Séance du vendredi 22 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 41e séance

M 919-A
11. a) Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Michel Balestra, Jean-Pierre Gardiol, Nicolas Brunschwig et Claude Basset concernant la priorité donnée à l'emploi par l'amélioration des conditions cadres offertes à l'économie genevoise. ( -) M919
 Mémorial 1994 : Développée, 1984. Renvoi en commission, 2009.
Rapport de majorité de M. Pierre Kunz (R), commission de l'économie
Rapport de première minorité de Mme Claire Chalut (AG), commission de l'économie
Rapport de deuxième minorité de Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), commission de l'économie
R 294
b) Proposition de résolution de Mmes et MM. Marie-Françoise de Tassigny, Nelly Guichard, Yvonne Humbert, Micheline Spoerri, Michel Balestra, Nicolas Brunschwig, Pierre Kunz, Alain-Dominique Mauris et Jean-Claude Vaudroz concernant la priorité donnée à l'emploi par l'amélioration des conditions-cadres offertes à l'économie genevoise. ( )R294

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

C'est dans sa session de mai 1994 que le Grand Conseil avait décidé d'envoyer à la commission de l'économie la proposition de motion 919. Le texte de celle-ci est annexé à ce rapport.

Entre le 16 janvier et le 3 avril 1995, au cours de huit séances de travail, la commission de l'économie a étudié le texte des motionnaires sous la présidence de Mme Micheline Spoerri, relayée en une occasion par M. Pierre-Alain Champod. Lors de ses travaux, la commission a entendu trois conseillers d'Etat, M. Olivier Vodoz, chef du département des finances (DF), Mme Martine Brunschwig Graf, cheffe du département de l'instruction publique (DIP), et M. Gérard Ramseyer, chef du département de justice et police et des transports (DJPT). Elle a pu, par ailleurs, compter sur la présence quasi permanente et les informations de MM. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique (DEP), et Jean-Claude Manghardt, secrétaire général de ce département.

Les débats de la commission ont débouché non seulement sur des invites considérablement remaniées mais aussi sur une formulation parlementaire différente, celle de la résolution. La proposition de remplacer la motion par une résolution a été présentée par le chef du DEP. Constatant que l'objectif des motionnaires, soulignés par ceux-ci à de nombreuses reprises, était de «permettre un grand débat politique du législatif sur le visage qu'il entend donner à la Genève de demain», le chef du DEP a relevé que la forme de la résolution était la mieux appropriée. La commission s'est rangée à cette suggestion et a adopté la transformation de la motion en résolution à l'unanimité moins 5 abstentions (3 AdG, 2 PS).

Préalablement, la commission, au vu de l'objectif poursuivi par les motionnaires et de l'utilité du débat politique de fond dont la motion fournit l'occasion, avait rejeté deux propositions visant, l'une, à subdiviser celle-ci plusieurs motions nouvelles, l'autre, à faire suivre le texte original au Conseil économique et social.

Le texte de la résolution a été adopté par la commission.

Les auditions

M. .

C'est au sujet des invites 1 et 2 de la motion que M. Olivier Vodoz a été prié de s'exprimer. La question qui a été globalement posée au chef du DF et à M. P. Sansonetti qui l'accompagnait était la suivante: quels sont les handicaps dont souffre Genève sur le plan fiscal?

Pour le chef du DF, la faiblesse majeure de la fiscalité genevoise réside dans le déséquilibre de la répartition de l'impôt entre bas et hauts revenus par rapport à la moyenne helvétique et notamment par rapport au barème vaudois. La fiscalité genevoise est plus avantageuse que la fiscalité vaudoise pour les personnes physiques disposant d'un revenu brut inférieur à 80 000 F. Au-delà c'est l'inverse et la différence peut aller jusqu'à 30%. Il existe donc une attractivité manifeste du canton de Vaud pour les moyens et hauts revenus (voir tableau 1).

S'agissant des revenus inférieurs à 80 000 F, les documents fournis par le chef du DF montrent qu'à Genève, en 1994, 24% des contribuables ont payé moins de 500 F d'impôt cantonal et que 47,4% ont versé moins de 3 800 F.

TABLEAU 1

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M. Olivier Vodoz a également souligné que la structure des revenus dans le canton s'est considérablement modifiée au cours des vingt dernières années. Si la part des revenus salariaux et de la propriété est restée stable, celle des revenus de transferts a explosé (de 8,1% en 1971 à 13,1% en 1991) et la part de ceux déclarés par les entreprises a chuté fortement (de 16,8 % en 1971 à 10,0% en 1991).

Cette évolution a largement contribué, surtout depuis la réformefiscale de 1985, généralement favorable au contribuable grâce à l'accroissement des déductions autorisées sur leur revenu brut mais particulièrement avantageuse pour les bas revenus, à la baisse du rendement fiscal dans le canton. (voir tableau 2).

En conclusion, le chef du DF a relevé que la priorité doit rester à la compression des dépenses publiques et à la réduction des déficits. Ces objectifs doivent primer sur une éventuelle réduction de la fiscalité. Mais il serait a contrario très déraisonnable d'accroître encore le poids de cette fiscalité sur les hauts revenus, une telle opération ne pouvant que gonfler encore le chiffre des actifs non résidents qui dépasse actuellement la barre des 15 000 contribuables, compte non tenu des frontaliers français.

Quant à la fiscalité pesant sur les personnes morales, si, selon le chef du DF, elle mériterait une certaine modernisation, elle n'en demeure pas moins généralement concurrentielle en regard de ce qui se passe dans d'autres cantons.

. .

La commission a souhaité entendre la présidente du DIP au sujet de la troisième invite de la motion. Les commissaires désiraient généralement savoir comment, selon la cheffe du DIP, il convient d'organiser l'enseignement dans le canton et quels fondements il faut lui donner dans le monde en mutation qui est le nôtre.

Pour Mme Martine Brunschwig Graf, à Genève comme dans le reste du monde occidental, on a longtemps vécu dans une société rassurante où les perspectives étaient prévisibles à moyen terme. Nous connaissons aujourd'hui de grandes mutations qui nous conduisent vers de profonds et nouveauxchangements. Les exigences actuelles et futures de la société et particulièrement celles de la vie professionnelle s'en trouvent fortement modifiées. La politique de formation doit tenir compte de cette profonde évolution.

Il s'agit de mettre en place des structures et des programmes scolaires prvilégiant le développement de l'autonomie des élèves, leur flexibilité, leur

TABLEAU 2

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envie et leur capacité d'apprendre. Armés d'un large bagage de culture générale et, suivant la voie choisie, de solides connaissances professionnelles, les jeunes seront aptes à faire face aux exigences de leur future vie professionnelle dont chacun sait qu'elle imposera, qu'elle impose déjà, des remises en question et des efforts de reformation permanents. Cette constatation se vérifie quels que soient le type et la longueur de la formation acquise. Elle est vraie pour la filière de l'apprentissage comme pour celle des études universitaires.

L'école n'a pas pour vocation de former des chômeurs. Elle doit donc veiller à ce que les jeunes puissent acquérir les compérences et les connaissances nécessaires à leur intégration dans la vie professionnelle, culturelle et sociale.

M. .

Les invites 4, 5 et 6 concernent le DEP. La commission a demandé au chef de celui-ci de rappeler quels sont les problèmes que son département doit affronter dans les domaines abordés par ces invités et quelles sont les mesures qu'il prend pour les surmonter. M. Jean-Philippe Maitre et son secrétaire général, M. Jean-Claude Manghardt, ont insisté sur les points suivants.

L'un des deux piliers de la promotion économique menée par le DEP concerne les entreprises et les organisations non encore établies dans le canton. Bien évidemment, le caractère international de Genève, c'est-à-dire la renommée qu'elle a acquise en abritant moult organisations internationales publiques et privées, constitue un atout déterminant lorsqu'il s'agit de faire la promotion du canton. Cela est vrai aussi bien pour l'accueil de sociétés multinationales que pour obtenir l'organisation de congrès, de foires ou de grandes expositions.

En ce qui concerne les négociations avec les organisations internationales et les sociétés multinationales, il est certain que Genève n'a pas été habituée à faire face à la concurrence féroce que lui livrent désormais des villes concurrentes. Il s'agit d'aborder les négociations avec détermination mais aussi avec réalisme et souplesse. On ne saurait dépasser certains niveaux de concessions et d'arrangements sans nuire aux intérêts à long terme à Genève. Oui à la flexibilité et la souplesse car les retombées économiques de l'installation de ces organisations et de ces sociétés sont considérables et immédiates, notamment sur l'emploi, mais non au bradage et à la démesure.

Le deuxième pilier de l'action promotionnelle du DEP concerne les entreprises locales qui restent, bien sûr, les plus grandes pourvoyeuses d'emplois. D'ailleurs, ces entreprises locales prennent une part de plus en plus grandes dans les efforts déployés par le DEP. Ces entreprises locales, existantes ou en formation, doivent être soutenues, notamment au moyen d'une simplification des procédures administratives. Il se révèle impossible, selon M. Jean-Philippe Maitre, d'envisager une procédure unique qui répondrait à l'ensemble des besoins des créateurs d'entreprises. Mais c'est le rôle du DEP d'assurer l'interface entre les diverses administrations concernées et le requérant, évitant ainsi à celui-ci de passer d'un office à l'autre.

Au sujet du marché du travail, il faut relever qu'à l'heure actuelle, à cause des rigidités existant dans son fonctionnement, de nombreuses entreprises ne trouvent pas le personnel compétent qu'elles aimeraient engager. En particulier, la politique suivie par Genève en ce qui concerne les frontaliers reste généralement assez dure. Mais chaque fois que, manifestement, une entreprise ne peut trouver sur le marché local le collaborateur spécialisé qu'elle recherche, le DEP délivre le permis B ou F permettant à un étranger d'occuper l'emploi offert.

M. .

Au sujet des invites 7, 8 et 9 de la motion, la commission a entendu M. Gérard Ramseyer, chef du DJPT, ainsi que MM. F. Wittwer, directeur de l'OTC, et André Bingelli, chargé de la prévention au sein de la police genevoise. Elle a cherché à déterminer si la politique suivie par le DJPT dans les domaines couverts par ces invites correspondait aux objectifs des motionnaires.

En matière de circulation et de mobilité, le chef du DJPT a souligné que la politique suivie par le Conseil d'Etat est fondée sur un postulat évident: personne n'a envie de lutter contre la mobilité des citoyens. Celle-ci se développe, à Genève comme ailleurs, corollairement à l'augmentation du niveau de vie. Il s'agit donc de gérer intelligemment et dans l'intérêt général ces exigences de mobilité.

Cela étant admis, le chef du DJPT a rappelé que le Conseil d'Etat se conforme aux concepts C2000 et TC2005. Ces concepts visent d'abord la réduction du trafic de transit en ville, ensuite l'amélioration de l'accessibilité du centre-ville et enfin le transfert modal. Les objectifs sont de détourner journellement 30 000 véhicules grâce à l'autoroute de contournement, 30 000 véhicules grâce à la future traversée de la rade, et à inciter journellement 30 000 automobilistes à utiliser les transports en commun, en particulier grâce au développement des transports publics, un développement auquel contribueront le tram 13, le métro léger et l'extension du réseau des Transports publics genevois.

En ce qui concerne le trafic à destination du centre-ville, l'objectif consiste à accroître de 2 250 unités le nombre des places de parking enterrées et de continuer à réduire autant que faire se peut les places de surface.

M. Gérard Ramseyer a insisté sur le caractère global et sur la complémentarité des deux plans susmentionnés. Les priver d'une de leurs composantes reviendrait à vider la stratégie pousuivie de sa substance et de son équilibre.

S'agissant de la sécurité régnant dans notre canton, le chef du DJPT a relevé que, d'une façon générale, la situation à Genève peut être considérée comme bonne, surtout si on la compare à celle d'autres villes du pays et du continent.

Débats de la commission, synthèse

Pour les motionnaires, autour desquels s'est rapidement formée une majorité au sein de la commission, Genève, au cours des dernières décennies, a accumulé un certain nombre de handicaps importants qui mettent en péril les atouts considérables dont bénéficie notre canton. La cause de ces hanicaps, qui s'ajoutent aux difficultés entraînées par les bouleversements géopolitiques et économiques de la planète, doit être largement recherchée dans les excès législatifs et l'imprévoyance financière dont nous avons fait preuve au cours des trente années, placées sous le signe de la facilité et de l'illusion, qui se sont achevées vers 1990.

Le tissu économique du canton s'en est trouvé affaibli, les entreprises entravées dans leur action, les finances publiques déséquilibrées, les services publics gonflés à l'excès. Le climat d'euphorie qui régnait alors a par ailleurs, bien évidemment, contribué à multiplier les attentes et les «droits» des citoyens de ce canton.

