Séance du
vendredi 22 septembre 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
9e
session -
41e
séance
M 1014
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- la multiplicité d'instituts ou de programmes ou encore d'actions universitaires dont les objets de recherche ou d'enseignement se situent dans le domaine international et ont un rapport, direct ou indirect, avec la paix;
- la volonté de la Confédération d'oeuvrer en faveur de la paix, notamment sur le plan universitaire, en favorisant la création, à Genève, d'un institut pour la paix;
- les conclusions du Rapport Allan-Dupont du 30 août 1991, réalisé à la demande du Conseil d'Etat;
- les difficultés actuelles de l'Institut international de recherche pour la paix à Genève, quant à ses finances et à ses locaux;
- la nécessité pour Genève de maintenir son rôle international en se dotant d'atouts plus spécifiques que le nombre de m2 ou autres avantages matériels qu'elle peut mettre à disposition des organismes internationaux;
- l'occasion que constitue le 50e anniversaire de l'ONU,
invite le Conseil d'Etat
- à entreprendre une étude, en collaboration avec la Confédération, sur la création dans notre canton d'un institut universitaire de recherche sur et pour la paix;
- à analyser les opportunités d'intégrer dans cet institut les divers organismes qui oeuvrent aujourd'hui dans ce domaine à Genève.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Genève a vu naître, au fil de l'histoire, au gré des nécessités majeures telles qu'elles se sont manifestées en des moments différents, plusieurs instituts. Ainsi, l'Institut universitaire de hautes études internationales (IUHEI), au moment de la création de la SdN, le Centre européen de la culture (CEC), au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'Institut africain, au moment de la grande vague de décolonisations en Afrique, institut devenu ensuite l'Institut universitaire d'études du développement (IUED), et plus récemment, l'Académie de l'environnement.
Un nouvel institut est, semble-t-il, en train de naître, l'Institut d'études stratégiques, institut d'importance si l'on en croit la surface - 3000 m2 - qui lui a été attribuée dans le concours architectural lancé pour l'aménagement de la place des Nations et de ses abords (comprenant la Campagne Rigot).
Les instituts existants ont peu, voire pas de rapports organiques entre eux. Tous sont dotés d'un financement distinct, qui repose en partie sur le budget de notre canton. Chacun est doté d'une direction, d'une administration, d'une bibliothèque, etc.
De plus, ces instituts ne sont pas seuls à oeuvrer, sur le plan universitaire et dans le domaine international, dans une perspective qui s'ouvre sur la paix. Cette dernière étant comprise dans son sens le plus large: compréhension entre peuples différents, dialogue des cultures, équilibres économiques, équilibres naturels, etc.
Le Rapport Allan-Dupont, commandité par le Conseil d'Etat, a établi un inventaire, non exhaustif pourtant, qui souligne le foisonnement «des actions et des recherches pour et sur la paix à Genève» (août 1991). Quelques passages de ce rapport méritent d'être rappelés ici, tant ils restent d'actualité puisque ce rapport n'a été suivi d'aucun effet:
«... les actions et la recherche scientifique pour et sur la paix sont abordées selon des sensibilités, des méthodes et des objectifs extrêmement divers. Cette diversité est telle qu'un véritable fossé semble parfois séparer chercheurs et activistes. Si l'on souhaite promouvoir une Genève active sur le plan de la paix et non seulement une ville accueillant des rencontres internationales, il est nécessaire de trouver un projet commun permettant de rallier tant les associations et institutions activistes que les chercheurs scientifiques.»
Ou encore:
«Au vu du grand nombre d'institutions universitaires et para-universitaires actives dans le domaine à l'étranger, il est indispensable que Genève remplisse une véritable lacune en la matière et fournisse une contribution spécifique.»
Et ceci encore, dont le propos est grave:
«... Genève est perçue avant tout comme une ville accueillant des rencontres internationales et non comme une cité engagée dans la construction de la paix.»
Or, du côté de la Confédération, à la suite du postulat Arnold développé en octobre 1966, le Conseil fédéral a demandé l'étude d'un projet au Conseil suisse de la science. Quelques années plus tard, ce dernier a abouti à la conclusion qu'il était opportun d'envisager la création d'un institut pour la paix à Genève.
