Séance du jeudi 22 juin 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 8e session - 29e séance

PL 7251
13. Projet de loi du Conseil d'Etat sur la dation en paiement (D 3 6,5). ( )PL7251

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Principe

1 Moyennant accord de l'Etat et de la personne devant supporter les droits de succession ou de donation entre vifs (ci-après les droits), ceux-ci peuvent être acquittés totalement ou partiellement au moyen de biens culturels selon les dispositions de la présente loi.

2 Il n'est pas nécessaire que le bien dont la remise en paiement est proposée dépende de la succession ou de la donation soumise aux droits.

Art. 2

Définition

1 Est réputé bien culturel tout bien meuble tel que oeuvre d'art, livre, objet de collection ou document dans la mesure où il présente une haute valeur artistique, historique ou scientifique.

2 Le paiement des droits au moyen d'immeubles(art. 655 du code civil suisse) est exclu.

Art. 3

Demande de l'assujetti

1 La personne devant supporter les droits, au sens des articles 53, alinéa 1, de la loi sur les droits de succession et 163 de la loi sur les droits d'enregistrement, qui souhaite acquitter tout ou partie des droits au moyen de biens culturels doit en faire la demande au plus tard dans les trente jours qui suivent l'entrée en force de la décision de taxation.

2 La demande est adressée à l'administration fiscale cantonale.

3 La demande indique la nature de chacun des biens culturels que l'assujetti propose de céder à l'Etat en paiement des droits et leur valeur de cession proposée (valeur vénale ou valeur inférieure).

4 La demande suspend l'exigibilité de l'impôt, sans préjudice des dispositions relatives aux intérêts dus sur les dettes et créances fiscales.

5 La prescription de la créance fiscale ne court pas aussi longtemps que la demande est pendante.

Art. 4

Demande de l'autorité

1 Avec l'accord du chef du département des finances (ci-après le département) ou sur demande de ce dernier, l'administration fiscale cantonale peut proposer d'office à l'assujetti de payer les droits de succession ou de donation au moyen de biens culturels.

2 L'administration fixe à l'assujetti un délai pour prendre position et, le cas échéant, indiquer la nature et la valeur de chacun des biens culturels qu'il entend céder à l'Etat.

3 Sans réponse de l'assujetti à l'échéance du délai, la proposition de l'administration fiscale cantonale est réputée caduque.

4 L'article 3, alinéas 4 et 5, ainsi que l'article 9, alinéa 1, s'appliquent par analogie.

Art. 5

Examen I. Commission d'experts

1 L'administration fiscale cantonale transmet la demande de l'assujetti (art. 3) ou sa proposition, acceptée par l'assujetti (art. 4), à la commission d'agrément (ci-après la commission). Cette commission, qui comprend des personnes ayant des connaissances étendues en matière culturelle ou en finances publiques, est désignée par le Conseil d'Etat.

2 La commission examine si les biens culturels proposés en paiement présentent une haute valeur artistique, historique ou scientifique et se prononce au sujet de la valeur libératoire.

3 Au besoin, la commission requiert l'avis d'experts extérieurs.

4 Le Conseil d'Etat fixe la composition, l'organisation et le mode de fonctionnement de la commission.

II. Obligation de l'assujetti

5 La personne qui souhaite acquitter les droits au moyen de biens culturels ou qui accepte ce mode de paiement est tenue de permettre à la commission d'accéder aux biens en cause.

6 La personne concernée doit fournir toute indication propre à certifier l'origine de propriété sur les biens culturels en question, ainsi que leur authenticité.

Art. 6

Rapport

1 Au terme de la procédure d'examen, la commission établit un rapport comprenant la liste et la nature des biens culturels retenus ainsi que leur valeur libératoire, qui est communiqué à l'assujetti. Dans la mesure où elle diffère de la valeur libératoire, la valeur vénale sera également men-tionnée dans le rapport.

2 En cas de désaccord entre la commission et l'assujetti au sujet de la valeur des biens ou des éventuelles conditions posées par la commission, le Conseil d'Etat désigne une personne chargée de conduire les pourparlers de conciliation entre la commission et l'assujetti. Si le désaccord subsiste, la demande de l'assujetti ou la proposition de l'administration fiscale cantonale est classée sans autre suite. La commission en informe l'administration fiscale cantonale. L'article 9, alinéas 1 et 3, est applicable par analogie.

3 En cas d'accord entre l'assujetti et la commission, cette dernière transmet son rapport à l'administration fiscale cantonale.

Art. 7

Approbation

1 L'administration fiscale cantonale soumet à la direction des services financiers de l'Etat, pour préavis à l'intention du chef du département, le rapport de la commission, ainsi que le montant des droits dus.

2 Le chef du département accepte ou refuse l'accord portant sur le paiement des droits au moyen de biens culturels. Sa décision n'est pas sujette à recours.

3 Il en informe l'assujetti, la commission et l'admi-nistration fiscale cantonale.

Art. 8

Adaptationet révisionde la décision de taxation

1 La valeur libératoire des biens culturels admis en paiement déterminante pour la fixation des droits est arrêtée par l'administration fiscale cantonale sur la base de l'approbation donnée.