Le réveil, comme chacun le sait, s'est avéré brutal. Durant la longue période de croissance séparant 1960 de 1990, le consensus, mot magique d'alors, constituait l'instrument principal de la vie politique et économique. Chacun trouvait, même dans les compromis les plus lourds de dangers potentiels, matière à se réjouir. Les parts toujours plus larges d'un gâteau en constante augmentation satisfaisaient chacun et bien peu nombreux étaient ceux qui voyaient le potentiel de rupture et de désillusion masqué par les inerties, les rigidités et les coûts demesurés que ces compromis entraînaient.

Des réformes profondes s'imposent, précisément définies et clairement expliquées aux Genevois. Sur le plan économique, il s'agit de remettre en marche une société orientée d'abord vers la création de la richesse collective, plutôt que préoccupée avant tout par la redistribution, voire le gaspillage de celle-ci. Il s'agit de remettre au centre de nos réflexions et de notre action politique concrète les facteurs, les conditions-cadres qui favorisent la compétitivité de notre économie. Car seule une économie forte et compétitive garantit, en dernière analyse, le niveau de vie des citoyens, le développement de l'emploi et le fonctionnement d'un Etat social efficace, c'est-à-dire un Etat capable d'aider les moins favorisés d'entre nous.

Se fondant sur cette analyse générale de la situation et au vu des bouleversements auxquels le monde a été soumis au cours de ces dernières années, au vu notamment de l'effondrement extraordinairement rapide de toutes les économies planifiées européennes, au vu aussi de l'incapacité évidente des pays continuant d'entretenir l'Etat providence de rétablir leur santé financière et économique, la majorité de la commission pensait pouvoir trouver un accord général au sujet de la formulation des invites de la résolution. Elle a dû malheureusement déchanter, la minorité de la commission, incluant les représentants de la gauche modérée, persistant à défendre les recettes et les schémas anciens. En témoignent les citations suivantes glanées au cours des débats:

- «Les gens ne consomment pas parce que les salaires sont bloqués. Il faut redistribuer pour redonner confiance.»

- «Il faut réadapter tous les salaires à la hausse afin de favoriser la consommation.»

- «Il faut cesser de parler de la charge fiscale qui pèse sur les hauts revenus car cela les fait fuir.»

- «La haute technologie ne crée pas assez d'emplois.»

- «Ce n'est pas en améliorant la compétitivité et les conditions-cadres de l'économie qu'on améliorera l'emploi.»

- «Il faut cesser de donner l'avantage au tertiaire.»

- «L'investissement n'est pas toujours favorable à l'emploi. Aucun emploi supplémentaire ne serait créé par la construction de parkings.»

Ces quelques «perles» enfilées par les représentants de la minorité sont inquiétantes pour ceux qui veulent continuer de croire qu'aujourd'hui il est possible de rassembler l'ensemble des forces du parlement genevois autour d'un projet socio-économique fort pour Genève. Et il faut se demander si un tel consensus est tout simplement réalisable, même sur des questions qui touchent pourtant aux fondements de notre système économique, puisque les membres de l'opposition ne comprennent pas ou n'admettent pas ce dernier.

Les discussions de la commission relatives à la formulation des diverses invites ont parfaitement illustré cette constatation regrettable, de même que les votes qui ont suivi.

Les invites de la résolution

Première invite

Elle est identique au texte de la motion et a été adoptée par 9 voix (5 L, 2 R, 2 PDC) contre 5 (3 AdG, 2 PS) avec 1 abstention (PEG) après le rejet d'un amendement socialiste qui a été largement repris à l'invite no 8.

Deuxième invite

C'est une proposition radicale qui a donné naissance à cette invite. Elle a été adoptée par 8 voix (5 L, 2 R, 1 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG), avec 1 abstention (PDC).

Troisième invite

La résolution reprend l'invite de la motion. Après le rejet d'un amendement socialiste, ce texte a été accepté par 9 voix (5 L, 2 R, 2 PDC) contre 5 (3 AdG, 2 PS), avec 1 abstention (PEG).

Quatrième invite

L'invite de la motion a été considérablement remaniée. Le texte figurant dans la résolution a été adopté à l'unanimité.

Cinquième invite

Il s'agit d'une invite nouvelle, proposée par le groupe radical, qui met en évidence l'atout que constituent pour Genève et son économie des prestations médicales et sanitaires de haute qualité. Cet amendement a été voté par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC); 6 commissaires se sont abstenus (3 AdG, 2 PS, 1 PEG).

Sixième invite

Elle est identique au texte de la motion. Après le rejet d'un amendement socialiste cette invite a été adoptée par 9 voix (5 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG).

Une proposition présentée par le groupe socialiste consistait à ajouter ici les mots «à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne toutes démarches en vue d'un rapprochement avec l'Union européenne». Cet amendement a été écarté non pas pour des raisons de fond mais formelles, le rapprochement de la Suisse et de l'Union européenne ne faisant manifestement pas partie de l'objet traité.

Septième invite

Elle correspond à la première partie de l'invite plus générale figurant dans la motion. Elle a été adoptée par 12 voix (5 L, 2 R, 2 PDC, 2 PS, 1 PEG) contre 1 (AdG), avec 2 abstentions (AdG).

Huitième invite

Ce texte, très largement inspiré d'un amendement socialiste, remplace la deuxième partie de l'invite des motionnaires. L'invite a été adoptée à l'unanimité.

Neuvième invite

Cette invite, reprise telle quelle du texte de la motion, a été adoptée par 10 voix (5 L, 2 R, 2 PDC, 1 PEG) contre 5 (3 AdG, 2 PS).

Dixième invite

Elle est également identique au texte de la motion et a été adoptée par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG) après le rejet d'un amendement socialiste.

Onzième invite

A la demande des commissaires libéraux, le texte de la motion a été complété par les mots «et la création de zones piétonnes». Ainsi amendée l'invite a été acceptée par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG) après le rejet d'un amendement socialiste.

Douzième invite

C'est un texte légèrement modifié à la suite d'une proposition libérale qui a été adopté par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 5 (3 AdG, 2 PS), avec 1 abstention.

Des réformes, pourquoi?

Le texte de la résolution adoptée par la commission de l'économie doit, aux yeux de ceux qui l'ont votée, être considéré non seulement comme un appui du Grand Conseil à l'action réformatrice du gouvernement mais encore comme une incitation à renforcer et à accélérer celle-ci.

En premier lieu, la majorité de la commission est convaincue que l'amélioration des conditions-cadres de l'économie reste, à long terme, le seul moyen de restituer à Genève la compétitivité requise pour garantir la création d'un nombre d'emplois suffisant au bien-être de ses citoyens. Cette conviction ne sous-entend pas que la création des emplois dont Genève a besoin pour assurer le meilleur niveau de vie possible à ses habitants devrait intervenir selon des recettes puisées dans un libéralisme débridé. La majorité de la commission est d'ailleurs très consciente que l'économie de marché ne constitue pas une fin en soi, qu'elle doit servir les intérêts profonds de la société, non l'inverse, et qu'elle est un instrument essentiel de l'intégration sociale.

Cette conviction se fonde sur la constatation que l'interventionnisme de l'Etat ne constitue pas une réponse au défi de l'emploi. Les pouvoirs publics doivent au contraire réduire leur emprise sur l'économie privée et favoriser la renaissance chez les individus du sens des responsabilités personnelles et des devoirs sociaux ainsi que du goût d'entreprendre.

Au cours des dernières décennies, les mesures législatives et réglementaires prises par les pouvoirs publics, à Genève probablement plus qu'ailleurs dans le pays, ont contribué largement à entraver le fonctionnement naturel du marché et à imposer une allocation insuffisamment efficace des ressources de la collectivité. En ont résulté des déséquilibres profonds dans de multiples domaines. Quelques exemples:

- La spéculation immobilière effrénée des années quatre-vingt a été alimentée surtout par la raréfaction, artificiellement organisée dans la loi, de terrains constructibles.

- Le mauvais fonctionnement du marché du logement s'explique très largement aujourd'hui par un ensemble législatif ahurissant d'inco-hérences économiques et sociales.

- Les rigidités du marché du travail sont pour une bonne part responsables du trop faible taux de rencontre entre les demandeurs d'emploi et ceux qui pourraient en offrir.

- La fiscalité des personnes physiques, qui a perdu depuis longtemps sa neutralité, chasse du canton les bons contribuables et multiple le nombre des actifs non résidants.

Cet interventionnisme à tous crins s'est accompagné, bien sûr, par un gonflement de la fonction publique sans exemple dans ce pays. En 1991, les services publiques cantonaux et communaux représentaient 15,2% des emplois offerts dans le canton, le secteur privé ne comptant plus que pour 73,3% de ces emplois.

Notre long aveuglement nous a conduits à croire que Genève pouvait s'offrir, au nom de la solidarité et du progrès social, un interventionnisme aussi tentaculaire et une économie aussi bridée. Les déficits publics qui se succèdent depuis plusieurs années, la hauteur de la dette publique qui atteint désormais 8 milliards de francs montrent qu'il n'en est rien.

Renoncer aux excès de l'interventionnisme est par conséquent, pour la majorité de la commission, le premier pas vers la revitalisation de l'économie genevoise. Elle est, par contre, d'avis que l'Etat peut contribuer efficacement à l'orientation des activités économiques du canton. C'est le cas lorsqu'il favorise l'investissement en général, la recherche, l'innovation, le développement ou l'implantation d'entreprises utilisant les technologies de pointe.

Cette action, si elle se veut cohérente et efficace, impose une vision prospective et une stratégie globale couvrant de multiples domaines tels que l'aménagement du territoire, l'urbanisme, la fiscalité et l'enseignement. Il paraît utile dès lors de rappeler ici le projet du Conseil d'Etat, figurant dans son rapport de décembre 1994 concernant les motions 803, 911 et 932. Le Conseil d'Etat notait qu'il envisageait de mettre sur pied «un groupe de personnalités de haut niveau qui se livrerait à une réflexion à titre purement prospectif sur l'avenir de Genève en général». Ce projet mérite, en vertu de ce qui précède, de trouver sans délai sa concrétisation.

En second lieu, s'agissant de la formation à donner à la jeunesse, la commission est unanime pour constater que la tâche du système éducatif consiste fondamentalemnt à former une jeunesse disposant d'un solide bagage de base, autonome et au bénéfice d'une forte capacité d'adaptation. Il convient donc de faire évoluer les structures scolaires, de formation professionnelle et universitaire dans ce sens.

Il apparaît en effet désormais clairement à tous que l'idée d'une «formation acquise pour la vie» constitue une relique du passé. A l'évidence, le monde nouveau impose à chacun de se sentir plus responsable de sa formation de base comme de sa formation continue. Cette prise de conscience, l'ambition personnelle, la curiosité, la motivation et le goût de l'effort requis pèsent bien davantage dans une vie professionnelle réussie que les structures du système éducatif.

Ainsi armés, professionnellement et moralement, nos enfants trouveront leur place plus aisément dans l'économie du canton et seront plus aptes à apporter leur contribution à l'effort de la collectivité.

En troisième lieu, en ce qui concerne les questions de circulation, la majorité de la commission constate que le problème auquel Genève est confrontée, à savoir de gérer la mobilité croissante d'une population extrêmement motorisée, impose une planification à long terme dont les composantes sont intimement liées. Réduire la circulation en centre-ville sans nuire à l'activité économique de ce dernier impose donc de poursuivre la réalisation des grands travaux destinés, d'une part, à améliorer l'infrastructure des transports publics, d'autre part, à détourner en périphérie le trafic de transit, enfin à accroître la capacité du parcage enterré aux abords ducentre-ville.

Conclusion

A l'ensemble de la commission, il paraît évident que le plus grand défi qu'affronte Genève aujourd'hui, défi qui demeurera demain, est celui de l'emploi. Il est vrai aussi que le problème qui se pose à nous, comme aux autres sociétés occidentales, consiste fondamentalement à passer d'une société dont l'action sociale est fondée sur l'indemnisation à une action sociale visant la réinsertion.

Or, réinsérer signifie redonner de l'utilité sociale, de la citoyenneté aux victimes des processus d'exclusion et bien évidemment l'emploi constitue le vecteur le plus efficace de la réinsertion.

Pour la majorité de la commission, la difficulté de cette réinsertion ne se trouvera donc surmontée que si l'économie parvient à créer des emplois en nombre suffisant. D'où la nécessité de conditions-cadres favorables au développement des activités économiques.

