Séance du vendredi 13 octobre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 10e session - 44e séance

PL 7297
12. Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit pour la mise en oeuvre de la réforme de l'informatique de l'Etat de Genève et des activités administratives associées. ( )PL7297

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Crédit d'investissement

1 Un crédit pouvant atteindre 5 500 000 F est ouvert au Conseil d'Etat dans le but de financer la mise en oeuvre de la réforme de l'informatique et des activités administratives associées.

2 Cette réforme nécessitera un crédit complémentaire de 2 000 000 F qui sera intégré dans le crédit servant à financer l'audit général de l'Etat.

Art. 2

Budgets d'investissement

Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement des années 1996 et 1997, sous la rubrique 21.09.00.538.48.

Art. 3

Financement

Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à 250 millions de francs le maximum des investissements annuels dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

Art. 4

Amortissement

L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.

Art. 5

Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.

 EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Présentation générale et buts de la réforme

L'informatique est à l'administration ce que l'électronique est à l'industrie, un outil technique qui bouleverse les règles habituelles de travail, transforme les métiers, modifie les procédures et les hiérarchies, crée de nouvelles prestations et change les critères de choix économiques. C'est aussi un formidable instrument de communication. C'est dire que, dans toute réforme informatique, les composantes sociale et humaine l'emportent sur les considérations techniques et structurelles.

La réforme de l'informatique et des activités administratives associées participe aussi de la réforme des modes de travail du personnel de l'Etat. Son succès et sa pérennité seront acquis à partir du moment où les outils informatiques et les systèmes de traitement de l'information mis à disposition auront démultiplié la productivité du travail et seront devenus aussi naturels que le sont aujourd'hui le téléphone ou la télécopie.

L'informatique doit rendre transparentes les relations entre l'administration et le public. Tout en garantissant résolument la protection de la sphère privée, l'outil informatique est utile s'il simplifie les formalités administratives, facilite l'accès des usagers aux informations qui les concernent et restitue aux citoyens la faculté de vérifier le contenu des bases de données sous réserve de la législation en vigueur et des intérêts de l'Etat. Certaines prestations devraient dans un avenir proche être accessibles directement, tout comme il est possible de régler certaines transactions bancaires à tous les coins de rues ou depuis son ordinateur personnel.

Cependant il ne suffit pas de réformer pour concrétiser ces objectifs de service public. Les projets d'informatisation doivent être nécessaires, leur réalisation rationnelle et économique, leur prix compétitif, c'est la raison du regroupement en cours de la gestion des ressources informatiques de l'Etat. Quant à la position des services par rapport au public, elle impose que l'ensemble des services de l'Etat s'organise, chaque fois que cela est possible et pertinent, autour du concept du point multi-services ou du guichet universel.

Le guichet universel agit un peu comme un aimant qui oriente vers lui toutes les boussoles administratives. Le point multi-services, c'est la perspective, à terme, d'obtenir plusieurs prestations différentes quels que soient l'endroit et la nature de l'administration à laquelle on s'adresse.

La réalisation pas à pas du guichet universel exige des actions en profondeur dans le corps administratif, telles que:

1. améliorer les procédures d'élaboration et de sélection des projets, tant au niveau des autorités politiques que des directions administratives, financières et techniques;

2. instaurer des règles de gestion qui assurent à la fois la transparence interne, la visibilité externe et permettent la comparaison avec les standards économiques;

3. encourager le développement et la diffusion des compétences internes de manière transdépartementale.

Enfin, les liaisons télématiques avec les autres collectivités publiques et les partenaires de l'Etat doivent être développées. Cependant l'amélioration des prestations au public passera par la capacité de ces différents fournisseurs et utilisateurs d'information d'harmoniser leurs données respectives, de simplifier et d'uniformiser leurs procédures.

L'informatique, qui reste un moyen au service des utilisateurs, va donc contribuer à la réforme de l'Etat au même titre que d'autres actions ou projets tout aussi importants: la nouvelle gestion publique, les projets qualité, les réorganisations nombreuses, l'effort de formation, de motivation et de consultation des collaboratrices et des collaborateurs de l'Etat et le plan de redressement des finances de l'Etat.

Exploiter mieux selon des critères économiques

Les ressources informatiques, aujourd'hui dispersées dans une trentaine de centres de responsabilité, grands et petits, vont être progressivement regroupées dans deux entités. L'une sera chargée de gérer le réseau et l'exploitation des systèmes informatiques, l'autre du développement et de la maintenance des applications.