2 Si cette valeur est inférieure ou supérieure à celle prise en compte dans la décision de taxation et que cette dernière est entrée en force, il est procédé à une révision.

3 Les dispositions relatives aux intérêts dus sur les dettes et créances fiscales sont réservées (art. 3, al. 4).

4 Il peut toutefois être renoncé, en tout ou partie, aux intérêts, lorsque des circonstances non imputables à l'assujetti ont retardé la décision du chef du département. Les arti-cles 69 de la loi sur les droits de succession, du 26 novembre 1960, et 181 de la loi sur les droits d'enregistrement, du9 octobre 1969, sont applicables par analogie, en ce qui concerne la procédure.

Art. 9

Paiement des droits

1 En cas de rejet de la demande, et si le refus du chef du département est postérieur à la décision de taxation, les droits dont le paiement était proposé au moyen de biens culturels doivent être acquittés dans les trente jours dès la décision du chef du département.

2 Lorsque la valeur libératoire ne couvre que partiellement le montant des droits, l'alinéa 1 s'applique par analogie au solde dû.

3 L'article 8, alinéas 3 et 4, s'applique par analogie.

Art. 10

Propriété des biens culturels

1 Les biens culturels acquis par le biais de la dation en paiement entrent dans le patrimoine culturel de l'Etat et sont dûment répertoriés.

2 L'Etat peut les mettre à disposition des communes genevoises ou à des institutions tierces, à titre gratuit ou onéreux, pour une durée limitée ou indéterminée. Des sûretés peuvent être exigées.

3 Les responsabilités et la procédure relatives à la gestion du patrimoine culturel de l'Etat sont fixées dans le règlement d'application de la loi.

Art. 11

Exécution

1 La commission exécute la décision approuvant le paiement au moyen de biens culturels.

2 Le chef du département désigne, sur proposition de la commission, les instances responsables d'organiser le transport des biens, leur conservation et leur mise en valeur. Il statue également sur le sort des frais y relatifs.

Art. 12

Garantie en cas d'éviction ou d'absence d'authenticité

1 La créance fiscale renaît sans autres en cas d'éviction de l'Etat suite à revendication par un tiers de bonne foi. Il en va de même lorsque les biens culturels s'avèrent être des faux.

2 Demeurent réservées les dispositions du droit fédéral applicables en la matière.

Art. 13

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

I. Introduction et généralités

A l'instar de ce que prévoient un certain nombre de législations fiscales étrangères, notamment française, belge, espagnole, britannique, italienne, de l'Etat américain du Maine ainsi que, depuis peu, celle du canton du Jura, le Conseil d'Etat genevois propose d'institutionnaliser la possibilité de s'acquitter, dans certains cas précis, du paiement des droits de donation ou de succession par le biais de la remise à l'Etat d'oeuvres présentant un intérêt artistique, historique ou scientifique particulièrement élevé. Une telle innovation figure d'ailleurs au programme législatif du gouvernement tel que défini au début de la présente législature.

Le concept de la dation en paiement est relativement simple:

a) Il s'agit d'une exception au principe selon lequel les obligations fiscales doivent être acquittées par paiement de sommes d'argent ayant cours légal. Elle doit dès lors être appliquée de manière restrictive. C'est pour cette raison qu'elle est limitée, en général, à des droits fiscaux dus sur des transferts de patrimoine. Cette faculté doit être vue comme un instrument permettant à l'Etat d'agrandir son patrimoine culturel, mais au prix de la renonciation à certaines rentrées fiscales. Inversement, elle peut permettre à certaines personnes à court de liquidités de se dessaisir au profit de l'Etat de biens culturels d'intérêt majeur au lieu de les réaliser sur le marché afin d'être en mesure d'acquitter les droits fiscaux. A cet égard, il peut s'agir d'une simplification et d'un gain de temps pour le contribuable, qui a pour prix la renonciation à la possibilité d'obtenir un prix supérieur en cas de mise en vente aux enchères du bien.

b) L'assujetti aux droits fiscaux sur une donation ou une succession et l'Etat ont chacun la faculté de proposer à l'autre partie qui est libre de refuser de régler tout ou partie des droits par le biais de la remise d'un bien présentant un intérêt culturel particulier.

c) Il est loisible au législateur de prévoir que le bien cédé à titre de règlement des droits soit compris dans le patrimoine transféré par voie de donation ou de succession. En pareil cas, il convient cependant d'être particulièrement attentif quant à l'origine de propriété pour éviter à l'Etat tout risque de revendication de la part de tiers.

d) Il est indispensable, en revanche, que le bien en question présente un intérêt artistique, historique ou scientifique particulièrement élevé pour la collectivité publique qui le recevra et devra en assurer la conservation et la mise en valeur. A cet égard, le seul critère de la valeur vénale du bien ne saurait suffire, ce dernier n'étant qu'un paramètre destiné à déterminer le montant de la compensation à opérer sur les droits fiscaux dus.

