Séance du vendredi 9 juin 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 8e session - 28e séance

No 28

Vendredi 9 juin 1995,

soir

Présidence :

Mme Françoise Saudan,présidente

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi, Philippe Joye, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. René Ecuyer, Nelly Guichard, David Hiler, Pierre Marti, Alain-Dominique Mauris et Philippe Schaller, députés.

3. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.

La présidente. Nous portons à votre connaissance la communication suivante : vous devez prendre possession, sur la table de la salle des Pas-Perdus, d'une invitation personnelle à la cérémonie d'ouverture du cinquantième anniversaire de l'ONU.

4. Correspondance.

La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :

C 294
En date du 7 juin 1995, le Parlement du Jura nous transmet la Résolution qu'il a adoptée, intitulée "Soutien à l'initiative populaire fédérale Oui à l'Europe" et accuse réception de la nôtre (R 287) sur le même objet. ( )C294

Il en est pris acte.

Par ailleurs, la pétition suivante est parvenue à la présidence :

P 1075
concernant le canon noué de la paix "Frieden". ( )P1075

Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.

5. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

PL 7249
6. Projet de loi du Conseil d'Etat portant désaffectation du domaine public d'une parcelle de 980 m2 située entre le chemin des Genêts et la rue Maurice-Braillard. ( )PL7249

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 11 de la loi sur le domaine public, du 24 juin 1961,

Décrète ce qui suit:

Article unique

La parcelle iA Dp communal de 980 m2, située entre le chemin des Genêts et la rue Maurice-Braillard, feuille 64, commune de Genève, section Petit-Saconnex, telle qu'illustrée par le tableau de mutation TM 106/1986, établi par M. R. Hochuli, ingénieur géomètre officiel, le 5 août 1986, est distraite du domaine public de la Ville de Genève.

  

EXPOSÉ DES MOTIFS

En date du 30 juillet 1986, le Conseil d'Etat a adopté un plan d'aménagement au sens de l'article 3 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957, pour le quartier des Genêts, situé entre la rue du Vidollet, l'avenue Giuseppe-Motta et le chemin des Genêts, feuille 64, commune de Genève, section Petit-Saconnex.

Ce plan projette la construction de six bâtiments destinés essentiellement au logement. La Pensionskasse Asea Brown Boveri, après avoir acquis l'ensemble du périmètre, a réalisé cet aménagement en deux étapes.

La deuxième étape représente la construction de quatre immeubles locatifs avec garages souterrains, soit 122 logements dont un tiers à caractère social (HLM). Les autorisations de construire y relatives, nos 90846, 90847, 90848 et 90849, ont été délivrées par le département des travaux publics, le 19 août 1992. Les travaux, commencés en octobre 1992, sont aujourd'hui terminés et le propriétaire a reçu un permis d'habiter provisoire relatif aux autorisations de construire nos 90847 et 90848 le 8 février 1995 et un autre relatif aux autorisations de construire nos 90846 et 90849 le 26 avril 1995.

Sur le plan foncier, la Pensionskasse Asea Brown Boveri doit encore acquérir une parcelle de 980 m2 actuellement immatriculée au domaine public de la Ville de Genève et correspondant à l'assiette d'un ancien chemin reliant la rue Maurice-Braillard au chemin des Genêts. Ce cheminement ayant été supprimé dans le cadre du plan d'aménagement précité, la surface qu'il représente doit être réunie avec les parcelles sur lesquelles reposent les immeubles récemment construits.

C'est ainsi que la Ville de Genève a conclu les 6 septembre et 21 décembre 1994 un acte d'échange avec la Pensionskasse Asea Brown Boveri, par lequel elle cède à cette dernière la parcelle Dp communal iA de 980 m2, feuille 64, commune de Genève, section Petit-Saconnex, en contrepartie de la parcelle 4484, même feuille, de 1 631 m2 destinée à l'élargissement de la rue du Vidollet. Ainsi, la surface du domaine public est préservée et même agrandie.

Cet échange implique néanmoins la désaffectation d'un tronçon du domaine public qui doit être approuvée par le Grand Conseil, conformément à l'article 11 de la loi sur le domaine public, du 24 juin 1961.

C'est pourquoi le présent projet de loi vous est soumis aujourd'hui et nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de lui réserver un accueil favorable.

plan

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Préconsultation

M. John Dupraz (R). Comme il s'agit d'un projet mineur, si tous les groupes étaient d'accord, nous pourrions en débattre en discussion immédiate. Sinon, qu'il soit renvoyé en commission et que ce parlement accepte un rapport oral pour la prochaine séance, afin que nous ne retardions pas l'avancement des travaux prévus !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je serai également partisan d'un vote immédiat, parce que ce projet concerne une désaffectation du domaine public de la Ville de Genève, soit d'un chemin traversant le périmètre sur lequel la caisse de pension ABB a construit un complexe de quatre immeubles locatifs. Cette parcelle a une surface de 980 m2. Si nous pouvions voter ce projet ce soir, nous pourrions démarrer la suite immédiatement, ce qui serait très positif.

M. Christian Ferrazino (AdG). Par définition, les votes immédiats - vous le savez, Monsieur Dupraz - ne se justifient pas, quand les projets demandent un examen en commission. Même si celui-ci semble a priori ne pas poser de problème, puisqu'il s'agit d'un échange de parcelles, je suggérerai simplement qu'on le renvoie en commission, qu'on l'examine très brièvement et qu'à la suite d'un rapport oral, comme vous le proposiez, nous puissions l'adopter à notre prochaine séance plénière.

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Je veux dire la même chose que M. Ferrazino, c'est-à-dire que je soutiens le renvoi en commission et que j'accepte, sans problème, la proposition d'un rapport oral, lors de la prochaine séance.

La présidente. Monsieur Joye, retirez-vous votre proposition de discussion immédiate ?

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Oui, Madame la présidente !

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.

PL 7250
7. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Thônex (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales). ( )PL7250

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan no 28691-537, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 20 juin 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Thônex (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et artisanales, à la route de Jussy) est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Un exemplaire du plan no 28691-537 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi concerne un périmètre formé par les parcellesnos 3269.1, 3273, 3531.1, 4717, 5599 et une partie de la parcelle no 5600, feuille 21 du cadastre de la commune de Thônex. Ce périmètre s'inscrit entre la route de Jussy et les voies ferroviaires (SNCF) reliant Genève et Annemasse, en bordure de la limite séparant les communes de Thônex et de Chêne-Bourg. Ces biens-fonds sont actuellement situés en zone de développement industriel et artisanal pour leur majeure partie, en zone de verdure pour une bande de 6 m de large, et en 5e zone (villas).

Ce périmètre est actuellement régi par le plan localisé de quartierno 28425-537, adopté le 15 mars 1993 par le Conseil d'Etat. Celui-ci précise que les futures constructions seront affectées à des activités industrielles et artisanales.

La vocation exclusivement industrielle de ce périmètre s'est modifiée, compte tenu du fait que le transport ferroviaire de marchandises a en pratique disparu sur cette ligne. Par ailleurs, les caractéristiques du site justifient davantage de complémentarité dans les activités possibles (industrie et artisanat, commerce et administration).

Pour assurer la mise en oeuvre de ce projet, une modification du régime de zones s'avère nécessaire. Le propriétaire susmentionné a approché les autorités de la commune de Thônex qui se sont manifestées favorablement au changement d'affectation envisagé.

Il est ainsi proposé de créer une zone de développement industriel et artisanal, également destinée à des activités administratives et commerciales, d'environ 9200 m2.

Le nouveau plan localisé de quartier no 28690-537, mis simultanément à l'enquête publique , définit plus précisément l'aménagement de ce périmètre, ainsi que l'affectation des futures constructions.

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le présent projet de loi.

L'enquête publique ouverte du 26 octobre au 25 novembre 1994 n'a suscité aucune observation. Ce projet de loi a été approuvé favorablement, à l'unanimité, par le Conseil municipal de Thônex en date du 14 février 1995.

Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous soumettons le projet de loi à votre bienveillante attention.

page blanche

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Préconsultation

M. Christian Ferrazino (AdG). Avant de renvoyer ce projet de loi en commission, j'aurai voulu formuler quelques observations, car je crois qu'il reflète une politique à courte vue, dans le cadre de l'aménagement du territoire.

Que vise ce projet de loi ? Il tend à autoriser des activités administratives et commerciales, dans une zone actuellement artisanale et industrielle. Ces activités administratives n'étant pas limitées par ce projet de loi, il est quasi évident que la zone deviendra très rapidement une zone tertiaire. On brade ainsi, peut-être sans s'en apercevoir, le peu de zone artisanale qui nous reste à Genève.

Nous connaissons d'autres exemples : il existe actuellement une zone industrielle aux Acacias, où se trouve précisément le siège de l'UBS, qui est devenue mixte. Que constate-t-on aujourd'hui ? Elle est vouée presque totalement à l'activité administrative, puisqu'on n'y trouve que des bureaux.

Ce qui est plus grave, c'est que le processus est irréversible. On ne pourra jamais remettre en zone industrielle et artisanale des terrains qui sont destinés à des activités administratives. Que devrons-nous faire quand nous aurons besoin de zones artisanales ? Nous serons alors amenés à déclasser des terrains, actuellement situés en zone agricole. C'est cela qui n'est pas acceptable !

J'attire votre attention sur le fait que c'est précisément ce qui se passe aujourd'hui à la Pallanterie. Je ne parle pas du projet Reuters, mais d'un deuxième projet de déclassement, à la route de Compois, qui précisément vise à créer une importante zone artisanale. C'est donc la démonstration, Mesdames et Messieurs les députés, que nous n'avons pas suffisamment de terrains, sur la rive gauche, situés en zone artisanale. Il n'est donc pas acceptable de modifier des terrains qui se trouvent actuellement dans cette zone, car nous en avons besoin. Il est d'autant moins justifié d'agir ainsi, qu'il existe aujourd'hui énormément de bureaux vides. Tout le monde le sait !

Qu'est-ce qui pourrait justifier cette modification de zone ? Essentiellement, le prix du terrain, c'est-à-dire des raisons spéculatives, car tout le monde sait que le prix des terrains varie, selon qu'ils abritent des activités artisanales ou des activités commerciales et administratives. J'attire également votre attention sur le fait que - vous l'aurez lu dans l'exposé des motifs - ce projet de loi a été suscité par le propriétaire des parcelles. Il existe, en outre, deux autres projets qui visent exactement le même but et qui ont déjà été mis à l'enquête publique : il s'agit d'un projet à Vernier, au chemin du Jonc sauf erreur, et d'un autre à Lancy à la route du Pont-Rouge.

Selon nous, c'est une bien mauvaise politique, d'autant plus mauvaise qu'il existe actuellement pléthore de bureaux vides et que nous aurons besoin - la démonstration est faite - de ces zones artisanales à l'avenir. Il n'est donc pas utile - bien au contraire ! - de s'en dessaisir. J'avais parlé d'une politique à courte vue, car, si l'on regarde un peu plus loin, le processus suivant sera de déclasser la zone agricole pour abriter la zone artisanale. En effet, si l'on continue de cette façon, dans quelques années, nous n'aurons pas suffisamment de terrains situés en zone industrielle et artisanale.

M. John Dupraz (R). M. Ferrazino soulève un problème réel. Cependant, il faut constater que les choses ont évolué et que, maintenant, nombre d'activités se trouvent à la limite du tertiaire et de l'artisanat. Premièrement, les activités se sont un peu modifiées et on ne se trouve plus dans une situation où l'on peut distinguer nettement ce qui est industriel et artisanal du tertiaire. Deuxièmement, il y a des besoins très localisés dans chacune des zones artisanales et administratives.

En ce qui nous concerne, nous ne nous opposerons pas à la mixité, mais nous pensons qu'il faudrait essayer de trouver un genre de péréquation à l'intérieur de ces zones. On sait que le tertiaire peut payer des loyers beaucoup plus cher que l'artisanat, et on devrait faire profiter l'artisanat, à l'intérieur d'une même zone, du prix supplémentaire que le tertiaire est capable d'offrir, afin de favoriser l'implantation d'activités artisanales dans les zones concernées. En effet, il faut savoir que même des terrains bon marché sont encore trop chers, dans la concurrence actuelle, pour que l'artisanat puisse s'y implanter, et ce pour des raisons de rendement économique.

En ce qui concerne la zone artisanale prévue le long de la route de Compois, j'aurai un point de vue plus modéré, car il s'agit d'une longue étude menée avec les communes intéressées, visant à regrouper dans un endroit plus adéquat des activités qui se trouvent à l'intérieur de villages où l'on a densifié l'habitat. Ces activités sont source de nuisances pour les habitants.

Il est donc nécessaire d'«assainir» ces villages d'activités devenues cause de nuisances, afin que l'habitat soit plus confortable pour les habitants. Il y a donc là un équilibre à trouver. Ce qui est prévu à Compois est une bonne chose, parce que ce projet a été étudié de longue date, en perspective de besoins très précis et très localisés. Ce n'est pas comme si l'on créait une nouvelle zone pour attirer des entreprises qui ne seraient pas de la région. En commission, nous aurons tout loisir d'étudier ces problèmes et de trouver les solutions adéquates.

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.

R 296
8. Proposition de résolution de Mme et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Jean-Claude Genecand, Chaïm Nissim et Pierre Vanek sur la conception cantonale de l'énergie. ( )R296

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'article 10 de la loi sur l'énergie, qui invite le Conseil d'Etat à réactualiser la conception cantonale en matière d'énergie à chaque législature, et à faire rapport au Grand Conseil, qui accepte cette conception sous forme de résolution;

- l'acceptation par notre Grand Conseil (le 16 septembre 1993) d'une conception vidée de sa substance, qui ne contenait que la liste des actions et postulats sur lesquels nous étions tous d'accord, et qui ne contenait plus d'objectifs politiques chiffrés,

décrète

La conception cantonale de l'énergie, votée le 16 septembre 1993, est complétée par les objectifs d'économie suivants:

Objectifs combustibles (mazout-gaz)

- Réduction de la consommation totale d'énergie de chauffage (y compris l'eau chaude sanitaire) de 1,5% annuellement, à population constante, par rapport à la valeur actuelle d'ici l'année 2025.

(N. B. Ce premier objectif est repris tel quel du premier projet de conception, présenté par le Conseil d'Etat le 10 février 1993 - R 253.)

Objectifs électricité

- Les autorités cantonales présentent une stratégie de réduction de la consommation d'électricité - et des appels de puissance - de l'ordre de 1% par an ou mieux, pour les 4 prochaines années (législature). Cet objectif tient compte de la conjoncture économique et de la démographie. Le plan d'économies présenté par le gouvernement devrait avoir recours au levier tarifaire dégressif ou progressif à l'égard du consommateur, en fonction des efforts réalisés ou non par ce dernier.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Nous vous proposons une conception complétée, pour les raisons suivantes:

Situation actuelle

En Suisse, selon l'Union des centrales suisses d'électricité (UCS), la consommation industrielle a baissé ces 3 dernières années de 5,7% contre 0,17% les 3 années précédentes. Dans le même temps, la consommation des services a progressé de 2% contre 7,9% les 3 années précédentes.

Pour les ménages, après une période de forte augmentation de 7,5% entre 1989 et 1991, la consommation s'est pratiquement stabilisée entre 1992 et 1994, où la hausse n'a été que de 0,17%.

A Genève, pendant les mêmes périodes, la consommation totale du réseau a même diminué entre 1991 et 1994, alors qu'entre 1989 et 1991 la hausse avait été de 4,69%.

Si l'on ne peut se réjouir d'une diminution de consommation dans l'industrie due essentiellement à la dégradation de l'activité économique, et si l'on doit déplorer le boulimie de certains consommateurs, on doit se féliciter de la tendance à la stabilisation des consommations ces 3 dernières années. C'est bien là la preuve qu'une politique visant à une meilleure gestion de nos ressources est possible et que les premiers efforts dans ce domaine ont déjà porté leurs fruits.

Une conception cantonale de l'énergie. Pourquoi?

Vivre en parfait égoïste et dire «après nous le déluge» n'est pas l'attitude responsable d'un homme ou d'une femme qui se veut au service de sa patrie. Les experts se disputent sur les conséquences dans le temps de la pollution, qu'elle soit atmosphérique (couche d'ozone) ou environnementale (déchets radioactifs). Aucun expert, cependant, n'ose dire que les effets à long terme sont nuls.

Notre Grand Conseil, mû par le souci de ne pas hypothéquer la vie des générations futures, a accepté, lors de la précédente législature, une première conception cantonale de l'énergie. Mais de vives discussions ont eu lieu, 3 commissions différentes se sont réunies de nombreuses fois (les commissions consultative, COTEN et parlementaire) et il n'a pas été possible de dresser des objectifs chiffrés et un calendrier.

La présente résolution a pour objectif de pallier ce manque, en remettant un contenu chiffré dans la conception cantonale.

Les économies d'énergie: un gisement à exploiter!

Est-ce qu'il viendrait à l'idée de quelqu'un de se plaindre de sa voiture qui consomme moins que la précédente. A voir le succès des petites cylindrées, il est indéniable que chacun est attentif à ses dépenses. Si un frigo est mieux isolé, si une chaudière est proportionnée aux besoins et techniquement améliorée, si les appareils ménagers sont moins dévoreurs d'énergie, si les éclairages utilisent les nouvelles technologies, si les appareils à grosses utilisations, téléviseurs, ordinateurs, fax sont éteints lors d'interruptions prolongées, etc., si toutes ces améliorations techniques sont intégrées à notre quotidien, il est déjà possible d'effectuer de notables économies sans que notre confort se dégrade.

Les lois du marché sont ainsi faites: si la demande se précise vers moins de consommation, les fabricants suivront la tendance et même, la concurrence aidant, ils la précéderont. Pour reprendre l'exemple de la petite voiture, certains constructeurs se sont mordu les doigts de n'avoir pas pris le virage assez tôt. Ce qu'il faut, c'est donner l'impulsion. Les voeux pieux ne suffisent plus.

L'urbanisation nous a contraints de prendre des mesures de circulation, de même la protection de l'environnement, c'est-à-dire le bien-vivre de nous tous, nous contraint de prendre des mesures d'économie d'énergie. Il nous faut mettre sur pied un calendrier avec des objectifs chiffrés, qui pourront d'ailleurs être revus à chaque législature en fonction des succès et des échecs. Il faut également se donner les moyens de sa politique en jouant sur les tarifs en fonction de l'effort consenti par le consommateur et créer un fonds qui investira dans les économies d'énergie, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays (USA, Allemagne, Danemark).

Dans ces pays, les mesures d'utilisation rationnelle de l'énergie sont perçues comme contribuant à la sécurité de l'approvisionnement, à une meilleure gestion des ressources, et à un progrès pour l'économie.

Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous soumettons la présente résolution à votre bienveillance.

Débat

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Je souhaite d'abord corriger le texte dans la première phrase des «Objectifs électricité» : il faut supprimer ou, mieux, car c'est une coquille. Il faut donc lire :

«Les autorités cantonales présentent une stratégie de réduction de la consommation d'électricité...»

Mesdames et Messieurs les députés, est-il utopique de chiffrer des économies d'énergie ? Puisque nous parlons d'économies, que fait le Conseil d'Etat, si ce n'est de fixer des objectifs annuels afin de restreindre le déficit ? Cette volonté politique est nécessaire pour obtenir des résultats. Pourquoi en irait-il autrement pour les économies d'énergie ?

Si j'ai cosigné cette résolution, c'est d'abord parce que je crois qu'il est nécessaire de sauvegarder notre environnement, mais aussi parce que j'ai un réflexe de patron : je mise sur les coûts moins élevés des dépenses d'énergie. Si, avec la même efficacité des outils de travail, je diminue ma facture aux Services industriels de 10 à 15%, c'est bon à prendre par les temps qui courent ! La Ville de Genève a compris cela depuis vingt ans, ce qui lui a permis de diminuer sa consommation de 45% pour le chauffage des immeubles. C'est aussi l'expérience réalisée, grâce aux SI, pour les locaux scolaires de la ville d'Onex, qui a atteint une diminution de 20 à 25% d'électricité. Pensons à la télévision et aux ordinateurs qui restent allumés des heures durant, inutilement ! Cette énergie gaspillée pourrait suffire à alimenter une ville de trente mille habitants.

Dans l'exposé des motifs, nous avons montré la situation actuelle en matière de consommation d'énergie. Celle-ci a fortement diminué à cause de la baisse de l'activité économique, alors que celle des ménages s'est stabilisée, durant ces trois dernières années. C'est dire qu'en mettant en place une véritable politique d'économies d'énergie les objectifs proposés sont réalistes et atteignables sans diminuer notre confort. Par ailleurs, l'étude des rapports Logilab et CERA nous permettra, à partir de bases scientifiques, de déterminer le potentiel des économies et les coûts qu'elles génèrent.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, notre résolution arrive à point nommé. Notre groupe la votera et je souhaite qu'une forte majorité du Grand Conseil la soutienne.

M. Chaïm Nissim (Ve). Je vais compléter ce qu'a dit mon collègue Genecand.

En février 1993, il y a environ deux ans, nous avions déjà adopté une première résolution, qui portait le numéro 253 et nous présentait une conception : malheureusement celle-ci ne nous a jamais permis de nous mettre d'accord sur des objectifs chiffrés. Malgré trois ans de travail dans trois commissions différentes - les commissions consultative, parlementaire et technique - nous n'avons pas réussi à trouver un terrain d'entente sur des objectifs chiffrés. Cette conception était revenue devant le Grand Conseil, puis avait été renvoyée, suite à la même bagarre concernant les objectifs, et, pour finir, avait été adoptée sans prévoir aucun chiffre.

Or, les objectifs sont utiles mêmes si on ne les atteint pas. Ils nous donnent une sorte de baromètre, une espèce de tableau de bord qu'on peut suivre, auquel on peut se référer pour savoir où l'on en est, si l'on a utilisé convenablement son argent ou pas. Suite à la motion 820 déposée il y a trois ans, nous avions prévu de consacrer un certain nombre de millions, chaque année, à une politique d'économies d'énergie. Il est donc important de définir des objectifs, afin de déterminer si ces millions sont gérés convenablement.

