Séance du
jeudi 25 janvier 1996 à
17h
53e
législature -
3e
année -
3e
session -
2e
séance
PL 7400
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Le plan n° 28745-526, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 21 mars 1995, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, au chemin du Grand-Puits) est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
Un exemplaire du plan n° 28745-526 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de modification du régime des zones concerne les parcelles nos 12262, 12930, 13366 et 13367, situées sur les feuilles 31 et 32 du cadastre de la commune de Meyrin qui forment une surface totale de 50 566 m2. Ce périmètre, actuellement situé en zone de développement industriel et artisanal, s'inscrit entre la route de Meyrin et le chemin du Grand-Puits. Il est bordé, au nord-est, par la zone de développement 4B du village de Meyrin et est compris dans l'une des extrémités du périmètre de la ZO.D.I.M (Zone de développement industriel de Meyrin).
Sur les parcelles nos 12930 et 13367, propriété de la société Conforama SA, s'élève actuellement le centre commercial d'ameublement et articles ménagers du même nom. La parcelle no 12262 accueille le commerce de Brico-Loisir Obirama, exploité par la société Jumbo, une filiale de Maus Frères SA. Ces deux centres commerciaux sont, pour l'instant, accessibles en voiture par le chemin du Grand-Puits; cette situation engendre des nuisances pour les propriétaires de villas résidant de l'autre côté de ce chemin.
Une dérogation aux normes de la zone de développement industriel avait été accordée à ces deux grands centres commerciaux lors de leur implantation. En effet, cette dérogation a été matérialisée par la création d'une zone de transition, soit une zone commerciale située entre un quartier de logements et un secteur destiné aux activités industrielles, ce qui a permis de restreindre les nuisances pour les habitants.
La société Fiat Auto (Suisse), dont le siège helvétique est situé à Genève depuis 1921, a acquis, il y a plus de 25 ans, dans le périmètre de la ZO.D.I.M, des terrains d'une superficie totale de 97 000 m2, dont 16 106 m2 formant la parcelle no 13366. Ces terrains étaient destinés à l'entreposage de véhicules et à l'agrandissement des ateliers de préparation pour la vente des automobiles importées. A présent, les besoins de Fiat Auto (Suisse) en surfaces libres, considérés dans l'optique de la restructuration de son système de production, ont considérablement diminué. Ces motifs de rationalisation amènent cette société à se dessaisir de certains de ses terrains de réserve.
Vu la conjoncture économique actuelle, Fiat Auto (Suisse) a rencontré des difficultés à trouver des acquéreurs potentiels. Pour remédier à cette situation, cette société a saisi le département des travaux publics et de l'énergie d'une demande de renseignement, dans le but d'obtenir un changement d'affectation pour la parcelle no 13366.
Cette requête consiste en un projet d'implantation d'un centre commercial destiné au groupe Maus Frères SA. L'actuel magasin Obirama appartenant à ce groupe et qui vient d'être anéanti par un incendie, est implanté sur la parcelle no 12262, propriété de Martini et Rossi; Obirama bénéficie d'un contrat de location dont l'échéance est proche. Par ailleurs, son implantation très défavorable, à l'extrémité du complexe commercial de Conforama, contribue à rendre la circulation des voitures et des piétons confuse et dangereuse pendant les heures de grande affluence.
L'objectif des requérants est donc la réalisation, sur la parcelle no 13366, d'un complexe commercial d'un étage sur rez-de-chaussée, plus superstructure. Le projet comprend, au rez-de-chaussée, un nouveau centre de bricolage-jardinage moderne, en remplacement du magasin existant. La surface d'exposition serait augmentée afin d'offrir de meilleures prestations. A l'étage, il propose la création de nouveaux commerces offrant, sur de grandes surfaces spécialisées et à des prix compétitifs, des produits de marque dans le domaine de l'électroménager et du sport. De plus, il propose un parking souterrain d'environ 140 places et un parking extérieur pouvant accueillir jusqu'à 117 véhicules.
Ce projet tient compte du confort des habitants riverains et cherche à restreindre les nuisances engendrées par le trafic motorisé de la clientèle. Différentes applications entérinent ce choix. Le gabarit relativement bas du bâtiment est à l'échelle des villas sises chemin du Grand-Puits; les zones de service et livraisons (quais de déchargement, dépôts, etc.) se développent face à la zone industrielle et le retrait du futur bâtiment, préservé sur la limite sud-ouest, participe également au même objectif. Enfin le concept global vise à créer un ensemble formant ainsi une transition entre le village de Meyrin et la ZO.D.I.M.
La taxe d'équipement perçue auprès des constructeurs permettra à la commune de Meyrin de financer la desserte du Bois-du-Lan et de condamner les actuels accès à Conforama et Obirama, situés sur le chemin du Grand-Puits. Ainsi le trafic généré par ces activités commerciales sera directement canalisé sur la route de Meyrin.
Pour autoriser la mise en oeuvre de ce projet, mettre en conformité l'affectation des bâtiments existants et constituer une zone tampon entre Meyrin-Village et la ZO.D.I.M., une modification du régime des zones s'avère nécessaire. Il est ainsi proposé de créer une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, d'environ 50 600 m2.
Le projet de plan localisé de quartier no 28740-526, mis simultanément à l'enquête publique, modifie pour partie le plan directeur no 28460B-526 de la ZO.D.I.M., adopté par le Conseil d'Etat le 6 décembre 1993. De plus, il définit plus précisément l'aménagement de ce périmètre, ainsi que l'affectation des futures constructions. Enfin, un rapport d'enquête préliminaire relatif à l'impact sur l'environnement sera mis conjointement à l'enquête publique.
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le présent projet de loi.