Les départements et le pouvoir judiciaire sont et demeurent responsables des données nécessaires à la gestion de leurs métiers. Ils conserveront le nombre d'informaticiens nécessaires à la gestion du système d'information de l'Etat et des sous-systèmes harmonisés.

Un comité stratégique du système d'information de l'Etat présidé par un membre du Conseil d'Etat planifiera, dirigera et contrôlera le nouveau mode de gestion.

Entre clients et fournisseurs informatiques, un mécanisme de type marché fondé sur une définition claire des prestations et des prix compétitifs, comparables à ceux du secteur privé ou d'autres collectivités publiques, se substituera, par étapes, au mode habituel de gestion des ressources.

Le regroupement de la gestion des ressources informatiques sera soutenu par l'instauration d'un mode de gestion conforme aux principes de la nouvelle gestion publique. Les services fournisseurs de prestations informatiques devront acquérir au fil de la réforme une autonomie de gestion dans le cadre d'un contrat de prestations. Leurs performances seront mesurées à leurs résultats économiques. Ces résultats seront eux-mêmes fondés sur des engagements de délais, de qualité et de prix.

Sur le plan budgétaire, le budget informatique actuel comprend uniquement des charges de fonctionnement (dépenses de biens et de services en nature) et des investissements, il ne comprend pas les charges de personnel, ni les frais généraux associés.

La réforme entraînera, d'une part, une restructuration du budget informatique, reflétant la création des entités d'exploitation et de développement et, d'autre part, un élargissement de ce budget par incorporation des charges actuellement non prises en compte. Cette restructuration s'opérera selon les règles et les procédures en vigueur et dans les limites des budgets de fonctionnement et d'investissement votés. La commission des finances sera saisie et informée du déroulement de la procédure. Trimestriellement, un état de situation sera présenté.

Objectifs du projet de loi

Le projet de loi poursuit les objectifs suivants:

1. Ouvrir un crédit d'investissement destiné à financer le processus de transformation engagé. Le présent crédit fait partie du train annuel des lois d'investissement comme cela a été annoncé dans l'exposé des motifs à l'appui du projet du budget 1996.

2. Donner une visibilité à la réforme et associer le Grand Conseil à son succès en tenant sa commission des finances régulièrement informée des résultats attendus et des conséquences sur l'organisation administrative, la structure comptable et les services rendus au public.

Réponse aux attentes des députés

La réforme de l'informatique et des activités administratives associées répond aux soucis exprimés par les députés dans le cadre du projet de loi 7036. Les buts poursuivis sont très similaires.

L'effort actuellement engagé débouchera sur une mise en commun des ressources, une mise en cohérence des systèmes d'information avec les objectifs politiques et administratifs de l'Etat. Les conditions de bonne réalisation des projets informatiques sont indissociables du respect des règles communes.

La réforme en cours instaurera un mode de gestion de projet qui sera asservi à des critères précis d'opportunité, de délai, de qualité et de prix. Ces conditions impliquent que les relations entre la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre devront être sanctionnées par des contrats explicites, fondés sur des paramètres économiques, comparables à ceux du marché.

Les nouvelles structures et mode de gestion mis en place au cours de la réforme feront l'objet d'un projet de loi spécifique en temps opportun. Il s'agira de spécifier également la nature et les compétences de l'organe de direction du système d'information de l'Etat, le statut des entités d'exploitation et de développement/maintenance des services informatiques, les règles internes de gestion, les responsabilités des maîtres d'ouvrage, le mode et les critères de gestion du portefeuille des projets, ainsi que la stratégie informatique, notamment le type de collaboration avec d'autres prestataires de services informatiques publics ou privés.

Le réforme de l'informatique et des activités administratives associées s'appuie sur un ensemble de démarches et de mesures engagées dès le début 1994. Les rapports oraux et écrits du président de la commission informatique de l'Etat, qui a dirigé l'audit de l'informatique, ont permis de renseigner la commission des finances. L'audit approfondi a débouché, au printemps 1995, sur le plan de la présente réforme.

2. Axes directeurs de la réforme

Les principes de base qui guident la réforme émanent des orientations données par les décisions du Conseil d'Etat et peuvent être résumés ainsi:

1. Donner à la réforme de l'informatique et des activités administratives associées une profondeur qui dépasse la simple restructuration et qui puisse être réutilisable dans le cadre plus vaste de la réforme de l'Etat, en focalisant son action sur l'augmentation des services fournis au citoyen.

