Séance du
vendredi 10 novembre 1995 à
17h
53e
législature -
3e
année -
1re
session -
48e
séance
PL 7300
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:
Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur)
1 La Cour de justice comprend 12 à 18 juges, dont un président, un vice-président, 10 à 20 juges suppléants, dont5 désignés pour siéger à la Chambre d'appel des prud'hom-mes, 10 juges assesseurs rattachés à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers, soit 5 choisis dans les groupements représentatifs des locataires et 5 dans les milieux immo-biliers, ainsi que 2 juges assesseurs et 4 juges assesseurs suppléants rattachés à la Chambre d'accusation pour l'examen des demandes de mise en liberté et de prolongation de la détention.
Art. 2
Modification à d'autres lois (E 2 2)
1 La loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 janvier 1990, est modifiée comme suit:
Article 1, lettre b (nouvelle teneur)
b) 15 juges titulaires et 20 juges suppléants à la Cour de justice;
(E 2 4)
2 La loi sur la juridiction des prud'hommes, du 21 juin 1990, est modifiée comme suit:
Art. 53, al. 1 (nouvelle teneur)
Composition
1 La Chambre d'appel est composée d'un président, juge, ancien juge ou juge suppléant à la Cour de justice, de2 prud'hommes employeurs et de 2 prud'homme salariés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Il est notoire qu'en période de basse conjoncture la Juridiction des prud'hommes éprouve énormément de peine à satisfaire à l'exigence de rapidité instaurée par le législateur fédéral dans l'intérêt des justiciables.
L'engorgement se situe principalement au niveau de la Chambre d'appel, dont les délais de convocation sont de plus de 7 mois.
Une réforme en profondeur de la juridiction, à laquelle sont associés les partenaires sociaux, est actuellement à l'étude, mais elle ne portera pas ses fruits avant le renouvellement de la juridiction, prévu en 1999.
Dans l'intervalle, il existe un moyen simple, économique et politi-quement neutre de restituer son efficacité à la Chambre d'appel.
Il s'agit d'élire 5 juges supppléants supplémentaires à la Cour de Justice, qui seront spécifiquement affectés à la présidence d'audiences prud'homales. Il conviendra, bien sûr, que ces nouveaux suppléants soient choisis parmi des avocats motivés et connaissant bien le droit du travail.
Selon les estimations du greffe de la juridiction, cette mesure permettra, à raison d'une audience par semaine et par suppléant, de revenir en une dizaine de mois à des délais de convocation satisfaisants, de l'ordre de 2 mois.
Sur le plan financier, il n'en découlera aucune dépense supplémentaire pour l'Etat, puisque les juges prud'hommes sont rétribués au casuel.
Tel est l'objet du projet de loi que nous vous soumettons à la demande du pouvoir judiciaire et auquel les partenaires sociaux adhèrent sans réserves.
Commentaire article par article
Loi sur l'organisation judiciaire
Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur)
Le nombre maximum de juges suppléants à la Cour de justice, actuellement de 15, passe à 20. L'indication expresse que 5 juges suppléants sont désignés pour siéger à la Chambre d'appel des prud'hommes fait obligation à la Cour de justice, à qui incombe de les désigner, de les affecter à cette juridiction. Ainsi se trouve évité le risque que ces forces vives nouvelles ne soient utilisées à d'autres tâches.
Loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire
Art. 1, lettre b (nouvelle teneur)
Le nombre des juges suppléants à la Cour de justice jusqu'aux élections générales d'avril 1996 passe de 15 à 20.
Loi sur la juridiction des prud'hommes
Art. 53, al. 1 (nouvelle teneur)
Le juge suppléant à la Cour de justice vient s'ajouter au juge ou à l'ancien juge de la Cour de justice en qualité de personne apte à présider la Chambre d'appel.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le présent projet de loi.
