Séance du
jeudi 22 juin 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
8e
session -
29e
séance
No 29
Jeudi 22 juin 1995,
soir
Présidence :
Mme Françoise Saudan,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye et Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, ainsi que Mme Fabienne Bugnon, MM. Dominique Hausser et Alain-Dominique Mauris, députés.
3. Procès-verbal des précédentes séances.
Le procès-verbal des séances des 8 et 9 juin est adopté.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
La présidente. Mesdames et Messieurs, je vous demande de renvoyer formellement en commission le projet de loi 7255. Nous traiterons ce rapport lors de notre séance de 20 h 30.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Laurent Moutinot(S). Je demande l'inscription à l'ordre du jour de la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation 1934, développée le 19 mai par Mme Maury Pasquier et adressée à M. Joye. Il s'agit de la liste des terrains, suite à l'affaire Reuters. Ce point pourrait figurer à la fin du département des travaux publics et de l'énergie.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je fournirai cette liste au moment que vous avez proposé.
La présidente. Nous introduisons donc un point 24 bis à notre ordre du jour.
Mme Evelyne Strubin(AdG). Je souhaite que mon interpellation, figurant au point 13 de l'ordre du jour, soit annulée.
La présidente. Il en sera fait ainsi.
Pour répondre au souhait du Grand Conseil de traiter le plus rapidement possible le projet de loi 7249 du Conseil d'Etat portant désaffectation du domaine public d'une parcelle de 980 m2 située entre le chemin des Genêts et la rue Maurice-Braillard, nous introduisons ce projet de loi au point 22 bis de notre ordre du jour.
M. John Dupraz(R). Je souhaite que le rapport que j'ai rédigé à l'intention des députés leur soit distribué.
La présidente. Il en sera fait ainsi.
5. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
M. Claude Blanc(PDC). Je souhaite vous faire part de l'émotion qui m'a étreint, samedi dernier, à la réception de ce message. J'ai été particulièrement ému de voir la multitude de signatures de mes amis naturels et de ceux qui le sont moins... (Rires.) ...ce qui prouve que notre démocratie est encore assez conviviale pour que, malgré les durs affrontements que nous avons dans ce parlement, nous puissions continuer à jouir d'une telle qualité de vie. Cela m'a été droit au coeur !
C'est pourquoi, Madame la présidente, je vous informe que la buvette est ouverte à mon compte jusqu'à 21 h. (Rires et applaudissements.)
Une voix. Tu prends des risques !
La présidente. Nous vous remercions infiniment, Monsieur Blanc. J'ignore s'il n'aurait pas été préférable de l'ouvrir de 21 h à 23 h !
J'en reviens à la correspondance :
Il en est pris acte.
Cette lettre a été remise aux chefs de groupe.
Cette lettre sera renvoyée à la commission de la santé.
Ces lettres seront renvoyées à la commission de l'université.
M. Pierre Vanek(AdG). Je demande que soit donnée lecture des lettres concernant les hautes écoles spécialisées au point 25 de notre ordre du jour.
La présidente. Il en sera fait ainsi.
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence:
Mme Liliane Charrière Urben(S). Je souhaite que la pétition 1077 soit lue.
PÉTITION
pour le rétablissement - dans leur situation et nombre antérieurs -des places de parking pour cars au quai marchand des Eaux-Vives
EXPOSÉ
A l'entrée du quai marchand des Eaux-Vives et pour la période du 15 mai au 15 octobre, 21 places de parking étaient depuis longtemps mises à disposition des cars transportant des touristes.
Depuis 2 ou 3 ans, le département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), qui gère l'emplacement pour le compte de la Ville de Genève, a supprimé progressivement plusieurs de ces places. Début 1995, il en restait 11 pour les cars quand, tout récemment, le DTPE en a récupéré encore quatre pour installer une exposition.
Les possibilités de garer des cars à cet endroit ont donc passé de 21 à 7.
Il est vrai que d'autres places ont été créées à 400-450 m de là, au boulevard Helvétique, dans la portion située entre la rue Ferdinand-Hodler et l'école d'architecture. Ce nouvel emplacement, s'il peut intéresser éventuellement des personnes désirant visiter la vieille ville, est tout à fait dissuasif:
- Pour des touristes qui, passant par Genève, souhaitent traditionnellement voir la rade, le port, le jet d'eau mais disposent de peu de temps, ce parking est trop éloigné du lac.
- De plus, il faut traverser 5 artères à forte circulation: Ferdinand-Hodler, Rive, Rhône, Versonnex, Pierre-Fatio ou le quai des Eaux-Vives. Il y a souvent parmi cette clientèle des classes en excursions scolaires ou des groupes de personnes du 3e âge, qu'on entraînera peu aisément dans ce parcours et d'autant plus les jours de marché au boulevard Helvétique, le mercredi et le samedi.
- L'horaire de ces voyages est souvent minuté: les caristes ou les guides hésiteront, ou renonceront, à ajouter 20-25 minutes de déplacement pour aller au bord du lac et en revenir et préféreront s'arrêter là où les quais sont plus facilement accessibles, à Thonon, Evian, Annecy ou Aix-les-Bains, etc.
- Ces touristes qui auront manqué la rade et ses attraits n'emporteront pas ce goût de «reviens-y» qui fait que souvent ceux qui ont passé quelques instants dans notre ville y reviennent plus tard, en parlent autour d'eux. Autant de visiteurs perdus pour Genève, dont pourtant le tourisme constitue une des activités principales.
Les commerces situés dans les alentours immédiats ou sur le quai des Eaux-Vives ont une activité essentiellement saisonnière, liée au tourisme (et à la météorologie!). Les mesures prises par le DTPE leur causent un grave préjudice, alors que précisément, d'une part, on cherche par tous les moyens à relancer l'économie et que, d'autre part, dans le but même de dynamiser et promouvoir le tourisme à Genève, on vient d'introduire une taxe visant à alimenter un fonds pour développer ces activités.
Pour les motifs évoqués ci-dessus, les pétitionnaires soussignés demandent instamment aux autorités compétentes de prendre sans délai (soit y compris pour la saison 1995 en cours) toutes mesures utiles pour le rétablissement, dans leur nombre et situation antérieurs, des places de parking pour les cars au quai marchand des Eaux-Vives.
N.B. : 92 signatures
Les CorsairesGilles et Nicole Urben
Quai marchand des Eaux-Vives1207 Genève
La présidente. D'autres pétitions nous sont parvenues :
M. René Longet(S). Je souhaite que la pétition concernant les requérants d'asile à l'aéroport soit traitée en même temps que le point 17 de l'ordre du jour, parce que ces sujets sont intimement liés.
La présidente. Je note votre demande, mais je vous prie de bien vouloir me le rappeler au moment voulu. Il en sera donc fait ainsi.
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
6. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
M. Christian Ferrazino(AdG). J'annonce le dépôt d'un projet de loi sur le financement des partis politiques modifiant la loi sur les droits politiques.
La présidente. Il en est pris acte.
b) de propositions de motions;
La présidente. Nous avons reçu la proposition de motion suivante :
M. Pierre Vanek(AdG). Cette proposition de motion, si elle aborde les choses sous un angle différent, concerne le débat que nous aurons au point 25 de l'ordre du jour sur la motion 1007, traitant des hautes écoles spécialisées.
Je propose donc à cette assemblée d'accepter que notre motion soit débattue en même temps.
La présidente. Je soumets donc la proposition de M. Vanek, à savoir joindre sa proposition de motion au point 25 de l'ordre du jour. Je la ferai photocopier pour tous les députés.
M. Bernard Annen(L). Une fois de plus, on veut nous imposer un texte qui ne nous est pas parvenu ! Nous refuserons donc la proposition de notre collègue.
M. Jacques Boesch (AG). Dans le cas particulier, Monsieur Annen, il ne faut pas voir une manoeuvre pour imposer quoi que ce soit ! Mme la présidente vient de vous dire que le texte va être déposé sur votre place dans quelques minutes. Vous aurez, je pense, tout loisir d'en prendre connaissance et de juger de sa pertinence. Vous pourrez constater que c'est un élément important pour le débat de ce soir sur les HES. De toute façon, ces textes sont en principe renvoyés en commission pour étude. Il s'agit donc d'un premier tour de piste. Je vous en prie, Monsieur Annen, soyez fair-play !
M. Pierre Vanek(AdG). Je peux vous rassurer, Monsieur Annen. Ce texte tient sur deux pages en gros caractères et sa lecture ne vous prendra pas plus de cinq minutes. De toute manière, les éléments de ce débat seront posés au point 25. Nous interviendrons dans le sens de notre motion. Il me semble que ce mode de faire fera gagner du temps et permettra, le cas échéant, de renvoyer dès aujourd'hui ces deux motions à la commission en question.
Il ne serait pas logique de refuser cette proposition.
La présidente. Si les motionnaires sont d'accord, nous pourrions repousser le vote sur la liaison des deux motions au début de notre séance de 20 h 30, pour vous permettre de prendre connaissance de ce texte, Monsieur Annen ! Cela vous donnerait-il satisfaction ?
M. Bernard Annen (L). Oui, Madame la présidente !
La présidente. Bien, alors, nous voterons sur cette proposition au début de notre prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
La présidente. Nous avons reçu la proposition de résolution suivante :
M. Chaïm Nissim (E). Madame la présidente, mon collègue Max Schneider, moi-même et d'autres députés venons de déposer une résolution pour laquelle nous demandons l'urgence, à propos des essais nucléaires dans le Pacifique. Vous le savez peut-être, une bombe atomique française est arrivée à Mururoa. Les essais doivent commencer en septembre, et nous voudrions que notre Grand Conseil envoie une résolution au Conseil fédéral pour demander de s'opposer à ces essais. J'aimerais que nous votions, encore au cours de cette séance, ou lors de notre séance de demain, pour que cette résolution puisse être distribuée aujourd'hui et discutée aujourd'hui ou demain.
M. Max Schneider (E). Madame la présidente, je souhaite également que notre résolution sur un moratoire sur les essais nucléaires soit traitée durant la séance de ce soir, si cela est possible.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
d) de demandes d'interpellations;
La présidente. Nous avons reçu la demande d'interpellation suivante :
Cosignataires : David Revaclier, Bernard Lescaze, Michèle Wavre, John Dupraz, Roger Beer.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Le Conseil d'Etat a répondu à la question écrite suivante :
QUESTION ÉCRITE
de M. Philippe Fontaine (R)
Dépôt: 18 octobre 1990
Le prix de l'information: jouer la transparence
Il n'est de semaine sans que Mesdames et Messieurs les députés ne reçoivent plaquettes, journaux, dossiers, lettres et autres moyens d'information. Devant cette inflation et à l'aube d'une période de nouvelle austérité budgétaire, une triple question se pose:
- Cette information est-elle toujours nécessaire?
- Quel en est son prix?
- Pourrait-on lui trouver une forme moins coûteuse?
Pour répondre à ces questions, voici celles que nous souhaitons poser:
- Le Conseil d'Etat peut-il rapidement nous renseigner sur les dépenses réelles de l'information dans chaque département et dans les grandes régies?
- Pense-t-il que le luxe de certaines publications est toujours indispensable: papier glacé et/ou cartonné, abondance de photos couleurs, graphisme privilégiant l'espace vide au message informatif, etc.?
- Acquiesce-t-il à notre proposition d'imposer à l'avenir que le prix et le nombre d'exemplaires soient imprimés en clair sur chaque publication informative de l'Etat et des grandes régies?
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
du 6 juin 1995
1. Dépenses réelles de l'information
Les grandes régies sont indépendantes de l'Etat et réalisent les publications qu'elles considèrent utiles sans devoir en référer au Conseil d'Etat, ni engager le budget de l'Etat. Dès lors, leur nombre et leurs coûts ne sauraient être évalués ici.
Les publications émanant des départements répondent à trois grandes exigences (a, b, et c):
a) Obligatoire: publications imposées par des textes légaux ou par la nature même de l'activité étatique (projet de budget, bulletin de vote et brochure explicative, recueil des lois, rapport de gestion, etc.).
b) Interne: publications motivées par des necessités de gestion interne, notamment destinées à l'information du personnel, à l'enseignement ou à l'orientation professionnelle.
c) Externe: publications dictées par les circonstances avec un objectif de mise en valeur des activités de l'Etat ou d'aide au public (directives en matière d'impôts, passeport vacances, CO parents, annuaire officiel, etc.).
Les montants inscrits dans les budgets, comme dans les comptes, représentent les frais totaux relatifs à l'ensemble des publications d'un département. Une «dissection dépense par dépense» paraît donc difficile.
Néanmoins, nous pouvons constater une tendance générale depuis 1990 vers une réduction du nombre global des publications de l'Etat. En outre, pour chaque publication réalisée, les départements ont fait des efforts sensibles d'économie. Certains ont diminué le rythme des parutions périodiques, d'autres ont fusionné plusieurs parutions en un seul document (voir Enseignement public genevois).
Les catégories «obligatoire» et «interne» ont également fait l'objet d'une constante réflexion relative à leur opportunité. Des mesures énergiques sont prises pour réduire autant que possible les coûts par une meilleure rationalisation du travail.
2. Présentation de l'information
Une publication soignée ne signifie pas forcément une dépense plus importante pour la collectivité. Ces publications sont souvent éditées par des entreprises privées et financées par la vente ou la publicité. L'Etat en retire alors une externalité positive en raison de l'image véhiculée et de l'attrait de la publication.
Exemples
a) GVA Magazine et Palexpo Info, publications autofinancées.
b) L'Ecole publique comporte des pages publicitaires qui contribuent à réduire les frais d'impression.
c) Le Répertoire des médias, édité par la chancellerie, est entièrement autofinancé par sa vente auprès de sociétés de relations publiques ou d'entreprises travaillant avec les médias.
Parmis les quelque 122 publications étatiques, de nombreux autres exemples pourraient être trouvés afin de conforter cette vision.
3. Proposition de l'auteur de la question
La proposition de M. Fontaine d'imposer l'impression du prix et du nombre d'exemplaires sur chaque publication informative de l'Etat est intéressante. Elle se heurte néanmoins à quelques obstacles, plus particulièrement en ce qui concerne l'aspect significatif de la mention du prix de vente.
D'une part, le prix de vente est déterminé en fonction du marché et, d'autre part, il ne pourrait pas révéler la part du financement assumée par l'Etat, puisque les frais peuvent être couverts en totalité ou en partie par la publicité, voire par la vente. Ainsi, la mention du prix sur les publications ne permettrait pas une véritable transparence quant aux coûts réels supportés par la collectivité.
S'agissant du nombre d'exemplaires, le Conseil d'Etat veillera à faire figurer le tirage chaque fois qu'il apparaîtra nécessaire ou utile pour les déutés et les administrés, ainsi que pour faciliter la recherche de publicité, voire de sponsors privés.
En guise de conclusion, le Conseil d'Etat souligne que son objectif final demeure la réduction des coûts à tous les stades de l'élaboration de l'information par une rationalisation de fonctionnement ou par un financement privé chaque fois que cela est possible.
M. Pierre Vanek (AdG). Le département des travaux publics et de l'énergie a délivré, au cours du mois de mai, une autorisation de construire au profit de la société Noga Invest de M. Gaon, portant sur la construction de trois bâtiments administratifs sur la parcelle de la villa Blanc à Sécheron.
Cette parcelle étant trop petite pour permettre la construction de trois bâtiments, Noga Invest a été mis au bénéfice de très importantes dérogations, dont certaines ont été accordées en violation de la loi. Parmi ces dérogations figure le non-respect des distances des constructions projetées par rapport aux limites des parcelles propriété de l'Etat.
Il faudra donc que l'Etat consente des servitudes de distance et vue droite dont la conséquence est que les constructions réalisables sur les terrains en cause devront être reculées de la distance correspondant à celle faisant l'objet de la dérogation consentie. L'importance des dérogations consenties engendrent une perte de droit à bâtir considérable pour l'Etat, puisque les deux parcelles 162 et 2213 deviendront totalement inconstructibles. Le préjudice est particulièrement important pour la parcelle 2213 d'une surface de 6 300 m2, sur laquelle un immeuble de logements devait être construit en vertu d'un projet de plan localisé de quartier de 1989.
Aucun propriétaire n'accepterait, évidemment, d'être privé de droit à bâtir sans dédommagement. Il semble, néanmoins, qu'un tel dédommagement n'ait pas été prévu dans le cas présent, ce qui constituerait une faveur assez invraisemblable au profit de M. Gaon, se chiffrant en millions de perte pour la collectivité.
Le Conseil d'Etat voudra bien indiquer s'il est exact, comme le représentant de Noga Invest S.A. l'a déclaré à la presse locale, que cette société bénéficiera gratuitement des droits à bâtir cédés par l'Etat sans versement de la moindre indemnité.
La présidente. Il sera répondu à votre interpellation urgente, Monsieur Vanek, au point 24 ter.
M. René Ecuyer (AdG). Puisqu'on parle de M. Gaon, mon interpellation urgente concerne le financement des partis politiques !
