Séance du jeudi 14 septembre 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 9e session - 34e séance

PL 7286
29. Projet de loi du Conseil d'Etat d'application de l'article 33, alinéa 2, de la loi générale sur les contributions publiques (suspension de l'adaptation des barèmes fiscaux A et B au renchérissement) (D 3 10,1). ( )PL7286

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Suspension de l'indexation des barèmes

1 En application de l'article 33, alinéa 2, de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, l'application de l'article 33, alinéa 1, est suspendue jusqu'au 31 décembre 1996.

2 L'impôt dû pour l'année 1996 est calculé conformément aux barèmes A et B applicables en 1995 (articles 32A, 32B et annexes A, B et C de la loi générale sur les contributions publiques).

Art. 2

Reprise de l'indexation des barèmes

En vue de la reprise de l'indexation des barèmes A et B, la valeur du paramètre Co d'adaptation des barèmes A et B au renchérissement, figurant à l'annexe C (art. 33) de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, sera à compter du 1er janvier 1997 de 524 255.

Art. 3

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1996.

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Comme cela a déjà été le cas pour l'année fiscale 1993 (loi 6870 du18 décembre 1992), le Conseil d'Etat se voit à nouveau contraint de proposer, pour l'année fiscale 1996, la suspension de l'indexation des barèmes fiscaux à l'accroissement du coût de la vie.

Cette mesure s'inscrit logiquement dans l'effort poursuivi sans relâche par le gouvernement depuis maintenant plusieurs années de tout mettre en oeuvre pour tendre vers un rééquilibrage des finances publiques. L'enjeu de cela est en définitive de permettre une meilleure qualité de vie de la collectivité en empêchant que, petit à petit, l'essentiel des ressources de l'Etat ne soit consacré au service d'une dette constituée par l'addition successive de déficits publics non maîtrisés.

On rappellera, comme cela fut le cas il y a trois ans, que le blocage de l'indexation des barèmes d'impôt ne touche en définitive que les contribuables dont les revenus ont augmenté en termes nominaux, ce qui semble acceptable vu le taux d'inflation modéré que nous avons connu au cours des derniers deux ans. Pour Genève, ces chiffres sont de 0,5% pour l'année 1994, de 1,9% pour le premier semestre 1995.

Comptablement, l'incidence résultant de la suppression de l'adaptation des barèmes d'impôts ne peut être chiffrée d'une manière précise, mais elle a été évaluée dans le cadre de l'élaboration du budget à environ 16 millions de francs de recettes supplémentaires pour le canton.

Se basant sur l'expérience acquise au cours des débats ayant précédé l'adoption de la dernière loi en la matière, il a été décidé de préciser d'ores et déjà que la reprise de l'indexation des barèmes interviendra, pour l'année fiscale 1997, par réactivation (sans changement de la période de calcul définie dans la loi) du mécanisme prévu à l'annexe C de la loi générale sur les contributions publiques (LCP). De plus, comme ce fut le cas en 1993, le renchérissement intervenu pendant la période de blocage ne sera pas pris en compte à l'avenir, cela pour éviter de réduire l'effet budgétaire de la mesure de suspension.

Techniquement, le mécanisme d'indexation prévu à l'annexe C (art. 33) de la LCP, revient à calculer une nouvelle valeur du paramètre Co d'adaptation des barèmes au renchérissement pour l'année de référence, divisée par 100, à introduire dès 1996, pour indexer à nouveau les barèmes fiscaux dès 1997.

Le nouveau Co (Co') diffère de l'ancien Co (aCo) en proportion de la non-indexation des barèmes fiscaux de 1996:

I 1994

I

Co' = aCo

--

= aCo

--

I 1995

I 1995

I 1994

avec

I 1994:

la moyenne des valeurs mensuelles de l'indice genevois des prix à la consommation entre septembre 1993 et août 1994, soit 100,9.

I 1995:

la moyenne des valeurs mensuelles de l'indice genevois des prix à la consommation entre septembre 1994 et août 1995, soit 102,5.

I 1995

Le rapport

--

exprime, à l'unité près, le taux de renchérissement

I 1994

constaté entre août 1994 et août 1995.

La nouvelle valeur du Co sera de 524 255.

Tels sont les motifs pour lesquels, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions de bien vouloir approuver le présent projet de loi.

Préconsultation

M. Matthias Butikofer (AdG). Le projet de loi du Conseil d'Etat qui vise à bloquer en 1996 l'indexation des barèmes fiscaux ne nous a guère enthousiasmés, essentiellement en raison du mode de calcul fallacieux du Conseil d'Etat, qui camoufle la totalité des conséquences entraînant la non-indexation des barèmes fiscaux sur le coût de la vie.

Les personnes frappées par cette mesure sont non seulement les contribuables dont le salaire 1996 sera indexé sur le coût de la vie mais aussi les nombreux cas de ceux qui subiront une diminution du pouvoir d'achat, suite à une non-indexation de leur revenu au taux d'inflation. Pourquoi ? Les premiers, ceux bénéficiant de l'indexation, grimperont sur l'échelle des barèmes fiscaux et verront donc leurs impôts augmenter, malgré le fait que leur pouvoir d'achat demeure inchangé. Le Conseil d'Etat espère ainsi se procurer des ressources supplémentaires sur le dos de cette catégorie de contribuables, pour environ 16 millions. Mais la non-indexation des barèmes fiscaux n'est pas sans conséquence pour ceux qui ne bénéficient pas d'une indexation de leur revenu au coût de la vie. Cette catégorie de contribuables qui subit une diminution du pouvoir d'achat aurait, avec un barème indexé, bénéficié d'une diminution d'impôts.