Bien sûr, d'autres voies doivent être défrichées parallèlement. La majorité de la commission est très consciente, par exemple, qu'une baisse notable du taux de chômage ne pourra intervenir sans partage du travail. Ce partage a d'ailleurs déjà commencé, de façon naturelle, avec l'accroissement du nombre des emplois à temps partiel et du travail temporaire, avec les départs en retraite anticipée, avec le retrait du marché du travail de certains de ses acteurs, avec l'allongement pour la jeunesse de la durée des études. Le partage du travail peut aussi trouver sa concrétisation dans certaines entreprises, privées et publiques, avec la réduction des horaires de travail. Pour la majorité de la commission, il est évident également que le temps libre ainsi dégagé pour les uns et les autres trouve et continuera de trouver à s'engager de façon quasiment illimitée dans les indispensables activités de solidarité et d'actions communautaires.

Mais pour la majorité de la commission, il est vital de souligner que parcelliser les emplois n'apporte aucune valeur ajoutée et n'accroît en aucune manière le revenu global. Une opération de cette nature ne saurait intervenir de façon linéaire, autoritaire, imposée aux travailleurs. Une telle parcellisation, en dernière analyse, ne peut se traduire par des réductions correspondantes des rémunérations. Dans l'économie ouverte, mondialisée que nous connaissons, il y va en effet de la survie des entreprises et de l'Etat social.

Ces préoccupations, si elles sont en permanence dans l'esprit des commissaires de la majorité, n'ont néanmoins pas été débattues car la motion et la résolution faisant l'objet de ce rapport ne leur sont pas consacrées.

Par cette résolution la commission de l'économie entend donc fournir au Grand Conseil l'occasion de manifester clairement son attachement à l'économie de marché et son accord avec les grands axes auxquels se conforme le Conseil d'Etat dans son action politique depuis le début de la législature. Le Grand Conseil est également invité à marquer sa volonté de voir le gouvernement renforcer et accélérer son action réformatrice, cela, faut-il le rappeler ? en vue de donner la priorité à l'emploi par l'amélioration des conditions-cadres offertes à l'économie genevoise.

C'est dans cet esprit que la majorité de la commission de l'économie a adopté en vote final la résolution figurant dans ce rapport par 8 voix (4 L, 2 R, 2 PDC) contre 6 (3 AdG, 2 PS, 1 PEG). Elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à l'adresser au Conseil d'Etat.

PROPOSITION DE MOTION

concernant la priorité donnée à l'emploi par l'améliorationdes conditions-cadres offertes à l'économie genevoise

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

- à poursuivre et à accélérer le travail entrepris pour renforcer la compétitivité de Genève sur les plans économique, administratif et fiscal;

- à poursuivre et à renforcer sa politique d'accueil afin de garder les personnes actives sur le territoire du canton pour des raisons économiques etfiscales;

- à poursuivre ses efforts pour donner à la jeunesse une formation plus en phase avec les besoins de l'économie;

- à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne le développement des activités internationales à Genève;

- à poursuivre le travail entrepris pour stimuler les rencontres internationales, les salons, les foires et tout ce qui vise à associer le nom de Genèveaux technologies de pointe et à la découverte de nouveaux créneaux de production;

- à poursuivre et à accélérer la révision des procédures administratives afin de faciliter la création de petits commerces, de petites entreprises de service et d'emplois de proximité;

- à poursuivre les efforts entrepris pour augmenter la mobilité sur le canton en respectant le principe de la complémentarité et du libre choix du mode de transport;

- à poursuivre et à accélérer la construction de parkings au centre-ville ou à autoriser la construction de ces derniers par des privés afin de faciliter l'accès aux commerces;

- à veiller au maintien de la sécurité, de la salubrité et de la propreté, plus spécialement dans les zones sensibles du centre-ville.

«Est-ce ainsi que les hommes vivent» (L. Aragon)

«Dis, papa, quand est-ce qu'y passe

le marchand de cailloux....» (Renaud)

RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ

(ALLIANCE DE GAUCHE)

«Depuis la fin des années soixante, les processus d'internationalisation des marchés et de mondialisation de l'économie transforment profondément les économies nationales, restreignent les marges de manoeuvre des Etats, et font ressortir les limites de l'Etat providence. C'est sans doute pourquoi l'économie est devenue la composante dominante des sciences humaines» (page 1985 et suivantes, Mémorial No 20, débat sur la motion 919), telles sont les premières lignes de l'exposé des motifs de la motion.

Ainsi donc, l'économie est devenue la «composante dominante» face à un Etat dont l'action ne devrait se cantonner qu'à des gestes simples. Mais avant d'aborder ce problème, permettez-nous, à notre tour, de faire nos observations sur l'économie dite «libérale», d'en exposer ses excès, ses échecs.

En préambule, il convient de préciser que la majorité de la commission de l'économie a cédé à la demande de M. le président du département de l'économie, M. Jean-Philippe Maitre, et a transformé la motion en résolution. Le maintien de la motion 919 aurait obligé le Conseil d'Etat à produire un rapport, ce qui n'est évidemment plus le cas avec cette résolution qui devient une pure déclaration d'intention.

«Le mensonge fondamental»

L'exposé des motifs y fait largement allusion faisant appel, pour soutenir la thèse des auteurs de cette résolution, aux économistes du XIXe ou duXXe siècle. En effet, que les systèmes, tels qu'ils se sont imposés, quelques années après la Révolution d'octobre, à l'est de l'Europe, aient été un échec n'aura échappé à personne, sauf, peut-être, à quelques irréductibles ! Ceux-là mêmes qui prétendaient s'inspirer de la pensée de Marx - pour ne pas le nommer - en ont fait un principe coercitif, de domination, de répression au lieu de s'en inspirer pour tendre vers le développement, la démocratie, la citoyenneté en et hors des entreprises. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles le système a très rapidement échoué. Au lieu du «libre développement de chaque individu» qui est «la condition du libre développement de tous» souhaité par Marx, une nomenklatura mercantile a exercé une mainmise totale sur l'avenir de ces pays qui ne devait souffrir d'aucune contestation. Mais... peut-on dire, parce qu'une forme de «communisme» a échoué, que les idées, dont il est porteur, sont devenues caduques et que c'est la «fin de l'histoire» ? Au contraire, nous pensons que les idées de justice, de citoyenneté, ont plus que jamais gardé leur actualité et vont, nous en sommes certains, devoir s'imposer.

«Les succès de l'économie...

La chute du mur de Berlin a, sans aucun doute, réjoui, pour des raisons diverses, beaucoup de monde. En effet, tous les espoirs étaient permis, mais c'était sans compter sur les prédateurs, qui, tapis dans l'ombre, n'attendaient que ça: la ruée vers l'Est ! Et, c'est le désastre, les illusions perdues, les espoirs légitimes des citoyens dans une vie meilleure, anéantis en quelques années. C'est à celui qui se «servira» le plus rapidement... Même si certains de ces pays s'en «sortent» un peu mieux que d'autres, on peut constater, là aussi, les effets des ajustements structurels de l'économie, tels que les impose le FMI et qui ont largement fait leurs «preuves» dans d'autres pays. Ils ont entraîné la liquidation de larges pans de l'économie, les privatisations sont menées tambour battant, jetant des personnes par milliers à la rue. En marge de la pauvreté qui touche une grande majorité de la population, on assiste à un enrichissement insolent de quelques-uns. Cette fracture de la société a déjà entraîné conflits et tensions de toutes sortes: les vieux démons se sont réveillés, des guerres fratricides éclatent aux quatre coins de la Russie, de la Yougoslavie ou ailleurs encore... au nom d'un «nationalisme» étroit. Une fois de plus, l'économie de marché n'a pas apporté avec elle le climat social serein dont elle devrait avoir besoin pour son développement. Ce n'est indéniablement pas un succès du système de l'économie «libérale» !

... dite de marché !»

Ce n'est pas le capitalisme qui a «inventé» le marché: celui-ci a toujours existé. Depuis que le monde est monde, et bien avant que l'économie ne devienne une «science», il y a eu échange de marchandises, soit contre quelques écus, soit contre une autre marchandise, lorsque l'argent faisait défaut. La monnaie d'échange, lorsqu'il y en avait, n'était qu'un moyen et non un but. L'attribution d'une valeur à la marchandise a modifié profondément le rapport avec celle-ci et sa rareté fait augmenter encore cette valeur. Donc, il serait plus juste de dire que nous vivons dans un système capitaliste de marché. De plus, l'argent, à son tour, est aussi devenu une marchandise qui s'échange. C'est même devenu la principale marchandise, avant les biens manufacturés. En effet, l'argent tourne sur lui-même, toujours plus vite, en circuit fermé, induisant une concentration de pouvoirs et de richesses qui échappent totalement au contrôle démocratique des citoyens. Ce système s'impose au monde et lui dicte la politique économique qu'il doit conduire. Un exemple, que l'on pourrait multiplier, le Mexique est passé sous la tutelle des USA, qui contrôle, aujourd'hui, l'une de ses principales richesses: le pétrole. Mais, aujourd'hui, nous dit-on, les «remèdes» de la Banque mondiale et du FMI ont redressé la situation économique de ce pays... mais au prix d'un coût social défiant toute concurrence !

Ce sont des facteurs déstabilisateurs de nombreuses nations d'une gravité encore jamais connue jusqu'ici. Le pouvoir sur les populations glisse de plus en plus entre les mains de clan (ou mafia) ou de groupes financiers. La ligne de démarcation entre les élites politiques et ces derniers n'est, par ailleurs, pas toujours visible.

Ces déséquilibres socio-économiques, ces «guerres» économiques qui déchirent les nations, ont, aussi, des répercussions irréversibles sur la qualité de l'environnement et amenuisent, là où elle existe encore, la «démocratie» d'un grand nombre de pays. En effet, quel sens peut-on donner au mot «démocratie» lorsque, pour des raisons d'ajustements structurels de l'économie imposés, les besoins les plus élémentaires des populations ne sont pas satisfaits, pire, se détériorent encore, alors que les «gouvernements» de tels pays possèdent, en revanche, les armements les plus sophistiqués ? Laissez-moi m'étonner, Messieurs les «résolutionnaires», lorsque vous invoquez Milton Friedman, pour dire, avec quelque frivolité, qu'il a inspiré «les gouvernements qui créent le plus d'emplois» (page 1986, MémorialNo 20). Quels emplois ? Comme on vient de le démontrer, de nombreuses populations dans le monde survivent, et non pas vivent, «grâce» à l'économie informelle, et à des emplois aléatoires, etc.

Plus près de chez nous, les quelques pays encore nantis mais où la pauvreté, l'exclusion, le chômage prennent des proportions toujours plus importantes, ont conduit les hommes politiques, «pour éviter l'éclatement social, à sécréter des solutions pragmatiques qui ne collent pas à leur doctrine» (G. Roustang, «L'emploi, un choix de société», Ed. Syros, 1987). En effet, il a fallu «inventer», chez nous, un RMCAS et, chez nos voisins, des TUC, des RMI, des subventions même... pour l'achat d'une voiture ! (doctrine Balladur !).

Devons-nous continuer à faire confiance «aux forces spontanées», comme vous le suggérez dans la résolution, pour finalement constater que les résultats des théories de l'ultra-libéralisme sont un échec ? Le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est le refus de reconnaître ses erreurs. Heureusement, quelques voix - et non des moindres - s'élèvent: récemment, le «Wall Street Journal», pourtant la «bible» de l'économie, publiait un article dans lequel deux économistes américains n'hésitaient pas à affirmer que le système a des «ratés» et qu'il serait temps d'y apporter des corrections !...

Des scientifiques s'alarment également face à l'ampleur des dégâts et prennent courageusement position: «... comme tous les intégrismes, l'intégrisme libéral pratique le prosélytisme. Détenteur de la seule vérité, il adopte une organisation de la société supposée la seule efficace et n'a de cesse que de la transmettre et de l'imposer à tous». (A. Jacquard, «L'économie triomphante», Ed. Calmann-Lévy, 1995).

Nous référant à votre remarque au sujet de la «planification», nous observons que le système capitaliste repose également sur une forme de planification.

Les différents groupes d'entreprises se livrent, afin de préserver leur part de marché, à une concurrence acharnée, voire exacerbée, en revanche, l'organisation interne de chacun d'eux, repose sur une planification solide. Cette dernière se réalise, en effet, à la fois dans le temps et dans l'espace. C'est, précisément, elle qui permet aux groupes d'entreprises de posséder des secteurs de production dans un pays, de recherche dans un autre, de commercialisation encore ailleurs, etc. Les exemples foisonnent: nous n'en citerons que deux, Swissair «exporte» sa comptabilité, «Pilatus» fabrique dans différents pays, sans que cette «division» du travail ait une quelconque incidence sur l'emploi ici.

«Genève est un PRODUIT moteur»

Dans son rapport sur l'économie genevoise de 1989, le Conseil d'Etat (page 10) assurait (ou se rassurait) qu'à «plusieurs égards, Genève bénéficie d'une situation relativement privilégiée qui l'a mise à l'abri des difficultés économiques sérieuses auxquelles d'autres régions de Suisse ou de nombreuses nations ont été confrontées récemment». Cela ne vous a, semble-t-il, pas tout à fait convaincu puisque, en 1995, vous faites exactement le constat inverse. Rappel: «... l'analyse rapide des données statistiques confirme sans ambiguïté que la situation économique y est moins bonne que dans d'autres cantons de notre pays...» (page 1987, Mémorial No 20).