Une récente émission de la télévision suisse alémanique a rendu public le fait que les partis de l'Entente ont reçu un don de 50 000 F, cela juste avant les élections cantonales de 1989, alors que le Grand Conseil était saisi d'un projet de loi portant sur les terrains de Sécheron et qu'un conseiller d'Etat et sa famille avaient bénéficié d'un voyage à l'étranger, d'une valeur de 10 000 F, payé par le même Nessim Gaon. Certes, ce voyage a eu lieu, d'après ce qui a été rapporté, avant l'élection de ce magistrat au Conseil d'Etat, mais celui-ci était alors député et peut-être déjà candidat à l'élection au Conseil d'Etat !
Les pratiques de M. Nessim Gaon font, hélas, penser à celles qui ont défrayé la chronique dans certains pays voisins, et nous sommes très inquiets qu'elles aient atteint notre pays. Devant la gravité des faits, révélés par la télévision suisse alémanique, qui mettent directement en cause la crédibilité de nos autorités face aux intérêts des milieux économiques, l'Alliance de gauche - on vous l'a annoncé - déposera un projet de loi sur le financement des partis politiques.
Néanmoins, nous aimerions savoir si des magistrats, des députés ou des fonctionnaires ont bénéficié d'autres cadeaux de la part de M. Nessim Gaon et, de manière générale, si ceux-ci ont bénéficié ces dernières années d'avantages de quelque nature que ce soit, de la part de tierces personnes, en dehors des invitations officielles.
Une réponse précise du Conseil d'Etat est indispensable à cet égard pour rétablir les rapports de confiance et, pour cela, nous sommes prêts à attendre la prochaine séance du Grand Conseil pour être informés en bonne et due forme.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à votre interpellation urgente interviendra au point 12 bis, Monsieur Ecuyer.
Mme Liliane Charrière Urben (S). Mon interpellation urgente s'adresse à la fois à M. Ramseyer, chef du département de justice et police, et à M. Joye, chef du département des travaux publics et de l'énergie.
Vous comprendrez tout de suite la raison de mon interpellation urgente. J'ai demandé la lecture de la pétition que vous avez entendue tout à l'heure à propos du parking des cars sur le quai marchand, et il faudrait traiter ce sujet assez rapidement, puisque, vu les délais impartis - il n'y a plus de réunion du Grand Conseil avant l'automne - il serait stupide de reporter cette question à cette période, alors qu'elle concerne une activité essentiellement saisonnière laquelle, cette année, n'est d'ailleurs pas particulièrement favorisée par la météo.
Il ressort de cette lecture que le quai marchand Eaux-Vives était une place de parking tout à fait pratique pour les cars de transport de touristes - plutôt populaires - qui passent quelques instants à Genève - une heure ou deux - et qui, du fait de cette suppression de places de parking, ne vont plus s'arrêter à Genève, ce qui est fort regrettable. Cela péjore passablement la situation des commerçants de ce quartier. Je profite de l'occasion pour interpeller le Conseil d'Etat - mais peut-être faudrait-il s'adresser à la Ville de Genève, je suis ignorante en la matière - quant au manque d'équipement quasi total sur ce quai.
Au Jardin anglais, par exemple, il n'y a qu'une seule station - mais peut-on utiliser ce terme ? - de toilettes ! Il n'y en a pas d'autres avant Baby plage. Vous pouvez bien vous imaginer que, lorsque deux cars arrivent, soit cent vingt personnes, après trois heures de voyage, cet endroit est celui que l'on visite en priorité. C'est donc peu agréable pour les touristes, ce d'autant que l'installation en est vétuste et d'ailleurs inaccessible aux handicapés. Il serait peut-être temps, si l'on veut développer le tourisme, de faire un effort en mettant, par exemple, des installations provisoires, ce qui serait également utile pour les fêtes de Genève.
Je demande donc aux responsables des deux départements concernés de se saisir de ce sujet, étant donné que la commission des pétitions ne pourra le traiter qu'au mois de septembre, et qu'elle arriverait comme grêle après la vendange.
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à votre interpellation urgente aura lieu au point 24 quinquies.
M. Luc Gilly (AdG). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Ramseyer.
Monsieur Ramseyer, la presse a largement relaté le projet du colonel divisionnaire Duchosal. (Aahh de l'assemblée.) Il veut présenter ses troupes aux Genevois. (L'orateur est gêné par les remarques et les quolibets.) Bon, j'attends que le silence revienne ! La presse a même fait état d'une autorisation orale de M. Ramseyer accordée au colonel Duchosal d'organiser un défilé militaire à Genève, le 22 novembre de cette année. On peut le lire dans «Le Matin» d'hier et dans la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui.
Le nouveau commandant du régiment d'infanterie III ne s'embarrasse pas de précautions ! Interrogé par un journaliste sur l'autorisation tardive du Conseil d'Etat, il affirme sans détour, je le cite : «Quoi qu'il arrive et quelle que soit la suite des événements, je présenterai mes troupes aux Genevois. C'est clair et net !» (La présidente fait sonner sa cloche.) Une telle attitude et la volonté de préparer ce défilé militaire dans les rues de Genève suscitent l'inquiétude de larges cercles de la population. (Eclats de rire.)
Mme Claire Chalut, s'adressant aux bancs d'en face. C'est pas vous que ça dérange !
M. Luc Gilly. Ainsi, je me permets d'interpeller le Conseil d'Etat pour savoir s'il assume pleinement la responsabilité de heurter de front le sentiment éprouvé par la population genevoise. Celle-ci s'est montrée critique, à plusieurs reprises, vis-à-vis de l'armée, à l'occasion de certaines votations, notamment celle du 26 novembre 1989, lorsque la majorité du corps électoral genevois a approuvé l'initiative pour une Suisse sans armée et pour une politique globale de paix. Ce même peuple genevois votait contre l'astreinte au travail - la fameuse loi Barras - et se prononçait contre l'achat des trente-quatre FA/18...
Monsieur Ramseyer, j'attends quelques explications de votre part.
La présidente. Le Conseil d'Etat répondra à votre interpellation urgente au point 18 bis.
Mme Elisabeth Häusermann (R). J'ai utilisé le papier officiel pour faire mon interpellation, mais j'ai omis le terme «urgente». Je vous prie donc de m'autoriser à développer mon interpellation tout de suite. (La présidente hoche la tête en signe d'assentiment.) Cette interpellation est donc urgente.
La présidente. Vous n'aviez pas besoin de la faire par écrit, Madame ! Nous retirons donc formellement de l'ordre du jour votre interpellation. Vous avez la parole.
Mme Elisabeth Häusermann. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, lors des dernières élections municipales du 2 avril 1995, j'ai pu constater, le soir même, à Uni-Mail, que les responsables du dépouillement font tout pour informer les candidats et leurs «public relation managers» au plus vite des derniers résultats obtenus, soit par ordinateurs interposés, soit par affichage sur des panneaux, commune par commune et parti par parti.
Vu les moyens déployés, il aurait été judicieux de renoncer à l'impression des résultats provisoires sur papier, les corbeilles à papier d'Uni-Mail ayant souffert, ce soir-là, d'indigestion aiguë ! Les «Verts» ne me contrediront pas : la sauvegarde de nos forêts passe aussi par là !
Par contre, côté informations définitives, les candidats et les responsables politiques sont restés sur leur faim par la suite, à l'exception de ceux de la Ville de Genève. Serait-ce du favoritisme ? Toujours est-il que les responsables des communes comportant plusieurs locaux de vote attendent encore patiemment de recevoir les ventilations par candidat, par local de vote, comme cela se faisait auparavant !
En effet, on ne peut se satisfaire, pour effectuer une analyse politique complète, d'un résultat global sans distinction par arrondissement. Il n'est jamais trop tard pour bien faire ! Serait-il possible, en appuyant sur le bon bouton de l'ordinateur, de remédier à cette omission ? Cela permettrait ainsi à chaque groupe concerné de se livrer à ce travail, pour affiner les stratégies en vue de futures échéances.
La présidente. Il sera répondu à votre interpellation urgente, Madame Häusermann, au point 15 bis.
M. Max Schneider (Ve). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Ramseyer.
Lors de la cérémonie du 1er juin, Monsieur le président, j'ai été très surpris, ainsi que plusieurs députés, de la protection rapprochée dont nous faisions l'objet de la part des troupes de police. En effet, plusieurs policiers en civil nous ont accompagnés depuis le Port Noir jusqu'au Jardin anglais. Ils nous suivaient, ainsi que le Conseil d'Etat, et nous nous serions crus dans une république bananière où l'on a peur du public ! Le peu de public et le peu de danger que nous courons en ce moment me laissent penser que c'est un gaspillage de temps de travail pour ces fonctionnaires.
Un bus suivait le cortège sur la route et une vedette suivait également le cortège sur le lac, sans parler des policiers en civil et d'autres en uniforme, devant et derrière. Il me semble que c'est exagéré ! Si nous voulons faire des économies à l'Etat, c'est peut-être en arrêtant cette surveillance policière démesurée que nous pouvons commencer ! Nous n'avons pas besoin d'une telle protection. Si la population est mécontente, il faut qu'elle puisse le manifester sans une telle surveillance des plus malvenues.
Je soutiens l'intervention de M. Gilly. En effet, le défilé militaire prévu est une provocation de M. Duchosal à l'égard de la population genevoise, qui se souvient très bien du 9 novembre 1932. Cette manifestation est tout à fait malvenue. C'est peut-être à cette occasion, Monsieur Ramseyer, que vos troupes de police seront peut-être utiles pour protéger l'armée !
La présidente. La réponse du Conseil d'Etat à votre interpellation urgente, Monsieur Schneider, interviendra au point 18 ter.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Principe
1 Moyennant accord de l'Etat et de la personne devant supporter les droits de succession ou de donation entre vifs (ci-après les droits), ceux-ci peuvent être acquittés totalement ou partiellement au moyen de biens culturels selon les dispositions de la présente loi.
2 Il n'est pas nécessaire que le bien dont la remise en paiement est proposée dépende de la succession ou de la donation soumise aux droits.
Art. 2
Définition
1 Est réputé bien culturel tout bien meuble tel que oeuvre d'art, livre, objet de collection ou document dans la mesure où il présente une haute valeur artistique, historique ou scientifique.
2 Le paiement des droits au moyen d'immeubles(art. 655 du code civil suisse) est exclu.
Art. 3
Demande de l'assujetti
1 La personne devant supporter les droits, au sens des articles 53, alinéa 1, de la loi sur les droits de succession et 163 de la loi sur les droits d'enregistrement, qui souhaite acquitter tout ou partie des droits au moyen de biens culturels doit en faire la demande au plus tard dans les trente jours qui suivent l'entrée en force de la décision de taxation.
2 La demande est adressée à l'administration fiscale cantonale.
3 La demande indique la nature de chacun des biens culturels que l'assujetti propose de céder à l'Etat en paiement des droits et leur valeur de cession proposée (valeur vénale ou valeur inférieure).
4 La demande suspend l'exigibilité de l'impôt, sans préjudice des dispositions relatives aux intérêts dus sur les dettes et créances fiscales.
5 La prescription de la créance fiscale ne court pas aussi longtemps que la demande est pendante.
Art. 4
Demande de l'autorité
1 Avec l'accord du chef du département des finances (ci-après le département) ou sur demande de ce dernier, l'administration fiscale cantonale peut proposer d'office à l'assujetti de payer les droits de succession ou de donation au moyen de biens culturels.
2 L'administration fixe à l'assujetti un délai pour prendre position et, le cas échéant, indiquer la nature et la valeur de chacun des biens culturels qu'il entend céder à l'Etat.
3 Sans réponse de l'assujetti à l'échéance du délai, la proposition de l'administration fiscale cantonale est réputée caduque.
4 L'article 3, alinéas 4 et 5, ainsi que l'article 9, alinéa 1, s'appliquent par analogie.
Art. 5
Examen I. Commission d'experts
1 L'administration fiscale cantonale transmet la demande de l'assujetti (art. 3) ou sa proposition, acceptée par l'assujetti (art. 4), à la commission d'agrément (ci-après la commission). Cette commission, qui comprend des personnes ayant des connaissances étendues en matière culturelle ou en finances publiques, est désignée par le Conseil d'Etat.
2 La commission examine si les biens culturels proposés en paiement présentent une haute valeur artistique, historique ou scientifique et se prononce au sujet de la valeur libératoire.
3 Au besoin, la commission requiert l'avis d'experts extérieurs.
4 Le Conseil d'Etat fixe la composition, l'organisation et le mode de fonctionnement de la commission.
II. Obligation de l'assujetti
5 La personne qui souhaite acquitter les droits au moyen de biens culturels ou qui accepte ce mode de paiement est tenue de permettre à la commission d'accéder aux biens en cause.
6 La personne concernée doit fournir toute indication propre à certifier l'origine de propriété sur les biens culturels en question, ainsi que leur authenticité.
Art. 6
Rapport
1 Au terme de la procédure d'examen, la commission établit un rapport comprenant la liste et la nature des biens culturels retenus ainsi que leur valeur libératoire, qui est communiqué à l'assujetti. Dans la mesure où elle diffère de la valeur libératoire, la valeur vénale sera également men-tionnée dans le rapport.
2 En cas de désaccord entre la commission et l'assujetti au sujet de la valeur des biens ou des éventuelles conditions posées par la commission, le Conseil d'Etat désigne une personne chargée de conduire les pourparlers de conciliation entre la commission et l'assujetti. Si le désaccord subsiste, la demande de l'assujetti ou la proposition de l'administration fiscale cantonale est classée sans autre suite. La commission en informe l'administration fiscale cantonale. L'article 9, alinéas 1 et 3, est applicable par analogie.
3 En cas d'accord entre l'assujetti et la commission, cette dernière transmet son rapport à l'administration fiscale cantonale.
Art. 7
Approbation
1 L'administration fiscale cantonale soumet à la direction des services financiers de l'Etat, pour préavis à l'intention du chef du département, le rapport de la commission, ainsi que le montant des droits dus.
2 Le chef du département accepte ou refuse l'accord portant sur le paiement des droits au moyen de biens culturels. Sa décision n'est pas sujette à recours.
3 Il en informe l'assujetti, la commission et l'admi-nistration fiscale cantonale.
Art. 8
Adaptationet révisionde la décision de taxation
1 La valeur libératoire des biens culturels admis en paiement déterminante pour la fixation des droits est arrêtée par l'administration fiscale cantonale sur la base de l'approbation donnée.
2 Si cette valeur est inférieure ou supérieure à celle prise en compte dans la décision de taxation et que cette dernière est entrée en force, il est procédé à une révision.
3 Les dispositions relatives aux intérêts dus sur les dettes et créances fiscales sont réservées (art. 3, al. 4).
4 Il peut toutefois être renoncé, en tout ou partie, aux intérêts, lorsque des circonstances non imputables à l'assujetti ont retardé la décision du chef du département. Les arti-cles 69 de la loi sur les droits de succession, du 26 novembre 1960, et 181 de la loi sur les droits d'enregistrement, du9 octobre 1969, sont applicables par analogie, en ce qui concerne la procédure.
Art. 9
Paiement des droits
1 En cas de rejet de la demande, et si le refus du chef du département est postérieur à la décision de taxation, les droits dont le paiement était proposé au moyen de biens culturels doivent être acquittés dans les trente jours dès la décision du chef du département.
2 Lorsque la valeur libératoire ne couvre que partiellement le montant des droits, l'alinéa 1 s'applique par analogie au solde dû.
3 L'article 8, alinéas 3 et 4, s'applique par analogie.
Art. 10
Propriété des biens culturels
1 Les biens culturels acquis par le biais de la dation en paiement entrent dans le patrimoine culturel de l'Etat et sont dûment répertoriés.
2 L'Etat peut les mettre à disposition des communes genevoises ou à des institutions tierces, à titre gratuit ou onéreux, pour une durée limitée ou indéterminée. Des sûretés peuvent être exigées.
3 Les responsabilités et la procédure relatives à la gestion du patrimoine culturel de l'Etat sont fixées dans le règlement d'application de la loi.
Art. 11
Exécution
1 La commission exécute la décision approuvant le paiement au moyen de biens culturels.
2 Le chef du département désigne, sur proposition de la commission, les instances responsables d'organiser le transport des biens, leur conservation et leur mise en valeur. Il statue également sur le sort des frais y relatifs.
Art. 12
Garantie en cas d'éviction ou d'absence d'authenticité
1 La créance fiscale renaît sans autres en cas d'éviction de l'Etat suite à revendication par un tiers de bonne foi. Il en va de même lorsque les biens culturels s'avèrent être des faux.
2 Demeurent réservées les dispositions du droit fédéral applicables en la matière.
Art. 13
Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Introduction et généralités
A l'instar de ce que prévoient un certain nombre de législations fiscales étrangères, notamment française, belge, espagnole, britannique, italienne, de l'Etat américain du Maine ainsi que, depuis peu, celle du canton du Jura, le Conseil d'Etat genevois propose d'institutionnaliser la possibilité de s'acquitter, dans certains cas précis, du paiement des droits de donation ou de succession par le biais de la remise à l'Etat d'oeuvres présentant un intérêt artistique, historique ou scientifique particulièrement élevé. Une telle innovation figure d'ailleurs au programme législatif du gouvernement tel que défini au début de la présente législature.
