Séance du
vendredi 1 décembre 1995 à
17h
53e
législature -
3e
année -
2e
session -
52e
séance
PL 7383
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 97 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie,
Décrète ce qui suit:
Article 1
Autorité compétente
Le département de l'action sociale et de la santé (ci-après le département), soit pour lui le service chargé de l'assurance-maladie, est l'autorité compétente pour l'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (ci-après loi fédérale).
Art. 2
Contrôle de l'obligation de s'assurer
1 En application de l'article 6 de la loi fédérale, le service de l'assurance-maladie veille au respect de l'obligation pour toute personne domiciliée dans le canton de s'assurer pour les soins en cas de maladie auprès de l'un des assureurs agréés en vertu de l'article 11 de la loi fédérale.
2 A cet effet, il reçoit sans frais:
a) de l'office de la population chargé du contrôle de la population copie du registre des habitants du canton ainsi que copie de toutes les mises à jour de ce registre;
b) des assureurs agréés la liste de leurs assurés.
3 Le service de l'assurance-maladie adresse un avis, suivi le cas échéant d'une sommation, enjoignant toute personne, ou son ayant droit, tenue de s'assurer en vertu de l'article 3 de la loi fédérale et n'ayant pas respecté cette obligation, de s'assurer auprès d'un assureur agréé en le menaçant de procéder, si nécessaire, à son affiliation d'office à une caisse-maladie agréée.
4 Le service de l'assurance-maladie procède à l'affiliation d'office à une caisse-maladie agréée de toute personne assujettie à l'assurance-maladie, qui n'a pas donné suite à la sommation notifiée en vertu de l'alinéa 3. Le Conseil d'Etat fixe la clé de répartition des affiliés d'office entre les diverses caisses-maladie agréées.
Art. 3
Assurés de condition économique modeste
1 Les assurés de condition modeste au sens de l'article 65 de la loi fédérale bénéficiant de réduction de leurs primes d'assurance grâce aux subsides accordés par le canton sont:
a) les bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS/AI ou des prestations accordées par l'office cantonal des personnes âgées (OCPA);
b) les bénéficiaires des prestations d'assistance ou d'aide sociale de l'Hospice général;
c) les personnes seules, sans charge légale, dont le revenu déterminant ne dépasse pas 30 000 F;
d) les couples, sans charge légale, dont le revenu déterminant ne dépasse pas 42 000 F.
2 Les limites de revenus fixés à l'alinéa 1, lettres c et d, sont majorées de 6 000 F par charge légale. Une personne seule assumant une charge légale est assimilée à un couple.
3 Le revenu déterminant au sens de l'alinéa 1, lettres c et d, est égal au revenu annuel net, augmenté d'un quinzième de la fortune nette, en Suisse et à l'étranger. Sont considérés comme revenu annuel net et fortune nette, le revenu total et la fortune totale qui servent à déterminer le taux d'imposition cantonale.
4 Le droit aux subsides s'étend au conjoint et aux enfants à charge de l'ayant droit.
5 La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est applicable pour le surplus à l'interprétation du présent article.
6 Le service de l'assurance-maladie détermine, sur la base des renseignements communiqués par l'administration fiscale cantonale et les autres services publics ou institutions concernés, quels sont les assurés faisant partie du cercle des assurés de condition économique modeste. Les assurés concernés en sont avisés chaque année par l'envoi d'une attestation qu'ils sont tenus de remettre à leur assureur pour bénéficier de la réduction de leur prime d'assurance.