Cependant, entre la première et la seconde affirmation, il y avait tout de même déjà quelques signes qui ne trompaient pas: par exemple, que le nombre d'emplois du secteur secondaire (entre 1985 et 1991) a diminué, passant de 49 894 unités à 47 096, alors que, déjà, le secteur tertiaire prenait des allures de géant, représentant, en 1991, le 80% des emplois. Tous les emplois industriels ne se sont pas transformés en emploi de services. (in: OCSTAT No 95, «Evaluation de l'emploi à Genève entre 1985 et 1991»). Malgré ce constat, les auteurs de cette résolution se sont montrés très ambitieux pour eux-mêmes, mais très exigeants à l'égard de l'Etat. Ils restent, curieusement, discrets quant à l'avenir de l'emploi qui ne se trouve qu'à la 6e place des invites. Nous y reviendrons.

Et si, comme on nous l'affirme, la croissance est à bout touchant, peut-on dire qu'elle commence aussi à avoir des effets sur l'emploi ? Sur la consommation ? Sur les salaires ? Malgré les assurances évoquées ici ou là, sur la reprise de la croissance, il n'en reste pas moins qu'à Genève le chômage continue de croître. En effet, la moyenne annuelle de 1993 du nombre de chômeurs s'élevait à 14 850 pour atteindre fin 1994 la moyenne de 15 680 chômeurs. On constatera, par ailleurs, également une progression du nombre de personnes au chômage depuis une année ou plus, dont la moyenne annuelle de 1994 s'élève à 4 550. Depuis l'entrée en vigueur de la loi,695 personnes ont, à fin mai de cette année, bénéficié du revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS) (in: OCSTAT, «Résultats statistiques, le marché du travail à Genève», mai 1995).

Ce sont les chiffres officiels des personnes cataloguées, enregistrées, mais combien d'autres «disparaissent» dans la nature ?

Voilà en quelques mots le constat et les faits: comme vous, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas de recettes toutes faites dans notre musette ! Alors que faire ? Faut-il développer encore les occupations temporaires ? Certes, mais c'est évidemment un remède à court terme ! L'Etat ne saurait être le seul à en supporter les coûts. Par conséquent, nous ne pouvons partager l'avis de M. Balestra lorsqu'il dit «... qu'il (l'Etat) devrait se contenter de servir et représenter (les citoyens)» (page 1993, MémorialNo 20, débat). Aurait-il voulu nous suggérer que ce dernier ne devrait que supporter les charges et l'économie les bénéfices, fût-ce au détriment de l'emploi ?

Les «invites» !

La résolution souhaite des conditions-cadre pour le libéralisme de l'économie... mais dans la continuité ! En effet, l'ensemble des invites - et les amendements qui y ont été apportés, ne changeront, hélas, pas grand-chose - ne disent-elles pas qu'il faut: poursuivre, accélérer, veiller à, maintenir à ... le tout tendant exclusivement vers «l'économisme», alors que l'on prétend donner la priorité à l'emploi ? En effet, on veut à la fois le beurre et l'argent du beurre et, à y regarder de plus près, peut-être aussi bien la vache et la laitière... Le discours dominant exige, à la fois, des facilités fiscales et administratives, mais en même temps, on n'a pas assez de voix pour tonner qu'il faut réduire les finances de l'Etat, c'est-à-dire, en réduisant avant tout les postes de travail. Comme c'est curieux ! N'entend-on pas s'exclamer à tout instant, la main sur le coeur, que l'Etat ne doit pas se mêler des affaires privées... que l'entreprise doit avoir les coudées franches, etc. On peut, dès lors, se demander pourquoi, lorsqu'un grain de sable vient gripper les rouages de la machine, l'on se tourne vers l'instance la plus décriée - l'Etat - pour lui demander des sous ?...(voir à ce propos la motion 1005 concernant GENILEM).

Pour le libellé complet des « invites », nous vous renvoyons à la résolution.

Invite No 1

Avec quelle compétitivité Genève veut-elle se mesurer ? Avec celle de l'Asie du Sud-Est ? Les îles Bahamas pour la fiscalité ? Avec quel autre pays où la pratique des salaires les plus bas et les plus aléatoires est courante ?

Parlant des finances du canton, qui devrait participer à l'équilibrage souhaité ?

Invite No 2

L'invite ne précise pas qui serait le bénéficiaire de cet accueil: est-ce réservé aux plus fortunés ? A quel prix cet accueil devrait-il se faire ? Au prix de vagues promesses d'emploi ? du territoire qu'on brade ?

Invite No 3

Cette invite proposerait de «poursuivre ses efforts» pour donner à la population adulte une formation «plus en phase avec les besoins de l'économie», ce dernier élément de phrase ayant été amendé, il est vrai, de la manière suivante: donner à la jeunesse un «maximum de chance pour s'insérer dans la vie professionnelle» auquel nous nous sommes ralliés. Pourtant, cela ne suffit pas ! Une vie n'est-elle faite que de travail ? La formation, fût-elle scolaire, ne doit-elle pas justement former des citoyens libres, ouverts au monde, critiques et responsables dans la vie où ils apprennent aussi la tolérance et la solidarité ? Toutes ces choses que «l'économisme» voudrait, et est en train de, faire disparaître ? En guise de proposition, nous nous permettons de vous rappeler l'article 4 de la loi sur l'instruction publique, qui est très précise à ce sujet.

Invite No 4

Nous ne sommes pas contre la présence d'organisations internationales et leur développement à Genève, mais faut-il entendre que ce développement se fasse au prix fort ? Exemption de la TVA, mise à disposition de locaux gratuits (OMC) ? Au prix du silence sur les conditions de travail faites aux employés de maison des missions diplomatiques ? Nous vous renvoyons, à ce sujet, à la motion 1003 et à la résolution 295, débattues lors du Grand Conseil du 8 juin dernier.

Invite No 5

Cette invite parle de stimuler les foires, les salons et autres rencontres internationales, ce qui est sans doute intéressant. Cependant, la tenue de foires et celle de salons sont, par définition, des activités très volatiles et ne constituent pas une base économiquement solide.

Invite No 6

Comme indiqué plus haut, la création de petites entreprises peut être intéressante dans la mesure où celles-ci sont réellement considérées comme étant un apport économique important qu'il ne faut pas négliger. Leur création ne peut se faire à n'importe quel prix.

Quant à l'emploi dit «de proximité» tel qu'indiqué dans la résolution, de quel type d'emploi s'agit-il ? Doivent-ils échapper à toute réglementation ? Quelle flexibilité ? Remplaceront-ils ceux perdus dans l'industrie ? (voir SIP, Tavaro). La résolution ne dit mot quant au devenir des conventions collectives de travail ? Qu'en sera-t-il ?

Invite No 7

En ce qui concerne la «mobilité», il s'agit pour nous plutôt de tendre vers la diminution du besoin de mobilité. Il faudrait rapprocher l'habitat du lieu de travail, ce qui éviterait un gaspillage de temps, d'énergie (dans tous les sens du terme). Quant à la création de zones piétonnes, en effet, à ce jour il n'y en a pas de telles à Genève et les rues Basses ne sauraient en être. De telles zones doivent être libres de tout véhicule, exception faite des transports publics et de service.

Invite No 8

Cette invite entre en contradiction avec la précédente: vouloir augmenter le nombre de parkings conduit précisément à l'immobilité, en attirant un nombre croissant de voitures au centre-ville.

Pour nous, la construction de parkings supplémentaires n'est pasla priorité. En revanche, ce qui l'est, c'est la poursuite du développementdes transport publics tel que souhaité par la population ainsi que par lamotion 1004 que ce Grand Conseil vient d'accepter d'envoyer en commission des transports.

Invite No 9

Cette «invite» demande de «veiller au maintien de la sécurité, de la salubrité et de la propreté» afin de retrouver une qualité de vie à Genève. Cela sous-entend que les toxicomanes font tache devant certains commerces. Nous ne vous suivrons pas dans votre politique d'exclusion. A ce propos, le Grand Conseil vient d'accepter les termes du rapport de la «commission mixte en matière de toxicomanie» (RD 227). Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ce sujet. Le travail dans ce domaine va maintenant se poursuivre et nous ne pouvons que vous renvoyer aux décisions qui ont été prises.

S'agissant, en revanche, de «préserver la qualité de vie», est-elle pour les signataires de la résolution synonyme de courses effrénées dans les magasins le jeudi soir ?

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le consensus espéré à travers cette résolution n'aura pas eu lieu et nous ne la voterons pas !

RAPPORT DE LA DEUXIÈME MINORITÉ

Les motionnaires avaient été dûment avertis par le conseiller d'Etat M. Jean-Philippe Maitre, qui d'entrée de cause, et de manière fort courtoise, exprima sa perplexité face à leur texte-fleuve. Cette motion, de par son caractère général, avait même quelques similitudes avec des textes «de la gauche». Ce qui se voulait peut-être une critique est resté sans effet. Et c'est ainsi que pas moins de 4 membres du Conseil d'Etat ont dû être auditionnés, seuls MM. Segond, Haeggi et Joye ayant été épargnés. Même les motionnaires se sont «auto-épuisés» puisqu'ils ont été contraints de se relayer au long de ces 9 séances. Voilà l'atmosphère dans laquelle la motion «Les libéraux parlent aux libéraux» a été examinée !

Le groupe socialiste vous présente les invites telles qu'elles figurent dans la motion 919 et les amendements qu'il a proposés au cours des débats dans la commission de l'économie.

Sur les plans économique, administratif et fiscal, buts généraux (1re invite)

Cette proposition a été rejetée par le groupe socialiste vu son caractère général, nous lui avons opposé un amendement qui sera développé dans le cadre de la 5e invite

En matière de politique fiscale (2e invite)

Les motionnaires ont un but: éviter qu'un nombre trop important de «bons contribuables» - soit les revenus annuels supérieurs à 80 000 F - migrent dans le canton de Vaud, où le taux d'imposition est plus bas dès ce montant. Environ 15 000 contribuables sont concernés. Le moyen proposé pour garder les personnes actives sur le territoire du canton est évidemment de baisser leur taux d'imposition. A nos yeux, la politique fiscale vaudoise plus favorable n'est pas la seule raison de cet exode. La question du logement, et plus particulièrement le prix du terrain à Genève, compte certainement dans le budget de ces contribuables.

D'autres éléments nous ont amenés à rejeter cette 2e invite. D'une part, une modification de la loi générale sur les contributions publiques a été approuvée par l'ensemble du Grand Conseil en septembre 1994. Ainsi, le souci des motionnaires libéraux, qui ne détiennent pas la primeur en la matière d'ailleurs, de trouver de nouvelles ressources au budget de l'Etat devrait être écarté. En effet, cette mini-réforme a permis de modifier, en le modernisant, le mode de calcul de l'impôt qui se base maintenant sur une progression du taux d'imposition calculé pour chaque franc supplémentaire. Cette modification du système, bien que modeste dans ces résultats, répond à des critères égalitaires puisque basé sur un taux progressif. D'autre part, si des ressources nouvelles doivent être trouvées, il faut les chercher. Or de toute évidence, elles ne sont pas du côté de ces migrants vers le canton de Vaud. En 1991, la moitié la plus riche des contribuables dispose de 82% du revenu imposable total, alors que la moitié la plus défavorisée n'en a que le 18%. Toujours en 1991, 181 ménages déclaraient un revenu supérieur à 1 million de francs de revenu imposable. En 1993, Genève comptait 216 millionnaires, soit 19% de plus en 2 ans. Le même phénomène a été rapporté en ce qui concerne la fortune. C'est en regard de cette analyse-là que l'on peut réellement mesurer la volonté politique de vouloir trouver de nouvelles ressources pour pallier le déficit budgétaire de l'Etat. Notre choix est fait. Il nous semble difficilement soutenable de vouloir alléger la charge fiscale des hauts revenus alors que ceux-ci sont plus nombreux d'année en année et que l'écart se creuse entre bas et hauts revenus.

Le «désastre» annoncé par une hypothétique augmentation du nombre des contribuables migrant vers le canton de Vaud s'est révélé être infondé, digne d'une déclaration de Nostradamus; les motionnaires, rappelés à l'ordre, se sont rabattus sur une version «soft» bien édulcorée... et fort peu contraignante en matière de recherche de nouvelles ressources.

