Séance du
vendredi 10 novembre 1995 à
17h
53e
législature -
3e
année -
1re
session -
49e
séance
PL 6158-A
RAPPORT de la majorité
Ce projet de loi déposé le 17 mai 1988 a été renvoyé à sa commission des grands travaux par le Grand Conseil. Conformément à la loi portant règlement du Grand Conseil il a été «repris» par plusieurs présidents successifs des proposants, de sorte que resté «pendant» devant le Grand Conseil, la commission des grands travaux l'a examiné lors de ses séances des 9 et 23 janvier, 6 février 1990, des 9 avril, 4 et 18 juin 1991, des 15 février et 19 avril 1994, des 23 mai, 6, 13 et 27 juin 1995 sous les présidences successives de Mme et MM. Christiane Magnenat Schellack, Bernard Annen, David Revaclier, Albert Maréchal, René Koechlin et Thomas Buchi, députés.
La commission a bénéficié, au fil de ses travaux, de l'aide et des conseils des représentants du département des travaux publics et de l'énergie, soit de MM. Christian Grobet et Philippe Joye, conseillers d'Etat, chefs successifs du département des travaux publics, puis de celui des travaux publics et de l'énergie, Denis Dufey, secrétaire général de ce département, et François Reinhard, directeur des bâtiments.
Travaux de la commission
Le calendrier évoqué ci-dessus suffit à commenter la perplexité de la commission des grands travaux du Grand Conseil qui, dans un premier temps, celui du dernier gouvernement de notre République que l'on n'avait pas encore, à l'époque, songé à dire «polychrome ou multicolore», avait assez timidement abordé le sujet. Elle avait alors rechigné, n'avait pas osé ou voulu entrer en matière sur un tel objet. Le même calendrier explique, par contre, le courage avivé de la commission des grands travaux qui, dans la mouvance du nouveau gouvernement, dit «monochrome ou unicolore» de notre République, a finalement décidé d'entrer en matière sur ce projet de loi.
Pour être tout à fait clair: ... depuis le dépôt de ce projet de loi, dont le but était, semble-t-il, d'insuffler au chef du département des travaux publics de naguère quelque respect pour les compétences urbanistiques et architecturales du reste de la République, la composition du Conseil d'Etat a changé, ainsi que la présidence du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE). L'une des premières conséquences de ces changements a été la désignation d'un architecte cantonal, tout à fait comme le demandait le projet de loi 6158. Dès lors, un architecte cantonal, une fois mis en place, pourquoi solliciter du Grand Conseil l'approbation d'un projet de loi «sur la fonction d'architecte cantonal (PL 6158)»?
A cette question, la commission des grands travaux, dans sa majorité, répond que, si l'actuel titulaire de la présidence du DTPE a su voir juste, l'avenir n'est pas pour autant garanti. Une législation adéquate, justifiant et précisant la fonction de l'architecte cantonal, fixant dans la loi les modalités de sa mise en place, se justifie donc pleinement. La commission des grands travaux considère que la fonction d'architecte cantonal correspond bien à une nécessité. Elle salue la désignation à une telle fonction de l'architecte cantonal actuel, mais elle juge utile d'ancrer dans la loi l'opportunité et la nature de cette importante fonction.
La commission a pris soin de consulter sur cet objet les auteurs du projet de loi, tout comme les milieux intéressés, soit une délégation de l'Interassar (MM. Baud-Bovy, président, A. Micheli et J. M. Bondallaz). Elle a souhaité également entendre les architectes cantonaux du canton du Valais (M. Attinger) et du canton de Bâle-Ville (M. Carl Fingerhut). Ces auditions, sans qu'il soit nécessaire d'en transcrire le détail, concourent toutes à démontrer l'utilité et l'opportunité de la fonction d'architecte cantonal.
Au reste, toutes auditions faites et toutes réflexions recueillies, la majorité de la commission des grands travaux pense pouvoir résumer sa vision du problème de la façon suivante:
Un architecte cantonal, pourquoi?
L'architecture est un art.
A ce titre elle mérite qu'on lui prête soins et attention. Or l'art, en l'occurrence, et à l'instar de la plupart des entreprises humaines, se divise principalement en deux catégories de démarches. L'une est individuelle, alors que l'autre est collective. La seconde, qui fait appel à l'intervention d'un plus ou moins grand nombre de personnes, comporte donc l'obligation de coordonner les actions de ces personnes diverses, de manière à garantir la cohérence et la qualité de l'ensemble.
Ainsi, l'orchestre et le choeur ont-ils chacun besoin d'un chef, le théâtre et l'opéra d'un metteur en scène, l'urbanisme et l'architecture d'un architecte. Plus l'oeuvre est complexe, plus elle implique d'intervenants, et plus s'impose la nécessité d'un directeur qui assure la cohésion du tout et assume la responsabilité du résultat.
A l'échelle d'une ville et de sa région, cette fonction est primordiale, bien qu'elle ne soit pas la panacée, tant les tâches qu'elle comporte sont nombreuses et complexes. Elle doit non seulement tenter de promouvoir un minimum de cohérence, mais encore s'efforcer de stimuler chaque participant. C'est un rôle que l'architecte cantonal est appelé à jouer. Il doit en priorité l'exercer dans le domaine des réalisations publiques et de toutes les opérations exemplaires. Son action et sa personnalité sont donc amenées à influencer pour des générations le caractère et la beauté du domaine bâti.
Georges Haussmann à Paris, Otto Wagner à Vienne, James Fazy à Genève, sont au nombre des personnalités qui ont orienté de façon déterminante le visage et l'urbanisme d'une ville à une certaine époque. Tous n'ont pas eu leur talent, ni leur charisme. De telles compétences urbanistiques n'en demeurent pas moins nécessaires pour produire une image de la ville, de qualité. Pour trouver les protagonistes de cette recherche urbanistique, il faut les rechercher et, au préalable, créer les conditions ainsi que le poste ou la fonction qu'ils tiendront. A défaut de cette démarche, ils ne s'improviseront pas et la cité ne deviendra qu'une piètre juxtaposition de projets architecturaux divers au lieu de la composition globale qu'elle pourrait constituer.
Pour accomplir cette mission culturelle et créatrice, l'architecte cantonal doit promouvoir et coordonner l'action des tiers, suivre attentivement la genèse et le développement des opérations importantes, les superviser pour en assurer la bonne exécution, organiser l'information et présider à la diffusion des projets dont il a la charge, conseiller enfin les autorités et notamment le chef du département concerné dans leurs tâches.
Lorsqu'un maître d'ouvrage entreprend de réaliser une construction d'une certaine envergure, il désigne généralement un chef de projet dont le rôle consiste principalement à coordonner le travail des différents intervenants. Cette fonction, primordiale dans le processus, implique le concours d'une forte personnalité dont les compétences correspondent à cette mission.
Force est de constater que pendant des décennies ce poste, ou cette fonction, est demeuré vacant au DTPE. Le résultat urbanistique et architectural de cette vacance peut être très sensiblement ressenti. Le projet de loi 6158, soumis à l'approbation du Grand Conseil, avec les modifications proposées par la commission des grands travaux, vise à combler cette lacune, dans le sens évoqué ci-dessus.
Le rapporteur pense utile de joindre à son rapport le cahier des charges de l'architecte cantonal, fait à Genève le 18 mars 1994 (Annexe 1), le communiqué de presse, signé Philippe Joye, sur la nomination d'un architecte cantonal à Genève du 15 mars 1994 (Annexe 2), ainsi que la note à M. Philippe Joye, par l'architecte cantonal désigné, concernant le projet de loi 6158 sur la fonction d'architecte cantonal, remise à la commission des grands travaux, pour sa séance du 13 juin 1995, et portant sur les activités de l'architecte cantonal (Annexe 3).
Avant que soit établi le texte définitif que la commission des grands travaux propose à l'approbation du Grand Conseil, divers amendements, neuf en tout, ont été proposés à la commission. Certains proposés par des intervenants divers ou par le département (DTPE), approuvés par une majorité de la commission ont été incorporés au texte qui est ici soumis au Grand Conseil. D'autres propositions législatives, notamment celles proposées par le groupe socialiste, n'ont pas trouvé de majorité au sein de la commission et seront probablement réitérées dans un rapport de minorité.
Néanmoins...
Au terme de ses travaux, la commission des grands travaux du Grand Conseil vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, par 7 oui (4 L, 1 R, 2 PDC), 6 avis contraires (3 AdG, 2 S, 1 Verts) et 1 abstention (R), d'approuver le projet de loi 6158, qui, en la forme, se présente désormais comme ci-après:
PROJET DE LOI
sur la fonction d'architecte cantonal
(L 5 3)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Objet
Afin de promouvoir une architecture et un urbanisme de qualité, le Conseil d'Etat désigne un architecte cantonal, après consultation des associations concernées.
Art. 2
Qualifications
L'architecte cantonal remplit les conditions d'un mandataire professionnellement qualifié au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur, du 17 décembre 1982. Il doit de surcroît faire preuve d'une parfaite intégrité, posséder une culture et des compétences hors du commun et être au bénéfice d'une expérience professionnelle d'au moins 10 ans.
