Séance du vendredi 1 décembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 2e session - 53e séance

M 1030
10. Proposition de motion de Mme et MM. Bernard Clerc, Liliane Johner et Matthias Butikofer sur les dysfonctionnements au département des finances. ( )M1030

LE GRAND CONSEIL,

vu les problèmes de fonctionnement apparus au sein du département des finances, qui ont notamment entraîné un important retard dans l'envoi des bordereaux d'impôts pour l'exercice 1995;

vu les conséquences que ce retard provoque pour les finances de l'Etat;

vu les articles 15 et suivants de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques du 19 janvier 1995,

invite le Conseil d'Etat

à lui présenter un rapport sur les retards dans l'expédition des bordereaux d'impôts et les mesures prises pour remédier à ce retard;

charge la commission externe d'évaluation des politiques publiques

de contrôler la gestion du département des finances et plus particulièrement du service des taxations de l'administration fiscale et de faire rapport à ce sujet à la commission des finances du Grand Conseil.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est notoire que l'envoi des bordereaux d'impôts a pris de plus en plus de retard ces dernières années, ce qui a provoqué un développement important de l'envoi des bordereaux de taxations provisoires. La situation s'est particulièrement aggravée cette année. Par ailleurs, les milieux professionnels constatent de plus en plus d'erreurs dans les taxations, d'absence de vérification des déclarations d'impôts et de manque de connaissances de la part du personnel de l'administration fiscale.

Cette situation n'est pas étonnante, tenant compte des restrictions du personnel, d'une part, et du taux de rotation de ce personnel, d'autre part. Il est notoire, par ailleurs, que le nombre de collaborateurs chargés de vérifier les déclarations fiscales dans le but de déceler des fraudes est insuffisant pour faire correctement leur travail.

Au moment où l'Etat connaît de graves difficultés financières, il est indispensable que le Conseil d'Etat veille à ce que les recettes de l'Etat soient encaissées. Il s'agit d'une tâche prioritaire de l'administration cantonale et il est évident que ce ne sont pas les services lucratifs de l'Etat qui doivent être entravés dans leur fonctionnement par des restrictions de personnel appliquées de manière linéaire. Au contraire, il s'agit de donner à ces services les moyens d'assurer un rendement optimum du travail indispensable qu'ils sont chargés d'accomplir.

Le Conseil d'Etat voudra bien donner des renseignements sur l'ampleur du retard pris dans les décisions de taxation et d'envoi des bordereaux d'impôts et les conséquences de ce retard, notamment au regard de l'encaissement des impôts. Il voudra bien préciser comment il entend remédier à ce retard autrement qu'en sollicitant des heures supplémentaires de la part du personnel, comme cela est prévu jusqu'à la fin de l'année, et comment il entend faire fonctionner les services de l'administration fiscale de manière efficiente.

Vu la gravité de la situation et les conséquences pour les recettes de l'Etat des dysfonctionnements de l'administration fiscale, il apparaît opportun de demander que la commission externe d'évaluation des politiques publiques soit mandatée pour contrôler la gestion de cette administration, raison pour laquelle il sera demandé que la présente motion soit renvoyée à cette fin à la commission des finances pour qu'elle charge la commission d'évaluation d'une telle mission, conformément à la compétence qui lui est dévolue par la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques.

Pour toutes ces raisons, les motionnaires vous prient, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accueillir favorablement la présente proposition.

Débat

M. Matthias Butikofer (AdG). C'est avec regret que nous constatons un certain nombre de signes de crise, qui hantent actuellement l'administration fiscale cantonale.

Il est par exemple étonnant de voir qu'un certain nombre de contribuables n'a pas reçu, à ce jour, le bordereau d'impôts pour l'exercice 1995 ! D'autres ne sont en possession que d'une taxation provisoire, et cette pratique semble devenir de plus en plus fréquente.

Il est également choquant de voir la fréquence d'erreurs dans les taxations de cette année ! Les milieux professionnels nous informent que 40 voire 50% des bordereaux sont rédigés d'après une taxation erronée.