Le groupe socialiste estime que de nouvelles ressources sur le plan fiscal se créent par la création de nouveaux emplois et de lutter ainsi contre le chômage. Les propositions mentionnées dans l'initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» de la Communauté genevoise d'action syndicale et du SIT portent, notamment, sur une réforme de la fiscalité envers les entreprises - car pourvoyeuses d'emplois - ainsi que sur des mesures visant à limiter le chômage qui ne peut pas être uniquement abordé sur le plan du traitement social. Nous avons donc proposé l'amendement suivant: à prendre des mesures pour favoriser l'emploi et lutter contre le chômage.

Cet amendement a été refusé.

Sur le plan de la formation (3e invite)

Les débats ont repris de plus belle à propos de la formation. Celle-ci doit-elle être en phase - c'est-à-dire répondant au plus près aux besoins de l'économie - ou doit-elle donner à l'individu les moyens nécessaires pour un épanouissement tant professionnel que personnel? Pour le groupe socialiste, la formation de base dispensée doit assurer une solide culture générale permettant d'accéder à une formation professionnelle débouchant sur un emploi. La formation professionnelle doit pouvoir aussi répondre à des changements d'activités. Les travailleuses et travailleurs de demain seront amenés à changer de profession, soit par obligation, soit par choix personnel. La formation professionnelle peut aussi se construire sur des bases communes permettant ainsi des réorientations qui seront inévitables ou indispensables ces prochaines décennies. Ces réorientations seront décidées d'abord par les individus qui aspirent plus certainement à une prise d'emploi qu'à un passage obligé par le chômage. Les buts d'une formation professionnelle sont liés à la nécessité de trouver un emploi. Pourquoi ouvrir une multitude de classes d'apprenties alors que le secteur d'activités est visiblement, et pour longtemps, en régression? La formation professionnelle sera revalorisée quand les jeunes sauront que, dans tel ou tel secteur d'activités, s'offrent des possibilités d'emploi accompagnées de conditions de travail respectables. Elle le sera aussi quand les chef-fes d'entreprises mettront davantage de places d'apprentissage à disposition des jeunes candidat-e-s.

Certains secteurs d'activités méritent d'être réhabilités car ils sont créateurs d'emplois et offrent des possibilités de perfectionnement professionnel. Ils souffrent encore du poids de l'histoire jalonnée par des périodes de crises. Favoriser l'accès à des formations professionnelles est de la compétence cantonale. Ainsi, l'allusion faite en commission de former davantage d'horlogers - mais surtout d'horlogères - met en évidence une nécessité. Le canton peut, en application de l'article 41 de la loi fédérale sur la formation professionnelle, favoriser l'accès à cette formation professionnelle. Des jeunes et moins jeunes - non qualifié-e-s - auront accès à une formation professionnelle et à un emploi. Il suffit de décider que davantage de classes soient ouvertes pour cette formation. A l'inverse, certaines formations professionnelles débouchent sur le chômage bien que les lauréat-e-s- aient obtenu un CFC. Il est donc nécessaire que des filières professionnelles peu connues - donc peu utilisées - soient mises en valeur par une implication plus importante des entreprises. Une politique plus incitative des services de l'orientation et de la formation professionnelles envers les milieux professionnels serait justifiée.

L'ensemble des groupes a accepté l'amendement du groupe socialiste dont le texte figure à l'invite No 4 de la résolution.

Sur le plan du soutien de la Confédération au développement des activités internationales à Genève ( 4e invite )

Bien que favorable au contenu de cette 4e invite, le groupe socialiste a proposé l'ajout «dans le respect des législations existantes»; cette précision permettait d'éviter des interprétations fantaisistes et contraires à l'aménagement du territoire et aux plans d'utilisation du sol. Cette précision n'a pas rencontré l'approbation des commissaires de l'Entente. Nous ne nous demandons pas pourquoi ! Le point 6 de la résolution n'a donc pas rencontré notre agrément.

Sur le plan du commerce international que Genève souhaite développer (5e invite)

La question du renforcement du lien de Genève avec le commerce international doit se régler d'abord par le renforcement - donc par l'adhésion - de la Suisse à l'Union européenne. Au vu des prises de position des différents partis politiques ( sauf l'Alliance de gauche ) sur l'initiative «Oui à l'Europe», nous avons donc estimé nécessaire de réaffirmer ici notre volonté d'intégration, volonté d'ailleurs à nouveau exprimée par la résolution 287 approuvée par le Grand Conseil en mai dernier. Nous avons proposé l'amendement suivant qui a été rejeté: «à poursuivre auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne toutes les démarches en vue d'un rapprochement avec l'Union européenne».

Les vives critiques sur le caractère trop global - expression polie pour éviter le terme «bateau» - ont amené les motionnaires à reformuler la 5e invite et à la scinder en 2 volets. Ainsi, le groupe socialiste a voté la formulation figurant au point 7 de la résolution.

La deuxième partie de la 5e invite, reformulée par 1 amendement libéral, a semé une grande confusion. En effet, la reprise du contenu d'une motion socialiste rejetée en une demi-séance par la même commission de l'économie quelques semaines plus tôt a fait renaître un sentiment désagréable dans le groupe socialiste. Tout laisse à croire que les partis de l'Entente ne peuvent admettre que le groupe socialiste fasse des propositions intéressantes en matière de développement économique et qu'ils rejettent par principe nos propositions. Ce blocage tactique met en évidence la faiblesse de la réflexion de ceux qui veulent que «Genève gagne». De toute évidence, les questions posées par le groupe socialiste tout au long des débats ont porté. Nous étions perplexes sur la volonté clairement exprimée par les commissaires de l'Entente de vouloir développer encore le secteur tertiaire, sachant qu'il occupe déjà le 80% des secteurs d'activités à Genève. Nous avons rappelé que nous soutenons, comme les motionnaires, le maintien du secteur tertiaire mais que celui-ci n'est pas à l'abri de restructurations entraînant de nombreux licenciements. La raison du dépôt de cet amendement est probablement liée à des motifs tactiques qu'il convient de dénoncer. Le groupe socialiste a fait preuve de cohérence et a voté l'amendement libéral, estimant, d'une part, que les propositions faites dans la motion 936 avaient été reprises et que, d'autre part, le parlement avait le devoir de doter le canton d'instruments utiles au développement plutôt que de mauvaises tactiques politiciennes.

La comparaison des invites de la motion 936 et de l'amendement libéral figurent en annexe sous forme de tableaux extrêmement explicites!

Sur le plan des démarches administratives facilitées (6e invite)

Le groupe socialiste a refusé ce semblant de projet de développement des activités économiques du canton qui est, en fait, un autre exemple de redéploiement du secteur tertiaire à l'aide de procédures accélérées.

La relance des activités économiques du canton passe par un plan de développement avant une déréglementation à tout va.

Sur plan de la circulation dans le centre-ville (7e invite)

Nous avons soutenu la mise en place et l'application de Circulation 2000, le développement de lieux de parcage d'échange dans les zones frontalières et l'extension du réseau des transports publics. Nous persistons à affirmer que le respect des rues marchandes appartient à la police et leur animation aux commerçants. Il est en effet de leur responsabilité de rendre ces rues attrayantes afin que Genevoises et Genevois aiment à y flâner et à y acheter. Un nombre croissant de lieux de parcage d'échange conjugué à des transports publics rapides séduiront les frontaliers et frontalières. Un effort soutenu pour renforcer les lignes déjà existantes de transports publics ainsi que le développement de nouveaux réseaux - par tram, bus et/ou métro léger - remplaceront pour nous tous les ponts et tunnels. Ceux-ci ne répondent pas à un besoin vital des habitant-e-s du canton.

Si la mise en place de Circulation 2000 est faite, bien que nécessitant des mesures pour la faire respecter, la priorité actuelle doit porter sur l'accessibilité de la population aux transports publics, notamment par des prix incitatifs

Nous avons proposé l'amendement: à poursuivre les efforts pour augmenter la mobilité sur le canton en respectant le principe de la complémentarité des modes de transports. Celui-ci a été rejeté.

Sur le plan de la politique de stationnement dans le centre-ville(8e invite)

L'étude menée par l'office des transports et de la circulation (DJPE) et du service d'urbanisme de la Ville de Genève réalisée en 1990 sur le stationnement dans le centre de l'agglomération genevoise a mis en évidence quelques conclusions intéressantes. Ainsi, la politique de stationnement doit viser d'abord les 20 % de pendulaires utilisant des places de stationnement de courte durée essentielles pour le développement des activités économiques. L'offre de stationnement au lieu de travail, le développement des voitures de service (tant dans les administrations que dans le secteur privé), l'incitation ferme à l'usage des transports publics lors d'activités professionnelles au centre-ville étaient des mesures proposées dans cette enquête. Le comportement humain se modifie quand les règles de vie sont claires; l'homo genevensis modifiera le sien quand le sport consistant à stationner illicitement au détriment d'un usage collectif de mode de transport se verra systématiquement lourdement pénalisé.

Cette invite a été examinée au lendemain de l'acceptation par le peuple du maintien de la salle de l'Alhambra, ce résultat rendant la construction d'un nouveau lieu de parcage dans le centre-ville aussi impopulaire qu'inadaptée. Les fables de La fontaine et les votations ont un point commun: leur morale. Les motionnaires n'ont pas retenu la morale de la votation puisqu'ils ont persisté dans leur invite, nous amenant à déposer l'amendement suivant: à développer les zones piétonnes dans le centre-ville.

Cet amendement a été rejeté par les commissaires de l'Entente lors du vote sur la motion mais repris dans la 11e invite de la résolution!

Sur le plan salubrité, sécurité et propreté du centre-ville (9e invite)

Les précieux renseignements recueillis lors des auditions ont mis en évidence l'absence de zones sensibles au centre-ville, le nombre stationnaire de toxicomanes et la diminution du nombre de cambriolages. Si le sentiment d'insécurité est présent dans la population, il reste difficilement définissable. L'inexistence du problème posé et, par voie de conséquence, des mesures proposées nous ont amenés à rejeter cette invite.

En conclusion, la commission de l'économie a consacré autant de séances à l'examen de la motion-fleuve libérale que de ses invites. La morale majoritaire des commissaires de l'Entente - friands des fables de La Fontaine - rappelle celle de la grenouille s'obstinant à vouloir être aussi grosse que le boeuf. Aussi, les partis de l'Entente ont déposé une résolution comprenant 12 points réconfortant la politique du Conseil d'Etat par des invitations telles que «continuez» ou «poursuivez».

Le groupe socialiste, malgré l'acceptation des amendements portant sur:

- la formation;

- le soutien à la création de zones piétonnes - conjugué à la construction de parkings;

- la récupération du contenu de la motion 936,

a rejeté cette résolution.

ANNEXE

Comparaisons des propositions figurant dans les motions 936 et l'amendement libéral

Rejetée en une demi-séance

Accepté en quelques minutes

Motion 936de M. Calmy-Rey etP.-A Champod

Pour une politique économiqueactive

- réaliser une étudeprospective sur la structureet l'avenir des secteurs économiques genevois ainsique sur les conditions de leur maintien et de leur développement;

- d'étudier la création d'une garantie cantonale contre les risques à l'innovation;

- définir des mesures en faveur de l'investissement industriel;

- voir position du groupe socialiste dans lesMémoriaux depuis des décennies !

- mettre sur pied un Conseil cantonal de la productivité et de l'innovation dans le cadredu Conseil économique et social.

Amendement à la motion 919de N. Brunschwig

à poursuivre et accélérer une politique économique active

- favoriser l'innovation, la recherche du capital-risque, la commercialisation et l'exportation;

- favoriser l'investissement dans la production industrielle, la reconversion industrielle et des services;

- favoriser l'introduction des nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les PME;

- invite de la motion 936 non reprise par le parti libéral.

Débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Etant donné l'heure tardive, je vais essayer d'être bref.

J'aimerais faire deux commentaires.

Mme Chalut admet - elle le dit clairement dans son rapport - qu'elle n'a pas de recette miracle dans sa musette. Je lui ferai une confidence : la majorité de ce parlement n'en dispose pas non plus ! Mais cette majorité dispose, elle, de ce qui fait - il faut bien l'admettre désormais - défaut à l'opposition, à savoir un système de référence qui, contrairement aux modèles marxistes qui ont implosé et aux modèles de l'Etat providence qui suffoquent un peu partout, a fait ses preuves depuis des siècles.

C'est sur la solidité et la qualité de ce système et sur le bien-être qu'il a permis d'acquérir, à Genève et à ses citoyens, que nous fondons nos convictions et notre conception du rôle de l'individu dans la collectivité, de ses responsabilités, de ses devoirs et de ses droits. Ce sont ces convictions qui, sur ces bases, nous poussent à entreprendre, à poursuivre, à renforcer l'indispensable action réformatrice qui permettra à Genève de s'adapter aux conditions et aux exigences nouvelles de son environnement, donc, en dernière analyse, de fournir les emplois dont les Genevois ont besoin.