Art. 4
Montant des subsides
1 Le montant des subsides varie en fonction du revenu déterminant des ayants droit, une fois déduit le montant admis pour les charges légales tel que fixé à l'article 3, alinéa 2, soit :
a) 150 F par mois et par assuré dont le revenu déterminant ne dépasse pas 15 000 F pour les personnes seules et 21 000 F pour les couples;
b) 120 F par mois et par assuré dont le revenu déterminant ne dépasse pas 18 000 F pour les personnes seules et 25 200 F pour les couples;
c) 90 F par mois et par assuré dont le revenu déterminant ne dépasse pas 21 000 F pour les personnes seules et 29 400 F pour les couples;
d) 70 F par mois et par assuré dont le revenu déterminant ne dépasse pas 24 000 F pour les personnes seules et 33 600 F pour les couples;
e) 50 F par mois et par assuré dont le revenu déterminant ne dépasse pas 27 000 F pour les personnes seules et 37 800 F pour les couples;
f) 30 F par mois et par assuré dont le revenu déterminant ne dépasse pas 30 000 F pour les personnes seules et 42 000 F pour les couples.
2 Pour chaque enfant mineur à charge d'un ayant droit, le subside couvre la prime d'assurance obligatoire, mais au maximum 87,50 F par mois.
3 Les bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS/AI et des prestations accordées par l'OCPA reçoivent un subside égal au montant de leur prime d'assurance obligatoire. Il en est de même pour les bénéficiaires des prestations d'assurance ou d'aide sociale de l'Hospice général.
4 Le montant des subsides ne peut être supérieur aux primes de l'assurance obligatoire.
5 Le Conseil d'Etat veille à ce que la participation cantonale à ces subsides soit fixée de manière à obtenir la totalité des subsides susceptibles d'être alloués par la Confédération au canton et propose, le cas échéant, les modifications nécessaires à la présente loi.
6 Un crédit est inscrit chaque année au budget de l'Etat correspondant au montant total des subsides cantonaux, comprenant également les subventions éventuelles aux caisses-maladie versées dans le cadre d'accords conclus avec ces dernières notamment en vue de favoriser des actions de médecine préventive.
Art. 5
Absence de convention tarifaire
Le département intervient auprès des différentes catégories de fournisseurs de prestations au sens de la loi fédérale et auprès des assureurs pour favoriser la conclusion de conventions tarifaires au sens de l'article 46 de la loi fédérale. A défaut d'accord entre les intéressés, le Conseil d'Etat, conformément à l'article 47 de la loi fédérale, fixe par voie réglementaire les tarifs après avoir consulté les milieux concernés.
Art. 6
Obligation de renseigner
1 Afin de s'assurer que les subventions cantonales versées aux caisses-maladie soient utilisées à bon escient, de favoriser une saine répartition des affiliés d'office entre les caisses-maladie, de déterminer une clé de répartition équitable des subsides versés aux caisses-maladie, de lutter contre une politique de sous-enchère des primes ne couvrant pas les frais des assureurs, de veiller à ce que les subsides versés aux assureurs ne dépassent pas le montant des primes dues ou leurs besoins réels et afin de fixer des tarifs cadre tenant compte aussi bien de la situation financière des fournisseurs de prestations que de celle des assureurs, le département est en droit de demander la communication, sans frais, des éléments de calcul des tarifs, ainsi que la production des comptes et bilans des fournisseurs de prestations et des caisses-maladie. Il peut demander à consulter les pièces justificatives et solliciter les informations nécessaires auprès de tiers, comme les départements et services concernés ainsi que les ayants droit, dont le concours ne peut lui être refusé.
2 Afin que le Conseil d'Etat puisse dans le cadre de l'élaboration du budget de l'Etat estimer le montant des subsides nécessaires aux assurés de condition économique modeste, les assureurs sont tenus d'aviser le service de l'assurance-maladie le 30 juin de chaque année au plus tard des augmentations de primes qu'ils envisagent d'appliquer l'année suivante et d'en justifier le bien-fondé.
3 Si le département constate des primes et des tarifs excessifs ou d'autres anomalies, il est tenu d'intervenir auprès des institutions concernées et d'en aviser l'autorité fédérale compétente, si ceux-ci ne sont pas modifiés à satisfaction. Il peut, le cas échéant, retenir le versement de tout ou partie des subsides jusqu'à décision rendue par l'autorité fédérale.
