Séance du vendredi 15 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 37e séance

M 939-A
5. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Sylvia Leuenberger, Roger Beer, Dominique Belli et Chaïm Nissim concernant les CFC et la couche d'ozone. ( -) M939
Mémorial 1994 : Développée, 4251. Renvoi en commission, 4255.
Rapport de Mme Yvonne Humbert (L), commission de l'environnement et de l'agriculture

Lors des séances du 16 mars et du 6 avril 1995, la commission de l'environnement et de l'agriculture, présidée par M. Luc Barthassat, a examiné la motion 939 concernant les CFC et la couche d'ozone et la possibilité de la destruction de ce gaz.

L'ozone

L'ozone existe dans l'air à toutes les altitudes, c'est dans la stratosphère qu'il se rencontre aux plus fortes concentrations constituant «la couche» ou écran d'ozone. La stratosphère est la couche atmosphérique qui s'étend jusqu'à une cinquantaine de kilomètres d'altitude.

Selon l'altitude, la latitude et la saison, la teneur de l'air en ozone présente d'importantes variations. Le maximum de densité est atteint vers une trentaine de kilomètres dans les régions équatoriales et dix-huit kilomètres au niveau des pôles.

Cet «écran» d'ozone arrête la plupart des rayonnements ultraviolets et a joué un rôle essentiel dans l'évolution de la biosphère car sa fonction a permis la colonisation des continents émergés par les êtres vivants.

Une importante source de pollution de l'air provient de l'usage à vaste échelle de solvants chlorés ainsi que le chlorofluorocarbures dénommés Fréon qui servent comme liquide cryogène (basses températures) dans les réfrigérateurs et surtout comme gaz propulseur dans les innombrables bombes aérosols dont l'usage s'est accru considérablement au cours des dernières décennies mais qui, actuellement, tend à disparaître de nos marchés.

Récupération des anciennes armoires frigorifiques

M. François Cupelin, adjoint à l'écotoxicologue cantonal, nous informe que le recyclage des CFC dépend d'une loi fédérale qui exige que tous les vieux «frigos» inutilisables doivent être munis d'une vignette dont le prix s'élève à 70 F. Ces armoires frigorifiques sont récupérées par les communes puis acheminées à un centre intercantonal où elles sont démontées après récupération des CFC. Deux tiers de ces gaz sont contenus dans les compresseurs et un tiers dans la mousse isolante. Les CFC ainsi récupérés sont réutilisés pour des installations industrielles.

Actuellement, il est interdit d'exporter ou d'importer des CFC et, dans une première phase, la Suisse a décidé de liquider les stocks puis d'en détruire totalement tous les résidus. Cette mesure devra être prise à l'échelon international. Pour quelle raison notre pays a-t-il choisi d'agir en deux phases ? Cela, d'une part, du fait que les armoires frigorifiques actuellement mises sur le marché ne contiennent plus de CFC et, d'autre part, les produits de remplacement étant créés par les mêmes entreprises, l'idée fut d'utiliser les CFC récupérés uniquement pour les installations industrielles. Le produit de remplacement largement utilisé est l'ammoniac qui, lui, n'est pas dangereux pour la couche d'ozone.

Genève n'est pas équipée pour récupérer les CFC et il est exact que la Ville de Lausanne avait eu l'intention de le faire mais, pour des questions techniques et de coût élevé, elle a renoncé à cette technique et confié cette tâche à la société Kühlteg AG. Toutefois, la meilleure solution reste l'incinération de ces gaz qui, pour être brûlés, nécessite des fours dont la température s'élève à 3 200 degrés. Les Cheneviers disposent actuellement de tels fours, il serait donc tout à fait possible de brûler des CFC à Genève, toutefois le problème reste au niveau du démontage des apparels. M. Cupelin nous précise encore que, dans un document émanant de la Fondation pour la gestion et la récupération des déchets en Suisse (SENS), elle annonce qu'elle s'engagerait, désormais, à brûler tous les CFC.

En 1993, dans notre canton, les communes récupèrent 2 196 appareils frigorifiques et les privés 705.

Lors d'une séance suivante, la commission eut le privilège de pouvoir visionner l'émission de Temps présent consacrée au recyclage des CFC des frigos voués à la démolition. Cette motion fut inspirée par ce film et l'un des auteurs nous rappelle qu'il faut 100 à 250 ans pour que les CFC lâchés dans l'atmosphère cessent d'avoir des effets nocifs sur la couche d'ozone.

En outre, cette motion demande que les CFC ne soient plus recyclés pour éviter de prolonger les effets nocifs sur l'atmosphère et que l'on poursuive le prélèvement de la taxe destinée à la destruction des anciens appareils frigorifiques, l'avenir de notre planète n'étant pas à négliger.

Interpellation au Conseil national

Comme suite à l'émission de Temps présent sur l'élimination des anciens appareils frigorifiques, une interpellation fut développée devant l'assemblée du Conseil national.