Préconsultation
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Il est notoire qu'en période de basse conjoncture la juridiction des prud'hommes éprouve énormément de peine à satisfaire à l'exigence de rapidité instaurée par le législateur fédéral, dans l'intérêt des justiciables. L'engorgement se situe principalement au niveau de la Chambre d'appel, dont les délais de convocation sont de plus de sept mois.
Une réforme en profondeur de la juridiction, à laquelle sont associés les partenaires sociaux, est actuellement à l'étude. Malheureusement, elle ne portera pas ses fruits avant le renouvellement de la juridiction, c'est-à-dire en 1999. Dans l'intervalle, il existe un moyen simple, économique et politiquement neutre de restituer son efficacité à la Chambre d'appel. Il s'agit d'élire cinq juges suppléants supplémentaires à la Cour de justice, qui seront spécifiquement affectés à la présidence d'audiences prud'homales. Il conviendra, bien sûr, que ces nouveaux suppléants soient choisis parmi des avocats motivés et connaissant bien le droit du travail. Selon les estimations du greffe de la juridiction, cette mesure permettra, à raison d'une audience par semaine et par suppléant, de revenir, en une dizaine de mois seulement, à des délais de convocation satisfaisants, de l'ordre de deux mois.
Sur le plan financier, il n'en découlera, à terme, aucune dépense supplémentaire pour l'Etat, puisque les juges prud'hommes sont rétribués en fonction du nombre de cas qu'ils traitent.
Tel est l'objet du projet de loi que nous vous soumettons à la demande du pouvoir judiciaire et auquel les partenaires sociaux adhèrent, sans réserve. Dès lors, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais souhaité que, pour accélérer nos débats, nous puissions adopter immédiatement ce projet de loi.
J'ai cependant été informé que des questions devaient encore être posées, raison pour laquelle ce projet de loi sera discuté en commission. Je souhaiterais simplement - et je me fais l'interprète, je crois, de toutes les fractions politiques réunies dans cette enceinte - que ce point soit traité prioritairement au début de la prochaine séance de la commission judiciaire, car il y a urgence. Ce sujet doit être abordé rapidement : il en va de l'intérêt général.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Excusez-moi ! J'ai dû être inattentive, mais je n'ai pas vu que vous aviez déjà donné la parole à M. le conseiller d'Etat. Veuillez donc accepter que je fasse part de quelques remarques sur ce projet de loi.
Lors des travaux concernant la réforme de la loi sur la juridiction du Tribunal des prud'hommes, en juin 1988, notre groupe, dans un rapport de minorité défendu par notre ex-collègue Robert Cramer, avait alerté le Grand Conseil sur les dysfonctionnements de cette juridiction. Ce projet avait donné lieu à de longs débats en commission, puis en séance plénière. Après un nouveau retour en commission il a abouti, finalement, plus à une solution de compromis boiteux qu'à une réelle réforme de la juridiction des prud'hommes, alors que, pourtant, on s'accordait déjà à penser que celle-ci ne fonctionnait pas à satisfaction.
Les questions de fond ont été repoussées, et on a finalement procédé à ce qu'on pourrait appeler une «réformette». Nous payons aujourd'hui le prix du manque de volonté politique de l'époque : le Tribunal des prud'hommes est engorgé et les convocations à la Chambre d'appel se font attendre plus de sept mois. Je n'invente rien, puisque cela figure dans l'exposé des motifs !
Au lieu de prendre le mal à la racine et de prescrire des remèdes efficaces, le Conseil d'Etat nous propose, dans l'attente de la grande réforme qui devrait avoir lieu en 1999, à nouveau le faux remède : celui qui n'a d'utilité que pour soulager la crise aiguë ! Mais, au problème réel de la juridiction des prud'hommes, ce projet n'apporte aucune solution. Et sachant à quel rythme évoluent les travaux, tant entre les partenaires concernés qu'après, au niveau de la commission judiciaire du Grand Conseil, engorgée, elle aussi, il y a fort à parier que l'année 1999 ne nous amènera pas la grande réforme annoncée.