En plus, ces objectifs seront des références, si l'on veut se rapprocher à long terme d'un «développement durable» - c'est une expression qui s'emploie beaucoup : c'est presque devenu une «tarte à la crème» ! Cette semaine, j'ai ouvert mes oreilles toute grandes et j'ai entendu plusieurs fois : «développement durable» ! C'est devenu un des masques de beaucoup de discours ! Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela signifie qu'il faut essayer de nous développer et de préserver les chances de développement des générations futures.

Pour ce faire, il ne faut pas fabriquer de déchets radioactifs qui risquent de prétériter la vie de ces générations futures, ne pas utiliser trop d'énergies non renouvelables, mais, au contraire, employer le plus possible d'énergies renouvelables. C'est un changement important de nos mentalités, de tout notre équipement et de notre appareil industriel. A long terme, nous allons donc utiliser davantage de courant électrique pour nos transports que de gaz ou de mazout, parce qu'il n'y en aura plus. Nous nous chaufferons avec du solaire, surtout du solaire passif, à eau chaude, et plus avec du mazout, énergie non renouvelable. Nos appareils, nos mentalités, nos modes de vie vont changer, dans quelques décennies, mais il faut commencer à nous y préparer maintenant parce que, lorsqu'on se prépare longtemps à l'avance, les virages sont moins pénibles à négocier et on a le temps de fabriquer des compétences et des emplois qui, par la suite, serviront à nous reconvertir. Le développement durable est donc un objectif essentiel, et c'est dans cette perspective que nous vous proposons - j'insiste sur ce mot, car nous ne vous imposons rien - quelques objectifs.

En commission, en étudiant cette résolution, les deux études qui viennent d'être rendues à notre commission, et la motion 820 qui propose d'investir de l'argent dans les économies d'énergie, nous devrons définir des objectifs, en tentant d'échapper au dilemme cornélien, fort bien résumé par notre président, M. Joye, quand il disait : «Nous pouvons essayer de remplacer une partie du nucléaire, peut-être pas la totalité tout de suite, par des couplages chaleur-force ou par des centrales à gaz» - c'est une solution qui a l'avantage de donner du courant bon marché - «mais nous pouvons aussi remplacer une partie du nucléaire par des économies d'énergie». C'est écologiquement intéressant mais cela donne des kWh beaucoup plus chers que le gaz. Il faudra donc choisir entre l'économie et l'environnement.

La pesée des intérêts devra être nuancée et intelligente. Bref, nous espérons arriver en commission, à l'issue de quelques journées de travail que nous avons déjà préparées, à une solution qui convienne à tous et ne soit ni trop ceci, ni trop cela. Là est notre espoir, et c'est dans ce but que nous vous proposons les chiffres soumis dans notre résolution.

Mme Janine Berberat (L). Jamais deux sans trois ! Cette résolution a, pour le moins, le mérite de réunir, cette fois-ci, tous les auteurs des précédentes, mais la proposition de base reste la même, c'est-à-dire anticiper sur les conclusions du prochain rapport du Conseil d'Etat, ce qui pourrait modifier la conception de l'énergie actuellement appliquée, et cela sans attendre qu'une évaluation des actions entreprises soit faite.

Décider aujourd'hui, à mi-parcours, que cette conception est vide d'objectifs politiques, simplement parce qu'ils ne sont pas inscrits en chiffres mais, dans le même temps, reconnaître, dans l'exposé des motifs, qu'une meilleure gestion en matière d'énergie a été réalisée à Genève, tout particulièrement ces dernières années, et que les effets d'une nouvelle politique commencent à porter leurs fruits, relève plus, je pense, de l'impatience que de la mauvaise foi des auteurs.

Le Grand Conseil précédent a adopté, si ce n'est des objectifs chiffrés, en tout cas, un postulat et un catalogue d'actions qui mériteraient d'abord de laisser le temps aux différentes personnes et services concernés de les réaliser et d'en évaluer les effets, avant de tirer un bilan que certains jugent déjà négatif ou trop timide. Toutefois, le groupe libéral soutiendra cette proposition de résolution, dans la mesure où les auteurs en accepteront le renvoi à la commission de l'énergie et des Services industriels.

En effet, si la conception actuelle de l'énergie doit être réactualisée en 1997 par le Conseil d'Etat et adoptée, si possible, par ce Grand Conseil, il n'en demeure pas moins que l'on doit, aujourd'hui déjà, se poser et poser les bonnes questions aux différents partenaires qui seront impliqués dans les conséquences et les coûts de nos choix, que ces choix soient anti ou partiellement nucléaires et qu'ils soient orientés vers des énergies nouvelles et indigènes. Que les partenaires soient transporteurs, distributeurs, vendeurs ou consommateurs, un objectif chiffré a son poids de contraintes et d'efforts économiques pour les différents maillons de la chaîne, et il apparaît opportun que nous prenions le temps et la peine de les écouter, afin de mieux concilier économie et environnement.

De plus, Genève ne peut envisager en solitaire sa politique en matière d'énergie. Dépendante à plus de 70% de ressources extérieures, déterminée aussi dans sa volonté d'être européenne, il convient de tenir compte de ces différents paramètres et d'avoir une approche plus globale et non pas de mener une politique de coup par coup. Les Genevois ont voté l'initiative «L'énergie, c'est notre affaire», c'est vrai, mais ils n'ont pas souhaité forcément qu'elle en soit une mauvaise.

C'est pourquoi nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi de cette résolution en commission.

M. Pierre Vanek (AdG). Nous ne nous opposerons pas à cette proposition de renvoi en commission. Je ferai quelques observations pour compléter ce qui a été dit par mes préopinants et coauteurs de la résolution, ainsi que pour répondre à quelques remarques de Mme Berberat.

Cette résolution est minimaliste. Elle propose, en matière d'électricité, puisque c'est là qu'il y a controverse, de se fixer comme objectif une réduction de 1% par an - ou mieux ! - de la consommation. Je pense qu'il est possible de faire mieux. Le vote d'une résolution de ce type a simplement le mérite de dire qu'on va faire ce qu'on réclame depuis très longtemps, c'est-à-dire des économies d'énergie, notamment électrique.

Effectivement, Madame Berberat, nous avons voté un article, maintenant dans la constitution, qui contient des dispositions clairement antinucléaires. Les citoyens de ce canton ont plébiscité non seulement le moratoire en matière nucléaire mais également l'abandon du recours à ce type d'énergie. En conséquence, on ne pouvait guère faire des économies - consommer moins en matière d'énergie - et se fixer un objectif moins ambitieux que de proposer une réduction de 1% : c'est vraiment le minimum ! On ne peut pas aller en deçà, si l'on veut respecter les intentions des citoyens, qui sont très claires. On peut s'opposer à ces intentions; se dire que c'était une erreur d'avoir voté cet article constitutionnel; on peut proposer de le modifier mais, tant qu'il est en vigueur, il faut essayer d'aller dans cette direction.

Du côté du parti libéral, on nous dit qu'il a été question d'anticiper sur les résultats de la conception cantonale de l'énergie. Il n'est pas question d'anticiper quoi que ce soit ! Lors de la dernière législature, une conception contenant des objectifs aurait dû être votée. Nous ne sommes pas en train d'anticiper mais d'agir a posteriori, avec beaucoup de retard. Il y a un certain nombre d'années, dès 1986 ou 1987, des dispositions de ce type auraient dû être prises, des indications en terme d'objectifs auraient dû être fixées.

La loi sur l'énergie, en son article 10, qui prévoit cette question de la conception cantonale de l'énergie, évoque la nécessité d'adopter un plan directeur de l'énergie du canton, lequel établit périodiquement la part souhaitable des différentes énergies, notamment celles qui sont renouvelables. Pour nous, la part souhaitable de l'énergie nucléaire dans l'approvisionnement de ce canton, c'est zéro ! C'est un objectif clair. Comme l'a dit M. Nissim, on ne peut pas tourner le bouton du jour au lendemain, mais on doit affirmer dans cette conception que la part souhaitable tende vers zéro, parce que cela répond à une demande des citoyens clairement exprimée. On ne peut pas à la fois dire cela et ne pas accepter une évolution de la consommation énergétique qui aille dans ce sens.

On nous a accusés de mauvaise foi en la matière ! Je répondrai que nous avons été d'une modération exemplaire : nous nous sommes montrés arrangeants et souples, y compris en acceptant de renvoyer cette résolution en commission pour en discuter. Notre attitude est justifiée, car nous devrons travailler sérieusement en commission et rapidement pour mettre en oeuvre des moyens pour atteindre cet objectif de 1%, ou plus. J'insisterai, pour ma part, sur le fait qu'il faut essayer de faire mieux. En effet, c'est le taux actuel constaté aujourd'hui, plutôt dû aux effets de la récession qu'à la politique énergétique.

Une dernière observation pour finir : Mme Berberat a dit que nous étions dans un contexte national, voire international, et que Genève n'était pas seule. Effectivement, nous sommes dans un contexte national, marqué par la publication, ces derniers jours, d'un rapport de l'Office fédéral de l'énergie, ou d'une commission de celui-ci, le rapport Cattin - je ne sais pas si vous l'avez lu - qui fait des propositions, désastreuses à mon sens, disant que les pouvoirs publics doivent se retirer de toute intervention dans le secteur de l'énergie, qu'il faut abaisser le coût de l'électricité pour les gros consommateurs industriels, avec, comme corollaire sous-entendu, la conséquence d'un report du coût sur les petits consommateurs. On doit prendre en considération ce contexte.

Cela signifie que, si l'on veut avoir une légitimité, du fait que les Services industriels - je crois qu'aujourd'hui personne n'oserait proposer leur privatisation - sont une entreprise publique, il faut proposer une politique claire qui soit applicable par cette entreprise et une politique publique qui soit en conformité avec l'article 160 C de notre constitution. Il faut qu'elle exprime la volonté de nos citoyens de sortir du nucléaire, certes à terme pour le canton de Genève, pour être un exemple pour d'autres cantons suisses et les pays qui nous environnent. J'aimerais bien que l'abandon du nucléaire ne se fasse pas en catastrophe, à la suite d'un accident, d'un nouveau Tchernobyl qui se produirait, par exemple, dans l'hexagone voisin.

M. Roger Beer (R). Nous sommes entrés, une fois encore, dans un débat technique et finalement très politisé, et l'on sent bien que les approches et les sensibilités sont très différentes.

Notre collègue de l'Alliance de gauche trouve que cette résolution est minimaliste, mais, pour les radicaux, elle est raisonnable. Or, puisque c'est le même texte, bien que les approches divergent, le groupe radical sera d'accord de l'étudier plus sérieusement à la commission de l'énergie. Je crois que, par rapport à tout ce qui a été dit, il faut bien se rendre compte que le voeu des Genevois est effectivement de faire des économies d'énergie. Cependant, nous devons respecter des bases très concrètes.

Nous ne pouvons pas aujourd'hui refaire l'histoire, même si nous en avons envie, car nous ne pouvons pas avoir d'influence sur ce qui a été décidé il y a quelques années. Aujourd'hui nous devons essayer de modeler, par notre rôle politique, l'avenir tel que nous avons envie de le laisser à nos descendants. Cette résolution est, pour notre Grand Conseil, une sorte de roman-feuilleton à épisodes, vu que cela fait plusieurs séances qu'elle est présentée, puis retirée, retravaillée et à nouveau présentée, notre collègue Nissim ayant finalement réussi à reformuler ces différentes propositions et fait en sorte qu'elles soient acceptables. Nous nous réjouissons donc de l'étudier en commission.

Sans plus allonger, le groupe radical est intéressé par ce qui ressortira de cette conception, telle que vous la proposez, et étudiera ce qu'il sera possible de faire, en période de crise.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Au travers de tout ce qui a été dit, nous constatons qu'il y a un consensus pour un renvoi en commission et c'est là l'essentiel. J'ose espérer que, cette fois-ci, nous parviendrons à terminer nos travaux de commission, en nous mettant d'accord sur des objectifs politiques, chose qui n'avait pas été possible sur le précédent projet.

Cependant, je suis un peu inquiète en entendant les propos de Mme Berberat qui ne sont pas faits pour me rassurer, parce que si, dès le départ, nous sommes accusés d'impatience et de mauvaise foi, j'ai peur que nos travaux ne s'enlisent assez rapidement. Non, Madame Berberat, nous ne faisons preuve ni d'impatience, ni de mauvaise foi ! Nous sommes même en train de faire le travail du Conseil d'Etat, qui aurait déjà dû nous présenter une conception, comme cela est inscrit dans la loi. A force d'attendre, le Conseil d'Etat ne nous présentant pas de nouveau projet de conception, nous avons décidé de nous mettre nous-mêmes au travail, avec peine il est vrai, car il a fallu retirer cette résolution, la modifier et la représenter mais, aujourd'hui, je suis satisfaite de voir que le consensus s'établit autour du renvoi en commission. J'ose espérer que nous y travaillerons sereinement.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je voudrais remercier ce parlement d'accepter le renvoi de cette résolution en commission et ajouter qu'il serait sage de traiter ces thèmes pendant les discussions que nous avons engagées, dans le cadre des très nombreuses séances agendées pour l'étude du rapport CERA-Logilab.

Avant de répondre aux auteurs de la résolution, je tiens à rassurer Mme Reusse-Decrey. Si quelqu'un s'est préoccupé des questions relatives à l'énergie, à la diminution possible de la consommation, aux questions du Demand Side Management et du Least Cost Planning, c'est bien le Conseil d'Etat actuel ! Le petit procès d'intention que vous nous faites, en nous disant que vous devez vous substituer à nous, est en retard d'en tout cas une année.

En ce qui concerne les objectifs combustibles, ainsi que le relèvent les auteurs de la résolution, le but était d'obtenir une réduction globale de 45% de la consommation totale d'énergie, ce qui correspond à 1,5% annuellement. Ces objectifs sont liés à neuf mesures, C1 à C9, qui sont pour la plupart en phase d'exécution. Il faut relever que le programme mis en oeuvre déploiera tous ses effets lorsqu'il aura atteint son rythme de croisière. On n'obtient pas ce genre de modifications, tout de suite.

Ces mesures ont été conduites en étroite collaboration avec de larges milieux : organisations professionnelles, entreprises et secteur privé. Je vous en donne quelques exemples :

1) La revalorisation des rejets thermiques dans le secteur des services au centre administratif de la BCG à Lancy, dans le cadre du projet immobilier «Les Mouilles».

2) La substitution d'énergies renouvelables à des agents fossiles : par exemple, dans trois communes genevoises, nous avons effectué des installations de chauffage au bois.

3) Nous avons aussi un projet de chaufferie alimentée en déchets de bois dans la zone maraîchère de Troinex. Le nombre de surfaces de captage est toujours en augmentation et nous menons maintenant notre action dans le domaine des immeubles locatifs.

4) L'amélioration des installations techniques des bâtiments.

5) La mise à disposition des agences immobilières ou des collectivités publiques d'un outil de gestion énergétique de parcs immobiliers qui s'appelle le GEPI.

6) L'établissement de préavis thermiques, qui fixent des objectifs de consommation.

La quantité d'énergie fossile substituée annuellement, grâce aux mesures prises maintenant dans l'ensemble du canton, est évaluée à 0,5% de la consommation d'énergie. Il résulte de ce qui précède que l'objectif fixé dans la conception adoptée en 1993 reste d'actualité, mais que le pourcentage de réduction annuelle ne peut être admissible qu'en tant que moyenne.

Je ne vous cache pas qu'arriver à économiser 45% d'énergie me semble être un «sacré exploit», mais le coût des mesures pour y parvenir est à comparer à l'économie visée. Rien que pour le remplacement des fenêtres dans le canton de Genève, si l'on voulait être conformes aux normes OPair et OP-Bruit, les montants en jeu seraient de l'ordre de 1,5 à 2 milliards de francs. C'est vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que nous ne sommes pas en mesure d'imposer le rythme de travail qui a été demandé par les ordonnances fédérales.

J'en viens maintenant aux objectifs d'électricité. La conception cantonale de l'énergie vise, à l'instar du programme fédéral Energie 2000, la maîtrise de la consommation d'énergie, sans atteinte au développement économique. C'est un principe important, à une période où le grand problème de l'Etat et des privés, c'est l'emploi. Toute mesure qui aurait pour effet d'entraver le développement économique serait catastrophique et ne pourrait aller qu'à fin contraire.

Aujourd'hui, les buts de 1993 sont totalement dépassés, comme celui de maîtriser la croissance annuelle pour la conduire de la valeur actuelle de 2,5 à 3% à la stabilisation en l'an 2000. Tout le monde est d'accord pour dire que ces buts vont beaucoup évoluer. Poursuivre l'effort, en l'amplifiant, pour réaliser une décroissance visant à revenir, au plus tôt en 2025, à la consommation de 1990, est un but qui sera probablement plus vite atteint que prévu, pour des raisons qui tiennent, comme vous l'avez relevé, Monsieur Vanek, malheureusement à la conjoncture. Depuis lors, l'évolution conjoncturelle a conduit à un réexamen du problème qui s'avère très complexe.

En ce qui concerne les économies, nous estimons que les taux de réduction, qui figurent dans la résolution 296, sont des taux dont je suis incapable de vous dire, Monsieur Vanek, s'ils sont justes ou faux, parce que je crois qu'ils s'inscrivent dans toute une série d'autres éléments que je me permettrai de citer.

Je tiens à souligner les actions qui ont été conduites en matière de Demand Side Management, plus particulièrement les exemples suivants :

- les tarifs du service de l'électricité ont été restructurés, afin d'introduire une tarification été-hiver pour les consommateurs importants et d'intensifier l'application de la théorie marginaliste;

- les programmes pilotés par l'OCEN;

- l'extension dans le secteur privé;

- le développement des systèmes chaleur-force;

- la détermination de l'indice électrique;

- le développement du solaire.

Autant d'actions qui sont maintenant en cours. De plus, la prise en considération des aspects énergétiques dans la gestion des bâtiments de l'Etat s'est traduite par une diminution de 2,4% de la consommation de courant en 1994, malgré une augmentation de 5,5% pendant la même période.

Je voudrais vous donner maintenant les quelques éléments qu'il me semble nécessaire de traiter simultanément à votre résolution. C'est dans cette optique que je vous demande d'apprécier les économies en électricité, de même que, plus généralement, en énergie, en fonction des études CERA et Logilab. Les critères sur lesquels nous devons tomber d'accord sont les suivants :

1) La hausse de la consommation probable.

2) L'augmentation de l'autonomie électrique cantonale : tout le monde souhaite qu'elle soit aussi grande que possible. Elle sera peut-être de 8% - ce sera assez facile à calculer.

3) La diversification des sources d'énergie.

Je me permets de vous faire signe, Monsieur Vanek, car j'aborde le problème du nucléaire. Je comprends votre désir très louable et très puriste, si j'ose dire, de renoncer à l'énergie nucléaire. En ce qui concerne le gouvernement, je ne pense pas que nous arrivions à vous faire des propositions en ce sens, le Grand Conseil, pour sa part, restant maître de ses intentions. A une époque comme celle-ci, nous ne pouvons pas purement et simplement renoncer à une source d'énergie. Par contre, et là je suis d'accord avec vous, il faut diminuer de façon très importante l'apport nucléaire.

4) Les économies qu'on peut réaliser par ce qu'on appelle le Demand Side Management et le Least Cost Planning sont très difficiles à réaliser, mais je pense que les études Logilab et CERA nous aideront dans cette voie.

5) L'apport de l'énergie de substitution douce et renouvelable est aussi difficile à évaluer. La part des centrales chaleur-force, qu'il faudrait prendre en compte, est extrêmement intéressante, mais il y a toujours le problème des canalisations et de qui les paient.

6) L'influence des critères environnementaux est vitale et les rapports avec la Suisse romande, comme l'a dit Mme Berberat, sont très importants aussi. Comment allons-nous réagir, car nous ne sommes pas seuls ? Nous collaborons avec les entreprises électriques fribourgeoises, avec la Société romande d'électricité, la Compagnie vaudoise, etc.

7) Il y a encore les propositions du conseiller fédéral Ogi, qui ont été publiées aujourd'hui dans la presse et qui ont trait à la privatisation des autoroutes de l'électricité. C'est une tendance qui se fait jour un peu partout et dont le but est de permettre aux acheteurs de disposer de sources d'énergie compétitives et non monopolistiques. Cela nous amène à notre problème avec EOS, puisque vous savez qu'ils sont, pour l'instant, nos vendeurs exclusifs.

8) Enfin, il y a la question très délicate de l'origine véritable et du mélange des courants dans nos fournitures électriques. Vous savez comme moi que, même si vous achetez de l'énergie électrique que vous croyez être de la houille blanche, vous pouvez vous trouver en présence d'une énergie nucléaire, parce qu'il est très difficile d'en définir l'origine, de la même manière qu'il est difficile de séparer l'origine des différents captages, dont dépend l'eau de votre robinet.

Je suis donc reconnaissant aux auteurs d'avoir présenté cette résolution, mais j'aimerais vraiment qu'elle soit traitée avec le reste des problèmes très complexes qui nous attendent cet été.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de résolution à la commission de l'énergie et des Services industriels est adoptée.

I 1927
9. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Max Schneider : Récupération de l'eau de pluie, un investissement rentable à Genève. A quand l'application des invites 1 et 3 de la motion 578 ? ( ) I1927
Mémorial 1995 : Développée, 1421. Réponse, 1422.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La motion 578, dont le traitement incombait à la direction de l'assainissement et de l'exploitation, nous a été confiée à mi-mai 1995 pour un traitement rapide. Cette motion déposée le 29 mars 1989 relève à la fois du DIER et de mon département.

J'ai répondu à M. le député Schneider lors de la dernière séance de la commission des travaux et de l'aménagement. C'est une réponse en trois pages, dont la première traite justement de tous les éléments concernant l'encouragement à l'utilisation locale des eaux de pluie dans tous les bâtiments en construction ou en transformation, la proposition d'une participation financière encourageant à stocker et à utiliser localement l'eau de pluie et, dans tous les projets qui le permettent, l'autorisation de la suppression de la canalisation des eaux claires. Si vous le désirez, je vous lis volontiers le texte. Autrement, je le tiens à disposition de ceux qui le veulent.

La La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, il faut que je précise, une fois pour toutes, les procédures qui doivent être suivies en matière d'interpellation. C'est l'interpellant qui est maître de la décision, selon qu'il est satisfait ou non de la réponse qui doit être donnée publiquement ou exceptionnellement par écrit. Donc, quand le point figure à l'ordre du jour, il vous faut répondre pour que l'interpellant puisse éventuellement répliquer et, le cas échéant, vous dupliquerez. Il appartient maintenant à M. Schneider de nous dire s'il est satisfait ou pas, et on ne peut pas se contenter d'une réponse en commission.

