Séance du jeudi 21 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 39e séance

P 1056-A
a) Pétition : Sauvons le canon de la paix Frieden ! ( -)P1056
Rapport de Mme Liliane Charrière Urben (S), commission des pétitions
P 1075-A
b) Pétition concernant le canon noué de la paix "Frieden". ( -)P1075
Rapport de Mme Liliane Charrière Urben (S), commission des pétitions

13. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier les objets suivants :

Le 19 décembre 1994, sous la présidence de Mme Janine Hagmann, vice-présidente, la commission des pétitions prenait connaissance de la pétition 1056 «Sauvons le canon de la paix Frieden», dont on trouvera le texte ci-dessous. Dans ses séances des 23 janvier 1995, 8 et 22 mai et 26 juin 1995 sous la présidence de Mme Liliane Johner, présidente, ce même sujet fut traité:

(P 1056)

PÉTITION

Sauvons le canon de la paix «Frieden»

Nous, signataires, demandons au Grand Conseil genevois et à la Ville de Genève de prendre toutes les mesures nécessaires afin de rénover et de placer le canon noué «Frieden» de l'artiste glaronnaisR. Brandenberg à la place des Nations.

Nous trouvons que ce monument dédié à la paix et fait spécialement pour inciter la Conférence de 1983 sur le désarmement à poursuivre ses travaux mérite d'être mieux conservé et vu du public.

Ce canon situé dans le parc de l'ancien Palais Wilson vient d'être déplacé en novembre 1994 suite à la construction du parking de la future maison de l'environnement et actuellement se trouve dans un dépôt.

Comité «Que les canons se taisent»

c/o R. de Battista

15, rue des Pavillons

1205 Genève

Cette pétition a été déposée le 1er décembre 1994 munie de 253 si-gnatures.

Elle a été suivie d'une seconde pétition (P 1075) traitant du même sujet, déposée le 8 juin 1995 et transmise à la commission des pétitions qui en a pris connaissance le 26 juin 1995. Ce deuxième texte précise la demande des signataires pour que le canon de la paix soit intégré dans le nouvel aménagement de la place des Nations:

(P 1075)

PÉTITION

Le canon noué de la paix «Frieden»

Nous, signataires, demandons au Grand Conseil genevois et à la Ville de Genève de prendre les mesures nécessaires afin de rénover et de déplacer le canon noué «Frieden» de l'artiste glaronnais R. Brandenberger. Ce monument a été fait spécialement pour inciter la Conférence de 1983 sur le désarmement à pour-suivre ses travaux.

Nous trouvons que ce monument dédié à la Paix mérite d'être mieux conservé et vu du public.

Ce canon était situé dans le parc de l'ancien Palais Wilson et depuis novembre 1994, suite à la construction du parking de la future maison de l'environnement, il se trouve dans un dépôt.

Cette oeuvre nous interpelle sur la problématique de l'éthique et de l'armement.

En effet, actuellement le monde est toujours tributaire des grands marchés de l'armement.

Nos sociétés en crise ne devraient-elles pas faire d'autres plans de relance économique toujours avec les mêmes mythes, à savoir: production et exportations d'armement ?

C'est un symbole d'une volonté d'action à la Paix dans un contexte d'incertitude. C'est un appel à la réflexion.

Nous demandons donc que «Frieden» soit intégré dans le nouvel aménagement de la place des Nations.

Bien placé, ce symbole de paix pourrait inciter nos autorités à nous faire voter prochainement sur l'initiative «Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre» et à ne pas invalider l'initiative «Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix».

Comité «Que les canons se taisent»

c/o R. de Battista

15, rue des Pavillons

1205 Genève

Considérant la quasi-identité des deux pétitions, la commission a été d'avis de les traiter ensemble.

Audition des pétitionnaires

Le 23 janvier 1995, M. de Battista, responsable du comité des pétitionnaires, et Mme Edith Ballantyne, secrétaire du Comité spécial des ONG pour le désarmement, ont exprimé leur regret que le canon de la paix ne soit plus visible par le public, du fait de son retrait du parc de l'ancien Palais Wilson. En effet, les travaux entrepris pour la future maison de environnement ont nécessité le déplacement de ce «canon noué» dans un entrepôt de la maison Jaquet, à Meyrin. Ils relèvent le caractère symbolique de cette oeuvre qui, censée susciter la réflexion sur la paix, devrait trouver logiquement sa place près du Palais des Nations, soit sur la place du même nom. Transférer «Frieden» ailleurs lui ferait perdre une bonne partie de sa valeur symbolique.

