Séance du
vendredi 22 septembre 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
9e
session -
41e
séance
M 934-A et objet(s) lié(s)
Envoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation pour examen lors de la séance du Grand Conseil du 23 septembre 1994, la motion 934 a été traitée lors des séances du 1er février, 15 février et 3 mai 1995 sous la présidence de Mme Claude Howald.
Travaux de la commission - Auditions
M. Michel Ramuz, directeur des services administratifs et financiers. Jean-Pierre Ballenegger, adjoint à la direction des SAF du DIP, le 1er février 1995
Une brochure intitulée «Etat des lieux de l'édition à Genève» a été publiée en mars 1994 et portée à la connaissance du public lors d'un colloque mis sur pied par les éditeurs genevois dans le but de présenter au public, à la presse et aux pouvoirs publics le travail qui se fait dans l'ombre du livre pour qu'un livre, une collection, un ensemble éditorial puissent voir le jour.
M. Ramuz apporte des informations sur les réflexions et les démarches qui ont suivi le colloque organisé par les éditeurs. Une concertation a eu lieu entre le canton, par l'intermédiaire du DIP, et la Ville de Genève. Un groupe de travail 4 représentants des éditeurs, M. Ballenegger représentant le DIP, M. Bosson représentant, la Ville de Genève a été mandaté parMme Martine Brunschwig Graf et par M. Alain Vaissade
Un certain nombre de propositions ont été élaborées par ce groupe de travail, particulièrement celles qui touchent aux invites ayant trait à la diffusion, au soutien de l'édition dans le domaine scolaire, ainsi que celles qui visent à promouvoir des mesures d'encouragement sous forme de bourses et de prix. Ce groupe est donc arrivé assez rapidement à un certain nombre de propositions en matière de collaboration à instaurer.
Trois axes ont été retenus :
● création d'une commission consultative;
● constitution d'un groupe interface avec les écoles, comprenant les trois ordres d'enseignement;
● constitution d'un jury qui aurait à attribuer annuellement des bourses et un prix.
La Ville de Genève et le canton sont parvenus à un accord sur ces diverses propositions. En revanche, sur le plan intercantonal, des collaborations existent déjà, mais pour des actions ponctuelles.
M. Ballenegger souligne le fait que le DIP a, par ailleurs, soutenu, ponctuellement, des projets d'écriture pour la scène.
La commission consultative se réunit au moins deux fois par an, elle comprend:
● 2 éditeurs
● 1 représentant de l'université
● 2 représentants du DIP } dont un représentant des affaires culturelles
● 2 représentants de la Ville de Genève } + une personne travaillant dans une bibliothèque
municipale ou scolaire
● 1 libraire
● 1 critique littéraire ou journaliste
Le mandat de cette commission est le suivant:
- instaurer le dialogue;
- proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production genevoise du livre et à sa diffusion hors du canton;
- veiller à la cohérence des moyens déjà existants et des initiatives nouvelles;
- favoriser la présence du livre et la rencontre avec les auteurs dans les écoles, les bibliothèques et les médias;
- stimuler le goût de la lecture dans le public et auprès des jeunes en particulier;
- favoriser, par les choix d'attribution de bourses et de prix, l'écriture et l'émergence de jeunes auteurs;
- proposer des mesures pour renforcer le rôle du livre et de l'édition genevoise en Suisse et à l'étranger, en tant que porteurs de notre identité et de notre créativité, en relation avec Pro Helvetia.
Ladite commission, dont les membres sont nommés pour une période de deux ans renouvelables, est présidée, pour une durée d'un an, à tour de rôle par un représentant de l'Etat et un représentant de la Ville. Elle rend un rapport chaque année aux deux instances publiques, avec un bilan du travail effectué.
La création d'un groupe interface a également été planifiée entre les éditeurs et l'école.
Les éditeurs regrettent en effet d'avoir de la peine à entrer en contact avec les enseignants et ils estiment qu'il est difficile de présenter leurs livres ou d'envisager une rencontre avec les auteurs.
Le groupe interface est composé de :
● 1 représentant de la commission consultative;
● 3 enseignants (1 par ordre d'enseignement);
● 1 éditeur;
● 1 représentant des bibliothèques scolaires.
Ce groupe est en relation avec la commission consultative et il a pour but de :
- assurer une liaison régulière entre les éditeurs et les écoles;
- diffuser auprès des enseignants une information sur les publications romandes récentes;
- faire connaître le livre et favoriser le goût de la lecture;
- faciliter les rencontres et débats avec les auteurs romands;
- sensibiliser les enseignants aux vertus irremplaçables du livre par rapport aux photocopies.