Le projet de loi qui vous est soumis, inspiré de la récente législation jurassienne, mais également de la solution française, a été précédé d'une motion (M 52) déposée au Grand Conseil le 13 septembre 1979 parMme Elsbeth Stüssi et MM. Maurice Aubert et Lucien Piccot, alors députés. Cette motion pour une fiscalité encourageant les donations en faveur de collectivités publiques de biens mobiliers faisant partie de notre patrimoine culturel partait de l'idée que, contrairement à ce qui est le cas pour les biens immobiliers, la législation relative à la protection des monuments, de la nature et des sites ne permet pas une mise en valeur des biens mobiliers présentant un intérêt culturel particulier. Les auteurs de la motion relevaient dès lors qu'il se justifie d'encourager le maintien de ces derniers à Genève, voire de les faire rentrer dans le patrimoine de l'Etat.

Partant du constat que les seules dispositions figurant dans le droit fiscal genevois positif sont celles prévoyant l'exonération de certaines institutions des droits de succession (art. 6 LDS) et l'exonération des collections artistiques et scientifiques de l'impôt sur la fortune (art. 36 LCP), les auteurs de la motion préconisaient des mesures incitatives de deux ordres:

 pour les objets présentant un intérêt courant, une déduction accordée au donateur correspondant à la valeur de l'objet de sa fortune imposable en ce qui concerne les impôts cantonaux et, pour les libéralités à cause de mort, à une déduction de l'actif imposable de la succession de la valeur de l'objet (en d'autres termes, exonération de tous droits de succession pour cette valeur, le même avantage étant réservé aux héritiers donnant, avant partage, un objet appartenant à la masse successorale);

 pour les objets présentant un intérêt exceptionnel, la possibilité de s'en servir pour acquitter les impôts (mécanisme de la dation en paiement), les auteurs de la motion prévoyant, d'une part, que le «crédit d'impôt» serait limité à une part de la valeur de l'objet (par hypothèse la moitié). D'autre part, ce crédit d'impôt pourrait être employé en couverture des impôts cantonaux sur le revenu et la fortune, des droits de succession, et d'autres taxes (comme les taxes de naturalisation).

Enfin, les auteurs de la motion n'ont pas manqué de relever les trois points cruciaux de leurs propositions, savoir 1) la nécessité de constituer un organe d'évaluation (appelé par eux «commission d'experts»), 2) les rapports entre le canton et les communes (en raison du fait que ce sont elles qui possèdent la plupart des musées à Genève et que le manque à gagner fiscal affecterait en principe les impôts cantonaux uniquement), ainsi que 3) la difficulté que poserait l'extension de ces mesures incitatives aux biens immobiliers.

Pour différentes raisons, cette motion est restée sans réponse à ce jour. Aussi le Conseil d'Etat compte-t-il proposer, en reprenant la seconde proposition contenue dans la motion, d'ancrer dans la loi le principe même de la dation en paiement.

Le projet de loi sur la dation en paiement pourrait être intégré ultérieurement dans la législation topique des droits de succession et de donation en tant que chapitre particulier. Il est proche, dans sa systématique et quant au fond, du texte jurassien. Il a cependant été tenu compte des particularités suivantes:

a) A Genève, le produit des droits de succession et de donation est attribué uniquement au canton. En d'autres termes, les communes ne participent pas au produit de ces impôts. D'autre part, comme il a été mentionné plus haut, les institutions qui pourraient être intéressées par la venue d'oeuvres d'art ou de pièces de collection d'intérêt exceptionnel, c'est-à-dire les musées, appartiennent essentiellement à la principale commune du canton, savoir la Ville de Genève. Il est vrai que certaines collections et quelques musées appartiennent à des institutions privées, voire à des particuliers. Enfin, le canton dispose, quant à lui, pour l'essentiel des Archives d'Etat pour accueillir des documents pouvant présenter un intérêt particulier.

 Se pose dès lors la question de la propriété finale et de la destination des biens qui seront, le cas échéant, acceptés à titre de dation en paiement des droits cantonaux de succession et de donation. A cet égard, le plus simple peut être de constituer un patrimoine culturel de l'Etat, de haute tenue, mis à disposition des musées municipaux, voire des fondations et associations d'utilité publique propriétaire de collections. Il s'agira dès lors de définir les responsabilités financières en matière de conservation, assurance et mise en valeur de ces oeuvres. L'institution qui se verrait nantie des biens devrait s'engager à en assumer les coûts d'entretien.

 Etant donné que le patrimoine constitué à l'aide des dations le serait en couverture d'impôts cantonaux exclusivement, le projet de loi réserve, lors de la prise de décision dans les cas d'espèce, le préavis de la direction des services financiers de l'Etat.

b) L'Etat de Genève ne possède pas lui-même de direction des affaires culturelles à laquelle pourrait être confiée la responsabilité de l'examen «technique» de l'intérêt et de la valeur des oeuvres proposées. Aussi est-il prévu d'instituer une «commission d'agrément» indépendante, nommée par le Conseil d'Etat.