Voici la réponse donnée par le Conseil fédéral:

«Il faut empêcher les CFC de parvenir dans la couche d'ozone, du fait de leur action destructrice. Ainsi, le Conseil fédéral a-t-il édicté des prescriptions à cet effet dans l'ordonnance sur les substances, et il a procédé, à plusieurs reprises, à leur renforcement. Grâce à ces mesures, l'utilisation des CFC, qui se montait à 8 400 tonnes en 1986, a diminué jusqu'à moins de 2 000 tonnes en l'an 1992. Cette réduction a été obtenue en particulier au moyen de l'interdiction des CFC pour les aérosols et dans les mousses isolantes. D'ici la fin de 1995, les CFC seront totalement interdits, exception faite pour leur utilisation dasn les aérosols nébulisants des médicaments antiasthmatiques.

Selon l'ordonnance sur les substances, dès le 1er janvier 1994, les nouveaux frigos ne peuvent plus contenir de CFC. La plupart des anciennes installations frigorifiques en contiennent, tant à titre d'agent frigorigène que dans les mousses isolantes. En Suisse, les milieux concernés ont assuré l'élimination de ce type d'appareil sur la base d'un accord privé. Grâce à quoi, en 1993, plus de 70 tonnes de CFC ont été épargnées à l'environnement.»

Il ajoute encore:

«A partir de 1996, conformément au protocole de Montréal, les Etats industrialisés ne seront plus autorisés à produire de nouveaux CFC»

et que

«Les prescriptions relatives aux appareils ménagers sont également applicables aux installations industrielles pour ce qui est de l'entretien et de l'élimination. Dans tous les cas, l'utilisation de CFC est soumise à autorisation.»

Nouvelle invite de la motion 939

Les membres de notre commission proposent, à l'unanimité, une nouvelle invite au Conseil d'Etat:

«étudier la possibilité pour Genève, d'incinérer les CFC plutôt que de les recycler.»

Il est précisé que cette motion ainsi amendée reste celle de ses auteurs.

La commission de l'environnement et de l'agriculture vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter cette motion ainsi amendée et de l'envoyer au Conseil d'Etat.

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, une phrase en page 2 du rapport de Mme Humbert donne tout son sens à ce rapport. Je vais vous la relire : «M. Cupelin - fonctionnaire du département - nous précise encore que, dans un document émanant de la Fondation pour la gestion et la récupération des déchets en Suisse (SENS), elle annonce qu'elle s'engagerait, désormais, à brûler tous les CFC.».

C'était le sens même de notre motion. Notre problème était le suivant. Depuis que les CFC étaient interdits d'importation et de production, une grande partie de ceux-ci étaient recyclés par la SENS et, quelquefois, les installations industrielles profitant de ces CFC recyclés avaient des fuites ou d'autres imperfections, ce qui fait que ces CFC recyclés repartaient dans l'atmosphère. C'est la raison de notre motion, car nous voulions absolument que tous les CFC soient brûlés et non plus qu'une partie de ceux-ci soient recyclés.

A partir du moment où la SENS avait accepté de tous les brûler, notre motion n'avait plus vraiment de raison d'être, puisque c'était justement ce que nous demandions. Nous sommes donc très satisfaits.

Je tenais juste, en deux mots, à remercier la rapporteuse, ainsi que les membres de la commission, qui ont pris deux heures sur leur temps. Ce n'est bien sûr pas grâce à notre motion que cette décision a été prise, mais grâce à un immense mouvement mondial. Toutefois, peut-être que notre action, aussi minime soit-elle, y a été pour quelque chose. Nous sommes - je le répète - très satisfaits.

Mme Yvonne Humbert (L), rapporteur. Je puis juste rajouter aux propos de M. Chaïm Nissim que, selon une décision de l'Assemblée générale de l'ONU, le 16 septembre sera dorénavant appelé «Journée internationale pour la préservation de la couche d'ozone», cela afin de sensibiliser l'opinion publique mondiale.

La présidente. Merci, Madame, de cette précision !

J'attire votre attention sur le fait que l'invite a été modifiée en commission.

Mise aux voix, cette motion ainsi corrigée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

(M 939)

MOTION

concernant les CFC et la couche d'ozone

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que le problème de l'amincissement de la couche d'ozone stratosphérique devient de plus en plus aigu, en Europe également;

- qu'une étude détaillée, parue dans le bulletin de l'office fédéral de la santé publique, fait état d'une dégradation de 2% tous les 10 ans de la couche d'ozone, entraînant une augmentation de 26% des cancers cutanés d'ici l'an 2000;

- que le département de l'action sociale et de la santé a pris les devants en publiant une petite brochure, «Mon enfant au soleil», pour prévenir les problèmes de cancers de la peau qui peuvent résulter d'une exposition trop importante aux UVB;

- qu'en Nouvelle-Zélande, pays où le problème est le plus aigu, on en est à tatouer le mufle des vaches pour leur éviter le cancer, et à recommander aux enfants de ne pas sortir plus de 20 minutes par jour (Temps présent: «L'arnaque des vieux frigos»);

- qu'en Allemagne le recyclage des CFC 11 et 12 (les plus nocifs, ils durent 250 ans) est interdit (à cause des fuites toujours possibles), seule leur destruction immédiate étant une solution véritablement écologique;

- que la Ville de Lausanne a déjà suivi l'exemple allemand,

invite le Conseil d'Etat

à étudier la possibilité pour Genève d'incinérer les CFC plutôt que de les recycler.