M. Max Schneider (Ve). Malheureusement, je n'ai pas lu la réponse de M. Joye en commission, car je ne l'ai pas reçue. Je serais donc très heureux, Monsieur le président, si vous pouviez la lire pour clarifier le débat.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La première des invites consiste à encourager l'utilisation locale des eaux de pluie dans tous les bâtiments en construction ou en transformation.

De façon générale, la diminution de la consommation d'eau est un objectif de la collectivité, ainsi que des Genevois. Les Services industriels agissent dans ce sens et deux campagnes destinées au grand public ont été faites : «L'eau qui goutte, l'eau qui coûte» et celle, très récente, de sensibilisation à la valeur de l'eau. Pour notre part, à l'OCEN, nous intégrons systématiquement l'économie d'eau dans nos activités. Voici quelques exemples concrets, Monsieur le député :

1) L'incitation systématique à l'économie d'eau pour diminuer les consommations d'énergie des bâtiments neufs par la loi sur l'indice et le décompte individuel. Cette disposition légale, qui agit explicitement sur l'eau chaude, vise, en fait, à diminuer simultanément les consommations d'eau chaude et froide.

2) L'approche systématique, depuis 1990, de l'économie d'eau dans les concepts énergétiques, comme celui du bâtiment communal de Confignon en cours d'achèvement. Vous me concéderez que cela n'a pas été sans peine !

3) Cours et travaux sur les économies d'eau en collaboration avec l'école des arts et métiers dans la formation des techniciens sanitaires.

4) Cahier central de différents magazines sur l'énergie, donnant des conseils pour les économies, parce que c'est aussi une question de personnes, les utilisateurs de l'eau.

5) De plus, la direction de l'assainissement de mon collègue, M. Haegi, encourage déjà des établissements horticoles à s'équiper pour la réutilisation des eaux de pluie, ce qui contribue tant à diminuer les besoins en eau de ces grands consommateurs qu'à réduire les effets de crue en cas de précipitations intenses.

Dans les propositions d'actions à ce sujet, que nous allons continuer à explorer, nous souscrivons à la volonté de faire connaître les possibilités de réutilisation de l'eau de pluie, parmi lesquelles le développement des toitures et des parois végétalisées. Nous proposons de créer un document ad hoc et de le diffuser dans les milieux intéressés. Ce document pourrait être réalisé par un groupement d'intérêts à but non lucratif, avec un appui financier du département et sous sa responsabilité.

Le deuxième point concerne la participation financière encourageant à stocker et à utiliser localement l'eau de pluie. Ce point avait été retiré lors de la séance du Grand Conseil du 14 avril 1989 et les éléments qui suivent sont donc donnés à titre d'information.

Il existe un encouragement financier par le fait que les mesures mises en place à l'initiative de l'OCEN permettent de considérer les investissements en faveur de la protection de l'environnement comme charge d'entretien déductible, qui n'apporte pas de plus-value à l'immeuble.

Bien que les motionnaires indiquent que le prix en est modeste, un projet de réutilisation de l'eau de pluie pour un immeuble d'habitation, auquel l'OCEN et les SI avaient participé, avait démontré le coût très élevé d'une telle opération. Un autre étude, conduite en 1992 par mon département, pour équiper un bâtiment d'une récupération des eaux de pluie, a montré que, pour un volume de 100 m3 de stockage et une surface de 6 000 m2 de récupération, les annuités se montent à 35 000 F par an, alors que l'économie sur l'eau n'atteint que 3 500 F par an environ. Pour ces raisons économiques, il est préférable de privilégier l'action sur les économies d'eau dont j'ai parlé ci-dessus et dont le rapport efficacité/coût est bien supérieur.

Le troisième point vise à autoriser, pour tous les projets qui le permettent, la suppression de la canalisation des eaux claires. Le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de l'eau de mon collègue M. Haegi précise le concept cantonal de gestion de l'eau, mais une réponse à la troisième invite de la motion est en préparation auprès de la direction de l'assainissement pour cette partie du problème. Les bases juridiques du principe du séparatif se trouvent cependant dans la loi fédérale sur la protection des eaux et dans la loi genevoise sur les eaux. Rien ne s'oppose, sur le plan juridique, à ce qu'un immeuble qui ne rejette pas d'eaux claires ne soit pas raccordé au réseau chargé de les évacuer, mais ce principe théorique reste très délicat à définir.

Voilà quelques-unes des questions qui se posent alors : jusqu'où va l'engagement de non-rejet pris par le propriétaire du bâtiment ? Dans l'hypothèse d'un rejet, qui se fera nécessairement au travers des réseaux d'eaux usées, en raison par exemple d'un mauvais dimensionnement de trop-plein, de crues, de manque d'utilisation des eaux captées, d'incidents techniques ou de renonciation au projet, à qui incombe la charge supplémentaire du traitement de ces eaux claires au travers du réseau complexe des eaux usées ?

Les conséquences pour la collectivité d'accepter des eaux claires dans les eaux usées sont : le surdimensionnement des installations de traitement, telles que la station d'Aïre; des frais d'installations et d'énergie augmentés; et des risques accrus en cas de crues. De plus, cela va à l'encontre de la politique nationale que nous poursuivons dans ce domaine.

Si l'installation ne recueille que les eaux de toiture, où sont évacuées les eaux de surface ? Dans le garage, la terrasse, la cour, etc ? Si l'installation recueille également les eaux de surface souvent polluées - graisse de véhicule, sel, particules diverses, etc. - à qui incombe la charge liée à l'élimination de ces polluants dans les réseaux internes des bâtiments ? Au trafic automobile ? Au service chargé du déneigement des routes, etc. ?

La proposition d'action que nous faisons est la suivante : face à ces diverses interrogations, avec la direction de l'assainissement et de l'exploitation, nous nous associons à une démarche permettant de trouver des réponses qui soient financièrement supportables, de définir des conditions- cadre pour l'acceptation des dérogations et l'obligation de se raccorder au second réseau, ainsi que le demande M. le député Schneider.

La présidente. La réplique de M. Schneider figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

PL 7245
10. a) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'instruction publique (formation des enseignants primaires) (C 1 1). ( )PL7245
PL 7246
b) Projet de loi du Conseil d'Etat relatif au financement de la licence en sciences de l'éducation, mention "enseignement". ( )PL7246

(PL 7245)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit:

Section 1 (du Chapitre II du Titre V)

Exigences à l'engagement et formation (nouvelle teneur)

Art. 133 (abrogé)

Art. 134 (nouvelle teneur)

Engagement

Peuvent être engagés dans l'enseignement primaire, les personnes titulaires de la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement», de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'université de Genève ou d'un autre titre jugé équivalent.

Art. 134A (nouveau)

Stages dans l'enseignement primaire

1 L'enseignement primaire met à disposition de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation les places de stages prévues dans le cursus de la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement», afin que la formation des étudiants permette une forte articulation entre connaissances théoriques et expériences pratiques. Le nombre de places de stages est fixé par le département pour 4 ans, après consultation de la section des sciences de l'éducation, en fonction de la capacité d'accueil et d'encadrement de l'enseignement primaire. Les stages doivent répondre aux exigences de formation fixées par la section des sciences de l'éducation.

2 Lorsque, malgré une information circonstanciée, le nombre d'étudiants de 1er cycle, désirant suivre le cursus de 2e cycle mention «enseignement», dépasse le nombre de places de stages disponibles, la faculté choisit les candidats qui semblent les plus aptes à suivre le cursus sur la base d'un dossier et, cas échéant, d'épreuves complémentaires et d'entretiens. Les candidats refusés à l'entrée au 2e cycle peuvent se représenter au moins une fois dans le cadre d'une procédure d'admission ultérieure.

 

(PL 7246)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

Dépenses nouvelles dues à la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement»

1 Le coût de la formation des étudiants en sciences de l'éducation mention «enseignement» est de 6,9 millions de francs pour les 3 ans d'études spécifiques.

2 Ce montant est porté en augmentation du budget annuel de l'université dès 1996 en 3 tranches successives:(3,0 millions en 1996, 2,6 millions en 1997, 1,3 million en 1988).

 EXPOSÉ DES MOTIFS

A. Projet de loi modifiant la loi sur l'instruction publique

1. Reconnaissance de la licence universitaire comme condition d'accès au corps enseignant primaire genevois

La pièce maîtresse de ce projet de loi est constituée par la reconnaissance de la licence universitaire en sciences de l'éducation, mention «enseignement», ou de tout titre jugé équivalent, comme condition expresse d'accès au métier d'enseignant primaire. La création d'une filière nouvelle de formation initiale des enseignants primaires, dans le cadre de l'université de Genève, sous forme d'une option spécifique de la licence en sciences de l'éducation, garantit une qualification professionnelle et universitaire élevée et s'inscrit dans le cadre de l'évolution historique de la formation des enseignants à l'université de Genève depuis 1921.

La formation initiale des enseignants primaires est une tâche publique qui était prise en charge jusqu'en 1992 par les «Etudes pédagogiques de l'enseignement primaire» (les derniers diplômés quitteront les «Etudes pédagogiques de l'enseignement primaire» en juin 1995).

Cette nouvelle licence, qui implique un parcours de 4 ans (1 année «tronc commun» + 3 ans de 2e cycle), articulant étroitement théorie et pratique, sera reconnue dans les 3 divisions de l'enseignement primaire public genevois, comme titre académique et professionnel, permettant de tenir une classe et d'exercer d'autres fonctions de même qualification.

2. Avantages d'une formation universitaire

C'est en 1912 qu'Edouard Claparède créait l'institut des sciences de l'éducation qui allait connaître une renommée mondiale sous le nom d'institut Jean-Jacques Rousseau. Dans l'esprit du fondateur, cet institut, privé à l'époque, devait permettre aux éducateurs de bénéficier du progrès des sciences de l'éducation et de la psychologie.

Confier à l'institut des sciences de l'éducation, devenu faculté au sein de l'université depuis 1974, la charge de former les enseignants primaires va dans la droite logique de cette histoire proprement genevoise.

Aujourd'hui, en Europe, il existe une tendance à donner aux enseignants primaires une formation de niveau universitaire. Le département de l'instruction publique a fait sienne cette conception en constatant, comme le disait avec humour Jacques-André Tschoumy, directeur de l'Institut romand de recherche et de documentation pédagogique, que s'il faut être universitaire pour soigner un canari, pourquoi ne le faudrait-il pas pour enseigner à des enfants?

Les avantages d'une formation des enseignants primaires confiée dans sa totalité à l'université, laquelle assume depuis 1993 rappelons-le un tiers de cette formation, sont les suivants:

a) Elévation du niveau de compétences

Le nouveau système de formation s'inscrit dans un courant qui inspire la plupart des réformes engagées dans les pays à statut économique comparable et qui vise à doter tous les enseignants des premiers degrés de la scolarité des compétences théoriques et pratiques que seules des études de niveau tertiaire permettent d'acquérir. Le parcours de formation ainsi que le règlement d'études relatifs à la licence en sciences de l'éducation mention «enseignement» élaborés par la FAPSE offrent à cet égard des garanties certaines.

b) Un nouveau type de professionnalisme

De manière générale, cette formation universitaire répond à un nouveau type de professionnalisme enseignant, lui aussi inscrit dans un courant largement répandu tant en Suisse que dans les pays du monde occidental. Il s'agit de promouvoir une attitude pédagogique nouvelle susceptible de contribuer en permanence à l'innovation. Elle doit permettre à l'enseignant d'assumer des responsabilités individuelles et collectives. Ce type de professionnalisme suppose un ensemble de compétences permettant de prendre, de manière autonome, les décisions favorisant au mieux les apprentissages des élèves, de gérer les problèmes liés aux comportements et aux motivations, de tenir compte de la diversité des situations personnelles des élèves.

c) Revalorisation

Indépendamment du titre universitaire auquel conduit cette formation, titre qui, en soi, garantit une mobilité professionnelle accrue, cette conception nouvelle de la formation est de nature à rendre la profession plus attrayante. Elle prépare à des activités plus diversifiées, des manières d'enseigner plus riches et, en insistant sur les responsabilités, elle mène à une autonomie professionnelle accrue. De plus, elle permet aux enseignants de devenir les principaux acteurs et initiateurs des innovations qui ne manqueront pas de se produire dans les années à venir.

d) Engagement

Comme dans la plupart des professions, la formation devient indépendante du futur employeur, en l'occurrence le département de l'instruction publique. L'une des conséquences de cette option conduit à modifier les conditions d'engagement du personnel enseignant et les mécanismes de sélection des candidats; celle-ci ne se fera plus au début des études sur la base d'une évaluation approximative des besoins mais au terme des études en fonction des postes disponibles.

e) Partenariat

Une autre conséquence tient à la nécessité d'instituer un partenariat durable entre la section des sciences de l'éducation et la direction de l'enseignement primaire. Ce partenariat prévu dans un contrat spécifique permet de réaliser l'articulation théorie-pratique dans les meilleures conditions et d'ajuster la formation à l'évolution des situations d'enseignement dans les écoles publiques genevoises. L'enseignement primaire, tout en respectant les règles de fonctionnement universitaires, est ainsi partie prenante de la formation dans ses aspects essentiels.

f) Mobilité

La formation universitaire telle qu'elle est prévue est conforme aux standards minimums de formation en vigueur dans les cantons suisses et dans les Etats européens; aussi, la libre circulation des enseignants formés à Genève peut-elle être envisagée avec un maximum de garanties, de même que la fréquentation par les étudiants d'autres universités.

Il est vrai que ce principe de la reconnaissance universitaire du métier d'enseignant peut sembler contredit aujourd'hui par certains milieux suisses qui envisagent la création de Hautes écoles pédagogiques. Il s'agit, en particulier, de la thèse n° 1 du 1er octobre 1993 de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique. Dans une lettre adressée le 24 mai 1994 au Secrétaire général de cette Conférence, le département de l'instruction publique a fait connaître sa nette préférence pour une formation du corps enseignant primaire à l'université de Genève et non pas dans les Hautes écoles pédagogiques.

Il faut admettre que la reconnaissance de la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement», constitue un pas important pour la promotion du métier d'enseignant primaire. Il faut rappeler à ce sujet que les universités suisses, à part l'université de Berne, ne connaissent pas de filière spécifique aussi développée qu'à Genève en sciences de l'éducation. En conséquence, il serait regrettable de ne pas considérer cet acquis genevois en termes de moyen de formation, de ne pas le valoriser dans la future formation initiale des enseignants primaires et de la doubler par une voie parallèle de formation au métier d'enseignant qui coûterait beaucoup plus cher.

3. Liens avec la rénovation de l'enseignement primaire

La nouvelle conception de la formation correspond à une pédagogie qui permet à l'élève, par un enseignement différencié, de se développer dans toutes ses dimensions, de construire lui-même ses connaissances parce que placé dans des situations d'apprentissage actif. Pour cela, l'enseignant doit savoir tenir compte des rythmes, des intérêts, des caractéristiques propres à chaque enfant.

Cette pédagogie, dont les origines sont déjà assez anciennes, se répand progressivement dans les écoles genevoises mais se heurte à des obstacles qui tiennent à une organisation de la scolarité par degrés, aux programmes d'enseignement, à des moyens d'enseignement standardisés ou encore au système d'évaluation.

Le département de l'instruction publique a, par conséquent, souhaité susciter un mouvement dans l'enseignement genevois en s'engageant sur la voie d'une rénovation comportant trois axes décrits dans un texte d'orientation diffusé en août 1994 et qui visent à:

1. individualiser les parcours de formation;

2. apprendre à mieux travailler ensemble;

3. placer les enfants au coeur de l'action pédagogique.

Le but de cette rénovation est de permettre à toutes les écoles du canton de s'associer progressivement à un renouvellement des pratiques pédagogiques et de rechercher en fonction des situations locales des modes de fonctionnement correspondant aux trois axes évoqués.

Le projet de formation universitaire des enseignants est antérieur à celui d'une rénovation de l'enseignement primaire. Cependant, formation et rénovation reposent sur les mêmes bases et orientations pédagogiques. Le département de l'instruction publique estime nécessaire, par souci de cohérence, de lier les deux projets. Il s'agit notamment de rapprocher, par des propositions de formation continue, les démarches pédagogiques des enseignants actuellement en fonction, de celles que développeront les enseignants nouvellement formés.

4. Le plan d'études proposé par l'université

Il est dans les missions de l'université, à l'article 4 de la loi sur l'université, du 26 mai 1973, «de développer les aptitudes nécessaires au transfert et à l'application à la vie professionnelle des connaissances acquises». Ce transfert de connaissances scientifiques dans le champ professionnel ne peut pas être plus marqué que dans le secteur de la formation pédagogique.

C'est pourquoi l'université a proposé de créer une nouvelle licence universitaire en sciences de l'éducation, mention «enseignement», et d'exposer à l'intention des députés le contenu du plan d'études qu'elle se proposera d'adopter, conformément à ses lois et statuts.

La nouvelle formation s'inscrira dans une réorganisation complète de la structure et des plans d'études de la section des sciences de l'éducation: le premier cycle sera ramené à une année et constituera un tronc commun suivi par l'ensemble des étudiants en sciences de l'éducation. Il débouchera sur un second cycle de trois ans offrant plusieurs cursus parallèle, menant tous à une licence en sciences de l'éducation, mais avec des mentions différentes.

Le second cycle conduisant à la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement», assurera une formation à la fois académique et professionnelle. Il ouvrira à la fois sur un métier et la poursuite d'études de troisième cycle (diplôme d'études supérieures ou doctorat). Cette formation entend former des licenciés qui aient à la fois:

 une culture scientifique de base en sciences humaines et sociales dans les domaines touchant à l'éducation;

 des compétences orientées vers l'analyse de situations éducatives complexes, l'intervention et la recherche en éducation;

 des compétences permettant d'enseigner dans une classe ou d'exercer d'autres fonctions pédagogiques dans l'enseignement primaire.

Parmi ces dernières, mentionnons les principales:

a) maîtriser le métier d'enseignant tel qu'il est défini par la société et les systèmes éducatifs;

b) savoir réfléchir sur sa pratique;

c) maîtriser les disciplines à enseigner et leurs didactiques;

d) s'approprier les sciences humaines et sociales comme base d'analyse des situations éducatives;

e) prendre en compte la dimension éducative du métier;

f) savoir concevoir, construire et gérer des situations d'apprentissage et d'enseignement;

g) savoir prendre en compte la diversité des élèves;

h) se sensibiliser aux dimensions relationnelles du métier;

i) intégrer une composante éthique à la pratique quotidienne;

j) apprendre le travail en équipe et la coopération avec d'autres professionnels;

k) assumer un rapport critique et autonome aux savoirs.

Le cursus envisagé favorisera une forte articulation théorie-pratique, notamment dans le cadre d'unités de formation dites «compactes», qui feront alterner des semaines de formation en faculté (séminaires, travaux dirigés) et des semaines de formation dans les écoles (stages intégrés et accompagnés).

Les étudiants suivront en outre des stages longs en responsabilité, des cours communs à tous les cursus de licence en sciences de l'éducation et une formation à la recherche. Ils compléteront leur formation par un mémoire de fin d'études.

Les principales unités de formation mettront l'accent sur:

 les didactiques du français, de l'allemand, des mathématiques, des sciences, de la géographie, de l'histoire, des arts plastiques, de la musique, de l'éducation physique et des sports;

 les approches dites transversales (relations intersubjectives et désir d'apprendre; rapport du savoir, métier d'élève, métier d'enseignant; diversité culturelle et gestion de classe; différences individuelles et difficultés d'apprentissage; régulation des processus d'apprentissage et évaluation; enseignement spécialisé et intégration; l'école, les familles, la société);

 les outils de travail (outils de recherche d'une part, outils d'enseignement d'autre part, notamment informatique et vidéo);

 l'intégration des divers apports contribuant à la construction des compétences professionnelles et scientifiques;

 la consolidation différenciée des acquis précédents, au gré des besoins des étudiants.

5. Places de stages

La faculté de psychologie et des sciences de l'éducation ne pratique et ne pratiquera aucune limitation d'accès au 1er cycle, conformément au principe de libre accès à l'université.

Il paraît en revanche indispensable de limiter l'entrée au second cycle pour tenir compte du nombre de places de stages disponibles dans l'enseignement primaire. La nouvelle formation des enseignants suppose une alternance soutenue entre moments de stage et moments de formation à l'université. De ce fait, il est indispensable que les étudiants puissent travailler dans les classes pour au moins un tiers de leur temps, dans de bonnes conditions d'encadrement garantissant une formation de qualité.

Or, les capacités d'accueil de l'enseignement primaire sont limitées. Il est donc légitime de restreindre l'accès au second cycle mention «enseignement». Les autres parcours de second cycle resteront ouverts en principe à tous les étudiants ayant achevé le 1er cycle.

La limitation d'accès au second cycle sera subordonnée aux principes juridiques suivants:

 la possibilité de sélectionner les étudiants qui accèdent au 2e cycle de formation doit répondre à un intérêt public prépondérant par rapport à l'intérêt du candidat au livre choix de la profession, compte tenu du fait que cette licence n'aboutit pas forcément à l'enseignement primaire;

 la restriction d'accès doit être prévue dans la loi formelle qui définit par ailleurs son objet, son but et ses limites;

 en plus, il doit ressortir du texte légal que la restriction d'accès est l'ultime solution (principe de proportionnalité);

 un critère non arbitraire déterminant le choix des candidats doit être indiqué dans le texte légal;

 il en va de même des autorités, de leurs compétences, ainsi que de la procédure qui doivent être fixées dans les grandes lignes.

6. Commentaire article par article relatif à la modification de la LIP

Modification du libellé de la section 1 du chapitre II au titre IV de la loi sur l'instruction publique: «exigences à l'engagement et formation» remplace «candidats».

Art. 133: suppression du concours d'entrée aux études pédagogiques primaires

L'ancien article 133 constituait la base légale du concours à l'entrée aux études pédagogiques, organisées sous la responsabilité de l'employeur. Or, la formation sera dorénavant assumée entièrement par l'université, soit, pour elle, la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.

L'ancien article 133 n'a dès lors plus de raison d'être et il doit être abrogé.