Bien entendu, nous ne mettons nullement en doute l'efficacité et le dévouement du personnel de l'administration fiscale cantonale. Pourtant, il semble bien que le staff de cette institution soit surchargé de travail et que les nouveaux engagés ne bénéficient plus d'une initiation suffisante à l'accomplissement de leur tâche.

La situation précaire des conditions de travail du personnel de l'administration fiscale cantonale, la perte de recettes causée par le retard dans l'envoi des bordereaux et le gaspillage inutile de la force de travail engendré par la prolifération des réclamations et des recours nous amènent donc à proposer le renvoi de cette motion à la commission des finances, afin que celle-ci charge la commission d'évaluation des politiques publiques d'analyser les causes du dysfonctionnement alarmant de l'administration fiscale cantonale.

M. René Ecuyer (AdG). Comment se fait-il que nous ne puissions parvenir à envoyer les taxations aux citoyens sans retard ? Si nous pénalisons, par une taxe supplémentaire de 20 F, les citoyens qui ne retournent pas leur déclaration dans les délais, nous devons corrélativement respecter les délais d'envoi des bordereaux, car ils sont nécessaires aux locataires pour le contrôle de leur logement HLM, pour les assurances-maladies, pour l'office des poursuites, etc.

Les contribuables qui ne reçoivent pas leur bordereau à temps règlent leurs impôts sur la base de taxations provisoires. On peut se demander, à propos de cette pratique, combien de taxations provisoires ont été envoyées et combien sont devenues définitives. Il serait également intéressant de connaître le nombre de taxations provisoires des personnes physiques par rapport à celles des personnes morales. Y aurait-il des sociétés ainsi privilégiées ?

Comme l'a relevé fort justement M. Butikofer, il serait important de connaître, le cas échéant, le montant de la perte subie. Les erreurs de taxations inhabituelles ne peuvent évidemment être relevées que par les contribuables capables de les détecter, mais elles ne constituent pas des cas isolés. Nous sommes face à un problème et il serait bon que le contribuable puisse savoir ce qui se passe à l'administration fiscale cantonale.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Nous soutiendrons cette motion qui a l'avantage d'être très claire et cohérente dans ses invites. Il est exact que des problèmes de fonctionnement au sein du département des finances, en ce qui concerne le service de la fiscalité, ont été perçus par le public, notamment en raison du retard de l'envoi des bordereaux d'impôts et des erreurs commises.

S'il est nécessaire, dans un premier temps, d'obtenir des explications du chef du département au sujet de ce dysfonctionnement, il nous paraît judicieux de renvoyer cette motion à la commission des finances, seule compétente pour mandater la nouvelle commission d'évaluation des politiques publiques, en vue d'examiner objectivement les solutions qui devraient être adoptées.

Nous rejoignons les auteurs de la motion, qui expriment leur malaise au sujet des restrictions de personnel trop linéaires et partageons leur désir de voir le département engager suffisamment de personnel compétent.

Le Le président. La parole est à M. le président du Conseil d'Etat Vodoz.

Une voix. Je crois que Mme Reusse-Decrey avait demandé la parole avant !

M. Claude Blanc. Ah oui, c'est important !

Le président. On se passe de vos commentaires, Monsieur Blanc !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Nous renverrons bien évidement cette motion en commission, puisqu'elle porte sur un sujet qui pose problème. Elle comporte deux invites. Il est vrai qu'il serait plus judicieux de traiter la première à la commission fiscale. Par contre, la seconde ne peut être traitée que par la commission des finances, du fait qu'elle a, elle seule, le pouvoir de mandater la commission externe d'évaluation des politiques publiques.