Art. 3
Missions
1 L'architecte cantonal joue un rôle essentiellement culturel. Il a pour mission:
a)
d'assister dans l'exercice de leurs fonctions, et à leur demande, le chef du département des travaux publics et de l'énergie, le Conseil d'Etat et les communes lors de l'élaboration et de la réalisation de projets dans les domaines de l'architecture, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire;
b)
de conseiller le chef du département des travaux publics et de l'énergie dans ses tâches et à sa demande, notamment en matière de programme et de projets d'architecture, de concours, de construction et d'urbanisme;
c)
de promouvoir l'information et la diffusion des projets dont il a la charge.
2 Le Conseil d'Etat peut confier à l'architecte cantonal des missions casuelles d'expertises ou d'arbitrage.
3 Les tâches de l'architecte cantonal sont clairement définies dans un cahier des charges. Il s'acquitte avec soin et diligence des missions qui lui sont confiées. Il agit dans l'intérêt général et dans le but défini à l'article 1.
4 L'architecte cantonal s'interdit toute prestation pour son propre compte ou celui de tiers sur le territoire du canton sans y avoir été autorisé préalablement et formellement par le Conseil d'Etat.
Art. 4
Statut et rémunération
1 L'architecte cantonal est engagé à titre de mandataire indépendant ou sur la base d'un contrat de droit privé. Le Conseil d'Etat fixe les conditions et la durée de son contrat.
2 L'architecte cantonal est rémunéré par des honoraires ou un salaire, à l'exclusion de toute commission ou autres avantages. Les droits découlant de la propriété intellectuelle sont réservés.
Art. 5
Règlement
Le Conseil d'Etat fixe, par voie réglementaire, les modalités d'application de la présente loi.
Art. 6
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.
ANNEXE 1
9
ANNEXE 2
11
ANNEXE 3
13
14
15
RAPPORT de PREMIERE Minorité
Le 17 mai 1988, lorsque Claude Fischer et consorts ont déposé ce projet de loi sur la fonction d'architecte cantonal, leur intention, comme cela ressort du procès-verbal de la commission des travaux du 9 janvier 1990, n'était, bien entendu, pas de formuler des critiques vis-à-vis des activités du conseiller d'Etat en charge du département des travaux publics, mais d'améliorer la qualité du résultat des prestations du département d'une manière générale. Les premières discussions se sont déroulées à la commission des travaux en janvier et février 1990. Elles se sont poursuivies en avril et juin 1991.
Dominique Haenni, ancien chancelier et conseiller administratif de la commune de Carouge, a récemment écrit: « Il faut le dire tout net: il existe à Genève un faux débat gauche-droite. Le problème des vainqueurs d'il y a deux ans n'était d'abord pas d'obtenir une majorité de l'Entente au Grand Conseil et au Conseil d'Etat. Il était avant tout de faire en sorte que Christian Grobet ne siège plus au Conseil d'Etat» (in: «Le paysage politique de demain. Tendances», magazine de la BCG #3, juin 1995, p. 15). Ce qui fournit un éclairage intéressant sur les objectifs politiques de l'Entente et a posteriori sur le but réel de ce projet de loi.
Le conseiller d'Etat Philippe Joye déclarait, en février 1994, à la commission des travaux qu'il n'avait pas besoin de loi pour engager un mandataire ayant fonction d'architecte cantonal; qu'il préparait un cahier des charges précis et soumettrait très prochainement au Conseil d'Etat sa proposition.
En mars 1994, le Conseil d'Etat a nommé M. Emmanuel Cattani pour remplir cette fonction. Il a précisé qu'il avait été engagé sous la forme d'un contrat de droit privé (mandat) pour une durée de 4 ans, renouvelable en tout temps. Le temps de travail considéré est de 2 jours par semaine et la rémunération est de l'ordre de 120 000 F par année.
Lors du débat au Grand Conseil sur les comptes 1994, le conseiller d'Etat Philippe Joye a précisé que ce poste était financé par la ligne budgétaire frais d'études du secrétariat général du DTPE du compte d'investissement (510100/508.01).
La commission des travaux a décidé en avril 1994 de suspendre ses travaux et de reprendre la discussion après une année d'activité de M. Cattani.
En mai 1995, le conseiller d'Etat Philippe Joye informait la commission des travaux que le Conseil d'Etat souhaitait que la fonction d'architecte cantonal soit insérée dans la loi pour que l'architecte cantonal soit considéré comme un autre employé de l'Etat et soit soumis aux mêmes règles.
Etre un «XXX» cantonal
Il y a dans le canton de Genève, 8 fonctions qui sont suivies de l'adjectif cantonal.
Le médecin cantonal, le pharmacien cantonal, le chimiste cantonal, le vétérinaire cantonal sont des membres de l'administration cantonale, dépendent du département de l'action sociale et de la santé pour les 3 premiers et du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales pour le dernier. Ils sont responsables de services. C'est leur activité de police définie par la confédération qui leur vaut cette qualification de «cantonal». Ces postes ne sont pas définis dans la législation genevoise.
Le titre d'ingénieur cantonal a été défini dans le cahier des charges de M. Guillaume Henri Dufour au XIXe siècle. L'ingénieur cantonal est responsable de la direction du génie civil.
La fonction d'archéologue cantonal est définie dans le règlement d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (art. 9 L 4 2). Il est responsable du service cantonal d'archéologie.
Le conservateur des monuments (art. 11 L 4 2) est mentionné dans l'annuaire officiel de la République et canton de Genève comme conservateur cantonal (voir p. 185). Il est chef de la division de la protection des sites et du patrimoine.
Enfin, il y a l'architecte cantonal nommé par le Conseil d'Etat. Selon le statut qui lui a été conféré, il n'a pas de responsabilité de service, rapporte au chef du département des travaux publics et de l'énergie et agit dans le respect des compétences des directions et services du département. Il faut cependant relever dans l'annuaire officiel de la République et canton de Genève la catégorie «Architectes cantonaux», catégorie sous laquelle 2 personnes sont mentionnées (voir p. 183).
Le cahier des charges de l'architecte cantonal défini par le Conseil d'Etat
Le rôle principal de l'architecte cantonal est de conseiller le chef du département des travaux publics et de l'énergie. Il a ainsi une fonction de conseiller personnel. Les tâches qui lui sont attribuées sont assurées par l'administration depuis de nombreuses années. Pour citer quelques exemples:
- le développement, le suivi, les adaptations, du plan directeur sont assurés par le service du plan directeur;
- les questions touchant à l'aménagement du territoire sont de la responsabilité de la direction de l'aménagement du territoire;
- l'élaboration et le suivi des constructions publiques, y compris l'organisation de concours, sont assurés par la direction des bâtiments.
La diversité des tâches qui sont demandées peuvent-elles être assurées par une seule personne aussi brillante soit-elle ?
Par ailleurs, le catalogue des activités menées par l'architecte cantonal entre mars 1994 et mai 1995 et présenté à la commission des travaux (voir note du 13 juin 1995 adressée à M. Philippe Joye par le secrétariat général) est impressionnant. Est-il vraiment possible de s'engager à fond sur un tel nombre de dossiers, dont la plupart sont complexes, en ayant une activité à temps partiel ?
Bien que l'activité soit définie comme un mandat de 4 ans, renouvelable en tout temps, est-il acceptable que ce poste soit pris sur le compte d'investissement ?
La réponse à ses diverses questions est négative.
Un projet de loi mal ficelé
Par voie législative, la fonction d'architecte cantonal est instaurée de façon permanente. C'est le souhait du Conseil d'Etat que le titulaire de ce poste soit considéré comme un autre employé de l'Etat.
Mais en contradiction avec ce principe et avec la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, le projet de loi suggère un engagement à titre de mandataire indépendant ou sur la base d'un contrat de droit privé (art. 4).
De même, le Conseil d'Etat a proposé un contrat de droit privé à M. Cattani, autorisé seulement pour les titulaires de fonctions non permanentes (art. 11). D'autre part, le contrat doit s'inspirer des principes de la loi mentionnée. Or, la rémunération qui a été accordée est considérablement plus élevée que celle offerte à des collaborateurs effectuant des tâches similaires. Elle est même bien plus élevée que celle d'autres directeurs de services ou d'établissements publics qui assument des tâches et des responsabilités autrement plus importantes. Le principe d'égalité de traitement n'est visiblement pas respecté.
En conclusion
Ce n'est pas en inscrivant dans la loi la fonction d'architecte cantonal que les problèmes d'aménagement, d'urbanisme, d'architecture et de construction seront mieux réglés qu'ils ne le sont actuellement par une administration compétente. Ce n'est pas un homme seul qui peut assumer la supervision et encore moins le suivi de l'ensemble de ces domaines.
Il n'y a aucune raison que la fonction d'architecte cantonale soit attribuée à un mandataire privé et non à un membre de l'administration cantonale.
Ce n'est pas la loi qui garantira les immenses qualités requises d'une personnalité hors du commun qui, de surcroît, travaille en osmose avec le chef du département, comme le souhaiteraient les auteurs du projet.
Mesdames et Messieurs les députés, au vu de ce qui précède nous vous invitons à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi qui entérinerait une situation pratiquée par le Conseil d'Etat et parfaitement inacceptable.