Art. 7
Information des assurés
Afin de répondre notamment aux exigences de l'article 10 de l'ordonnance fédérale sur l'assurance-maladie, le service de l'assurance-maladie adresse à toutes les personnes tenues de s'assurer en vertu de la loi fédérale une notice les informant du nouveau régime de l'assurance-maladie obligatoire, des prestations offertes, des droits et obligations qui en résultent ainsi que des conditions à remplir pour bénéficier de réductions de primes.
Art. 8
Voies de droit
1 Toute décision prise par une autorité chargée d'appliquer la présente loi ou ses dispositions d'exécution peut faire l'objet d'une réclamation auprès de l'autorité qui la prise dans le délai de 30 jours dès sa notification.
2 Les décisions rendues sur réclamation peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif dans les 30 jours dès leur notification. Il en est de même des décisions rendues sur opposition par les assureurs en vertu des arti-cles 85 et suivants de la loi fédérale.
3 Les procédures de réclamation et de recours sont simples, sans formalisme et gratuites. Le Tribunal administratif applique la maxime d'office. Les assurés peuvent recourir à un mandataire de leur choix.
4 Le Tribunal administratif est également compétent pour statuer, comme Tribunal arbitral cantonal, sur les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations soumis à la procédure prévue par l'article 89 de la loi fédérale. Dans ce cas, le Tribunal administratif siège à trois magistrats avec un représentant désigné par chacune des deux parties précitées.
Art. 9
Révision périodique de la loi
Le montant des revenus déterminants au sens de l'article 3 et le montant des subsides alloués en vertu de l'article 4 sont revus tous les deux ans en fonction de l'évolution de la coût de la vie, de la situation économique et du montant des subsides versés par la Confédération.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La nouvelle loi sur l'assurance-maladie approuvée par le peuple suisse le 4 décembre 1994 va entrer en vigueur le 1er janvier 1996. Bien que l'ap-plication de cette nouvelle loi soit pour l'essentiel de la compétence des autorités fédérales, un certain nombre de tâches importantes sont confiées aux cantons qui sont tenus d'adopter une loi d'application conformément à l'article 97 de la loi fédérale. Certaines dispositions d'exécution à charge des cantons doivent être édictées avant le 1er janvier 1996, conformément à l'article 97 précité et à l'article 2 de l'ordonnance fédérale concernant l'en-trée en vigueur de la loi fédérale. Les gouvernements cantonaux peuvent arrêter à cette fin une réglementation provisoire. C'est ce qu'a fait le Conseil d'Etat en approuvant le 18 octobre 1995 le règlement relatif aux subsides accordés à certains assurés des caisses-maladie, lequel ne traite, toutefois, que l'une des tâches confiées aux cantons en vertu de la nouvelle loi fédérale.
Il devient donc urgent que notre canton adopte les dispositions d'exé-cution de la loi fédérale portant sur les tâches qui lui sont dévolues et vu l'importance des questions en jeu, il paraît normal que ces dispositions soient arrêtées par le Grand Conseil et non par le Conseil d'Etat , même si c'est à titre provisoire. Tel est l'objet du présent projet de loi.
L'adoption d'une loi cantonale d'application est d'autant plus urgente qu'elle permettrait de régler les questions principales en suspens et de pré-voir l'obligation au Conseil d'Etat d'adresser à toutes les personnes assujet-ties à l'assurance obligatoire une notice les informant du nouveau régime de l'assurance-maladie obligatoire, des prestations offertes, des droits et obliga-tions qui en résultent ainsi que des conditions à remplir pour bénéficier de réductions de primes (voir article 7 du projet de loi).
Cette information, qui répond notamment aux exigences de l'article 10 de l'ordonnance fédérale sur l'assurance-maladie, constitue une démarche élémentaire de la part des autorités, en raison de l'importance de la nouvelle loi pour nos concitoyens qui sont tous directement concernés. Elle répond surtout à une nécessité évidente, vu les nombreuses questions que se posent nos concitoyens en relation avec la nouvelle loi fédérale et les inquiétudes provoquées par les importantes augmentations de primes annoncées par certaines caisses-maladie, qui ne correspondent pas aux indications données en son temps par les autorités.