Art. 134: exigences à l'engagement dans l'enseignement primaire

Par rapport à l'article 134 ancien, cet article précise l'exigence de la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement», de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'université de Genève comme titre de référence à l'engagement dans l'enseignement primaire.

L'Etat, en sa qualité d'employeur, reste néanmoins libre dans le choix des futurs enseignants primaires qui sont au bénéfice du titre exigé. L'obtention de la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement», ne constitue donc pas une garantie d'emploi.

Les articles 2, 7 et 8 de l'accord intercantonal sur la reconnaissance des diplômes de fin d'études, du 28 février 1993 (C 1 0,6), nous imposent de laisser ouverte la possibilité d'engager dans l'enseignement primaire les porteurs d'un titre jugé équivalent à la nouvelle licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement». Le règlement de reconnaissance relatif aux diplômes d'enseignants primaires qui sera adopté, le moment venu, par la conférence des directeurs de l'instruction publique, en application de l'accord intercantonal, précisera les conditions d'équivalence. Ce règlement de reconnaissance remplacera les recommandations actuelles de la conférence des directeurs de l'instruction publique relatives à la «Reconnaissance réciproque des diplômes cantonaux des enseignants», du 28 octobre 1990, qui permet aux cantons d'imposer un délai de 2 ans au maximum aux titulaires de diplômes extra-cantonaux pour leur permettre de se mettre au courant des spécificités du canton.

Art. 134A

Alinéa 1: Stages pratiques dans l'enseignement primaire

L'alinéa 1 fait ainsi apparaître l'intérêt public signalé au chiffre 4 ci-dessus qui réside dans la qualité de la formation, de niveau universitaire, avec une forte articulation théorie-pratique grâce aux places de stages qui répondent aux exigences de formation; leur nombre est chaque fois fixé pour 4 ans de façon à ne pas compromettre un minimum de planification universitaire.

Il appartient à la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation d'assumer entièrement l'organisation des études universitaires menant à la licence, mention «enseignement» (voir article 83, alinéa 3, de la loi sur l'université).

En revanche, le département fixe le nombre de places de stages pourvues de formateurs praticiens dans l'enseignement primaire en tenant compte des exigences de formation fixées par la section des sciences de l'éducation. Cette limitation est rendue nécessaire par la capacité d'accueil et d'encadrement des étudiants-stagiaires dans l'enseignement primaire.

Alinéa 2: Possibilités de sélection

L'objet de la restriction d'accès réside dans la possibilité de sélection lorsque le nombre de candidats admissibles au 2e cycle de formation est supérieur au nombre de places de stages adéquates disponibles.

Le but de la restriction est de garantir aux étudiants admis une formation pratique adéquate compte tenu de la capacité d'accueil et d'encadrement limitée.

La sélection à l'entrée au 2e cycle ne peut intervenir que dans le cas où, malgré des informations circonstanciées durant la première année, le nombre d'étudiants dépasse toujours le nombre de places de stages disponibles.

Par ailleurs, l'étudiant refusé à l'entrée au 2e cycle peut se représenter au moins une fois lors d'une nouvelle procédure d'admission, conformément aux exigences imposées par le règlement de l'université et le règlement d'études.

La sélection est opérée sur l'aptitude présumée des étudiants à suivre le cursus de formation sur la base d'un dossier et, le cas échéant, d'épreuves complémentaires et d'entretiens.

B. Projet de loi relatif au financement de la licence en sciences de l'éducation, mention «enseignement»

Le but du projet de loi de financement est de donner une base légale à la dépense nouvelle induite par la nouvelle filière de formation universitaire.

Le développement de la nouvelle filière se répartit sur trois ans, de 1996 à 1998, au gré de l'ouverture successive des années d'étude. Le second cycle mention «enseignement» s'ouvrira le 1er octobre 1996, et accueillera, grâce à des mesures réglementaires transitoires, des étudiants ayant suivi le 1er cycle actuel.

Le Conseil d'Etat a donc accepté d'introduire dans la loi un engagement budgétaire conçu sur une période de trois ans, soit une période de 1996 à 1998. Un tel engagement, en effet, n'est pas contraire à la loi du 7 octobre 1993 sur la gestion administrative et financière de l'Etat, qui prévoit, certes, à l'article 12 que les crédits budgétaires sont alloués de manière annuelle, mais qui prévoit également, à l'article 50, le principe du crédit-cadre dans lequel nous sommes.

Pour revenir à l'explication des dépenses sur les années 1996, 1997 et 1998, il faut prendre en compte, d'une part, que, à roulement normal en 1998, le coût budgétaire total de la nouvelle formation serait de 6 875 000 francs. Cela inclut le total des traitements et charges sociales des membres du corps enseignant universitaire, les indemnisations des formateurs de terrain et les frais de fonctionnement et d'équipement. Cette somme sera portée en augmentation du budget universitaire. Cette garantie part du principe que l'université, en fonction de ses tâches traditionnelles, définit son budget en termes de besoins annuels et rajoute les sommes admises pour les années 1996, 1997 et 1998.

Par ces motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter ces deux projets de loi.

Préconsultation

M. Pierre Vanek (AdG). Nous sommes ici en préconsultation et je suis tenu d'être bref, alors qu'il y aurait beaucoup de choses à dire. Je ferai donc brièvement quelques observations sur ces deux projets de lois et sur l'ensemble du projet de rénovation de la formation des enseignants.

La première chose, qui me semble un tant soit peu inquiétante et que j'ai relevée en prenant connaissance de l'exposé des motifs du projet de loi, est que la première volée formée par cette nouvelle filière commencera ses études en 1996 et ne sortira avec le diplôme ad hoc lui permettant d'enseigner au niveau primaire qu'en 1999, ce qui signifie qu'on se trouve dans la situation suivante : pendant quatre ans, ce canton n'aura pas formé d'enseignants primaires. Il y aura un trou noir dans la formation, à un moment où il y aurait un besoin accru de sang neuf. Cela se traduira par une économie non négligeable pour le budget de l'Etat, mais cette situation est douloureuse et regrettable. Il est incroyable qu'on n'ait pas pu - ou pas voulu ! - garantir une rénovation de la formation de l'enseignement primaire qui assure la continuité de cette formation. Cette volonté d'économie est douteuse, et il aurait au moins fallu avoir le courage de l'avouer.

La deuxième chose concerne le tableau, figurant en annexe à ces deux projets de lois, à propos des coûts, en les comparant avec ceux de 1992. Le coût de la formation était de l'ordre de 9,5 millions. Or, on apprend que la nouvelle formation coûtera 6,8 millions. L'économie supplémentaire envisagée est donc de l'ordre de 3 millions, économie faite sur le dos de la formation des enseignants primaires. On peut aussi, bien sûr, discuter sur la manière d'investir, mais il faut reconnaître qu'on investit moins. Cette économie est sans doute une des motivations de ce projet, bien que cela ne soit, comme par hasard, mentionné nulle part. On peut faire des économies, on peut vouloir les faire, mais il faut avoir le courage de les défendre en tant que telles. Vous ne me ferez pas croire que c'est tout à fait innocent et que cette formation coûte beaucoup moins cher, sans que cela ne soit intentionnel.

En observant ces tableaux, on voit qu'une ligne concernant les indemnités des candidats est vierge : évidemment puisqu'il n'y a plus de candidats mais des étudiants à l'université ! Nous avons déjà débattu de la question de l'indemnisation d'un certain nombre de personnes en cours de formation professionnelle, à propos notamment des indemnités des élèves infirmières. Je déplore, une nouvelle fois, la suppression de cette indemnisation, car on n'aura plus la possibilité d'engager des gens ayant vécu une expérience professionnelle dans un milieu extra-scolaire, qui n'aient pas forcément vingt ou vingt-deux ans, pour un métier qui la requerrait précisément. Comme on l'a évoqué pour les infirmières, cette possibilité était précieuse pour des enseignants en contact avec des gens de toutes sortes de milieux professionnels, avec des parents d'élèves. Certes, on les payait et ils coûtaient quelque chose, mais il faut relever aussi que ces candidats à la formation primaire fournissaient un effort, un travail non négligeable, en contrepartie.

Cela me permet de faire le lien, avec quelques réserves que j'ai à formuler, sur le fait que l'on considère que la formation au métier d'enseignant primaire doive être forcément améliorée par le passage à l'université. Cette espèce de valorisation abstraite par la formation universitaire correspond à une dévalorisation de la formation professionnelle existante. Elle tend à considérer le métier d'enseignant moins comme un métier pratique qu'un métier se fondant essentiellement sur des considérations théoriques. Or, pour moi, à l'évidence, ce n'est pas à la sortie de la formation qu'un enseignant est capable d'assumer, d'emblée, l'ensemble des facettes de son métier. L'essentiel, c'est l'engagement dans la pratique concrète du métier et dans une réflexion en cours d'exercice ! A mon avis, cette proposition et tout ce discours sur le fait qu'on revalorise, qu'on reprofessionnalise la formation, correspondent à quelque chose de négatif, par rapport à la situation actuelle des enseignants en cours d'emploi et cela me pose quelques problèmes.

Je n'interviendrai pas sur le lien avec la rénovation de l'enseignement primaire parce qu'en cinq minutes on ne peut pas faire le tour de deux projets de lois et de ce projet de rénovation. Ce lien me semble un tant soit peu abusif, tel qu'il est présenté. Je relève simplement qu'on évoque dans ce rapport...

La présidente. Non, Monsieur Vanek, je suis navrée de vous interrompre, mais je vous ai déjà accordé une minute de plus !

M. Pierre Vanek. Juste quinze secondes, Madame la présidente ! Un mot sur l'harmonisation fédérale ! On apprend que Genève entend agir seule et on laisse entendre que c'est bien d'être à l'avant-garde et qu'il n'y a pas de problème à ne pas tenir compte des propositions des directeurs cantonaux de l'instruction publique. C'est surprenant alors que, dans d'autres domaines, comme les demi-tarifs de bus par exemple, on m'a dit qu'il fallait faire comme Zurich. Je trouve ce double discours un peu surprenant. Je m'arrête là ! A l'évidence, je n'ai pas pu dire le tiers du quart de ce qu'il y avait à dire, mais nous en débattrons en commission. Merci, Mesdames et Messieurs, pour votre patience et merci, Madame la présidente, pour le supplément de temps que vous m'avez accordé.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Ce projet de loi vise à revaloriser la formation des professionnels de la pédagogie de l'école primaire. C'est LE point positif du projet de loi et c'est le seul.

Pour le surplus, notre groupe a quelques remarques à faire. Le fait qu'une revalorisation doive forcément passer par l'université ne devrait plus avoir cours, alors même que nous adhérons à des propositions de formation professionnelle supérieure, de maturité professionnelle, de hautes écoles. L'université non seulement n'est plus le seul lieu de valorisation des formations, mais elle est particulièrement un lieu assez inadéquat en ce qui concerne les formations professionnelles.

Si les formations professionnelles doivent, comme vous l'avez bien relevé dans votre projet de loi, comporter une forte articulation théorie-pratique, le projet l'expose de manière pertinente. Il est à l'évidence hors de la mission de l'université, par exemple : «d'apprendre le travail en équipe et la collaboration avec d'autres professionnels». L'université est bien incapable de remplir une mission pareille. Si jamais on devait lui donner une telle mission, alors la formation des enseignants primaires à l'université serait un précédent.

En suivant l'organigramme du système d'enseignement publique genevois, qui se trouve dans le mémento à notre disposition, on remarque en page 1 quelque chose de remarquable : pour la première fois visible de cette manière, à mon avis, on voit une division entre scolarité obligatoire, post-obligatoire et tertiaire. Dans le tertiaire, nous trouvons l'université et l'ensemble des écoles professionnelles supérieures. C'était une immense joie de le constater, car c'est là qu'est l'intérêt !

Cela signifie que ces formations - et les études pédagogiques en font partie jusqu'ici - sont des études tertiaires et doivent être retenues comme telles. Si jamais les études pédagogiques devaient passer par l'université, cela créerait alors un précédent et toutes les autres écoles devraient passer aussi par l'université, puisqu'elles sont au même niveau. L'université aurait tout à y perdre, parce que sa mission est bien de transmettre des connaissances, de faire de la recherche, mais sûrement pas d'assurer des formations professionnelles.

Concernant la mobilité professionnelle, il est vrai qu'en élevant le niveau de la formation on améliore le niveau de mobilité intercantonale ou internationale, mais on n'améliore en rien la mobilité entre les ordres d'enseignement ou entre les différentes approches professionnelles. Finalement, il faut encore poser la question : que deviendra le salaire de ces nouveaux enseignants ? Il y a deux façons de valoriser une profession : par la formation et par la reconnaissance salariale. Quelle sera la reconnaissance salariale de cette nouvelle formation ?

Pour finir, je remarque que le prix de ce projet de formation est fort peu détaillé. En général, il est difficile de se prononcer sur un budget portant sur des millions, quand celui-ci est aussi peu détaillé, mais nous verrons cela en commission.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Le groupe socialiste accueille favorablement ces deux projets de lois et se réjouit de la mise en place d'une meilleure formation des maîtres de l'enseignement primaire. Nous souhaitons vivement toutes améliorations dans ce sens qui ne peuvent qu'être bénéfiques à l'école et surtout aux enfants qu'elle a charge de former et de préparer dans le sens des objectifs de la loi. Pourtant quelques observations s'imposent. Quelques-unes ont déjà été faites, j'essaierai de ne pas les répéter.

Tout d'abord, on pourrait regretter que ces deux projets de lois ignorent ou négligent les vues formées par la motion 379, dite motion Sauvin, concernant la réorganisation des études pédagogiques primaires et secondaires, adressée au Conseil d'Etat et adoptée par le Grand Conseil en avril 1986. Elle est brève. Permettez-moi de vous la rappeler :

«Considérant :

- que deux structures de formation régissent actuellement la formation pédagogique des enseignants, l'une conduisant au métier d'instituteur, l'autre à celui de maître secondaire;

- que cette double voie renforce la coupure entre l'enseignement primaire et secondaire, alors que personne ne nie aujourd'hui qu'il y a lieu de considérer la scolarité comme un tout;

- que le développement de l'enfant et de l'adolescent doit être envisagé davantage dans sa continuité que dans ses moments successifs;

- que dans une société qui évolue rapidement la polyvalence doit être considérée comme une richesse, non seulement pour les élèves mais pour les maîtres eux-mêmes, ainsi que pour les responsables administratifs et pédagogiques;

invite le Conseil d'Etat

à rapprocher ces deux structures, notamment à créer un tronc commun à ces deux systèmes».

Le conseiller d'Etat de l'époque avait reçu très favorablement cette motion votée à la quasi-unanimité, si j'ai bien lu le Mémorial, et il avait ajouté :

«J'accepte volontiers au nom du Conseil d'Etat votre motion, et je vous propose de l'adresser directement au Conseil d'Etat. Je la prends en charge au niveau de mes services et espère y répondre d'ici trois à quatre mois».

Les trois ou quatre mois sont passés, après eux, près de neuf ans, sans que la motion ne reçoive une quelconque réponse, puisqu'elle figure encore dans la dernière liste des objets en suspens. Pour la forme au moins, on aurait pu y faire allusion, sinon y répondre véritablement. Bien entendu, le Grand Conseil, dans l'intervalle de ces neuf ans, a débattu de la refonte des études pédagogiques, il y a quelque trois ans. Discussions animées, avis pour le moins partagés, c'est du moins l'impression qui prévaut quand on voit le score très serré des votes : égalité. C'est la présidente du Grand Conseil de l'époque qui avait tranché en faveur d'un soutien orienté dans le sens des projets de lois qui nous sont soumis ce jour.

Il était possible d'imaginer, sinon des voies totalement différentes, du moins des variantes, à l'image par exemple des IUFM - Instituts universitaires de formation des maîtres français - qui, sans être parfaits - qui peut prétendre l'être ! - prennent en compte la formation de tous les maîtres, de la maternelle au lycée, avec des choix de spécialisation vers l'un ou l'autre secteur, au fur et à mesure de l'avancement des études.

Autre élément qui mériterait davantage de clarté pour ne pas dire de franchise : la mobilité. Mme Maulini-Dreyfus y a fait allusion. J'ajouterai simplement qu'à l'heure actuelle la formation des maîtres primaires permet à tout enseignant des cantons romands de venir enseigner dans l'un ou l'autre de ces cantons. Il n'y a, à ce niveau de mobilité, pas grand-chose de nouveau. Bien sûr, il y a l'eurocompatibilité ! Elle se limite, compte tenu de la langue, vous le savez bien, à la France et à la partie francophone de la Belgique. Cela ne peut être utile que dans quelques cas ! Le statut, les conditions de travail et surtout d'engagement dans ces deux pays amis ne sont pas, pour le moment du moins, si attractifs qu'ils puissent susciter une vague d'émigration d'instituteurs genevois.

Donc, en réalité et à première analyse, la mobilité évoquée ne dépassera guère les possibilités actuelles, c'est-à-dire obtenir un poste dans l'enseignement primaire au sens large, que l'on soit maîtresse primaire enfantine, instituteur, formateur, et, qui sait ? - une chance sur soixante environ - inspecteur, encore qu'avec l'ancienne formule, le poste était garanti, ce qui maintenant ne sera plus le cas ! Dans les faits, celui ou celle qui souhaiterait faire autre chose, par exemple enseigner dans le secondaire, devra reprendre des études, préparer une licence spécifique d'enseignement, requise pour ce secteur, c'est-à-dire s'astreindre à trois ou quatre ans d'études supplémentaires. A mon avis, il n'y a rien de changé sous le soleil à ce point de vue.

Enfin, comme le fait remarquer l'exposé des motifs sous lettre c), concernant la revalorisation, il est un aspect qu'il faudra bien considérer et mettre à jour, celui de l'adaptation du statut des nouveaux instituteurs. Dans la fonction publique, les postes sont classés selon une échelle de salaires qui tient compte de cinq critères, dont celui des titres exigés pour chacun d'eux. Jusqu'ici la fonction d'instituteur ne comportait pas l'exigence d'une licence. Au plan salarial, c'est le seul point qui différencie actuellement enseignants du primaire et du secondaire. L'écart, disparaissant au plan des titres, subsisterait-il au plan de la rémunération ? On le conçoit mal, et nous espérons que le Conseil d'Etat, conscient de ne pas introduire d'inégalité de traitement dans ce secteur sensible, saura adapter ses budgets à venir en conséquence. A première vue, mais je me trompe peut-être, le plan financier qui nous est soumis n'en tient pas encore compte.

Je terminerai là, encore qu'il y aurait bien d'autres points à aborder, mais nous aurons l'occasion de le faire en commission. Nous nous réjouissons donc de traiter ces deux projets de lois, lors des travaux de la commission de l'enseignement, à laquelle nous demandons leur renvoi.

M. Roger Beer (R). Le groupe radical accueille ces deux projets également très favorablement, peut-être avec moins de réserves que celles émises précédemment par des professionnels ou des personnes issues du giron de l'enseignement.

Ce qui nous frappe, dans toute cette discussion, c'est que le changement proposé est combattu dès le départ - alors que nous ne savons même pas encore exactement comment il sera perçu par l'intérieur - sur des éléments très subjectifs, tels que salaire et statut. Ceci est dommageable quand, en préconsultation, on les avance comme seuls éléments, positifs ou négatifs, de ces projets de lois. Aujourd'hui, c'est consciemment que le Conseil d'Etat poursuit ce qui avait été entamé lors de la précédente législature, c'est-à-dire la refonte et la reconsidération totale de la formation des enseignants, par rapport à ce qui nous attend à l'horizon intercantonal, voire européen.

La grande difficulté pour Genève, c'est d'avoir une formation d'enseignants très élevée, qui puisse résister à l'ouverture des frontières. Les exigences, même de base, par rapport aux cantons voisins, sont très différentes et - je l'ai déjà dit en commission, mais je peux aussi le dire en plénum - je suis tout à fait heureux que mes enfants fréquentent l'école genevoise et non pas une école d'un autre canton.

Malgré tout, on doit s'adapter à cette ouverture, ce qui risque de demander un certain nombre de sacrifices. Lors de l'étude approfondie de ces projets de lois, la commission de l'enseignement devra en tenir compte, mais il faudra aussi comprendre et examiner les possibilités d'une formation plus large, permettant d'autres débouchés que le métier d'instituteur. A mon sens, le grand avantage de cet essai de formation différenciée, de revalorisation de la filière, est que, à l'instar d'autres étudiants dans d'autres formations, des gens se retrouveront sur le marché du travail et devront chercher un poste. Finalement, le poste de travail ne sera pas acquis avant la formation, privilège qui - à titre personnel, en tant qu'étudiant d'une autre filière - suscitait en moi quelques avis mitigés sur le sujet.

Enfin, sans vouloir m'avancer davantage, je me réjouis que l'on étudie ces projets en commission et que l'on entende les représentants des instituteurs, des directions, de l'université, du budget pour voir quelle dépense cela représente. J'espère aussi que la retraite des instituteurs - vous savez que c'est un de mes dadas - sera prise en considération dès la formation. Cette question a déjà fait l'objet de grands débats - on risque d'aborder ce sujet tout à l'heure plus longuement - en rapport avec le recyclage et la formation continue.

Il ne faut effectivement pas oublier qu'il existe une fatigue plus marquée chez des gens confrontés à des enfants et à des adolescents que chez des gens confrontés à d'autres problèmes. Cet aspect sera également abordé en commission.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Qu'il est difficile de vouloir bien faire ! Qu'il est difficile tout court de vouloir faire ! A écouter M. Vanek, il vaudrait mieux ne rien changer. A écouter Mme Maulini-Dreyfus, il vaudrait mieux s'orienter vers les hautes écoles pédagogiques, dans l'idée d'une formation tertiaire supérieure ! A écouter Mme Charrière-Urben, il faudrait suivre la piste proposée par M. Sauvin, dont je relisais, hier encore, et la motion et les commentaires, consistant à rapprocher les deux formations primaire et secondaire. Ceci implique de facto, étant donné que la formation secondaire exige au minimum une licence, un rapprochement vers l'université, comme vous pouvez bien l'imaginer.