 Cette solution s'inspire du modèle français. La commission d'agrément, qui est l'organe essentiel de tout le mécanisme de la dation en paiement, doit être composée de personnalités faisant autorité dans les domaines artistique et culturel ainsi que dans celui des finances publiques. Son but est de veiller, le cas échéant en s'entourant de l'avis de tiers experts, au maintien à un niveau très élevé des pièces retenues. A cet égard, ses membres doivent être en prise directe avec le marché de l'art et la politique culturelle des institutions susceptibles de se voir confier les oeuvres en question. Ils peuvent ne pas faire partie de l'administration publique.

 L'exemple français montre que, par sa rigueur, la commission interministérielle d'agrément composée de cinq membres (le président, nommé par le Premier ministre, deux représentants du ministre du budget et deux représentants du ministre de la culture) a vu ses avis acceptés dans la quasi-totalité des cas. A titre d'illustration, on mentionnera que, depuis l'introduction du système de la dation en paiement en France (en 1972) et jusqu'en 1994, 201 procédures de dation ont abouti à une décision d'agrément, contre 160 refus. La valeur d'estimation totale des valeurs libératoires est de l'ordre, pour cette même période, de 1,8 milliard de francs français. Les oeuvres d'art concernées sont pour l'essentiel des tableaux de maître, mais on y trouve également de l'argenterie, des sculptures, voire des archives de personnalités célèbres. L'art moderne, voire contemporain, n'est pas absent des dations acceptées.

c) Le projet reprend la clause de l'exclusion des immeubles du mécanisme de la dation en paiement. En l'état, il sera renvoyé à l'argumentation figurant en introduction de la motion 52, mentionnée plus haut, selon laquelle l'Etat dispose déjà d'un instrument juridique efficace et rodé pour assurer la conservation du patrimoine immobilier, savoir la réglementation en matière de classement et de zones protégées, ainsi que d'une commission (la commission des monuments, de la nature et des sites) chargée de procéder aux choix techniques en la matière. Au surplus, on mentionnera que la gestion d'un patrimoine immobilier pose des problèmes bien différents de ceux d'un patrimoine mobilier, de sorte qu'une différenciation se justifie pleinement.

d) Contrairement aux nouvelles règles jurassiennes, le projet genevois reste muet sur le principe de l'acceptabilité du paiement d'une soulte par l'Etat en cas de règlement d'une dette fiscale au moyen d'un bien culturel. Il s'agirait d'un silence qualifié, basé sur l'idée que la dation consiste en la cession d'un objet à une valeur libératoire, en guise de compensation totale ou partielle avec une créance fiscale. En d'autres termes, il s'agit d'éviter que l'Etat, qui accepte déjà de renoncer à percevoir les impôts en espèces (et donc de déroger au principe de la non-affectation du produit de l'impôt) ne soit encore contraint de débourser des sommes afin de compléter le prix pour lequel les biens sont reçus.

 Au surplus, ce principe s'inscrit dans la logique qui rattache le mécanisme de la dation à celle du mécénat au sens large du terme. Il n'en demeure pas moins que d'autres opinions sont permises, mais il serait souhaitable que la possibilité de verser une soulte dans des cas exceptionnels reste à la discrétion de l'Etat.

e) Mentionnons également qu'il est précisé dans le projet de loi qu'il n'est pas nécessaire que le bien, dont la remise en paiement est proposée, fasse partie du patrimoine faisant l'objet des droits de succession ou de donation. On peut, en effet, fort bien se trouver dans une situation où le bien présentant un intérêt majeur aux yeux de la commission d'agrément ne figure pas dans le lot assujetti aux droits de donation ou de suc-cession (par exemple, parce qu'il appartient déjà au débiteur des droits).

f) Précisions enfin qu'il paraît souhaitable de restreindre la possibilité de recourir au mécanisme de la dation en paiement aux seuls cas où il s'agit d'impôts liés à un transfert de patrimoine.

 Outre le lien «fonctionnel» et les affinités qui permettent d'assimiler ces deux institutions, il est indéniable qu'il s'agit là d'une mesure destinée à sauvegarder les rentrées fiscales en espèces. Cette limitation permet également d'éviter le risque que la politique financière de l'Etat ne soit déséquilibrée suite à une affectation excessive d'impôts directs par le biais de l'apport de biens en nature au détriment d'autres priorités bugétaires.

II. Commentaire par article

Article 1

Cette disposition pose le principe du caractère facultatif et consensuel de l'institution de la dation en paiement. Elle limite le champ d'application à raison des impôts concernés aux droits de succession et de donation. Elle précise enfin que le bien remis à titre de dation en paiement peut ne pas faire partie du patrimoine dont le transfert est assujetti aux impôts.

Il se peut, en effet, que le ou les biens transférés par voie de succession ou de donation entre vifs ne présentent pas une haute valeur artistique, historique ou scientifique (voir également le commentaire de l'article 2), alors que le débiteur des droits, par hypothèse à court de liquidités, possède déjà une oeuvre susceptible d'intéresser la collectivité. En pareil cas, il s'agira cependant d'être prudent quant à l'origine de propriété du bien, afin de pallier le risque de revendication du bien de la part d'un tiers de bonne foi.