Cette commission des finances devrait déterminer avec précision la teneur du mandat. Il serait nécessaire d'évaluer le système de taxation et également la procédure de réclamation, plutôt que de lui donner un mandat trop général qui aurait des effets contraires, car la réponse doit être rapide. Nous souhaitons donc que la commission des finances puisse mandater une commission externe d'évaluation des politiques publiques.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Contrairement à mon habitude - à l'exception du budget - je vous ferai une déclaration relativement longue. En effet, je ne peux pas accepter de telles critiques, sur la base d'on-dit, s'agissant de l'administration et de sa situation actuelle. Quel que soit le sort de cette motion, j'entends répondre, maintenant, devant ce parlement.

Vous semblez avoir oublié, les uns et les autres, que, en 1993, votre parlement avait voté, et je l'en avais remercié, un crédit de 6 millions pour la réforme du système informatique de l'administration fiscale, projet connu sous le sigle IAO, impôt assisté par ordinateur. Le but de cette réforme était d'améliorer l'efficacité des taxateurs, en informatisant leur travail.

Elle a été mise en place en 1994, et la taxation, assistée par ordinateur, est entrée en exploitation en février de cette année, sous le contrôle du consultant qui avait réalisé l'étude, pour le compte du département des finances; il s'agit de la maison Atag, de Lausanne.

La première étape de cette réforme est donc entrée en force cette année; la deuxième, soit l'informatisation de la taxation proprement dite, se fera en 1996. Il était essentiel que cette première phase, qui consiste en la saisie informatique des données - les taxateurs travaillent désormais avec la souris, passez-moi l'expression, et non plus avec le papier - ait lieu en 1995. En effet, en 1996, nous devrons non seulement taxer les impôts cantonaux et communaux mais également l'IDF, pour la nouvelle période de deux ans.

L'administration, en outre, a dû mettre en place les nouveaux programmes découlant de la modification, entrée en vigueur au 1er janvier de cette année, de la LIPM, loi sur l'imposition des personnes morales, que vous avez votée, et la LHID, loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes.

Conformément aux engagements pris, l'administration fiscale a, en outre, mis en place un programme permettant de recevoir un avis de situation complet. Celles et ceux qui ont reçu leur bordereau ont également obtenu cet avis détaillé, annexé au bordereau fiscal. Cette amélioration considérable a également requis quelques aménagements.

Après avoir rencontré un certain nombre de problèmes, qui avaient d'ailleurs fait l'objet d'une intervention devant ce parlement, l'administration fiscale a émis une disquette permettant aux contribuables qui le désirent d'établir leur déclaration sur leur PC, au lieu de le faire au moyen des formulaires traditionnels.

Toutes ces réformes sont entrées en vigueur et ont été mises en application au début de cette année. Elles ont pour but, ce qui n'est pas négligeable, de donner à l'Etat une véritable base de données économiques actualisée, qui nous faisait défaut, jusqu'à présent, notamment pour l'établissement des statistiques fiscales.

D'ailleurs, la commission fiscale s'est penchée, à propos de la problématique du taux fixe, sur les études conduites par le professeur d'économétrie, M. Carlevaro, et a pu constater à quel point il est indispensable, d'avoir le plus rapidement possible des données statistiques extrêmement utiles, pour mieux apprécier et évaluer les recettes fiscales et, d'une manière générale, la santé financière et économique du canton. Nous en avons d'ailleurs déjà emmagasiné une grande partie au cours de l'exercice 1994/1995.

Cela étant rappelé, il est vrai que la mise en exploitation du projet IAO a rencontré un certain nombre d'aléas, ou «maladies de jeunesse», au niveau du système informatique lui-même. Nous avons dû adapter les programmes qui nous avaient été livrés et augmenter la puissance du système, partant la capacité des mémoires. Les collaborateurs, quant à eux, ont été contraints de s'adapter à ce mode de gestion, de bouleverser certains automatismes pour en acquérir d'autres et de changer complètement d'habitudes. Ils ont fourni un travail difficile et tout à fait considérable. Cette mise en exploitation a provoqué quelques perturbations, dont les signes apparents sont le retard dans l'envoi d'un certain nombre de bordereaux fiscaux.