Deux bourses sont mises à disposition du jury de l'écriture et un prix est décerné pour encourager des jeunes auteurs dans le roman, la poésie, les essais, les livres pour enfants, en alternant une de ces formules.
A ce sujet , M. Balleneger relève que le DIP a pour pratique d'aider la jeune création, ce qui se fait déjà pour le cinéma, la vidéo et le théâtre.
Le jury est composé de 5 personnes :
● 1 éditeur;
● 1 critique;
● 1 libraire;
● 1 représentant de l'édition;
● 1 représentant de la Ville de Genève.
Ce jury est chargé de sélectionner:
- les écrivains qui bénéficieraient des deux bourses DIP, l'une étant décernée après un appel d'offres, l'autre sur propositions;
- l'auteur recevant le prix annuel DIP (couronnant tour à tour un romancier, un essayiste, un poète, un auteur de livre pour enfants);
- le bénéficiaire du nouveau prix Ville de Genève.
Les membres du jury sont choisis par la commission consultative.
L'éditeur/trice préside le jury et assure le lien avec la commission consultative, ainsi que le secrétariat.
Ces différentes dispositions ont rencontré l'approbation des éditeurs genevois.
M. Ballenegger fait remarquer que le problème rencontré à Genève est le même que celui des provinces françaises où la concurrence des grands distributeurs est vive, les grandes régions ont plus de moyens et de rayonnement, sans compter l'attrait qu'exerce Paris. Le cinéma rencontre les même problèmes. De plus certains éditeurs et libraires ont peut-être des efforts à faire sur le plan de leur organisation.
M. Ramuz rappelle que l'encouragement à la lecture n'est pas seulement une préoccupation des libraires ou des éditeurs et des membres de la commission, mais que c'est un souci du DIP depuis de nombreuses années déjà. Beaucoup de choses sont faites et les crédits alloués aux bibliothèques ne sont que le signe tangible de cette préoccupation, tant de la part des enseignants que de la direction.
Quant aux débats soulevés par les photocopies, il faut aussi savoir qu'elles permettent de faire connaître un plus grand nombre d'ouvrages dont certains sont souvent achetés par la suite, si le texte a suscité un intérêt auprès du lecteur potentiel.
Sans aide ou crédit, il est très difficile de concurrencer les grandes maisons, une meilleure collaboration entre les cantons romands est évidemment souhaitable. Selon M. Ballenegger, des tentatives ont été faites pour essayer d'ouvrir les barrières, mais elles ont malheureusement échoué. Il convient de relever aussi que les éditeurs sont souvent des fous du livre, qui travaillent beaucoup pour la survie de leur entreprise locale et qu'ils n'ont souvent pas la possibilité de s'investir au-delà, pour une action plus large.
Certains commissaires s'étonnent tout de même que l'on n'ait pas songé à ouvrir la commission consultative à l'échelon romand. Les difficultés de collaboration sur le seul plan genevois semblent avoir dicté ce choix.
La production interne du DIP est remise en cause à plusieurs reprises, de même que celle de l'université. M. Ramuz fait remarquer qu'en ce qui concerne cette dernière, elle n'édite guère que des thèses de doctorat, qui, en général, n'assurent aucune rentabilité et, par conséquent, n'intéressent pas les éditeurs privés.
Plusieurs commissaires regrettent que le marché du livre scolaire paraisse fermé, puisque l'école édite elle-même du matériel didactique préparé par les enseignants ou qu'elle l'achète à l'extérieur.
Certains membres de la commission regrettent l'absence de toute statistique permettant une comparaison des coûts entre entreprise privée et secteur public. M. Ramuz reconnaît qu'aucune statistique n'a été établie à ce sujet. Par ailleurs, sa réalisation sur un plan romand prendrait beaucoup de temps.
Chacun se plaît à reconnaître et à souligner l'importance du Salon du livre qui, par son rayonnement, constitue un bon vecteur pour l'édition en général, et locale en particulier.
. .
M. Damien Malfat , libraire, président du Cercle de la librairie et de l'édition
M. Henri Weissenbach, éditeur et président de l'Association suisse des éditions de langue française, le l5 février 1995
Mme Pietri souligne à quel point la motion a été un encouragement pour ceux qui s'occupent des métiers du livre. Livres qui sont là pour transmettre des idées, des idéaux, alors que, dans la vie quotidienne, ceux qui s'en occupent doivent travailler avec les lois du marché.
Les livres sont à la base même de la connaissance. En Suisse, la grande tradition du livre est certainement liée au protestantisme. Il est important de relever qu'autrefois, en France, toute l'édition se faisait à Paris.