2. Recentrer l'informatique et les ressources qui lui sont consacrées sur l'atteinte des priorités politiques définies par les responsables de l'Etat.

3. Respecter le pouvoir de décision et l'autonomie des départements dans le cadre des priorités politiques de l'Etat.

4. Définir clairement les responsabilités de chaque entité opérationnelle tout au long du déroulement des projets dans le cadre d'une contractualisation interne des prestations échangées.

5. Rationaliser les fonctions de développement et d'exploitation afin de diminuer sensiblement les coûts globaux consacrés par l'Etat à l'informatique et/ou d'augmenter le service offert à coût constant.

6. Diffuser les compétences internes existantes et en assurer le développement dans le temps.

C'est autour de la notion du cycle de vie d'une politique ou d'une prestation publique que sont structurées les propositions de restructuration. Pour être concrétisée une politique doit se décliner en termes de projets administratif, pédagogique, économique, institutionnel, normatif, etc. Du point de vue informatique, ces projets suivent ou devraient suivre les trois étapes représentées ci-dessous:

Le pilotage de la réforme de l'informatique et des activités administratives associées est placé sous la responsabilité d'un comité de pilotage présidé par une membre du Conseil d'Etat. Huit chantiers soutiennent le processus de transformation. Le schéma suivant illustre l'agencement logique de ces huit chantiers par rapport au cycle de vie des prestations décrit ci-dessus.

3. Mise en oeuvre du projet

La réforme est structurée de manière à associer tous les acteurs concernés. Ce principe de participation est garant de l'adhésion individuelle sans laquelle les objectifs visés ne pourront être atteints. Les autres éléments clés retenus comme nécessaires au succès et intégrés dans le projet de mise en oeuvre proposé sont:

● la couverture de l'ensemble des composantes du cycle de vie des projets, et des fonctions dites support nécessaires à leur bon déroulement;

● le respect d'un calendrier qui combine l'obtention de premiers résultats concrets et visibles dès 1996;

● l'association permanente des tâches de définition des nouvelles méthodes de travail et leur expérimentation pratique dans le cadre d'opérations ou de projets pilotes.

Pilotage de la mise en oeuvre de la réforme

La réussite de la réforme nécessite la mise en place de tous les moyens et structures requis.

● Un comité de pilotage de la réforme informatique et des activités administratives associées de l'Etat, présidé par un membre du Conseil d'Etat, est en place depuis le mois de mai. Il a succédé à la commission informatique de l'Etat, dont il a repris toutes les prérogatives. Le comité de pilotage représente l'ensemble des niveaux de préoccupations et points de vue (politiques et opérationnels, spécialistes de l'informatique et spécialistes des métiers, couverture de l'ensemble des départements).

● L'élargissement et l'approfondissement des méthodes de travail utilisées lors de la phase d'audit se poursuivent: transparence de la réflexion, travail en commun entre une équipe de projet et les acteurs concernés à l'intérieur des départements, tant au niveau des spécialistes de l'informatique que des responsables de directions, offices et services.

L'audit approfondi de l'informatique est achevé, le processus de transformation est engagé. Le projet développe une dynamique fondée sur l'adhésion et la participation des cadres et du personnel concernés.

4. Coût et financement de la mise en oeuvre de la réforme

La réforme déborde largement le champ strict de la gestion des ressources informatiques. La réforme aura un impact important et direct sur l'ensemble de la gestion administrative, en particulier sur l'élaboration et sélection des projets.

C'est, en effet, une opération intense et délicate que de transformer des structures et d'adapter des procédures qui concernent tous les informaticiens et qui toucheront tous les services de l'Etat, ainsi que les modes et procédures d'élaboration et de sélection des projets.

Les enjeux de la réforme, les résultats attendus et la nature interdépartementale des problèmes à résoudre nécessitent l'engagement d'une société spécialisée dans ce genre de processus de transformation. Le choix du Conseil d'Etat s'est porté sur la société qui a participé à l'établissement de l'audit informatique.

Le contrat d'entreprise qui lie les deux partenaires, sous réserve de l'adoption des lois de financement, définit clairement et en détail les objectifs à atteindre. Il dresse la liste des économies et des améliorations du service attendues. Des gains financiers et non financiers importants et rapides ont d'ores et déjà été identifiés dans le cadre d'une première analyse de la valeur.