Le présent projet de loi vise également à instituer un régime plus équi-table d'allocation des subsides des pouvoirs publics au profit des assurés de condition économique modeste au sens de l'article 65 de la loi fédérale. En effet, le Conseil d'Etat a prévu dans son règlement provisoire que les ayants droit bénéficieraient d'une diminution de leurs primes d'assurance obliga-toire de 60 F par mois, quel que soit le montant de leurs revenus. Le présent projet de loi s'inspire du système mis en place par le canton de Vaud, qui prévoit des subsides modulés en fonction de l'importance des revenus des ayants droit, ce qui tient mieux compte de la situation individuelle de cha-cune des personnes concernées (voir article 4 du projet de loi).
Les auteurs du projet de loi ne disposant pas des statistiques relatives aux nombres de personnes concernées par catégorie de revenus, n'ont donc pas pu vérifier si le total des subsides alloués selon le système proposé correspond au total des subsides que le Conseil d'Etat propose de verser en vertu de son règlement du 18 octobre 1995. Les montants figurant dans le projet de loi pourront être adaptés sur la base des indications détenues à ce sujet par le Conseil d'Etat, ce projet ayant pour but premier de fixer le principe de subsides proportionnels aux revenus des ayants droit. Les barèmes devront être revus, le cas échéant adaptés, tous les deux ans, conformément à l'article 9 du projet de loi.
Le projet de loi prévoit de maintenir des subventions cantonales aux caisses-maladie pour leurs prestations d'intérêt général et notamment pour assurer, dans le cadre de conventions à conclure avec ces caisses, la prise en charge d'actions préventives, telles que celle destinée à l'examen mammaire à laquelle le Conseil d'Etat a malheureusement dû renoncer.
Le versement de ces subventions donne droit à l'Etat de contrôler les comptes et bilans des caisses-maladie et de se prononcer sur le bien-fondé notamment d'augmentations des primes de l'assurance obligatoire. Pour les motifs invoqués à l'article 6 du projet de loi, les auteurs de ce dernier sont convaincus que l'Etat est en droit de demander les informations nécessaires à cet effet auprès des assureurs pour se prononcer sur l'augmentation de leurs primes, ce qui permettra au département chargé de l'application de la loi d'intervenir le cas échéant auprès de ceux-ci comme des fournisseurs de prestations au sens de la loi fédérale lorsqu'il constate des abus et, si néces-saire, de dénoncer ces abus auprès de l'autorité fédérale compétente pour prendre les décisions qui pourraient s'imposer.
Il est évident que les autorités cantonales peuvent jouer un rôle très important pour lutter contre les hausses de coûts abusives dans le domaine de la santé lorsqu'elles sont en possession des informations dans ce domaine, même si le pouvoir de décision leur échappe. Vu les abus constatés à Genève, il est indispensable de donner au Conseil d'Etat les moyens d'être correctement informé pour qu'il puisse intervenir efficacement selon les intentions qu'il a exprimées lors de la séance du Grand Conseil du 10 no-vembre 1995.
Une des autres tâches importantes confiées aux cantons est le contrôle de l'obligation de s'assurer des personnes assujetties à l'assurance obliga-toire domiciliées dans le canton et la désignation des personnes de condition économique modeste pouvant bénéficier des réductions des primes d'assu-rance prévues par la loi fédérale. Les articles 2 et 3 du projet de loi prévoient que le service chargé de l'application de la loi doit aviser personnellement toutes les personnes tenues de s'assurer et tous les ayants droit aux subsides (et non uniquement une partie d'entre elles) de cette obligation de s'assurer et de ce droit aux subsides.
Enfin, l'article 8 prévoit les voies de droit qui doivent être créées par les cantons et la mise en place d'une procédure simple et gratuite, conformément aux exigences de la loi fédérale.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
M. Pierre Froidevaux (R). Notre groupe salue la force de la proposition de nos collègues députés de l'Alliance de gauche, qui se sont attelés à un sujet délicat. Nous partageons pleinement leur souci de garantir à toute notre population le meilleur accès possible aux soins.