Le concept de la dation en paiement est relativement simple:
a) Il s'agit d'une exception au principe selon lequel les obligations fiscales doivent être acquittées par paiement de sommes d'argent ayant cours légal. Elle doit dès lors être appliquée de manière restrictive. C'est pour cette raison qu'elle est limitée, en général, à des droits fiscaux dus sur des transferts de patrimoine. Cette faculté doit être vue comme un instrument permettant à l'Etat d'agrandir son patrimoine culturel, mais au prix de la renonciation à certaines rentrées fiscales. Inversement, elle peut permettre à certaines personnes à court de liquidités de se dessaisir au profit de l'Etat de biens culturels d'intérêt majeur au lieu de les réaliser sur le marché afin d'être en mesure d'acquitter les droits fiscaux. A cet égard, il peut s'agir d'une simplification et d'un gain de temps pour le contribuable, qui a pour prix la renonciation à la possibilité d'obtenir un prix supérieur en cas de mise en vente aux enchères du bien.
b) L'assujetti aux droits fiscaux sur une donation ou une succession et l'Etat ont chacun la faculté de proposer à l'autre partie qui est libre de refuser de régler tout ou partie des droits par le biais de la remise d'un bien présentant un intérêt culturel particulier.
c) Il est loisible au législateur de prévoir que le bien cédé à titre de règlement des droits soit compris dans le patrimoine transféré par voie de donation ou de succession. En pareil cas, il convient cependant d'être particulièrement attentif quant à l'origine de propriété pour éviter à l'Etat tout risque de revendication de la part de tiers.
d) Il est indispensable, en revanche, que le bien en question présente un intérêt artistique, historique ou scientifique particulièrement élevé pour la collectivité publique qui le recevra et devra en assurer la conservation et la mise en valeur. A cet égard, le seul critère de la valeur vénale du bien ne saurait suffire, ce dernier n'étant qu'un paramètre destiné à déterminer le montant de la compensation à opérer sur les droits fiscaux dus.
Le projet de loi qui vous est soumis, inspiré de la récente législation jurassienne, mais également de la solution française, a été précédé d'une motion (M 52) déposée au Grand Conseil le 13 septembre 1979 parMme Elsbeth Stüssi et MM. Maurice Aubert et Lucien Piccot, alors députés. Cette motion pour une fiscalité encourageant les donations en faveur de collectivités publiques de biens mobiliers faisant partie de notre patrimoine culturel partait de l'idée que, contrairement à ce qui est le cas pour les biens immobiliers, la législation relative à la protection des monuments, de la nature et des sites ne permet pas une mise en valeur des biens mobiliers présentant un intérêt culturel particulier. Les auteurs de la motion relevaient dès lors qu'il se justifie d'encourager le maintien de ces derniers à Genève, voire de les faire rentrer dans le patrimoine de l'Etat.
Partant du constat que les seules dispositions figurant dans le droit fiscal genevois positif sont celles prévoyant l'exonération de certaines institutions des droits de succession (art. 6 LDS) et l'exonération des collections artistiques et scientifiques de l'impôt sur la fortune (art. 36 LCP), les auteurs de la motion préconisaient des mesures incitatives de deux ordres:
pour les objets présentant un intérêt courant, une déduction accordée au donateur correspondant à la valeur de l'objet de sa fortune imposable en ce qui concerne les impôts cantonaux et, pour les libéralités à cause de mort, à une déduction de l'actif imposable de la succession de la valeur de l'objet (en d'autres termes, exonération de tous droits de succession pour cette valeur, le même avantage étant réservé aux héritiers donnant, avant partage, un objet appartenant à la masse successorale);
pour les objets présentant un intérêt exceptionnel, la possibilité de s'en servir pour acquitter les impôts (mécanisme de la dation en paiement), les auteurs de la motion prévoyant, d'une part, que le «crédit d'impôt» serait limité à une part de la valeur de l'objet (par hypothèse la moitié). D'autre part, ce crédit d'impôt pourrait être employé en couverture des impôts cantonaux sur le revenu et la fortune, des droits de succession, et d'autres taxes (comme les taxes de naturalisation).
Enfin, les auteurs de la motion n'ont pas manqué de relever les trois points cruciaux de leurs propositions, savoir 1) la nécessité de constituer un organe d'évaluation (appelé par eux «commission d'experts»), 2) les rapports entre le canton et les communes (en raison du fait que ce sont elles qui possèdent la plupart des musées à Genève et que le manque à gagner fiscal affecterait en principe les impôts cantonaux uniquement), ainsi que 3) la difficulté que poserait l'extension de ces mesures incitatives aux biens immobiliers.
Pour différentes raisons, cette motion est restée sans réponse à ce jour. Aussi le Conseil d'Etat compte-t-il proposer, en reprenant la seconde proposition contenue dans la motion, d'ancrer dans la loi le principe même de la dation en paiement.
Le projet de loi sur la dation en paiement pourrait être intégré ultérieurement dans la législation topique des droits de succession et de donation en tant que chapitre particulier. Il est proche, dans sa systématique et quant au fond, du texte jurassien. Il a cependant été tenu compte des particularités suivantes:
a) A Genève, le produit des droits de succession et de donation est attribué uniquement au canton. En d'autres termes, les communes ne participent pas au produit de ces impôts. D'autre part, comme il a été mentionné plus haut, les institutions qui pourraient être intéressées par la venue d'oeuvres d'art ou de pièces de collection d'intérêt exceptionnel, c'est-à-dire les musées, appartiennent essentiellement à la principale commune du canton, savoir la Ville de Genève. Il est vrai que certaines collections et quelques musées appartiennent à des institutions privées, voire à des particuliers. Enfin, le canton dispose, quant à lui, pour l'essentiel des Archives d'Etat pour accueillir des documents pouvant présenter un intérêt particulier.
Se pose dès lors la question de la propriété finale et de la destination des biens qui seront, le cas échéant, acceptés à titre de dation en paiement des droits cantonaux de succession et de donation. A cet égard, le plus simple peut être de constituer un patrimoine culturel de l'Etat, de haute tenue, mis à disposition des musées municipaux, voire des fondations et associations d'utilité publique propriétaire de collections. Il s'agira dès lors de définir les responsabilités financières en matière de conservation, assurance et mise en valeur de ces oeuvres. L'institution qui se verrait nantie des biens devrait s'engager à en assumer les coûts d'entretien.
Etant donné que le patrimoine constitué à l'aide des dations le serait en couverture d'impôts cantonaux exclusivement, le projet de loi réserve, lors de la prise de décision dans les cas d'espèce, le préavis de la direction des services financiers de l'Etat.
b) L'Etat de Genève ne possède pas lui-même de direction des affaires culturelles à laquelle pourrait être confiée la responsabilité de l'examen «technique» de l'intérêt et de la valeur des oeuvres proposées. Aussi est-il prévu d'instituer une «commission d'agrément» indépendante, nommée par le Conseil d'Etat.
Cette solution s'inspire du modèle français. La commission d'agrément, qui est l'organe essentiel de tout le mécanisme de la dation en paiement, doit être composée de personnalités faisant autorité dans les domaines artistique et culturel ainsi que dans celui des finances publiques. Son but est de veiller, le cas échéant en s'entourant de l'avis de tiers experts, au maintien à un niveau très élevé des pièces retenues. A cet égard, ses membres doivent être en prise directe avec le marché de l'art et la politique culturelle des institutions susceptibles de se voir confier les oeuvres en question. Ils peuvent ne pas faire partie de l'administration publique.
L'exemple français montre que, par sa rigueur, la commission interministérielle d'agrément composée de cinq membres (le président, nommé par le Premier ministre, deux représentants du ministre du budget et deux représentants du ministre de la culture) a vu ses avis acceptés dans la quasi-totalité des cas. A titre d'illustration, on mentionnera que, depuis l'introduction du système de la dation en paiement en France (en 1972) et jusqu'en 1994, 201 procédures de dation ont abouti à une décision d'agrément, contre 160 refus. La valeur d'estimation totale des valeurs libératoires est de l'ordre, pour cette même période, de 1,8 milliard de francs français. Les oeuvres d'art concernées sont pour l'essentiel des tableaux de maître, mais on y trouve également de l'argenterie, des sculptures, voire des archives de personnalités célèbres. L'art moderne, voire contemporain, n'est pas absent des dations acceptées.
c) Le projet reprend la clause de l'exclusion des immeubles du mécanisme de la dation en paiement. En l'état, il sera renvoyé à l'argumentation figurant en introduction de la motion 52, mentionnée plus haut, selon laquelle l'Etat dispose déjà d'un instrument juridique efficace et rodé pour assurer la conservation du patrimoine immobilier, savoir la réglementation en matière de classement et de zones protégées, ainsi que d'une commission (la commission des monuments, de la nature et des sites) chargée de procéder aux choix techniques en la matière. Au surplus, on mentionnera que la gestion d'un patrimoine immobilier pose des problèmes bien différents de ceux d'un patrimoine mobilier, de sorte qu'une différenciation se justifie pleinement.
d) Contrairement aux nouvelles règles jurassiennes, le projet genevois reste muet sur le principe de l'acceptabilité du paiement d'une soulte par l'Etat en cas de règlement d'une dette fiscale au moyen d'un bien culturel. Il s'agirait d'un silence qualifié, basé sur l'idée que la dation consiste en la cession d'un objet à une valeur libératoire, en guise de compensation totale ou partielle avec une créance fiscale. En d'autres termes, il s'agit d'éviter que l'Etat, qui accepte déjà de renoncer à percevoir les impôts en espèces (et donc de déroger au principe de la non-affectation du produit de l'impôt) ne soit encore contraint de débourser des sommes afin de compléter le prix pour lequel les biens sont reçus.
Au surplus, ce principe s'inscrit dans la logique qui rattache le mécanisme de la dation à celle du mécénat au sens large du terme. Il n'en demeure pas moins que d'autres opinions sont permises, mais il serait souhaitable que la possibilité de verser une soulte dans des cas exceptionnels reste à la discrétion de l'Etat.
e) Mentionnons également qu'il est précisé dans le projet de loi qu'il n'est pas nécessaire que le bien, dont la remise en paiement est proposée, fasse partie du patrimoine faisant l'objet des droits de succession ou de donation. On peut, en effet, fort bien se trouver dans une situation où le bien présentant un intérêt majeur aux yeux de la commission d'agrément ne figure pas dans le lot assujetti aux droits de donation ou de suc-cession (par exemple, parce qu'il appartient déjà au débiteur des droits).
f) Précisions enfin qu'il paraît souhaitable de restreindre la possibilité de recourir au mécanisme de la dation en paiement aux seuls cas où il s'agit d'impôts liés à un transfert de patrimoine.
Outre le lien «fonctionnel» et les affinités qui permettent d'assimiler ces deux institutions, il est indéniable qu'il s'agit là d'une mesure destinée à sauvegarder les rentrées fiscales en espèces. Cette limitation permet également d'éviter le risque que la politique financière de l'Etat ne soit déséquilibrée suite à une affectation excessive d'impôts directs par le biais de l'apport de biens en nature au détriment d'autres priorités bugétaires.
II. Commentaire par article
Article 1
Cette disposition pose le principe du caractère facultatif et consensuel de l'institution de la dation en paiement. Elle limite le champ d'application à raison des impôts concernés aux droits de succession et de donation. Elle précise enfin que le bien remis à titre de dation en paiement peut ne pas faire partie du patrimoine dont le transfert est assujetti aux impôts.
Il se peut, en effet, que le ou les biens transférés par voie de succession ou de donation entre vifs ne présentent pas une haute valeur artistique, historique ou scientifique (voir également le commentaire de l'article 2), alors que le débiteur des droits, par hypothèse à court de liquidités, possède déjà une oeuvre susceptible d'intéresser la collectivité. En pareil cas, il s'agira cependant d'être prudent quant à l'origine de propriété du bien, afin de pallier le risque de revendication du bien de la part d'un tiers de bonne foi.
Article 2
Il s'agit ici de la norme destinée à placer la barre suffisamment haut de sorte à limiter l'accès à la dation à des oeuvres choisies. Il ne s'agit pas de se focaliser sur la seule valeur marchande du bien, pas plus qu'il n'y a lieu d'exiger à tout prix un rayonnement mondial de l'oeuvre choisie. Plutôt que d'une invite à pratiquer une politique de prestige, cette clause doit permettre un examen critique de l'intérêt d'une oeuvre quant à sa capacité à représenter un courant donné au point qu'elle serait directement mise en valeur par l'institution qui se la verrait confier. Il ne s'agit pas, en d'autres termes, de constituer des stocks d'oeuvres qui seront entreposées faute de place ou d'intérêt, sans rapport immédiat pour la collectivité.
Le critère de la haute valeur artistique s'applique aussi bien au patrimoine culturel genevois qu'au patrimoine universel, pour autant qu'il s'agisse d'oeuvres susceptibles de compléter des collections existant à Genève, ou d'ensembles cohérents dont l'acquisition se justifie d'elle-même.
Le deuxième alinéa de la disposition exclut la dation d'immeubles. Les raisons de cette position, figurant déjà dans la motion 52, sont exposées dans la partie introductive et générale de l'exposé des motifs.
Article 3
A côté de détails de procédure, cet article précise la date limite pour le dépôt, de la part de l'assujetti aux droits, pour demander de pouvoir acquitter tout ou partie de ses droits au moyen de la dation en paiement. Cette limite a été fixée à 30 jours après l'entrée en force de la décision de taxation. Une telle solution, plus favorable que celle adoptée par le canton du Jura qui limite le délai à trente jours après la notification de la décision de taxation, semble possible, financièrement parlant, à Genève, en raison du fait que les droits de succession et donation portent intérêt indépendamment de l'entrée en force des bordereaux de taxation.
Il est précisé également que la proposition de dation en paiement suspend l'exigibilité de l'impôt, sans que cela ait un impact toutefois sur le montant des intérêts finalement dus. En effet, ces derniers sont dus, indépendamment de la suspension de l'exigibilité de la créance d'impôt, dès l'expiration des délais fixés par la loi (art. 60 et 61 A LDS, 161, 165 et 167 A LDE).
Enfin, la clause suspensive de la prescription énoncée à l'alinéa 5 est destinée à éviter de devoir procéder systématiquement à des actes interruptifs au cours de procédures qui pourraient durer.
Article 4
Cette disposition est le pendant de l'article précédent pour les propositions de dation en paiement émanant soit de l'administration fiscale elle-même, soit de l'Etat lui-même. Dans tous les cas, c'est le chef du département des finances qui conserve la haute main pour autoriser ou pour ordonner l'ouverture d'une procédure de dation de la part des pouvoirs publics. En tout état et conformément au caractère consensuel et facultatif exposé à l'article 1, l'assujetti est libre de ne pas donner suite à l'offre de l'administration, son silence valant refus.
Article 5
L'alinéa premier dispose que le dossier, une fois l'accord de principe sur l'entrée en matière trouvé, est traité quant au fond par la commission d'agrément. La composition de cette commission sera définie par voie réglementaire. A cet égard, l'exemple français pourrait fournir des indications utiles, en particulier quant à son effectif, la qualification de ses membres (spécialistes des questions culturelles, collectionneur chevronné, experts en finances publiques), voire en fiscalité ou en finances publiques et leur appartenance (secteur public, secteur privé, indépendants), sa présidence.
Il y aura lieu de prévoir également son rattachement organique à l'administration cantonale (chancellerie ou département des finances, par exemple) ainsi que l'organisation de son secrétariat et son mode de financement.
Les alinéas 2 à 5 définissent les grandes lignes de la procédure de la commission, dont les détails seront prévus par voie réglementaire (comme par exemple les règles relatives au sort des frais).
L'alinéa 6 dispose que la personne qui souhaite acquitter les droits au moyen de biens culturels ou qui accepte ce mode de paiement doit prêter son concours pour l'établissement de ses droits de propriété sur les biens culturels concernés, ainsi que sur l'authenticité des biens en question. La première mesure sera particulièrement importante lorsque le ou les biens culturels dont la remise à titre de dation est envisagée ne sont pas compris dans la succession ou la donation pour laquelle les droits sont dus. Il s'agit, en d'autres termes, des cas prévus à l'article 1, 2e alinéa, où l'origine de propriété ne remonte pas à l'acquisition par voie de succession ou de donation faisant l'objet des droits à régler par voie de dation en paiement. La deuxième précaution se comprend d'elle-même.
Article 6
Il s'agit de la définition du mode de clôture du travail de la commission d'agrément, par lequel elle se dessaisit du dossier. On remarque que la transmission du rapport à l'administration fiscale n'est prévue qu'en cas d'accord entre la commission et l'assujetti. En cas de désaccord, une procédure de conciliation est prévue. Pour éviter des confusions de notions, la valeur déterminante pour l'extinction des droits fiscaux que proposera la commission est appelée valeur libératoire, ce qui la distingue de la valeur vénale, notion purement marchande, ou de la «haute valeur» de l'article 2, qui est une notion trop peu concrète.
Les détails de la clôture des travaux de la commission et de la procédure de conciliation sont renvoyés, le cas échéant, aux règlement d'application.