RAPPORT DE DEUXIÈME MINORITÉ
Nous recommandons le rejet du projet de loi 6158 portant sur la création d'un poste d'architecte cantonal qui, à nos yeux, est non seulement inutile et coûteux, mais encore va à l'encontre d'une conception moderne de la gestion des affaires publiques, tout en étant de nature à provoquer des situations conflictuelles.
Rappelons, tout d'abord, qu'à la suite de la débâcle de l'Etat radical lors des élections de 1961, le nouveau conseiller d'Etat de l'époque chargé du département des travaux publics, M. François Peyrot, qui a profondément réorganisé ce département, avait imaginé dans ce cadre de créer un poste d'architecte cantonal, confié à un architecte indépendant. Cette innovation devait être de courte durée, l'ancien magistrat libéral ayant mis fin à ce mandat séance tenante, lorsque éclata le scandale portant sur l'étage supplémentaire du fameux bâtiment en l'Ile destiné à une banque, dont l'architecte était précisément l'architecte cantonal! M. Peyrot n'a pas désigné de successeur à ce dernier, ayant probablement compris les conflits d'intérêts évidents que pouvait entraîner la charge d'architecte cantonal avec la poursuite simultanée d'une activité privée d'architecte.
Depuis lors, aucun des 3 successeurs de M. Peyrot n'a suggéré de créer un poste d'architecte cantonal, lequel est occupé, dans la plupart des cantons, par les directeurs chargés des constructions dans les départements des travaux publics, au même titre que la fonction d'ingénieur cantonal est assumée par le responsable de la direction des travaux de génie civil.
Le dépôt du projet de loi 6178 en juin 1988 partait d'une tout autre approche. Il ne s'agissait pas de donner le titre d'architecte cantonal au directeur des constructions du département des travaux publics (poste occupé actuellement par M. François Reinhard qui, à ce titre, assiste à la conférence des architectes cantonaux suisses), mais de créer un poste nouveau avec un vaste cahier des charges dans le but évident de créer une sorte de contrepoids à l'ancien conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), dont la politique n'était pas assez favorable aux intérêts des milieux de la construction, de l'avis de ces derniers.
Vu la situation financière de l'Etat et les problèmes posés par ce projet de loi, leurs auteurs ont préféré le laisser en suspens devant la commission des travaux à laquelle il avait été renvoyé pour étude. Avec la venue de l'actuel chef du DTPE, qui a décidé de créer un poste d'architecte cantonal sans même que le projet ne soit voté, la majorité de la commission a décidé de reprendre l'examen de ce dernier pour, en quelque sorte, entériner la situation de fait actuelle.
Entre-temps, l'architecte cantonal est, en effet, entré en fonction avec un traitement de 120 000 F par année... pour deux jours de travail par semaine (correspondant à un poste à plein temps de 300 000 F). Un adjoint lui a été attribué et vraisemblablement un secrétariat. Il serait intéressant de connaître le coût réel de cette nouvelle fonction et des charges qui en découlent (salaires, frais de bureau, de déplacement, etc.).
Par ailleurs, nous considérons que l'engagement de l'architecte cantonal, effectué sans mise au concours du poste, comme pour un certain nombre d'autres postes nouveaux de conseillers et d'attaché de presse gravitant autour du chef du DTPE, s'est fait en violation des règles applicables à l'engagement du personnel de l'Etat et dans des conditions inadmissibles. Il faut dire que, depuis l'entrée en fonction du nouveau Conseil d'Etat, celui-ci mène une politique de nominations et d'engagement du personel ou de collaborateurs, effectuée souvent sur la base de relations personnelles, qui n'est pas acceptable.
Au moment où la situation financière de l'Etat est particulièrement difficile, la création d'un poste d'architecte cantonal hautement rémunéré, avec toutes les charges financières qui en découlent, est inadmissible. Il est pour le moins curieux que les auteurs du projet de loi, qui considéraient, il y a six ans déjà, qu'une telle dépense n'était pas compatible avec la situation financière de l'Etat et cela malgré leurs objectifs politiques évidents, acceptent aujourd'hui de telles dépenses de prestige, même s'il s'agit d'avaliser l'initiative prise par le Conseil d'Etat de nommer un architecte cantonal, sans base légale suffisante, tout en payant les personnes engagées, semble-t-il, grâce à des crédits d'étude ! Il appartient au Conseil d'Etat d'indiquer clairement sur quelle rubrique budgétaire le DTPE a débité la rémunération de l'architecte cantonal et de ses collaborateurs.
Outre l'absence de réelle nécessité de créer un poste d'architecte cantonal dont l'Etat s'est fort bien passé jusqu'à présent, le concept de ce poste nous paraît relever d'une autre époque où l'acte de bâtir dépendait souvent des concepts d'une seule personne, ce qui a effectivement donné lieu au siècle dernier à des aménagements urbains homogènes. Mais, depuis lors, la démocratie a heureusement évolué et elle est devenue participative. L'acte de bâtir est également devenu beaucoup plus complexe avec toutes les incidences qu'il provoque sur l'environnement et la qualité de vie. L'approche urbanistique et architecturale est devenue collective avec de nombreux acteurs; elle doit être interdisciplinaire, avec une participation effective des différents acteurs qui sont non seulement les constructeurs, mais également les utilisateurs et les représentants de la population. A ce sujet, il faut souligner le rôle très positif qu'ont joué les commissions consultatives dans notre canton en matière de préavis portant sur l'approche urbanistique et architecturale de notre canton. Elles suscitent l'éclosion de véritables débats et l'expression d'avis différents favorisant la recherche des solutions les plus appropriées.
Non seulement l'approche consistant à donner dans le domaine de l'urbanisme et de l'architecture une sorte d'autorité morale à une seule personne nous paraît erronée et dépassée, mais encore le rôle de cette personne risque de se trouver en porte-à-faux avec celui des commissions consultatives, qui seront dévalorisées, et avec celui des responsables du DTPE chargés de traiter les dossiers des projets de construction. Il faut aussi souligner que les décisions en matière de construction ont des effets directs sur la population et il s'agit que le magistrat responsable du DTPE ou le Conseil d'Etat les assument à leur stade final, sans se décharger sur une personnalité qui n'assume pas de responsabilités politiques.
Toutes ces raisons nous amènent à recommander le rejet du projet de loi faisant l'objet du présent rapport.
Premier débat
M. Hervé Burdet (L), rapporteur de majorité. Je dois vous signaler qu'une erreur entache le premier paragraphe de mon rapport : il s'agit non pas des présidents successifs, mais des députés qui ont repris ce projet de loi, M. Büchi pour le groupe radical et M. Duvillard pour le groupe démocrate-chrétien.
Pour le fond, j'ai peu de commentaires à faire, si ce n'est que je voudrais rappeler à cette assistance qu'elle est bien longue la tradition genevoise qui veut que l'urbanisme dans cette République soit autoritaire et qu'on travaille sous le contrôle de l'architecte d'Etat. Depuis le Moyen Age on ne compte plus les édits, les ordonnances de la seigneurie et de ses successeurs, pour fixer dans les moindres détails la hauteur des portes, l'axe des voies de communication, l'ordonnance des façades, la disposition des jardins, etc.
Depuis la Renaissance, Genève s'appuie, pour la réalisation d'édifices publics, sur l'art d'un architecte d'Etat. Nous avons eu Pernet-de-Fosse, qui a réalisé les fortifications de l'ancienne République, Nicolas Bogueret qui a réalisé le bâtiment dans lequel nous sommes en train de siéger et dont une salle porte le nom.
Les architectes d'Etat ou architectes cantonaux ne sont donc pas une nouveauté dans cette République. En outre, je n'aurais garde d'oublier, moi qui vient de la capitale des Communes-Réunies, c'est-à-dire de la capitale sarde du sud du canton, que la tradition de l'architecture volontariste a permis de réaliser l'édification de Carouge, qui est une petite ville - Mme Deuber-Pauli disait que c'est la seule ville créée en Suisse depuis la fin du Moyen Age - dont la réussite architecturale est incontestable, et que viennent visiter de nombreux touristes. C'est l'exemple même de l'utilité d'un architecte cantonal.
Pour compléter l'évocation des architectes d'Etat ou architectes cantonaux, dont je vous ai déjà cité deux noms, pour les Genevois, je voudrais ajouter ceux de Francesco Garella, Giuseppe Battista Piacenza, Vicenzo Manera, Filippo Nicolis di Robilant, Giuseppe Vianna, Lorenzo Gardino, qui sont responsables de l'urbanisme carougeois et ont déterminé la manière de pratiquer l'architecture dans un Etat. Nous vous proposons de prolonger leur action - évoquant au passage l'oeuvre de l'architecte Braillard - en désignant le nouvel architecte d'Etat, l'architecte cantonal.
M. Dominique Hausser (S), rapporteur de première minorité ad interim. Ah ! que cela me fait plaisir d'entendre un libéral prôner le rôle de l'Etat ! Je reviendrai très brièvement sur le fond du sujet. M. le rapporteur de majorité Burdet disait que probablement le groupe socialiste présenterait des amendements à ce projet de loi en séance plénière.
Mais ce projet est tellement mal ficelé que nous avons décidé de nous y opposer et de ne pas mener une bataille procédurière qui, étant donné le rapport de force, serait de toute façon perdue. Nous ne pensons pas être en mesure d'en faire un projet de loi cohérent dans cette enceinte.