Ces problèmes ne nous ont pas échappé, et j'ai rencontré à ce sujet, et à plusieurs reprises, la commission du personnel du département des finances. Je puis vous annoncer que ces problèmes sont actuellement surmontés. Les difficultés que nous avons rencontrées durant l'année 1995 constitueront, par ailleurs, une expérience précieuse pour 1996.

Extérieurement, l'effet visible de ces difficultés a donc été l'envoi décalé, par rapport aux années antérieures, des bordereaux d'impôts aux contribuables salariés. Par contre, en ce qui concerne les déclarations des indépendants et des personnes morales, nous nous sommes maintenus dans la cible des années précédentes, malgré les difficultés rencontrées.

Pour ce qui concerne les personnes physiques salariées - travailleurs et retraités - nous comblons le retard de l'envoi des bordereaux. C'est ainsi que plusieurs milliers de bordereaux viennent d'être expédiés; dix mille bordereaux seront notifiés mardi prochain, le 5 décembre, et le solde le 18 décembre, ceci sous forme de taxations définitives, pour la majorité des cas, ou sous forme de déclarations provisoires.

Les déclarations provisoires sont un moyen de garantie pour l'Etat, qui dispose ainsi de douze mois pour les contrôler a posteriori et les corriger, le cas échéant. La grande majorité des déclarations provisoires sont généralement traitées au cours du premier trimestre de l'année, période qui précède le retour des déclarations nouvelles et durant laquelle l'administration est moins chargée.

Dans notre système fiscal, qui implique que tous les revenus soient taxés dans l'année, contrairement à certains cantons qui ont une taxation bisannuelle, j'avais envisagé d'étendre cette taxation de trois mois supplémentaires, pour que l'administration puisse disposer de douze mois complets de travail et non pas neuf, voire moins, du fait qu'un certain nombre de contribuables nous retournent leurs déclarations tardivement. J'y ai renoncé, car nous parviendrons à respecter les échéances, comme me l'a assuré la direction de l'administration fiscale.

En raison de la modification de la taxation, qui résulte des nouvelles dispositions de la LHID, le fait que les déductions se font en dernier lieu a provoqué quelques erreurs de pratique, ce qui a créé un certain taux de rejet des déclarations. Lorsque nous avons été alertés par des contribuables, nous avons pris conscience du problème et l'AFC a mis en place un service de contrôle complémentaire.

La pratique des acomptes provisionnels rend la trésorerie de l'Etat indépendante de la taxation. Nous devons rendre hommage à M. Robert Ducret, mon prédécesseur, qui avait, sur l'idée de son propre prédécesseur, M. Babel, mis en place - contre vents et marées - le système d'acomptes provisionnels que nous connaissons. Celles et ceux qui doivent s'acquitter de leur dixième mensualité peuvent le faire en toute confiance, car ils vont recevoir leur bordereau. Nous n'aurons aucun problème de trésorerie majeur résultant des aléas rencontrés au cours de cette année, avec l'introduction du nouveau système informatique.

Contrairement à ce qu'ont affirmé les motionnaires, au 31 octobre de cette année, la perception de l'impôt cantonal et communal, impôt à la source inclus, s'est montée à 3 milliards 67 millions, soit 220 millions - 8% - de plus qu'à la même période en 1993, et 126 millions de plus qu'en 1994. La production est donc meilleure, ce qui doit nous réjouir.

Le taux de rotation du personnel de l'AFC - qui augmenterait le risque des erreurs et des recours - est le suivant : vingt-neuf personnes ont quitté l'administration, pour un effectif de trois cent septante personnes, soit un taux de 7,8%. En 1994, le nombre des départs était de trente-six personnes, soit un taux de 9,7%. Ce sont des taux faibles, dans l'absolu, d'autant que ces dernières années - comme dans l'ensemble de l'administration - nombre de collaborateurs ont été invités à prendre le PLEND, ce qui représente 10,5 postes en 1994 et 5,3 postes en 1995.