Dans notre pays, il y a très peu de reconnaissance et d'aide apportées à l'édition. Pendant les années d'expansion, la situation était déjà difficile. Aujourd'hui la question se pose de façon plus aiguë encore. La présente motion a, par conséquent, apporté un espoir de soutien des pouvoirs publics dans les démarches entreprises par les éditeurs et les libraires.
Mme Pietri regrette surtout qu'aucun dialogue ne soit établit avec le DIP et qu'aucune communication directe n'existe avec les professeurs. L'important travail du monde de l'édition est quasiment ignoré de tout le personnel enseignant. De plus, dans l'Encyclopédie des arts, par exemple, rien ne figure au sujet de l'édition.
Cette édition est par ailleurs très diverse: édition scientifique, édition de sciences humaines, édition de création, édition de livres pour enfants, édition de partitions de musique.
Elle fait allusion également à l'édition de matériel scolaire, aux problèmes soulevés par les innombrables photocopies, aux relations entre l'Economat cantonal et les libraires.
M. Weissenbach apprécie le fait qu'en Suisse romande on ait réussi à sauvegarder la diversité. Il se réjouit de constater que le DIP a pris des mesures, même si rien de concret n'est encore sorti à ce jour. La difficulté économique de l'édition réside dans la petite taille du marché. De plus, la Suisse est mal reconnue sur le marché français, sauf en ce qui concerne les publications sur les sciences exactes.
Il déplore aussi que l'édition scolaire échappe depuis une vingtaine d'années au marché de l'édition. De nombreuses démarches ont été tentées pour essayer de récupérer cette part du marché, mais en vain. Lui aussi met en exergue le fait que les élèves utilisent de nombreuses photocopies; il lui semble que le livre ne soit malheureusement plus un moyen indispensable. Les éditeurs n'ont pas su se faire entendre du DIP, ni de la CDIP (Conférence suisse des directeurs des départements de l'instruction publique). Les problèmes de droits n'ont donc pas été réglés à ce sujet. Cette situation entraîne une déperdition de l'information; par exemple, des revues scientifiques ont même cessé de paraître, faute de moyens.
Il souhaiterait que le DIP prenne conscience du problème que pose cette situation et mette un frein à l'utilisation massive de photocopies. Il est primordial d'évaluer l'importance du rôle que joue le livre dans la culture pendant qu'il en est encore temps.
Les éditeurs souhaitent que le livre, support culturel par excellence, soit exempté de la TVA, au même titre que d'autres produits jugés indispensables.
M. Malfat précise qu'à Genève, on compte 25 librairies. Dans une ville à population équivalente en France, on ne trouverait que 2 ou 3 points de vente. La librairie, qui emploie 150 personnes, joue un rôle économique à Genève. Vingt apprentis reçoivent une formation très pointue et après 3 ans, ils sont qualifiés pour perpétuer un métier pourtant peu rétribué.
Tous les vendeurs de livres sont contraints de vendre les livres au prix fixé par l'éditeur. En outre, les libraires sont confrontés à la concurrence des grandes surfaces. De plus en plus, les best-sellers échappent aux libraires, tout comme les bandes dessinées. Il ne leur reste alors que les ventes difficiles et malgré le travail demandé par la recherche d'un ouvrage, il sera vendu au prix fixé.
Les autorités pourraient jouer un rôle important en incitant les bibliothèques à se regrouper pour effectuer leurs achats.. Au niveau des bibliothèques municipales, la situation est assez bonne. Mais sur le plan de l'Economat cantonal, il y a dérégulation totale, ce dernier achetant directement aux diffuseurs de livres.
D'autre part, il souhaite une sensibilisation au niveau de l'école, car souvent, les élèves ne connaissent pas la différence entre une bibliothèque et une librairie. Cette sensibilisation aux lieux de vente revêt une grande importance, car ce sont aussi des lieux de rencontres, de culture.
La question est posée de savoir si, sur la base d'un cahier des charges du DIP, des privés pourraient fournir des ouvrages à meilleur marché que les éditions produites par l'Etat qui, semble-t-il, coûtent très cher.
M. Weissenbach considère que l'édition privée est à même de produire de tels ouvrages à meilleur marché. L'éditeur privé travaille par appel d'offres, alors qu'à l'Etat, il est payé d'avance. De plus, même si l'ouvrage n'est pas bon, il faut l'utiliser. Il propose qu'un expert-comptable établisse une comparaison entre les deux systèmes, public et privé, lors de la parution d'un prochain ouvrage, ce qui offrirait une réponse intéressante.