Le deuxième point que je voudrais soulever, c'est que M. Burdet semble confondre autoritarisme et démocratie, le rôle d'un Etat de droit divin et celui d'un Etat démocratique. Le projet de loi, tel qu'il nous est proposé aujourd'hui, même si, à l'origine, il avait avant tout pour objectif de mettre des bâtons dans les roues du précédent chef du département des travaux publics, tente aujourd'hui de renforcer une tendance du Conseil d'Etat de mener une politique de droit divin.
Je conclurai en disant que si le roi Babar avait pour conseiller personnel la Vieille Dame, pour améliorer la qualité de la vie de son peuple, aujourd'hui, M. le conseiller d'Etat aurait avantage à continuer de travailler avec les différents partenaires sociaux et démocratiques dont nous avons doté notre République.
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Une simple constatation qui ne fera sans doute pas très plaisir à M. Burdet. Je suis également un admirateur de Carouge, mais je sais aussi que le dernier architecte cantonal que nous avons eu a été radié par un conseiller d'Etat libéral à la suite d'une «grave erreur» qu'il a commise. Mais je m'arrête pour l'instant, nous aurons l'occasion d'y revenir.
Le président. Monsieur le député Nissim... (M. Burdet interrompt le président.)
M. Pierre Meyll, rapporteur de deuxième minorité. Ecoutez, M. Burdet vient de me demander si je parlais de Versoix ! Nous n'avons pas les moyens de nous payer un architecte «cantonal», mais nous le choisirions sans doute mieux. Je précise simplement - si M. Burdet l'a oublié - que la fameuse histoire de l'édification de la banque étrangère en l'Ile se passait dans le canton, et que c'est l'architecte cantonal, adjudicataire des travaux à l'époque, qui est responsable de ce que nous devons bien appeler une «forfaiture». (Exclamations.) Cela vous fait réagir, mais vous démontre à quoi la faiblesse humaine nous expose. Il a fallu un magistrat libéral pour y remédier. (Réactions.) Oui, je parle bien de l'architecte cantonal et sans doute votre mémoire n'est pas assez bonne pour vous en souvenir. C'est parfois un avantage d'être vieux ! Etre le doyen, c'est parfois avoir le rôle de mémoire.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je crois bien que ma collègue Marlène Dupraz a levé la main avant moi, mais je prends volontiers la parole maintenant. Je pensais être bien représenté par les deux rapporteurs de minorité et qu'il n'y avait pas besoin d'en avoir un troisième, mais j'ai quelques nuances à apporter à ce qui vient d'être dit.
Je me souviens d'une intervention, à mon avis remarquable, faite en commission par M. Dufey. Il disait que trois critères doivent déterminer le choix d'un architecte cantonal. Le premier est l'amitié. Il faut que l'architecte cantonal s'entende bien avec le chef du département. Vous savez que j'attache, personnellement, beaucoup d'importance à ce critère subjectif, mais vous conviendrez qu'il est difficile de légiférer sur l'amitié. Comment codifier cela dans une loi ? (Rires.)
Le deuxième critère est l'indépendance. Cette personne doit être suffisamment forte pour être indépendante et cela pose un autre problème qui est celui du statut du fonctionnaire, dont M. Hausser parle dans son rapport. Si l'on veut qu'il soit indépendant, il ne faut pas qu'il soit fonctionnaire, car cela lui lie les mains. Par conséquent, il doit être au bénéfice d'un contrat de droit privé, mais dès lors, comment faire une loi ?
Les compétences représentent le troisième critère. Cet architecte doit avoir une large vision de notre architecture urbaine, il faut qu'il ait du talent, du génie, qu'il soit efficace... et, là aussi, comment légiférer ?
En sorte, nous étions malheureux dans cette commission, car nous étions quelques-uns à sentir la nécessité et le rôle de cet architecte cantonal, mais avions un peu de peine à élaborer une loi suffisamment souple. Nous avons été tentés de penser que la loi la plus souple était : «pas de loi du tout». C'est ce qui a d'ailleurs permis à M. Joye, sans loi aucune, d'embaucher l'actuel architecte cantonal.
Ensuite nous avons tout le problème de ce qui est désigné par le vocable de «XXX cantonal», dont M. Hausser parle aussi dans son rapport en évoquant les diverses fonctions suivies de l'adjectif «cantonal» avec des exemples. Je crois, contrairement à M. Hausser à l'issue de sa démonstration, qu'il n'est pas impossible d'avoir un architecte cantonal. C'est difficile, bien sûr, mais pas impossible.
Il me reste encore deux raisons pour marquer mon opposition, la première étant : «Vaut-il vraiment la peine de faire une loi ?». La deuxième se rapporte au traitement, au style de vie qu'il implique; ce monsieur est très bien payé pour un mi-temps. Il doit beaucoup voyager en avion et il nous est un peu difficile d'imaginer qu'une personne qui voyage dans toute l'Europe, qui travaille à mi-temps à Paris, à mi-temps à Genève, en dépensant beaucoup de temps et d'énergie, puisse encore assumer une telle responsabilité. Cela nous gêne un peu et c'est la raison pour laquelle j'ai refusé ce projet de loi.
Mme Marlène Dupraz (AdG). J'aimerais tout d'abord remercier M. Pierre Meyll pour l'excellence de son rapport de deuxième minorité. Il témoigne de son sens aigu de réalisme et d'une vive pertinence. Un condensé fort bien rédigé, qui fait la lecture de l'essentiel de ce qui se donne à lire à travers une information, je dois le dire, bien opaque.
Tout comme vous, sans aucun préjugé à propos de cette proposition, à laquelle en deux ans, M. Joye, idéologiquement secondé par M. le député Koechlin, nous a familiarisés, j'ai commencé à examiner les minces informations qui nous ont été libérées, je dois l'avouer, avec une religieuse parcimonie.
Je vous fais l'économie des nombreuses anecdotes qui entourent cette affaire. En un mot, il n'y a jamais eu, ni peu ni prou, un seul vrai débat.
A présent il faut se prononcer sur l'adoption de cette loi. S'agit-il d'un manifeste artistico-culturel, édité par une quelconque société des arts ?
Non ! cela veut prétendre être une loi, mais lisez bien son texte. Dans quel style est-il rédigé ?
Qu'est-ce donc qu'il articule qui puisse se reconnaître comme faisant autorité et loi ? De l'article 1 à l'article 3, alinéa 4 compris, ce n'est que le résumé des explications que le Conseil d'Etat a bien voulu nous livrer par la bouche du chef actuel du département.
Seul l'article 4 défend un principe - réprouvé par l'Alliance de gauche - le contrat de droit privé avec son alinéa 2 qui protège le Conseil d'Etat de l'éventuelle prise du pouvoir par l'architecte cantonal et par le chef du département. Comprenons que, sur le chef du département et son département, quel que soit le régime politique, la tutelle y est solidement placée.
Vite l'Alliance de gauche dit énergiquement non, et met en garde les autres formations politiques de gauche contre l'incommensurable dégât que ce parlement est entraîné à commettre.
Relevons tout de suite que des données nous n'en disposons pas plus qu'au début du scrutement de ce projet.
M. Cattani... Non ! je dois dire M. l'architecte cantonal; M. Cattani en tant que personne n'est pas en cause. M. l'architecte était en période probatoire depuis de nombreux mois. Il l'est encore aujourd'hui, c'est-à-dire en fonction et rétribué depuis bientôt deux ans, en mars 1996.
Comment l'est-il sur le plan comptable de la gestion ? L'article 5 prononce le principe de l'assimilation de cette fonction à une fonction dans une administration de l'Etat. Et il prononce en même temps l'aval de son traitement.
L'article 6 donne une deuxième carte blanche au Conseil d'Etat en fixant son entrée en vigueur quand cela lui semblera bon. Il ne la mettra en vigueur qu'une fois assuré que le climat d'opposition sera neutralisé.
Revenons légèrement en arrière pour dénoncer à quel point les commissaires ont été promenés et dupés.
Une voix. C'est pas vrai !
Mme Marlène Dupraz. Peut-être pas vous, mais les autres députés n'ont pas eu droit au débat comme ils l'auraient voulu ! Nous avions aperçu deux fois l'architecte cantonal. Il nous a été montré avec des commentaires et des réponses données exclusivement par le chef du département. Autant dire que M. Cattani nous a été montré dans une vitrine derrière un écran libéral d'éloges faits à son endroit.
Nous sommes sensés faire le choix, selon ce Conseil d'Etat, d'un homme aux qualités multiples et hors du commun. Une grosse pointure - pour reprendre les termes de M. Joye. Et comme gage du bon choix, M. Joye nous en a dit tout le bien de l'avoir trouvé, et que du bien sur sa retentissante intervention dans le construction du cycle de l'Aubépine.
Ses fonctions ? Entre autres, jouer le rôle d'exergue de la Genève internationale : celui de la promotion mondiale de la culture urbanistique et de l'art architectural. Pour cela, il lui faut être doué d'une autre qualité, celle-ci aussi, hors du commun, la qualité d'aménagiste. (Murmures.) Un rôle phare qui, je vous l'assure, après son installation au palais de la Jonction, nous coûtera plus que Versailles et les Champs-Elysées.