D'autres postulats ont suivi, celui de Ott, en 1983, puis de Muheim, sans que Genève ne réagisse, sinon en faisant la sourde et la muette. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir pourquoi et de connaître les influences qui ont pu se manifester pour enliser ce processus.
Le Rapport Allan-Dupont lui-même, en dépit de ses conclusions allant dans le sens de la création d'un tel institut, a été mis dans un tiroir. Il faut relire à ce sujet le mémorial de la séance de ce Grand Conseil du 18 septembre 1992.
Nous rappellerons pour mémoire la motion de la députation radicale, il y a quatre ans, demandant, elle aussi, la création d'une université de la paix; cette motion faisait suite à d'autres interventions, dans ce même Grand Conseil, de certains de nos collègues toujours présents.
Nous pouvons donc affirmer qu'il y a une volonté conjointe, à Berne et à Genève, qui n'arrive pas à s'imposer. Où sont donc les freins? Quelles carences ou quels intérêts occultes ont pu se manifester pour empêcher cette création?
Aujourd'hui, le GIPRI tire la sonnette d'alarme.
Le GIPRI mérite notre attention. Cet institut international de recherches pour la paix à Genève a été fondé en 1987, à l'initiative de diverses personnalités, pour donner vie à cet Institut de la paix fédéral qui, bien que conçu et voulu, tardait à naître. Parmi les personnalités qui ont soutenu ou soutiennent encore le GIPRI, citons Denis de Rougemont, Max Petitpierre, Monique Bauer-Lagier, Alexandre Berenstein, René Felber, Sadruddin Aga Khan, Victor Weisskopf.
Le GIPRI a voulu être le noyau de cet organisme confédéral, il se trouve aujourd'hui étouffé, faute de moyens, alors même, comme nous le relevions, qu'un nouvel institut s'apprête, lui, à voir le jour.
Nous sommes convaincus que le moment est venu d'y voir clair, de voir qui fait quoi, avec quelle efficacité, avec quel intérêt pour le rôle que Genève et la Suisse entendent jouer dans le domaine de la paix.
L'étude que nous vous demandons de faire entreprendre par le Conseil d'Etat devrait être confiée à des personnalités indépendantes, relevant du monde universitaire et du monde diplomatique. Nous souhaiterions qu'elle se profile dans la perspective tracée par le projet du Conseil fédéral et qu'elle se double d'une annexe financière, portant notamment sur le coût présent des multiples instituts, programmes, etc.
A l'heure où nous nous apprêtons à fêter le 50e anniversaire de la création de l'ONU, ne devons-nous pas renouer avec notre tradition, et mettre en valeur nos atouts, en décidant au moins d'étudier l'opportunité de donner vie à un institut ou une sorte «d'université de la paix»? Un institut qui rassemblerait, dans un effort de synergie, nos activités si nombreuses et si disparates, lesquelles, en dispersant les ressources disponibles, s'empêchent mutuellement de devenir marquantes.
On sait que le SIPRI, le Stockholm International Peace Research, jouit d'une réputation mondiale pour son action. Or, il a été créé par le Parlement suédois pour «marquer et célébrer le cent cinquantenaire de l'absence d'implication de la Suède dans un conflit armé».
Genève, elle, a vu naître le CICR. Il agit en aval des conflits. Osons imaginer un tel institut de la paix qui agira en amont. Il en existe déjà ailleurs, à Namur par exemple. A Genève, siège de l'ONU, dans cette magnifique Campagne Rigot qui jouxte la place des Nations, osons créer un lieu de dialogue, de recherche, de formation, sur le plan universitaire. Nous sommes convaincus que nous avons quelque chose à apporter à la paix sur ce plan-là.
En vertu de ce qui précède, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un accueil favorable à cette proposition de motion.
Débat
M. Roger Beer (R). Cette proposition de motion permet d'exposer un sujet cher aux radicaux : l'université de la paix. Les "anciens" se souviendront, sans doute, d'un projet instituant une université de la paix, présenté, sans succès, il y a quatre ans, par les radicaux à ce Grand Conseil.