Le problème de la collaboration et de l'organisation quelquefois déficiente entre éditeurs, diffuseurs et libraires est soulevé par un membre de la commission.
Il se demande également, au moment de l'émergence de nouvelles méthodes de travail, de nouvelles technologies, de nouveaux moyens médiatiques, si les milieux du livres n'évoluent pas, ne participent pas à cette dynamique, ont des chances de survie.
Les diffuseurs et libraires admettent que, vu les marges de bénéfice très faibles, tout le monde fait tout et le fait souvent mal.
M. Weissenbach relève que des investissements importants deviendront nécessaires dans le domaine de l'édition scolaire, tant sur le plan des logiciels que pour les questions de droits d'auteurs. Par ailleurs, le canton de Vaud dicte sa loi, vu sa clientèle importante.
De plus, en ce qui concerne l'édition scolaire, dit-il, il est très difficile d'établir des comparaisons de prix, l'Etat ne comptabilisant pas les salaires ou d'autres frais. Seul ce qui est acheté à l'extérieur est pris en compte.
M. .
M. Mahler rappelle que l'Economat cantonal est le service des achats de l'Etat de Genève.
En ce qui concerne plus particulièrement les livres, il relève que seules les bibliothèques des écoles primaires et enfantines sont approvisionnées par l'Economat. Pour les autres degrés d'enseignement et les bibliothèques municipales, ce sont les bibliothécaires qui achètent les ouvrages dont ils ont besoin directement chez des libraires de la place, auprès desquels ils obtiennent certaines conditions, en accord avec l'Economat.
Lorsqu'il s'agit d'éditions réalisées dans le cadre de la coordination romande, COROME (commission romande des moyens d'enseignement) informe les éditeurs de langue française qu'une édition est en préparation et leur propose de faire des offres.
A titre d'exemple, M. Mahler énumère les trois derniers ouvrages qui ont été édités:
● un livre sur l'histoire suisse en bande dessinée pour lequel l'Economat a fait appel a un éditeur privé;
● un livre de cuisine, pour lequel l'Economat s'est adressé à un éditeur genevois qui a jugé le livre trop scolaire;
● un livre de géographie édité par un éditeur privé.
Il y a aussi des cours spécialisés qui sont réalisés par offset ou photocopie. L'objectif qui dicte le choix étant toujours le coût le plus bas pour un très petit tirage.
M. Mahler signale que pour toutes les éditions d'une année, les éditeurs ont déclaré ne pas être intéressés. Chaque fois que la chose est possible, l'Economat fait appel à des éditeurs de la place ou de Suisse romande.
COROME, par l'intermédiaire de l'office romand des éditions scolaires, est un service chargé de distribuer aux écoles les nombreux ouvrages communs à tous les cantons romands. Cette collaboration intercantonale a démarré dans les années 70, avec les mathématiques, puis le français et l'allemand au CO. En ce moment, COROME prépare l'édition d'une refonte des manuels de mathématiques sur le plan romand.
Un commissaire relève que les éditeurs, lors de leur audition, ont précisé qu'ils n'allaient plus aux séances de présentation, car ils avaient l'impression de n'avoir aucune chance de pouvoir être compétitifs, affirmant que le DIP ne compte pas les heures de travail, ni la location des locaux, par exemple.
Dans le cadre des éditions romandes, M. Malher précise que tous les coûts de conception sont pris en compte. Les heures de décharge sont payées aux cantons, ainsi que les frais de déplacements, de locations de salles, de conception de texte, de mise en page, de graphisme, de même que les frais de poste. Si le prix est relativement avantageux, c'est parce que le nombre d'exemplaires est importants (40 000 à 50 000). Il estime qu'il s'agit là d'un mauvais procès et il regrette que les éditeurs genevois ne viennent plus aux séances, car toute forme de collaboration est envisageable.
Pour répondre à la question posée au sujet des nombreuses plaquettes que reçoivent les députés, M. Mahler regrette de devoir dire que l'Economat est souvent court-circuité parce que les entreprises auxquelles les personnes s'adressent n'ont pas le souci de faire imprimer à Genève.
Au sujet des photocopies, M. Mahler estime certes qu'il y a des abus et signale que Pro Literis, organisme chargé de défendre l'intérêt des auteurs, envisage de faire taxer chaque photocopie. Pour sa part, l'Economat établit des contrats avec les entreprises qui louent les photocopieuses et contrôle chaque appareil. On peut donc dire qu'il se fait 74 millions de photocopies par an. Mais au-delà de ce constat, il n'a pas prise sur le sujet. Sans compter que les communes mettent parfois des appareils à disposition. Il convient de relever aussi que ceci reste un outil de travail précieux pour les enseignants.