Les principales sources d'économies résident dans

- l'amélioration des études d'opportunité et de faisabilité, préalables au lancement des projets;

- la sélection et la gestion des projets;

- les achats et la gestion du parc des machines et des logiciels;

- la gestion et le développement des compétences;

- la réduction des délais et des charges de développement;

- la réduction des coûts de maintenance.

Parmi les bénéfices non quantifiables attendus figurent un accès à la fois plus rapide et plus sûr aux données pour les collaborateurs de l'Etat, une meilleure performance des systèmes d'information et des outils informatiques pour les responsables de la gestion, l'augmentation de la satisfaction des utilisateurs, la capacité de l'informatique d'offrir un service de meilleure qualité aux citoyens et aux entreprises.

Le contrat d'entreprise doit prendre fin en mai 1997. A cette date la réforme ne sera pas tout à fait achevée, cependant les conditions contractuelles suivantes devront être réalisées pour considérer le contrat comme rempli:

● le transfert de connaissance aux collaborateurs de l'Etat permet la continuité du projet sans l'apport de ressources de la société;

● les structures et procédures sont mises en place;

● l'ensemble des actions engagées a permis d'enregistrer des résultats chiffrables couvrant au minimum le montant du contrat selon l'échéancier de résultats attendus;

● le plan des mesures d'achèvement du projet de réforme est validé.

A fin 1998, un bilan global de la réforme sera présenté en y intégrant notamment les résultats qualitatifs et quantitatifs obtenus.

Le contrat d'entreprise porte sur un montant de 7 millions de francs (TVA incluse). L'Etat s'est engagé, par ailleurs, à verser un montant complémentaire de 250 000 francs (auquel se rajoute la TVA), à la fin du premier semestre 1996 et à la fin du premier semestre 1997, si, à ces dates, les résultats obtenus sont supérieurs aux résultats attendus. Compte tenu de la taxe à la valeur ajoutée, le coût du processus d'accompagnement de la réforme (c'est-à-dire la phase 2) oscillera donc au total entre 6,923 et 7,455 millions de francs, selon le niveau de résultats obtenus.

En regard de la portée technique de la réforme, de son impact sur l'organisation et les procédures administratives générales de l'Etat, ainsi que des économies attendues, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil de financer ce projet en recourant à deux sources de financement:

● Le présent projet de loi d'investissement ouvre un crédit à hauteur de 5,5 millions de francs. Pour 1996, une première tranche de 2 millions de francs est inscrite à la rubrique 21.09.00.538.48 du budget des investissements (train annuel).

● Le projet de loi de financement de l'audit global de l'Etat, en cours d'élaboration, comprendra un second crédit d'investissement de 2 millions de francs destiné au financement du volet administratif de la réforme.

Le Conseil d'Etat entend ainsi souligner qu'il n'y a pas de bonne informatique s'il n'y a pas de bonne organisation administrative. De même, il n'y a pas de bonne réforme si celle-ci n'améliore pas la productivité générale des services et ne dégage pas des économies à niveau de prestations identique.

Le Conseil d'Etat est convaincu du caractère stratégique et indispensable de cette réforme. A la différence de l'audit global qui débouchera après six à huit mois sur un examen général des processus administratifs et un catalogue de recommandations, la réforme de l'informatique et des activités administratives associées promet une restructuration en profondeur du mode de gestion de l'ensemble des activités qui utilisent des ressources informatiques.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre à votre bienveillante attention le présent projet de loi.

Préconsultation

M. Bernard Clerc (AdG). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise un certain nombre d'objectifs auxquels nous pouvons nous rallier, comme, par exemple, l'amélioration des rapports et des services aux usagers dans le secteur public.

A cet égard, nous aimerions faire remarquer que, dans l'exposé des motifs, il est fait état de rapports clients/fournisseurs, ce qui semble être une vision plutôt commerciale. En ce qui nous concerne nous préférons parler d'usagers des services publics.

Ce projet de loi permettra, nous l'espérons, d'avoir une plus grande cohérence dans les développements informatiques, de permettre la compatibilité d'un certain nombre de systèmes et d'améliorer la communication entre les services et les départements.