Article 7
Une fois le rapport de la commission d'agrément qui implique l'accord de l'assujetti aux droits - parvenu à l'administration fiscale, celle-ci l'adresse aux services financiers de l'Etat, pour examen en vue de la transmission, avec leur préavis, au chef du département des finances. En raison du caractère consensuel de la procédure, d'une part, et du rôle attribué à la commission d'agrément, d'autre part, le gouvernement ne saurait s'écarter, ni à la baisse ni à la hausse des valeurs libératoires arrêtés par la commission et acceptées par l'assujetti. La décision du chef du département n'est pas sujette à recours.
Article 8
Il s'agit de l'adaptation de la décision positive du chef du département des finances à la taxation concernée. Lorsque les biens admis à titre de dation font partie du patrimoine soumis aux droits fiscaux concernés, les valeurs retenues pour la taxation devront être alignées sur les valeurs libératoires convenues et approuvées.
Cette disposition réserve également la perception des intérêts dus sur les dettes et créances fiscales, tout en prévoyant la possibilité de les diminuer en fonction de la durée de la procédure non imputable à l'assujetti.
Article 9
Cet article règle la reprise de la procédure de recouvrement en cas de refus d'approbation de la dation par le chef du département. Il en va de même pour les cas où la valeur libératoire ne suffit pas à éteindre la dette fiscale, ainsi que par renvoi de l'article 6, alinéa 2, en cas d'abandon de la procédure de dation suite à un désaccord entre la commission et l'assujetti au sujet de la valeur des biens ou des éventuelles conditions posées par la commission.
Article 10
Cette disposition sanctionne le choix de principe consistant à laisser se constituer un patrimoine culturel cantonal provenant, entre autres, de dations, dont les oeuvres seront généralement mises à disposition de musées ou d'institutions appartenant à d'autres collectivités publiques par l'Etat de Genève lui-même. On pense, bien sûr, au premier chef à la Ville de Genève, en raison des nombreux musées qu'elle possède, mais on ne saurait exclure d'autres communes, voire des institutions privées, qui mettent elles-mêmes des collections en valeur. A titre exceptionnel, certains biens pourront être mis à disposition de musées sis hors du canton; en pareil cas, la mise à disposition sera limitée dans le temps et pourra se faire à titre onéreux. Il est en outre prévu que l'Etat demande des sûretés ou des garanties lorsque cela paraît indiqué.
Cet ensemble de mesures n'est pas destiné à générer des recettes supplémentaires au profit de l'Etat, mais à protéger son patrimoine culturel lorsque cela paraît indiqué ou à obtenir le juste prix de sa mise à disposition de biens dans des cas exceptionnels. Les rapports entre l'Etat et son principal partenaire que sera la Ville de Genève pourront, eux, faire l'objet d'une convention particulière, ce que la formulation large de cette disposition n'exclut pas.
Il est également prévu que les oeuvres reçues en dation soient dûment enregistrées, répertoriées et cataloguées, cela dans le but de permettre une supervision et une gestion dynamique du patrimoine ainsi créé. Là aussi, les modalités pratiques seront fixées par voie réglementaire.
Article 11
L'exécution pratique de la dation en paiement, savoir le transfert du ou des biens concernés et leur prise en charge, sera placée sous la responsabilité de la commission d'agrément, qui formera ses recommandations au chef du département des finances.
Cette disposition est à mettre en relation avec l'article 10. Les modalités pratiques seront précisées, le cas échéant, dans le règlement d'application.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous saurions gré, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver bon accueil à ce projet.
Article 12
Cette disposition suggérée par le département de justice et police et des transports est destinée à sauvegarder les intérêts de l'Etat en cas d'éviction suite à une revendication par un tiers de bonne foi ou pour le cas où le bien culturel admis à titre de dation s'avérerait être un faux. En pareil cas, il est prévu que la créance fiscale renaisse sans autres. Il va de soi que la portée de cette norme sera limitée par la règle applicable en matière de péremption des créances de droit public (5 ans, par assimilation, aux règles relatives aux fausses déclarations de biens, selon l'article 73, alinéa 1, lettre c, LDS et 155, alinéa 1, lettre b, 2e hypothèse, LDE).
Le deuxième alinéa réserve, en tout état, les conséquences de droit civil et de droit pénal applicables au cas où l'un des deux événements mentionnés au premier alinéa venait à se présenter.
Préconsultation
M. Bernard Lescaze (R). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est accueilli avec faveur par le groupe radical...
Une voix. Avec faveur ! (Rires.)
M. Bernard Lescaze. Avec faveur, exactement, bien qu'il ne s'agisse pas, en réalité, de faire une faveur à ceux qui pourront en bénéficier ! Le projet n'apporte, en fait, rien de neuf par rapport à ce qui est connu en Europe, mais c'est la première fois, depuis que Mme Stüssi, M. Aubert et M. Piccot avaient déposé leur motion, qu'un pas considérable est enfin effectué pour favoriser l'enrichissement des collections publiques.
De ce point de vue, nous sommes très satisfaits. Le rapport, à l'appui de ce projet de loi, donne quelques exemples chiffrés d'un pays voisin. Il suffira, en donnant des noms, de rappeler qu'une des plus belles toiles de Vermeer ou la dation Picasso ont pu ainsi enrichir le patrimoine public français. Il semble important de souligner qu'il ne s'agit pas seulement de tableaux, mais de meubles, de manuscrits ou de livres.
Il faut donc renvoyer ce projet à la commission fiscale. Toutefois, je ferai trois petites remarques et je souhaite que la commission fiscale puisse les accueillir avec bienveillance.
En ce qui concerne la composition de la commission d'agrément - organe essentiel du dispositif, puisqu'il s'agit d'un organe consensuel qui devrait permettre une négociation avec l'assujetti - il nous paraît que cette commission d'agrément doit être mobile, composée de cas en cas et non pas de manière stable, pour une période donnée. Il doit y avoir des représentants du département des finances, sans nul doute, mais aussi, suivant l'objet possible de la dation, des experts différents. La composition doit donc varier de cas en cas.
Nous nous félicitons d'ailleurs, contrairement au rapport, qu'il n'y ait pas encore une direction des affaires culturelles à l'Etat, ce qui alourdirait le système.
A l'article 7, alinéa 2, nous nous demandons si le pouvoir discrétionnaire du chef du département... (Brouhaha.)
La présidente. Monsieur le député, attendez une minute que le calme revienne, parce que nous ne vous entendons plus !
M. Bernard Lescaze. Il est évident, Madame, que ce projet est technique et que, par conséquent, la plupart des membres de cette enceinte en sont très éloignés !
Pour ceux que cela intéresse - je pense que cela sera intéressant pour le patrimoine de Genève - j'ajouterai que le pouvoir discrétionnaire du chef du département devrait être, malgré tout, mesuré. En effet, s'il y a une solution négociée entre l'administration fiscale et ceux qui pourraient obtenir cette dation, à partir du moment où, de toute façon, la valeur libératoire est acquise, un accord entre les parties intervient.
Aussi, nous trouvons un peu curieux que, si la commission d'agrément et le contribuable, ou les héritiers de celui-ci, sont arrivés à un accord, le chef du département puisse souverainement l'accepter ou non en bloc - j'ai bien compris - sans possibilité de recours. En effet, toute une négociation a eu lieu pendant un certain temps, et, donc, nous pourrions dire que le principe de la bonne foi pourrait être violé. Nous pouvons parfaitement admettre, ensuite, que le chef du département n'approuve pas, pour des raisons purement subjectives, les conditions conclues par la commission d'agrément.
Enfin, à l'article 10, il nous paraît que les possibilités de remise de ces objets aux communes, à la Ville de Genève, par exemple, voire à l'extérieur du canton - c'est surtout ce dernier cas qui m'intéresse - doivent être soigneusement étudiées. Je comprends parfaitement que l'on puisse faire un prêt, un dépôt, même de longue durée - par exemple au Musée national à Prangins - mais il faudrait tout de même que ces objets, qui viennent enrichir le patrimoine collectif genevois, demeurent, si possible, à Genève.
J'aimerais que la commission fiscale examine avec plus d'attention ces quelques points, mais, pour le reste, nous nous félicitons de ce projet.
Mme Christine Sayegh (S). C'est également avec intérêt que le groupe socialiste accueille ce projet de loi, qui est déjà tout à fait construit et dont les conditions sont intéressantes. Mais il y a lieu, effectivement, de les analyser en commission et, également, de prendre connaissance des dispositions du droit jurassien, en l'espèce.
C'est pourquoi nous vous proposons également le renvoi en commission fiscale.
Mme Claire Chalut (AdG). Comme nous l'indique l'exposé des motifs, la possibilité d'utiliser la dation en paiement existe dans de nombreux pays et représente un grand intérêt pour l'Etat.
En effet, c'est ainsi que se sont constituées, en France notamment, des collections qui ont pu être présentées au public. L'exemple le plus célèbre d'une dation est le Musée Picasso à Paris, cela pour ne citer que l'exemple le plus frappant.
Même si l'exposé des motifs qui accompagne ce projet de loi le mentionne, nous souhaiterions insister pour que la formation de la commission d'experts, chargée d'examiner et d'évaluer les oeuvres soumises, soit réellement une commission d'experts. A notre sens, elle ne devrait pas ressembler à une commission politique, telles que nous les connaissons, même si elle était du type : «Monuments des sites». En effet, nous pensons qu'une telle commission d'experts devrait compter, à titre d'exemple, le conservateur du Musée d'art et d'histoire qui a, sans aucun doute, une grande expérience de ce genre de travail.
N'ayez crainte, nous comptons faire confiance à la commission qui sera chargée d'étudier ce projet de loi pour trouver les bons éléments ! Nous saluons aussi la volonté d'agrandir le patrimoine culturel de l'Etat qui viendrait s'ajouter à ce qui existe déjà - sauf erreur de ma part - mais qui sommeille peut-être encore au fond de nos musées.
Pour mener à bien toutes ces opérations, l'Etat devra trouver un accord sur les conditions de mise à disposition ou de prêt avec les musées de la Ville de Genève. Nous espérons, bien sûr, que tôt ou tard des collections d'art d'un réel intérêt pourront être connues de la population de notre canton.
A part ces quelques remarques, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer pour étude ce projet de loi en commission.
M. Claude Basset (L). Nous rejoignons entièrement l'appréciation de nos collègues des autres formations, s'agissant du renvoi de ce projet de loi en commission fiscale.
Il s'agit, effectivement, d'enrichir tout d'abord notre patrimoine intellectuel et c'est pourquoi nous partageons cette opinion. Toutefois, nous désirons apporter une attention toute particulière à la composition de la commission d'experts, comme certains l'ont relevé précédemment. Certains aménagements pourraient également être apportés à ce projet de loi, dont la base date de 1979, je crois. Par conséquent, le cas est déjà ancien et, s'il a déjà été sérieusement étudié, il convient de le peaufiner.
Je me permets donc de me rallier à l'avis de mes collègues, pour vous demander de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien votera le renvoi de cet excellent projet de loi en commission fiscale. Le projet de loi 7251 propose une nouveauté en matière fiscale, qui mérite d'être introduite dans notre fiscalité. D'ailleurs, elle est probablement plus utile si elle garde un caractère d'exception pour résoudre des situations toutes particulières. C'est un atout de plus, mais le système actuel, avec ses innombrables possibilités et avantages contractuels, devrait toutefois rester prépondérant.
Il vaut donc la peine de bien observer et étudier ses limites en commission fiscale.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, merci pour l'accueil que vous réservez à ce projet de loi en le renvoyant en commission.
Deuxièmement, et très brièvement, s'agissant des aspects soulevés notamment par M. Lescaze et par Mme Chalut, je fais les remarques suivantes :
S'agissant de la commission d'agrément, il est évident, dans notre esprit, que cette commission doit être composée essentiellement d'experts. Effectivement, nous entendons faire appel à un certain nombre de nos directeurs de musée. Je dis «notre», au niveau des collectivités publiques, puisqu'il s'agit essentiellement de ceux de la Ville.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en remplacement de M. Vaissade qui était retenu, M. César Menz était à mes côtés vendredi dernier, lors de la conférence de presse. J'entendais très clairement, avec le Conseil d'Etat, marquer notre détermination dans ce projet de loi à agir avec la Ville, respectivement le département de la culture, et, le cas échéant, avec certaines autres communes qui mènent des politiques culturelles, voire qui gèrent un musée comme notamment la ville de Carouge.
De plus, ce projet de loi permet, Monsieur Lescaze, de faire appel à des experts dans cette commission d'agrément, parce qu'il est évident que certains dossiers pourraient le rendre nécessaire.
Vous avez abordé un deuxième élément : le rôle du chef du département. Je comprends parfaitement bien cette question, surtout au vu de ce qui se passe en France, depuis plus d'une décennie. J'ai notamment discuté avec le professeur Changeux, président de cette commission d'agrément en France, professeur de médecine remarquable, que vous avez peut-être vu à la télévision l'autre jour dans «La marche de l'histoire».
Lorsque le préavis de la commission d'agrément est positif, puisqu'il s'agit d'un contrat entre la personne, qui veut s'acquitter par dation en paiement, et de la commission d'agrément, jamais le premier ministre, ou le ministre des finances en France, n'a pris de décision contraire. Il pourrait arriver néanmoins que, par exemple, la dation en paiement représente un volume extrêmement important sur le plan financier et qu'il pose un certain nombre de problèmes par rapport à la fiscalité et à la couverture des dépenses ordinaires de l'Etat.
A un moment donné, alors même que, dans le fond, une collection serait exceptionnelle pour Genève et pour notre patrimoine, pourrait se poser un problème délicat. C'est dans ce cadre-là que je pourrais, le cas échéant, voir le rôle du chef du département qui, en tout état de cause, devrait revenir, vu l'importance des choses, devant le gouvernement, voire devant votre parlement.
Enfin, dernier élément et j'insiste là-dessus, nous avons convenu avec M. Alain Vaissade, maire de la Ville de Genève et responsable du département culturel, que nous passerions un accord de principe entre la Ville et l'Etat, puisque nous ne sommes pas propriétaire de musées. La Ville pourrait recevoir, en prêts de longue durée, des objets d'arts qui viendraient enrichir ses collections, l'Etat en restant propriétaire et la Ville en devenant dépositaire pour ses présentations, ainsi qu'éventuellement d'autres communes qui pourraient avoir des musées.
C'est sur cette base-là, dès lors que la commission fiscale en traitera positivement - ce qui, compte tenu de vos remarques, ne fait aucun doute - que nous irons de l'avant. J'espère qu'en même temps que nous finaliserons ce projet de loi en commission fiscale, nous aurons mis sur pied, avec la Ville de Genève, un accord de principe sur la remise, pour des prêts de longue durée, des oeuvres d'art que nous pourrions acquérir de la sorte.
Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
Patrimoine financier
1 Le Conseil d'Etat est autorisé à contracter des emprunts, au nom de l'Etat de Genève, pour une somme pouvant atteindre 28 millions de francs au maximum, aux conditions du marché les plus avantageuses.
2 Ces emprunts sont destinés au financement de diverses acquisitions immobilières, à inscrire comme réserve au patrimoine financier.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Conformément à l'article 80 de la constitution, et selon une procédure maintenant bien établie, notre Conseil soumet à votre approbation la présente demande d'autorisation d'emprunt destinée au financement des achats de biens immobiliers par l'Etat.
Rappelons tout d'abord que c'est le 21 octobre 1994 que fut adoptée la dernière loi (n° 7102) autorisant le Conseil d'Etat à procéder à des emprunts destinés au financement des acquisitions de terrains. Les crédits ainsi disponibles furent très rapidement absorbés par le règlement d'un certain nombre d'opérations préalablement négociées et dont la conclusion avait été différée dans l'attente de la décision du Grand Conseil.
Certaines opérations prévues n'ont finalement pas eu lieu parce qu'elles étaient, soit devenues sans objet (en fonction de l'évolution des besoins), soit parce que les vendeurs se sont désistés. Avec l'accord du Conseil d'Etat, et selon le principe admis par la commission des finances, les montants correspondants ont été réaffectés pour un total d'environ 10 millions de francs.
Il s'ensuit que le Conseil d'Etat ne dispose pratiquement d'aucune réserve lui permettant d'envisager de nouvelles acquisitions, alors même que d'intéressantes possibilités s'offrent à lui et que, dans certains cas, l'intérêt supérieur de notre canton commanderait même qu'il puisse conclure sans délai.
Notre canton se doit en effet de mener une politique foncière destinée à lui garantir, le moment venu, la disponibilité des terrains nécessaires à la réalisation des équipements et des infrastructures relevant traditionnellement de sa compétence. Il est indispensable de poursuivre cette politique afin d'assurer l'avenir, en particulier dans des domaines tels que l'action sociale, la santé, l'enseignement (secondaire et universitaire), le logement, les transports (transports publics, aéroport), les zones industrielles, ainsi que l'accueil sur notre territoire de diverses institutions (internationales entre autres).
Cela étant et compte tenu de la situation financière de notre canton, le Conseil d'Etat ne perd pas de vue qu'il est toujours nécessaire de restreindre au strict minimum les dépenses d'acquisitions de terrains.