En 1988, notre groupe avait notamment insisté sur le fait que la complexité de la législation sur le travail laissait peu de marge d'interprétation aux personnes chargées de l'appliquer, car, quand bien même ces personnes le font avec toute la bonne volonté souhaitée, elles se trouvent souvent face à des employeurs représentés par des juristes plus à même de trouver une interprétation favorable à leurs mandants qu'aux travailleurs.
Et nous avions demandé, à l'époque, que ce point, qui nous semble être la cause essentielle du dysfonctionnement de la juridiction, soit revu avec la plus grande attention. Cela pour que les jugements ne s'effectuent pas au détriment des employés et qu'ils ne fassent pas, presque systématiquement, l'objet d'appels, comme c'est le cas actuellement pour près de la moitié d'entre eux. Les modifications prévues en 1999 devront absolument tenir compte de cette situation.
En ce qui concerne la solution factuelle proposée par le Conseil d'Etat, sur la base du projet de loi 7300, notre groupe a une position extrêmement réservée. Nous pensons que le fait d'engager des juges suppléants dans le but de faire fonctionner plus rapidement la juridiction est une erreur, car on détourne de cette manière la fonction initiale de juge suppléant, et cela pose un problème de principe.
Nous soutiendrons tout de même le renvoi de ce projet à la commission judiciaire, et nous espérons y entendre le président de la Cour de justice, afin qu'il nous explique, plus en détail que ne le fait ce projet de loi, pourquoi les juges actuels ne suffisent pas à accomplir cette tâche et pour quelle raison on souhaite que ces juges suppléants soient rattachés à une seule juridiction, tel que le prévoit l'article 29 dans son alinéa 1.
En conclusion, nous regrettons donc la formulation de ce projet, de même que son exposé des motifs qui reconnaît les dysfonctionnements, mais ne propose pas une réelle réforme, alors que l'urgence la motiverait.
Nous sommes, Monsieur le président, très attachés à ce que cette juridiction d'importance fonctionne à satisfaction. Et notre but n'est bien entendu pas d'en empêcher les améliorations - nous apprécions d'ailleurs que vous fassiez passer ce projet en priorité à la commission judiciaire - mais nous aimerions que le Conseil d'Etat choisisse les bonnes améliorations.
M. Bernard Lescaze (R). Je suis un peu stupéfait en entendant les propos de la préopinante.
En effet, elle reconnaît que les considérants du projet, plutôt catastrophiques quant au fonctionnement de la juridiction prud'homale, sont exacts. Elle affirme, d'autre part, son souhait de voir cette juridiction fonctionner mieux. Et, par ailleurs, elle mentionne que, jusqu'à présent, aucune véritable réforme n'a pu aboutir.
Alors, je pose deux questions :
a) Faut-il attendre le meilleur remède, en laissant le malade dépérir ? Ma réponse est négative !
b) Cette réforme, certes petite et modeste, est-elle utile ? Ma réponse est positive !
Pour ma part, j'aurais aimé que cette petite réforme puisse entrer le plus rapidement possible en vigueur. Je m'apprêtais à demander la discussion immédiate. Hier soir, j'avais d'ailleurs réussi à convaincre notre collègue Halpérin de ce mode de faire. Mais, j'entends maintenant que le chef du département est d'accord pour renvoyer ce projet en commission. Les propos de Mme Bugnon m'inquiètent quant à la rapidité du travail en commission.
Or, ce qui compte c'est malgré tout l'intérêt des travailleurs, Madame. Il ne me paraît pas normal que lorsque de petites sommes sont en jeu - peut-être sont-ce des petites sommes pour vous, mais elles sont importantes pour les travailleurs concernés - on fasse lanterner ces personnes pendant sept mois et davantage. Vos propos m'étonnent et la demande de réforme de fond, dont vous savez parfaitement qu'elle mettra plusieurs mois, voire plusieurs années avant d'entrer en vigueur, est une façon détournée de repousser ce projet aux «calendes grecques» - j'allais dire aux «calendes vertes» !