Cependant, nous nous posons un certain nombre de questions qui, je l'espère, seront abordées en commission. La première, qui pour nous est essentielle, concerne la protection de la personnalité et des affaires privées. La seconde, qui n'est pas du tout abordée dans l'exposé des motifs, concerne les répercussions sur l'emploi dans le secteur public. La troisième serait de savoir si le cahier des charges de cette réforme ne devrait pas donner lieu à un appel d'offres, car il nous semble que le montant qui est retenu ici paraît très élevé, au regard de la tâche demandée.

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à saluer et à féliciter le Conseil d'Etat d'entreprendre cette réforme. Je crois pouvoir dire, j'en suis même certain, qu'il s'agit d'un énorme travail, et le groupe démocrate-chrétien encourage, bien entendu, cette action d'envergure.

C'est une nécessité, un véritable passage obligatoire, compte tenu de l'évolution technologique, particulièrement rapide, que nous vivons actuellement, et cela va très certainement nous permettre de devenir plus efficaces et plus performants et de réaliser de nombreuses économies, ce qui n'est pas négligeable.

En effet, cette restructuration du parc informatique va permettre de regrouper un certain nombre de ressources, de rassembler un certain nombre de moyens, assurant ainsi une meilleure standardisation des produits, standardisation qui doit se faire à l'intérieur de l'ensemble des différents départements.

Il est bien entendu important d'associer à cette action une entreprise extérieure qui aurait pour mission de mener à bien cette réforme. Mais il ne faut pas se méprendre : les vendeurs d'informatique sont aussi des vendeurs de rêves - je vois à la tribune des représentants de Hewlett Packard - et par conséquent il faut être très prudents, je dirais pragmatiques.

Comme le disait M. Clerc tout à l'heure, il est essentiel qu'un cahier des charges, parfaitement lié à une stratégie de l'entreprise, soit mis sur pied, à court, moyen et à long terme. Il faut définir des objectifs, donner des priorités, et cela implique un plan de réalisation très concret de cette réforme.

Il me semble également important que les objectifs fixés puissent être bien compris, par le consultant mandaté, afin que l'acte voulu par cette réforme puisse être parfaitement accompli. Il ne faut bien sûr pas oublier que cette nouvelle évolution de l'informatique doit être «à dimension humaine» et laisser si possible une marge de manoeuvre qui permette d'adapter la réalisation de cette réforme à l'utilisateur.

De plus, il serait bon qu'il y ait un parfait contrôle de cette réforme par les politiques, pour permettre une meilleure application à travers l'ensemble des différents départements. En effet, il faut atteindre une uniformité de cette réalisation, et, pour cela, il est nécessaire que les décisions soient prises de façon collective, afin que chacun des partenaires puisse être gagnant. Je propose donc, comme le groupe démocrate-chrétien, le renvoi en commission de ce projet de loi.

M. Chaïm Nissim (Ve). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je vais "en gros" dans le même sens que mes deux préopinants. J'ai lu ce texte deux fois. La première fois j'ai été absolument emballé, j'ai senti un vent d'immense intelligence dans ce texte et me suis demandé si vous l'aviez écrit, Madame le conseillère d'Etat, ou si vous aviez trouvé une perle rare, un informaticien génial !

Je me suis senti en complète harmonie et j'étais très heureux et fier d'être député en lisant des textes aussi profonds, plein de discernement. J'ai énormément apprécié les concepts de "guichet universel", "d'enveloppe budgétaire", de "responsabilisation de chaque service", de "redistribution horizontale des services", qui était, jusqu'à maintenant, beaucoup trop verticale.

La deuxième fois que je l'ai relu, ce matin - peut-être parce que j'ai peu dormi cette nuit... (Rires.)

Une voix. Vous n'étiez pas le seul, Monsieur le député !

M. Chaïm Nissim. ...je me suis senti brusquement étranglé par le doute, à la pensée que les meilleures idées, les meilleures réformes peuvent se heurter à l'incompétence des hommes, à leur imperfection et que, quelque fois, de très bonnes idées échouent ridiculement, parce qu'on est parti sur une branche morte. Il y a beaucoup de branches mortes dans l'informatique, et ce projet va vraiment dépendre des personnes qui vont le mettre en application !

Comme mes deux préopinants, je voulais dire aussi qu'on ne sait pas, au fond, à quoi ces sept millions vont être employés. Il faudra en faire l'étude en commission; l'idée d'un appel d'offres n'est pas à exclure, avec l'objectif de trouver un interlocuteur compétent. Vous vous trouvez devant un projet d'envergure, Madame la conseillère d'Etat, et je vous souhaite bonne chance.