Après avoir effectué une sélection extrêmement rigoureuse des opérations foncières prioritaires, notre Conseil a décidé de porter son effort sur les projets d'acquisitions suivants, faisant déjà l'objet de négociations, et qui, une fois conclues, figureront au patrimoine financier de l'Etat:
- Acquisition de terrains de réserve à destination d'organisations internationales, dans le cadre des relations FIPOI/Etat, pour un montant total de 3 millions de francs.
- Acquisition de terrains liés à la mise en valeur de zones de développement industriel pour un montant total de 1,5 million de francs.
- Acquisition de terrains liés au développement des transports publics pour un montant total de 1 million de francs.
- Acquisition de terrains se prêtant à la réalisation de logements sociaux pour un montant total de 9,5 millions de francs.
- Acquisition de terrains situés dans les zones de nuisance de l'aéroport (NNIB) pour un montant total de 5 millions de francs.
- Acquisition de terrains liés au développement d'équipements publics pour un montant total de 8 millions de francs.
Pour ce qui est de la plupart de ces achats de terrains, il est prévu de les régler par tranches échelonnées sur plusieurs années.
Ces parcelles seront transférées du patrimoine financier au patrimoine administratif dès que leur affectation deviendra définitive. C'est la raison pour laquelle elles seront inscrites au patrimoine financier de l'Etat jusqu'à plus ample informé.
Comme de coutume, des informations complémentaires détaillées pourront être fournies par notre Conseil dans le cadre des travaux de la commission des finances, laquelle pourra se convaincre que les crédits sollicités se rapportent aux besoins prioritaires de notre canton.
Telles sont les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons l'honneur de soumettre le présent projet de loi à votre bienveillante approbation.
Préconsultation
M. Daniel Ducommun (R). Nous n'avons pas à cacher que ce projet de loi interpelle notre groupe. Il fut un temps où les moyens financiers de l'Etat permettaient, chaque année, d'appliquer une politique généreuse d'opportunités ou d'avances de fonds, soit la mise à disposition de quelques millions au Conseil d'Etat pour prévoir le développement de nouvelles infrastructures publiques, locales ou internationales.
Aujourd'hui, nous sommes beaucoup plus critiques et passons volontiers d'une politique d'opportunisme à une politique économique ou de redressement des finances publiques. Lorsqu'on n'a pas un sou en caisse et que l'on doit emprunter, chaque année, près d'un milliard auprès des bailleurs de fonds, est-il raisonnable de libérer allègrement 28 millions ? Nous répondons oui, mais à deux conditions :
1) Inviter le Conseil d'Etat à présenter simultanément une proposition de désengagement d'immeubles ou de terrains, dont le besoin n'est pas reconnu, à concurrence, si possible, du montant sollicité, soit 28 millions. Nous rappelons, à cet effet, que notre République est une propriétaire foncière redoutable, avec une réserve de patrimoine immobilier de plus de 500 000 m2, comprenant environ 500 bâtiments dont un grand nombre de villas.
2) Si les ventes s'avéraient difficiles en fonction du marché, la seconde condition - pouvant se substituer à la première - consisterait à prier le Conseil d'Etat de ne pas demander une avance de fonds mais de présenter une loi ad hoc pour chaque projet d'intérêt public.
Notre Grand Conseil siège tous les mois et l'expérience nous démontre que les affaires les plus pertinentes ne se décident pas en dix minutes sur un coin de table.
Voilà, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, les quelques propositions que les radicaux feront en commission des finances lors de l'étude de ce projet.
M. Bernard Clerc (AdG). Nous accueillons favorablement ce projet de loi et soutenons son renvoi en commission, moyennant deux remarques :
1) Nous demanderons lors de la discussion de ce projet en commission d'avoir la liste des précédentes acquisitions du dernier crédit de 30 millions - nous avons reçu la liste des projets, mais nous aimerions celle des achats définitifs.
2) Nous pensons que ce crédit ne doit pas servir à sauver des opérations hasardeuses ou spéculatives de certains promoteurs. Nous sommes favorables à des acquisitions portant sur des opportunités en matière de prix des terrains, compte tenu de l'état actuel du marché immobilier. Ces acquisitions doivent, en plus, répondre aux besoins, plus particulièrement en matière de logements et d'infrastructures.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Comme vous aurez pu le constater, au fil des dernières années, les montants des demandes de crédit d'emprunt pour acquérir des terrains immobiliers ont considérablement fléchi : on a passé de 50 millions environ, par année, à 35; on en est à 28.
Cependant, c'est un problème difficile parce qu'en réalité, comme vous pouvez le lire dans l'exposé des motifs préparé par le département des travaux publics, aujourd'hui les axes principaux du projet de demande ont trait aux terrains FIPOI, au développement des logements sociaux - pour 9,5 millions - à la mise en valeur de zones de développement industriel - pour 1,5 million - et aux extensions de zones d'équipements publics - pour 8 millions.
Bien entendu - nous en avons toujours convenu ainsi - nous présenterons à la commission des finances la liste des acquisitions réalisées avec le dernier crédit. Cette liste est prête. Nous ne voulons pas la publier telle quelle, pour les raisons que vous connaissez, mais elle sera fournie à la commission des finances où vous pourrez examiner non seulement les acquisitions mais également ce qui a été fait, après qu'on eut acheté les terrains. Par conséquent, tout sera parfaitement transparent.
Cela étant, nous sommes conscients que, dans la situation budgétaire difficile où nous nous trouvons, nous devons limiter ce type de crédits. Néanmoins, il y a une volonté bien claire du Conseil d'Etat et, j'ose l'espérer, de ce parlement de permettre la continuation d'une certaine politique qui doit assurer le développement et l'avenir de Genève. C'est dans cet esprit que nous vous présentons ce projet de loi. Bien entendu, il vous appartient de décider de son futur.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
La présidente. Le point 12 sera traité demain matin à 8 h.
M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Sous forme d'interpellation urgente, il y a quelques instants, M. le député Ecuyer a posé une question, me mettant en cause personnellement, et a interpellé le gouvernement à propos des cadeaux que ses membres recevraient en fin d'année.
Je répète ce que j'ai dit devant la télévision suisse alémanique. Il a été fait allusion à un voyage que j'ai effectué à mi-octobre 1988 - donc un peu plus d'un an avant mon entrée au Conseil d'Etat, le 6 décembre 1989 - qui m'a conduit pour quelques jours en Israël, à l'appel du «Keren Hayessod» et financé par cette organisation.
J'indique ici ce que j'ai confirmé à la presse, il y a quelques jours. En tant que président de la section suisse de la LICRA, j'ai été effectivement invité à passer un court séjour en Israël - c'était pour moi la première fois - à l'invitation de cette grande organisation juive mondiale, dont le but est d'assurer la venue en Israël des citoyens juifs persécutés dans d'autres pays. Une des énormes tâches du «Keren Hayessod», ces dernières années, fut la sortie des juifs d'URSS, comme le fut, par exemple, celle des Falashas d'Ethiopie ou des juifs d'Iraq. Cette organisation, qui a des bureaux un peu partout dans le monde, récolte des fonds, aux fins de financer la venue de ces personnes et leur installation en Israël, en leur permettant de trouver logement et travail.
Je fus donc invité par cette association à l'instar de mes prédécesseurs à la LICRA, personnalités remarquables qui sont engagées, comme moi, dans ce même type de combats et dont vous connaissez, tous, les noms. D'autres personnalités politiques et du monde journalistique ont également été invitées par cette organisation, les années précédentes.
Jusqu'au jour où la télévision suisse allemande m'a présenté, sur le coin d'une table de la salle des Pas-Perdus, la semaine dernière, une photocopie d'un relevé de comtes de 1989, j'ai ignoré les relations comptables pouvant exister entre M. Nissim Gaon et le «Keren Hayessod», lequel a un bureau à Genève, comme il en a dans d'autres villes de Suisse et un peu partout dans le monde. J'ai donc effectué un bref séjour en Israël, à mi-octobre 1988, que j'ai d'ailleurs prolongé à mes frais, avec ma famille et quelques amis, puisque c'étaient les vacances scolaires d'automne. Ce voyage fut, pour moi, très enrichissant.
Je tiens à dire ici, très clairement, qu'un certain nombre d'insinuations qui touchent à votre intégrité peuvent faire mal. Je tiens ici à l'affirmer : je ne suis pas sous influence. Ni mon éducation, ni mon éthique politique ne me permettent de penser ou d'agir, en fonction des présents qui pourraient m'être faits et ainsi me conduire à prendre des positions différentes, dans mes fonctions politiques, de celles allant dans le sens de l'intérêt général. Je vous rappelle que ce qui sépare l'animal de l'homme, c'est la conscience. Pour le gouvernement, il n'est pas question de se faire acheter ou d'être sous l'influence de qui que ce soit. Je n'ai, d'ailleurs, pas du tout l'impression, depuis cinq ans et demi que je suis au Conseil d'Etat, d'avoir trahi ce principe, et mes collègues pas davantage.
Je réponds encore à votre question sur les cadeaux que nous pourrions recevoir en fin d'année. Ceux qui sont sur ces bancs ou qui les ont quittés récemment après douze ans, voire davantage, le savent bien : il est vrai qu'en fin d'année nous recevons, de tous milieux, des bouteilles, du chocolat, des corbeilles de fruits, parfois à nos domiciles privés mais surtout dans nos départements. Il y a des habitudes qui font notamment que, dans mon département - mais je sais que cela se passe également dans d'autres départements - ces cadeaux sont distribués aux personnes travaillant au secrétariat ou alimentent la fête de Noël du département ou des services. Tout ce que nous recevons, dans le style agendas - il y en a parfois de qualité, même si on les a supprimés à l'Etat - et autres petits présents sont distribués dans les services.
Il semble que, de tout temps - j'ai découvert cela lorsque je suis arrivé au Conseil d'Etat - on reçoive des bouteilles, du chocolat et autres. Le plus généralement du monde, ces marchandises sont distribuées à l'intérieur des départements. En tout cas, c'est une pratique courante. Vous comprendrez, dès lors, que nous n'avons pas du tout l'impression d'être achetés.
Voilà ce que j'entendais répondre à votre interpellation, Monsieur Ecuyer. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente est close.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:
Art. 136, lettre c (nouvelle)
Concordats
c) Lorsqu'il s'agit de concordats intercantonaux, le Grand Conseil se prononce sur le contenu dudit concordat avant sa signature et le ratifie ensuite selon la procédure à la lettre b.
Art. 230 A, al. 3 et 4 (nouveaux)
3 Elle est associée à la définition des mandats et des structures intercantonales, elle rapporte à la plénière du Grand Conseil et préavise l'acceptation des budgets et des comptes de ces dernières par le Grand Conseil.
4 Cette commission se réunit dans la mesure du possible avec les commissions d'autres législatifs cantonaux cons-tituées dans le même but.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 17 février 1995, notre Conseil adoptait à l'unanimité une motion de la commission des affaires régionales concernant précisément les structures régionales. Elle invitait le Conseil d'Etat à identifier les projets qui pourraient être développés en commun entre Genevois et Vaudois et d'une manière générale mettait en évidence l'intérêt des parlementaires genevois à développer le dialogue et la collaboration au-delà des frontières cantonales.
A vrai dire, certaines collaborations fonctionnent depuis des années déjà, par exemple entre les hôpitaux universitaires vaudois et genevois, et d'autres sont appelées à prendre une grande importance, comme celles résultant de l'introduction des hautes écoles spécialisées en Suisse. On peut d'ailleurs parier que dans toute une série de secteurs tels que le développement régional, urbain et rural, la protection de l'environnement, l'amélioration des infrastructures et des services offerts aux citoyens, l'entraide en cas de sinistre, des formes nouvelles d'institutions supracantonales vont se développer.
A l'heure actuelle, le processus de coopération entre cantons est entre les mains de l'exécutif. Le parlement n'y est associé qu'incidemment dans la mesure où il lui est demandé d'approuver ou de rejeter en bloc le texte d'un accord intercantonal et si des conséquences financières en découlent sous forme de subvention, d'approuver ou de rejeter le montant total de la participation genevoise figurant dans le budget de l'Etat. Les parlementaires que nous sommes n'ont pas la possibilité d'intervenir pour faire entendre leur sensibilité et peser éventuellement sur les discussions avant la conclusion d'un accord entre différents cantons, ni de jouer leur rôle classique de contrôle et de surveillance à l'égard d'une institution supracantonale. Cette situation présente des inconvénients dont le principal est évidemment le fait qu'il n'existe pas de contrôle politique et démocratique des structures supra-cantonales.
Le présent projet de loi modifie la loi portant règlement du Grand Conseil dans son article 136 de façon à permettre au Grand Conseil de se prononcer sur chacun des articles d'un éventuel concordat intercantonal avant sa signature et prévoit quelques compétences supplémentaires pour la commission des affaires régionales (art. 230 A, al. 3 et 4 nouveaux), la rendant apte à définir les mandats et les structures supracantonales, à préaviser l'acceptation des budgets et des comptes de ces dernières et à travailler avec les commissions, constituées dans le même but, d'autres législatifs cantonaux.
Comme vous pouvez le constater, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet est une première et modeste tentative de faire évoluer les procédures parlementaires en les rendant compatibles avec le développement et l'accélération des projets supracantonaux.
Au bénéfice de ces explications, nous vous remercions d'ores et déjà de bien vouloir l'étudier avec diligence en commission.
Préconsultation
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Vous avez certainement pris connaissance, tout comme moi, d'un arrêté récent du Conseil d'Etat, concernant l'étude d'un réseau hospitalo-universitaire, étude qui serait menée dans le cadre de l'association Vaud-Genève.
Quelques éléments sur le fonctionnement de cette association figurent dans les comptes-rendus. Mais il faut dire que nous ignorons tout ou presque de ses objectifs et de ses projets, même si nous votons chaque année, dans les comptes et dans les budgets, la part cantonale afférente à son fonctionnement. Or, ce type d'institutions supracantonales est appelé à se développer. C'est là la volonté du Conseil d'Etat, mais aussi du Grand Conseil dans son ensemble. Preuve en est la motion de la commission des affaires régionales, que j'ai citée dans l'exposé des motifs, demandant au Conseil d'Etat notamment de favoriser et d'intensifier la collaboration avec le canton de Vaud.
A l'heure actuelle, les compétences du parlement sont strictement limitées aux niveaux local et cantonal et n'ont pas dépassé jusqu'ici la Versoix. Ainsi, lorsqu'un concordat intercantonal doit être adopté par le Grand Conseil, nous ne pouvons que dire oui ou non, en bloc, et nous n'avons aucun moyen de peser sur les conditions de l'accord ou sur son contenu. Ainsi, la surveillance et le contrôle parlementaires ne s'exercent pas sur les institutions supracantonales comme l'Association Vaud-Genève.
Cette situation ne correspond pas à la philosophie des institutions suisses, et plus particulièrement genevoises, où l'on accorde au pouvoir législatif un certain nombre de compétences importantes, notamment d'initiative législative, d'arbitrage et de contrôle, concernant le fonctionnement des organismes cantonaux. Je ne vois pas pourquoi, eu égard au développement des organismes supracantonaux, les institutions démocratiques n'évolueraient pas non plus à ce niveau. C'est la raison pour laquelle nous vous présentons un projet de loi, somme toute, assez modeste, modifiant le règlement du Grand Conseil, qui concerne la ratification des concordats intercantonaux, en accordant au Grand Conseil la possibilité de se prononcer sur le contenu de ces textes avant leur signature.
Nous vous proposons également d'accorder un certain nombre de compétences supplémentaires à la commission des affaires régionales, afin qu'il lui soit possible de participer à la définition des mandats des institutions supracantonales, ainsi qu'à leur contrôle et à leur surveillance.
Mesdames et Messieurs les députés, j'ose penser que vous voudrez bien renvoyer ce projet de loi en commission et l'étudier avec diligence.
M. Michel Halpérin (L). La question soulevée par le projet de loi qui vient d'être présenté n'est pas dépourvue d'intérêt, en ce sens qu'il est vrai que les traités intercantonaux que sont les concordats échappent, en tout cas dans leur détail, à notre pouvoir de cognition, et cela ne peut manquer de nous interpeller, tant il est vrai que les effets de certains de ces concordats peuvent être assez considérables dans nos vies quotidiennes.
Mais il faut bien voir, en y réfléchissant un peu, que les concordats sont à la vie de nos cantons, ce que, par analogie, les traités sont à la vie de la Confédération. Je veux dire qu'il s'agit de textes qui ont été élaborés et adoptés, par définition, en dehors des circuits parlementaires, parce qu'ils sont destinés non pas à constituer des textes de portée interne, mais à portée intercantonale pour les concordats ou internationale pour les traités. Ils sont, par conséquent, soumis à une procédure d'approbation distincte des textes de lois strictement internes. Nous savons tous que, lorsqu'un traité est conclu par la Confédération, il n'est pas soumis à l'examen préliminaire ou parallèle du parlement, mais il est simplement négocié par les administrations compétentes gouvernementales, puis présenté «ficelé» au parlement pour acceptation ou rejet.