Discussions de la commission
Les photocopies restent un sujet préoccupant auquel personne n'est apparemment à même de répondre sur un plan global. Si elles peuvent avoir un rôle de révélateur, très utile et positif, pour les ouvrages littéraires, il n'en va pas de même pour les ouvrages scientifiques, revues, qui ne sont alors pas achetées. Le problème est particulièrement grave aussi en ce qui concerne les partitions.
Pour les enseignants, il convient cependant de reconnaître qu'elles sont un simple outil de travail, mais un outil précieux, dont ils se passeraient difficilement aujourd'hui.
Actuellement, beaucoup de maisons d'édition ne tiennent que grâce à la force et à l'enthousiasme de ceux qui y travaillent. Seule la passion fait vivre ces entreprises. Quand cet enthousiasme diminue, la maison risque de disparaître. Une meilleure collaboration et une manière dynamique d'aborder un marché qui évolue leur donneraient vraisemblablement plus de garanties de survie.
Comme l'ont souligné, à diverses reprises, plusieurs commissaires, Genève a une longue tradition dans le monde du livre et il convient de ne pas perdre la grande richesse de ce patrimoine. La production du livre mérite donc d'être soutenue en général et plus particulièrement sur le plan genevois.
Conclusions
Par la constitution d'une commission consultative, d'un groupe interface et d'un jury, il a été répondu à plusieurs invites de la motion 934 pour laquelle les membres de la commission, à l'unanimité, vous proposent, Mesdames et Messieurs les députés, le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
L'ensemble des commissaires a donc estimé que la mise sur pied d'un groupe de travail, qui a permis la constitution d'une commission consultative, la création d'un groupe interface et d'un jury, apportait des réponses aux invites nos 2/3/4/5 et 6. Cependant, afin que le Grand Conseil puisse avoir connaissance des résultats obtenus grâce à la mise en place de ces différentes structures, les membres de la commission ont jugé nécessaires de conserver la première et la dernière invites de la motion 934. Le rapport ci-dessus tenant lieu d'exposé des motifs, les membres de la commission, à l'unanimité, vous proposent, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la motion 934 amendée, qui devient la motion 1012.
(M 1012)
proposition de motion
concernant un soutien à l'édition,
à la production locale du livre et à sa diffusion
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le récent colloque consacré à Genève aux défis de l'édition;
- la précarité du métier d'éditeur et du statut du livre en Suisse romande;
- que la disparition des uns et des autres mettrait en danger la pérennité de notre culture ainsi qu'une activité économique qui ne doit pas être abandonnée;
- que le livre ne peut être considéré comme un simple produit soumis aux lois du marché;
- qu'il est la base et la source de tout enseignement;
- qu'une vraie politique du livre doit être engagée, politique à laquelle les cantons doivent participer dans la mesure de leurs moyens;
- le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'encouragement à la culture renvoyé en commission pour étude,
invite le Conseil d'Etat
à suivre les activités du groupe de travail ou de la commission consultative, réunissant des représentants de l'Etat, de l'université, de la Ville, des communes et du Cercle de la librairie et de l'édition à Genève, chargé-e d'étudier et de proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production locale du livre et à sa diffusion;
à veiller à la mise en oeuvre des propositions;
à élargir le cercle des bénéficiaires de l'aide aux jeunes créateurs à des auteurs du canton (bourse d'encouragement ou prix à la publication d'une première oeuvre, par exemple).
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mme Claire Torracinta-Pacheet M. René Longet
Dépôt: 24 juin 1994
M 934
proposition de motion
concernant un soutien à l'édition,à la production locale du livre et à sa diffusion
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- le récent colloque consacré à Genève aux défis de l'édition;
- la précarité du métier d'éditeur et du statut du livre en Suisse romande;
- que la disparition des uns et des autres mettrait en danger la pérennité de notre culture ainsi qu'une activité économique qui ne doit pas être aban-donnée;
- que le livre ne peut être considéré comme un simple produit soumis aux lois du marché;
- qu'il est la base et la source de tout enseignement;
- qu'une vraie politique du livre doit être engagée, politique à laquelle les cantons doivent participer dans la mesure de leurs moyens;
- le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'encouragement à la culture renvoyé en commission pour étude,
invite le Conseil d'Etat
à constituer un groupe de travail ou une commission, réunissant des représentants de l'Etat, de la Ville, des communes et du Cercle de la librairie et de l'édition à Genève, chargé-e d'étudier et de proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production locale du livre et à sa diffusion;
à étudier, en collaboration avec les départements de l'instruction publique romands, des mesures permettant de mieux faire participer les éditeurs romands à la réalisation de matériel pédagogique;
à étudier la possibilité de diffuser auprès des enseignants la liste des publications des éditeurs romands, en particulier des éditeurs genevois;
à encourager les enseignants à développer au maximum le goût du livre chez l'enfant et à favoriser l'accès des élèves au livre, dans son intégralité;
à sensibiliser les enseignants au côté pernicieux de l'usage systématique de la photocopie en lieu et place du livre;
à inciter l'université à intensifier ses efforts pour mieux faire connaître les publications éditées en Suisse romande;
à élargir le cercle des bénéficiaires de l'aide aux jeunes créateurs à des auteurs du canton (bourse d'encouragement ou prix à la publication d'une première oeuvre, par exemple).