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical accueille très favorablement ce projet de loi 7036, qui suit un projet de loi sur le même sujet déposé le 7 septembre 1993 par un groupe de députés, dont notre collègue, M. Daniel Ducommun.

Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui personne ne doute plus de la nécessité impérieuse de pouvoir compter sur des moyens informatiques performants, si l'on veut avoir une organisation et des services efficaces. A cet égard, il semble très important de tenir compte de ce qui a été dit avant et de choisir un bon consultant.

Mais, pour en avoir fait, et en faire, l'expérience en ce moment, je puis vous dire que ce genre de services existe, et, en cela, j'aimerais pouvoir rassurer M. Nissim, il y a d'excellents consultants qui comprennent bien les besoins des futurs utilisateurs.

Les gains en efficacité se traduisent, bien entendu, par des économies, et les finances de notre canton en ont bien besoin, mais cela se traduit aussi par une amélioration de la qualité du service. Cela est perceptible non seulement par les individus mais aussi par les entreprises. Je pense qu'il faut y songer, particulièrement en ce qui concerne les entrepreneurs qui ont affaire aux services de l'Etat qui, s'ils sont bien organisés, permettent un gain de temps précieux.

Dans la nouvelle perspective dont on ne parle plus beaucoup, mais dont on a beaucoup parlé, le "new public management" qui semble rendre M. Bernard Clerc un peu allergique, puisqu'on y parle de "relations clients" plutôt que de "relations usagers" - mais, pour ce qui me concerne, je crois que c'est une excellente démarche - une informatique performante est indispensable pour assurer le suivi des dossiers clients.

Le groupe radical entend poursuivre, dans le cadre de la commission des finances, l'étude de ce projet, notamment dans la définition des objectifs et l'évaluation des retours d'investissement. En cela, je rejoins M. Bernard Clerc, lorsqu'il parle de faire un certain nombre d'appels d'offres, car on peut constater, aujourd'hui, qu'un prix peut varier du simple au double.

M. Dominique Hausser (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, en 1956, une entreprise zurichoise se lançait en Suisse, dans la production de la première calculatrice électronique, qui, bien entendu, ne pouvait être contenue dans un cartable, car elle occupait la moitié de l'espace d'un bureau !

Il y a vingt-cinq ans, l'informatique était considérée comme une chose magique, réservée aux spécialistes. Je me souviens de cette époque où, collégien, j'ai pu visiter la salle des machines du CERN, qui mesurait, à l'époque, cent ou cent cinquante mètres de long sur trente ou quarante de large. Il y avait une centaine de machines, dont la plus petite était déjà monstrueuse.

A cette époque, je n'aurais jamais pu imaginer que la même puissance pourrait se trouver dans mon bureau ou dans ma cuisine avec des dimensions infiniment réduites. En dix ans, nous sommes passés, dans la plupart des services publics ou privés, des pools de dactylographes, où les machines à écrire crépitaient, à l'ordinateur personnel, dont tout collaborateur, ou presque, dispose sur son propre bureau. C'est une révolution technologique importante et un profond changement des méthodes de travail.

Ce qui m'impressionne dans l'actuel projet, c'est d'imaginer que l'on puisse finaliser une "révolution" en l'espace de vingt mois, alors que, depuis une dizaine d'années, on essaie d'améliorer ou d'intégrer l'informatique. Nous n'y parviendrons pas en vingt mois, mais je crois qu'il faudra encore au moins une génération, voire deux, pour que l'informatique soit perçue comme un outil usuel et non plus comme une sorte de "monstre magique".

Il y a deux ans, comme le mentionnait M. de Tolédo, le projet de loi 7036 avait été déposé, à l'initiative des socialistes, avec l'idée non pas de révolutionner l'utilisation de l'informatique dans l'administration mais de définir un cadre dans lequel cette utilisation pourrait être faite. Je crois que c'est effectivement un point important. L'outil n'est utile que dans la mesure où il est au service d'un but précis.

Les objectifs du projet de loi qui nous est présenté, aujourd'hui, consistent en la mise en pratique de l'utilisation, mais ne définissent pas le cadre dans lequel cet outil va être utilisé, même si l'on emploie les mots "utilisateur", "proximité", "guichet universel", etc.