Il est vrai qu'on ne voit pas comment les choses pourraient fonctionner autrement, parce qu'on n'imagine pas, en y regardant d'un peu plus près, que les administrations fédérales puissent négocier avec l'étranger, sous le contrôle article par article de l'Assemblée fédérale. De la même manière, on comprend mal comment un canton, par son instance exécutive, pourrait négocier avec un autre canton - voire plusieurs, parce qu'un grand nombre de concordats sont intercantonaux au sens multilatéral du terme - des textes destinés à être adoptés ou rejetés en bloc par l'autorité qui les ratifie, car la négociation deviendrait impossible.
Imaginez que nos négociations législatives, au lieu de se dérouler à cent autour de cette table, se déroulent à cent ici, plus cent dans un canton voisin, plus encore cent autres dans un troisième... La gabegie la plus totale s'instaurerait ! Il est certain qu'on ne remplacerait pas le régime exécutif par un régime d'assemblée, mais, bien plutôt, un régime de traité par un régime qui n'aboutirait plus jamais à rien. C'est l'inefficacité assurée de toute procédure concordataire.
Je voudrais ajouter à cette première remarque, une seconde. L'institution concordataire n'est pas nouvelle, mais elle ne se développe pas d'une manière particulièrement éloquente, ces temps-ci, me semble-t-il. Elle est si peu nouvelle qu'elle est prévue à l'article 99 de notre constitution qui prévoit que notre Grand Conseil doit ratifier les textes, conformément aux dispositions de la Constitution fédérale. Si vous avez la curiosité de vous pencher sur celle-ci, vous verrez qu'une bonne demi-douzaine de dispositions prévoient les conditions dans lesquelles l'Assemblée fédérale ou, selon les cas, le Conseil fédéral approuve à leur tour nos concordats. C'est dire que nous sommes dans un régime d'approbation qui peut ne pas être satisfaisant, vu sous l'angle du détail, mais qui ne peut pas être amendé, sans détruire l'institution elle-même.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne le groupe libéral, l'idée même de prendre en considération ce projet se pose sérieusement, vu que ses effets finiront par être totalement destructeurs de l'institution. Si la majorité de ce Grand Conseil fait le choix de renvoyer le texte en commission pour y réfléchir, nous ne nous y opposerons pas, mais nous pensons que, réellement, nous ne devons pas aboutir, à travers ce travail de commission, à la destruction pure et simple du système concordataire.
Un mot encore sur le deuxième sujet concernant l'article 230 A. Il est probablement utile, comme nous le disait Mme Calmy-Rey tout à l'heure, que nous soyons informés le plus et le mieux possible des travaux en cours. De là, à transformer progressivement notre parlement, dans son ensemble, en une sorte de rassemblement de commissaires qui verraient se déplacer petit à petit la souveraineté parlementaire dans les commissions - c'est un peu la tendance que nous risquons de prendre si, pour nous alléger, nous cherchons à donner plus de compétences autonomes aux commissions - il y a une marge ! Ce serait alors une dérive du système parlementaire à laquelle il faut résister avec fermeté, si nous ne voulons pas que se fragmente et se morcelle cette autorité souveraine dont nous sommes investis par le peuple, collectivement à cent, et non pas pour nos sous-délégations de commission.
Voilà pourquoi je crois que, pour ce deuxième aspect, s'il s'agit d'étendre le droit d'informer, il n'y a pas de problème; mais s'il s'agit de transférer des compétences, qui seraient plutôt celles de notre plénum à une commission, fût-elle celle des affaires régionales, nous nous y opposerons fermement.
M. Gilles Godinat (AdG). La proposition socialiste nous intéresse. En effet, avec la mise en place de l'association Vaud-Genève, nous avons maintenant l'expérience et le recul, concernant certains projets et restructurations sur lesquels il vaut la peine de se pencher.
Les trois restructurations achevées en 1994, soit le service de neurochirurgie unique, la fondation universitaire romande de santé au travail et l'institut universitaire romand d'histoire et de la médecine, sont des exemples d'une politique de concertation régionale mais peuvent avoir des effets qui ne sont pas de l'ordre du détail, Monsieur Halpérin. En supprimant une unité dans un canton, on peut amener des difficultés notamment en matière d'orientation et de recherches, surtout s'il n'y a pas du tout dans ce parlement la possibilité d'en débattre.
Je vais vous donner un exemple plus concret. Il y a actuellement, si j'ai bien lu le texte qui nous a été adressé, cent quatre projets de collaboration pour un montant de 85 millions. On n'est pas dans le détail ! Il s'agit de restructurer la médecine nucléaire, la médecine légale, la pathologie, le domaine des greffes du foie, la médecine sociale et préventive, la pédiatrie, l'orthopédie, la chirurgie plastique et reconstructive. Ce ne sont pas des détails !
Il y a des enjeux concernant la politique de la santé. Or, à mon sens, il me paraît légitime que de tels enjeux soient débattus dans cette enceinte, sinon, ce parlement ne serait qu'une simple chambre d'enregistrement, voire de ratification, des décisions de l'exécutif et d'accords concordataires supracantonaux. Cette politique me paraît dangereuse si l'on n'y trouve pas, à la base, une majorité qui défende effectivement une orientation en matière de concertation régionale. On le voit maintenant avec les débats qui animent la République sur la réorganisation des futures HES.
Si ce parlement ne se donne pas les moyens d'avoir des débats d'orientation générale, alors il y aura, à coup sûr, des réactions afin que la démocratie soit préservée dans ce canton.
M. Bénédict Fontanet. Cette proposition nous paraît partir d'un bon sentiment et d'un constat juste, parce que les institutions supracantonales, les concordats, tendent à prendre dans notre législation, respectivement dans l'organisation des collectivités publiques suisses, de plus en plus d'importance, tout comme d'ailleurs en France voisine, où l'on constate le même phénomène avec ce que l'on appelle les communautés urbaines, qui réglementent l'organisation d'une cité au-delà de ses frontières directes.
Si on peut légitimement s'interroger sur le contrôle démocratique qui doit s'appliquer aux institutions supracantonales ou intercantonales, puisqu'elles échappent très largement à la cognition des autorités fédérales ou cantonales, notamment aux parlements cantonaux, les remèdes qui nous sont proposés dans ce projet de loi sont pires que le mal. L'article 99 de notre constitution genevoise est d'une limpidité sans pareille - comme notre collègue Halpérin nous le rappelait tout à l'heure - puisqu'il n'offre au Grand Conseil que la possibilité d'accepter ou de rejeter les concordats. Il n'en va pas autrement à teneur de cette disposition.
Par ailleurs, dans le cadre de négociations, que ce soit avec les autorités fédérales, cantonales, étrangères ou internationales, c'est le Conseil d'Etat qui a compétence, à teneur des articles 100 et suivants, sauf erreur de ma part, de notre constitution, pour représenter l'Etat de Genève, et ce n'est pas le Grand Conseil qui peut le faire.
Mesdames et Messieurs, nous ne nous opposerons pas au renvoi de ce projet de loi en commission, d'autant que, de toute manière, il s'agit d'une proposition de modification des règlements. Madame Calmy-Rey, je vous vois sourire...! (M. Lescaze interpelle l'orateur.)
Enfin, nous discuterons de cela, Monsieur Lescaze, tout à l'heure, sur les points de procédure, mais, sur le fond, je crois que le problème se pose en matière de contrôle démocratique des institutions intercantonales et de la manière dont les concordats se négocient. Par contre, je conçois très mal que les propositions qui nous sont faites, quant au fond, soient acceptables.
On ne peut pas négocier un concordat intercantonal à cent. On peut encore moins surveiller le fonctionnement d'une institution intercantonale à cent et émettre un certain nombre de réserves. On ne peut pas approuver un concordat quant au contenu, avant même qu'il soit signé par le Conseil d'Etat, dont c'est la compétence. Je crois qu'il faut qu'on en reste au système qui prévaut actuellement, parce que le système proposé par le projet de loi ne me paraît pas réaliste, en termes de sain et satisfaisant fonctionnement des institutions. Par contre, il est vrai qu'en matière d'information et de fonctionnement il serait bon d'être un peu imaginatif et de tâcher de trouver d'autres solutions.
Quant à la forme, nous sommes donc intéressés, s'agissant de la question posée par ce projet de loi; quant au fond, nous sommes très dubitatifs, s'agissant des moyens proposés pour arriver à ses fins et nous sommes convaincus qu'ils ne sont pas conformes à notre constitution, mais nous en débattrons bien volontiers en commission.
M. Bernard Lescaze (R). Il est vrai que ce projet socialiste pose de véritables questions : quel contrôle parlementaire pouvons-nous exercer, notamment sur des structures supracantonales, et jusqu'où peut s'étendre l'influence d'un parlement avant de se prononcer sur l'acceptation ou non d'un concordat ?
Notre loi portant règlement du Grand Conseil, sur laquelle je ferai plus tard une petite passe d'armes avec Me Fontanet, précise bien à l'article 2, lettre f, que ce Grand Conseil a compétence de se prononcer sur les concordats. C'est une compétence claire et nette, à mon avis. Elle ne dit pas que le Grand Conseil doit se prononcer sur l'élaboration du concordat. Pour qu'une démocratie fonctionne convenablement, il s'agit de délimiter strictement les pouvoirs de négociation qui sont ceux de l'exécutif, des pouvoirs de ratification appartenant au législatif.
Si, aujourd'hui, malheureusement, la tendance est à l'affaissement des pouvoirs du législatif, c'est parce que, trop souvent, celui-ci a voulu s'occuper de ce qui ne le regardait pas et n'a pas assez assumé ses propres tâches et ses propres compétences.
Vous voulez, par exemple, élargir les compétences de la commission des affaires régionales, chose louable, en lui proposant d'approuver les budgets de certaines organisations supracantonales. Mais, Madame Calmy-Rey et le groupe socialiste, vous savez parfaitement que la commission des finances, puis ce Grand Conseil, se prononcent sur les budgets et sur les comptes, comme nous allons le faire demain. Pourquoi faudrait-il donner une compétence particulière à une commission spécifique, en plus de celles qu'ont les autres ? De toute façon, la commission des affaires régionales peut poser toutes les questions qu'il lui plaît.
Le docteur Godinat a été, là, très habile en parlant d'un concordat et de projets qui sont particulièrement importants, mais beaucoup de concordats sont purement techniques. Devrons-nous véritablement nous prononcer, avant la signature, puis après, pour ratification, lorsqu'il s'agira de concordat pour fixer l'harmonisation du début de l'année scolaire par exemple ? Il s'agit là de questions purement techniques, concernant un département particulier, et qui, par ailleurs, n'ont pas d'incidence financière.
En réalité, nous voyons bien qu'en raison du problème mentionné dans l'exposé des motifs concernant les hautes écoles spécialisées, en raison des accords possibles entre les facultés de médecine de Genève et de Lausanne, ce qui se développe derrière ce projet de loi socialiste, c'est une méfiance à l'égard du gouvernement.
Il est vrai, comme l'a dit le docteur Godinat, qu'il faut une majorité pour soutenir certains projets. J'ai la faiblesse de croire qu'aujourd'hui il existe une majorité pour soutenir de tels projets menés par le Conseil d'Etat. C'est pourquoi, pour notre part, nous n'accepterons qu'avec la plus extrême réserve et d'une manière purement juridique l'éventuel renvoi à la commission du règlement, parce que nous pensons que ce projet de loi, préparé pour accroître prétendument la compétence du Grand Conseil sur l'élaboration des concordats, n'est en réalité qu'une nouvelle manière de bloquer les projets. Pour notre part, nous refusons ce type de blocage.
Très brièvement, j'aimerais vous dire, Madame la présidente, qu'à mon avis, votre interprétation de l'article 224, chiffre 2, du règlement du Grand Conseil n'est pas tout à fait exacte, car la commission du règlement est chargée d'étudier les objets que ce Grand Conseil décide de lui renvoyer. Ce sont les objets concernant les droits politiques...
La présidente. Ce n'est pas le débat, Monsieur Lescaze, ce Grand Conseil peut faire toutes les propositions qu'il juge utiles.
M. Bernard Lescaze. Madame la présidente, vous voudrez bien, d'une part, me laisser aller jusqu'au bout de mon raisonnement et ne pas m'interrompre, ce qui me paraît pour le moins discourtois ! (Protestations.)
La présidente. D'autre part, Monsieur Bernard Lescaze, ce n'est pas mon interprétation du règlement, c'est une discussion qui a eu lieu au Bureau en présence des chefs de groupe. Si je vous interromps, c'est que vous me prêtez des propos que je n'ai pas tenus.
M. Bernard Lescaze. Madame la présidente, le parlement anglais peut tout faire, sauf changer un homme en femme. (Rires.) Il est possible que votre Bureau et les chefs de groupe puissent décider de passer à côté des articles du règlement. Pour ma part, je pense que mon interprétation tient tout à fait et je vous propose donc, purement et simplement, puisque nous sommes en préconsultation, Madame la présidente, de continuer la délibération, ce qui veut dire que, d'abord, vous mettez aux voix le renvoi en commission, qui sera peut-être accepté; puis, si celui-ci est refusé, à ce moment-là, nous entrerons en discussion immédiate et nous renverrons ce projet.
C'est trop facile de passer par-dessus l'article 224. Je pense qu'une partie de votre Bureau devrait mieux savoir ce qu'est une conjonction de coordination. Je m'arrêterai là parce que je crois qu'une majorité de ce Grand Conseil est favorable au renvoi.
La présidente. Monsieur Bernard Lescaze, nous vous avons déjà donné deux minutes de plus ! Si vous aviez lu votre règlement, vous sauriez qu'il n'intervient aucun vote après le débat de préconsultation. Par contre, vous êtes libre de demander la discussion immédiate et ce Grand Conseil se prononcera en fonction de l'interprétation du règlement. Je vous prierai, à l'avenir, de garder vos remarques pour vous. (Applaudissements.)
M. Bernard Lescaze. Les vôtres aussi, Madame ! Je n'accepte pas... (Chahut.) Madame, ce n'est pas parce que vous occupez cette éminente fonction que vous pouvez traiter les gens comme cela. Non, Madame ! (Protestations.)
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
M. Pierre Vanek (AdG). Avec votre permission, j'attendrai que le brouhaha se calme pour développer les quelques points que j'aimerais faire entendre. (Brouhaha.)
La présidente. Je suis navrée de cet intermède, Monsieur Vanek. Veuillez nous excusez ! Vous avez la parole.
M. Pierre Vanek. Je crois que je suis capable de me faire entendre malgré le brouhaha, mais c'est plus confortable pour tout le monde, si on garde un niveau sonore raisonnable dans cette enceinte.
Ceux qui se tiennent informés, un tant soit peu, ne sont pas sans savoir qu'il y a un projet de dépôt de déchets radioactifs, soi-disant final, au Wellenberg dans le demi-canton de Nidwald, projet sur lequel nos confédérés de ce demi-canton auront à se prononcer lors de la votation du week-end prochain. Ma question au Conseil d'Etat porte sur ce sujet.
Certains cantons ont déjà pris position sur cet objet, notamment le canton de Vaud, en votation populaire, comme il est tenu de le faire en fonction de sa constitution. Pour le canton de Genève, selon l'article 160 C de la constitution, que vous m'avez souvent entendu citer dans cette enceinte, un préavis doit être donné pour des installations nucléaires qui ne répondent pas à certaines conditions de localisation, c'est-à-dire ne se situant pas sur le territoire genevois ou aux environs, par une loi qui serait votée par le Grand Conseil du canton.
Ma question porte là-dessus. J'ai eu la surprise tout récemment de me voir communiquer, avec retard, un extrait d'une publication, je crois que c'est le «Quotidien de la Côte», qui s'était penché sur cette question en raison de la votation du canton de Vaud. C'est une dépêche ATS indiquant : «Olivier Vodoz, président du gouvernement genevois, a indiqué hier, à l'issue de la séance du Conseil d'Etat, qu'un projet de loi serait déposé au Grand Conseil. Il n'en a pas révélé la teneur, mais il a néanmoins communiqué que le gouvernement avait accepté le principe du dépôt du Wellenberg».
Des questions se posent alors. Cette position du Conseil d'Etat date déjà de trois mois et nous n'en avons pas été informés, alors que la presse suisse, puisqu'il s'agit là d'un quotidien vaudois, l'a été. Où est ce projet de loi ? Ce délai n'est-il pas inacceptable ? Voilà déjà trois mois qui ont passé depuis cette votation vaudoise !
J'estime que le fait d'attendre - ce qui sera de facto le cas - que nos confédérés du demi-canton de Nidwald aient à se prononcer là-dessus, avant de le faire nous-mêmes, montre un certain manque de courage politique de la part d'un canton qui, sur ces affaires nucléaires, a eu un débat d'un certain niveau, puisque sa constitution traite de ces objets et qu'il a généralement des positions relativement claires.
J'aimerais savoir où en est ce projet de loi. Y a-t-il eu un préavis informel du Conseil d'Etat sur cette question, qui ne correspondrait, à ce moment, pas aux conditions fixées par notre constitution ? Où en sommes-nous avec cette affaire ?