Inutile de continuer la liste des qualités et fonctions que recèle cette personnalité, sept conseillers d'Etat réunis ne font pas le poids d'un architecte cantonal... sic !
Il nous est permis d'être aujourd'hui plus que sceptiques, méfiants dirais-je, et médusés.
L'Alliance de gauche n'a plus réitéré sa demande d'être mieux documentée sur le dossier. En effet, il suffit de lire attentivement et avec sens critique le cahier des charges sur la fonction d'architecte cantonal pour comprendre que l'objectif principal est l'adoption d'un certain nombre de principes :
- démantèlement de la propriété et patrimoine administratifs publics;
- obtention de la caution financière pour le traitement de l'architecte cantonal;
- financement des nouvelles tâches dévolues à ce dernier ainsi que :
- le financement des nouvelles activités énumérées dans le chapitre «Objectifs» du cahier des charges, activités d'audience menées par le Conseil d'Etat, et le cas échéant, par les chambres de l'économie privée.
Nouveauté pour tous ! Une nouvelle structure devenue un véritable organe parasite greffé sur l'administration publique tout entière, organe qui détiendra toutes les données du canton, qui traitera toutes les informations et qui ne les acheminera que là où les milieux privés le voudront. Au public, on lui racontera ce que l'on voudra. Un véritable pool des affaires avec une situation dominante dans la maîtrise de toutes les stratégies, organe financé par le denier public.
Point n'est besoin de se rendre aux Etats-Unis pour admirer un tel pouvoir, tentaculaire et sans comparaison.
Et nous, parlementaires ? Nous ne serons là, plus que pour nous prostrer aux pieds de la radicale droite libéro-chrétienne et implorer clémence pour des dizaines de milliers de chômeurs et travailleurs exploités jusque dans les administrations - qu'on osera tout juste murmurer - de l'Etat. Le parlement comme le peuple seront réduits à l'impuissance et à entretenir son église économique. Les députés agiteront leur tête pour dire oui ou pour dire non, mais cela, sans effet ! (Protestations, brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît !
Mme Marlène Dupraz. Je le crie, pendant qu'il est encore possible. Ne votez par l'arme de votre suicide. Balayez cette loi qui n'en est pas une. C'est la main libérale mise sur tous nos biens. C'est du vol et c'est du recel. Ne laissez pas faire cette fatale farce !
M. John Dupraz (R). J'ai été vraiment impressionné par le discours de mon homonyme. Mais je reviendrai à quelques points plus précis de ce projet de loi.
Je remercie M. Joye, conseiller d'Etat, de se préoccuper d'avoir une base légale pour désigner un architecte cantonal. D'autres de ses collègues désignent des directeurs sans base légale, sans se préoccuper de l'avis du Grand Conseil.
Cela dit, j'ai encore été impressionné par le rapport dithyrambique de notre collègue, M. Burdet. Lorsque j'ai lu ce rapport, moi qui ai fait l'université d'Athenaz. (Rires.) ...je me suis demandé comment un seul homme peut faire à mi-temps tout ce qui est consigné dans ce rapport. Ce n'est pas possible.
Vu l'importance de cette mission, je ne vois pas comment un homme peut l'accomplir à mi-temps. Le groupe radical est convaincu qu'un architecte cantonal peut apporter beaucoup à la République et à notre canton, qu'il est nécessaire, mais que, pour cela, il doit donner tout son temps à l'Etat.
Car si nous avons un personnage de cette importance, avec la compétence que l'on exige et la disponibilité dont il doit faire preuve pour remplir cette mission, travaillant dans un cabinet privé, tôt ou tard, Mesdames et Messieurs les députés, se posera le conflit de compétences.
Une voix. D'intérêts !
M. John Dupraz. Oui, je voulais dire d'intérêts !
Tôt ou tard, ce bureau sera ici ou là membre d'un concours ou adjudicataire de travaux importants pour les collectivités publiques.
Alors, il vaut mieux d'emblée éviter ce problème. C'est pourquoi nous souscrivons à ce projet de loi, mais nous y apportons deux amendements, que j'ai déjà déposés lors de la dernière séance.
D'une part, il s'agit à l'article 1 de remplacer :
«...le Conseil d'Etat désigne un architecte cantonal...»
par
«...le Conseil d'Etat nomme un architecte cantonal...»
Et, d'autre part, nous proposons de supprimer totalement l'article 4.
Cela n'empêchera pas le Conseil d'Etat de faire un contrat de droit privé, limité dans la durée, pour l'engagement d'un architecte cantonal.
C'est dans un esprit constructif que nous faisons ces propositions pour avoir un homme qui consacre tout son temps, toute son énergie et toute sa compétence au service de la République.
M. René Koechlin (L). D'abord, à titre préliminaire, j'avoue que j'ignorais être le support idéologique de quiconque. Cela dit, Madame Dupraz, je n'entrerai pas dans votre dialectique, ne vous en déplaise.
Dire, comme le fait le rapport de première minorité, qu'un homme seul ne peut assumer la supervision et encore moins le suivi de l'ensemble des domaines de l'aménagement de l'urbanisme et de l'architecture, c'est faire preuve d'une profonde méconnaissance de la question, Monsieur Hausser.
Au contraire, seule une forte personnalité peut donner des impulsions déterminantes avec une vision créatrice claire.
Seule une telle personne peut prendre les distances qui permettent d'apprécier les problèmes et d'en établir la synthèse. Car c'est bien de cela dont il est question : d'un homme de synthèse, qui fait cruellement défaut actuellement dans cette fonction.
A l'instar d'un orchestre qui a besoin d'un chef pour diriger les exécutants, l'architecture implique le concours de cette compétence suprême pour en assurer la cohésion. Vingt et un cantons ont compris cette nécessité et possèdent un architecte cantonal. Genève est le seul canton à faire exception.
Faut-il que l'architecte cantonal soit un mandataire ou un fonctionnaire ? Pour moi, ce rôle implique toute l'indépendance requise, et c'est pour ces motifs aussi, pour reprendre l'image musicale, que le chef de l'OSR n'est pas un fonctionnaire de l'administration. Cela dit, si l'architecte cantonal en était un, je n'en retournerais pas la main et je suis prêt à me rallier à la proposition évoquée tout à l'heure par mon préopinant.
Enfin, pour répondre à l'une des objections formulées par l'un des rapporteurs de minorité - il s'agit toujours du même d'ailleurs - s'il est vrai qu'une loi ne garantit pas la personnalité du candidat qu'elle appelle, cette même loi impose, en revanche, que l'exécutif recherche le meilleur et fasse appel à celui - ou celle - qui possède la plupart des compétences, ou simplement le profil qu'implique ce rôle primordial.
Y renoncer équivaut à se complaire dans une confortable médiocrité, dont seuls les détracteurs de cette loi peuvent être les champions, médiocrité dont on préfère se contenter, plutôt que de prendre le risque de tenter de la sublimer. M. Meyll a cité un mauvais exemple pour condamner la fonction. Vous savez bien, Monsieur, que «qui ne risque rien n'a rien».
Le risque c'est que l'architecte soit mauvais. Eh bien s'il est mauvais qu'on le congédie ! C'est la raison pour laquelle j'aurais préféré un mandat, car il est plus facile de résilier un mandat que de renvoyer un fonctionnaire et vous êtes bien placé pour le savoir. Cela dit, je répète que je ne retournerai pas la main s'il s'agit d'un fonctionnaire.
Enfin, je partage le point de vue de M. Dupraz, lorsqu'il dit qu'une fonction de cette importance implique nécessairement un emploi à plein-temps. Dans les cantons dont je connais l'architecte cantonal, je puis vous dire que celui-ci assume plus qu'un plein-temps, que cette fonction requiert sa consécration totale qui va bien au-delà des horaires requis pour un simple fonctionnaire.
C'est également cette consécration, c'est-à-dire cette «capacité de se consacrer», qui fait la qualité du rôle et de la personne. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, en acceptant les amendements proposés tout à l'heure par M. Dupraz, je vous demanderai de voter ce projet de loi.
M. Chaïm Nissim (Ve). Les interventions de MM. Dupraz et Koechlin, mes deux préopinants, vous montrent bien en quoi ce projet de loi est superfétatoire.
Ils viennent en séance plénière vous dire qu'ils ne savent pas eux-mêmes si cet architecte cantonal doit être un mandataire ou un fonctionnaire. Lorsque M. Dupraz nous propose de supprimer l'article 4, et souhaite qu'il soit un fonctionnaire, il oublie qu'en commission tout le monde était d'accord que ce devait être un mandataire.
C'est l'indépendance de cette personne qui pose problème. M. Koechlin vient de dire qu'il n'attachait pas d'importance au fait qu'elle soit un mandataire ou un fonctionnaire. Cela signifie que nous ne sommes pas d'accord, même au sein de la majorité, sur le rôle de cette personne. En fait, c'est son indépendance qui est en question.
Par conséquent et du fait qu'en séance plénière, à l'intérieur même de la majorité, il y a désaccord sur le rôle de la personne, je dis que le projet est mal ficelé et qu'il est inutile en l'état.
M. Claude Blanc (PDC). Il est clair que la République aurait pu continuer à vivre sans ce projet de loi, tant il est vrai que, sans celui-ci, M. Joye a pu s'assurer la collaboration et les conseils de la personne qu'il a jugé digne de les lui donner.