Comme mes collègues l'ont dit, il me semble important d'examiner ce projet de loi en commission, en même temps que le projet de loi 7036, car je crois que l'utilisation des outils de l'administration nécessite le contrôle du Grand Conseil. Il est bon de définir le cadre dans lequel on va utiliser ces moyens informatiques.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis dans cette affaire que la modeste déléguée du Conseil d'Etat, pour présider le comité de pilotage de la réforme de l'informatique. C'est donc à ce titre que je prends la parole, alors que déjà le Conseil d'Etat précédent et, surtout, le président du Conseil d'Etat avaient souhaité lancer cette réforme.

Tout d'abord, il me faut préciser ce que cette réforme ne consiste pas à acheter ou mettre en place de nouveaux outils informatiques. Elle a pour objectif de remettre en main de l'administration le pouvoir d'utiliser les outils informatiques, de les commander, de commander des projets, de les analyser, de les sélectionner et de les introduire dans le domaine de l'informatique. Nous avons vécu, comme l'a très bien rappelé M. Hausser, la période où l'informatique était un "monstre sacré", maîtrisé par ses seuls concepteurs et spécialistes. Et l'administration, comme la plupart des entreprises privées, a fini par non pas s'en détourner mais laisser à ces spécialistes le soin de la gérer.

Nous devons maintenant vivre une nouvelle période, celle qui veut que l'administration exécute une volonté politique et, pour ce faire, elle a besoin d'outils performants. J'aimerais rassurer celles et ceux qui craignent le terme de "clients". Le concept de cette réforme définit comme "clients", les responsables administratifs qui passent commande au responsable informatique d'équipements de développement ou d'autres outils informatiques nécessaires à la bonne marche des services. Il ne s'agit en aucun cas de parler ici des usagers des services publics.

L'idée de cette réforme, comme vous avez pu le voir, est de se doter d'outils performants dans la gestion, d'apprendre à être systématique et de permettre aussi, au moment où les projets sont soumis au Grand Conseil, de garantir que ceux-ci ont été sélectionnés selon un mode rigoureux et non pas simplement de par la volonté de spécialistes, par ailleurs fort compétents.

Mesdames et Messieurs les députés, certains l'ont rappelé, la réforme a besoin de personnes compétentes. Elle en dispose au sein de l'administration, car c'est avec eux que se fait cette réforme. Nous avons non pas lancé un appel d'offres mais testé un consultant, avant de nous déterminer sur celui que nous souhaitons avoir comme conseiller. C'est donc avec la quasi-certitude - personne n'est absolument sûr - de pouvoir mener les choses à bien et avec un maximum de sécurité que nous nous lançons dans cette opération.

Sept millions et demi, c'est beaucoup et peu à la fois. Pour vous donner un ordre de grandeur, l'administration dépense huit millions, chaque année, uniquement en mandats de tiers, pour se faire conseiller en matière informatique. Sept millions et demi en trois ans, en vue d'une économie prévisible de l'ordre de sept à dix millions au moins chaque année, c'est ce que nous espérons réaliser, et - je tiens à le dire à M. Clerc - sans porter atteinte à l'emploi; les engagements du Conseil d'Etat sont aussi valables en la matière.

S'agissant du domaine qui nous préoccupe tous, c'est-à-dire que l'informatique ne doit pas violer les affaires privées et doit garantir la protection de la personnalité et celle des données, je vous rappelle qu'il y a des lois; il y a même une commission spécialisée dans cette sauvegarde. Il est clair qu'aucun outil, informatique ou autre, ne doit pouvoir violer ces lois qui garantissent la protection des données et celle de la personnalité.

Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la commission des finances, en votre nom, pourra poser toutes les questions nécessaires, mais sachez une chose : cette réforme va prendre, comme le relevaient certains, deux ans ou plutôt vingt mois, puisqu'elle a commencé par une analyse, un constat et un rapport qui a été adopté par le Conseil d'Etat. Bien sûr, sa réalisation totale pourrait prendre vingt ans - sans moi, Mesdames, Messieurs les députés ! - mais certainement vingt mois, avec moi, je peux m'y engager.

Cela étant, si cette réforme prend vingt mois, c'est parce que c'est la durée de l'appropriation par l'administration elle-même de ses propres modes de fonctionnement, qui lui permettront ensuite d'appliquer, sans consultant et pour une durée beaucoup plus importante, des principes qu'elle aura mis au point et appris à développer. Merci de la confiance que vous faites à ce projet de loi. Les questions pendantes seront traitées en commission des finances.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.