Cela dit, la non-indexation touche quasiment toute la population. On peut estimer que les ressources ainsi prélevées dépasseront largement les 16 millions prévus par le gouvernement. Ce qui nous déplaît dans ce projet de loi, c'est la façon de camoufler le vrai enjeu de cette augmentation d'impôts qui se fera sur le dos de tous les salariés, alors qu'ils subiront déjà en 1996 une diminution de leur pouvoir d'achat. C'est de cette façon que le Conseil d'Etat essaie de court-circuiter les effets néfastes de la diminution de la masse salariale sur la fiscalité, dus aux inlassables avances des milieux patronaux qui baissent les salaires des travailleurs.

Pour l'instant, nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission de ce projet de loi. Nous tenons cependant à préciser que nous ne manquerons pas d'informer la population - avec les moyens qui sont les nôtres - des arrière-pensées du Conseil d'Etat, en expliquant sur le dos de qui il envisage, comme il l'écrit dans son exposé des motifs, «de tout mettre en oeuvre pour tendre vers le rééquilibrage des finances publiques».

En ce qui nous concerne, par le biais de nos initiatives fiscales sur les grandes fortunes et sur l'imposition des bénéfices et des capitaux des personnes morales, nous avons soumis des propositions claires et transparentes qui ne cachent pas nos intentions politiques, sur la manière de rétablir les finances publiques.

M. Chaïm Nissim (Ve). Je vais lire le discours de mon amie Sylvia Leuenberger qui a une extinction de voix. Considérez que c'est elle qui parle !

La présidente. Cela sera difficile, Monsieur le député, mais nous allons faire un effort...

M. Chaïm Nissim. On cherche à lutter contre l'abstentionnisme, à motiver les citoyens à aller voter, mais comment voulez-vous que cela soit encore possible lorsque le Conseil d'Etat, malgré deux votes négatifs de la population revient devant nous avec la proposition de la réintroduction de la progression à froid, c'est-à-dire la suppression de l'indexation des barèmes fiscaux pour l'année 1996 !

En 1988, la population genevoise a accepté l'initiative pour supprimer la progression à froid, ainsi que le contre-projet. Tous les partis politiques étaient d'accord de stopper cet effet pervers, soit la non-indexation des barèmes.

En 1992, la population a refusé le paquet ficelé proposé par le Conseil d'Etat contenant, entre autres, une hausse d'impôts de 3 centimes additionnels. Cette année, contre l'avis de tous les partis, le peuple a accepté la proposition d'audit de l'Etat proposée par le comité «Halte aux déficits». Donc le message populaire est on ne peut plus clair ! Il rejette les hausses d'impôts et demande une révision des dépenses de l'Etat.

En 1993, l'Etat avait déjà proposé cette mesure par la voix du député Cramer. Nous nous étions abstenus sur cette mesure, en pensant qu'il valait mieux augmenter les centimes additionnels qui font partager l'effort fiscal d'une façon beaucoup plus équitable entre les hauts revenus et les petits revenus.

Aussi revenir maintenant avec cette hausse déguisée d'impôts qu'est la suppression de l'indexation est certainement la plus mauvais méthode que l'Etat puisse adopter. Les «Verts» avaient soutenu à l'époque une hausse d'impôts de 3 centimes additionnels. Donc, si cela est vraiment nécessaire, que l'Etat propose une vraie hausse d'impôts, afin que le peuple puisse se prononcer. Mais puisqu'un audit va démarrer, il serait peut-être judicieux d'en attendre les premiers résultats avant de proposer une hausse d'impôts déguisée.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat ne s'attendait pas à des applaudissements par rapport à la mesure fiscale qu'il a proposée. J'aimerais cependant brièvement ici préciser deux points :

1) Il n'y a pas de camouflage de la part du Conseil d'Etat. Nous avons dit très clairement, en présentant le budget et en déposant le projet de loi qui fait partie du corps des projets du budget, qu'il nous apparaissait évident que les personnes qui ne verraient pas leur salaire indexé en 1996 - comme ce sera le cas pour la fonction publique - paieraient moins d'impôts 1996 qu'en 1995, si nous indexions les barèmes fiscaux. C'est ce qu'on appelle la régression à froid.

2) Pour les mêmes raisons invoquées lorsque nous avions fait une semblable opération pour une année, comme cela a été rappelé, nous pensons que cette mesure pouvait être prise dans le cadre des efforts nécessaires pour assurer l'équilibre du budget de l'Etat de Genève.

Bien entendu, nous en débattrons en commission. Vous aurez l'ensemble des chiffres, mais je m'élève en faux par rapport à un certain nombre d'intervenants, qui prétendent qu'on veut faire supporter à une classe plutôt qu'à une autre le poids de la fiscalité. Nous verrons en commission que ce n'est pas le cas.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

 

La présidente. J'ai le plaisir de saluer à la tribune deux de nos anciens collègues, tous deux Carougeois, MM. Alain Saracchi et Jean Montessuit. (Applaudissements.)

Nous prenons maintenant les points 52, 53 et 54 de notre ordre du jour.