Les années passent, le monde évolue, mais le désir de paix demeure. Aussi les radicaux ont-ils revu leur copie, retravaillé le dossier et se sont adjoint les lumières de députés venant d'autres horizons et siégeant dans cette honorable assemblée. Aujourd'hui, ils vous présentent une nouvelle motion.
Je m'étais personnellement impliqué dans les problèmes - j'utilise à dessein cet euphémisme - de l'ancien et, à l'époque, controversé Institut universitaire d'études européennes; la lecture du Mémorial vous donnera une idée de ce que j'ai vécu à cette occasion.
Le concours de l'aménagement de la place des Nations et l'ambitieux programme prévu dans ce périmètre nous offrent l'opportunité de revenir, aujourd'hui, sur la question des différents instituts universitaires de Genève. Faut-il rappeler qu'une surface importante de ce périmètre a été offerte à l'université de Genève, par le généreux Rockfeller, qui a tenu à ce qu'elle soit entièrement vouée aux activités universitaires ?
La paix à Genève ne tient pas du hasard. Genève, par son esprit et la présence de ses organisations internationales, est destinée à se consacrer à la paix. Citons le CICR ou l'ONU, pour ne prendre que les institutions les plus célèbres. D'autres organismes, plus discrets, éloignés des feux de la rampe, contribuent tout autant à notre réputation de métropole internationale et de cité oeuvrant pour la paix.
C'est vraisemblablement dans ce contexte que se sont développés, à Genève, ces différents instituts. Chacun d'eux, dans son domaine particulier, avec ses propres compétences, son cercle d'initiés et son fan-club, travaille sur une approche de la problématique de la paix. Sur ce point, Genève possède déjà une sérieuse avance ! Citons, pour mémoire, l'Institut universitaire des hautes études internationales (IUHEI), l'Institut universitaire des études pour le développement (IUED), le fameux GIPRI, l'Institut international de recherches pour la paix, qui se heurte, aujourd'hui, à de graves difficultés financières, l'Académie de l'environnement, ce jeune institut luxueux en pleine crise d'existentialisme et qui, déjà, se cherche une nouvelle voie, une nouvelle jeunesse, voire un deuxième souffle. Un autre institut, l'Institut d'études stratégiques, va naître, semble-t-il, et il sera d'envergure, si l'on considère la surface de 3000 m2 qui lui est réservée dans le concours de la place des Nations.
Dans la conjoncture financière que nous connaissons, vous admettrez qu'il est raisonnable d'imaginer que nous pourrions peut-être trouver une plus grande synergie entre ces différentes entités universitaires. En effet, chaque institut est autonome, "tourne" avec son budget, exploite ses propres subventions, utilise ses locaux, plus ou moins spacieux, plus ou moins bien situés. Il est incontestable que nous avons là des richesses, des capacités intellectuelles extraordinaires, des professeurs réputés, secondés d'assistants talentueux.
Aussi, ne pourrait-on pas envisager un regroupement de ces forces vives ? Les grands de ce monde, les intellectuels, les décideurs parlent de synergie. A Genève, nous avons la chance exceptionnelle de réunir les conditions favorables à cette synergie dynamique qui pourrait - je ne dis pas "qui devrait" - déboucher sur un regroupement complémentaire des forces oeuvrant pour la paix.
Une telle étude ne serait pas inédite. En effet, le rapport Allan-Dupont, du 30 août 1991, préconisait une voie similaire et jugeait inévitable ce genre de regroupement.
Notre proposition de motion demande que le Conseil d'Etat, fort du concours de la place des Nations et de son très vaste programme, approfondisse, en collaboration avec la Confédération, l'opportunité et la possibilité de la création, à Genève, d'un institut ou d'une structure universitaire regroupant les différentes études dans le domaine de la paix.
Pour toutes ces raisons, je vous serais reconnaissant de bien vouloir accorder un accueil favorable à cette proposition de motion et lui donner une suite positive, en la renvoyant à la commission de l'université.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Madame la présidente, au terme de nos interventions, je vous demanderai de donner lecture de la lettre du GIPRI, comme prévu au début de l'ordre du jour.