Il est évident que le chef du département des travaux publics et de l'énergie doit prendre le recul nécessaire par rapport aux dossiers qui lui sont soumis, a fortiori lorsqu'il est lui-même du métier. Il doit pouvoir disposer du soutien d'une personne qui soit une sommité dans son domaine, et qui puisse lui donner un éclairage qu'il n'a pas forcément lui-même, contraint qu'il est d'avoir constamment le nez dans ses dossiers.
Cela étant, puisque le projet de loi a été déposé et qu'il a été travaillé par la commission, nous l'accepterons. Nous sommes également d'avis qu'il conviendrait de supprimer l'article 4; nous le sommes moins, par contre, de modifier l'article 1. Si nous acceptons que le Conseil d'Etat «désigne» un architecte cantonal, nous ne pensons pas que ce personnage doit être «nommé» fonctionnaire, il doit jouir de suffisamment de liberté par rapport à l'Etat pour pouvoir donner son avis. Mais l'Etat doit avoir suffisamment de liberté, par rapport à cette personne, au cas où ses vues ne correspondraient pas aux siennes, pour s'en séparer au besoin.
Si l'on se lie - dans un domaine aussi subjectif que celui de l'art et de l'architecture dans le cas présent - par un statut de fonctionnaire, nous serons obligés de poursuivre dans une voie déterminée par lui, même si en fin de compte cette voie devait nous sembler moins bonne, ce qui serait dommageable pour la République et pour la personne en question.
C'est pourquoi nous sommes d'avis que les liens ne soient pas de fonction publique, mais de mandataire. Cela étant, nous accepterons la suppression de l'article 4.
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Je voudrais répondre à M. Koechlin qui disait que l'architecte cantonal de 1961 était un «accident». Cet «accident» a quand même perduré vingt ans. De 1961 à 1981, nous avons eu au département des travaux publics trois magistrats libéraux qui n'ont pas jugé nécessaire de s'entourer d'un architecte cantonal, c'est assez clair.
Puis est arrivée la période Grobet. Alors là, animés de ce fameux «antigrobétisme primaire», il était clair qu'il fallait lutter et établir à toute vitesse ce projet de loi qui a bien traîné devant les commissions, puisqu'il date tout de même de 1988.
Il y a eu douze séances en tout, la première série de séances s'étant arrêtée le 18 juin - ce n'est pas l'appel du 18 juin. Elle a repris lorsque M. Joye a nommé un architecte cantonal. A ce moment-là, on a ressorti des dossiers une loi complètement périmée, qu'on a essayé de raviver en la coupant des nombreux artifices dont elle était dotée précédemment et à rediscuter de tous ces problèmes.
Lors des séances de commission, nous avons pu comprendre qu'en fait nous avions là un homme miraculeux. Rendez-vous compte, cet homme arrive à nous fournir un dossier volumineux. Je ne veux pas faire état du panégyrique fait par M. Joye concernant tous les travaux et les oeuvres titanesques entrepris par cet architecte. Et il parait qu'il répond même au téléphone !
Cet homme prodige ne nous coûte pas cher, car il ne travaille que deux jours par semaine. Il ne coûte que 120 000 F par année, ce qui fait 300 000 F s'il travaillait cinq jours, mais c'est une broutille quand on pense qu'à l'époque où le premier projet de loi a été fait il n'y avait pas un architecte digne de ce nom sur la place qui aurait accepté cette fonction à ces conditions, gagnant beaucoup plus dans la spéculation immobilière et dans la construction. C'est quand même la démonstration que c'est un homme miraculeux. Et puisqu'il est engagé, qu'on le conserve tel qu'il est, sans faire de projet de loi qui n'a plus de raison d'être.
Lorsqu'on nous dit que c'est un homme de synthèse, je ne sais pas comment on écrit «synthèse», mais si on l'écrivait en deux mots ce ne serait pas plus mal. (Rires.)
M. John Dupraz (R). Nous estimons que l'architecte cantonal est nécessaire et apporte un précieux concours à la gestion du patrimoine bâti de notre canton.
Si certains sont de l'avis qu'il ne faut pas en faire un fonctionnaire mais plutôt un mandataire, je puis répondre à M. Nissim qu'il doit tout son temps à l'Etat et qu'il ne peut pas avoir d'activité dans le secteur privé pour éviter les conflits d'intérêts dont on a parlé tout à l'heure. Je ne préjuge pas s'il doit être un fonctionnaire ou s'il peut être engagé sur la base d'un contrat de droit privé, limité dans le temps. Je rappellerai à ce parlement que M. Vodoz a engagé son secrétaire général, M. Mabut, sous la forme d'un contrat de droit privé, limité dans le temps.
C'est au Conseil d'Etat d'en décider. Les conseillers sont en mesure de juger de la manière dont ils désirent engager leurs collaborateurs. Du reste, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons dans notre République un ingénieur cantonal et jamais personne ne s'est posé la question de savoir s'il devait être un mandataire, travailler dans le privé ou à l'Etat. Il travaille à plein-temps à l'Etat et c'est un fonctionnaire. Je ne crois pas que les compétences de l'ingénieur cantonal soient mises en cause; elles sont reconnues par chacun.
Alors je ne vois pas le dilemme que nous pourrions avoir en votant la loi telle qu'elle est proposée avec les amendements. Nous pouvons laisser au Conseil d'Etat le soin de nommer cet architecte cantonal, apprécier les modalités de son engagement et voter ce projet de loi, en remerciant M. Joye de nous soumettre cette question.
M. René Koechlin (L). Je souhaite répondre à M. Nissim, mais M. Dupraz l'a déjà fait en partie.
Une voix. Alors tais-toi! (Rires.)
M. René Koechlin. Si tu veux ! Je voulais simplement ajouter que les exemples d'architectes cantonaux sont nombreux, puisque vingt et un cantons en ont un. Ils sont tantôt fonctionnaires, tantôt au bénéfice d'un contrat de droit privé, et je constate que cela ne change rien à leur qualité. Je citerai M. Attinger dans le canton du Valais - je dirai «Attineguère» pour que Mme Dupraz comprenne - (Rires.) M. Dresco dans le canton de Vaud, M. Fingerhut, dans le canton de Bâle, qui sont d'excellents architectes cantonaux; ils ont tous, sauf erreur, des contrats qui ressemblent plus à un contrat de fonction qu'à un contrat de mandat et cela n'enlève rien à leur qualité; c'est pour cela que je ne retournerai pas la main si ce Grand Conseil décidait que ce soit un fonctionnaire.
Mme Sylvie Châtelain (S). Je ne vais pas refaire le débat qui vient d'avoir lieu, mais je remarque, au travers des interventions qui ont été faites ce soir qu'il reste beaucoup de doutes et que la situation n'est pas encore claire. Ces mêmes doutes ont également été exprimés et ressentis en commission.
Si, selon les auteurs du projet de loi, nous cherchons une personne d'exception qui possède une culture et des compétences hors du commun, le projet de loi qui vous est présenté ce soir ne pourra jamais garantir de trouver une telle personne. Que se passera-t-il lorsque nous ne pourrons trouver la perle rare ?
Une voix. Eh ben, on s'ra dans la merde ! (Rires.)
Mme Sylvie Châtelain. Merci Monsieur Dessimoz !
La deuxième interrogation à propos de la nécessité de travailler en osmose avec le chef du département est de nouveau quelque chose que cette loi ne peut pas garantir. En effet, si le chef du département a envie de travailler en osmose avec une personne, il le fera et cela a été prouvé par le président actuel; s'il n'en a pas l'intention, je ne vois pas comment une loi pourrait l'y inciter.
Enfin si la loi vise - ce qui me paraît peut-être le plus important - à garantir une bonne coordination des projets, avec une vision globale des problèmes d'urbanisme et d'aménagement dans notre canton, elle n'est pas vraiment indispensable et il existe certainement quelqu'un au sein de l'administration cantonale qui pourrait parfaitement remplir ce mandat.
Etant donné que nous n'avons pas obtenu jusqu'à ce soir de réponses concernant ces différents points, je proposerais que ce projet de loi, qui n'est visiblement pas arrivé à maturité, retourne en commission afin que nous puissions soit le laisser de côté, soit lui donner la forme définitive qu'il convient.
M. Christian Grobet (AdG). M. Koechlin a fait état de vingt et un architectes cantonaux en Suisse, mais, Monsieur Koechlin, en nous donnant cette indication, vous semez une certaine confusion dans les esprits, en ce sens que, dans la plupart des cantons, les architectes cantonaux assument, comme vous le savez, une fonction hiérarchique. C'est toute l'ambiguïté du présent projet de loi, ambiguïté encore accentuée par l'intervention de M. Dupraz qui a parlé de l'ingénieur cantonal.
Dans la plupart des cantons, le directeur du génie civil ou le directeur des constructions voire la police des constructions, se voit accorder simultanément le titre d'architecte cantonal ou d'ingénieur cantonal. C'est la raison pour laquelle il y a un architecte cantonal dans ces cantons. Nous avons aussi une conférence des architectes cantonaux, à laquelle participe le directeur des bâtiments, ou des constructions nouvelles, du département des travaux publics, M. François Reinhardt, bien qu'il ne soit pas architecte diplômé.