Pour ma part, quitte à être battu, je demande formellement la discussion immédiate.
M. Bénédict Fontanet. Je conçois la légitime impatience de notre collègue Lescaze, et je dirai que ce projet de loi est effectivement un emplâtre sur une jambe de bois, en ce sens qu'il y a beaucoup de causes actuellement pendantes devant la juridiction d'appel dans la Chambre d'appel des prud'hommes. Mais si elles sont nombreuses c'est que la qualité des jugements rendus en première instance n'est souvent pas considérable et bien affirmée.
La juridiction des prud'hommes, alors que le droit du travail au fil des années est devenu complexe et technique, fonctionne seulement avec des juges laïcs, et, aujourd'hui, il serait indubitablement nécessaire que la juridiction des prud'hommes, même en première instance, soit présidée par des juges, qu'ils soient juristes, avocats, juges au tribunal ou que sais-je. Mais il n'est pas satisfaisant que des jugements soient parfois rendus à la petite semaine dans une matière devenue très complexe, alors que les conflits du travail sont de plus en plus fréquents et que notre société connaît les graves problèmes du chômage. Monsieur Lescaze, c'est aussi une des causes de la multiplication des appels et donc de la surcharge de la Chambre d'appel !
Ce projet de loi sera peut-être une réponse partielle au problème actuel. Il permettra de pallier certainement une situation d'urgence, parce qu'il n'est pas admissible que des personnes attendent plusieurs mois en Chambre d'appel pour des litiges qui portent souvent sur des montants modestes, mais qui sont importants pour ceux qui les réclament. Néanmoins, il faudra indubitablement réfléchir sur l'organisation de la juridiction des prud'hommes et, plus particulièrement, sur la manière dont statue et siège le Tribunal de première instance, en quelque sorte, des prud'hommes qu'est la juridiction des prud'hommes.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Monsieur Blanc, rassurez-vous je ne vais intervenir à nouveau en préconsultation !
Je voudrais simplement répondre à M. Lescaze. Soit il ne m'a pas entendue soit il ne m'a pas écoutée. Mais les critiques qu'il vient de faire sont totalement inadmissibles. En effet, prétendre que le fait de poser des questions sur un sujet important revient à bloquer les travaux ou à être opposée aux droits des travailleurs est inadmissible !
M. Bernard Lescaze. Vous avez votre opinion, en conséquence j'ai le droit d'avoir la mienne !
Le président. Monsieur Lescaze, s'il vous plaît ! Vous n'allez pas «bâillonner» Mme Bugnon si elle a quelque chose d'intéressant à nous dire !
Mme Fabienne Bugnon. Je peux terminer, oui ?
J'ai moi-même affirmé que je soutenais la proposition du Conseil d'Etat de faire passer ce projet en priorité, alors que les projets à traiter à la commission judiciaire sont très nombreux. Je vous demande donc encore une fois de bien vouloir accepter son renvoi en commission.
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Lescaze nous émeut beaucoup en évoquant le sort des «pauvres travailleurs» et en se préoccupant subitement de cette situation ! Mme Bugnon vient de vous rappeler une deuxième fois - peut-être ne serait-il pas inutile de le redire une troisième fois, Monsieur Lescaze ! - que le dysfonctionnement de la juridiction des prud'hommes n'intervient pas uniquement au niveau de la Chambre d'appel. Celle-ci est peut-être la conséquence de ce qui se passe avant. Vous me direz que ce n'est pas parce que certains se situent au début qu'il ne faut pas régler ceux qui interviennent à la fin.
Ce projet de loi est effectivement une mesure cosmétique, qui ne va pas régler du tout en profondeur le problème qui nous préoccupe. Monsieur le président, dans votre intervention, que j'ai écoutée avec intérêt, vous avez finalement simplement fait une lecture fidèle de l'exposé des motifs du projet de loi, que j'avais pris soin, pour ma part, de lire avant ce soir, jusqu'au bout en m'attardant sur l'analyse effectuée, article par article.