Débat
Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. Si le colloque de mars 1994, «Les défis de l'édition», a eu le mérite de réunir éditeurs et libraires, de les sensibiliser à l'obligation impérieuse de collaborer, il a suscité, auprès du DIP, une prise de conscience de l'importance de l'édition pour Genève, et surtout de la nécessité de la soutenir.
La motion 934, déposée en juin 1994 par nos collègues Claire Torracinta et René Longet, a eu le mérite de convaincre les députés de l'importance du monde de l'édition et de la librairie à Genève, de la richesse culturelle qu'il représente et du rôle que joue le livre dans notre cité.
Je me réjouis donc de constater que cet état des lieux de l'édition a été suivi d'actions concrètes : la création d'une commission consultative réunissant des représentants des éditeurs, de l'université, du DIP et de la Ville de Genève, commission dont le mandat est explicité dans le rapport; soit la mise sur pied d'un groupe interface d'éditeurs, de libraires et d'enseignants de tous les ordres d'enseignement; et la création d'un jury. Par conséquent, comme relevé dans le rapport, il a été répondu à plusieurs des invites de la motion 934.
Nous vous proposons donc d'approuver la motion amendée. Son numéro étant modifié, j'invite Mme Claire Torracinta-Pache et M. René Longet à être cosignataires de la motion 1012.
La présidente. Il ne s'agit pas d'une motion amendée, mais d'une nouvelle motion. Vous invitez donc les précédents motionnaires à retirer leur motion, si je vous ai bien comprise ?
Mme Nelly Guichard, rapporteuse. Exactement, Madame la présidente ! Je les invite également à cosigner la nouvelle motion.
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Mon collègue René Longet et moi-même remercions Mme Guichard de son rapport très complet. Nous remercions également la commission de l'enseignement et le Conseil d'Etat d'avoir pris au sérieux les problèmes soulevés par notre motion. Ils ont ainsi manifesté leur volonté de soutenir une activité culturelle typiquement genevoise, qui a sa place dans notre histoire et dont la disparition mettrait en péril une activité économique certaine ainsi que notre identité culturelle genevoise et romande.
Aussi ai-je le plaisir de vous faire part de la reconnaissance des éditeurs, dont nous avons porté les revendications dans ce parlement. Ce sont souvent des gens qui, à tort ou à raison, restent un peu à l'écart du monde politique. Ils nous ont manifesté clairement leur satisfaction et je tenais à vous en informer.
Toutefois, nous avons été un peu surpris par les conclusions du rapport de la commission, parce qu'à notre avis, et pour autant que nous maîtrisions la procédure normale, il aurait suffi de modifier un tant soit peu notre motion, afin qu'elle ne soit pas retirée. En effet, la nouvelle motion reprend textuellement nos considérants et change quelques invites. Il nous aurait donc semblé plus élégant de reprendre notre motion modifiée. Quoi qu'il en soit, nous ne voulons pas en faire une affaire d'Etat, l'important étant que les choses avancent.
Créer une commission consultative, c'est bien. Il s'agissait, d'ailleurs, de l'une des revendications des éditeurs que nous avons transmises à ce parlement. Créer un groupe interface, c'est bien aussi, mais faudrait-il encore qu'il se réunisse. A ma connaissance, cela n'a pas été fait à ce jour. Enfin, il faudra que ces réunions communes débouchent assez rapidement sur des propositions concrètes.
A la page 3 du rapport, il est dit que la commission consultative devra rendre «...un rapport chaque année aux deux instances politiques, avec un bilan du travail effectué». A ce propos, j'aimerais proposer un amendement à votre nouvelle motion qui consisterait à ajouter l'invite suivante :
«à présenter un premier rapport au Grand Conseil après un an.».