Article 2

Il s'agit ici de la norme destinée à placer la barre suffisamment haut de sorte à limiter l'accès à la dation à des oeuvres choisies. Il ne s'agit pas de se focaliser sur la seule valeur marchande du bien, pas plus qu'il n'y a lieu d'exiger à tout prix un rayonnement mondial de l'oeuvre choisie. Plutôt que d'une invite à pratiquer une politique de prestige, cette clause doit permettre un examen critique de l'intérêt d'une oeuvre quant à sa capacité à représenter un courant donné au point qu'elle serait directement mise en valeur par l'institution qui se la verrait confier. Il ne s'agit pas, en d'autres termes, de constituer des stocks d'oeuvres qui seront entreposées faute de place ou d'intérêt, sans rapport immédiat pour la collectivité.

Le critère de la haute valeur artistique s'applique aussi bien au patrimoine culturel genevois qu'au patrimoine universel, pour autant qu'il s'agisse d'oeuvres susceptibles de compléter des collections existant à Genève, ou d'ensembles cohérents dont l'acquisition se justifie d'elle-même.

Le deuxième alinéa de la disposition exclut la dation d'immeubles. Les raisons de cette position, figurant déjà dans la motion 52, sont exposées dans la partie introductive et générale de l'exposé des motifs.

Article 3

A côté de détails de procédure, cet article précise la date limite pour le dépôt, de la part de l'assujetti aux droits, pour demander de pouvoir acquitter tout ou partie de ses droits au moyen de la dation en paiement. Cette limite a été fixée à 30 jours après l'entrée en force de la décision de taxation. Une telle solution, plus favorable que celle adoptée par le canton du Jura qui limite le délai à trente jours après la notification de la décision de taxation, semble possible, financièrement parlant, à Genève, en raison du fait que les droits de succession et donation portent intérêt indépendamment de l'entrée en force des bordereaux de taxation.

Il est précisé également que la proposition de dation en paiement suspend l'exigibilité de l'impôt, sans que cela ait un impact toutefois sur le montant des intérêts finalement dus. En effet, ces derniers sont dus, indépendamment de la suspension de l'exigibilité de la créance d'impôt, dès l'expiration des délais fixés par la loi (art. 60 et 61 A LDS, 161, 165 et 167 A LDE).

Enfin, la clause suspensive de la prescription énoncée à l'alinéa 5 est destinée à éviter de devoir procéder systématiquement à des actes interruptifs au cours de procédures qui pourraient durer.

Article 4

Cette disposition est le pendant de l'article précédent pour les propositions de dation en paiement émanant soit de l'administration fiscale elle-même, soit de l'Etat lui-même. Dans tous les cas, c'est le chef du département des finances qui conserve la haute main pour autoriser ou pour ordonner l'ouverture d'une procédure de dation de la part des pouvoirs publics. En tout état et conformément au caractère consensuel et facultatif exposé à l'article 1, l'assujetti est libre de ne pas donner suite à l'offre de l'administration, son silence valant refus.

Article 5

L'alinéa premier dispose que le dossier, une fois l'accord de principe sur l'entrée en matière trouvé, est traité quant au fond par la commission d'agrément. La composition de cette commission sera définie par voie réglementaire. A cet égard, l'exemple français pourrait fournir des indications utiles, en particulier quant à son effectif, la qualification de ses membres (spécialistes des questions culturelles, collectionneur chevronné, experts en finances publiques), voire en fiscalité ou en finances publiques et leur appartenance (secteur public, secteur privé, indépendants), sa présidence.

Il y aura lieu de prévoir également son rattachement organique à l'administration cantonale (chancellerie ou département des finances, par exemple) ainsi que l'organisation de son secrétariat et son mode de financement.

Les alinéas 2 à 5 définissent les grandes lignes de la procédure de la commission, dont les détails seront prévus par voie réglementaire (comme par exemple les règles relatives au sort des frais).

L'alinéa 6 dispose que la personne qui souhaite acquitter les droits au moyen de biens culturels ou qui accepte ce mode de paiement doit prêter son concours pour l'établissement de ses droits de propriété sur les biens culturels concernés, ainsi que sur l'authenticité des biens en question. La première mesure sera particulièrement importante lorsque le ou les biens culturels dont la remise à titre de dation est envisagée ne sont pas compris dans la succession ou la donation pour laquelle les droits sont dus. Il s'agit, en d'autres termes, des cas prévus à l'article 1, 2e alinéa, où l'origine de propriété ne remonte pas à l'acquisition par voie de succession ou de donation faisant l'objet des droits à régler par voie de dation en paiement. La deuxième précaution se comprend d'elle-même.

Article 6

Il s'agit de la définition du mode de clôture du travail de la commission d'agrément, par lequel elle se dessaisit du dossier. On remarque que la transmission du rapport à l'administration fiscale n'est prévue qu'en cas d'accord entre la commission et l'assujetti. En cas de désaccord, une procédure de conciliation est prévue. Pour éviter des confusions de notions, la valeur déterminante pour l'extinction des droits fiscaux que proposera la commission est appelée valeur libératoire, ce qui la distingue de la valeur vénale, notion purement marchande, ou de la «haute valeur» de l'article 2, qui est une notion trop peu concrète.