Comme Mme Mascherpa pouvait dire, hier, qu'à défaut d'une traversée de la rade ou d'un nouveau stade de football, les enfants de ce canton ne risquent pas de marcher sur une mine antipersonnel, nous pouvons dire, aujourd'hui, que, malgré nos petits soucis, nous vivons dans un pays immensément privilégié. Ces privilèges de paix et de richesse nous obligent à quelques responsabilités. "Verte et protestante" - on ne se refait pas ! - je m'engage pour cette motion, afin qu'elle aide à la réalisation d'un projet ambitieux. Tous ceux qui, une fois ou l'autre, ont revendiqué l'esprit de Genève devraient, pour le réactualiser, se joindre à la tentative que nous proposons.
En mai dernier, le forum des organisations non gouvernementales, section paix, réuni à Berne, établissait un programme national de la Suisse pour le cinquantième anniversaire de l'ONU. Les propositions de ce programme conviennent parfaitement au parti des Verts. Les ONG se déclarent prêtes à s'engager pour que se concrétise l'idéal d'une civilisation mondiale pacifique, telle que décrite dans la charte de l'ONU. En préliminaire, elles affirment qu'il n'y a pas de paix sans développement, pas plus qu'il n'y a de développement sans paix, le développement concernant la paix, l'économie, l'environnement, la société et la démocratie.
Reconnaissons que les ONG ont déjà développé une force innovatrice importante, lors de nombreuses conférences mondiales de l'ONU. De façon globale, de même que dans le cas particulier de notre pays, il faut oser dire que la paix ne s'obtient pas gratuitement et que, à ce titre, les dépenses militaires doivent être reconverties à son profit et à celui du développement social.
C'est pourquoi, et je cite les ONG : «Les organisations non gouvernementales demandent à tous les Etats du monde, y compris la Suisse, de réduire les dépenses militaires et de consacrer les sommes dégagées à promouvoir la paix et à assurer le développement social. Sans une reconversion massive des dépenses militaires en faveur de la paix, de l'environnement, de la démocratisation et du renforcement du statut des femmes, les défis mondiaux ne sauraient être relevés.» C'est pourquoi les Verts réitèrent leur avis de consacrer 0,7% du produit national brut à la coopération et au développement.
Le projet d'un institut sur et pour la paix est un élément de l'engagement demandé à la Confédération pour la paix et le développement. La politique de paix exige du personnel, des compétences, des formations, des idées et de l'argent. Gageons que, lors de l'examen du projet de motion en commission, les moyens mis à disposition par l'Etat et la Confédération se révéleront dérisoires, eu égard à la richesse de notre pays.
Nous souhaitons, par notre soutien à la motion, inviter notre canton et la Confédération, non seulement à une exigence d'accroissement de performances, ou à une déclaration d'intention, mais à un engagement dans une politique de paix qui va bien au-delà d'une défense nationale ou d'une recherche stratégique.
Nous souhaitons, par notre soutien, revitaliser l'image de la Suisse et de notre canton, siège d'organisations internationales, pour que nos propositions d'accueil des conférences internationales ne soient pas seulement concurrencées pour des motifs économiques mais que nos propositions d'accueil soient sous-tendues par un engagement authentique, qui légitime notre prétention à un certain esprit de Genève.
M. Armand Lombard (L). Nous recevons avec intérêt la motion 1014, et nous aimerions, avant de la renvoyer en commission, insister sur deux points importants, pour éviter le développement d'une discussion, éventuellement simpliste et manichéenne, à propos de l'Institut d'études stratégiques, auquel se réfère M. Beer, et de l'Institut de la paix plus proche du GIPRI.
Peut-être avez-vous lu le livre «Guerre et anti-guerre» d'A. Toeffler, sorti de presse ce printemps ? L'auteur y décrit les trois types de guerres actuels : les guerres de la première vague, qui sont celles des territoires et des ethnies; les guerres de la seconde vague, celles des nations pour les ressources, et qui relèvent du protectionnisme des XIXe et XXe siècles; enfin, ce nouveau type de guerre que Toeffler appelle "l'anti-guerre", c'est-à-dire celle où l'idée n'est plus de conquérir le territoire de son voisin, mais de remplacer la menace de la dissuasion par des contacts plus subtils, par une politique de sécurité, par des efforts qui permettent d'éviter le conflit.