Y a-t-il lieu, pour le canton de Genève, de donner un préavis sur cette affaire ? A mon avis, oui. D'abord, parce que notre constitution prévoit que le préavis soit donné par une loi votée par le Grand Conseil; ensuite parce que ce dépôt est présenté par ses promoteurs - à tort à mon avis - comme une solution à un problème «national» - nous sommes en plein dans cette nation-là, donc nous sommes concernés - enfin parce qu'une partie de nos déchets finiront dans ce dépôt et qu'on ne peut pas jouer la politique de l'autruche, se fermer les yeux et se désintéresser de cette affaire.
Quelle doit être la teneur de ce préavis ? On a vu que le Conseil d'Etat a pris position publiquement en indiquant qu'il allait donner une teneur positive à ce préavis. A mon avis - vous ne serez pas surpris - je pense que la teneur de ce préavis doit être négative, pour de nombreuses raisons :
1) Par simple cohérence : car je ne crois pas qu'on puisse exclure ce type d'installations, sur notre territoire et aux environs, et accepter qu'elles existent chez les autres. C'est aussi un problème de morale politique, consistant à ne pas faire faire ou accepter qu'on fasse aux autres, ce qu'on ne voudrait pas qu'on nous fasse.
2) Pour des raisons plus spécifiquement techniques, que je ne peux évidemment pas développer pleinement dans les cinq minutes qui me restent. Il y aurait lieu de le faire, à l'occasion d'un projet de loi à ce sujet.
En voici en vrac, quelques-unes :
- Sur le fond, parce que la solution «finale», telle que la présentent les promoteurs de ce projet, n'en est justement pas une. En effet, dépôt «final» signifie que, dans quarante ans, cette installation sera bouchée, déclassée, ne sera plus contrôlable, ni considérée comme une installation nucléaire.
La société ad hoc sera alors dissoute. On ne prévoit pas de marquage à long terme, alors que les déchets nucléaires doivent être gardés et surveillés, en attendant par exemple que de nouveaux modes de traitement ou de gestion soient élaborés à l'avenir. On ne va pas résoudre les problèmes en mettant, aujourd'hui, ces déchets dans un trou, en le rebouchant et en essayant de les oublier.
- Parce que cette «solution» s'inscrit dans une problématique de gestion des déchets radioactifs, qui comporte le retraitement, c'est-à-dire l'extraction du plutonium, ainsi que, en conséquence, la fabrication d'un volume de déchets nettement plus considérable qu'en stockant directement le combustible usagé des centrales nucléaires. Ce procédé permet ensuite aux Français de défendre Superphénix à tort, pour soi-disant «incinérer» le plutonium extrait du combustible usagé des centrales nucléaires.
- Parce que ce projet est lié à un choix, fondé non pas sur la résistance maximale des roches en question, mais bien sur la «résistance politique» minimale. La CEDRA pensait pouvoir faire le coup à cet endroit, alors que, pendant toute une période, le Wellenberg n'était même pas sur la liste des vingt sites favoris. Ce sont des raisons essentiellement politiciennes qui ont conduit au choix de cet emplacement.
- On nous dit aussi que ce dépôt ne concernera que des déchets moyennement ou faiblement radioactifs. La CEDRA l'a reconnu : le tri effectif de la nature des déchets qui seront entreposés dans ce dépôt n'est pas encore résolu de manière satisfaisante.
- Parce que le stockage sur le site même des centrales nucléaires est probablement aujourd'hui la solution provisoire la meilleure, qui n'implique pas de multiplication des installations nucléaires, qui limite le transport, qui garantit l'inspection à tout moment et permet d'élaborer d'autres solutions ultérieures.
- Parce qu'il n'y a pas lieu d'avoir confiance en la CEDRA qui est une coopérative de l'industrie nucléaire elle-même. Elle est juge et partie sur ces objets. Ce sont les mêmes milieux, par exemple, qui ne voyaient aucun problème à balancer des fûts de déchets radioactifs à la mer. Je rappelle que, dans ce domaine, la Suisse fait partie des «champions», puisque, de 1971 à 1982, on a balancé six mille sept cents fûts de déchets radioactifs helvétiques à la mer, qui auraient dû résister à la corrosion pendant mille ans au moins, mais qui se sont perforés après quelques années.
- Parce que, également, l'urgence de résoudre soi-disant ce problème est surtout d'ordre politique, puisqu'elle est dictée par la fin du moratoire. Les promoteurs du nucléaire veulent pouvoir arriver à l'échéance du moratoire nucléaire, en disant : «nous avons une solution». De toute façon, cette urgence est déjà dépassée puisqu'en 1975 le gouvernement fédéral fixait 1985 comme échéance pour régler le problème de l'entreposage définitif et sûr des déchets nucléaires, sans quoi on devait arrêter nos réacteurs. On constate que l'année 1985 a passé depuis belle lurette, sans que ce problème ne soit résolu.
- Parce que les évaluations et les modèles géologiques qu'on nous présente n'ont pas la garantie de certitude qu'on leur prête. On prétend que les barrières naturelles, les roches, sont sûres à 100% sur de longues durées. Or, il s'agit de volumes considérables dans une zone soumise à tremblements de terre. On ne peut donc pas garantir leur résistance, pas plus que celle des barrières «techniques» - fûts, etc - qu'on mettra entre ces déchets radioactifs et la biosphère.
Parce que - je vais conclure parce que je crois que j'arrive au bout de mon temps de parole - on doit coupler la solution au problème des déchets au fait de cesser effectivement d'en produire toujours davantage. Du point de vue genevois, il y a aussi une logique à respecter, puisqu'on s'engage dans une réflexion sur la possibilité de se passer du courant nucléaire. Nous avons déjà évité à ce pays un certain nombre de tonnes de déchets nucléaires grâce à notre refus de la centrale de Verbois, ce qui justifierait qu'on s'oppose à ce dépôt.
Je dirais aussi et c'est un problème qui mérite d'être cité...
La présidente. Monsieur Vanek, je suis toujours très indulgente avec le temps, mais vous devez conclure.
M. Pierre Vanek. Je conclus ! J'en suis à quatre lignes de la fin !
C'est un problème aussi de démocratie. On pourrait compenser ainsi en partie les distorsions inadmissibles de ce vote, qui aura lieu à Nidwald, par une position claire du canton. Des autorités et des notabilités communales et cantonales ont été, en effet, «achetées» par des offres qui se chiffrent en millions de la part de la CEDRA, pour obtenir leur acquiescement à ce dépôt de déchets radioactifs.
Ma question finale, vous l'aurez compris, est : que fait-on pour que ce canton vote rapidement une loi qui s'oppose à ce dépôt de déchets radioactifs au Wellenberg ?
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. J'ai écouté votre collègue, M. Vanek, avec attention, lorsqu'il saisit l'occasion de cette interpellation pour donner son avis concernant la manière de stocker des déchets comme ceux qui seraient déposés sur le site de Wellenberg.
Monsieur Vanek, vous avez dit, dans un premier temps, qu'il ne fallait pas exporter de telles nuisances et, par conséquent, ne pas s'imaginer pouvoir agir dans ce sens et se satisfaire de la suggestion présentée aujourd'hui. Puis, dans un deuxième temps, vous avez déclaré que le meilleur endroit pour stocker ce type de déchets était l'espace ceinturant les centrales nucléaires.
Compte tenu de notre constitution, nous n'avons pas de centrale nucléaire et sommes même appelés à lutter contre toutes celles qui pourraient se trouver près de Genève.
C'est dire, Monsieur Vanek, que vous avez bel et bien décidé d'envoyer les déchets chez les autres, puisque nous sommes «condamnés» à recourir à une consommation nucléaire pour faire face à nos besoins. C'est la situation présente que nous connaissons.
Je trouve donc votre position pour le moins ambiguë.
Pour le reste, je vous rappelle, Monsieur Vanek, que si le Conseil d'Etat répond négativement, nul besoin d'appeler de vos voeux un projet de loi. En effet, selon la constitution, il ne peut y en avoir en cas de préavis négatif. Par contre, si le Conseil d'Etat devait répondre affirmativement à ce projet, il aurait alors le devoir de saisir votre Grand Conseil et de lui soumettre un projet de loi.
Je vous assure, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes dans les délais. Vous serez informés de la position définitive que prendra le Conseil d'Etat, dans un sens ou dans l'autre, sur la base de ce que je viens de rappeler. La voix de Genève se fera entendre dans ce cadre légal.
M. Pierre Vanek (AdG). Vous tenez un raisonnement de sophiste quand vous dites que j'ai préconisé de transmettre aux autres la charge des déchets radioactifs, en les laissant sur les sites où ils se trouvent.
Il est question, en fait, de construire une nouvelle installation nucléaire dans le canton de Nidwald, ce qui soulève une forte opposition. En conséquence, l'on ne peut, à la fois, dire que l'on s'oppose à une telle installation chez nous et l'encourager chez les autres.
Il est clair que ces déchets radioactifs nous posent un problème à long terme. Nous devrons le gérer et prendre nos responsabilités. La solution que j'ai proposée est donc la moins mauvaise, pour la bonne raison qu'il n'y en a pas d'autre qui soit meilleure. C'est pourquoi je m'y suis référé.
Par ailleurs, M. Haegi dit qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir un projet de loi en cas de préavis négatif du Conseil d'Etat. Je ne comprends pas son interprétation de l'article de la constitution. L'alinéa 5 de l'article 160 C dit ceci : «Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques - vous connaissez la suite - à l'installation de centrales nucléaires, etc., dans le canton et au voisinage de celui-ci. Pour les installations ne répondant pas à ces conditions de localisation, le préavis du canton est donné - positif ou négatif - par le Grand Conseil sous forme de loi». Je n'ai donc vraiment pas compris votre argumentation juridique en référence à cet article constitutionnel. Je ne suis pas juriste, mais l'article me semble rédigé avec clarté. A mon avis, un projet de loi, demandant un préavis négatif, doit être déposé. Cela est tout à fait clair.
Je réitère ma demande d'explication sur ce délai. Le Conseil d'Etat ayant, paraît-il, pris position au mois de mars sur ledit objet, je trouve peu courageux de sa part d'avoir attendu trois mois sans rien faire, alors que le débat national se développe et que le sens d'un préavis négatif serait de donner un coup de pouce aux opposants à ce projet. Par cette manoeuvre, vous retirez une grande partie l'efficacité et du sens politique d'un tel préavis négatif, en laissant passer la date du vote à Nidwald.
Je trouve cela dommage. L'on peut exprimer des avis divergents, mais je déplore que l'on soit parvenu à ce résultat au moyen d'une manoeuvre dilatoire, en jouant sur un délai. Je le regrette pour le Conseil d'Etat et pour vous, Monsieur Haegi.
Cette interpellation est close.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je rappelle à Mme Häusermann que la répartition des tâches, lors de votations pour les élections, est la suivante :
L'organisation de l'ensemble des votations/élections est du ressort du département de l'intérieur. La responsabilité de celui-ci est également engagée lors des résultats, sauf pour les dépouillements informatisés et centralisés.
Votre référence, qui est celle du 2 avril, concerne un dépouillement informatisé et centralisé géré par la Chancellerie.
Madame, j'ai pris connaissance de votre déclaration. Je verrai les précautions à prendre pour retrouver le papier qui ne serait pas récupéré. Je sais que la Ville de Genève avait demandé les résultats détaillés après que l'élection eut lieu. Vous m'avez dit que certaines communes les avaient demandés, mais ne les avaient pas obtenus.
Dès demain, je contacterai la chancellerie afin de vous fournir des renseignements qui ne concernent pas directement mon département.
Puisque j'ai la parole à ce sujet, j'en profite pour vous signaler qu'aujourd'hui, à midi, cinquante-cinq mille personnes avaient déjà voté par correspondance. Ce point de repère nous permet d'ores et déjà d'assurer que la participation sera forte, même si la fréquentation des locaux de vote devait faiblir.
C'est dire que les résultats ne pourront être donnés avant 16 h, dimanche. Ce sera vraisemblablement aux environs de 17 h que les renseignements seront transmis à la chancellerie. Nous les communiquerons au fur et à mesure que nous en aurons connaissance.
Cette interpellation urgente est close.
La présidente. Monsieur Ramseyer étant absent pour une raison officielle, nous passons au département des travaux publics et de l'énergie.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 22 juin 1989, est modifiée comme suit:
Art. 6, al. 6 (nouvelle teneur)
Conditions d'octroi de la dérogation
6 Sauf en cas de travaux rendus obligatoires par des normes édictées dans un but de protection de l'environnement ou dans un but analogue et en cas de travaux destinés à engendrer des économies de consommation d'énergie, une dérogation n'est accordée en vertu des alinéas 1 à 4 que si des logements reconstruits, transformés ou créés répondent quant à leur genre, leur loyer ou leur prix aux besoins prépondérants de la population. Le département tient toutefois compte, dans son appréciation, du genre de logements existant avant leur transformation et du prix de revient de logements nouvellement créés notamment dans les combles ou à l'occasion d'une surélévation d'immeuble.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les économies d'énergie sont à l'ordre du jour. A l'avenir, elles seront une nécessité. De même, les atteintes permanentes de la pollution de l'air et des eaux ou les nuisances sonores provoquent troubles et maladies. Sans avoir la prétention de constituer un remède miracle, le présent projet de loi a pour but essentiel d'inciter encore plus les propriétaires d'immeubles à engager des travaux propres à économiser l'énergie et/ou à améliorer le confort des logements sous l'angle des contraintes légales ou réglementaires, notamment en matière de protection de l'environnement (loi fédérale sur la protection de l'environnement, ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, ordonnance fédérale sur la protection de l'air, loi genevoise sur les constructions et les installations diverses et son règlement d'application, loi fédérale sur l'énergie, etc.).
La récente consultation fédérale sur les avant-projets de lois sur l'énergie et la taxe CO2 a mis en évidence certains moyens d'actions possibles dans le but d'une utilisation rationnelle de l'énergie. Toutefois, l'absence d'incitation à entreprendre les mesures proposées les rendent pour la plupart inopérantes. C'est pourquoi une large partie des organismes consultés, notamment les milieux de la construction, ont rejeté ces projets de lois.
Nous proposons que les travaux suivants, notamment, soient concernés par le présent projet de loi:
- isolation périphérique;
- récupération de chaleur des installations de ventilation;
- fenêtres et portes extérieures (vitrages, joints);
- capteurs solaires (préchauffage de l'eau sanitaire, cellules photovoltaïques).
Cette énumération n'est pas exhaustive. Le remplacement de certains équipements d'exploitation de l'immeuble tels que chaudière, système de distribution de chaleur et d'eau chaude, moteurs de ventilation, etc., ne doivent pas non plus être soumis à des conditions limitatives.
Dans un certain nombre de bâtiments, notamment ceux situés en zones 1 et 2, certaines mesures d'économie d'énergie et la mise en conformité du bâtiment aux normes légales ou réglementaires peuvent poser des problèmes d'application, soit pour des raisons architecturales ou urbanistiques, soit pour des raisons techniques, voire financières. En revanche, dans d'autres situations, et nous pensons en particulier aux bâtiments construits après 1945, où quelques opérations d'assainissement ont déjà été entreprises (Onex, Meyrin, Carouge), il y aurait lieu d'encourager sérieusement de futures rénovations en donnant aux propriétaires, qui sont bien souvent des caisses de pension, les moyens d'exécuter une rénovation cohérente et complète. Actuellement les investisseurs butent sur un loyer maximum correspondant aux besoins prépondérants de la population. Le résultat de cette réglementation est de limiter au strict minimum l'intervention, quitte à la renouveler 10, 15 ou 20 ans après.
Un cas nous a été rapporté qui confirme cette pratique: le service de l'habitat du département des travaux publics et de l'énergie a demandé, lors de l'étude d'un dossier soumis à la LDTR, la justification, sous l'aspect de l'IDC (indice de dépense de chaleur), des mesures d'économies d'énergie prises, afin de limiter le montant total des travaux au strict nécessaire (atteindre les 600 MJ/m2/an) et par là même d'empêcher une diminution optimale de la consommation d'énergie.
Le principal bénéficiaire des mesures d'économie d'énergie est le locataire, par l'abaissement des charges de chauffage et d'eau chaude. Cela n'incite aucunement le propriétaire à investir dans ce type de travaux, si ce n'est, pour partie d'entre eux, dans le but de maintenir la valeur patrimoniale de leur bien. Il faut donc, pour inciter le propriétaire à entreprendre les travaux, lui permettre d'adapter les loyers en fonction d'un rendement normal de son investissement.
Une amélioration de l'exonération fiscale pour ce type d'investissement pourrait être étudiée, soit de manière complémentaire, soit subsidiaire. Toutefois, la mise à contribution de l'Etat en cette période n'est certainement pas la meilleure solution.
Analysé sous l'aspect de l'intérêt général, selon l'article 6, alinéa 1, et sans vouloir donner à ce projet de loi plus de valeur qu'il n'en a réellement, celui-ci vise à réduire les rejets de CO2 dans l'atmosphère, à améliorer et à encourager le confort des logements et le bien-être des occupants, d'où peut-être une diminution de la consommation médicale et pharmaceutique.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, du bon accueil que vous réserverez à ce projet de loi.