Contrairement à ce que certains affirment, et en dépit des difficultés du métier, nous pouvons constater une large stabilité du personnel au sein de l'administration fiscale. Ce personnel est au bénéfice d'une augmentation significative des programmes de formation. C'est ainsi que nous avons mis au point des cours de formation interne, notamment en matière informatique.

Pour assurer les taxations des personnes morales, nous avons augmenté les effectifs de trois personnes, ce qui représente 20% de plus. Nous avons par ailleurs demandé un audit, en août dernier, à l'entreprise Atag, pour l'organisation de la taxation des personnes salariées et des indépendants. Les conclusions devraient être transmises à la direction de l'administration fiscale et à moi-même, à la fin du mois de janvier 1996.

Il est d'ailleurs piquant de penser que nous sommes critiqués et que, malgré les secousses provoquées par l'introduction de l'informatique, d'autres cantons viennent s'inspirer du modèle de notre organisation.

Compte tenu de l'activité cyclique de l'administration fiscale, dont le plus gros du travail, la taxation notamment, se fait au cours du quatrième trimestre de l'année, nous avons introduit, à titre d'essai, un menu de travail intitulé «saisonnier». Il permet à chaque collaborateur d'adapter son temps de travail journalier au volume spécifique de travail. Deux cent huit collaborateurs sur trois cent septante ont choisi ce mode de faire, qui leur permet de moduler leur activité professionnelle au cours de l'année. Pour ce qui est des heures supplémentaires, le chiffre des années antérieures de quatre cent trente mille heures est réduit à trois cent cinquante-cinq mille heures. C'est dire que les effets des réformes en cours sont sensibles, malgré les aléas rencontrés.

Et c'est le lieu de rendre hommage à mes collaborateurs qui ont assuré leur travail dans des conditions parfois difficiles, mais avec enthousiasme, avec des outils pour lesquels ils se sont passionnés et avec des groupes de travail constitués de chefs de services et de membres de la direction. Leur tâche fut lourde et la fatigue se fait sentir.

Je récuse le terme de dysfonctionnement, tout en admettant que nous avons rencontré des problèmes, au sujet desquels je trouve légitime de devoir m'expliquer comme je le fais maintenant. Lorsque j'aurai obtenu le rapport de l'audit je reviendrai bien volontiers devant la commission fiscale - avec la disponibilité dont mes services et moi-même avons toujours fait preuve - pour y apporter un certain nombre d'explications complémentaires.

Si je récuse la notion de dysfonctionnement... (L'orateur est interrompu. ) Oui, Madame la secrétaire, j'ai annoncé que mon intervention serait plus longue qu'à l'accoutumée, mais je n'entends pas laisser planer les soupçons au sujet du bon fonctionnement du département des finances.

L'erreur que j'assume - et dont je veux assumer seul la responsabilité - c'est d'avoir sous-estimé les difficultés de l'introduction du système informatique, avec la nécessité de maintenir le travail au quotidien et d'assurer la prise d'informations. Peut-être aurait-il fallu expliquer aux contribuables qu'il y aurait des retards dans l'envoi des bordereaux pour l'année 1995 qui se fera, au plus tard, dès le 18 décembre.

M. Bernard Annen (L). S'agissant de la première invite au Conseil d'Etat, M. Vodoz vient de nous donner beaucoup de détails sur ce qui a été appelé dysfonctionnement.

Au sujet de la deuxième invite à la commission d'évaluation des politiques publiques de contrôler la gestion du département, M. Vodoz a commandé un audit à propos du problème des taxations. La sagesse commanderait donc que cette motion soit retirée.

Si cela ne devait pas être le cas, nous ne pourrions pas accepter cette motion, car si nous avons été aussi sensibles aux rumeurs qui ont trouvé écho dans la presse ces derniers temps, nous pouvons être tranquillisés par les explications données par le chef du département.

M. René Ecuyer (AdG). Faute avouée est à moitié pardonnée ! Nous enregistrons avec satisfaction que le problème est sous le contrôle de l'Etat. Nous nous faisons l'écho des mamies LHID...

Une voix. Qu'est-ce que c'est ?