Or, même l'exposé des motifs comporte des incohérences au niveau des dates, Monsieur Lescaze ! Dans l'introduction, vous parlez du renouvellement de cette juridiction, prévu en 1999. En page 3, on indique que les élections sont prévues en avril 1996. Bref, cet exposé comporte un certain nombre d'inexactitudes. Ne serait-ce que pour cela, alors qu'on n'est pas capable de nous soumettre un projet de loi correctement libellé, la moindre des choses serait d'accepter son renvoi en commission, pour, au moins, corriger les erreurs qu'il contient !
Pour cette raison mais également pour des raisons de fond qui ont été exposées par Mme Bugnon et auxquelles notre groupe souscrit totalement, je crois qu'il est nécessaire d'avoir une vue un peu plus globale de la question qui se pose au niveau du Tribunal des prud'hommes. En effet, Monsieur le président, si le droit du travail est un droit extrêmement compliqué touchant de nombreux litiges, il en est de même du droit du bail. Or, nous avons instauré un Tribunal des baux qui fonctionne parfaitement dans cette République, y compris au départ, soit au niveau de la commission de conciliation que les partenaires sociaux s'emploient à faire fonctionner au mieux des intérêts des parties concernées. Alors, on peut s'interroger et se demander pourquoi il n'en va pas de même au niveau du Tribunal des prud'hommes. Et je ne crois pas qu'on peut se satisfaire - et ce ne serait pas une bonne solution - d'une simple mesure cosmétique qui ne réglerait pas du tout le fond du problème, comme M. Fontanet l'a d'ailleurs reconnu dans sa précédente intervention.
Pour ces deux raisons : de forme, par les erreurs contenues dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, et de fond, par rapport aux problèmes soulevés tout à l'heure par Mme Bugnon, on ne peut décemment pas demander une discussion immédiate. M. Ramseyer l'a reconnu lui-même et ne l'a pas demandée. Monsieur Lescaze, j'aimerais simplement que vous nous évitiez de voter et vous suggère de retirer votre demande !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais d'abord vous signaler, Madame la députée, que lorsque nous avons lancé la petite réforme des prud'hommes, j'ai dû taper du poing sur la table, à peine trois mois après, pour qu'on veuille bien commencer à travailler, simplement parce que les interlocuteurs autour de la table ne s'acceptaient pas les uns les autres. C'est vous dire que les réformes ne se font jamais très vite.
La notion de grande réforme, quant à elle, est évidemment souhaitable et souhaitée. Elle butera sur des problèmes relativement chauds comme, par exemple, l'éligibilité des juges prud'hommes étrangers.
Monsieur le député, vous avez parlé d'emplâtre sur une jambe de bois, mais la jambe n'est pas de bois : elle est bien réelle ! C'est une jambe malade, qui est susceptible, dans un premier temps, d'être notoirement soulagée et, dans un second temps, d'être guérie.
Quant à vous, Monsieur Ferrazino, vous parlez de mesure «cosmétique». Si vous remarquez mes fautes de frappe, permettez-moi de remarquer vos erreurs de vocabulaire. Il ne s'agit pas de «cosmétique», mais de personnes qui attendent plus de dix mois qu'on veuille bien statuer sur leur sort ! Nous prenons une mesure à court terme et provisoire, pour permettre que les cas de ces personnes soient traités rapidement.
Cela étant, il ne faut pas parler de «cosmétique», mais d'un remède de cheval, en attendant d'effectuer une réforme de fond à laquelle nous sommes tous favorables.
