Séance du jeudi 14 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 35e séance

PL 7288
5. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (D 3 1,3). ( )PL7288

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 29 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 et l'article 75 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, du 14 décembre 1990, dans leurs nouvelles teneurs adoptées par l'Assemblée fédérale le 7 octobre 1994,

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :

Art. 30 (nouvelle teneur)

Capital propre

dissimulé

Le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives est augmenté de la part de leurs fonds étrangers qui est économiquement assimilable au capital propre.

Art. 45 (nouvelle teneur)

Clauses de réciprocité

1 L'article 7 n'est applicable que dans le cas où le canton de destination ou de provenance applique des normes analogues.

2 Jusqu'au 31 décembre 2000, le transfert de siège dans un autre canton (art. 15), de même que les transformations, concentrations et scissions (art. 16) et le remploi (art. 17) impliquant la réalisation et le transfert de réserves latentes dans un autre canton restent soumis aux impôts genevois, à moins que le canton de destination ne prévoie une exo-nération réciproque.

EXPOSÉ DES MOTIFS

I. Introduction

Le but du présent projet de loi n'est pas de modifier en profondeur une loi votée en 1994 et entrée en vigueur au 1er janvier 1995, mais d'adapter ce texte à une modification de la loi fédérale d'harmonisation des cantons et des communes (ci-après LHID), intervenue le 7 octobre 1994, et de compléter les dispositions transitoires par une clause technique de réciprocité, afin d'éviter une double imposition lors de transfert de siège d'une personne morale hors du canton ou, inversement, une lacune d'imposition lors d'une arrivée en provenance d'un autre canton.

Il s'agit dès lors d'une adaptation technique de la loi sur l'imposition des personnes morales (ci-après LIPM) du 23 septembre 1994 sur deux points, exposés en détail dans le commentaire par articles.

II. Commentaires par articles

Article 30 LIPM

Cette disposition, qui figure dans le chapitre consacré à l'impôt sur le capital des personnes morales (articles 27 à 36 LIPM), traite du mode de détermination du capital propre dissimulé, appelé aussi sous-capitalisation.

Il est rappelé que les règles destinées à lutter contre la sous-capitalisation servent à éviter que des ayants droit économiques d'une société de capitaux ou d'une coopérative ne perçoivent du bénéfice de cette entité sous forme d'intérêts. Etant donné que ces derniers sont considérés comme une charge déductible du résultat de la société débitrice, ce moyen permettrait, en l'absence de correction fiscale, d'éluder la règle selon laquelle le bénéfice à disposition des actionnaires doit provenir du bénéfice net soumis à l'impôt sur le bénéfice au sein de la personne morale. Le critère permettant de définir si l'on est en présence d'un financement étranger authentique est celui de savoir si un tiers indépendant aurait exposé des fonds aux mêmes risques que le créancier-actionnaire.

Sur cette base, le législateur fédéral a introduit, aussi bien dans la LHID (art. 29, al. 3) que dans la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (ci-après LIFD, art. 75, toutes deux adoptées le 14 décembre 1990), une clause générale permettant de considérer comme des fonds propres imposables la part de fonds étrangers (prêts, endettement) qui est économiquement assimilable à des fonds propres.

Cette disposition est le pendant de la clause qui dénie le caractère de charge justifiée commercialement - donc déductible du bénéfice - les intérêts sur la part de fonds étrangers assimilée à du capital propre dissimulé (art. 24, al. 1, lettre c LHID et art. 65 LIFD). Une telle mesure a également été reprise dans la LIPM (art. 12, lettre f).

A côté du principe général, décrit ci-dessus, le législateur fédéral avait prévu une réglementation spécifique à l'égard des sociétés immobilières en ce sens que le capital propre imposable de ces dernières sociétés était imposable à une quote-part donnée de la valeur des actifs déterminante pour l'impôt sur le bénéfice. Cette quote-part, fixée d'abord à un tiers de la valeur des actifs, a ensuite été ramenée à un quart par le Conseil fédéral en réponse à la motion des parlementaires fédéraux Rolf Engler (CN/PDC/AI) et Ernst Ruesch (CE/PRD/SG), qui demandaient, eux, que le capital étranger ne soit pas considéré fiscalement comme du capital propre, ni les intérêts correspondant comme du bénéfice.

La rédaction de l'article 30 LIPM a été faite sur la base de la contre-proposition du Conseil fédéral. Celle-ci s'approchait d'ailleurs de la pratique genevoise puisque, jusqu'à l'entrée en vigueur de la LIPM, les fonds propres minimaux des sociétés immobilières devaient correspondre à 20% de la valeur comptable fiscalement déterminante des actifs. Les mêmes règles étaient appliquées dans le cadre de l'arrêté instituant un impôt fédéral direct (ci-après AIFD), qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994.

Le Parlement fédéral s'est écarté de la proposition du Conseil fédéral dans la mesure où il a estimé qu'il ne fallait pas créer deux types d'imposition du capital propre. Il a donc choisi de ne pas maintenir une clause particulière pour les sociétés immobilières et a également refusé de prendre en compte le traitement particulier réservé aux sociétés coopératives immobilières soutenues par la Confédération en vertu de la loi encourageant l'accession à la propriété. Il en résulte que la nouvelle teneur des dispositions relatives au capital propre dissimulé dans la LIFD (art. 75, nouvelle teneur) et dans la LHID (art. 29a, nouveau, en remplacement de l'art. 29, al. 3) est la suivante :

Le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives est augmenté de la part des fonds étrangers qui est écono-miquement assimilable au capital propre.