L'enquête publique ouverte du 30 juin au 14 août 1995 a suscité quatre observations qui ont été versées au dossier et transmises au Conseil municipal de la commune de Meyrin. Ce dernier a émis, en date du 24 octobre 1995, des préavis favorables tant au projet de modification du régime des zones qu'au projet de plan localisé de quartier. Cependant, dans sa délibération relative au projet de modification du régime des zones, le Conseil municipal souhaite que le département des travaux publics et de l'énergie étudie l'opportunité d'étendre la mixité d'activités jusqu'à la rue du Bois-du-Lan. Cette éventualité sera examinée par le département dans le cadre d'une étude générale menée sur le problème de la mixité des affectations dans les zones industrielles existantes.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons le projet de loi à votre bienveillante attention.
Préconsultation
M. John Dupraz (R). Après une première lecture de ce projet, j'ai inscrit un grand point d'interrogation sur mon papier.
Ce projet me semble être le jumeau de celui de la fameuse zone de Thônex, retiré par le Conseil d'Etat avant qu'il ne soit débattu en séance plénière. Par conséquent, je m'étonne que l'on revienne avec un projet de ce type pour le propriétaire d'une seule parcelle et la mixité d'une zone industrielle à transformer en une zone de développement industriel et artisanal, également destinée à des activités administratives et commerciales, alors que 250 000 m2 de surfaces commerciales sont en souffrance dans le canton.
Je ne comprends pas très bien le sens de cette démarche, d'autant plus qu'elle est ponctuelle et permettrait au bénéficiaire de réaliser une plus-value substantielle. C'est une inégalité de traitement par rapport aux propriétaires voisins de la zone concernée.
Nous ne nous opposerons pas au renvoi de ce projet en commission, bien qu'il en émane un relent de spéculation que nous trouvons inacceptable.
M. Christian Grobet (AdG). Une fois de plus, je constate que nous partageons les préoccupations exprimées par M. Dupraz. Il a posé un point d'interrogation et nous, un point d'exclamation.
Vous ne vous étonnerez pas, Monsieur le conseiller d'Etat, de notre opposition à ce projet qui s'inscrit, comme M. Dupraz l'a relevé, dans la droite ligne de ce qui a été proposé à Thônex, au chemin de l'Etang et ailleurs, à savoir le démantèlement progressif de nos zones industrielles. Cela est d'autant plus grave qu'une importante surface de terrain a récemment été déclassée, à La Pallanterie, pour les besoins d'une entreprise.
Notre point d'exclamation résulte de la franchise du Conseil d'Etat. En effet, il dit avoir été approché par la société Fiat qui cherche à vendre son terrain mais ne trouve pas d'acquéreur. Dès lors, Messieurs les conseillers d'Etat, je m'étonne que vous n'ayez pas sauté sur l'occasion d'acheter ce terrain industriel comme terrain de réserve. J'en suis stupéfait ! Nous vous avons reconduit un crédit d'une trentaine de millions, voici deux mois, pour des acquisitions de terrains, vous nous avez informés que ce crédit servirait à l'achat de terrains répondant aux besoins des organisations internationales, du logement et de l'industrie. Une occasion en or se présente, avec du terrain bon marché, et vous n'achetez pas !
Je voudrais donc que le Conseil d'Etat nous indique le montant de la transaction passée, pour ce terrain, entre la société Maus frères et la société Fiat. Le Conseil d'Etat le connaît certainement, car j'ai entendu parler du montant de cette transaction. Comme l'a dit M. Dupraz, c'est purement une opération spéculative.
Si ce terrain reste en zone industrielle, le prix du mètre carré ne doit pas dépasser 100 F, en vertu des tarifs reconnus par le Conseil d'Etat lui-même. La surface totale de 16 000 m2 équivaut donc à 1,6 million, c'est-à-dire quasiment au prix de la villa que vous avez, Monsieur Joye, cédée à M. Falquet avec 3000 m2 de terrain à La Pallanterie !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Vous en aurez pour votre argent.
M. Christian Grobet. C'est le cas de le dire ! La vérité sort ! L'heure tardive se prête souvent à des propos plus simples et plus authentiques ! Vous deviez saisir l'occasion d'acheter ce terrain et ne pas simplement en proposer le déclassement pour que Fiat, une multinationale aux moyens énormes qui n'a rien à voir avec un pauvre propriétaire dans l'embarras...
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Vous êtes complètement à côté de la plaque !
M. Christian Grobet. Je suis à côté de la plaque, bien sûr ! Il n'y a que vous à connaître la situation ! Vous aurez certainement eu la curiosité, Monsieur Joye, de consulter le registre foncier - étant certain que vos voisins de droite, au propre et au figuré, vous en auront donné l'autorisation - pour vous enquérir du prix payé par Fiat pour ces terrains, il y a une vingtaine d'années. Vous devez nous dire à quel prix ce terrain a été acheté et à quel prix il sera vendu à Maus frères.
D'autres problèmes se posent. Le quartier souffre déjà d'inconvénients dus à un important centre commercial et ce projet, avec son projet de plan localisé de quartier, propose de construire un centre trois fois plus grand que Conforama en première étape, avec des réserves d'extension; un centre dix fois plus grand que Obirama qui a brûlé ! Il ne s'agit donc pas de remplacer ce dernier centre, mais de construire un bâtiment dix fois plus grand en mètres carrés de plancher.
Il n'y a pas eu, bien sûr, d'étude d'impact, alors que ce projet aura des incidences importantes sur le quartier. Des terrains sis dans des zones plus appropriées, proches du Jumbo actuel, se prêteraient à la construction de ce centre commercial, cela sans brader le terrain industriel, sans prêter la main à une opération spéculative et sans créer des nuisances dans une zone d'habitation.
Ceprojet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.