Séance du vendredi 1 décembre 1995 à 17h
53e législature - 3e année - 2e session - 53e séance

I 1955
12. Interpellation de Mme Elisabeth Häusermann : D'après quels critères le Conseil d'Etat accorde-t-il des dérogations à l'obligation pour les fonctionnaires de l'Etat d'habiter le canton ? ( )I1955

Mme Elisabeth Häusermann (R). Le 9 novembre dernier, j'ai demandé de pouvoir vous interpeller sur l'obligation pour les fonctionnaires de l'Etat d'habiter le canton et les critères de dérogation à cette obligation.

Je me basais sur des publications de la DGCO, partant du principe que ce qui est possible chez les enseignants doit aussi l'être, en proportion égale, chez d'autres groupes de la fonction publique, dans d'autres départements que celui du DIP, d'autres administrations et même à l'hôpital.

Depuis, la donne a changé, puisque le Tribunal fédéral, saisi d'un recours, a statué sur la question et publié un arrêt le 16 novembre.

M. Haegi a déclaré au dixième anniversaire de l'AGEDRI : «Nous souhaitons une société plus juste et plus démocratique !». Les mots-clefs de la situation et du temps sont :

- ouverture sur la région;

- collaboration transfrontalière;

- déréglementation;

- ou encore, mettre les compteurs à zéro;

- changer le cadre.

La liberté d'action du Conseil d'Etat pour ces dérogations est clairement définie dans la loi B 5 0,5, son article 13, paragraphes 1 et 2.

Aujourd'hui, après le rejet du recours d'un professeur genevois au Tribunal fédéral, faudra-t-il poser la question autrement ? Le chef départemental de la région devrait-il biffer de son dictionnaire, de ses discours et même de ses actions, des slogans comme «ouverture sur la région lémanique et transfrontalière» et les remplacer par «fermeture et cloisonnement» ?

Ma question est donc la suivante : dans quelle mesure l'arrêt du Tribunal fédéral influera-t-il désormais les décisions d'engager des fonctionnaires/enseignants domiciliés hors du canton ?

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je tiens d'abord à signaler à Mme Häusermann qu'à la suite d'une question écrite de Mme Torracinta-Pache sur le même sujet le Conseil d'Etat a répondu par écrit, en date du 25 février de l'an dernier.

Il est vrai que le dernier arrêt du Tribunal fédéral, auquel vous faites allusion, n'était pas encore rendu; mais sur la base des critères que vous connaissez et que je ne rappellerai pas ici, vous savez que le Conseil d'Etat a toujours examiné les dossiers, comme le recommande le Tribunal fédéral, en faisant la pesée des intérêts particuliers d'un fonctionnaire et ceux de l'Etat.

Je me refuse, par ailleurs, à établir une quelconque distinction entre les enseignants et l'ensemble du corps de la fonction publique, sans parler des règles particulières concernant la police notamment.

Le Tribunal fédéral, dans des arrêts contradictoires, a déclaré que l'aspect fiscal ne constituait plus un moyen d'empêcher un fonctionnaire d'être domicilié à l'extérieur - ce que je regrette évidemment - mais a autorisé, sauf erreur, un gardien de prison, dont la belle-famille avait construit une maison mitoyenne à Gland, à se domicilier dans cette ville, contrairement à l'opinion défendue, à l'époque, par M. Bernard Ziegler.

Il avait jugé simultanément dans un autre arrêt concernant un garde de l'aéroport qui, pourtant, habitait plus près de son lieu de travail en étant domicilié dans le canton de Vaud qu'à Carouge, et qui devait être à disposition très rapidement en raison des urgences possibles, que cet homme devait néanmoins être domicilié sur le territoire du canton de Genève. C'est dire s'il est difficile d'agir en cette matière.

Nous continuons à appliquer les critères légaux suivants que vous connaissez :

- être propriétaire d'un immeuble antérieurement à l'engagement;

- des contraintes familiales graves;

- un taux d'activité réduit;

- ou, encore, la fin prochaine des rapports de service.

Il est vrai qu'à cet égard nous avons eu l'occasion, en 1994 - je n'ai pas les chiffres des EPM - d'accorder quarante-deux dérogations : vingt et une concernaient des domiciliations dans un autre canton - soit dix-huit pour le canton de Vaud, deux pour Neuchâtel et une pour Saint-Gall - et vingt et une pour la France. Sur ces quarante-deux dérogations, vingt-neuf concernaient une catégorie de fonctionnaires que vous affectionnez tout particulièrement, c'est-à-dire ceux de l'instruction publique, et treize les autres départements.

En 1995, trente-quatre dérogations ont été autorisées à ce jour, soit vingt-sept pour le DIP et sept pour les autres départements. On constate donc que le plus grand volume de dérogations concerne le DIP, souvent en raison de la réduction consentie du taux d'activité. Sur ces trente-quatre, vingt le furent pour d'autres cantons - seize pour le canton de Vaud, deux pour le Valais, une pour Bâle et une pour Berne - et quatorze pour la France.

Les domiciliations sur France ne me posent pas trop de problèmes, fiscalement parlant, mais je dois suivre la règle de l'égalité de traitement : celui qui habite à Paris est imposé à la source, ce qui ne lui fait pas plaisir.

De ce point de vue, Madame l'interpellatrice, nous appliquons les critères fixés dans la loi, à la lumière des considérants du Tribunal fédéral. Nous avons pris connaissance du dernier arrêt qui ne permettait pas à un enseignant d'être domicilié sur le territoire d'un autre canton. Cette haute instance n'a pas considéré que, dans le cas d'espèce, les critères de dérogation de la loi genevoise étaient suffisamment remplis : l'enseignant n'avait pas vraiment d'intérêt majeur à être domicilié de l'autre côté de la frontière, son choix n'étant que de pure convenance personnelle. Ce critère n'a donc pas été retenu et le Tribunal a refusé de lui accorder la domiciliation, confirmant ainsi la décision de l'office du personnel.

Voilà ce que je puis vous dire, Madame l'interpellatrice.

Cette interpellation est close.