Ma deuxième remarque concerne les finances publiques. Les radicaux ont tenu à ce que figure dans cette résolution une invite qui concerne les finances publiques. Pourquoi ? Eh bien, parce que, à notre avis, rétablir des finances équilibrées est une opération bien plus symbolique que ce qui pourrait paraître. Des finances publiques saines sont, en effet, le reflet d'une société saine, dans laquelle les rôles se répartissent de manière équilibrée entre un Etat social, des individus responsables et des entreprises pourvoyeuses d'emplois.

La société que nous avons créée entre 1950 et 1990 - il faut l'admettre - est malade ! Erich Fromm aurait dit, elle est "aliénée" ! Et l'état de nos finances publiques n'est rien d'autre que le révélateur de cette maladie sociale et de cette aliénation - si j'ose dire - des individus. Ce qui est fondamentalement bon dans le rétablissement des finances publiques, n'est pas la qualité esthétique de deux comptes qui balancent, mais que ce rétablissement passe obligatoirement par la reconstruction d'une structure sociale plus conforme à l'essence des individus. Quand une société ne demande plus rien, en effet, à ses citoyens, ceux-ci ne se demandent plus rien à eux-mêmes, et c'est alors que naît l'angoisse !

Voilà la raison fondamentale de mon attachement au respect absolu du plan financier quadriennal.

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de première minorité ad interim. Je voudrais faire quelques remarques au sujet de ce rapport.

Avec la résolution 294, soit l'ex-motion 919, les libéraux souhaitaient sans doute frapper un grand coup et pourquoi pas un grand coup médiatique, si l'on se réfère aux débats suscités par cette motion ici même, avant qu'elle n'échoue sur la table des commissionnaires ! Mais le "bébé" n'a pas été gâté ! En effet, ses géniteurs ne l'ont que mollement défendu en commission, et c'est avec empressement qu'ils ont accepté la proposition de M. Jean-Philippe Maitre de la transformer en résolution.

Ce qui devait constituer, dans l'esprit des motionnaires, une révolution industrielle s'est terminé en "eau de boudin" ! L'Alliance de gauche, dans son rapport de minorité, que vous aurez - je n'en doute pas une seconde - lu avec grand intérêt, a aussi tenu à répondre aux arguments développés dans l'exposé des motifs de la résolution. Je n'y reviendrai donc pas.

En effet, depuis la rédaction de ce rapport, les faits et les constats que nous y avons développés ont gardé toute leur actualité. En revanche, je me suis livrée, depuis, à une intéressante revue de presse. En effet, notre collègue, M. Kunz, écrit beaucoup et probablement avec grand plaisir - ce qui est tout à son honneur, d'ailleurs.

Dans une revue, luxueuse, publiée par la Société privée de gérance, M. Kunz nous livre un récit de fiction sous le titre de "Scénario pour Genève : 15 février 2015". Ce qu'il nous révèle n'est pas vraiment "folichon", mais sachez tout de même qu'en 2015 les Genevois auront depuis longtemps accepté et fait construire - dans l'enthousiasme général, bien sûr - la traversée "sous" la rade !

De nombreuses prestations publiques seront, nous dit-il, «réaménagées, fortement diminuées, voire purement et simplement supprimées». Et cela ne nous étonnera guère, puisque M. Kunz nous informe que «la société à deux vitesses - que les milieux de la gauche helvétique, soit par démagogie soit par aveuglement, prétendaient ne jamais accepter - existe bel et bien aujourd'hui». En effet, elle n'avait pas besoin d'attendre jusque-là. Et voilà le travail ! Merci pour votre franchise, au moins, avec vous, on sait où l'on va !

En plus, il faut savoir qu'en 2014 on ne comptera plus que «seize mille vingt-quatre emplois dans la fonction publique, contre vingt-cinq mille trente en 1993». Cela aura, dit-il, «des effets considérables sur le volume des prestations et sur l'affectation de celles-ci». Ah, bon !

Plus loin, il évoque que «le tiers de ce qui était alors l'hôpital cantonal a été réaffecté à d'autres activités principalement universitaires». Lesquelles ? Mystère ! «Quant aux services hospitaliers non médicaux, ils ont intégralement été privatisés», etc. On pourrait encore continuer : pensez donc les rêves de l'Entente se réalisent enfin, sous la plume de M. Pierre Kunz ! Tous les parkings, les privatisations, la société à deux vitesses, la Genève qui sera tertiaire ou moins riche, tout cela sera réalisé le 15 février 2015, selon la volonté du prince !

Dans la «Tribune de Genève», du 20 février 1995, la chronique de M. Claude Monnier, dont M. Kunz fait par ailleurs une description dithyrambique, le qualifiant dans son récit, sans l'ombre d'une hésitation, comme étant «le plus talentueux éditorialiste genevois de la fin du XXe siècle» - rien que cela ! - parle du retour de l'esclavage. Cela n'est pas une fiction. Voici, en substance, ce que dit ce journaliste : «J'ai discuté l'autre jour avec un professionnel de bon niveau, employé dans une très grande entreprise suisse, qui m'expliquait - sans d'ailleurs s'en plaindre - qu'il travaillait à la demande, au total, toutes prestations mises bout à bout, quelque chose comme deux cents jours par an. Le reste du temps, eh bien, il peut faire ce qu'il veut : se reposer, voyager s'il en a les moyens, étudier, réfléchir, réflexion souvent interrompue, d'ailleurs, car les trous - c'est bien connu - se creusent quand ça veux, où ça veut et sans crier gare ! Dans l'entreprise en question, ils sont des dizaines à connaître ce statut».

Vous en conviendrez, le tableau de l'avenir est nettement moins idyllique que vous ne le pensiez ! Poursuivons : dans une publication de la Banque cantonale genevoise. Les banques disent - on n'est jamais si bien servi que par soi-même ! - que : «la vitesse est aujourd'hui un aspect essentiel de la survie d'une entreprise». En effet, à force de vouloir toujours aller plus vite que son voisin, on ne voit évidemment plus le monde que l'on a écrasé sur son passage !

Je pourrai aussi vous renvoyer à un excellent article paru dans «Le Courrier», qui observe que : «...en Suisse aussi le fossé entre riches et pauvres se creuse dangereusement».

Enfin, pour terminer ce tour de presse, je ne résiste pas à l'envie de vous citer «Le Carougeois», la bible locale du parti radical carougeois, qui tend sa plume pour permettre à M. Jacques Perroux, qui s'était pourtant réjoui de la chute du mur de Berlin et du communisme, de s'exprimer.

Voici ce qu'il dit : «Or, depuis que cette menace a disparu - la chute du communisme - certains capitaines d'industrie s'en donnent à coeur joie. Redevenu leur seul credo, le profit justifie tous leurs abus. Ils restructurent - comme ils disent pudiquement - c'est-à-dire qu'ils débauchent, mais tout en maintenant la même quantité de production. Résultat : leurs employés sont contraints de travailler davantage pour un salaire, parfois, diminué. Trop heureux d'avoir conservé leur place, ils sont prêts à n'importe quelle concession. Bien entendu, c'est tout profit pour les grands chefs, lesquels, après avoir dégraissé l'entreprise, peuvent s'engraisser eux-mêmes !

»Quant aux chômeurs, ils sont confiés à la charge de l'Etat, un Etat que ces exploiteurs ne cessent d'attaquer en s'en prenant à la fonction publique. Sous leur pression, on la dégraisse également, si bien que les services fonctionnent à la limite et que les citoyens en font déjà les frais».

«Permettez-moi maintenant de risquer une prophétie : si ces abus continuent, si ces néolibéraux ne mettent pas un frein à leur boulimie, les exploités finiront par se révolter. Ils créeront alors un mouvement totalitariste - qu'ils appelleront peut-être "néocommunisme" - et rebâtiront un mur. Et tout recommencera !» Ce n'est pas moi qui le dit, c'est un citoyen dont le nom est Jacques Perroux ! (Manifestation.) Patientez, j'arrive au bout ! (Remarques.) Oh, mais si voulez, je peux encore prolonger ! Je n'en avais pas l'intention, mais si vous continuez, je serais tentée de le faire !

La présidente. Madame Claire Chalut, vous êtes tout de même soumise à la limite de temps de dix minutes. Vous pouvez reprendre la parole le nombre de fois que vous le voulez, mais...

Mme Claire Chalut, rapporteuse de première minorité. Oui, comme je suis souvent interrompue, je me réserve le droit de reprendre la parole !

Voilà, en quelques mots, les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas être d'accord avec le système économique, tel qu'il s'impose aujourd'hui au monde, ni avec une société qui consiste à privilégier la vitesse, le mensonge, le monétarisme, au mépris de l'humanisme, de la paix et du respect de l'environnement.

Vous avez dit, Monsieur Kunz, dans votre fiction, qu'il faut laisser le temps au temps. Cela tombe bien, j'allais vous le proposer ! En effet, il serait temps que l'on se souvienne que c'est bien d'abord - à moins que l'on me prouve le contraire - les hommes et les femmes, dans leur grande majorité, qui produisent la richesse des entreprises, richesse dont on s'acharne à vouloir les exclure, pour des raisons de compétitivité et de profits exorbitants.

Voyez-vous, la question qui me préoccupe est de savoir si l'on veut s'acheminer vers une société de "sous-hommes" surexploités, contre lesquels on retourne les fusils à la moindre velléité de révolte, ou bien si la volonté politique est de se tourner vers une société dans laquelle on estime que l'humanité mérite mieux que ce qu'elle a aujourd'hui et qu'elle doit toujours être considérée au premier plan de nos stratégies économiques.

Je vous montre cette image, à titre d'exemple, assez révélatrice.

La présidente. Madame Claire Chalut, avez-vous terminé votre intervention ?

Mme Claire Chalut, rapporteuse de première minorité. Oui, j'ai terminé !

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S), rapporteuse de deuxième minorité. J'apporterai simplement une petite précision, car une erreur de mise en page s'est glissée à la page 34.

En effet, les motionnaires n'ont pas présenté l'amendement demandant de : «réaliser des études prospectives sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois, ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement». Ils en auraient été bien incapables !

M. Max Schneider (Ve). Cette motion, transformée en résolution, est du "bouillon pour les morts", comme le soulignait un membre de l'Entente, il y a quelques minutes !

Il est évident que cela n'a aucune portée, puisque la plupart des sujets qui sont traités, notamment pour le rééquilibrage durable des finances du canton, font l'objet de résolutions, en suspens depuis de nombreuses années, auxquelles il n'a toujours pas été répondu. Les invites de cette résolution vont peut-être avoir le même destin que celles qui traînent depuis des années dans les tiroirs du Conseil d'Etat !

Penser globalement et agir localement : on ne retrouve plus trace des belles paroles de ceux qui prônent le mariage entre l'écologie et l'économie dans les invites qui sont sous nos yeux !

Mesdames et Messieurs les députés, la page 34 de ce rapport illustre le climat qui règne depuis des mois dans ce Grand Conseil, dès que l'on parle d'économie. Je suis intervenu une première fois sur ce sujet, lors d'une séance précédente, car je trouve tout de même assez triste que des propositions de même teneur soient balayées, lorsqu'elles sont présentées par les écologistes, par l'Alliance de gauche ou par les socialistes ! Il est tout de même singulier que les mêmes propositions soient acceptées lorsqu'ils les proposent, eux ! Nous nous trouvons donc confrontés à des débats tout à fait stériles, ce qui ne fait pas avancer les choses. Il est ainsi bien difficile de trouver un consensus.

En page 11, le rapporteur de majorité dit : «...ceux qui veulent continuer de croire qu'aujourd'hui il est possible de rassembler l'ensemble des forces du parlement genevois autour d'un projet socio-économique fort pour Genève». Pour ma part, je crois franchement que les milieux de l'Entente n'ont pas envie de rassembler. Ils veulent appliquer leur politique, développer leurs dogmes et procéder à des votes tactiques en commission de l'économie, comme en plénière, d'ailleurs. Je trouve cela complètement aberrant et bien dommage ! Ce n'est pas comme cela que l'on ira de l'avant.

Nous avons assisté, en commission, à un débat sur la glorification du libéralisme sauvage, et puis, parfois, nous nous sommes opposés à des dogmes sur l'économie planifiée. Nous avons passé ainsi huit séances à écouter, de temps en temps, les conseillers d'Etat qui nous ont donné de très intéressantes informations, mais, pour le reste, nous n'avons strictement rien fait ! C'est tout à fait regrettable ! Pour ce qui est de ce "rapport-torchon", les propositions traînent déjà dans les tiroirs du Conseil d'Etat sous forme de résolution, même si leur teneur est un peu plus "écolo" et qu'elles tiennent compte des coûts sociaux, notamment de la lutte contre l'exclusion !

Nous nous opposerons, évidemment, à la onzième invite demandant : «...à poursuivre et à accélérer la construction de parkings au centre-ville», qui est tout à fait inacceptable !