Nous voilà face à trois visions, trois raisons de critiquer, et trois propositions de solutions totalement différentes. Or, ce projet de formation, élaboré par des enseignants et des représentants de l'université, qui y ont travaillé pendant deux ans, a été communiqué à la Société pédagogique genevoise laquelle, dans ses instances supérieures en tout cas, nous a toujours signalé et son intérêt et son soutien. Ce projet vise effectivement à faire en sorte que la formation des enseignants primaires, pour les prochaines années, soit adaptée à un monde en changement.

Il y a bien, Monsieur Vanek, un lien avec la rénovation, dans la mesure où l'on intègre dans la formation les principes mêmes de la rénovation.

Mme Maulini-Dreyfus, il existe une formation professionnelle à l'université : celle des médecins, qui a comme caractéristiques un haut niveau universitaire et une démarche professionnelle, avec des stages cliniques, non pas des stages pratiques. S'il fallait comparer les démarches, on trouverait des analogies avec notre projet. Nous sommes probablement le seul canton à oublier trop souvent que nous avons une faculté des sciences de l'éducation connue, que l'on sait fort bien honorer une fois l'an, à l'occasion du Dies academicus. Ce jour-là, nous nous félicitons, décernons des diplômes à ceux qui nous reviennent après avoir fait «fortune ailleurs». Le reste du temps, nous voilà en train d'imaginer d'autres institutions pour donner une formation à celles et ceux qui ont pour tâche de former des gens.

La démarche de ce projet de loi est d'utiliser aussi «la matière grise» que nous avons, qui est respectée au-delà de nos frontières et qui prétend, en matière de sciences de l'éducation, avoir quelque chose à dire. C'est bien la raison pour laquelle ont travaillé, main dans la main, des enseignants et des universitaires. C'est avec l'accord de la faculté et de l'université que cette nouvelle formation est mise en place. Vous devrez les auditionner en commission, je n'entre donc pas dans les détails.

Mme Maulini-Dreyfus, lorsque vous approuvez les budgets, vous n'avez pas, et de loin, les éléments dont vous disposez, ici, dans ce projet de loi. Vous vous plaignez d'informations lacunaires concernant les millions dépensés, mais vous n'en avez jamais plus d'habitude, lorsque vous approuvez les budgets au Grand Conseil; au contraire, vous avez même davantage de précisions, ici.

Bien sûr, on pourra toujours être pour ou contre ce projet, mais il faut définir ce que doit être la formation des enseignants. Doit-elle être produite uniquement à l'intérieur de l'institution DIP ou doit-on faire appel à des compétences extérieures ? Doit-on admettre que puisse venir de l'université une partie de la science transmise à nos enseignants ? Nous pensons que oui et que ce projet longuement mûri, encore une fois en collaboration avec d'autres, est bon.

Ce n'est pas, Monsieur Vanek, parce qu'il coûte moins cher qu'il est nécessairement moins bon. Ce projet a été évalué par ceux qui l'ont mis au point. Nous avons accepté leurs propositions, et ce sont ces propositions que nous vous présentons aujourd'hui. Leur mission était bien de ne pas construire un cadre mirifique que nous n'aurions pas pu assumer. Or, je tiens à dire ici, de façon claire, que celles et ceux qui l'ont soutenu et élaboré estiment que ce projet est faisable, avec les moyens demandés.

Pour le reste, je vous engage les uns et les autres à aborder ce projet, bien qu'il ne vienne pas de tous les bancs de ce Grand Conseil, avec un regard ouvert qui permette véritablement de cerner l'objectif, sans camper sur vos positions politiques de départ. Je souhaite bon vent aux travaux de la commission de l'enseignement.

C es projets sont renvoyés à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

I 1936
11. Interpellation de Mme Liliane Charrière Urben : DIP, service des loisirs, office de la jeunesse : Chalet "Clos des Sapins", à Saint-Cergue : qu'en est-il de l'affectation future de cette maison ? ( )I1936

Mme Liliane Charrière Urben (S). Mon interpellation concerne le service des loisirs, plus particulièrement l'affectation du chalet de Saint-Cergue, le «Clos des Sapins».

Ce service des loisirs, qui dépend de l'office de la jeunesse, compte, parmi ses activités, celle de l'organisation de semaines blanches, vertes, artistiques, de découverte de la nature, etc., pour les élèves des degrés 4, 5 et 6, de l'école primaire. Pour la réalisation pratique de ces séjours, le service des loisirs dispose de plusieurs chalets ou maisons, dont le statut présente quelques variantes.

Pour certains, ce sont des chalets style hôtel, c'est-à-dire la classe arrive et s'installe, le prix de pension tenant compte du personnel disponible sur le lieu de séjour et des services mis à disposition. Ces maisons n'appartiennent cependant pas au service des loisirs. L'autre système est celui des chalets gérés par le service des loisirs, dont l'intendance est assurée par des membres de la fonction publique. C'est le cas du chalet du «Clos des Sapins» à Saint-Cergue, qui a été légué à l'Etat de Genève par ses anciens propriétaires, avec une clause précisant que la maison devait servir à des activités pour la jeunesse. Un couple de gérant, un cuisinier, ainsi qu'un éducateur à temps partiel, assurent la bonne marche du «Clos des Sapins» sous la surveillance du service des loisirs. Ces gens sont rémunérés par le DIP.

Le taux d'occupation du «Clos des Sapins» est en général bon, mais, comme la plupart des autres chalets, il connaît une baisse de fréquentation entre la fin des vacances d'automne et le début de la saison de ski, entre mi-novembre et décembre. Pour combler ce déficit passager, on a créé récemment des «journées de neige», journées nature, offertes aux premiers degrés primaires. Gros succès auprès des maîtresses qui apprécient de pouvoir emmener leurs élèves à la montagne pour un jour, avec l'assurance que les enfants pourront prendre un repas chaud dans la journée, faire une pause, voire profiter de la collaboration de l'éducateur qui est sur place pour des activités de plein air, dans la forêt proche, etc. En été, le «Clos des Sapins» accueille des camps de vacances et affiche complet.

A ce jour, du fait de la retraite imminente des gérants actuels, on apprend que le DIP envisagerait la fermeture pure et simple de ce chalet, dès la prochaine rentrée scolaire. Qu'en est-il exactement, sachant que, pour certains enfants, la participation à une classe de neige ou à une classe verte est la seule aubaine de l'année de quitter la ville, souvent le brouillard, pour trouver le soleil et prendre contact avec la nature ? Même pour une journée, partir, qui plus est en train, quitter le bitume, le bruit, en un mot changer d'air, est une occasion de se refaire des globules rouges.

Sur un autre plan, qu'il s'agisse d'un jour ou d'une semaine, si ces séjours sont souvent l'occasion d'apprendre à se connaître entre maître et élèves, ils offrent aussi l'occasion, à certains enfants, de révéler leur personnalité, de montrer des talents, des connaissances, des savoir-faire que le cadre plus restrictif de la classe ne permet pas de mettre en valeur.

La menace qui plane sur le «Clos des Sapins» surprend donc. Mais, surtout, elle conduit logiquement à se poser la question du sort qui pourrait être réservé aux autres maisons et chalets, gérés par le service des loisirs, comme celui de Longirod, par exemple, pour n'en citer qu'un seul. Plus largement, on se pose également la question de la poursuite des prestations du service des loisirs dans ce genre d'activités. On comprendra donc notre souci d'en savoir un peu plus et de préserver un type d'activités qui concourent, autant que les exercices de mathématiques ou de français, à aider nos élèves à grandir avec une tête bien faite dans un corps sain.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Il serait parfois plus simple de poser des questions. Cette interpellation naît d'une simple interrogation soulevée au sein du département par le responsable de l'office de la jeunesse. Il s'agit pour le «Clos des Sapins», comme pour toute autre institution, d'évaluer les taux d'occupation et les nécessités dans le dispositif, ce qui me paraît normal lorsque des gérants quittent une institution. Cette demande d'évaluation est devenue : «on veut fermer cette institution»; à entendre certains phantasmes, elle va bientôt se transformer en : «on va en supprimer d'autres», et donc aussi, bien entendu, la vocation de fournir aux enfants tous les bienfaits énumérés par Mme Charrière Urben.

Ma réponse est simple, Madame : il n'est pas question de fermer le «Clos des Sapins». En revanche, nous n'avons pas l'intention de fonctionnariser nécessairement les gérants de ce type d'institutions. Tel était l'un des objets de la discussion.

Il n'est pas davantage question, Madame, de fermer d'autres institutions, ou écoles, ou chalets, mais simplement de les gérer de la façon la plus rationnelle possible. Il est parfaitement légitime d'examiner régulièrement leur utilité et leur rôle dans un dispositif, sans qu'il soit nécessaire de s'expliquer sur des fermetures qui n'ont pas lieu d'être.

Je regrette que la rumeur aille souvent plus vite que les renseignements, bien qu'il en soit souvent ainsi dans un grand département. Vous pourrez donc retransmettre, non pas la rumeur, mais ces informations rassurantes. Je le réaffirme : il n'est pas question de fermer le «Clos des Sapins».

Mme Liliane Charrière Urben (S). Je remercie Mme Brunschwig Graf de sa réponse. Effectivement, mieux vaut une réponse bien structurée et détaillée, comme elle vient de nous la présenter, que des rumeurs qui agitent, en long et en large, de haut en bas, le département et les diverses personnes qui y travaillent.

Cette interpellation est close.

P 1060-A
12. a) Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la pétition concernant l'intégration des handicapés dans l'école primaire et au cycle d'orientation. ( -) P1060
Rapport de Mme Elisabeth Häusermann (R), commission de l'enseignement et de l'éducation
M 1001
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Janine Berberat, Liliane Charrière Urben, Erica Deuber-Pauli, Catherine Fatio, Nelly Guichard, Janine Hagmann, Elisabeth Häusermann, Claude Howald, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Elisabeth Reusse-Decrey, Roger Beer, Jacques Boesch, Henri Gougler, Pierre-François Unger et Pierre Vanek concernant l'intégration de jeunes mentalement handicapés dans l'école obligatoire. ( )M1001

Sous la présidence de Mme Claude Howald, la commission de l'enseignement et de l'éducation a examiné, lors des séances des 8 février, 8, 15, 29 mars et du 5 avril 1995, la pétition 1060, déposée le 21 décembre 1994, munie de 5641 signatures (annexe III).

A la fin de ses travaux, après les différentes auditions relatées ci-après, la commission soumet à l'approbation du Grand Conseil ses décisions, votées à l'unanimité:

 dépôt de la pétition 1060 sur le bureau du Grand Conseil;

 dépôt d'une proposition de motion, signée par l'ensemble des commissaires.

Le présent rapport de la commission servira d'exposé des motifs à la motion.

Audition de Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du département de l'instruction publique (DIP), et de M. André Barthassat, directeur, responsable de l'enseignement spécialisé, directeur adjoint du SMP

Point de la situation / historique

Nous apprenons que la commission consultative de l'intégration scolaire des handicapés (Annexe II: composition et mandat), discute depuis plusieurs années de la question de l'intégration d'enfants handicapés mentaux au cycle d'orientation (CO), sachant que cette solution existe à l'école primaire.

A une demande officielle et concrète pour la rentrée scolaire 1993, concernant un petit groupe d'enfants déjà intégrés au niveau primaire (Voirets, Plan-les-Ouates) de poursuivre l'expérience au CO des Voirets, la DGCO a répondu négativement.

Au recours qui lui était adressé, le département de l'instruction publique a également répondu négativement. Il y a eu recours contre cette décision au Conseil d'Etat, réponse, duplique, réponse à cette duplique. Cette procédure suit son cours et n'est pas close.

En décembre 1994, la pétition 1060 a été déposée par l'APMH, soutenue par huit autres associations et signée par 5641 personnes. La pétition demande, d'une part, l'ouverture d'une classe intégrée dans un CO pour les enfants sortant des classes intégrées du primaire et, d'autre part, des dispositifs d'intégration individuelle (niveaux primaire et secondaire) des enfants concernés dans leur quartier.

Mme Brunschwig Graf nous dit que sa réponse négative au recours n'a été faite qu'après tout un travail d'analyse et de réflexion. Elle se réfère aux différents documents reçus et à des expériences un peu similaires à l'étranger.

Problèmes et faits évoqués par la présidente du DIP

 l'organisation du CO est différente de celle du primaire;

 décalage entre la demande des parents d'une intégration dans des classes ordinaires et la seule intégration possible à ses yeux, de nature sociale;

 l'intégration réelle n'est possible que pour des cours de cuisine, musique, gymnastique, théâtre ou autres activités de ce type;

 l'expérience aurait dû être organisée pour trois ans, et non seulement pour une année;

 trouver la possibilité optimale pour offrir aux handicapés un maximum de chances pour leur développement;

 sans hiérarchiser les handicaps, définir quel genre de handicap permet des chances, sans différenciation.

M. Barthassat précise que la commission consultative de l'intégration a été créée au début des années 70.

Il nous explique que le mandat du SMP se combine avec celui de l'enseignement primaire. Les enfants handicapés de 0 à 20 ans sont sous la responsabilité du SMP. Toutes les structures spécialisées dépendent administrativement de l'enseignement primaire. Ainsi, il y a la possibilité pour ces jeunes d'aller soit dans l'enseignement pré-professionnel, soit dans des centres de jour pour adolescents (voir aussi le rapport de la commission sur le préapprentissage et l'entrée en apprentissage, motion 904-A, pages 13, 24 et 25). L'institution de Grand-Chêne, par exemple, travaille dans la continuité des options prises dans la petite enfance, avec les mêmes orientations, mais d'autres moyens.

M. Barthassat est favorable à l'intégration des enfants déficients dans ce qui est le plus profitable à l'enfant.

La commission a l'intention de traiter le problème dans sa généralité et de faire abstraction de cas particuliers. Le SMP confirme que la réalisation de l'expérience dans le primaire apporte beaucoup de satisfaction et qu'un tutoring pour accompagner ces enfants dans un CO pourrait être envisagé mais serait difficile à organiser.

Audition de M. Christian Oestreicher, vice-président de l'APMH, et de Mmes Elisabeth Bouchardy et Anne Emery-Torracinta, représentants des pétitionnaires

Les pétitionnaires nous expliquent pourquoi ils sont concernés par la pétition. Chacune des personnes entendues a vécu ou vit encore de près des expériences concrètes d'intégration à l'école primaire. Chacune d'entre elles a pu constater les effets bénéfiques de cette intégration et trouve qu'il est essentiel de pouvoir répondre aux besoins de ces enfants au-delà de 12 ans.

Ainsi, on pourrait éviter qu'à l'âge de 12 ans les enfants soient renvoyés dans le monde institutionnel, totalement coupés des autres enfants. Ouvrir le CO offrirait la continuité des expériences positives du niveau primaire et une vraie alternative à l'institution.

Les pétitionnaires relèvent le constat des parents et des professionnels: Les bénéfices de l'intégration se trouvent non seulement dans l'acquisition d'une autonomie plus grande et le développement de compétences scolaires plus importantes au contact d'enfants valides qu'en milieu ségrégué, mais aussi, pour les enfants valides, dans l'apprentissage de la différence, d'une meilleure tolérance envers autrui et d'une amélioration des compétences sociales.

Depuis 1990, l'APMH a fait des démarches en vue d'une suite au niveau du CO. D'année en année, l'adaptant chaque fois aux nouvelles exigences des autorités, l'association a peaufiné et mieux structuré son projet, aussi dans le cadre de la commission consultative de l'intégration.

Un CO convaincu, une équipe de 15 maîtres partants, des éducateurs spécialisés prêts: jamais auparavant les conditions n'ont été si favorables pour faire partir le projet qu'à cette rentrée scolaire 1994.

Au vu des réponses toujours négatives à ses différentes demandes, et au vu de la difficulté de l'application de l'article 4 de la LIP (annexe I), l'APMH a lancé sa pétition.

La pétition ne se rapporte pas à des cas particuliers mais traite d'un problème général, celui de l'exclusion de tous ceux qui ne sont pas «normaux».

La demande d'intégration concrète au-delà de 12 ans en 1994 concernait 5 enfants d'un groupe de 8 ayant déjà participé à l'expérience en primaire. On ne voulait pas systématiser l'intégration, reconnaissant qu'il y a des enfants plus aptes à cette expérience que d'autres, permettant un choix là où c'était possible. D'ici deux ou trois ans, il y aura d'autres enfants concernés par la question.

Au quotidien, jusqu'à l'âge de 12 ans, les enfants dans les classes intégrées, aux Voirets et à Plan-les-Ouates, suivent les cours qu'ils peuvent et profitent aussi de l'enseignement spécialisé. Ainsi, ils se retrouvent en contact avec les autres enfants non seulement pendant les récréations mais aussi à l'intérieur des classes. Arrivés à 12 ans, ils sont remis en institution, la porte se ferme.

Par ailleurs, on nous apprend que l'APMH s'est substituée à l'Etat dans certains domaines, substitution qui ne favorise guère la responsabilisation de l'Etat dans la question.

Les écoles privées, quant à elles, ne répondent pas favorablement aux demandes d'intégration, craignant de voir partir leur clientèle. En plus, le financement des appuis, nécessaires pour une meilleure intégration, mais s'additionnant à l'écolage normal, serait difficile à assumer pour les parents.

En même temps que l'ouverture d'une classe intégrée dans un CO, la pétition demandait des dispositifs d'intégration individuelle pour chaque enfant dans l'école, primaire ou secondaire, de son quartier.

Les commissaires craignent que les structures scolaires différentes au CO augmentent la conscience des handicapés de leur handicap. L'acceptation de la différence est plus difficile à assumer par les parents que par les enfants. C'est aussi une part de l'intégration.

Conclusion des pétitionnaires: «Toute intégration peut réussir, si elle est bien préparée».

Audition de M. Quentin Deville, Mmes Christiane Chanson et Martine Favre (GAPP) et de Chantal Feusier (APECOV/ FAPECO)

Pour le GAPP, M. Deville nous explique que les modalités du refus de la demande étaient incompréhensibles, puisque même les dernières conditions exigées par les autorités étaient remplies.

A la commission consultative d'intégration, sur les 17 commissaires présents, seulement 3 personnes, tous membres de l'autorité scolaire, étaient opposées à ce nouveau projet!

M. Deville pense que l'intégration en classe intégrée ne demande pas plus de moyens que celle dans une institution de type Grand-Chêne.

En comparaison avec une intégration individuelle, une intégration dans une école est plus facile que celle, ponctuelle, à différents endroits du canton! L'expérience au niveau primaire a été particulièrement positive, permettant aux enfants de se lier d'amitié.

Mme Chanson est enseignante et reçoit régulièrement, depuis plusieurs années, des enfants en intégration. Elle constate que l'expérience est bénéfique aussi pour les enfants bien portants. Ils apprennent à considérer les enfants handicapés comme d'autres enfants, en acceptant leur différence. Elle n'a reçu aucune remarque négative de parents, même pas à l'occasion d'une classe verte «intégrée».

Dans sa classe, elle a eu plusieurs visites informelles de maîtres du CO voisin, qui sont repartis convaincus.

Mme Favre, en tant que maman d'enfants non handicapés, confirme ces remarques, estimant que ses filles ont un comportement plus généreux à l'encontre de toute personne susceptible d'avoir besoin d'aide. L'intégration aide donc les enfants «normaux» à avancer dans leur apprentissage de responsabilité, de solidarité et de tolérance.

Mme Feusier nous fait part de l'expérience douloureuse d'un enfant remis en institution, qui s'est refermé sur lui-même depuis et est devenu complètement taciturne.

Audition de Mmes Catherine Deville et Marilou Thorel (SPG)

Mmes Deville et Thorel nous présentent le projet concret élaboré pour le CO des Voirets, avec toutes les conditions nécessaires pour un bon début. Le projet part du fait que l'école est un point de rencontre. Il permettrait aux uns et aux autres, par ce biais, de se connaître et de se reconnaître.

Aux Voirets, l'expérience en primaire, classes intégrées et intégration individuelle sont complémentaires. La présence des professionnels de l'éducation spécialisée dans l'école permet de régler d'éventuels problèmes rapidement. Parallèlement, l'intégration individuelle continue.

Les deux représentantes de la SPG, toutes deux enseignantes spécialisées, constatent aussi qu'il est plus difficile pour un enfant handicapé d'affronter tout seul un enfant valide que de vivre cette expérience dans un petit groupe. Aujourd'hui, en plus, il serait impossible d'intégrer individuellement tous les enfants dans leur quartier respectif. Les enseignants concernés ne pourraient pas répondre aux demandes.

Pour le projet prévu, les conditions posées au départ étaient toutes remplies, tous les partenaires directs convaincus: association des parents, association des maîtres, direction du CO concerné, tous étaient partants. Néanmoins, il semblait que le projet faisait peur aux autorités qui ne voulaient pas «prendre des risques».

Mmes Thorel et Deville confirment que la position du SMP a changé depuis une année, puisque, auparavant, ce service soutenait cette idée d'intégration.

Pour le moment, il n'y a que des handicapés sensoriels (vue/ouïe) intégrés au niveau du CO.

Mmes Deville et Thorel constatent que l'enfant handicapé mental doit avoir une certaine solidité psychique. Il est donc important d'évaluer cas par cas, sachant qu'il n'est pas possible d'intégrer tous les handicapés mentaux.

Audition du professeur Louis Vaney, chargé s'enseignement à la FPSE

M. Vaney enseigne à l'université et s'occupe du centre de formation continue pour des adultes handicapés. Il connaît bien la naissance de la pétition sur l'intégration aux Voirets. Le projet était parti d'une réflexion théorique à l'université. M. Vaney lui-même a dirigé le mémoire d'une étudiante sur le sujet. Il trouve difficile d'accepter la décision négative des autorités. Il aurait souhaité que l'expérience soit tentée dans le secondaire pour pouvoir en faire l'évaluation. L'intégration aux Voirets au niveau primaire a donné satisfaction et les échanges dans les écoles sont bons. Pourquoi alors n'a-t-on pas saisi l'occasion de continuer dans le secondaire, élargi au moins jusqu'à 15 ans ? Il est possible qu'on ait ainsi découragé beaucoup de personnes volontaires.

Aujourd'hui, dans le cadre de l'intégration des adolescents mentalement handicapés, la Suisse est au stade de l'expérimentation, de la recherche de solutions. M. Vaney constate qu'il n'y a pas une seule mais un éventail de solutions, à étudier cas par cas.