Les détails de la clôture des travaux de la commission et de la procédure de conciliation sont renvoyés, le cas échéant, aux règlement d'application.

Article 7

Une fois le rapport de la commission d'agrément qui implique l'accord de l'assujetti aux droits - parvenu à l'administration fiscale, celle-ci l'adresse aux services financiers de l'Etat, pour examen en vue de la transmission, avec leur préavis, au chef du département des finances. En raison du caractère consensuel de la procédure, d'une part, et du rôle attribué à la commission d'agrément, d'autre part, le gouvernement ne saurait s'écarter, ni à la baisse ni à la hausse des valeurs libératoires arrêtés par la commission et acceptées par l'assujetti. La décision du chef du département n'est pas sujette à recours.

Article 8

Il s'agit de l'adaptation de la décision positive du chef du département des finances à la taxation concernée. Lorsque les biens admis à titre de dation font partie du patrimoine soumis aux droits fiscaux concernés, les valeurs retenues pour la taxation devront être alignées sur les valeurs libératoires convenues et approuvées.

Cette disposition réserve également la perception des intérêts dus sur les dettes et créances fiscales, tout en prévoyant la possibilité de les diminuer en fonction de la durée de la procédure non imputable à l'assujetti.

Article 9

Cet article règle la reprise de la procédure de recouvrement en cas de refus d'approbation de la dation par le chef du département. Il en va de même pour les cas où la valeur libératoire ne suffit pas à éteindre la dette fiscale, ainsi que par renvoi de l'article 6, alinéa 2, en cas d'abandon de la procédure de dation suite à un désaccord entre la commission et l'assujetti au sujet de la valeur des biens ou des éventuelles conditions posées par la commission.

Article 10

Cette disposition sanctionne le choix de principe consistant à laisser se constituer un patrimoine culturel cantonal provenant, entre autres, de dations, dont les oeuvres seront généralement mises à disposition de musées ou d'institutions appartenant à d'autres collectivités publiques par l'Etat de Genève lui-même. On pense, bien sûr, au premier chef à la Ville de Genève, en raison des nombreux musées qu'elle possède, mais on ne saurait exclure d'autres communes, voire des institutions privées, qui mettent elles-mêmes des collections en valeur. A titre exceptionnel, certains biens pourront être mis à disposition de musées sis hors du canton; en pareil cas, la mise à disposition sera limitée dans le temps et pourra se faire à titre onéreux. Il est en outre prévu que l'Etat demande des sûretés ou des garanties lorsque cela paraît indiqué.

Cet ensemble de mesures n'est pas destiné à générer des recettes supplémentaires au profit de l'Etat, mais à protéger son patrimoine culturel lorsque cela paraît indiqué ou à obtenir le juste prix de sa mise à disposition de biens dans des cas exceptionnels. Les rapports entre l'Etat et son principal partenaire que sera la Ville de Genève pourront, eux, faire l'objet d'une convention particulière, ce que la formulation large de cette disposition n'exclut pas.

Il est également prévu que les oeuvres reçues en dation soient dûment enregistrées, répertoriées et cataloguées, cela dans le but de permettre une supervision et une gestion dynamique du patrimoine ainsi créé. Là aussi, les modalités pratiques seront fixées par voie réglementaire.

Article 11

L'exécution pratique de la dation en paiement, savoir le transfert du ou des biens concernés et leur prise en charge, sera placée sous la responsabilité de la commission d'agrément, qui formera ses recommandations au chef du département des finances.

Cette disposition est à mettre en relation avec l'article 10. Les modalités pratiques seront précisées, le cas échéant, dans le règlement d'application.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous saurions gré, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver bon accueil à ce projet.

Article 12

Cette disposition suggérée par le département de justice et police et des transports est destinée à sauvegarder les intérêts de l'Etat en cas d'éviction suite à une revendication par un tiers de bonne foi ou pour le cas où le bien culturel admis à titre de dation s'avérerait être un faux. En pareil cas, il est prévu que la créance fiscale renaisse sans autres. Il va de soi que la portée de cette norme sera limitée par la règle applicable en matière de péremption des créances de droit public (5 ans, par assimilation, aux règles relatives aux fausses déclarations de biens, selon l'article 73, alinéa 1, lettre c, LDS et 155, alinéa 1, lettre b, 2e hypothèse, LDE).

Le deuxième alinéa réserve, en tout état, les conséquences de droit civil et de droit pénal applicables au cas où l'un des deux événements mentionnés au premier alinéa venait à se présenter.

Préconsultation

M. Bernard Lescaze (R). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est accueilli avec faveur par le groupe radical...

Une voix. Avec faveur ! (Rires.)

M. Bernard Lescaze. Avec faveur, exactement, bien qu'il ne s'agisse pas, en réalité, de faire une faveur à ceux qui pourront en bénéficier ! Le projet n'apporte, en fait, rien de neuf par rapport à ce qui est connu en Europe, mais c'est la première fois, depuis que Mme Stüssi, M. Aubert et M. Piccot avaient déposé leur motion, qu'un pas considérable est enfin effectué pour favoriser l'enrichissement des collections publiques.

