Séance du
vendredi 10 novembre 1995 à
17h
53e
législature -
3e
année -
1re
session -
48e
séance
I 1947
M. René Longet (S). Suite à une proposition de motion de l'Alliance de gauche, nous venons d'évoquer les infrastructures ferroviaires régionales. C'est le moment, en effet, de se pencher sur la façon dont nous sommes desservis. Les rives nord et sud du Léman comportent chacune une ligne ferroviaire, celle du nord étant beaucoup plus connue que celle du sud.
La ligne de la rive nord, comme le souligne la motion précitée, est proche de l'engorgement. La ligne de la rive sud, elle, est proche de l'abandon et de l'inactivité. Elle est composée de trois tronçons disparates : le premier, Annemasse/Evian, est desservi tant bien que mal, électrifié un peu par hasard; le deuxième, Evian/Saint-Gingolph, a été fermé aux voyageurs en 1938 et à tout trafic en 1988 : il ne reste plus qu'un train touristique; le troisième tronçon, Saint-Gingolph/Saint-Maurice, est en voie d'abandon par les CFF. Les situations, sur le plan ferroviaire, sont donc complètement différentes pour les deux rives lémaniques.
En quoi cela nous intéresse-t-il ? Pour les mêmes raisons que celles exposées tout à l'heure. D'une part, la rive nord est saturée, on a de la peine à construire une troisième voie, et une boucle n'est peut-être pas réalisable. D'autre part, il ne faut pas laisser dépérir ce qui existe encore sur la rive sud.
Nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. En effet, le Conseil du Léman a récemment débloqué des fonds pour entretenir l'infrastructure et, à défaut d'exploitation, cet investissement risque d'être perdu.
De l'attention que nous portons à la saturation de la ligne nord découle notre interrogation à propos d'un axe qui pénétrerait en Valais par le sud, dans le cadre de la politique de liaison avec le réseau TVG qui, malgré ce que l'on en dit, nous semble encore bien «brouillardeuse», ignorants que nous sommes des options qui seront retenues.
Notre Grand Conseil et les autorités genevoises ne sauraient être indifférents au devenir de cette infrastructure qui relie directement Genève au Valais.
Aussi, ai-je quelques questions à poser :
Le Conseil d'Etat partage-t-il ce point de vue que Genève a tout intérêt au maintien de cette liaison dans son état actuel et à sa remise en activité, toujours dans son état actuel ? Dans l'affirmative, et compte tenu des informations alarmistes de cet été quant à l'interruption de l'exploitation touristique, il est absolument nécessaire d'intervenir pour que ce minimum du minimum soit maintenu et éviter le démantèlement définitif qui menace.
J'aimerais savoir où en est le dossier de cette exploitation touristique. Cette dernière sera-t-elle poursuivie ? L'exploitant devra-t-il baisser les bras en raison des redevances élevées demandées par la SNCF ?
Dans la mesure où je souhaite le voir exprimer son intérêt pour l'existence et l'activité de cette liaison, le Conseil d'Etat est-il d'accord de le faire savoir aux différents partenaires intéressés ? Ces partenaires sont le canton du Valais qui, je crois, a besoin d'appuis pour que les CFF n'abandonnent pas le tronçon qu'ils gèrent; les municipalités concernées, dont celle d'Evian qui agit dans notre sens; la SNCF et les instances régionales de Haute-Savoie et de Rhône-Alpes.
Le Conseil d'Etat est-il d'accord d'intégrer cette problématique dans le développement de notre propre plan des transports et de l'aménagement de notre territoire, étant convenu que la dimension régionale est partie de toute planification de notre part ?
J'aimerais aussi savoir dans quelle mesure notre soutien politique se traduirait par une participation financière si celle-ci était sollicitée. Il est possible, en effet, que la municipalité d'Evian ou le canton du Valais soient trop sollicités pour mener ce travail à eux seuls. A partir du moment où nous-mêmes sommes intéressés par une liaison directe, du moins au maintien de son potentiel, nous ne pouvons pas nous contenter de bonnes paroles. En dépit de nos difficultés, nos possibilités économiques ne sont pas comparables, et nous ne pourrions nous borner à un soutien verbal.