Préconsultation
M. Florian Barro (L). Le projet de loi que nous présentons aujourd'hui induit des répercussions sur les loyers, et je ne doute pas que certains s'en sont aperçus. Il n'en demeure pas moins qu'il prend pour appuis principaux les économies d'énergie dans le bâtiment et la récente consultation fédérale sur les avant-projets de lois sur l'énergie et la taxe CO2.
Si l'ensemble de cette assemblée s'accorde à dire que les économies d'énergie doivent être une préoccupation de tous les instants, il subsiste parfois des ambiguïtés quant aux moyens de les concrétiser.
Ainsi le principe du pollueur payeur doit être plus largement appliqué. Souvenez-vous simplement de l'introduction du catalyseur sur les voitures, il y a dix ans. A ce jour, en raison de la disposition légale et de l'uniformisation des marchés internationaux, cette contrainte est entrée dans les moeurs.
Dans cet esprit, le projet de loi proposé ce soir reprend, sur le fond, le même principe. Seul un engagement volontariste en faveur des économies d'énergie concourra à l'amélioration des conditions de vie. Cette mesure incitative devrait rencontrer l'approbation de la majorité de cette enceinte, puisqu'elle permettrait d'encourager la rénovation - d'où un potentiel de travail pour les milieux de la construction - de diminuer les émissions polluantes en apportant une réponse partielle aux rejets du CO2 et du SO2, et d'utiliser des ressources techniques optimales en matière de construction, soit une amorce de réponse au volet «bâtiment» du projet fédéral sur l'énergie.
Il est également reconnu que la surisolation et l'étanchement peuvent provoquer des problèmes de comportement des bâtiments. C'est volontiers que nous les aborderons en commission.
En ce qui concerne les dispositions fiscales, notamment les aides ou les exonérations, un certain nombre d'aménagements ont déjà été prévus aux niveaux fédéral et cantonal. Elles pourraient être utilisées, soit par subsidiarité, soit par complémentarité à ce projet de loi. Les incidences de ces dispositions pourront également être étudiées en commission.
S'il est vrai que les investissements, en matière d'économies d'énergie, sont souvent disproportionnés par rapport aux résultats, notamment en raison du prix relativement bas de l'énergie, il n'en demeure pas moins qu'il faut continuer à les encourager. Dans un récent article du «Nouveau Quotidien», M. Longet relève la nécessité, à l'instar de certains partis de ce Grand Conseil, de taxer les énergies fossiles dans le but d'en freiner la consommation, engendrant une augmentation des charges de chauffage et d'exploitation pour les utilisateurs.
Notre projet propose le contraire : économiser l'énergie avant de la dépenser.
M. David Hiler (Ve). Notre groupe a étudié avec intérêt ce projet proposé, notamment, par l'un des nôtres.
Toute la difficulté, et il vaudra la peine d'en discuter longuement en commission, réside, en l'occurrence, dans l'application du principe du pollueur payeur, lequel est le nôtre depuis toujours et auquel nous resterons, évidemment, fidèles.
En effet, la formulation actuelle du projet de loi suscite des remarques, notamment de la part du Rassemblement pour une politique sociale du logement, politique à laquelle nous participons depuis plusieurs années.
Jusqu'à quel point peut-on utiliser l'alibi écologique pour briser la LDTR ? Je pense que cette question nécessite une sérieuse étude en commission, d'une part, et que les deux préoccupations doivent être prises en compte, de l'autre. C'est ma position et celle de la majorité du groupe écologiste.
Il faut donc, dans la mesure du possible, tenter de sortir de l'examen en commission avec un projet qui respecte le principe du pollueur payeur, mais tout en ayant la garantie qu'une telle loi, ainsi modifiée, ne puisse pas faire l'objet d'une application laxiste. A ce sujet, nous avons déjà noté divers procédés pour apporter des amendements au projet, mais nous pensons que celui-ci, même sous une forme jugée imparfaite par la majorité de notre groupe, est intéressant et vaut la peine d'être discuté. Il permettra très certainement de cumuler deux objectifs qui, dans notre esprit, méritent d'être pris en considération.
M. Laurent Moutinot (S). Les projets de lois déposés jusqu'à présent pour modifier la LDTR visaient essentiellement un point particulier et des aspects qui, sans être négligeables, étaient souvent secondaires.
Le projet 7253 constitue, malgré les précautions oratoires de MM. Barro et Hiler, une attaque frontale de la LDTR et de son principe même. Il va de soi que les milieux de défense des locataires auront une réplique proportionnée à l'intensité de cette attaque.
Vous savez que le mécanisme actuel veut que les logements reconstruits, transformés ou créés répondent, quant à leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population.
Le projet qui nous est soumis entend soustraire de cette protection légale les travaux entrepris dans le but de respecter des normes en matière de protection de l'environnement ou dans le but d'économiser l'énergie. Ces buts sont évidemment louables, mais la difficulté surgit quand on lit l'exposé des motifs : on constate que pratiquement tous les travaux possibles et imaginables n'ont, en définitive, pour but que de protéger l'environnement et de réaliser des économies d'énergie.
Façades, enveloppes extérieures, vitrages, jointoyages, chauffage, eau chaude, ventilation, relèvent de travaux qui seraient soustraits, selon les auteurs du projet, à la protection de la LDTR. Ne serait donc plus soumise à la LDTR que la couleur des catelles dans les salles de bain !
A partir de là, il est évident qu'il ne reste rien de la LDTR. Nul ne peut le contester !
Nous avons été surpris qu'un tel projet, malgré son soi-disant aspect écologique, ait reçu le soutien de l'un des membres du groupe des «Verts». En revanche, nous comprenons mieux le discours de M. Hiler et le choix que désire faire le groupe écologiste pour aller le plus loin possible dans la protection de l'environnement. Nous sommes d'accord, mais pas au prix du démantèlement des lois protégeant les locataires.
Nous sommes disposés à trouver une formule qui évite d'opposer écologie et économie, qui évite d'opposer écologie et protection des locataires. Ce sera une tâche difficile. Il faudra donc, en commission, travailler sur des bases notablement différentes de celles du projet qui nous est actuellement soumis.
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Laurent Moutinot a parlé, à juste titre, d'attaque frontale des locataires, d'alibi, et ces mots sont encore faibles par rapport à ce qui se dessine derrière ce projet de loi.
A plusieurs reprises, Mesdames et Messieurs de l'Entente, vous avez affirmé votre volonté, soi-disant, de ne pas remettre en cause cette LDTR. Mais successivement, par des projets qui, apparemment, peuvent sembler anodins, vous revenez à la charge. Il suffit d'écouter M. Barro. D'après lui, ce projet de loi ne servirait à rien, sinon à permettre une sorte de toilettage et à inciter les propriétaires à poursuivre l'objectif noble et louable qu'est l'écologie. Je vois que M. Barro se transforme lui-même en écologiste quand c'est nécessaire.
Monsieur Barro, vous le savez, la population est majoritairement locataire à Genève. Elle s'est exprimée à plusieurs reprises, notamment en 1986, pour une politique, en matière d'énergie, qui respecte l'environnement et qui respecte également la conservation de l'énergie.
Aujourd'hui, sous prétexte de ce que les auteurs appellent, dans l'exposé des motifs, des «contraintes légales en matière de protection de l'environnement» - car, en fait, on déplore ces «contraintes légales» voulues par la population, et vous aussi, Monsieur Nissim, qui pourtant les souhaitiez, sinon votre parti - que dit-on aujourd'hui à la population des locataires : puisque vous avez voulu ces «contraintes légales», alors payez-les !
Voilà la portée réelle de ce projet de loi, comme l'a rappelé Laurent Moutinot.
Il va de soi que toutes les mesures visant à éviter le gaspillage de l'énergie et à respecter l'environnement doivent être soutenues. Il est inutile de souligner qu'il s'agit là de mesures socialement utiles.
Cependant, la solidarité au niveau du coût de ces mesures, ne doit pas retomber uniquement sur le dos des locataires, comme vous le proposez dans votre projet de loi qui ne vise, en définitive, qu'un but, celui d'affaiblir la LDTR. Et il est regrettable que M. Nissim participe à ces manoeuvres. Aussi, je vous dirais, Monsieur Nissim, que vous ne vous êtes pas rendu compte de la portée réelle de ce projet de loi. Malgré les précautions oratoires de M. Hiler, je crois que vous n'avez pas compris les conséquences réelles de ce projet de loi pour les locataires et je vous dirais... (Protestation de M. Nissim.) ...de ne pas hésiter, la prochaine fois, à consulter les milieux des locataires. Je vous assure qu'ils n'hésiteront pas à éclairer votre lanterne.
Il est donc important... (Brouhaha.) ...et vos réactions le démontrent, de voir que la portée réelle et dissimulée de ce projet de loi, c'est de permettre que M. Joye ne délivre plus des autorisations en violation flagrante de la LDTR, ce qui est déjà le cas aujourd'hui, mais qu'il puisse le faire, en s'appuyant sur un texte qui lui fournisse un alibi, ce qui fera que les loyers, après travaux, seront beaucoup plus élevés qu'actuellement.
Ce projet de loi est une provocation, ni plus, ni moins, pour les locataires. Nous aurons l'énergie nécessaire pour y faire face, soyez-en certains !
M. Hervé Dessimoz (R). Après de longs mois de concertation et de négociation, ce parlement votait, le 11 juin 1993, une importante modification de la LDTR portant sur la détermination d'un rendement garanti pour les fonds investis dans les opérations de rénovation et de transformation des immeubles à Genève.
Cette modification n'était pas une bricole, Monsieur Moutinot, elle était fondamentale. Il ne s'agissait pas de cosmétique, comme vous venez de le dire. Nous avons fait des choses fondamentales en matière de modification de la LDTR.
Le but premier de cette modification était d'encourager les investissements dans ce secteur, d'une part, pour sauver le patrimoine et, d'autre part, pour aider le secteur de la construction durement touché par la crise.
Je cite ici le rapport de M. Lachat : «Cette législation doit permettre et favoriser l'entretien et la rénovation réguliers des maisons d'habitation. Elle ne doit pas décourager les constructeurs qui doivent pouvoir rentabiliser équitablement les capitaux qu'ils investissent dans les transformations et les rénovations. Le secteur de la construction, aujourd'hui en crise et en proie au chômage, doit être encouragé à investir dans de tels travaux. Les propriétaires concernés doivent, avant de se lancer dans de telles opérations, pouvoir supputer sans trop de difficulté leurs chances d'obtenir une autorisation du département des travaux publics». Voilà, Monsieur Moutinot, ce qui est fondamental !
J'en viens, maintenant, au projet de loi 7253. La loi que nous avions votée à l'époque n'a pas apporté tous les résultats escomptés. Des propriétaires et des investisseurs demeurent réticents, face à la lourdeur de la LDTR. Il faut donc l'humaniser et, pour ce faire, affirmer qu'elle peut évoluer, notamment avec les valeurs du moment. C'est l'orientation que nous avons suivie en vous proposant le projet 7253 et je tiens à remercier M. Nissim d'avoir accepté d'entrer en matière dans une saine concertation et non pas dans une simple confrontation.
Je ne reviendrai pas sur le fond du projet de loi, puisque M. Barro l'a longuement expliqué.
Le secteur de la construction, qui pouvait espérer une réelle reprise, se trouve à nouveau confronté à une sévère dépression. Les chiffres donnés pas la FMB annoncent une véritable hécatombe parmi les entreprises, pour la fin de cette année. Je parle de faillites et d'un chômage en recrudescence.
Il faut donc relancer la concertation qui avait prévalu lors de l'adoption du projet de loi 6803, et le débat qui va s'engager sur le projet 7253 aura valeur de test.
Je suis donc pour le renvoi de ce projet de loi en commission, mais je voudrais quand même répondre à M. Ferrazino et aux opposants au projet, qui prétextent d'une atteinte inqualifiable aux droits des locataires. Dans la plupart des débats, vous vous prévalez d'être les seuls défenseurs des locataires et des travailleurs. Pourtant ce soir, avec vos discours, vous réalisez l'exploit de confronter les travailleurs aux locataires, et cela uniquement pour la défense de votre dérive doctrinaire.
M. Jean Opériol (PDC). Je ne répéterai pas ce que M. Dessimoz vient d'exposer. C'est exactement ce qui a inspiré les travaux des initiants de ce projet de loi.
J'aurais cependant le plaisir de noter un détail. Dans les interventions de MM. Hiler, Moutinot et Ferrazino, je n'ai pas entendu, ne serait-ce qu'une seule fois, le mot de chômeur. De même, je n'ai relevé aucune allusion au marasme dans le bâtiment. Vous pensez que nous menons une attaque frontale contre les milieux des locataires et c'est absolument faux ! En revanche et sans hésitation aucune, je peux vous affirmer que, par ce type de projet de loi, nous entendons mener une attaque frontale délibérée contre le chômage et le marasme dans les milieux du bâtiment.
Vous protégez les locataires qui n'ont pas besoin de l'être, puisque leurs charges de chauffage diminueront grâce à ce projet de loi, et nous, nous défendons les chômeurs.
M. Philippe Joye. Au vu des prises de positions nuancées, voire divergentes et des angles d'attaque très variés, vous aurez compris que ce projet de loi touche aux intérêts des milieux de la construction, dont M. Dessimoz vient de parler avec éloquence et vérité, mais touche aussi aux intérêt des milieux de l'environnement et des locataires.
Il faut éviter d'opposer l'écologie à l'économie, comme l'a dit M. le député Moutinot. Aussi, je me dois de vous faire une communication, afin que vous compreniez la situation dans laquelle je me trouve.
Je viens de remettre au Conseil d'Etat un projet de refonte complète de la LDTR qui sera discuté au début de l'automne. Il me semble, dès lors, qu'il n'est pas opportun d'examiner isolément le présent projet avant de connaître l'objet principal de la refonte de la LDTR.
Comme l'a dit M. le député Moutinot, on a procédé, jusqu'à présent, à des petites révision de la LDTR. Mais elles étaient toujours importantes, quoi qu'en dise M. Moutinot. Nous avons réétudié le problème dans son ensemble, en respectant le principe de la LDTR qui est de conserver des prix de location bas dans le parc immobilier. C'est là que se situe le noeud du problème.
On peut, bien sûr, inscrire dans la loi tout ce qui nous permettrait de nous écarter de la notion du besoin prépondérant de la population ou de donner à cette notion une interprétation extensive. Mais ce serait parfaitement illusoire et nous courrions à un échec garanti.
Un autre problème se pose : c'est celui des intérêts publics concurrents. Nous avons prévu de tenir compte de plusieurs éléments dans cette révision : par exemple, des exigences liées à la conservation du patrimoine déjà mentionnées et que nous avons quelque peu retraitées. Mais il faut dire que le patrimoine ne représente qu'une faible proportion des immeubles soumis à la LDTR.
En revanche, les exigences, liées à la protection de l'environnement ou aux travaux destinés à engendrer une économie de consommation d'énergie, concernent la totalité du parc immobilier soumis à la LDTR, et nous n'aurons aucune possibilité de restreindre la part obligatoire de ces exigences. A mon sens, son coût devra être admis sans discussion dans l'analyse de la LDTR.
Par contre, nous devrions garder la possibilité de considérer avec un oeil plus critique, selon les situations et les besoins, certains travaux qui ne sont pas forcément imposés, par exemple la prescription du double équipement gaz/électricité dans les cuisines, ou des prestations remises en cause par l'office cantonal de l'énergie, tel le décompte individuel de chauffage qui a vécu et démontré qu'il n'était guère plus précis que le décompte établi selon un modèle plus classique et plus simple. Il s'agit ici d'une prise de position qui ne touche pas cette loi, mais l'on ne peut pas considérer comme justifiés tous travaux qui répondraient aux souhaits les plus extrêmes des milieux se préoccupant de questions écologiques.
Je précise - et je m'en tiendrai là, car je ne voudrais pas m'immiscer dans les discussions de commission - qu'un article de la LDTR stipule que : «Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population. Il tient notamment compte dans son appréciation des divers éléments - le genre, la typologie, le prix de revient, le lieu de situation, la surface des pièces, les exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine». On pourrait ajouter audit article un paragraphe qui énoncerait que le département tient compte des exigences liées au respect du droit fédéral de l'environnement ou permettant d'engendrer des économies substantielles de consommation d'énergie.
Même si nous ne respections que cet aspect des soucis louables des écologistes, je dois relever, à nouveau, qu'atteindre tous les intérêts publics simultanément est un exploit fort difficile à réaliser. A un moment ou à un autre, il faut trancher, et c'est le rôle du département. Quand nous le faisons, contrairement à ce que pense M. Moutinot, c'est pour pondérer les intérêts divers en cause et non pas pour contourner la loi.
Aussi, comment imaginer que des logements parfaitement isolés, dont toutes les caractéristiques dignes d'intérêt ont été sauvegardées, qui sont accessibles aux personnes handicapées, qui sont confortables, restent, par ailleurs, bon marché ? C'est là que réside le fond du problème et nous pourrons en discuter en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission du logement.
La séance est levée à 19 h 5.