M. René Ecuyer. Ce sont des grands-mamans !

Une voix. Et bien merci ! (Rires.)

M. René Ecuyer. ...qui n'en ont rien à faire des LHID et des IAO, des programmes informatiques... et des souris ! Mais lorsqu'elles s'attendent à une imposition de 50 F et que celle-ci se monte à 600 F, il faut bien leur expliquer qu'il y a des erreurs - plus que les autres années. Nous prenons acte que ce sont des «erreurs de jeunesse» du système et souhaitons que cela s'améliore l'année prochaine.

M. Christian Ferrazino (AdG). Le rapport donné par M. Vodoz, s'il est effectivement un peu long, nous donne un certain nombre de renseignements, qui constituent une réponse partielle.

Nous avons appris qu'un audit avait été décidé au sein de son département, en août dernier. N'importe quel député peut penser que, lorsque tout va bien, il n'est pas nécessaire d'introduire un audit. Si vous avez, Monsieur le président, pris l'initiative, comme vous nous l'apprenez maintenant, de mettre sur pied cet audit, c'est bien qu'il y a des problèmes auxquels vous cherchez des solutions. Un audit ne se fait pas gratuitement, ni sans nécessité, même s'ils sont actuellement à la mode !

Compte tenu de l'information que vous nous donnez, je crois que cet audit constitue une raison suffisante pour renvoyer cette motion en commission, afin que les députés puissent également être informés des problèmes qui se posent au niveau du département, que cette entreprise est chargée d'analyser.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je dois dire à M. Ferrazino qu'il se trompe au sujet de l'évolution et de la gestion d'un département. Il y a quelques années, j'avais également demandé un audit interne de la division des contrôles à Atag Lausanne, pour avoir un avis extérieur au canton et une appréciation de l'organisation qui avait été mise en place par la direction. Cet audit nous avait été très utile.

Compte tenu des changements intrinsèques qui s'opèrent dans ce domaine, puisque nous aurons, à terme, moins de taxateurs, du fait que non seulement la saisie des informations sera faite de manière informatisée mais, dans une deuxième phase, la taxation aussi, les taxateurs vont progressivement se transformer en contrôleurs et, par conséquent, nous devons gérer ce changement pour arriver à une situation adéquate.

J'ai également souhaité - d'entente avec la direction générale de l'administration fiscale - que nous fassions analyser l'organisation de la taxation, notamment celle des indépendants, dont les déclarations fiscales sont extrêmement compliquées par nature, de façon à avoir un objectif qui nous permette d'avancer.

L'administration fiscale, secteur très sensible de l'Etat, dont l'effectif est de trois cent septante personnes, assure la totalité de la production des recettes de l'Etat. Je pense que c'est une politique de gestion intelligente que de chercher à recueillir l'avis de spécialistes dans ce domaine.

Monsieur le député Ferrazino, j'ai l'impression que vous avez absolument besoin que cette motion soit renvoyée en commission, parce que, dans un tract «tous ménages», diffusé il y a quarante-huit heures, vous avez parlé des problèmes du département des finances, voire de dysfonctionnements. Vous vous êtes, du reste, réservé de faire un certain nombre de critiques pour chaque département.

J'ai reconnu que nous avons rencontré quelques difficultés, à la suite de l'introduction du programme informatique, dont j'assume totalement la responsabilité pour le compte de mes collaborateurs, ne voulant pas leur en faire porter le poids. Je vous ai parlé objectivement de l'audit que j'ai demandé et pense avoir les meilleurs rapports avec la commission fiscale, devant laquelle je suis, en tout temps, prêt à donner des explications.

A partir de là, nous pourrons étudier s'il est opportun de charger la commission d'évaluation des politiques du contrôle de la gestion que j'ai moi-même voulu, car je n'ai rien à cacher. Je pense simplement qu'il faudra le faire en tenant compte, d'une part, des éléments que j'ai donnés, d'autre part, de ce qui va nous être livré en janvier. La commission fiscale peut, en tout temps, me demander de lui consacrer deux heures de séance, voire davantage, pour débattre de ces questions.