Un concours ayant été lancé pour l'aménagement de la place des Nations, les pétitionnaires sont d'avis que, dans l'intervalle où les travaux d'aménagement à proprement parler débuteront, le canon de la paix pourrait être installé à titre provisoire sur la place des Nations.

Mme Mme E. Ballantyne mentionne encore qu'une sculpture de même inspiration se trouve devant le siège du quartier général des Nations Unies à New York.

Discussion

Cette sculpture est un cadeau de l'artiste René Brandenberger, de Mollis, dans le canton de Glaris, offert à Genève à l'occasion de la conférence sur le désarmement de 1983. L'artiste avait émis le souhait que son oeuvre soit placée devant le Palais des Nations. Elle fut momentanément installée dans le parc du Palais Wilson puis transférée en 1994 dans les entrepôts de la maison Jaquet, au moment où débutèrent les travaux de la future maison de l'environnement. Depuis cette date, le canon noué a fait une brève incursion à l'extérieur pour être exposé au Salon du livre en mai 1995 (coût du transport: 700 F).

Par lettre du 6 juin adressée à M. de Battista, dont copie au dossier, René Brandenberger s'exprime sur la manière d'implanter «Frieden» près du Palais des Nations, et il précise notamment qu'il ne s'agit pas que le canon noué soit placé sur un piédestal, bien au contraire. Son implantation devrait suggérer l'idée de disparition progressive: «Ça veut dire que la base du canon devrait être couverte avec de la terre. Par conséquent, seulement les parties au-dessous seront couvertes avec les roses (ou même des autres plantes comme vous voulez)».

Par ailleurs le lauréat du concours de l'aménagement de la place des Nations est maintenant connu, il s'agit de M. Massimiliano Fuksas, de Paris. Son projet est fort intéressant, notamment la manière de traiter le thème de l'eau et de créer un cheminement en ruisseau qui, tout au long d'une promenade, conduira les piétons de la place des Nations jusqu'au lac. Les actuelles grilles qui protègent le parc du Palais des Nations disparaîtront, une barrière naturelle étant constituée par l'eau. Ces renseignements ressortent de la documentation jointe au présent dossier et fort aimablement transmise à la rapporteuse, à l'intention de la commission, par M. Y. Janet, assistant de l'architecte cantonal au département des travaux publics et de l'énergie. Aux dires de M. Janet, il serait possible de trouver une solution et surtout un emplacement pour le canon de la paix:

- à court terme, soit pendant la durée des premiers travaux d'aménagement de la place des Nations, le canon pourrait , par exemple, être installé sur la partie latérale de la place, face au Palais, là où se trouve actuellement un terrain herbeux et un petit parking pour voitures;

- à plus long terme, soit dans la perspective de la phase définitive de l'aménagement de tout le périmètre - lorsque la promenade et la zone piétonne auront été créées - il devrait être possible, en concertation avec l'architecte lauréat, de trouver un emplacement adéquat pour le canon de la paix.

Pour information, on notera qu'il existe d'autres oeuvres «pour la paix»: le revolver noué, à New York, devant le quartier général des Nations Unies; à la salle de l'Alabama, à l'hôtel de ville de Genève, la «Charrue de la Paix», et inauguré à Beyrouth le 2 août 1995, «Espoir de paix» une compilation de chars, mitrailleuses et canons haute de 30 m (5 tonnes de béton) du sculpteur contemporain Arman.

Conclusions

Après examen des documents fournis et discussion, la commission des pétitions conclut qu'une solution satisfaisante pourrait être trouvée pour un emplacement adéquat du canon de la paix.

Elle laisse au Conseil d'Etat le soin de voir, notamment avec l'architecte lauréat du concours, M. Fuksas, et avec la Ville de Genève, auprès de qui une pétition a aussi été déposée, quelles mesures pratiques prendre pour répondre aux voeux des pétitionnaires et du sculpteur René Brandenberger dans le respect de l'aménagement prévu sur et autour du site de la place des Nations.

Dans cet esprit, la commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. Quelques petites précisions, si vous le permettez, Mesdames et Messieurs les députés.

1) Il aurait été intéressant mais beaucoup trop coûteux de joindre à ce dossier un certain nombre de plans en couleurs, qui nous ont été remis courtoisement par le département des travaux publics et de l'énergie et qui vous permettraient de mieux situer la nouvelle configuration de la place des Nations qui, effectivement, va passablement changer. Comme cela n'a pas été possible, hélas ! Si quelques-uns d'entre vous souhaitaient les consulter, c'est bien volontiers que je les leur transmettrai.

2) Depuis que le rapport a été discuté par la commission, l'architecte, lauréat du concours pour redessiner la place des Nations, a envoyé une lettre très brève, qui s'adresse aux auteurs de la pétition et dont la teneur est la suivante :

«Nous avons pris connaissance de votre courrier concernant la pétition «Le canon noué de la paix Frieden» et de votre souhait de le voir intégré dans le projet de la place des Nations.