Aucune littérature, ni en France, ni en d'autres pays, ne fait allusion à d'éventuels «dangers» liés à ce type d'intégration. Il n'y a pas plus de problèmes pour les handicapés que pour les autres élèves. La crainte que la personne handicapée soit soumise à des pressions est à son avis injustifiée. Des stratégies d'évitement de conflits permettent à ces personnes de se sortir de certaines situations critiques.

Les bilans d'expériences faites dans d'autres pays ou ailleurs en Suisse devraient permettre de faire des parallèles avec le système genevois. Dans le domaine qui nous préoccupe, un mot volontiers cité à Genève est que «comparaison n'est pas raison», et en plus, on n'aime guère collaborer dans ce canton.

Et pourtant: depuis 1972, en Emilie romane, tous les handicapés sont dans l'école. Le bilan est très positif, du niveau des handicapés comme de celui des enfants non handicapés.

Au Québec et aux USA, les classes spécialisées ou intégrées ont des professeurs d'appui dans le collège. Les jeunes non handicapés progressent en faisant du tutorat (responsabilisation pour le plus faible). Les parents, au début plutôt sceptiques, se sont déclarés satisfaits.

En Suisse, c'est à Martigny qu'on a réalisé ce qui se fait de mieux pour les enfants handicapés, mais pour le moment seulement au niveau primaire; 4 à 5 enfants sont ainsi regroupés dans une classe ordinaire disposant d'un enseignant supplémentaire. Ce système pourrait fonctionner aussi à Genève. Dans le canton de Zurich, où plus de 60 communes sur 171 participent depuis 1994/95 à la forme intégrative de l'éducation spécialisée, on a élargi au niveau secondaire. Le même système fonctionne aussi à Hambourg depuis longtemps. Au Tessin, il s'agit du même principe. (A consulter: Déclaration de Salamanque, annexe V.)

Parlant de la commission d'intégration (annexe II: composition et mandat), M. Vaney espère beaucoup du nouveau président. M.Vuataz, extérieur au département, pourra probablement atténuer les gros problèmes de confiance, transparence, collaboration, entre les autorités scolaires et les parents. M. Vaney souhaiterait que le CE s'intéresse plus aux travaux de la commission et assiste au moins une fois par an à une séance.

Parlant de classes spécialisées, toutes se sont ouvertes sur le domaine scolaire. L'objectif des classes intégrées est d'avoir plus de rencontres en commun avec les autres élèves. Intégration représente assimilation, avec les mêmes exigences, en mettant à disposition les appuis nécessaires. L'insertion (être parmi les autres) recoupe des concepts différents.

Se heurtant au slogan «droit à la différence», M. Vaney lui préfère le «droit à la ressemblance» et celui «à la rencontre des autres» pour essayer de leur ressembler.

L'accompagnement de la famille et des professeurs par des spécialistes peut éviter de faire de la différence une souffrance. Parler à un enfant de ses limites est possible si on lui montre en même temps qu'il a des capacités !

En ce qui concerne les structures existantes ou éventuellement à créer, notre interlocuteur constate que le fait que le SMP ne dépend pas de l'enseignement primaire mais de l'office de la jeunesse pourrait, avec une meilleure coordination, arranger beaucoup de situations.

Un commissaire se soucie du sort des enfants des classes spécialisées dans la réforme de l'enseignement primaire. M. Vaney a trouvé dans cette nouvelle formation prévue des éléments très positifs et d'autres à préciser encore. Une croyance un peu naïve mais généreuse fait penser qu'une bonne formation générale des enseignants permettrait à tous les enseignants d'être des instituteurs spécialisés. L'intégration ne poserait alors plus de problèmes.

Audition de M. Louis Berlie, directeur du CO de Bois-Caran, et de M. Michel Delarue, doyen

Réalités du CO de Bois-Caran, évoqués par son directeur et un des doyens:

 Le mandat du CO est de former et d'orienter les élèves «normaux». Nous orientons plus de 60% de nos élèves vers le postobligatoire, c'est-à-dire des études longues. Ce mandat inclut déjà assez de contraintes lourdes (classes d'atelier, classes d'accueil, élèves dit «normaux» mais difficiles et dérangeants à assumer), qu'il est plutôt difficile d'en accepter encore d'autres, et des nouvelles.

 Au vu de la tranche d'âge des élèves (adolescence), le CO est un endroit dur et sans merci pour les jeunes et les adultes !

 Les enfants handicapés mentaux ont besoin d'un seul lien. Or, au CO, les élèves côtoient un professeur par branche. L'adaptation à ce système étant déjà difficile pour les enfants valides, combien plus difficile serait-elle alors pour les enfants dont on parle ?

 Il n'est pas aisé de trouver d'année en année des enseignants volontaires pour ce genre d'expériences. Cette année, seulement 3% du corps enseignant de l'école s'est inscrit.

 Aux problèmes psychologiques se greffent encore les questions techniques de locaux à trouver pour des lieux de détente pour ces handicapés.

Vu la proximité de l'école avec l'institution de Grand-Chêne, plusieurs actions ponctuelles ont été organisées, avec plus ou moins de succès, pour rapprocher les deux mondes.

En conclusion, les représentants du CO de Bois-Caran trouvent que les difficultés à rencontrer seraient trop grandes, qu'il faudrait beaucoup d'enthousiasme. Ils constatent encore que les enseignants ne sont pas formés pour ce genre d'expériences.

Audition du professeur Juan Manzano, directeur, et de M. André Barthassat, directeur adjoint du SMP

Le directeur du SMP, M. Manzano, nous rend attentifs au fait que chaque enfant, handicapé ou non, est différent des autres. L'intégration doit dès lors s'adapter à l'enfant. Les mesures doivent être étudiées et adaptées cas par cas et être bénéfiques pour l'enfant aussi plus tard.

La situation des parents d'enfants handicapés est partagée entre la souffrance de l'acceptation du sort, l'espoir et leur volonté de tout mettre en oeuvre pour que leur enfant se développe au mieux.

Pour trouver des solutions, il est important de pouvoir dialoguer. Aussi M. Barthassat est-il convaincu que le dialogue apporte toujours des points positifs.

En ce qui concerne l'intégration, il juge les moments d'activités en commun plus importants pour l'enfant handicapé que l'enseignement.

Pour mettre en place une bonne solution, il faut prévoir la réservation d'une grande plage de temps pour discuter, expliquer, informer. Il estime que, dans le projet initial, ce «temps à prévoir» manquait et n'était pas remplaçable par la générosité seule des personnes impliqués dans le projet.

Le travail continu de la commission d'intégration devrait aider fortement à modifier à long terme les mentalités et, en même temps, permettre de trouver un environnement social adéquat pour une intégration réussie.

Le projet de recherche pédagogique pourra renforcer le travail d'information au corps enseignant. Dès lors, plusieurs idées seraient envisageables.

Pour lutter contre l'exclusion, M. Barthassat trouverait intéressant de concrétiser le tutoring (enfants valides accompagnant quotidiennement des enfants handicapés du même âge).

La première démarche consisterait à fixer/refixer un cadre, redéfinir les conditions. En même temps, il faudrait veiller à ne pas créer des clivages entre parents d'enfants handicapés profonds et ceux dont les enfants pourraient être sortis de l'institution.

M. Manzano est d'avis que le nombre d'institutions est supérieur à Genève que presque partout ailleurs.

Les commissaires croient que le grand nombre de cas d'enfants avec un degré de handicap faible à Genève aurait dû permettre de tenter l'expérience, et de prolonger l'intégration au postobligatoire.

«Tout est perfectible»: nos interlocuteurs pensent qu'une intégration réussie n'est pas «l'inclusion» mais «l'interaction».

Deuxième audition de Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du DIP, et de Mme Marie-Laure François, secrétaire générale du DIP

L'objectif de la rénovation de l'enseignement primaire vise à conduire les élèves au seuil du CO.

La problématique d'enfants handicapés sensoriels n'est pas comparable à celle des handicapés mentaux, les uns peuvent préparer des diplômes, les autres devraient pouvoir bénéficier d'un rythme de travail plus personnalisé.

L'admission dans le CO est soumis à des règles. Les conditions limites sont réglés par des dérogations. Le cursus scolaire tend à une intégration professionnelle et sociale.

Les problèmes ne peuvent être traités de la même manière pour les handicapés mentaux. Les objectifs sont différents.

On constate néanmoins que la classe spécialisée est plus souple que l'institution et «c'est le système qui devrait pouvoir s'adapter».

Travaux de la commission et conclusions

La commission souhaite connaître l'évaluation du travail d'intégration en primaire. Elle aimerait voir se poursuivre, à titre expérimental dans un premier temps, cette intégration au-delà de 12 ans pour les enfants qui pourront en bénéficier. Pour cette raison, elle demande sans délai l'établissement d'une liste des conditions/critères favorables à la mise sur pied de projets réalistes. La commission trouve important que l'évaluation de l'expérience prévue au CO soit faite en parallèle et d'une manière continue. Elle pense que la commission d'intégration a son rôle à jouer comme interlocuteur compétent dans cette question.

La commission de l'enseignement et de l'éducation propose une motion dans ce sens et espère que l'ensemble des députés du Grand Conseil accueille favorablement son projet.

Abréviations:

APECOV Association des parents d'élèves du cycle d'orientation des Voirets

APMH Association genevoise des parents et d'amis de personnes mentalement handicapées

DGCO Direction générale du cycle d'orientation

EFP Ecole de formation préprofessionnelle

FAPECO Fédération des associations de parents d'élèves du CO

FPSE Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation

GAPP Groupement cantonal genevois des associations de parents d'élèves des écoles primaires et enfantines

LIP Loi sur l'instruction publique

SMP Service médico-pédagogique (office de la jeunesse)

Annexes:

I But de l'enseignement public: C 1 1, art. 4, 4A et 5 de la LIP

II Commission consultative de l'intégration scolaire des handicapés (composition et mandat) C 1 1, art 4B et 4C

III Pétition 1060, déposée le 21 décembre 1994, munie de 5641 signatures

IV Motion proposée par la commission de l'enseignement et de l'éducation

V Déclaration de Salamanque (à titre d'information)

ANNEXE I

page 14

ANNEXE II

ANNEXE III

page 17

page 18

ANNEXE IV

M 1001

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation sur le sujet (rapporteur Mme Elisabeth Häusermann) servira d'exposé des motifs à la présente motion.

ANNEXE V

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Mme Elisabeth Häusermann (R), rapporteuse. En préambule, quelques remarques techniques : j'ai mis sciemment la décision de la commission à la première page, pour que vous vous y retrouviez plus facilement, d'un seul coup d'oeil, et pour pouvoir clore le rapport en beauté avec la déclaration de Salamanque. De plus, j'aimerais rajouter à mon rapport une remarque du professeur Vaney, que j'ai malencontreusement omis de citer et que je souhaite néanmoins vous transmettre : «La loi du DIP est une des plus belles lois de Suisse».

Ceci dit, revenons au coeur du sujet. Tout d'abord, je citerai une phrase de Federico Mayor, tirée de la préface à la déclaration de la Salamanque, pour l'éducation et les besoins éducatifs spéciaux de juin 1994 :

«Toutes les parties concernées doivent à présent s'employer à relever le défi et à oeuvrer pour que l'éducation soit véritablement POUR TOUS, et en particulier pour les plus vulnérables et ceux qui ont les plus gros besoins. L'avenir n'est pas écrit d'avance. Il sera façonné par nos valeurs, nos idées, et nos actions».

Chacun d'entre nous devrait avoir l'occasion de vivre une expérience concrète avec des êtres plus faibles que soi, ayant besoin d'aide : handicapés, personnes âgées. A une époque pas si lointaine que cela, notre société n'a voulu ni voir, ni accepter, ceux qui ne ressemblaient pas à «M. Tout le monde». Les handicapés étaient alors mis à l'écart dans des institutions fermées : ils étaient cachés ! La société en avait honte.

Maintenant les mentalités ont changé. Preuve en est, si cela était encore nécessaire, le témoignage de cette maman, cité en haut de la page 6 de mon rapport, qui parle de l'apprentissage de responsabilité, de solidarité et de tolérance, des bien-portants à l'encontre des enfants handicapés, appuyé dans ses constats par l'enseignante du primaire qui pratique l'intégration dans ses classes tous les jours. C'est pour cette raison aussi que je me suis permis d'adjoindre à mon rapport la déclaration de Salamanque.

Les handicapés font ou devraient, de plus en plus, faire partie intégrante de notre vie quotidienne. Savoir, vouloir vivre ensemble, est un apprentissage, un changement de mentalité qui devrait être possible pour tout un chacun. Les invites de la motion 1001, formulées par la commission toute entière de l'enseignement et de l'éducation, suite aux différents témoignages et auditions, vont dans la direction d'une intégration continue de ces enfants :

- évaluer ce qui est déjà en place au niveau primaire,

- définir, point par point, le cadre au niveau du cycle d'orientation, donc définir la suite logique d'une expérience commencée en primaire,

- concrétiser.

L'expérience doit être tentée, puisqu'on ne peut pas juger de quelque chose qu'on n'a jamais essayé. Si toutes les personnes concernées y mettent de la bonne volonté, le projet pourrait démarrer dès la rentrée prochaine, en septembre. C'est dans cette optique que la commission de l'enseignement et de l'éducation vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ses conclusions et, donc, de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil et renvoyer, sans délai, sa motion au Conseil d'Etat. Les enfants qui peuvent en profiter vous remercieront.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Lorsque la politique fait avancer une cause et que cette même cause fait avancer les politiques, voilà qui me fait aimer participer aux travaux de ce Grand Conseil. C'est justement le cas pour cette motion qui vous est soumise maintenant.

Au départ, malheureusement, il a fallu une pétition issue d'un conflit, portée par des gens touchés dans ce qu'ils avaient de plus cher au monde. Puis il y a eu l'appui de toutes celles et de tous ceux qui se sont sentis solidaires de ces familles et qui ont signé cet appel. Enfin, il y a eu des députés au sein d'une commission, qui ont choisi, à l'unanimité, de donner suite à cette pétition par une motion. C'est sur le chemin de cette réflexion, qui a entouré nos travaux, que nous avons beaucoup appris et que nous nous sommes enrichis de dimensions nouvelles.

L'intégration scolaire est déjà vécue par un certain nombre d'enfants au niveau primaire. Bravo aux responsables et aux enseignants qui ont construit et qui font vivre quotidiennement ce projet, parfois au prix de grands efforts ! Mais cette intégration scolaire ne doit pas s'arrêter à l'âge de douze ans, sous prétexte que les structures et les fonctionnements changent et que l'adolescence modifie les comportements. L'intégration scolaire, quel que soit le degré d'enseignement, est un préambule indispensable à l'intégration sociale. Une société se doit d'intégrer chacune et chacun à la mesure de ses capacités, sinon cette société s'ampute elle-même : en excluant, elle s'automutile.

Il n'est pas question ici d'affirmer que la voie scolaire classique est le seul choix juste pour un enfant handicapé. Je suis convaincue qu'il y a, pour chaque enfant, une réponse adaptée à un moment donné. Sa présence au sein d'un établissement scolaire ne doit en tous les cas pas être une obligation, mais il faut que cette possibilité existe. Le choix doit pouvoir se faire avec tous les adultes qui seront impliqués dans l'accompagnement de cet enfant. Mais, en parallèle, il faudra toujours rappeler que les jugements de valeur doivent être abolis : ne jamais considérer le choix de l'institution spécialisée comme un échec et l'intégration scolaire comme la voie de la réussite ! Encore une fois, pour chaque enfant, à chaque période de sa vie, il existe une voie qui n'est ni plus noble, ni supérieure à d'autres : elle est celle qui lui convient à ce moment-là.

Il est important aussi de rappeler que vouloir l'intégration, ce n'est pas vouloir, comme but final, la ressemblance à tout prix. C'est au contraire faire cohabiter les différences dans le souci d'une adaptation réciproque. C'est cela que les députés, signataires de cette motion, souhaitent voir se mettre en place, sans avoir la prétention de détenir une réponse susceptible de résoudre tous les cas, mais en insistant sur le fait que des portes nouvelles doivent absolument s'ouvrir pour ceux de nos enfants qui sont différents.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). J'aimerais tout d'abord remercier notre collègue rapporteuse, Mme Häusermann, pour son rapport complet, bien étayé et alimenté par toutes les réflexions exprimées à la commission de l'enseignement.

Nos représentants ayant cosigné unanimement cette motion de la commission de l'enseignement, l'Alliance de gauche invite le Grand Conseil à se rallier à ses invites. Nous n'ignorons pas les difficultés qui s'attachent à notre souhait, partagé par tous, d'offrir les meilleures conditions possibles d'intégration à un certain nombre d'enfants désavantagés par leur handicap. Il y faut le volontariat des enseignants, les efforts communs des écoles et des classes, dans le sens de la tolérance, de la solidarité, de la compréhension, ainsi que des appuis pédagogiques accrus, ce qui, en période de crise budgétaire, n'est guère tentant pour l'autorité. Il y a aussi des risques de décalage et d'inadéquation de situation pour certains enfants. Nous savons tous ici qu'il s'agit d'un problème des plus délicats, qui n'implique pas seulement l'enfant handicapé lui-même mais tout son environnement social, sa famille, ses parents, son voisinage, les maîtres évidemment, et les autres élèves.

Nous sommes sûrs, enfin, que les écoles spécialisées peuvent aussi, avec des pédagogies adéquates, réussir à conduire le mieux possible l'enfant handicapé à l'amélioration de son intégration sociale, comme notre collègue, Mme Reusse-Decrey, vient de le dire. Pourtant, l'idée généreuse doit l'emporter. La lutte contre l'exclusion sous toutes ses formes, pour la tolérance réciproque, pour l'acceptation des différences, doit être défendue, bien entendu, sur le terrain, avec toutes les précautions pratiques nécessaires.

Nous retenons surtout que des parents d'élèves et des maîtres sont disposés ensemble à poursuivre une expérience difficile, dont ils identifient déjà toutes les richesses. C'est la raison pour laquelle nous voulons les soutenir.

M. Pierre-François Unger (PDC). Mes préopinants l'ont déjà dit, l'objet de la pétition que nous avons examinée en commission, s'agissant de l'intégration d'adolescents mentalement handicapés au cycle d'orientation, est délicat à plus d'un titre.

Délicat il l'est en raison du respect qu'inspire la souffrance que peuvent ressentir les parents d'enfants mentalement handicapés, aussi bien que leur force et leur volonté de tout mettre en oeuvre pour que leurs enfants se développent au mieux.

Délicat il l'est encore par l'importance pour toute la société d'offrir à ces enfants tout ce qui est possible pour qu'ils parviennent à acquérir l'autonomie la plus grande.

Délicat il l'est aussi dans la mesure où les solutions, qui étaient proposées par la pétition, font partie des nombreuses solutions dont Genève se doit de disposer. Mais ces solutions nécessitent, probablement au sein de la commission de l'intégration, «nouvelle mouture», un important travail préliminaire, destiné à définir les critères favorables à la poursuite de l'intégration au cycle d'orientation d'enfants ayant bénéficié de classes intégrées au niveau primaire. En effet, le cycle d'orientation n'est pas l'école primaire. La multiplicité des lieux de classes, des intervenants, des enseignants, la confrontation à des adolescents et non plus à de petits enfants, sont autant de facteurs qui pourraient déstabiliser, dans certains cas, un enfant plus fragile.

Délicat enfin l'objet de cette pétition l'est, car ce désir d'intégration parfaitement légitime, sans nul doute nécessaire dans certains cas, ne doit pas en tout cas se transformer en leurre, susceptible d'accentuer le déni involontaire de certains parents, au détriment de l'intérêt de leur enfant. Genève est dotée d'un très grand nombre de structures de qualité pour prendre en charge les enfants en fonction de leurs besoins spécifiques, mais la commission de l'enseignement, très sensible à la possibilité d'offrir à chaque enfant une solution différenciée, qui soit la meilleure pour lui, et en particulier d'encourager la voie de l'intégration lorsqu'elle est possible, vous propose de voter de manière unanime la motion qui vous est proposée.

Mme Claude Howald (L). Vous le savez, tous les enfants sont uniques. Les enfants handicapés mentaux sont uniques au même titre que les autres. La réponse, que les parents d'enfants handicapés mentaux attendent, lorsqu'il s'agit de les intégrer en milieu scolaire, doit correspondre au projet de socialisation, puis de formation, qu'ils ont élaboré pour leurs enfants.

C'est ce que le département de l'instruction publique fait depuis de nombreuses années, grâce aux institutions spécialisées, dont il est l'autorité de surveillance ou le répondant, et, pour l'enseignement primaire, grâce aux classes d'intégration. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez entendu nos collègues s'exprimer sur la qualité des travaux menés à la commission de l'enseignement, grâce aux personnes auditionnées. Les commissaires ont entendu des parents, des personnes actives sur le terrain, des enseignants, des professionnels qui, conformément aux articles de la loi sur l'instruction publique concernant les objectifs de l'école publique, travaillent à l'intégration scolaire des handicapés dans cette même école publique.

La commission vous propose le dépôt de la pétition 1060 sur le bureau du Grand Conseil parce qu'elle a décidé de ne pas entrer en matière sur l'examen de cas particuliers mais, bien plutôt, de porter sa réflexion de manière plus large sur la situation générale de l'intégration des enfants handicapés mentaux dans l'école normale. C'est ainsi que la motion 1001, qui est issue des travaux de la commission et qui a été signée à l'unanimité des commissaires, invite le Conseil d'Etat à fixer des critères généraux d'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire, à procéder à l'évaluation de l'expérience de la création de classes intégrées dans l'enseignement primaire, ainsi qu'à l'évaluation de l'adéquation des structures mises en place par rapport aux objectifs poursuivis.

Les invites de la motion 1001 sont claires. Elles sont ambitieuses et correspondent à la gravité du dossier que la commission a su traiter avec sérieux. C'est la raison pour laquelle ces invites insistent, en particulier, sur la priorité que devra donner le Conseil d'Etat à fixer les conditions et les critères nécessaires à l'élargissement de l'intégration des enfants mentalement handicapés, sans précipitation, sans vouloir aller plus vite que l'évaluation ne permet d'avancer. C'est la raison pour laquelle la motion ne fixe pas de critères impératifs, de manière très précise, pour l'ouverture ou l'élargissement de l'expérience mais, bien au contraire, exige que les conditions et les critères répondent aux exigences de qualité. Le groupe libéral se réjouit de pouvoir suivre les conclusions de ce rapport et vous engage à en faire de même.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Il y a dans la vie politique des sujets qu'il convient de traiter avec une écoute et un respect plus grands que d'autres, bien que chaque sujet mérite autant de respect, vis-à-vis du citoyen.