De ce point de vue, nous sommes très satisfaits. Le rapport, à l'appui de ce projet de loi, donne quelques exemples chiffrés d'un pays voisin. Il suffira, en donnant des noms, de rappeler qu'une des plus belles toiles de Vermeer ou la dation Picasso ont pu ainsi enrichir le patrimoine public français. Il semble important de souligner qu'il ne s'agit pas seulement de tableaux, mais de meubles, de manuscrits ou de livres.

Il faut donc renvoyer ce projet à la commission fiscale. Toutefois, je ferai trois petites remarques et je souhaite que la commission fiscale puisse les accueillir avec bienveillance.

En ce qui concerne la composition de la commission d'agrément - organe essentiel du dispositif, puisqu'il s'agit d'un organe consensuel qui devrait permettre une négociation avec l'assujetti - il nous paraît que cette commission d'agrément doit être mobile, composée de cas en cas et non pas de manière stable, pour une période donnée. Il doit y avoir des représentants du département des finances, sans nul doute, mais aussi, suivant l'objet possible de la dation, des experts différents. La composition doit donc varier de cas en cas.

Nous nous félicitons d'ailleurs, contrairement au rapport, qu'il n'y ait pas encore une direction des affaires culturelles à l'Etat, ce qui alourdirait le système.

A l'article 7, alinéa 2, nous nous demandons si le pouvoir discrétionnaire du chef du département... (Brouhaha.)

La présidente. Monsieur le député, attendez une minute que le calme revienne, parce que nous ne vous entendons plus !

M. Bernard Lescaze. Il est évident, Madame, que ce projet est technique et que, par conséquent, la plupart des membres de cette enceinte en sont très éloignés !

Pour ceux que cela intéresse - je pense que cela sera intéressant pour le patrimoine de Genève - j'ajouterai que le pouvoir discrétionnaire du chef du département devrait être, malgré tout, mesuré. En effet, s'il y a une solution négociée entre l'administration fiscale et ceux qui pourraient obtenir cette dation, à partir du moment où, de toute façon, la valeur libératoire est acquise, un accord entre les parties intervient.

Aussi, nous trouvons un peu curieux que, si la commission d'agrément et le contribuable, ou les héritiers de celui-ci, sont arrivés à un accord, le chef du département puisse souverainement l'accepter ou non en bloc - j'ai bien compris - sans possibilité de recours. En effet, toute une négociation a eu lieu pendant un certain temps, et, donc, nous pourrions dire que le principe de la bonne foi pourrait être violé. Nous pouvons parfaitement admettre, ensuite, que le chef du département n'approuve pas, pour des raisons purement subjectives, les conditions conclues par la commission d'agrément.

Enfin, à l'article 10, il nous paraît que les possibilités de remise de ces objets aux communes, à la Ville de Genève, par exemple, voire à l'extérieur du canton - c'est surtout ce dernier cas qui m'intéresse - doivent être soigneusement étudiées. Je comprends parfaitement que l'on puisse faire un prêt, un dépôt, même de longue durée - par exemple au Musée national à Prangins - mais il faudrait tout de même que ces objets, qui viennent enrichir le patrimoine collectif genevois, demeurent, si possible, à Genève.

J'aimerais que la commission fiscale examine avec plus d'attention ces quelques points, mais, pour le reste, nous nous félicitons de ce projet.

Mme Christine Sayegh (S). C'est également avec intérêt que le groupe socialiste accueille ce projet de loi, qui est déjà tout à fait construit et dont les conditions sont intéressantes. Mais il y a lieu, effectivement, de les analyser en commission et, également, de prendre connaissance des dispositions du droit jurassien, en l'espèce.

C'est pourquoi nous vous proposons également le renvoi en commission fiscale.

Mme Claire Chalut (AdG). Comme nous l'indique l'exposé des motifs, la possibilité d'utiliser la dation en paiement existe dans de nombreux pays et représente un grand intérêt pour l'Etat.

En effet, c'est ainsi que se sont constituées, en France notamment, des collections qui ont pu être présentées au public. L'exemple le plus célèbre d'une dation est le Musée Picasso à Paris, cela pour ne citer que l'exemple le plus frappant.

Même si l'exposé des motifs qui accompagne ce projet de loi le mentionne, nous souhaiterions insister pour que la formation de la commission d'experts, chargée d'examiner et d'évaluer les oeuvres soumises, soit réellement une commission d'experts. A notre sens, elle ne devrait pas ressembler à une commission politique, telles que nous les connaissons, même si elle était du type : «Monuments des sites». En effet, nous pensons qu'une telle commission d'experts devrait compter, à titre d'exemple, le conservateur du Musée d'art et d'histoire qui a, sans aucun doute, une grande expérience de ce genre de travail.

N'ayez crainte, nous comptons faire confiance à la commission qui sera chargée d'étudier ce projet de loi pour trouver les bons éléments ! Nous saluons aussi la volonté d'agrandir le patrimoine culturel de l'Etat qui viendrait s'ajouter à ce qui existe déjà - sauf erreur de ma part - mais qui sommeille peut-être encore au fond de nos musées.