Le présent projet de loi vise autre chose, il vise à créer une fonction ad hoc pour une personne. (L'assemblée rit en voyant M. Balestra arborer un tee shirt, sur lequel est inscrit : «Genève salue son armée».) Je ne doute pas que M. Balestra et ses amis soient nombreux à aller saluer le défilé militaire ! Nous ferons les décomptes.
Cela dit, revenons à notre sujet. Je voulais insister sur le fait que nous ne pouvons pas comparer notre situation à celle d'autres cantons où le statut d'architecte cantonal est, en fait, un titre accordé à un haut fonctionnaire ou à un cadre du département des travaux publics, plus précisément, avec la création de cette fonction particulière à Genève, qui comporte un certain nombre de tâches sans fonction hiérarchique ou fonction de cadre.
Nous pouvons nous poser la question de savoir s'il est nécessaire de créer une pareille fonction et de payer la personne chargée de cette mission au niveau de son salaire actuel, car il faut bien reconnaître que 120 000 F, pour deux jours de travail par semaine, est une rémunération particulièrement élevée, même si M. Joye a déclaré que les francs sont relativement légers. Je ne sais pas si M. Vodoz, qui serre les cordons de la bourse, partage le même point de vue.
Nous pensons, quant à nous, que cette dépense est exagérée si l'on tient compte, en plus, de toutes les autres dépenses qui l'accompagnent, puisque, semble-t-il, il y a encore un adjoint, dont nous ne connaissons pas le salaire, ni les conditions d'engagement. Nous voyons que ce service est déjà en train d'enfler. Il est regrettable, Monsieur Dupraz, puisque vous avez le sens de la précision, que vous n'ayez pas complété le projet de loi en prévoyant les postes de cet adjoint, de la secrétaire et de tout le service qui va avec.
Une voix. C'est une parole de juriste !
M. Christian Grobet. Ce n'est pas une question de juriste, mais une simple question. Je crois que l'université d'Athenaz est à même de le comprendre ! Et comme l'université d'Athenaz rend les députés très redoutables, puisque même M. Nissim s'est fait prendre au piège en croyant qu'il y avait une divergence entre vous et M. Koechlin. Après la déclaration de M. Blanc, j'espère que vous aurez compris que l'amendement de M. Dupraz est très habile, mais ne modifie rien à la situation. (Protestations de M. Dupraz.)
Mais oui, vous êtes un député très habile, Monsieur Dupraz, c'est une qualité, mais il faut que d'autres députés, aussi habiles que vous, discernent ce qui est en cause derrière l'amendement ! En supprimant l'article 4, vous ne fixez pas le statut, vous laissez la question totalement ouverte et, comme M. Koechlin et M. Blanc l'ont déclaré, cela permet d'engager un fonctionnaire ou une personne sous contrat de droit privé, peu importe... (Manifestations.)
Je ne critique pas l'amendement en tant que tel, je dis simplement Monsieur Dupraz, qu'il n'a pas la portée que vous avez laissé entendre tout à l'heure dans votre intervention et qu'il ne va pas nous convaincre de voter ce projet de loi. Nous pensons, au contraire, que la démonstration a été faite que l'architecte cantonal en fonction actuellement ne répond pas à une nécessité.
Mme Marlène Dupraz (AdG). Ce que je voulais préciser... - M. Grobet l'a fait magistralement bien - (Exclamations.) ...c'est que les architectes cantonaux, M. Stehling et M. Attinger, sont les deux architectes cantonaux que nous avons rencontrés. Ils sont sous le régime des fonctionnaires, et non pas mandatés, au bénéfice de contrats de droit privé.
Sur le plan législatif, administratif, pour tous les usagers, pour son département, comme les milieux privés et publics, le fonctionnaire présente toutes les garanties d'égalité de traitement, avec les devoirs et les restrictions que cela implique.
Pour venir au secours de M. Blanc, et M. Blanc au secours de son camarade, M. Joye, je propose que nous l'acceptions avec un statut de conseiller personnel, que vous présentiez un autre projet de loi pour un conseiller personnel du chef du département. A ce moment, le parlement pourra l'accepter... Il fera peut-être cette largesse !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je crois que Mme Châtelain a admirablement résumé la situation. La fonction de l'architecte cantonal, à mon avis, n'aurait pas besoin d'être officialisée par un texte légal. Cela constitue, du reste, une sorte d'ingérence du législatif dans l'exécutif, que je regrette personnellement, mais à laquelle je me soumets volontiers.
Au sujet des vingt et un architectes cantonaux, dont M. Grobet a parlé, je précise qu'ils gèrent souvent en plus des questions de créativité pour lesquelles on consulte l'architecte cantonal, c'est-à-dire le patrimoine immobilier notamment.
Ils font d'office partie d'une multitude de commissions et je puis vous dire que l'architecte cantonal fribourgeois, neuchâtelois ou valaisan voit son temps absorbé à 50 voire 70% par des activités qui n'ont rien à voir avec la créativité.
Pour gérer un parc de sept cents à mille immeubles, avec, comme c'est le cas à Genève, la prise en charge de la responsabilité de l'ensemble des organisations internationales, pour les questions de construction, tout en assumant, en plus, des activités de gestion, de contrôle, d'adjudication, et cela avec créativité, dynamisme pour faire bouger les choses dans le domaine de l'architecture, peu de gens sont capables de le faire sans assistance aucune.
C'est fort de cette constatation que je me suis dit que M. Reinhardt n'est effectivement pas architecte cantonal, mais qu'il remplit admirablement bien les fonctions technico-administratives de gestion et de construction dans son service. On ne pouvait pas lui demander - il est juriste - d'être créatif et de donner à Genève de nouvelles impulsions.
C'est la raison pour laquelle je me suis dit qu'il était bon d'avoir un directeur qui est M. Reinhardt et une autre personne qui soit un créatif. Vous pouvez d'ailleurs constater que dans la plupart des bureaux d'architecture il y a de telles associations, constituées de deux personnalités, l'une qui assure la créativité et l'autre qui gère et garantit la qualité et la bonne marche des chantiers.
J'ai repris les désirs des diverses associations de professionnels qui ont travaillé sur le projet de l'architecte cantonal en 1987 et 1988 et j'ai pensé que le choix que je proposais répondait aux demandes de ces associations.
Si les architectes cantonaux sont des fonctionnaires et qu'ils restent toute une vie dans un service, je ne suis pas sûr qu'ils aient pendant trente-cinq ans la même capacité imaginative et créatrice et c'est normal. A titre d'exemple, M. Fingerhut, qui est certainement l'un de nos meilleurs aménagistes, a d'abord été indépendant avant un passage d'une douzaine d'années, à Bâle. Puis, ensuite, il est redevenu indépendant.
Merci, Monsieur Burdet, pour vos explications et votre rapport très fouillé et fondé historiquement. Quelles doivent être les qualités de l'architecte cantonal ? De mon point de vue, il doit avoir une envergure et une compétence architecturale reconnue au niveau international. Nous ne sommes pas une ville de province, comme le disait Gustave Ador, nous sommes la plus petite des grandes villes. Nous avons des bâtiments d'envergure internationale, qui dépassent de loin les dimensions classiques d'un canton comme le nôtre et personne ne peut dire que M. Cattani ne sait pas de quoi il parle.
De l'Association Nouvel & Cattani, maintenant dissoute, les oeuvres telles que : l'Institut du monde arabe, la salle de congrès du CERN, l'Opéra de Lyon, les immeubles locatifs hyper bon marché de Nîmes, figurent certainement parmi les trois cents réalisations les plus importantes contemporaines sur le plan mondial. M. Cattani est très franc, cela peut faire souffrir, mais il est vrai aussi qu'il ne fait pas que critiquer, il propose des solutions.
Contrairement à beaucoup, il ne fait jamais de rétention d'idées, parce que des idées, il en a. Et pour qu'un architecte cantonal soit efficace, il faut qu'il ait des relations sainement «conflictuelles» avec le patron du DTPE. Le mandat d'architecte cantonal peut être résilié en tout temps dans sa formulation actuelle, ce qui permet, s'il y a une sérieuse divergence, de se séparer.
Un architecte cantonal du secteur privé, travaillant à 40% pour 120 000 F, dont 20 000 F d'impôts retenus à la source, coûte moins cher qu'un architecte fonctionnaire nommé à vie, qui représente, avec les avantages sociaux divers et justifiés, au moins 150 000 F de dépense à l'Etat.
Je ne m'oppose pas du tout à la suppression de l'article 4 et suppose que l'article 1 n'exclut pas que le Conseil d'Etat désigne ou nomme un architecte cantonal selon des régimes juridiques différents, soit fonctionnaire soit privé.
Le canton de Genève doit faire montre d'une créativité importante. Nous devons refaire surface et nous réaffirmer, poser des marques de qualité pour des objets modernes. C'est très important. Il ne s'agit pas de faire des objets de 100 millions francs, de petits objets pouvant également être adéquats.
Nous avons des architectes qui en fournissent une très belle démonstration : M. Ugo Brunoni, avec son église en forme de sphère, la salle de congrès, la bibliothèque Le Corbusier, la serre de Lamunière. Nous avons de nombreux architectes de talent à Genève, mais cela n'exclut pas du tout la possibilité d'avoir un architecte de valeur internationale, qui ose dire ce qu'il pense et ne craint pas la contradiction.