Certains sujets semblent parfois opposer l'institution et les politiques. Des médias ont même pensé que la motion, qui était proposée par l'ensemble de la commission, était dirigée contre l'institution. Celles et ceux qui étaient présents à la commission de l'enseignement pourront le confirmer : je me suis déclarée entièrement d'accord avec les invites de cette motion et j'ai encouragé moi-même la commission à la déposer. Si je l'ai fait, c'est parce que, après avoir dû traiter de cas particuliers et douloureux, après les avoir examinés pour ma part en mon âme et conscience - et je peux dire que tous les responsables de l'institution l'ont fait - et avoir dû donner dans certains cas des réponses négatives, nous n'étions pas satisfaits pour autant.

Nous avons estimé qu'il y avait un vrai problème, mais que les moyens pour prendre de vraies décisions nous manquaient. Pour y parvenir, il fallait deux choses : une volonté politique, et le Grand Conseil à cet égard nous donne un appui très fort; et des conditions de travail et de réflexion, dans un lieu serein et calme. S'il est vrai que la commission de l'intégration, dans sa mission, doit définir un certain nombre d'éléments pour l'intégration des jeunes, il est tout aussi vrai que cette commission, pour diverses raisons, n'avait plus les moyens de travailler dans la sérénité. C'est pourquoi j'ai décidé qu'elle serait présidée par quelqu'un d'extérieur à l'institution. Cette commission a déjà repris ses travaux, et je crois pouvoir le dire, dans une ambiance qui devrait nous permettre de traiter ce sujet comme il doit l'être, avec une large vision, avec une volonté, quelles que soient nos actions ou nos convictions, de donner une bonne réponse à ce problème - ou celle que nous pensons être telle, comme l'ont dit plusieurs députés dans cette enceinte - pour chaque enfant parce qu'il est unique.

Quelquefois l'institution peut se diviser ou ne pas donner la réponse souhaitée. C'est parce que nous espérons, nous aussi, améliorer notre vision, notre approche, et nous donner les moyens de mieux définir notre politique, qu'encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, nous accueillons au Conseil d'Etat cette motion avec satisfaction, parce que nous savons que nous avons la possibilité d'élargir encore la vision de l'intégration.

Comme l'a dit Mme Howald, on doit faire la différence entre le cas particulier et l'option générale et je ne crois pas qu'il faille, dans cette affaire, donner de dates. Il s'agit, en l'occurrence, de faire d'abord le travail et de ne pas repartir avec, à la fois, la pression d'un projet et la volonté de définir une politique générale. Ces deux éléments sont en compétition, se heurtent et peuvent provoquer un grand malentendu et de grandes douleurs morales. C'est ce qui arrive souvent, à la fin, dans ce type de problèmes.

Je m'engage d'ores et déjà à suivre avec attention les travaux de cette commission. Son président a la liberté de les mener comme il lui plaît. Nous lui transmettrons les invites de cette motion pour pouvoir, dans les délais les plus raisonnables, mais aussi - je le souhaite - les plus rapides, vous donner satisfaction et faire suite aux premières invites, celles dont découle finalement la suite des opérations.

Mesdames et Messieurs les députés, je pense, tout comme vous, qu'il faut trouver des moyens d'intégration pour chaque enfant handicapé mental. Je peux dire que le canton de Genève dispose, par ses institutions, par son réseau, par celles et ceux qui s'y engagent, d'un dispositif de qualité, et de personnes qui ont envie de s'investir dans la durée, mais nous devons trouver impérativement les chemins, non pas qui paraissent beaux, mais ceux qui seront bons pour les enfants, que nous cherchons à servir. C'est cela qui nous préoccupe et nous réunit ce soir.

PL 1060-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 1001

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant l'intégration de jeunes mentalement handicapés dans l'école obligatoire

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 qu'il existe depuis 1990 des classes intégrées dans l'enseignement primaire permettant à des enfants mentalement handicapés de suivre un enseignement spécialisé tout en bénéficiant d'une intégration partielle mais régulière dans les classes ordinaires;

 que le cycle d'orientation intègre depuis plusieurs années, de manière régulière, des adolescents présentant un handicap moteur ou sensoriel;

 que les adolescents mentalement handicapés issus de classes intégrées du primaire ne peuvent à ce jour bénéficier d'une poursuite de l'intégration scolaire au niveau du cycle d'orientation;

 les articles de la LIP concernant les objectifs de l'école publique, l'intégration scolaire des handicapés et les relations avec la famille,

invite le Conseil d'Etat

 à présenter au Grand Conseil une évaluation de l'expérience de la création de classes intégrées dans l'enseignement primaire,

 à définir sans délai, en accord avec les parties concernées, les critères favorables à la mise sur pied de projets réalistes permettant de poursuivre au sein du cycle d'orientation les projets pédagogiques entrepris pour les enfants sortant des classes intégrées du primaire;

 à mettre en place, une fois ces critères définis, une (des) structure(s) permettant d'offrir une intégration au cycle d'orientation (classe intégrée et/ou intégration individuelle) aux adolescents mentalement handicapés susceptibles d'en bénéficier;

 à évaluer de manière continue l'adéquation entre la (les) structure(s) mise(s) en place et les objectifs poursuivis par l'intégration d'adolescents mentalement handicapés au cycle d'orientation.

P 1062-A
13. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant la crèche Grain de ciel. ( -) P1062
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission des pétitions

Rapport de Mme Michèle Wavre (R), commission des pétitions

Le 12 janvier 1995, votre Grand Conseil a reçu la pétition ci-dessous concernant la crèche Grain de Ciel qui visait à obtenir la reconnaissance de cette crèche privée comme institution et à lui accorder les autorisations nécessaires à son exploitation.

La commission des pétitions s'est réunie sous la présidence de Mme Liliane Johner les 27 mars et 10 avril 1995 afin de procéder à l'audition des pétitionnaires et du service de protection de la jeunesse. Elle a ensuite voté ses conclusions le 8 mai 1995.

PÉTITION

concernant la crèche Grain de Ciel

Madame la Présidente,Mesdames etMessieurs les députés,

Grain de Ciel est une crèche privée, ouverte depuis deux ans.

Actuellement nous remplissons toutes les directives énoncées par la conseillère d'Etat Mme Martine Brunschwig Graf pour l'obtention de l'autorisation.

A ce jour on peut constater que le service de la protection de la jeunesse (SPDJ) tarde à nous l'accorder.

D'une manière manifeste, le SPDJ freine le développement de la crèche en décourageant les parents, la commune et les autres institutions d'accueil d'y envoyer des enfants.

La situation est critique: ne touchant aucune subvention, le fonctionnement de la crèche dépend uniquement des pensions payées par les parents.

Le système d'accueil à la carte, souple, original et novateur, pratiqué à la crèche Grain de Ciel, particulièrement bien adapté à la période de restriction budgétaire que nous vivons à l'heure actuelle, respecte l'ordonnance fédérale sur le placement d'enfants (OPE) sans créer pour cela des dépenses supplémentaires à l'Etat.

Lors d'une visite effectuée à la crèche le 15 novembre dernier, le service d'évaluation des lieux de placements (ELP) «positivement impressionné» par notre travail et le bien-être des enfants a donné verbalement des assurances pour l'octroi de l'autorisation.

Malgré cette promesse, le SPDJ a averti des parents qui se renseignent au sujet de la crèche Grain de Ciel qu'ils peuvent y placer leur enfant, «à leurs risques et périls».

Nous constatons que l'administration, tout en ralentissant les procédures d'autorisations, tient un double langage: le département de l'instruction publique, par le biais du SPDJ, et le département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), en infligeant une amende de 20 000 F totalement injustifiée, après avoir donné un permis de construire.

Il est regrettable, pour les enfants que la crèche accueille, que ce projet tourne court. Ils seront les premiers pénalisés.

Nous demandons au Grand Conseil de réagir auprès du Conseil d'Etat, afin de briser le carcan qui a été instauré autour de la crèche, et l'accepter à part entière comme institution respectable et respectée.

Audition de la commission

Bien que l'annonce de la prochaine délivrance de l'autorisation d'exploitation de la crèche Grain de Ciel ait été annoncée dans les journaux, M. Elyahu Dror, administrateur de ladite crèche, a maintenu sa pétition. Lors de son audition, il a relaté ses difficultés avec l'office de protection de la jeunesse qui rechignait à lui accorder une autorisation tant qu'il n'avait pas effectué certains travaux d'aménagement jugés indispensables dans ses locaux et engagé une directrice pourvue des diplômes exigés. Pendant plusieurs mois, son entreprise, qui ne bénéficie pas de subventions, ressortissait à la catégorie de «l'accueil familial». Les choses se sont gâtées lorsqu'il lui a donné le nom de crèche, car ce type d'institution est soumis à des règles de contrôle et de fonctionnement stricts, sous la surveillance de l'office de la protection de la jeunesse. Les représentantes de ce dernier lui ont rapidement signifié l'interdiction d'exploiter son entreprise sous le nom de crèche et lui ont suggéré de faire une demande pour une famille d'accueil, jugeant son «programme pédagogique» (voir annexe) plutôt léger et ses locaux partiellement non conformes à la réglementation en vigueur.

Le pétitionnaire soupçonne l'office de protection de la jeunesse de s'acharner contre lui pour d'obscurs motifs et qu'en détournant directrices potentielles et parents intéressés de son établissement, on tente de l'étouffer financièrement.

Le pétitionnaire souligne qu'en raison de la crise économique, il a mis en place un système à la carte permettant aux parents de placer leurs enfants de 7 heures du matin à 7 heures du soir de manière irrégulière suivant leurs besoins. Le personnel lui paraît étoffé puisqu'il comprend, outre la directrice diplômée, à qui devrait être accordée l'autorisation, une aide, deux stagiaires et lui-même. Il est évident que le directeur, également cuisinier et jardinier, assume seul beaucoup de tâches, ce qui permet à cette crèche qui accueille régulièrement une douzaine d'enfants de fonctionner sans subvention. Il estime qu'une partie de l'hostilité que semble lui manifester l'office de protection de la jeunesse provient du fait qu'en ouvrant sa crèche, il aurait démontré qu'un semblable établissement peut fonctionner à des coûts bien inférieurs à ceux des crèches officielles (18 employés à la crèche de Pré-Picot, selon lui). Divers renseignements sont également donnés concernant le programme pédagogique.

Le 10 avril 1995, la commission des pétitions a procédé à l'audition de Mme Jacqueline Horneffer, directrice de la protection de la jeunesse, à qui elle a fait part de sa perplexité. La directrice, après s'être demandé si la commission des pétitions avait vraiment encore besoin d'explications puisqu'une autorisation provisoire avait été accordée le 6 avril 1995 à M. Elyahu Dror, s'est ensuite retranchée derrière l'application des règlements en vigueur. Il était nécessaire d'obtenir un changement d'affectation des locaux puisque le chalet dans lequel est installée la crèche est également le logis principal de M. Dror. Il fallait ensuite s'assurer de l'agrément du département des travaux publics et de l'énergie pour la sécurité et la salubrité. Enfin, il fallait vérifier la question du personnel qualifié requis puisque l'exploitant n'avait pas les diplômes nécessaires.

L'exploitation de cette crèche s'étant poursuivie indûment, il a fallu mettre M. Dror à l'amende. La Protection de la jeunesse constate d'ailleurs que l'exploitant a beaucoup de peine à garder du personnel qualifié auprès de lui.

La commission, s'étonnant de la rigueur avec laquelle semble être traité M. Dror, la directrice de l'office de protection de la jeunesse souligne que tous ceux qui s'occupent à titre onéreux d'enfants sont soumis à surveillance. On ne saurait considérer de la même manière une maman de jour, autorisée à prendre cinq enfants au maximum, y compris les siens, et une garde d'enfants sans autorisation, ce qui lui paraît inacceptable.

Pour la Protection de la jeunesse, la crèche Grain de Ciel ne répond pas aux prescriptions de base concernant la salle à langer ou le personnel, par exemple. Il manque de personnel diplômé stable, ce qui est capital pour des enfants ayant besoin de références fixes.

Répondant à plusieurs questions des commissaires concernant les normes d'encadrement, la directrice de l'office de protection de la jeunesse précise que les lois demeurent floues à ce sujet, se contentant de préciser qu'il faut un «personnel suffisant». A Genève, des normes ont été établies en fonction de l'âge des enfants. Elles sont identiques, selon elle, à celles du Pays de Vaud ou à celles des pays voisins. Un commissaire s'étonne de cette réponse, tant il paraît évident que le coût par enfant d'une crèche est inférieur en France voisine par exemple. Certaines grandes banques ont renoncé à ouvrir des crèches en partenariat avec la Ville tant les coûts induits par les normes genevoises paraissaient exorbitants.

Pour le reste, la directrice de l'office de protection de la jeunesse répond d'une manière très retenue, presque réticente aux questions des commissaires concernant la délivrance des autorisations (aucun certificat de bonne vie et moeurs n'est exigé) la viabilité de crèches privées n'étant pas au bénéfice de subventions, les questionnaires d'évaluation présentés aux parents par M. Dror ou les remarques éventuelles faites aux parents qui envisageaient de placer leurs enfants dans la crèche Grain de Ciel.

Discussion de la commission

L'ensemble de la commission prend acte du fait que le service de la protection de la jeunesse semble mettre la loi et le règlement en avant, fût-ce au détriment de ce qui pourrait être l'intérêt des enfants. La rétention d'informations à cet égard lui paraît regrettable. Toutefois, la commission doit prendre acte du fait que la délivrance de l'autorisation par le département de l'instruction publique rend en réalité caduc l'objectif de la pétition. Dans ces conditions, après s'être assuré que le pétitionnaire ne souhaitait pas formellement retirer sa pétition, malgré l'autorisation d'exploitation reçue, la commission s'est prononcée sur la suite à donner à ladite pétition.

Après avoir écarté, par 3 voix pour, 5 contre et 6 abstentions, le renvoi de la pétition 1062 au Conseil d'Etat et rejeté par 3 voix pour et 11 contre le classement, au vu des explications qui précèdent, la commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, le dépôt de la pétition 1062 sur le bureau du Grand Conseil par 8 voix pour et 6 voix contre.

Annexe: Crèche Grain de Ciel

 Programme pédagogique

ANNEXE

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page 11Débat

Mme Michèle Wavre (R), rapporteuse ad interim. M. Bernard Lescaze me prie de vous dire qu'il n'a rien à ajouter à son rapport, qui reflète assez exactement les débats de la commission et les informations qui ont été mises à sa disposition. Je le confirme volontiers, puisque j'ai participé, moi aussi, aux travaux de la commission des pétitions.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 1005
14. Proposition de motion de Mme et MM. Micheline Spoerri, Armand Lombard, Pierre Kunz, Jean-Philippe de Tolédo et Jean-Claude Vaudroz relative à la création d'une pépinière d'entreprises GENILEM (Génération Innovation Lémanique) pour les exercices 1996, 1997 et 1998. ( )M1005

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Un concept nouveau de l'emploi

Un concept de l'emploi doit prendre en considération trois instruments du développement économique:

1. le chômage comme temps intermédiaire de préparation à un nouvel emploi;

2. l'accueil d'entreprises extérieures;

3. la création d'entreprises régionales que cherche à activer le projet GENILEM. Le taux de natalité d'entreprises d'une région, en effet, doit constamment être stimulé grâce à un engagement actif de ses partenaires:

 économique (entreprises et réseaux d'emplois) pour le soutien, l'accueil et les capacités de financement;

 société civile (recherche, groupements d'intérêts, académie, médias) pour la dynamique de l'environnement social, culturel et technologique;

 public (institutions politiques) pour les conditions-cadres de développement proposées.

2. Le fondement économique de GENILEM

Huit entreprises sur dix disparaissent dans les quatre années qui suivent leur création, tant sont délicates les premières années d'existence, et tant des erreurs paraissant bénignes peuvent emporter des structures sans expérience ni réserves financières.

Le facteur principal d'échec d'une entreprise nouvelle est du domaine de la gestion: mésentente sur la méthode, objectifs de production définis sans clarté, clientèle mal ciblée, produits n'ayant pas de débouchés, trésorerie incertaine, etc. L'accompagnement par le contrôle serré des procédures de fonctionnement et la formation à des éléments spécifiques inconnus de l'entrepreneur sont les tâches à charge d'une pépinière telle que GENILEM, bâtie à l'image de la pépinière lyonnaise Novacité.

Le taux d'échec est alors inversé: sur dix entreprises en création, Novacité en amène neuf à passer le cap des quatre premières années, et le nombre d'emplois passe alors de deux à neuf personnes par entreprise.

Novacité traite, pour un bassin de population de 1,5 million d'habitants, dix nouvelles entreprises par an, pour trois ans d'apprentissage. Depuis 1988, elle a ainsi formé, ou est en train de le faire, soixante-dix entreprises avec une moyenne de sept employés, soit cinq cents emplois créés.

Le coût moyen de la structure de GENILEM est budgétisé à 500 000 F par an. Si GENILEM atteint le niveau de développement de Novacité, le coût de l'emploi créé sera de l'ordre de 8 000 F par poste de travail nouveau. Ce chiffre se compare au coût d'une rente de un à trois mois de chômage.

3. Genèse de GENILEM: un projet consensuel

GENILEM doit sa naissance aux auditions de la commission de l'économie du Grand Conseil discutant des problèmes de la relance, du chômage et de la création d'emplois au début de 1992.

Tant M. P.A. Rey, avec son projet d'office de création d'emplois, que le regretté Gilles Martin pour Adlatus ont incité quelques députés, signataires de ce projet de motion, à enquêter sur les possibilités offertes par le marché en matière de création d'entreprises.

Le département de l'économie publique, recherchant activement des solutions d'emplois pour la région genevoise, a participé à ce travail qui devait déboucher sur le concept de GENILEM. M. J.-C. Manghardt a suivi et accompagné de ses conseils la mise en place de cette association.

Kalvin K. Associates à Genève a étudié les divers types de pépinières régionales et a permis au groupe de se convaincre de la qualité de Novacité, pépinière lyonnaise soutenue par la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon. Dans un esprit d'ouverture, Novacité a offert de mettre à disposition de GENILEM son savoir-faire, essentiel pour le projet lémanique.

Un groupe de travail formé des signataires et de Mme A. Southam (KKA) a pu, grâce à l'aide efficace et au soutien financier des Chambres de commerce vaudoise et genevoise et de quelques membres actifs (CDE, PSE, BCV, BCG, etc.), élaborer le présent projet, lui assurer sa mise sur pied en 1995 déjà, et lui donner une assise régionale stable.

Les pépinières «classiques» aident les entreprises par la mise à disposition de locaux et d'une infrastructure à des prix préférentiels pendant les premières années de leur existence.

GENILEM poursuit des objectifs différents. Elle assiste les entreprises en création grâce à la formation et les accompagne en matière de gestion.

3.1. La sélection

Un comité de sélection de projets, composé d'entrepreneurs, d'industriels et de financiers de la région, décide de l'adhésion de l'entreprise candidate en tant que bénéficiaire des services de GENILEM.

La sélection se fonde sur les critères de l'avantage compétitif, de la rapidité de développement du projet ainsi que de l'intégration de celui-ci dans la stratégie de développement régional.

3.2. La formation

Pour mieux aider les créateurs d'entreprises dans la réalisation de leurs projets, deux cycles de formation, l'un avant-création, l'autre après-création, sont proposés, qui traitent des problèmes commerciaux, financiers, juridiques et humains liés au développement d'une entreprise.

En parallèle à la formation, les entreprises sont suivies par les gestionnaires de GENILEM, notamment par le biais d'indicateurs commerciaux et financiers simples (tableau de bord). L'entrepreneur sera formé à l'utilisation de ces indicateurs, qui lui permettront d'identifier lui-même les points faibles de son entreprise et de prendre rapidement des mesures de redressement.

3.3. Le parrainage

Les activités de GENILEM sont soutenues par un réseau de parrains et partenaires qui s'engagent aussi bien financièrement (cotisations annuelles / subventions) que concrètement (conseils, contacts).

Les parrains sont des personnes physiques ou morales exerçant une activité économique. Ils s'engagent à ouvrir leur réseau relationnel aux entreprises membre de GENILEM. Les communes genevoises - Meyrin a formellement déjà adhéré au projet - pourront apporter leur appui à GENILEM et offrir leurs services aux entreprises de leur juridiction.

4. Structure de GENILEM

GENILEM est une association de droit privé suisse, dont le siège est à Genève.

Ses organes sont:

 l'Assemblée générale;

 le Conseil;

 l'Organe de contrôle;

 le Comité de sélection de projets.

GENILEM encourage les entreprises sélectionnées à s'installer sur l'un des sites avec lesquels l'Association collabore, soit, l'un à Genève, l'autre dans le canton de Vaud. GENILEM ne prend cependant pas en compte la gestion des surfaces immobilières mises à la disposition des entreprises.

5. Financement

GENILEM est une association sans but lucratif dont les membres assurent le financement sur la base de contributions annuelles de 500 F pour les membres du réseau, de 8 000 F pour les parrains et 15 000 F pour les fondateurs. Groupement «mécène économique», GENILEM prévoit pour tout gain, dans un délai de 5 à 10 ans, la création d'emplois, l'encouragement à la création d'entreprises, la stimulation au goût du risque de développement et d'innovation.

Le financement des exercices 1996, 1997 et 1998 sera assuré par quelques revenus propres, par des cotisations des partenaires fondateurs, des parrains et par des subventions cantonales. Ces dernières sont déterminantes dans la mesure où le canton est partenaire, financier et technique, dès le démarrage de l'entreprise.

Au fur et à mesure que le nombre de parrains augmentera et que les entreprises ayant bénéficié des prestations de GENILEM pourront assurer un rôle dans son financement, le besoin de recourir aux finances publiques diminuera jusqu'à se borner à une cotisation annuelle de 15 000 F.

6. La place des cantons de Genève et de Vaud

La création d'un concept d'accompagnement de jeunes entreprises implique l'accès à un réservoir de projets suffisant. Le bassin d'activité lémanique comprenant une population de 1,5 million d'habitants doit assurer la diversité des projets.