Pour mener à bien toutes ces opérations, l'Etat devra trouver un accord sur les conditions de mise à disposition ou de prêt avec les musées de la Ville de Genève. Nous espérons, bien sûr, que tôt ou tard des collections d'art d'un réel intérêt pourront être connues de la population de notre canton.

A part ces quelques remarques, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer pour étude ce projet de loi en commission.

M. Claude Basset (L). Nous rejoignons entièrement l'appréciation de nos collègues des autres formations, s'agissant du renvoi de ce projet de loi en commission fiscale.

Il s'agit, effectivement, d'enrichir tout d'abord notre patrimoine intellectuel et c'est pourquoi nous partageons cette opinion. Toutefois, nous désirons apporter une attention toute particulière à la composition de la commission d'experts, comme certains l'ont relevé précédemment. Certains aménagements pourraient également être apportés à ce projet de loi, dont la base date de 1979, je crois. Par conséquent, le cas est déjà ancien et, s'il a déjà été sérieusement étudié, il convient de le peaufiner.

Je me permets donc de me rallier à l'avis de mes collègues, pour vous demander de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale.

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien votera le renvoi de cet excellent projet de loi en commission fiscale. Le projet de loi 7251 propose une nouveauté en matière fiscale, qui mérite d'être introduite dans notre fiscalité. D'ailleurs, elle est probablement plus utile si elle garde un caractère d'exception pour résoudre des situations toutes particulières. C'est un atout de plus, mais le système actuel, avec ses innombrables possibilités et avantages contractuels, devrait toutefois rester prépondérant.

Il vaut donc la peine de bien observer et étudier ses limites en commission fiscale.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, merci pour l'accueil que vous réservez à ce projet de loi en le renvoyant en commission.

Deuxièmement, et très brièvement, s'agissant des aspects soulevés notamment par M. Lescaze et par Mme Chalut, je fais les remarques suivantes :

S'agissant de la commission d'agrément, il est évident, dans notre esprit, que cette commission doit être composée essentiellement d'experts. Effectivement, nous entendons faire appel à un certain nombre de nos directeurs de musée. Je dis «notre», au niveau des collectivités publiques, puisqu'il s'agit essentiellement de ceux de la Ville.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en remplacement de M. Vaissade qui était retenu, M. César Menz était à mes côtés vendredi dernier, lors de la conférence de presse. J'entendais très clairement, avec le Conseil d'Etat, marquer notre détermination dans ce projet de loi à agir avec la Ville, respectivement le département de la culture, et, le cas échéant, avec certaines autres communes qui mènent des politiques culturelles, voire qui gèrent un musée comme notamment la ville de Carouge.

De plus, ce projet de loi permet, Monsieur Lescaze, de faire appel à des experts dans cette commission d'agrément, parce qu'il est évident que certains dossiers pourraient le rendre nécessaire.

Vous avez abordé un deuxième élément : le rôle du chef du département. Je comprends parfaitement bien cette question, surtout au vu de ce qui se passe en France, depuis plus d'une décennie. J'ai notamment discuté avec le professeur Changeux, président de cette commission d'agrément en France, professeur de médecine remarquable, que vous avez peut-être vu à la télévision l'autre jour dans «La marche de l'histoire».

Lorsque le préavis de la commission d'agrément est positif, puisqu'il s'agit d'un contrat entre la personne, qui veut s'acquitter par dation en paiement, et de la commission d'agrément, jamais le premier ministre, ou le ministre des finances en France, n'a pris de décision contraire. Il pourrait arriver néanmoins que, par exemple, la dation en paiement représente un volume extrêmement important sur le plan financier et qu'il pose un certain nombre de problèmes par rapport à la fiscalité et à la couverture des dépenses ordinaires de l'Etat.

A un moment donné, alors même que, dans le fond, une collection serait exceptionnelle pour Genève et pour notre patrimoine, pourrait se poser un problème délicat. C'est dans ce cadre-là que je pourrais, le cas échéant, voir le rôle du chef du département qui, en tout état de cause, devrait revenir, vu l'importance des choses, devant le gouvernement, voire devant votre parlement.

Enfin, dernier élément et j'insiste là-dessus, nous avons convenu avec M. Alain Vaissade, maire de la Ville de Genève et responsable du département culturel, que nous passerions un accord de principe entre la Ville et l'Etat, puisque nous ne sommes pas propriétaire de musées. La Ville pourrait recevoir, en prêts de longue durée, des objets d'arts qui viendraient enrichir ses collections, l'Etat en restant propriétaire et la Ville en devenant dépositaire pour ses présentations, ainsi qu'éventuellement d'autres communes qui pourraient avoir des musées.

C'est sur cette base-là, dès lors que la commission fiscale en traitera positivement - ce qui, compte tenu de vos remarques, ne fait aucun doute - que nous irons de l'avant. J'espère qu'en même temps que nous finaliserons ce projet de loi en commission fiscale, nous aurons mis sur pied, avec la Ville de Genève, un accord de principe sur la remise, pour des prêts de longue durée, des oeuvres d'art que nous pourrions acquérir de la sorte.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.