Nous souhaiterions, effectivement, être informés de ce qui se fera dans cette commission. Un rapport devant, de toute façon, être présenté à l'Etat et à la Ville, je ne vois pas d'impossibilité à ce que nous en prenions connaissance.
M. Armand Lombard (L). Le travail présenté par la commission est si brillant et finit sur une si belle note que je ne puis m'empêcher d'y apporter ma petite touche supplémentaire. En effet, les objectifs décrits sont louables, et il est bon que le département de l'instruction publique s'occupe de l'édition genevoise.
Certes, c'est une bonne chose de collaborer avec l'Etat, de conclure un partenariat à chaque fois que cela est possible, mais, à l'évidence, les éditions genevoises et romandes sont de petites entreprises qui doivent absolument revoir leur gestion. Parallèlement à ces aides multiples que sont les commissions, les groupes interface, etc., il leur faut monter des réseaux communs de clients, d'annonceurs et de travail pour vendre les ouvrages édités et non se contenter de demander simplement des subventions pour les publier.
Mme Torracinta-Pache a parlé de l'édition à Genève, née voici des siècles. Je peux vous garantir que si elle est réputée bien au-delà de nos frontières, c'est parce qu'elle a su trouver son dynamisme à Genève même, en dehors de l'aide de l'Etat, en appelant aux compétences de la place internationale, de la place humanitaire, de la place financière aussi. Il y a partout à dire et à faire, dans ce domaine. Comme je viens de le dire, ces entreprises doivent tout d'abord se mettre en réseau, collaborer et aller sur le marché pour vendre leurs livres.
Avec deux éléments de ce type et l'aide qui pourra être fournie, grâce à cette motion, mais surtout grâce aux moyens propres qu'elle se donnera, l'édition genevoise retrouvera son dynamisme et son efficacité.
M. Bernard Lescaze (R). il est évident que l'on ne peut que soutenir l'intention louable et les travaux qui ressortent du rapport de la commission de l'enseignement. Mes remarques ne sont pas des critiques : elles ouvrent simplement des pistes complémentaires, parce qu'il semble que l'on en est resté, parfois, à un aspect beaucoup trop institutionnel du soutien du livre, comme vient de le faire remarquer, en partie, M. le député Lombard.
Normalement, à la base d'un livre, avant même son édition et sa publication, il y a un auteur ou une "autrice". Or, malheureusement, dans ce rapport, dans la composition de commission interface et des jurys proposés, je constate que l'on a fait totalement abstraction de la notion des auteurs. Il existe une Société genevoise des écrivains, à laquelle on pourrait faire appel. Il existe également un certain nombre de fondations privées qui distribuent des prix, des encouragements financiers. Je le sais d'autant mieux que je suis le président de l'une d'entre elles, et que je n'ai jamais jugé bon d'en faire état. Les éditeurs genevois nous connaissent bien et nous envoient des livres pour recevoir, éventuellement, des prix.
Je pense qu'il conviendrait de nommer un ou deux représentants des auteurs dans la commission interface. Et il n'est pas difficile de trouver de bons auteurs genevois.
Des voix. Lescaze, Lescaze !
M. Bernard Lescaze. Non, non... je ne me considère pas comme écrivain, mais Mme la présidente du département de l'instruction publique sait très bien ce qu'il faut entendre par cela.
D'autre part, on distribue un certain nombre de prix littéraires à Genève. Le plus important porte le nom d'un écrivain genevois illustre, c'est le prix Rousseau. Il est effectivement attribué par un jury entièrement privé, et la Ville de Genève se contente d'en fournir le montant. Je tiens à signaler que ce prix, qui n'a encore jamais été décerné à un écrivain genevois, l'a été deux fois à des traductions et une fois pour l'un de ces enregistrements qui sont saisis, puis publiés, et que l'on prétend être des livres. Je souhaite, là aussi, que la commission interface puisse faire du bon travail.
Dernière remarque, très importante avant le budget : ce rapport fait allusion au problème des photocopies. Vous savez que la loi suisse sur le droit d'auteur vient d'être révisée et que les sociétés, qui défendent prétendument les intérêts des auteurs, sont devenues très gourmandes. Si bien que dans le budget des bibliothèques, comme dans celui du département de l'instruction publique, ces postes vont se chiffrer en plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers de francs. Il en va d'ailleurs de même pour les droits sur les vidéocassettes.