Dans un article de la «Tribune de Genève» du 7 octobre, le maire d'Evian, que je citais, disait : «Pour que le train concurrence la voiture pour le trafic pendulaire Chablais/Genève, il faudrait une nouvelle gare vers Villa-Grand et, de là, un métro en site propre jusqu'au coeur de Genève.» Quoi qu'on dise, il y a, du côté français, des élus qui se préoccupent d'une politique régionale des transports et qui désirent collaborer avec nous pour un réseau cohérent et fonctionnel. Et pour qu'un tel réseau voie le jour, il est indispensable que l'on maintienne en activité cette liaison de la rive sud, actuellement en bien mauvais état.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. En ce qui concerne les trains à grande vitesse, il n'y aucun «brouillard» de quelque nature que ce soit. La situation est parfaitement claire. Genève pousse un projet de TGV Léman/Mont-Blanc, celui-là même qui a fait l'objet de l'entretien de M. le ministre Bernard Pons avec notre ministre, M. Adolf Ogi. La Confédération investit dans ce projet pour permettre des études jusqu'au niveau de l'avant-projet sommaire.
Ce qui vous suggère la présence d'un certain «brouillard» est, sans doute, le fait que nous n'avons jamais fermé la porte à l'étude d'une autre liaison, dite du «Sillon alpin», un projet strictement franco-français.
La ligne du Tonkin est une appellation bien curieuse. L'origine de cette terminologie a suscité des explications variées. On a parlé d'ingénieurs qui auraient travaillé au Tonkin. On a aussi dit - cela me semble le plus plausible - que les ingénieurs auraient buté sur de vastes étendues marécageuses, similaires à celles de la plaine du fleuve Rouge, au Vietnam du nord, c'est-à-dire dans l'ex-Tonkin.
En date du 4 mai 1990, pour assurer la desserte ferroviaire de l'ensemble de la rive sud du Léman, le Conseil du Léman a décidé de réhabiliter le tronçon français et de soutenir le maintien d'une exploitation en Suisse. La réhabilitation, confiée par le Conseil du Léman à la SNCF, a été conduite. Son financement, d'un montant de 4,6 millions de francs français, a été couvert par le Conseil du Léman, lequel fonctionne aussi avec des francs suisses.
Cet appui financier du Conseil du Léman a donc permis à l'association «Rive bleue - Express» de maintenir l'exploitation. Cela a été possible, mais au prix de graves difficultés financières, l'intérêt n'ayant pas été à la hauteur des espoirs.
Que s'est-il passé depuis ? Confirmant une décision de principe, prise dans son comité du 24 avril 1994, le Conseil du Léman a décidé, le 27 octobre 1995, de verser chaque année un montant de 75 000 francs suisses, cela pendant cinq ans, pour aider l'exploitant à accroître le trafic et à disposer de moyens suffisants pour couvrir les frais fixes annuels.
Maintenant, je réponds à cinq de vos questions :
Genève a-t-elle intérêt au maintien de la ligne du Tonkin ? Oui, cette ligne appartenant à un réseau existant. Il serait regrettable d'enlever des voies ferrées pour les remettre en place vingt-cinq ans plus tard. Nous en savons quelque chose avec le réseau de tram !
Quid du dossier d'exploitation touristique ? Je rappelle la décision du Conseil du Léman du 27 octobre.
Le Conseil d'Etat entend-il exprimer son intérêt ? Cela ne nous engage pas à grand-chose et nous le ferons volontiers. Cela dit, nous avons effectivement une carte à jouer dans le cadre de nos travaux au Conseil du Léman, où nous sommes représentés par M. le conseiller d'Etat Claude Haegi.
Avons-nous l'intention d'inclure cette problématique dans le réseau des lignes ferroviaires autour et à proximité de Genève ? Oui, cette ligne existant, autant travailler avec elle !
Sommes-nous d'accord de participer financièrement à cet effort ? Nous le faisons déjà, via le Conseil du Léman. Tout engagement supplémentaire serait prématuré de ma part.
Vous avez posé d'autres questions. J'attends d'avoir pris connaissance du texte de votre interpellation. Si vous le souhaitez, nous vous répondrons par écrit, ultérieurement et plus complètement encore. Mais ce soir, vous aurez constaté que nous nous rejoignons sur nombre de points soulevés par vous.
La réplique de M. Longet figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.