Ce projet de loi est sincère et cherche à améliorer très visiblement la manière dont les subsides fédéraux pourraient être versés aux ayants droit. Il mérite donc un excellent travail de commission. Nous espérons que cet examen amènera une loi genevoise d'application de la LAMAL possédant les qualités suivantes : on la veut juste, efficace et moderne.
Pour être juste, la loi doit répartir les subsides en ciblant la population qui en a réellement besoin. Or, les auteurs du projet de loi ont bien prévu des montants progressifs selon le revenu déterminant, mais ils n'évitent pas l'arrosage automatique.
Tel quel, ce projet comprendrait notamment un subventionnement de la plupart de nos jeunes dès leur majorité civile, soit dès dix-huit ans bientôt, sans qu'il soit tenu compte du revenu familial. Nous pensons qu'il faudrait, au contraire, le prendre en compte, afin que seules les personnes qui en ont vraiment besoin touchent ces subsides.
Pour que la loi soit juste, il faudrait encore que le montant de ces subventions soit identique pour une même population cible. Or, tel n'est pas le cas. Lorsque les auteurs prévoient pour tous les bénéficiaires des prestations complémentaires - AVS et OCPA - un subside égal au montant de la prime d'assurance obligatoire, ils ne tiennent pas compte du fait que celle-ci présente d'importantes variations selon les caisses. Faut-il choisir la meilleur marché qui deviendra rapidement la plus chère en fonction des risques véhiculés précisément par cette population ? C'est un problème technique très difficile.
Ces difficultés nous conduisent à discuter de l'efficacité, la seconde qualité souhaitée pour cette loi.
De son efficacité dépend son application et, de cette application, le maintien de la garantie constitutionnelle de l'égalité des soins. Au vu de sa complexité, il faudra s'assurer d'un nombre correspondant de fonctionnaires pour garantir cette nouvelle loi, qui pourrait se compliquer encore en commission. Nous nous heurterons alors à d'autres dysfonctionnements liés aux contraintes budgétaires de l'Etat.
D'où la troisième interrogation : cette loi est-elle moderne ? Correspond-elle à notre temps ? Je suis toujours frappé par cette création éperdue de textes sur le même mode. Le monde politique, qu'il soit de gauche, du centre ou de droite, protège sa population en établissant des règles si complexes qu'on en perd le goût de l'individu solidaire au profit d'une politique élitaire.
Je conçois que notre collègue Grobet ait beaucoup d'expérience, du fait que, depuis plus d'un quart de siècle - et il n'est pas le seul dans cette salle - il applique toujours les mêmes schémas.
Durant ce quart de siècle, la vie quotidienne a pourtant beaucoup changé. Les outils de gestion se sont notamment simplifiés au prix de réformes continuelles. Ici, ce n'est pas une réforme qu'on entreprend, mais une construction supplémentaire dans une cité administrative toujours plus éloignée de l'individu. En effet, ce projet de loi arrive même à faire référence à une loi plus que centenaire, puisqu'elle remonterait au 9 novembre 1887.
Dans ce magma de prestations, de subventions, de subsides, d'allocations, que l'Etat accorde à un titre où à un autre, ne pourrions-nous pas disposer, un jour, d'une loi unifiée et simple pour tous ? Par exemple, une loi fiscale qui proposerait un barème négatif pour les bas revenus, puis nul, et enfin positif pour les hauts revenus ?
L'étude, par ce parlement, de cette seule échelle nous permettrait, annuellement, d'adapter l'aide et les prélèvements avec une seule loi et en un seul vote, ce qui réduirait considérablement les coûts de notre administration sans parler de la longueur de nos propres séances.
Nous avons à faire face à de graves problèmes et nous nous devons d'y trouver des solutions nouvelles. C'est cette force-ci de proposition que je souhaite à notre gouvernement.