M. Pierre-Alain Champod (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il convient tout d'abord de s'interroger sur les objectifs poursuivis par cette motion, assez vite surnommée, motion : "les libéraux parlent aux libéraux" !

En effet, pourquoi la plus forte formation de l'Entente, celle qui impose ses vues à ses partenaires, et qui, de plus, compte trois conseillers d'Etat, a-t-elle décidé de rédiger ce texte ? En y réfléchissant, la seule explication plausible est que les libéraux ont rédigé cette motion, car ils ne sont pas satisfaits de la politique économique menée par le conseiller d'Etat, Jean-Philippe Maitre !

Mais fallait-il mobiliser le Grand Conseil, la commission de l'économie pendant plusieurs séances pour cela ? Je ne le pense pas ! Il me semble que s'ils avaient invité Jean-Philippe Maitre à un "intergroupe" on aurait évité tout ce travail.

Cela étant dit, venons-en au contenu de cette motion qui, finalement, s'est résumée à une simple résolution, certes, avec des invites assez longues. Effectivement, ce type de motion purement idéologique comporte toujours le risque que le débat en commission relève du débat style "café du commerce" ! Les propos de M. Kunz sur l'économie corroborent cette image. Il nous donne l'impression de puiser ses théories économiques dans une boutique de "prêt-à-penser" d'une grande surface de la périphérie genevoise ! (Rires.)

M. Bernard Lescaze. Quel humour !

M. Pierre-Alain Champod. Le débat théorique sur l'économie n'est pas forcément inintéressant - il peut même être très passionnant - mais je ne suis pas convaincu que c'est dans l'enceinte de ce Grand Conseil qu'il soit possible de le mener de la meilleure manière. Les problèmes théoriques et économiques sont importants. On sait que, dans les années 30, Keynes avait trouvé le moyen d'expliquer le mécanisme de la crise et de proposer des solutions. Il faudrait, aujourd'hui, qu'un théoricien de la trempe de Keynes nous explique les difficultés économiques dans lesquelles nous nous trouvons et nous propose de vraies solutions.

Pour en revenir au texte même de cette résolution, les socialistes ont proposé un amendement pour chaque invite. Deux seulement ont été partiellement acceptées, et vous n'en serez pas surpris. En effet, et si vous m'autorisez cette image, je dirai qu'on n'enfile pas facilement un pied gauche dans une chaussure de droite et réciproquement. Un des amendements acceptés concerne l'enseignement. Il est vrai que la teneur de l'invite originelle de la motion était très idéologique et bêtement polémique. Cet amendement ne comportait en tout cas pas les éléments d'un véritable projet, dans un domaine aussi important que celui de la formation.

L'autre amendement, qui a été partiellement accepté, figure à la page 34 du rapport de ma collègue, Mme Fabienne Blanc-Kühn, et, comme on a déjà eu l'occasion de le dire, c'était la reprise d'une motion qui avait été "shootée" en quelques minutes en commission, il y a quelque temps.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous ne pouvons pas accepter le texte final de cette résolution. Nous sommes fermement pour une économie au service de la population et non l'inverse ! Pour sortir de la crise, il faut faire preuve d'imagination et avoir le courage de sortir des sentiers battus; or, cette résolution réchauffe de vieilles recettes qui datent du siècle dernier !

Il faut trouver des solutions pour un développement durable, lutter contre le chômage en partageant le travail et les richesses et mener une politique active de développement économique, favorisant l'innovation dans tous les secteurs d'activité. Nous avons constaté, au début de cette soirée, que lorsque les syndicats de Genève font des propositions constructives en matière de politique économique et de lutte contre le chômage, vous ne les votez pas !

Pour conclure, nous dirons qu'il faut trouver autre chose que les propositions contenues dans cette motion, qui ne fait qu'une apologie simpliste du libéralisme. Qui peut aujourd'hui sérieusement penser qu'avec deux ou trois parkings en plus, et un cadeau fiscal aux plus riches, nous allons sortir de la crise ?

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Pendant de nombreuses années, nous avons été à l'abri des difficultés économiques et financières internationales. Nous avons traversé cette période sans réaliser notre chance, comme dans un rêve. Aujourd'hui, il nous faut nous réveiller rapidement devant l'urgence de la situation économique, inquiétante pour notre canton.

Cette résolution ambitieuse - nous vous l'accordons - a pour objectif de redonner à l'Etat un rôle propulsif. Il est certain que toutes ces invites tendent à redonner confiance aux investisseurs et à créer de nouveaux emplois.

Je prendrai pour exemple l'installation récente à Lausanne de Medtronics qui a trouvé, dans le canton de Vaud, les conditions-cadres optimales correspondant à la spécificité de sa production.

En effet, sa localisation près de l'EPFL et du CHUV a contribué à la décision de son implantation, et permettra ainsi la création, à moyen terme, de deux cents emplois. A cet instar, la cinquième invite, proposée par le groupe radical, insiste sur le développement des prestations médicales, sanitaires et technologiques de haute qualité. Cette résolution visant à concrétiser un grand nombre de conditions-cadres, propositions nouvelles ou réaffirmées, a pour ambition de créer une dynamique nouvelle pour l'économie genevoise. Elle démontrera ainsi que les élus que nous sommes se sont donné des défis fondamentaux pour une prospérité regagnée.

En acceptant cette résolution, vous ferez souffler un air frais et revitalisant sur notre économie genevoise !

M. Nicolas Brunschwig (L). Mesdames et Messieurs les députés, les discussions qui ont animé la commission de l'économie, au sujet de l'étude de cette motion, devenue par la suite résolution, ont été quelquefois intéressantes, parfois même sereines, et, si l'on se prenait à oublier ce que pourrait être le vote final, on pourrait imaginer, à un certain moment et en entendant les divers acteurs politiques, que l'homme peut comprendre l'homme et que, quelquefois, quand les circonstances le demandent, il est possible de se rapprocher au prix de certaines concessions.

L'objectif des motionnaires était de débattre de l'orientation politique de notre parlement, concernant l'emploi dans l'économie genevoise, et, sur la base d'invites clairement énoncées, d'aller, en quelque sorte, à la recherche du consensus le plus large possible. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, la valeur représentée par le travail et la capacité d'y accéder devraient être - je ne peux en douter - le souci unanime de ce parlement. Lorsqu'une telle valeur est en danger, nous devons, bien que nos approches politiques resteront divergentes entre partis de gauche et partis de droite, faire en sorte d'écarter ce danger.

Pour cela, nous pensons, nous, qu'un certain nombre de conditions doivent être réunies préalablement à toute autre démarche, pour permettre à quiconque, à quelque entreprise que ce soit, de respirer, de s'engager et, finalement, d'engager des collaborateurs. Comme l'a souligné M. Pierre Kunz, rapporteur de majorité, l'économie de marché ne constitue pas une fin en soi. Aujourd'hui, au rôle primordial de l'entreprise, soit celui de générer une richesse, s'est ajouté celui d'assumer et d'assurer la pérennité sociale. Ce n'est pas une mince affaire, et cette résolution vise à les y aider.

Mesdames et Messieurs les commissaires socialistes, lorsque vous avez présenté vos amendements, nous pouvions imaginer que tel était également votre souci. En examinant votre prise de position, invite par invite, nous constatons, entre autres, que vous êtes opposés à la compétitivité de Genève, au rééquilibrage des finances publiques, à faciliter la création de petites entreprises, au maintien de la sécurité et de la propreté. Et, pire encore, vous vous abstenez lorsque nous vous proposons de continuer à offrir des prestations médicales et sanitaires de haute qualité !

Mesdames et Messieurs les socialistes, il me semble que vous prenez des risques, en particulier celui de ne pas être compris par la population ! Que vous soyez attentifs à ce que les conditions-cadres ne génèrent pas d'abus : oui, nous pouvons vous comprendre et, oui, nous pouvons vous retrouver sur ce point ! Mais que, pour éviter les abus, vous renonciez à l'indispensable rénovation de nos structures : non, nous ne vous comprenons pas; non, le consensus n'est pas possible !

Vous restez au milieu du terrain entre l'idéologie de l'Alliance de gauche et la volonté d'agir des partis de l'Entente, et nous ne savons toujours pas, aujourd'hui, après ce débat, de quel côté vous pencheriez, si, par hypothèse et par malheur, la pression du chômage devait encore augmenter. Il n'est donc pas question, comme vous le prétendez, de sous-estimer vos propositions en matière d'économie, mais force est de constater que vos réticences et vos refus au moment de faire des choix nous laissent totalement perplexes.

Quant au rapport de première minorité, celui de Mme Claire Chalut, irais-je jusqu'à dire que je l'ai préféré à celui de Mme Blanc-Kühn qui tente, elle, de faire tourner le débat en dérision. A propos, Madame, je tiens à vous dire que je n'ai pas du tout compris votre tableau comparatif, mais, depuis lors, j'ai appris qu'une erreur de "couper/coller" s'était glissée, ce qui évidemment rend les choses assez difficilement lisibles. (Rires.)

Le rapport de première minorité a le mérite de jouer le jeu de la dialectique. Malheureusement, cette idéologie se traduit trop souvent par les contestations stériles dont vous martelez ce parlement. A force de palabrer, notre canton ratera son entrée dans le XXIe siècle, et, cela, nous ne le voulons pas !

Nous soutenons cette résolution, car elle nous donne l'occasion de réaffirmer à ce parlement et à nos concitoyens, sans ambiguïté, où nous voulons les conduire et de soutenir notre gouvernement dans l'action courageuse qu'il a entreprise. Celui-ci, appuyé par sa majorité parlementaire, doit permettre des progrès sensibles, capables de redonner l'espoir et l'envie de créer et de travailler. Les douze termes de cette résolution soulignent les axes déjà entrepris depuis deux ans et ne constituent pas un simple verbiage, comme le laissent supposer les rapports de minorité. Ils sont intelligibles et cohérents. Ils constituent ainsi un message clair que nos concitoyens peuvent comprendre et entendre.

Bien entendu, le groupe libéral soutiendra cette résolution.

M. Bernard Clerc (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, dans le rapport de majorité, nous pouvons lire que les motionnaires, tous membres du groupe libéral, désiraient, je cite : «...permettre un grand débat politique du législatif sur le visage qu'il entend donner à la Genève de demain». Voilà qui n'était pas pour nous déplaire, ce parlement s'enfermant parfois dans des débats qui ressortent davantage de la gestion que de l'orientation de fond.

Si le débat de préconsultation a permis d'exposer les thèses politiques des principaux groupes, il n'en a pas été de même en ce qui concerne les discussions en commission. La fameuse "main invisible" évoquée par les libéraux, dans leur exposé des motifs, s'est rapidement transformée en justification d'intérêts immédiats par trop évidente. Pour prendre un exemple, nous ne trouvons pas un mot sur la politique régionale ou transfrontalière, alors que, dans les débats sur ce thème, chacun se plaît à déclarer qu'il faut collaborer avec nos voisins français et vaudois; les invites de la motion tendent toutes vers un développement autocentré sur Genève : attirer dans notre canton tout ce qu'on peut : les foires, les salons, les organisations internationales, les contribuables fortunés et j'en passe.

La majorité ne s'est pas posé la question de savoir, Monsieur Maitre, si ce type de développement, largement soutenu depuis des décennies, n'est pas partiellement responsable de la fragilité de l'économie cantonale et des pertes d'emplois que nous connaissons !

Il est révélateur de constater que onze invites sur douze commencent par le verbe "poursuivre" ou "continuer". De même, la transformation de la motion en résolution, sur proposition de M. Jean-Philippe Maitre, qui n'a cessé de nous dire que tout ce qui est dans la motion se faisait déjà, ne vise pas autre chose qu'à conforter l'exécutif. Ce que vous faites est dans la droite ligne des principes libéraux : continuez ainsi !

On nous avait promis un changement de cap sur la base des prémisses néolibérales, on se retrouve avec le changement dans la continuité ! On avait cherché à nous faire croire, comme le dit le rapporteur de majorité, que la cause de tous nos malheurs résidait dans les compromis de ces trente dernières années, et l'on s'aperçoit, en fin de compte, que ces compromis se sont toujours effectués dans le cadre d'une économie guidée par les principes libéraux.

Indirectement, et sans le vouloir, le rapporteur de majorité fait l'autocritique des partis de l'Entente. Je cite : «La cause de ces handicaps doit être largement recherchée dans les excès législatifs et l'imprévoyance financière dont nous avons fait preuve au cours des trente années, placées sous le signe de la facilité et de l'illusion qui se sont achevées vers 1990».

En effet, qui était majoritaire au parlement pendant cette période ? L'Entente ! Qui était majoritaire au sein du Conseil d'Etat ? Encore l'Entente ! Nous prenons note, Monsieur le rapporteur de votre aveu : votre majorité a fait preuve d'imprévoyance financière et a développé à l'excès l'arsenal législatif !