Tout ceci est bel et bon, mais, comme le laisse entendre le rapport, ce sont effectivement des ouvrages scientifiques, ou des articles scientifiques, historiques, géographiques ou physiques, qui sont photocopiés. Malheureusement, le système de redistribution du droit de 3,5 centimes par photocopie fonctionne selon les tirages. Par conséquent, les auteurs des écrits photocopiés sont généralement des scientifiques qui ne touchent que peu de droits, alors que le montant important des photocopies ira aux auteurs de romans de gare. Il y a là un problème auquel personne n'a pensé. Pour résumer, c'est Horace Bénédict de Saussure contre Barbara Cartland.
Fort de ces remarques, je félicite la commission de l'enseignement de ce rapport. A mon avis, c'est une première démarche, le sujet de l'aide à l'édition genevoise et à l'édition romande étant complexe et délicat. Je pense que nous aurons l'occasion, au vu des rapports successifs d'activité de cette future commission, d'en redébattre. Je voulais simplement faire ces remarques pour vous montrer qu'il s'agit d'un sujet délicat et qu'il faut avancer avec une extrême prudence.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je suis sensible à l'honneur que me font ce Grand Conseil et surtout la commission de l'enseignement en étant satisfaits des démarches que nous avons entreprises.
Néanmoins, je tiens à souligner ce qui suit :
L'Etat de Genève et le département de l'instruction publique n'ont pas pour vocation - ils ne l'auront jamais - de soutenir des métiers. Il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'aide aux éditeurs, mais de démarches dans le sens de la mission culturelle de l'Etat et du département de l'instruction publique, consistant à soutenir le livre, à aider à sa publication et à inciter à la lecture. Je souhaiterais, par conséquent, que l'on replace les dispositions qui ont été prises dans ce cadre.
Monsieur le député Lescaze, j'ai pris note avec intérêt de votre suggestion. Compte tenu de la démarche précitée, quelques auteurs pourraient, effectivement, participer aux discussions de ces différentes commissions.
Le 9 octobre prochain, Ville et Etat "installeront", puisque c'est l'expression consacrée, la fameuse commission consultative qui va commencer ses travaux. Je veux bien que vous modifiiez une invite, mais je vous rends attentifs au fait qu'il s'agit de travaux sur la durée. Cela ne signifie donc pas, à terme, des progrès ou des résultats chiffrés. La contribution financière du DIP, dans le cadre de ses crédits habituels, concerne la mise à disposition de prix pour encourager la production de jeunes auteurs, de la même façon que, pour d'autres supports culturels, nous encourageons la vidéo, la musique, le théâtre ou la danse. C'est ainsi qu'il faut comprendre ce qui a été décidé et déterminé.
Madame la députée, les éditeurs vous ont fait savoir, je crois, qu'ils étaient satisfaits. J'espère que les propositions, pas seulement celles des éditeurs mais également celles des auteurs - car ce sont eux, comme l'a rappelé M. Lescaze, qui font vivre le livre - se concrétiseront en éléments intéressants pour le futur rapport que nous vous adresserons en temps voulu.
M 1012
La présidente. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote de l'amendement proposé par Mme Claire Torracinta-Pache et M. René Longet, visant à ajouter un alinéa à l'invite de la proposition de motion, et dont la teneur serait la suivante :
«à présenter un premier rapport au Grand Conseil après un an.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, la motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant un soutien à l'édition,
à la production locale du livre et à sa diffusion
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le récent colloque consacré à Genève aux défis de l'édition;
- la précarité du métier d'éditeur et du statut du livre en Suisse romande;
- que la disparition des uns et des autres mettrait en danger la pérennité de notre culture ainsi qu'une activité économique qui ne doit pas être abandonnée;
- que le livre ne peut être considéré comme un simple produit soumis aux lois du marché;
- qu'il est la base et la source de tout enseignement;
- qu'une vraie politique du livre doit être engagée, politique à laquelle les cantons doivent participer dans la mesure de leurs moyens;
- le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'encouragement à la culture renvoyé en commission pour étude,
invite le Conseil d'Etat
à suivre les activités du groupe de travail ou de la commission consultative, réunissant des représentants de l'Etat, de l'université, de la Ville, des communes et du Cercle de la librairie et de l'édition à Genève, chargé-e d'étudier et de proposer des mesures d'encouragement et de soutien à la production locale du livre et à sa diffusion;
à veiller à la mise en oeuvre des propositions;
à élargir le cercle des bénéficiaires de l'aide aux jeunes créateurs à des auteurs du canton (bourse d'encouragement ou prix à la publication d'une première oeuvre, par exemple);
à présenter un premier rapport au Grand Conseil après un an.
M 934
La présidente. Madame Torracinta-Pache, auriez-vous l'obligeance de retirer votre première proposition de motion ?
Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je la retire, tout en le regrettant, Madame la présidente.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.