M. Christian Grobet (AdG). La nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie délègue un certain nombre de tâches, bien que peu nombreuses, aux autorités cantonales. Le canton de Genève a donc l'obligation de prendre des dispositions d'application de la loi fédérale. Elles peuvent être prises, à titre provisoire, par des décrets du Conseil d'Etat, sous forme de règlements, mais elles devront, par la suite, dans des délais que l'autorité fédérale fixera, être reprises dans des lois d'application, Monsieur Froidevaux.
Ce qui m'amène à dire que notre démarche n'est pas due au seul plaisir d'une «légiférite», comme vos propos pourraient le laisser croire, mais répond à une obligation qui nous est fixée par la loi fédérale.
Contrairement aux textes que l'on voit d'habitude sur cette question, il me semble que notre projet de loi est relativement succinct. Il pourrait constituer un modèle du genre. Si l'on compare avec les textes fédéraux, lois et ordonnances, nous proposons un texte de loi cantonale concis, et peut-être même trop, comme vous l'avez dit.
Il est vrai que nous ne disposons pas, contrairement à l'administration, des personnes compétentes qui pourraient rédiger l'ensemble des dispositions d'application de la législation fédérale. Dès lors, nous n'avons pas traité certaines questions.
Le but premier de notre projet de loi est d'aborder un problème qui nous paraît absolument fondamental : l'information de nos concitoyens sur le nouveau régime d'assurance-maladie, très différent du régime précédent.
A cet égard, nous déposerons également une proposition de motion, lors de la prochaine séance du Grand Conseil. Comme cela, certains députés des bancs d'en face ne pourront plus dire que nous présentons volontairement une motion et un projet de loi, conjointement sur le même sujet, afin d'allonger notre temps de parole.
Malgré toute la peine que se donne la presse pour relayer les conférences de presse du Conseil d'Etat et celles d'autres milieux, comme les médecins ou les caisses maladie, il faut reconnaître que l'information diffusée n'est pas suffisante. Aujourd'hui, le public est mal informé, d'une part, sur les nouveautés de la loi et, d'autre part, sur ses droits et obligations.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons instamment, Messieurs les conseillers d'Etat, de faire une notice pour l'ensemble des assurés, soit l'ensemble de la population genevoise. Je ne veux pas, par avance, répéter ce qui figure dans notre motion, mais nous relevons que vous aviez effectué un excellent travail - remarquez que nous ne critiquons pas toujours votre action ! - lors de l'entrée en vigueur de la loi sur les droits politiques, à l'occasion de laquelle une notice explicative, joliment illustrée, avait été envoyée à toute la population. Nous pensons que l'assurance-maladie est le type même d'innovation législative où cette information doit être donnée. Elle pourrait être jointe, Monsieur Vodoz - ce serait une petite note agréable - à la déclaration d'impôts pour faire des économies d'affranchissement.
L'autre point important a été souligné par M. Froidevaux : ce sont les modalités de répartition des subsides fédéraux, cumulés avec les subsides cantonaux pour les assurés de condition modeste. Alors que vous nous dites que nous suivons des références appartenant désormais au passé, je pense, au contraire, que nous avançons résolument dans le même sens que les autorités, à savoir éviter un arrosage général et n'allouer un subside qu'à ceux qui en ont vraiment besoin. Je conviens avec vous que cet exercice est périlleux.
On peut effectivement se poser la question - et je vous rejoins à cet égard - de savoir si l'on doit prendre en charge intégralement les primes de tous les bénéficiaires des prestations complémentaires, parce qu'il est vrai que certains se trouvent probablement en meilleure position que d'autres citoyens n'ayant pas encore atteint l'âge de la retraite et vivant avec des revenus plus modestes.
Comme on l'a dit dans l'exposé des motifs, nous avons d'abord souhaité poser le problème d'une distribution progressive des subsides plutôt qu'un montant égal pour tous les bénéficiaires. J'ai lu avec intérêt les déclarations de M. Segond - qui, du reste, ne m'ont pas étonné - dans lesquelles il se disait ouvert à un autre mode de répartition. Nous avons étudié l'exemple vaudois qui veut uniformiser les primes, mais nous avons opté pour un système de primes différent. Je ne suis pas convaincu que le système vaudois est meilleur parce que c'est peut-être une manière de fabriquer un oreiller de paresse pour certaines caisses maladie qui tirent les primes vers le haut.