En vertu du caractère contraignant de la LHID, qui est une loi-cadre qui oblige les cantons à adapter leur règles fiscales d'ici au 31 décembre 2000, en vertu du principe dit d'harmonisation horizontale et du principe dit d'harmonisation verticale qui préconise une uniformisation des principes de détermination des éléments imposables (bénéfice/capital) entre la Confédération et les cantons, il est important d'adapter sans attendre la LIPM. Il est souhaitable en effet de limiter au maximum les distorsions entre les règles fiscales cantonales et fédérales, étant donné que l'assiette de l'impôt est déterminée par la même autorité sur la base d'un document unique rempli par le contribuable.

Au demeurant, la nouvelle formulation de la LIFD et de la LIPM (par adaptation de la LHID) aura pour conséquence pratique le maintien de la méthode traditionnelle de détermination des fonds propres dissimulés, en particulier auprès des sociétés immobilières, telle qu'elle a été développée au cours des années par la pratique des autorités fédérales et cantonales.

Il s'agit, en résumé, d'adapter notre droit fiscal cantonal à une modification de la loi-cadre fédérale, par la suppression d'une distinction qui n'y a plus sa place. C'est parce que cette modification n'est intervenue que le 7 octobre 1994, soit peu de jours après l'adoption de la LIPM par le Grand Conseil le 23 septembre 1994, que la présente modification n'a pas pu être incluse dans le projet cantonal et qu'il y lieu de procéder par le biais d'une modification législative.

Article 45 LIPM

Cette disposition, contenue dans le chapitre consacré aux dispositions transitoires et finales (art. 41 à 46) de la LIPM traite des clauses de réciprocité. En d'autres termes, cet article réserve les droits du canton, qui peut voir lui échapper, en application de la LHID, certains éléments imposables, lorsque le canton de destination de ces éléments n'appliquerait pas lui-même un traitement analogue dans le cas inverse (départ d'éléments imposables à destination du canton de Genève). Une telle clause ne peut être que limitée dans le temps, étant donné que les cas appréhendés (transfert de siège, restructurations et remploi) devront intervenir en franchise d'impôt dès le 1er janvier 2001, à teneur de la LHID (art. 23, al. 2 à 4, repris aux art. 15 à 17 LIPM).

Il est apparu, depuis le début de cette année, qu'une autre disposition de la LIPM nécessitait une clause de réciprocité, non pas pour sauvegarder les intérêts financiers de Genève par rapport à d'autres cantons, mais pour éviter que certaines personnes morales quittant le canton ou y arrivant ne bénéficient d'une lacune d'imposition ou ne soient, au contraire, imposées doublement.

L'article 22 LHID, repris dans la LIPM à l'article 7, dispose que lorsqu'une personne morale transfère son siège dans un autre canton, l'assujettissement à l'impôt sur le bénéfice et sur le capital se poursuit sans changement pour l'année fiscale en cours dans le canton de départ. Inversement, lorsqu'une personne morale arrive à Genève en provenance d'un autre canton, la compétence d'imposer du canton d'arrivée ne débute qu'au début de la période fiscale annuelle suivante. Cette disposition déroge au principe général énoncé à l'article 6 LIPM en vertu duquel l'assujettissement débute le jour de l'installation du siège dans le canton et prend fin le jour du déplacement du siège hors du canton.

Lorsque le canton d'arrivée s'en tient au principe général et n'a pas repris la clause de l'article 22 LHID, on peut se trouver en cas de transfert de siège en cours de période fiscale dans une situation soit

a) de double imposition en cas de transfert de siège dans un canton tiers, le canton de Genève prétendant imposer la personne morale pour le restant de la période fiscale, alors que le canton d'arrivée invoquera son droit d'imposer depuis le jour de l'arrivée;

b) de lacune d'imposition en cas d'arrivée à Genève en provenance d'un canton tiers, ce dernier mettant un terme à ses prétentions au jour du transfert de siège alors que le droit fiscal genevois n'autorisera de prélever l'impôt qu'à partir de la période fiscale suivante.

De telles situations, peu souhaitables, peuvent être évitées par l'insertion d'une règle de conflit unilatérale dans la loi genevoise qui réserve l'application de l'article 7 LIPM, qui est une lex specialis par rapport à la norme générale de l'article 6 LIPM, au cas où le canton de destination ou de provenance applique des règles analogues. Pour des raisons de systématique, cette clause doit figurer en alinéa premier de l'article 45 LIPM, le texte actuel de cette disposition devant en former le deuxième alinéa.

Vu le risque que peut faire courir la lacune d'imposition potentielle sur les rentrées fiscales du canton, la modification législative proposée devrait être adoptée sans tarder.

Etant donné que le principe même énoncé à l'article 22 LHID semble contesté par divers cantons qui proposeront peut-être sa modification au profit du retour à la méthode traditionnelle (imposition jusqu'au jour effectif du départ, respectivement dès le jour de l'arrivée), il se justifie de ne pas limiter cette clause dans le temps.

Au bénéfice de ces explications, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.