Madame Dupraz, je crois que vous êtes manifestement du côté cour, et si vous croyez que je mets M. Cattani au frigo, dans un cube de verre, je vous prie de m'expliquer pourquoi et comment il a pu donner plus de quinze conférences et être interviewé par au moins dix journaux, interviews au cours desquelles il s'est exprimé tout à fait librement. Vos déclarations sont tellement doctrinaires, vos comparaisons tellement disproportionnées que je suis obligé de me retourner maintenant vers votre homonyme - je ne pense pas qu'il soit votre époux - M. Dupraz.
Monsieur Dupraz, je crois que ce qui vous différencie de M. l'architecte cantonal, quand vous exprimez votre étonnement, c'est que vous avez fait l'université d'Athenaz et que cette université est spécialisée dans le génie rural. M. Cattani a fait le polytechnicum de Lausanne et sa vitesse intellectuelle est certainement très grande.
Vous ne trouverez pas d'architecte de grand gabarit prêt à n'occuper qu'une fonction d'architecte cantonal à plein-temps. Les meilleurs professeurs d'architecture à l'université gardent très souvent - pour ne pas dire toujours - un bureau, dans lequel ils peuvent exercer leur créativité et subir les contrôles généraux, et dont on peut se séparer s'ils ne sont plus utiles.
Pour ce qui concerne la masse de son travail, j'ai à disposition, extraite de mon rapport, en page 43 - établi sur vingt-deux mois d'activité au DTPE - la liste que je tiens à votre disposition de trente objets principaux, auxquels il a donné des impulsions déterminantes, au sein de groupes du DTPE et des autres départements.
Quant à M. Yves Janet, il assume effectivement la fonction d'adjoint à l'architecte cantonal et représente une «courroie de transmission» indispensable. Je terminerai en disant que j'accepte l'amendement de l'article 4. En revanche, en ce qui me concerne, je n'accepte pas la modification de l'article 1 : «nommer», car je pense que le terme «désigner» laisse un plus grand espace de liberté. Mais en tout état de cause, si vous ne voulez pas de projet de loi, cela ne me gêne pas du tout.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission des travaux est rejetée.
Ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Art. 1
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de deuxième minorité. C'est presque tragique, nous avons discuté pendant douze séances du projet de loi - on nous a apporté tous les éléments pour nous convaincre, sans y parvenir - et nous entendons le chef du département nous dire que cela lui est égal si nous acceptons ou non ce projet de loi. Cela veut dire en clair que nous devons le retirer. Alors prenons-le au mot. (Brouhaha.)
Le président. Nous allons voter sur l'amendement
M. Claude Blanc (PDC). Avant de voter cet amendement j'aimerais que M. Dupraz explicite le sens de sa démarche, pourquoi veut-il remplacer un verbe par un autre, dites-le-nous de manière précise afin que nous sachions ce que nous votons.
Une voix. Quand un agriculteur fait de la sémantique, c'est comme ça ! (Rires.)
Le président. Monsieur Dupraz, vous n'avez pas l'intention de répondre à M. Blanc ?
M. Roger Beer (R). Simplement deux choses à l'adresse de M. le député Blanc. Pour nous, l'architecte cantonal représente une partie de l'autorité de l'Etat; à ce titre, il ne peut être un fanfaron. Qu'il ait un mandat de deux mois ou de six ans, il est nommé par le Conseil d'Etat dont c'est le rôle. Ce n'est pas au Grand Conseil de faire de grandes théories sur l'administration nommée par le Conseil d'Etat.
M. Claude Blanc (PDC). On continue à tourner autour du pot, Messieurs les radicaux, j'aimerais formuler ma question autrement : voulez-vous que ce personnage soit un fonctionnaire, oui ou non ?
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Cela devient comique, pour ne pas dire plus, mais ne croyez-vous pas que nous devrions avoir une déclaration du conseiller d'Etat, pour confirmer sa volonté d'avoir - ou non - un architecte cantonal ? Et puisque nous voyons que M. Joye hésite, je crois que M. Vodoz, président du Conseil d'Etat, devrait s'exprimer sur ce point.
M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Meyll, M. Joye veut évidemment un architecte cantonal; ce qu'il ne veut peut-être pas, c'est la loi. Il nous a déclaré qu'il n'a pas besoin d'une loi pour nommer un architecte cantonal, d'ailleurs déjà nommé.
C'est passionnant ce que vous avez déclaré, Monsieur Beer ! Vous avez dit textuellement que l'architecte cantonal doit être nommé par le Conseil d'Etat. Cela signifie que le Grand Conseil ne doit pas légiférer à propos d'un acte que le Conseil d'Etat peut accomplir tout seul. Vous venez de démontrer que ce projet de loi est inutile; c'est ce que nous nous sommes tués à dire à la commission des travaux pendant quatorze séances ou plus. C'est incroyable !
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je puis vous confirmer que je suis très heureux d'avoir un architecte cantonal. Depuis vingt-cinq ans, il n'y en avait pas eu à Genève, ce qui est un manquement grave, car le directeur actuel des bâtiments ne peut pas remplir cette fonction particulière qui est de la compétence d'un architecte cantonal.
Comme déjà évoqué, il n'est pas de ma compétence de dire si vous voulez, ou non, un projet de loi, mais, en tout état de cause, je persiste à dire qu'il nous faut un architecte cantonal.
M. Christian Grobet (AdG). M. Blanc a posé une question tout à fait pertinente tout à l'heure pour connaître la différence entre les termes «nommer» et «désigner». Je me suis permis de prendre le dictionnaire, et comme cela tout le monde la connaîtra - vous en premier - (Rires.) «Nommer» : c'est désigner une personne ! (Hilarité.) Je n'ai pas fini et cela intéressera surtout M. Blanc : «désigner» - ouvrez bien vos oreilles - c'est nommer d'avance ! (Hilarité, applaudissements.)
Une voix. Bravo Grobet !
M. Hervé Burdet (L), rapporteur de majorité. Contrairement à ce qui a été dit par plusieurs intervenants, la question n'est pas de savoir si le président du département des travaux publics ou le Conseil d'Etat veut un architecte cantonal. C'est le Grand Conseil qui fait la loi et c'est le Grand Conseil, sur la suggestion de la commission des grands travaux, qui suggère que nous ayons un architecte cantonal.
Il se peut que l'actuel président du département des travaux publics ait vu juste en désignant un architecte cantonal, mais une législation adéquate, qui justifie et précise la fonction d'architecte cantonal, est pleinement nécessaire. La commission des grands travaux propose donc à ce Grand Conseil de voter ce projet de loi et de prendre, sous la responsabilité du Grand Conseil et de la législation genevoise, la décision d'avoir un architecte cantonal.
M. Claude Blanc (PDC). Je remercie M. Grobet de son excellente démonstration, mais cela m'amène à reposer la question aux radicaux... (Rires.) Que signifie votre amendement et que doit-on voter ? Répondez quelque chose de sensé, si vous le pouvez !
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Dupraz visant à remplacer «désigne» par «nomme»:
«...le Conseil d'Etat nomme un architecte cantonal...»
Cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 2 et 3.
Art. 4
Le président. Je mets aux voix l'amendement suivant, qui consiste à supprimer l'article 4.
Cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 4 (ancien article 5) est adopté, de même que l'article 5 (ancien article 6).
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
sur la fonction d'architecte cantonal
(L 5 3)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Objet
Afin de promouvoir une architecture et un urbanisme de qualité, le Conseil d'Etat nomme un architecte cantonal, après consultation des associations concernées.
Art. 2
Qualifications
L'architecte cantonal remplit les conditions d'un mandataire professionnellement qualifié au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur, du 17 décembre 1982. Il doit de surcroît faire preuve d'une parfaite intégrité, posséder une culture et des compétences hors du commun et être au bénéfice d'une expérience professionnelle d'au moins 10 ans.
Art. 3
Missions
1 L'architecte cantonal joue un rôle essentiellement culturel. Il a pour mission:
a)
d'assister dans l'exercice de leurs fonctions, et à leur demande, le chef du département des travaux publics et de l'énergie, le Conseil d'Etat et les communes lors de l'élaboration et de la réalisation de projets dans les domaines de l'architecture, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire;
b)
de conseiller le chef du département des travaux publics et de l'énergie dans ses tâches et à sa demande, notamment en matière de programme et de projets d'architecture, de concours, de construction et d'urbanisme;
c)
de promouvoir l'information et la diffusion des projets dont il a la charge.
2 Le Conseil d'Etat peut confier à l'architecte cantonal des missions casuelles d'expertises ou d'arbitrage.
3 Les tâches de l'architecte cantonal sont clairement définies dans un cahier des charges. Il s'acquitte avec soin et diligence des missions qui lui sont confiées. Il agit dans l'intérêt général et dans le but défini à l'article 1.
4 L'architecte cantonal s'interdit toute prestation pour son propre compte ou celui de tiers sur le territoire du canton sans y avoir été autorisé préalablement et formellement par le Conseil d'Etat.
Art. 4
Règlement
Le Conseil d'Etat fixe, par voie réglementaire, les modalités d'application de la présente loi.
Art. 5
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.