M. Bernard Lescaze. Ah ça c'est fort ! Quel culot ! (Rires et remarques.)

M. Bernard Clerc. Quel est donc, en fin de compte, le but de cette résolution ? De notre point de vue, son objectif est d'unifier les partis de l'Entente sur les postulats libéraux. Mme Blanc-Kühn a appelé cette motion : "les libéraux parlent aux libéraux" ! C'est vrai, mais avec cette nuance que les premiers sont radicaux et démocrates-chrétiens ! L'espace au centre se rétrécit singulièrement.

Venons-en à quelques éléments des arguments développés dans le rapport de majorité. S'agissant des revenus dans le canton, il est dit que la part de ceux déclarés par les entreprises a fortement chuté de 1971 à 1991, alors que la part des revenus salariaux et de la propriété est restée stable. Pourquoi, Monsieur Kunz, vous êtes-vous arrêté à l'année 1991 ? Je vais vous le dire ! Parce que si vous aviez pris les données de 1994, basées sur les revenus de 1993, vous auriez constaté qu'entre 1993 et 1994 le revenu imposable des sociétés a connu une hausse de 27% et celui de leur capital de 20% ! Chacun sait, aujourd'hui, qu'une des causes du déficit public provient de la baisse des rentrées fiscales sur les personnes physiques, en raison notamment de la diminution des revenus salariaux, alors que le produit de l'impôt sur les personnes morales progresse.

Les prémisses libérales de la motion présupposent qu'une amélioration de la santé des entreprises va automatiquement engendrer la création d'emplois. Cette vision simpliste de la réalité économique est contredite par les faits. Non seulement il n'y a pas création d'emplois, mais suppression de nombre de ceux-ci, condition de l'amélioration des marges bénéficiaires des entreprises qui ont résisté à la crise !

Mais le rapport de majorité se veut soucieux des sans-emploi : il proclame qu'il faut les "réinsérer". D'un côté, on crée les conditions-cadres aggravant la compétitivité et, donc, l'expulsion des processus économiques de milliers de travailleurs et, de l'autre, on prétend viser la réinsertion. Curieuse logique ! Ne vaudrait-il pas mieux intervenir pour maintenir, autant que faire se peut, les emplois existants et éviter ainsi l'exclusion.

Au chapitre de ce que vous appelez le partage du travail, sous la forme de sa parcellisation, vous commettez, Monsieur Kunz, un oubli significatif : en haut de la page 17 de votre rapport, vous écrivez que : cette «...parcellisation, ne peut se traduire par des réductions correspondantes des rémunérations». Votre oubli est révélateur ! Vous vouliez dire : ne peut se traduire que par des réductions correspondantes des rémunérations. N'est-ce pas ? Exact !

Vos options néolibérales conduisent, effectivement, à des baisses de salaires, mais vous n'avez même pas le courage politique de l'écrire !

Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, je terminerai par une citation qui résume parfaitement l'orientation de cette résolution. Elle est tirée du livre de l'économiste René Passet, intitulé "Une économie de rêve", je cite : «Ecoutons les versets tyranniques de l'économisme triomphant, l'opulence par le libre jeu du marché, le plein emploi par la croissance, la vigueur du système par la compétition, la compétition par la productivité, la rentabilité pour critère unique et la richesse monétaire comme valeur suprême. Les résultats : le chômage et la décomposition sociale, la surexploitation de la planète, la marchandisation du corps humain, l'écrasement des faibles et le règne de la canaille. Tout cela, nous dit-on, parce que nous n'allons pas assez loin. Ce n'est pas le système qui est responsable, mais ses imperfections héritées du passé. Il faut les extirper».

Voilà parfaitement résumée, votre pensée politique ! Nous n'y souscrirons pas.

M. Pierre-François Unger (PDC). Vous l'aurez remarqué ce débat est gouleyant !

La motion 919 avait déjà - et ce soir le confirme - lors de sa présentation, donné lieu à un de ces sublimes débats idéologiques nourri des dogmes auxquels droite/droite et gauche/gauche restent attachés et qui possèdent deux points communs. Le premier est de dater d'un autre siècle et le deuxième de légitimer, s'il en était besoin, l'existence et la force des partis du centre.

Notons à la lecture de cette motion qu'il est heureux que les motions ne soient pas, elles, soumises à l'unité de matière. En revanche, elles invitent à un acte législatif, et il est dès lors heureux que la motion 919 ait été, sur la proposition d'un magistrat éclairé, transformée en résolution. Je vous rappelle la définition de la résolution, article 150 de notre règlement : «La résolution est une déclaration qui n'entraîne aucun effet législatif».

Cela étant dit, le groupe démocrate-chrétien partage, bien entendu, la plus grande partie de ces invites... (Aahhh de l'assemblée.) ...car, Monsieur Clerc, notre groupe est persuadé qu'une économie forte est nécessaire, non pas comme un but en soi mais comme un moyen et un outil du développement de l'équité sociale.

C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien pourra voter cette résolution qui aura permis un de ces grands débats stériles qui permettent de ne conclure à rien en ayant parlé de tout !

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai cherché en vain en lisant cette résolution une quelconque originalité ou un quelconque intérêt. Il paraît que je ne l'aurais pas lue suffisamment attentivement, pourtant, je m'y suis reprise à plusieurs fois. J'ai surtout relevé dans le texte les mots "poursuivre", "continuer", accélérer" dans le sens de ce qui se fait déjà maintenant, c'est-à-dire pas grand-chose !

Et on espère trouver un consensus autour de "ça" ! Mais plus personne aujourd'hui ne peut croire aux vertus du marché comme seul instrument de régulation de l'économie, à part le groupe libéral au Grand Conseil ! M. Kunz nous dit qu'il faut mettre les conditions-cadres et la compétitivité des entreprises au sein de notre réflexion. Jusque-là nous sommes d'accord. Le problème surgit au moment où M. Kunz et la majorité de la commission définissent les conditions-cadres. Dans leur esprit, elles répondent à des préoccupations de rentabilité immédiate, qui sont les leurs, je veux parler de déréglementation, de pressions sur les salaires et les conditions de travail, d'ouvertures nocturnes et j'en passe.

Et pourtant, Mesdames et Messieurs, la solidarité n'est pas un obstacle : c'est une des conditions-cadres de l'économie ! Vous avez donc tort d'opposer le salaire à l'emploi. Un franc versé en salaire n'est pas un franc perdu. Un franc versé en salaire est soit un franc consommé, c'est dire qu'il soutient l'économie, soit un franc épargné, il est alors générateur d'investissement. Dans ce sens, vous avez tort - je le répète - d'opposer ces deux éléments.

Une des raisons de la faiblesse de la conjoncture actuelle en Suisse est, précisément, la faiblesse de la demande intérieure. Pendant les bonnes années, jusqu'à très récemment, la demande intérieure augmentait, bon an mal an, de 2%. Et même pendant les années les plus difficiles, cette demande intérieure n'a jamais stagné. Or, au mois de septembre, nous arrivons à une croissance de la demande intérieure de 0,4% - un petit 0,4% ! - ce qui, compte tenu de l'augmentation de la population signifie une stagnation. Il est donc juste de revendiquer une revalorisation du pouvoir d'achat. Et ce n'est pas une "perle", Monsieur Kunz, comme vous vous permettez de le dire dans votre rapport. Il est juste de le faire, en particulier, pour les plus petits salaires, parce que vous n'avez sur ce point aucune évasion sur l'épargne, et que, donc, l'effet sur la demande est le plus fort et le plus direct.

Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse et Genève n'auront d'avenir qu'en étant compétitifs et ouverts. Cela signifie que nous n'aurons de chance que si nous investissons dans l'avenir, dans les communications, dans la formation, dans la recherche et le développement, dans l'innovation et les nouvelles technologies. Mais la Suisse et Genève ne peuvent sortir de la crise par le bas : elles ne peuvent en sortir que par le haut ! Nous ne serons jamais suffisamment compétitifs pour entrer en concurrence avec les salaires de l'Asie du Sud-Est.

Par conséquent, il faut viser le perfectionnement, l'innovation, la formation, la qualité, et tous vos beaux discours ne changeront rien à ces faits. C'est la raison pour laquelle votre résolution n'est qu'un fourre-tout sans intérêt !

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je vous avoue franchement que je n'ai pas tout compris des propos de Mme Calmy-Rey et M. Clerc... (Rires.) ...mais il est vrai que les longues veillées encrassent les cerveaux; j'imagine que ce n'est pas seulement le cas pour le mien !

Ce qui est sûr, c'est que des carrières entières se sont construites sur la volonté de ne pas reconnaître ses erreurs. Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vos milieux regorgent de ces exemples de telles carrières. Nous, au moins, nous reconnaissons que ce qui a été fait au cours de ces vingt, trente dernières années n'était pas parfait, et nous avons, plus que le désir, la volonté ardente de corriger ce qui n'a pas été fait correctement !

J'aimerais dire que le Conseil d'Etat s'est effectivement engagé dans la voie des réformes - à mon goût un peu lentement, mais reconnaissons ce qui est fait - que nous soutenons. Si vous vous étonnez de notre désir de le voir "poursuivre", "renforcer", "continuer", c'est que vous n'avez pas observé correctement ce qui est en train de se passer.

En conclusion, croire - ou faire croire, comme vous le faites - qu'il est possible de maintenir les emplois, les niveaux de rémunération et les mêmes taux d'efforts des individus, cela dans l'agriculture, dans le commerce, dans la fonction publique, dans l'industrie, la banque et l'assurance, et, simultanément, une zone agricole intouchable, une protection sociale inchangée, des prestations sanitaires et scolaires identiques - par exemple, refuser les taxes universitaires ou exiger une HES à Genève - l'âge de la retraite à son niveau actuel, eh bien cela, Mesdames et Messieurs les députés, c'est du conservatisme borné ! C'est le conservatisme de personnes qui n'ont pas compris le monde dans lequel nous vivons !

Croyez-moi, j'en suis le premier navré pour vous, parce que ce sont les gens que vous défendez qui souffriront de votre aveuglement, bien avant les gens qui font partie des millions... (Rires et exclamations.) ...des milieux dont je fais partie !

Une voix. C'est un aveu !

M. Pierre Kunz, rapporteur de majorité. Absolument, je l'admets !

R 294

La proposition de résolution est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cette résolution est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

RÉSOLUTION

concernant la priorité donnée à l'emploi par l'améliorationdes conditions-cadres offertes à l'économie genevoise

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

1. à poursuivre et à accélérer le travail entrepris pour renforcer la compétitivité de Genève sur les plans économique, administratif et fiscal;

2. à continuer de prendre les mesures requises pour le rééquilibrage durable des finances du canton et à mettre ensuite en oeuvre les moyens destinés à réduire la dette publique cantonale;

3. à poursuivre et à renforcer sa politique d'accueil afin de garder les personnes actives sur le territoire du canton pour des raisons économiques et fiscales;

4. à poursuivre ses efforts pour offrir à la jeunesse et à la population adulte le maximum de chance pour s'insérer dans la vie professionnelle, notamment par

a) une formation de base développant notamment les capacités d'autonomie et d'adaptation,

b) des formations professionnelles et universitaires permettant d'acquérir des connaissances professionnelles de haut niveau tout en favorisant le développement personnel,

c) de filière de perfectionnement professionnel permettant d'adapter les connaissances de base à l'évolution technologique;

5. de continuer à offrir des prestations médicales et sanitaires de haute qualité et spécificité dans les secteurs publics et privés;

6. à poursuivre ses efforts auprès de la Confédération pour qu'elle soutienne le développement des activités internationales à Genève;

7. à poursuivre le travail entrepris pour stimuler les rencontres inter-nationales, les salons et les foires;

8. à poursuivre et à accélérer une politique économique active en prenant notamment les mesures pour:

a) favoriser l'innovation, la recherche du capital-risque, la commercialisation et l'exportation,

b) favoriser l'investissement dans la production industrielle et la reconversion industrielle et des services,

c) favoriser l'introduction des nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les PME,

d) réaliser des études prospectives sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement;

9. à poursuivre et à accélérer la révision des procédures administratives afin de faciliter la création de petits commerces, de petites entreprises de service et d'emplois de proximité;

10. à poursuivre les efforts entrepris pour augmenter la mobilité sur le canton en respectant le principe de la complémentarité et du libre choix du mode de transport;

11. à poursuivre et à accélérer la construction de parkings au centre-ville ou à autoriser la construction de ces derniers par des privés afin de faciliter l'accès aux commerces et la création de zones piétonnes;

12. à veiller au maintien de la sécurité et de la propreté, spécialement dans les zones sensibles du centre-ville, afin de préserver la qualité de la vie à Genève.

M 919-A

M. Nicolas Brunschwig (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, nous retirons la motion 919.

Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.