«Nous allons étudier sérieusement votre proposition et nous vous ferons savoir rapidement son évolution».

Ceci pour situer les choses et vous dire que M. Fuksas, dont le projet est fort intéressant, entrerait en matière sur ce point.

3) Si vous avez eu le temps de lire le rapport - bien que je sache que, pour aujourd'hui, il y avait énormément de choses à préparer - vous avez dû remarquer la citation d'une lettre du sculpteur, M. Brandenberger, en italiques à la page 4. Il est bien évident qu'elle n'a pas été insérée là pour montrer que le sculpteur en question n'est pas de langue maternelle française, mais bien pour montrer quel est son voeu.

Je crois qu'il est assez remarquable de la part d'un artiste de placer la symbolique de sa création au-dessus de l'oeuvre elle-même, puisqu'il demande que le canon noué soit placé légèrement en contrebas du terrain, de manière à simuler sa disparition et son absorption par la terre, de façon que l'on comprenne bien son voeu qui est d'aller vers la paix et d'arriver à oublier même l'existence des canons ou de toutes autres armes de ce type.

3) Je peux encore vous dire - le document existe - que cette idée est un peu dans l'air du temps, puisque le gouvernement libanais par exemple a commandé au sculpteur bien connu Armand une compilation intitulée «Espoir de paix», autrement plus volumineuse et plus marquante par son aspect et sa grandeur. Elle fait trente mètres de haut, soit l'équivalent d'une dizaine d'étages, si j'ai bonne mémoire, et sera placée à un carrefour important de la ville de Beyrouth.

4) Considérant que cette oeuvre est située non seulement dans le canton mais dans la Ville de Genève, une pétition du même type a été déposée auprès de la Ville de Genève qui auditionnera les pétitionnaires à la fin du mois, voire au début du mois suivant.

M. Luc Gilly (AdG). J'aimerais un petit peu de silence, s'il vous plaît ! (Protestations.) Oh, ça va ! C'est inadmissible et insupportable qu'on recommence comme vendredi dernier !

Mme Charrière Urben a oublié quelque chose d'important dans cette histoire de "canon noué de la paix". La première demande est que ce "canon" soit immédiatement réhabilité sur la place des Nations, en attendant le projet définitif de la nouvelle place des Nations qui ne se fera pas avant cinq ou six ans...

Ce "canon" dort actuellement dans un entrepôt et il n'est pas compliqué pour notre Grand Conseil, d'entente avec le Conseil d'Etat, de prendre ce soir, la décision de le sortir et de le poser à la place des Nations.

Je rappelle que nous fêtons, cette année, le cinquantième anniversaire des Nations Unies. Il serait peut-être sympathique de voir le "canon" sur cette place avant 1996. New York dispose aussi d'un pistolet noué, assez volumineux, devant le Palais des Nations. Il me semble que ce n'est pas une chose irréaliste ou irréalisable que de demander au Conseil d'Etat d'accélérer la procédure pour installer ce "canon". Je vous remercie de faire bon accueil à cette pétition.

M. Henri Gougler (L). A lire les conclusions de Mme Charrière Urben, il semblerait que la commission des pétitions ait pris la décision de renvoyer ces pétitions au Conseil d'Etat à l'unanimité. Si mes souvenirs sont bons, cela n'a pas été le cas et j'aurais bien aimé qu'elle nous donne le détail de ce vote, qui ne figure pas dans le rapport.

Mme Liliane Charrière Urben (S), rapporteuse. M. Gougler me croise régulièrement à la commission des pétitions. Il était là lorsque nous en avons discuté. Je regrette simplement qu'il ne m'ait pas posé la question parce qu'à vrai dire je n'ai pas ici les procès-verbaux de la commission.

En tout cas, la décision a été prise à une grande majorité. Peut-être y a-t-il eu une abstention ou deux, c'est possible ! Mais j'aimerais ajouter ceci : la commission a souhaité ne pas donner de... - comment dirais-je ? - ...de directives, si vous me passez le terme, pour l'emplacement exact de cette sculpture, tout en souhaitant bien évidemment qu'elle soit placée, comme les conclusions l'indiquent, le Conseil d'Etat étant lui-même seul habilité à prendre les décisions nécessaires dans ce domaine.

S'il n'y avait pas unanimité complète, Monsieur Gougler - je regrette que vous ne m'ayez pas posé la question avant - la décision a reposé de toute façon sur une large majorité.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi des pétitions au Conseil d'Etat) sont adoptées.