Il s'agit d'études qui n'en sont qu'à leur début. En effet, il suffit de jeter un coup d'oeil sur ce qui nous entoure pour constater que les première et seconde vagues continuent à déferler, tandis que la troisième n'est pas encore perceptible. Mais c'est la seule qui permettra des stratégies débouchant sur des solutions pacifiques.
C'est pourquoi il ne faut pas parler d'un institut d'études stratégiques, qui relèverait du domaine militaire, et d'un institut de la paix, qui serait l'exclusivité des pacifistes.
A l'évidence, cet institut devrait s'occuper de mettre sur pied une politique de sécurité et apprendre aux gens la négociation internationale, c'est-à-dire discuter, s'écouter, trouver des synergies pour résoudre les problèmes, les conflits, ou encore concrétiser les projets qui se présentent.
L'institut mentionné par M. Beer est prévu par les autorités fédérales. Je crois que la cheffe du département de l'instruction publique aura des informations à nous donner à son sujet. Aussi me bornerai-je à dire que c'est un projet superbe et positif pour Genève.
Le deuxième point, développé par M. Beer, touche à une forme d'intégration, de réseau et de synergie des grands instituts universitaires genevois. Fort heureusement, M. Beer n'a pas parlé de fusion ! Il ne la recherche pas, et nous devons précisément l'éviter. Les solutions actuelles résident, effectivement, dans une mise en réseau, dans la recherche de synergies, mais en tenant compte des spécificités des instituts, afin que chacun préserve sa capacité d'inventer. Cet institut de politique de sécurité intéresserait, à l'évidence, les HEI, le mouvement Pugwash, le CICR, le Centre de négociations internationales et, sans doute, le GIPRI, qui réuniraient leurs efforts, mais sans, pour autant, tout coordonner et unifier.
Encore une remarque et j'en termine. J'ai souvenir, lors de la discussion en commission sur le GIPRI, que suite n'avait pas été donnée à la demande d'intégration formulée dans le rapport. Au contraire, la commission avait proposé de différencier les options, de disposer d'un mémoire de tout ce qui se faisait, à Genève, en faveur de la paix, de la négociation et d'une recherche de politique de sécurité, afin d'informer les uns et les autres des opérations menées. Je souhaite que soit évité l'affrontement, que je disais redouter au début de mon exposé. En effet, un contre-projet en faveur d'un institut d'une autre nature tuerait dans l'oeuf le projet extrêmement intéressant de la Confédération, que je me réjouis de discuter en commission.
M. René Longet (S). Dans le prolongement de ce qu'a dit Mme Maulini, concernant la nécessité de veiller à ce qui se passe avec le GIPRI, j'ajoute que je me réjouis de l'examen de cette motion en commission et attire l'attention de ce Grand Conseil sur le fait que les motionnaires, qui ont tout mon appui, veulent la réalisation d'un grand projet : celui de coordonner, comme le soulignait M. Lombard, mais peut-être aussi celui d'unir, selon le souhait des motionnaires radicaux, les forces qui, à Genève, oeuvrent à la recherche de la paix ou de la prévention des conflits.
J'observe que, en réclamant plus maintenant, on risque d'avoir moins d'ici quelques mois. Aussi, j'insiste sur l'existence du GIPRI. Fondé voici quinze ans, le GIPRI lutte et se bat pour faire avancer ses programmes et ses projets. Bien qu'ayant accumulé de nombreuses relations et expériences il se trouve actuellement dans une situation extraordinairement difficile. Malheureusement, le GIPRI - et j'espère que ce qui a été dit ce soir changera le cours des choses - n'a jamais réussi à décrocher un soutien effectif des pouvoirs publics. On a beaucoup parlé, dans cette enceinte, de la Genève internationale, mais on n'a jamais fait grand-chose pour le GIPRI. Plusieurs motions ont été déposées en sa faveur, des bonnes paroles ont été prononcées, mais il faut quand même savoir qu'a été supprimée, cette année, la subvention de 10 000 F destinée aux cours d'été, organisés par le GIPRI, pour des étudiants représentant plus d'une soixantaine de nationalités. D'habitude, ces étudiants, qui viennent du monde entier, étaient reçus par le Conseil d'Etat. Même cette petite réception a été supprimée : on se rend compte que ce qui existe encore pourrait disparaître !