En commission, les députés pourront faire des propositions que nous ne pourrons de toute façon pas chiffrer, car, si l'on veut faire quelque chose de sérieux, on ne peut le faire qu'avec les moyens financiers de l'Etat.
Enfin, vous constaterez que nous demandons instamment au canton de pouvoir intervenir. Il ne pourra pas fixer les primes, Monsieur le conseiller fédéral... Pardon, Monsieur le conseiller d'Etat Segond ! (Rires.)
Une voix. Monsieur le conseiller national !
M. Christian Grobet. Je confonds les sessions !
Monsieur le conseiller d'Etat, connaissant les humeurs de la Confédération, je doute qu'elle veuille accorder une délégation de compétence au canton, ce qui nécessiterait encore une modification de la loi. Mais je crois que nous avons imaginé un système qui permettrait néanmoins au Conseil d'Etat d'intervenir de manière efficace et, le cas échéant, de transférer le «bébé» - si je peux m'exprimer ainsi - à Berne. Merci de votre accueil à notre projet de loi !
M. Pierre-Alain Champod (S). Le parti socialiste accueille favorablement ce projet de loi.
Indiscutablement, le problème de l'assurance-maladie est au coeur de l'actualité. La population est inquiète par rapport à l'augmentation des primes et désorientée par les diverses propositions des caisses maladie, qu'il s'agisse des franchises, des systèmes HMO ou des réseaux de santé.
De plus, les subsides accordés aux assurés les plus modestes ne correspondent pas aux attentes que les modifications de la loi fédérale permettaient d'envisager. Cette distribution de subsides résout moins bien le problème de l'inégalité des revenus face aux cotisations des assurances-maladie que les propositions de l'initiative lancée par le PS et l'USS, qui prévoyaient des cotisations calculées en fonction du revenu des assurés. Malheureusement, ce projet a été refusé par le peuple. Cependant, suite à l'augmentation des cotisations, peut-être une partie de la population regrette-t-elle ce vote !
On constate aussi que, malheureusement, le budget social de l'Etat n'a pas augmenté autant que le mécanisme des subventions fédérales pouvait le laisser espérer. A Genève, une partie des montants déjà assumés par l'Etat pour les bénéficiaires de l'OCPA a passé, dans le budget, de la rubrique «OCPA» à la rubrique «Subventions aux assurances-maladie», ce qui a permis d'obtenir le maximum de subventions de la Confédération mais n'a pas augmenté le budget social.
Concernant les subsides, par voie réglementaire, le Conseil d'Etat a accordé un montant unique de 60 F à toutes les personnes n'étant pas bénéficiaires de l'OAPA, ce qui pose un certain nombre de problèmes, notamment quant à l'effet de seuil, que le projet de loi de l'Alliance de gauche se propose de corriger.
Je rappelle qu'auparavant les assurés modestes recevaient un subside s'élevant à 30, 45 ou 65 F. Celui qui touchait, l'année dernière, un subside de 30 F, recevra, cette année, 60 F, mais cette augmentation ne compensera pas la hausse de sa cotisation d'assurance-maladie qui grèvera d'autant son budget.
Pour ce qui est des propositions chiffrées de l'Alliance de gauche, nous aurons l'occasion de discuter en commission du nombre de paliers nécessaires ou du revenu déterminant pour bénéficier d'un subside, ainsi que du montant de celui-ci. Ce sont des questions techniques sur lesquelles je n'entrerai pas en matière aujourd'hui.
Enfin, ce projet de loi sur l'assurance-maladie est le bienvenu dans la mesure où la loi cantonale, que nous avons votée il y a déjà quelques années, est devenue caduque pour bon nombre de ses articles, en vertu de l'entrée en vigueur de la nouvelle LAMAL.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous souhaitons que ce projet soit renvoyé en commission afin que nous puissions le discuter en détail.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales.