bienveillante attention.
planPréconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). Ce projet de loi a été mis à l'enquête publique il y a plus de deux ans. Or le Conseil d'Etat déclare, à qui veut l'entendre, qu'il faut tout mettre en oeuvre pour favoriser le développement et l'accueil des organisations internationales à Genève. Dès lors, on peut s'étonner que le Conseil d'Etat ait attendu plus de deux ans pour saisir le Grand Conseil de ce projet. D'autre part, nous ne sommes saisis que d'une partie du projet initial concernant - comme l'exposé des motifs l'indique - la Ville de Genève avec le Petit-Saconnex, le Grand-Saconnex et Pregny-Chambésy. J'aimerais connaître la position du Conseil d'Etat dans le cas des deux autres parcelles, puisqu'il s'agit, ici, uniquement de la parcelle concernant Pregny-Chambésy.
Plus inquiétant encore, et vous l'aurez également constaté à la lecture de l'exposé des motifs, le Conseil d'Etat a cru bon de supprimer l'article concernant le droit de préemption et la clause d'utilité publique qui existait dans le projet initial. Cette proposition, qui intervient après l'affaire Reuters évoquée hier au soir, est incroyable. Lors d'un entretien téléphonique de ce matin, M. Joye a été obligé de reconnaître les faits en déclarant : «Lorsqu'on tient un os, on s'y accroche !» Effectivement, lorsque l'Etat n'a pas les moyens de contraindre le propriétaire d'un terrain à se montrer raisonnable, il doit payer le gros prix. Il serait sage de ne pas commettre cette erreur une deuxième fois.
Pourquoi a-t-on supprimé, dans ce projet, la disposition concernant le droit de préemption de l'Etat et la clause d'utilité publique, précisément après l'expérience particulièrement fâcheuse de l'affaire Reuters et la vente de la parcelle de M. Falquet ? L'Etat doit pouvoir compter sur cette clause de droit de préemption, dans l'hypothèse où il n'arriverait pas à convaincre un propriétaire de négocier convenablement une transaction. L'Etat disposerait ainsi d'un moyen qu'il n'avait pas dans l'affaire Reuters pour amener le vendeur à de meilleurs sentiments. Comment se fait-il que vous nous proposiez cette suppression ?
La transparence serait de mise dans les transactions lors de l'acquisition d'un terrain, Madame, Messieurs les conseillers d'Etat. Vous nous dites que l'Etat s'est porté acquéreur de ce périmètre, point final. Voilà toutes les informations que vous nous donnez au sujet de ces projets. On serait en droit de s'interroger sur le prix d'acquisition de ce terrain, d'autant plus que cette parcelle ne figurait pas dans le crédit voté par ce Grand Conseil pour les acquisitions de l'Etat, il y a quelques mois.
Voilà les questions que je pose dans ce débat de préconsultation, afin que nous ayons des informations avant de traiter plus à fond ce projet de loi en commission.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La superficie de la parcelle figurait dans le projet colossal préparé dans l'avant-projet de loi précédent, mais il a été retiré. Il va être repris sur une base plus générale. Nous avons dû porter notre choix sur ce périmètre à cause de la mission d'un Etat étranger qui devait absolument s'établir dans des délais précis. Les problèmes concernaient les droits de préemption et c'est sur ce point que la commune qui a fait opposition est intervenue. Nous avons renoncé au droit de préemption vis-à-vis de l'Etat étranger pour une question de délai. Je donnerai tous les renseignements en commission, mais nous devions absolument régler cette affaire.
La clause d'utilité publique est nécessaire pour une parcelle de grande ampleur, mais nous ne l'avons pas appliquée dans ce dossier. Cette clause aurait motivé l'opposition de la commune et nous nous serions retrouvés confrontés à des problèmes juridiques. Si chaque ouvrage est bloqué pour des raisons de ce genre tous les projets en cours le seront, car chaque dossier comporte un bon argument juridique pour ce faire ! Quant aux renseignements sur le prix d'acquisition du terrain et les crédits utilisés, ils vous seront donnés en commission.
La procédure du département n'a pas changé. Notre enveloppe d'achat est de 28 millions cette année... (Brouhaha.) Comme le veut l'usage, nous informons régulièrement la commission des finances, lorsque nous sommes obligés de changer les priorités fixées pour des raisons de commodité. Comme mon prédécesseur, j'ai toujours été reconnaissant à la commission des finances de se montrer large dans ses appréciations, car l'évolution des situations foncières est telle que l'exécutif doit avoir une certaine liberté d'action.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.