Aussi, avant que les grands projets ne soient envisagés, je souhaite que l'on se soucie, en commission, de faire vivre ce qui existe déjà. Et je ne voudrais pas que ce débat se tienne sans que l'on soit conscient que le GIPRI est dans une situation d'extrême urgence. Grâce aux bons soins du département des travaux publics, le GIPRI était logé provisoirement dans l'ancien palais des expositions. D'ailleurs, plusieurs d'entre nous ont eu le plaisir de s'y rendre pour évaluer la situation, avec les responsables de cette fondation. Grâce encore à la compréhension du département des travaux publics, le GIPRI a pu quitter ce bâtiment, actuellement en voie de démolition, pour s'installer dans une école, en périphérie. Mais, par conséquent, il est aussi éloigné de ses sources universitaires et de la Genève internationale.
Je demande donc que l'examen de la motion inclue expressément, comme prévu par l'exposé des motifs, la situation du GIPRI et un soutien effectif de la collectivité publique genevoise à la survie de cette institution.
Encore une fois, il serait dommage qu'à vouloir plus on obtienne moins.
La présidente. Nous allons procéder à la lecture de la lettre du GIPRI, dont l'essentiel vient de vous être communiqué par M. Longet. Monsieur le secrétaire, veuillez procéder à la lecture de cette lettre.
Annexe : lettre du GIPRI
page 2
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Par le biais de vos différentes interventions, nous aurons passé de la définition de la paix aux voeux des uns et des autres, qui se traduisent, pour certains, par la création d'un institut universitaire.
Je vous informe ici de ce que je dirai en commission : une telle demande me paraît, d'ores et déjà, décalée par rapport à la réalité, un Institut d'études stratégiques n'entrant pas dans nos prévisions. Par contre - et ceci répondra sans doute aux souhaits de Mme Maulini-Dreyfus - il y a bel et bien de la part de la Confédération, de deux de ses départements, du canton, de l'ONU, des partenaires dans les domaines universitaire et humanitaire, la volonté commune de mettre sur pied un centre de formation et de recherches, qui collabore avec les autorités académiques, étatiques ou para-étatiques, et les institutions privées, afin de promouvoir la construction et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Europe et dans le monde.
C'est donc une activité plus ouverte qu'une simple recherche universitaire. Il s'agit aussi d'intégrer la nécessité de diplomatie, de négociation et des différentes composantes qui conduisent à la paix.
Aucun de nous n'ignore l'importance de la paix et chacun a eu, pour objectif, d'y tendre et de la faire régner. Mais, pour cela, il ne suffit pas d'articuler le mot "paix", comme on a articulé le mot "environnement", à un certain moment, puis de mettre sur pied des institutions que l'on rassemble en espérant que le tout fonctionnera. C'est pour cette raison que sera créée, d'ici la fin de l'année, une fondation qui remplira non seulement les divers critères que vous avez évoqués, mais qui répondra aussi aux objectifs que j'ai énumérés.
Dans le lieu où s'installera cette fondation - ce n'est pas, comme on l'a cru, la surface de 3 000 m2 citée tout à l'heure - le GIPRI aura sa place et des locaux pourraient être mis à sa disposition.
C'est vers cette solution que nous nous acheminons, mais sachez tout de même que ce n'est pas lors de la prochaine séance de la commission de l'université que nous résoudrons le problème. Pour pouvoir véritablement discuter de tous les aspects concrets de ce projet, je suggère, au contraire, d'attendre quelques semaines.
Il ne faudrait pas confondre le problème d'une institution et la façon dont des milieux privés ou étatiques peuvent lui venir en aide ponctuellement, par un projet qui réunit des partenaires et qui vise une politique cohérente et globale.
C'est la raison pour laquelle je vous invite, dans l'ordre du jour de votre commission, à tenir compte de la nécessité de parler d'un projet exhaustif. Cela pourra être le cas d'ici quelques semaines.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'université.