M. Bénédict Fontanet. Monsieur le président, je vous vois sourire ! Je suis heureux que la seule annonce de mon intervention dans ce débat vous fasse sourire. (Rire de M. Vodoz.) M. Vodoz se donne beaucoup de peine pour répondre à M. Ferrazino, qui ne veut pas l'entendre. M. Ferrazino n'est absolument pas intéressé par ce que peut dire M. Vodoz ni par les explications qu'il peut donner. Ce qu'il souhaite, c'est jeter l'opprobre sur le gouvernement, sur le département des finances. Le reste, vous n'en avez rien à faire, Monsieur Ferrazino !

L'excellent tract que vous avez fait distribuer - ou cru bon de faire distribuer - parmi la population genevoise contenait des assertions de type diffamatoire. (Protestations de M. Ferrazino.) Monsieur Vodoz, ne vous donnez pas la peine de répondre à M. Ferrazino, cela n'en vaut pas la peine, parce que, quelles que soient les réponses que vous pourrez donner, elles ne le convaincront pas. Elles ne seront jamais suffisantes pour l'Alliance de gauche ! De grâce, épargnons-nous un débat, restons-en là et refusons d'entrer en matière, de quelque manière que ce soit, sur cette motion. (Applaudissements.)

M. Daniel Ducommun (R). Les sarcasmes de M. Ferrazino glissent sur la pente de notre indifférence ! (Applaudissements, rires.)

Une voix. Bravo Daniel !

M. Daniel Ducommun. Les précisions de M. Vodoz nous satisfont. Evitons de charger les travaux des commissions des finances et fiscale sur un sujet dont les explications dépendent exclusivement de la gestion de l'exécutif. Nous venons d'entendre M. Vodoz; le réentendre en commission serait superflu.

Nous estimons que cette motion a obtenu réponse. N'en déplaise à M. Ferrazino, nous nous abstiendrons de la voter !

M. Bernard Clerc (AdG). Vous vous trompez, Monsieur le député Fontanet ! Après avoir écouté attentivement les propos de M. Vodoz, j'ai trouvé intéressant qu'il reconnaisse les problèmes de son département. Il les justifie par l'introduction de l'informatique, mais je ne suis pas sûr que ce soit la raison essentielle. Nous avons tous constaté qu'il y a eu des baisses d'effectifs importantes dans son département, durant les dernières années. (Protestations.) Oui, il y a eu des baisses d'effectifs importantes, tant au niveau de la taxation que du contrôle.

M. Vodoz nous a annoncé qu'il allait engager trois personnes supplémentaires pour le contrôle, car l'effectif était devenu trop restreint. Je rappelle que 35 millions de ristournes avaient échappé et qu'ils ont été repérés non pas par l'administration fiscale de notre canton mais par l'administration fédérale des finances. Après on nous dit que tout «baigne» et qu'il n'y a pas de problème !

En écoutant M. Vodoz, j'apprends qu'un audit a été confié au mois d'août à une grande fiduciaire. Je suis surpris par la prolifération des audits : il y a l'audit général de l'Etat, l'audit du département des travaux publics, l'audit du département des finances; il y a des audits partout ! Mais il faut bien les payer, ces audits !

Parallèlement, nous avons voté récemment une loi sur une commission d'évaluation des politiques publiques, pour laquelle j'avais un certain nombre de réticences, notamment à propos de sa composition et de ses objectifs, Elle peut être mandatée par le Conseil d'Etat ou par la commission des finances pour examiner un certain nombre de services.

Il m'aurait semblé plus rationnel que ce soit cette commission d'évaluation des politiques publiques de contrôle de gestion qui soit mandatée pour ce travail plutôt qu'une fiduciaire privée. Son budget a été augmenté par rapport à l'ancienne commission d'évaluation et, à mon avis, c'est un gaspillage que de mandater une fiduciaire privée pour effectuer ce travail.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission des finances est rejetée.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.