Monsieur le président, je me rends compte que l'urgence ne paraît pas suffisante pour justifier une discussion immédiate. Je ne m'y attache donc pas. Je regrette simplement que l'on prenne environ trois ou quatre semaines de retard. Mais cela ne sera peut-être pas perdu si, à la prochaine séance de la commission judiciaire, nous débouchons sur une solution. Dans cette optique, j'ai pris note de votre souhait de rencontrer le président de cette juridiction.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Excusez-moi, Monsieur Ramseyer de prendre la parole après vous, mais j'avais demandé la parole avant, et le Bureau ne m'avait pas vue!
De toute évidence, le retard qui a été observé dans la convocation des audiences à la Chambre d'appel des prud'hommes est une entrave au bon déroulement de cette juridiction qui est chère à notre canton et qui est aussi indispensable pour régler des conflits de travail concernant les travailleuses et travailleurs. Aussi, ce projet de loi pourrait bien évidemment être plus nuancé, mais il constitue déjà un axe pour pouvoir remédier à ce retard important. Nous ne sommes donc pas favorables à une discussion immédiate. Nous souhaiterions que ce projet de loi puisse être étudié en priorité à la commission judiciaire, ce qui devrait être possible.
Par ailleurs, le groupe socialiste s'est parfaitement retrouvé dans le calendrier qui est évoqué, à savoir le renouvellement de la juridiction en 1999 ou les élections qui sont prévues en 1996. Je me mets à la disposition de mon collègue Ferrazino pour lui expliquer de quelles élections il s'agit ! (Rires et quolibets.)
M. Bernard Annen (L). En 1988, je participais à ces travaux et vous avez raison, Monsieur Ferrazino et Monsieur Fontanet : les partenaires sociaux n'étaient pas d'accord avec les avocats. A cet égard, les avocats pensaient qu'ils étaient les seuls à pouvoir étudier le droit et surtout le droit du travail. On se rend compte, malheureusement, que c'est un domaine qu'ils n'aiment pas beaucoup et auquel ils prêtent beaucoup moins d'attention qu'à d'autres. Peu d'avocats connaissent réellement l'ensemble des conventions collectives. En effet, en dehors du droit du travail et du code civil, il existe un certain nombre de conventions collectives qu'il n'est pas si évident que cela de connaître à fond.
Comme par hasard, Mme Bugnon nous a parlé de M. Cramer qui est avocat. Il défendait cette position et disait que la situation ne pourrait pas se débloquer en raison des engorgements. Ces engorgements auxquels nous assistons aujourd'hui proviennent - personne ne pourra dire le contraire - de la situation économique de notre canton. Cela engendre, beaucoup plus qu'à l'habitude, un certain nombre de conflits difficiles à régler, qui ne peuvent pas toujours se régler devant la juridiction normale des prud'hommes, et il est tout naturel d'avoir recours à la Cour d'appel. C'est à ce moment que l'on s'aperçoit que l'on peut avoir de bons avocats, Monsieur Ferrazino, mais aussi des avocats procéduriers qui augmentent ce phénomène d'engorgement. Cela est malsain, car, en définitive, ce sont les ouvriers qui en pâtissent le plus. Il m'apparaît totalement anormal que les délais d'attente soient aussi longs pour que les affaires soient enfin traitées.
Alors, renvoyons ce projet en commission, mais, je vous en supplie, faites-le passer en priorité, car cela est nécessaire. Quant au compromis typiquement helvétique qui serait la cause de ces engorgements, sachez, Madame Bugnon, qu'il a été trouvé par votre serviteur et par Mme la conseillère aux Etats, Christianne Brunner.
Le président. Monsieur Lescaze, désirez-vous retirer votre proposition de discussion immédiate ?
M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, puisque tout le monde dit que, malgré l'urgence, il faut renvoyer ce projet en commission, c'est bien volontiers que je retire ma proposition de discussion immédiate.
J'espère simplement que, en commission, on traitera du projet de loi lui-même, c'est-à-dire du texte : «Le Grand Conseil décrète...» et non pas d'une ou deux malheureuses erreurs qui auraient pu se glisser dans un exposé des motifs, car cela n'est pas le travail que nous devons faire en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.