Avec une trentaine d'entreprises réparties sur deux sites, l'équipe minimum de travail se composera de trois gestionnaires-coaches qui devront contribuer à créer, dans les sites aussi bien que pour l'ensemble des personnes affiliées à GENILEM, une atmosphère de travail stimulante et efficace.

La part financière globale requise des cantons de Genève et de Vaud représente, pour chaque canton, 15% du budget des exercices 1996, 1997 et 1998, avec des subventions de 90 000 F versées annuellement par chaque canton.

Comme de tout partenaire fondateur, membre de l'Association GENILEM et siégeant dès lors à son Assemblée générale, il est demandé aux cantons une participation active et la mise à disposition du réseau des départements d'économie publique, afin que la procédure de création d'une entreprise soit aussi tentante et simple que possible.

La volonté de GENILEM est de promouvoir des projets innovateurs, de qualité, générateurs de richesse et d'emplois et ce, en bousculant la morosité actuelle de la région lémanique.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la présente motion.

Annexe: document de présentation de GENILEM

ANNEXE

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Débat

M. Armand Lombard (L). Ce projet de création d'une pépinière d'entreprises me paraît être très important aujourd'hui, surtout après la difficile discussion que nous avons eue sur un problème économique, lors de notre dernière réunion. Ce projet tente d'expliquer pourquoi notre groupe, et plus largement la droite, n'est pas entrée en matière sur une précédente motion socialiste.

En effet, nous proposons aujourd'hui un projet, non pas de discussions et d'études, mais un projet de réalisation pointu, réaliste et précis. J'espère que vous verrez la différence avec ce que nous ne souhaitions pas, lors de notre dernier débat, malgré la grande qualité du document proposé.

La création d'une pépinière découle d'une triple réflexion, née en commission de l'économie de ce Grand Conseil, en matière d'emploi et de recherche de solutions, au moment où une difficile crise structurelle sévit à Genève. Nous avons beaucoup discuté, en premier lieu, des problèmes d'assistance, de l'office de l'emploi, et des questions propres aux personnes qui n'ont plus de travail. Le deuxième axe d'une telle politique pour l'emploi, c'est l'accueil d'entreprises étrangères ou venant d'autres cantons. Le troisième axe de cette relance passe par la création d'entreprises.

La création d'entreprises est absolument nécessaire, car, sans elle, le tissu économique cessera de s'activer et de vivre. C'est avec de nouvelles sociétés qu'on crée de nouveaux emplois. Quand les entreprises deviennent très importantes, très mûres dirais-je, elles passent souvent par des périodes de restructuration difficiles, qui engendrent parfois un frein à la création d'emplois ou même leur suppression. Par conséquent, la création d'entreprises est absolument nécessaire.

L'aide à la création doit se faire par le travail conjoint des trois partenaires d'une communauté, et donc d'une république : par les entreprises, parce qu'elles ont leur expérience, en particulier celle du marché; par la société civile et ses experts, qui peuvent s'exprimer, donner des avis, juger, analyser; et, bien sûr, par l'Etat, car il a des moyens efficaces et la capacité d'insuffler une forte impulsion, parce qu'il représente une importante caution sur le marché : lorsqu'il s'engage, on sait que les institutions politiques ont la volonté d'aller de l'avant.

Créer une pépinière d'entreprises nécessite de travailler au niveau régional. Ce n'est plus seulement le plaisir de devenir régional, ni la nécessité de diminuer les coûts, mais le besoin de pouvoir compter sur un bassin de 1,5 million d'habitants, avec ses diversités, ses compétences, et l'ensemble de ses structures, de ses citoyens et de ses institutions politiques.

En plus de cela, pour convaincre de nouveaux entrepreneurs de monter des entreprises, il faut encore tout un réseau de gens qui croient à la création d'entreprises et qui sont prêts à l'encourager et à y participer. Dans le cas de GENILEM, nous avons l'appui des Chambres de commerce des cantons de Vaud et Genève et des banques cantonales de ces deux cantons. Nous souhaitons obtenir celui des départements de l'économie publique. Nous comptons aussi, parmi nos partenaires, le Cercle des dirigeants d'entreprises, l'Association des banques vaudoises, la Bourse de Genève, qui est devenue aujourd'hui la Bourse romande, plus de nombreux parrains, qui sont des entrepreneurs capables d'apporter leur soutien et leurs encouragements aux nouvelles entreprises.

GENILEM est une petite entreprise de deux à cinq personnes - cela dépendra de son rythme d'évolution - qui a pour but d'accompagner de nouvelles entreprises, à leur début. Vous savez que huit entreprises sur dix meurent durant les quatre premières années de leur existence. En suivant de près leur management, on peut inverser cette statistique et c'est alors neuf entreprises sur dix qui survivent et peuvent créer des emplois. En ce qui concerne NOVACITE - NOVACITE est l'exemple lyonnais qui a servi de modèle à GENILEM - et pour un bassin de population équivalent, la création d'emplois se chiffre à cinq cents postes, sur une durée de sept ans, pour une dizaine d'entreprises créées chaque année.

Ce n'est pas une réalisation monstrueuse, qui révolutionnera notre région, mais c'est une création utile. Espérons qu'un jour, une ou deux de ces nouvelles entreprises atteindront une grande dimension et seront ainsi créatrices d'un grand nombre d'emplois.

Le budget de GENILEM est de l'ordre de 500 000 F pour les prochaines années. La demande présentée au canton de Genève se monte à une participation de 90 000 F, soit en moyenne 14% du budget, les autres 86% étant partagés entre les partenaires privés, les parrains et les institutions dont je vous ai parlé.

D'autres institutions ont déjà été établies pour soutenir la création et l'innovation, mais j'aimerais souligner, ici, en deux mots, la différence entre GENILEM et ce qui a pu être fait, dans d'autres cas, par d'autres groupes de ce Grand Conseil. Bien souvent, les institutions créées, comme AGIP-FONGIT, Y-PARC, ou bien d'autres encore, travaillent à partir d'une innovation, de l'idée d'une personne. Ces institutions, grâce à leurs investissements, mènent l'innovation à bon port, jusqu'à ce qu'elle soit un produit.

GENILEM ne fait pas cela. Elle intervient plus tard, au moment où le produit existe avec son marché, avec le désir d'un entrepreneur de créer une entreprise. C'est un autre stade, moins risqué, puisqu'il ne requiert pas de mise de fonds en faveur de l'innovateur, qui a déjà créé son produit. GENILEM aide à trouver une clientèle. A partir de là, elle lui donne des conseils de management. Elle est une sorte de «coach» d'entreprise qui, par son accompagnement et par des conseils simples mais pointus, permet à l'entreprise de progresser.

La demande présentée au Conseil d'Etat se chiffre à 90 000 F pour trois ans. A partir de la quatrième année, les montants devraient se limiter à 15 000 F, c'est-à-dire simplement à une contribution de partenaire dans le cadre de GENILEM. Nous espérons que c'est cette voie qui sera suivie.

J'aimerais mentionner, pour finir, le souhait des motionnaires de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, même s'il aurait été agréable et intéressant de pouvoir en parler en commission de l'économie. En effet, je suis sûr que cette commission se serait penchée avec intérêt sur un projet aussi concret, qui touche de près tous les problèmes sur lesquels elle «planche» si souvent, en matière de promotion et d'innovations économiques.

Toutefois, je demanderai à ce Grand Conseil de bien vouloir renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, principalement pour deux raisons :

1) Inciter le canton de Vaud à participer au même programme, en montrant aux Vaudois que ce projet en vaut la peine, qu'il va dans une direction souhaitable, et est porteur de bons espoirs. Par cette démonstration de notre Grand Conseil, je souhaiterais que nous montrions l'intérêt que porte notre canton à la création d'emplois.

2) Donner un signe important, de la part des autorités politiques, à la population, favorisant leurs espoirs et leur confiance dans un projet naissant - GENILEM devrait démarrer dans le courant de l'été - plutôt que de le rejoindre en cours de route.

C'est donc pour ces deux raisons que je vous prierai de bien vouloir renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, quitte - comme je l'ai mentionné à certains de mes collègues - à l'occasion d'une prochaine motion déposée auprès du Grand Conseil et renvoyée en commission de l'économie, à reprendre la discussion et à examiner les choses plus en détail à cette occasion.

M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste a été surpris, en lisant ce projet de motion, par la liste des auteurs de ce projet !

En effet, presque tous ses auteurs sont des partisans du laisser-faire en matière économique, des adeptes du libéralisme pur et dur, mais qui, tout à coup semble-t-il, découvrent que l'Etat peut et doit jouer un rôle dans le domaine économique. Ce sont les mêmes qui, lors de la dernière séance du Grand Conseil, ont refusé vigoureusement les propositions socialistes visant à la création d'entreprises, mais proposent aujourd'hui une intervention, notamment financière, de l'Etat pour aider à la création d'une pépinière d'entreprises.

Cette motion renforce notre conviction que notre proposition n'avait qu'un défaut : elle était proposée par des socialistes ! Mais nous, les socialistes, sommes capables d'analyser des propositions sur leur contenu et non par rapport à leurs auteurs !

Cette remarque préliminaire étant faite, le groupe socialiste accueille avec un certain intérêt cette proposition. Certes, des points devront être précisés en commission, mais l'idée d'encadrer les personnes qui désirent se mettre à leur compte est une bonne idée, même si nous ne partageons pas la totalité des propos et des affirmations contenus dans l'exposé des motifs. En effet, nous connaissons tous des personnes, notamment des chômeurs, qui ont tenté de créer une entreprise et ont connu un échec parfois dramatique. Je pense, en particulier, à des personnes dans la cinquantaine, qui ont investi tout leur deuxième pilier pour créer une entreprise, qui, finalement, a échoué, et ont perdu à la fois leur gagne-pain et leur future retraite. Si un projet de ce type pouvait éviter de tels échecs, ce serait une bonne chose !

Toutefois, il ne faut pas oublier que la conjoncture économique est déjà difficile pour les entreprises existantes. Par conséquent, il n'est pas facile de créer des entreprises nouvelles actuellement. Cependant, la difficulté ne doit pas empêcher les tentatives.

Pour compléter les remarques de M. Lombard sur les différents moyens utilisés pour lutter contre le chômage - dont le traitement social du chômage, les occupations temporaires, la loi sur le chômage et la relance favorisée soit par une intervention de l'Etat, soit par la création d'entreprises - je crois qu'il a oublié de mentionner un troisième axe particulièrement important si l'on veut vraiment lutter contre ce fléau, c'est celui du partage du travail.

Enfin, je l'ai dit tout à l'heure, cette proposition est intéressante, mais toutefois, à notre avis, elle devrait être examinée plus en détail, en commission, pour discuter notamment des conditions de l'aide financière de l'Etat, pour connaître les statuts de cette fondation et avoir connaissance de son budget. Nous regrettons aussi de ne pas voir figurer les partenaires sociaux, notamment les syndicats, dans la liste des différents partenaires associés à ce projet.

Tous ces aspects mériteraient un examen en commission. C'est d'ailleurs l'usage dans ce parlement, à l'occasion d'une demande de prestations financières, que celle-ci soit étudiée par une commission, à l'exception des demandes d'aide pour des interventions en cas de catastrophe naturelle, comme un tremblement de terre, dans un pays étranger. Visiblement les arguments avancés par M. Lombard pour demander le vote immédiat de cette motion n'ont pas l'urgence d'une opération de secours après un tremblement de terre.

En conclusion, nous pensons qu'il est judicieux de la renvoyer à la commission de l'économie et nous sommes prêts à entrer en matière plus avant dans le cadre des travaux de la commission.

M. Max Schneider (Ve). Cette motion se veut consensuelle mais, hélas, elle ne l'est pas ! Pour suivre régulièrement les commissions de l'économie du Grand Conseil, je sais qu'on avait parlé de cette idée, suite aux motions socialistes, ou écologistes, notamment quand notre ami Andràs November était présent. Il avait souvent souligné ce problème, notamment concernant la FONGIT, qui étudiait des plans d'innovation, la sortie d'un produit et les difficultés au moment de la fabrication ou de la commercialisation à plus long terme.

Les objectifs et les buts de cette association sont très intéressants. On nous demande en fait d'en devenir partenaire. Or, si on le veut vraiment, alors il faut s'y intéresser et l'étudier avec beaucoup de sérieux. Voilà pourquoi, moi aussi, je m'engagerai, ainsi que le groupe écologiste, à soutenir le renvoi en commission, afin de créer un consensus, tel que vous l'avez souligné à la page 3.

Je constate qu'actuellement le consensus n'est pas réalisé complètement au sein des membres de la commission, tandis que, si votre projet avait été étudié, non pas en un petit groupe de trois partis, mais par l'ensemble de la commission, nous n'aurions plus besoin aujourd'hui de l'étudier encore. M. Manghardt qui a suivi et accompagné de ses conseils la mise en place de cette association, telle qu'elle est décrite dans l'exposé des motifs, aurait pu aussi nous la présenter en commission.

Voilà pourquoi nous avons certaines inquiétudes que vous comprendrez très bien. Nous pensons que la création de micro ou de petites PME est une bonne piste à suivre pour générer des emplois, mais nous ne sommes pas prêts à cautionner «l'emploi pour l'emploi». Je m'explique : nous voulons des emplois avec des industries respectueuses de l'environnement; nous n'accepterons pas de soutenir des projets d'innovations concernant le domaine de l'armement; nous refuserons aussi de favoriser des projets pour des emplois indignes de la personne humaine. C'est pour cela que nous voulons avoir une explication en commission et connaître les limites à l'intérieur desquelles cette association fonctionnera. Limites qui seront certainement acceptées par tous, mais pour lesquelles nous souhaitons fixer des conditions, avant d'y adhérer. Voilà pourquoi je vous invite à accepter ce renvoi en commission.

M. Pierre Kunz (R). L'exposé des motifs de la motion 1005 est suffisamment détaillé pour vous permettre, contrairement à ce que certains ont sous-entendu, de vous familiariser précisément avec les objectifs de GENILEM, avec la genèse de cette association en formation, avec les structures et le fonctionnement de cette pépinière d'entreprises.

Par ailleurs, les informations fournies par les auteurs, principalement M. Lombard qui s'est exprimé tout à l'heure, ont pu répondre à une bonne majorité des interrogations qui pouvaient subsister. Par conséquent, je voudrais n'insister que sur deux aspects importants de GENILEM.

En premier lieu, GENILEM n'est pas une institution destinée à approvisionner les entreprises en capital-risque, ni d'ailleurs en capital tout court. Ce n'est pas non plus une concentration de jeunes entreprises à la recherche de locaux bon marché ou d'avantages financiers ou autres. GENILEM est une association qui vise à accompagner les jeunes entrepreneurs dans le démarrage de leur société, dont ils ont eux-mêmes assuré le financement, mais qui ne disposent pas d'une formation ou d'une expérience suffisante en matière de gestion. C'est donc un lieu d'apprentissage, une sorte d'école, au demeurant payante. L'apport demandé de l'Etat à GENILEM est limité dans le temps, puisque, après trois ans, les jeunes entreprises doivent essaimer.

En second lieu, l'Etat a un rôle utile et indispensable à jouer dans GENILEM. Cette pépinière devrait devenir, en effet, un des instruments particulièrement utiles d'un Etat dont nous attendons tous, Monsieur Champod, qu'il se manifeste dans une politique économique active et qu'il favorise - vous l'avez dit vous-même - l'emploi par l'aide qu'il peut apporter à la création d'entreprises, particulièrement dans les secteurs innovants.

A ce sujet, je répondrai à une formule qui a été employée, pour relever la contradiction qui existerait chez des personnes, libérales de caractère et d'idées, qui réclament aujourd'hui l'interventionnisme de l'Etat. Je ferai remarquer que, quelques semaines auparavant, nous parlions des entreprises en général, de celles qui ont une existence normale, celles qui ne sont pas en phase de démarrage, et celles qui ne sont pas non plus à l'agonie. M. Jean-Philippe Maitre a, d'ailleurs, insisté sur le rôle utile d'intermédiaire et de conseil que joue l'Etat, son département en particulier, en vue de sauver, si possible, les entreprises en difficulté. J'ai, pour ma part, souligné, en bon radical, qu'il est d'intérêt général que l'Etat s'engage activement dans la promotion et le soutien aux jeunes entreprises. Il n'y a pas contradiction mais continuité dans la réflexion.

Il est donc bon que l'Etat contribue, en collaboration avec le secteur privé, au lancement de cette pépinière d'un genre et d'une efficacité nouveaux et qu'il participe ensuite activement à son fonctionnement, ne serait-ce que pour veiller à l'intégration, au maintien, de GENILEM dans le développement des activités économiques de la région.

Cette motion, nous dit-on encore, n'est pas consensuelle. Permettez-moi de prétendre le contraire. Motion et pépinière sont les fruits d'un très long travail dans lequel le département de l'économie publique, les chambres économiques vaudoise et genevoise, les entreprises et les députés motionnaires se sont fortement engagés. Vous voyez aujourd'hui le résultat d'un travail d'équipe, de collaboration et de consensus.

Par conséquent, j'insisterai pour que cette motion soit effectivement renvoyée directement au Conseil d'Etat.

M. Bernard Clerc (AdG). Cette motion nous parle d'un concept nouveau de l'emploi. C'est d'autant plus nouveau que, lorsqu'on parle de prendre en considération trois instruments de développement économique, le premier évoqué, c'est le chômage ! Je trouve que considérer le chômage comme un élément de développement économique est un concept plutôt particulier. A vrai dire, cela ne me surprend pas vraiment dans la logique d'une économie capitaliste de marché.

Dans l'exposé des motifs, on nous dit que 80% des nouvelles entreprises disparaissent quatre ans après leur création. Evidemment, ce n'est pas le fruit du hasard ou, a priori, en raison de l'incompétence de leurs créateurs, mais bien le résultat de ces mêmes mécanismes qui président à l'économie capitaliste de marché : la concurrence, rien que la concurrence !

Le concept GENILEM feint d'avoir trouver LA solution, puisque, selon les auteurs de la motion, 90% des entreprises survivent après quatre ans. Cela n'a rien d'étonnant, car le concept prévu par GENILEM prévoit, au préalable, une sélection des entreprises. Il s'ensuit obligatoirement que ce sont celles qui ont le plus de chances de succès qui sont retenues, ce qui permet d'affirmer un tel taux de réussite. Prenons un exemple : imaginons qu'un médecin sélectionne ses patients : en n'acceptant que des personnes de moins de trente ans, le taux de mortalité de sa clientèle serait effectivement très faible. Voilà pour l'illusion statistique !

L'objectif de la motion est d'obtenir un subventionnement public. Il est pour le moins curieux que ceux qui, à longueur d'année, plaident pour une non-intervention de l'Etat dans l'économie, souhaitent une participation des pouvoirs publics à GENILEM.

En ce qui nous concerne, nous pensons que le premier stade et le plus urgent d'une politique de l'emploi passe d'abord par le maintien des entreprises existantes, car chacun sait que la disparition d'une entreprise existante constitue une perte économique et de savoir-faire considérable, en regard du temps nécessaire à une nouvelle entreprise pour engendrer un apport similaire.

Nous sommes, par ailleurs, étonnés que la Chambre de commerce et d'industrie qui n'hésite pas à dépenser des dizaines de milliers de francs pour des campagnes de nature politique, ou pour favoriser l'élection d'un Conseil d'Etat monocolore, vienne quémander une subvention pour GENILEM. Cela frise le mauvais goût.

Je relèverai cependant le seul aspect positif de ce projet, celui de l'avoir envisagé sous l'angle de la région, car il nous semble qu'il est bon d'aller dans le sens d'une décentralisation de l'emploi. Encore faut-il que ce concept de région ne se limite pas à implanter de nouvelles entreprises à Genève ou à Lausanne et dans sa périphérie !

Quelques remarques encore au sujet des éléments avancés par M. Lombard. Vous parlez, Monsieur Lombard, d'une subvention de 90 000 F pour trois ans. Je pense que votre langue a fourché, car il s'agit bien de 90 000 F par an. Vous avez aussi parlé d'un budget de 500 000 F ; or, selon un calcul basé sur les indications de l'exposé des motifs, il s'agit d'un budget de 600 000 F. Dans ces conditions, je vois mal comment nous pourrions traiter cette motion directement maintenant et la renvoyer au Conseil d'Etat.

Je rappelle qu'en ce qui concerne les subventions celles-ci sont toujours examinées dans le cadre de la commission, et que nous demandons aux organismes solliciteurs de présenter un budget, ce qui est tout à fait normal : je rappelle, à cet égard, les demandes examinées en commission des finances se référant aux institutions sociales. Je trouve pour le moins curieux qu'on puisse voter les yeux fermés cette motion, alors que nous ne disposons d'aucun budget dans l'exposé des motifs, et ceci indépendamment des questions de fond que j'ai abordées tout à l'heure.

C'est pourquoi nous nous opposons à la discussion et au vote immédiats de cette motion.

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). J'avoue que je suis surpris, entre autres, des propos de M. Clerc.

Tout d'abord, je souhaiterais apporter quelques explications supplémentaires, quant au fait qu'une période de chômage, comme nous la vivons aujourd'hui, puisse être un bassin un peu plus important pour des créateurs d'entreprises. Oui, Monsieur Clerc, à une époque où nous comptons seize mille chômeurs, cette période peut être l'occasion, pour un certain nombre de chômeurs qui font preuve d'initiative, de créer leur propre entreprise.

Vous avez parlé également du fait que nous sélectionnons les candidats à cette pépinière d'entreprises. Monsieur Clerc, c'est une évidence de constater que ces créateurs d'entreprises ont justement besoin d'un certain support pour essayer d'analyser, ou éventuellement prévoir, un échec de leur projet. Vous faites une comparaison très malheureuse avec la médecine, mais j'aimerais vous rappeler que la médecine préventive existe.

En fait, GENILEM est une condition-cadre qui est non seulement utile mais absolument indispensable. Elle est nécessaire, car elle est complémentaire à une multitude d'activités développées dans notre canton : activités du département de l'économie publique, activités de l'AGIP-FONGIT - M. Lombard en a parlé tout à l'heure - qui s'occupent plus particulièrement de l'innovation technologique. Créer son entreprise aujourd'hui - au sens large, soit depuis un certain nombre d'années déjà - c'est par moment le parcours du combattant, parce que l'expérience d'un futur chef d'entreprise étant souvent réduite, il rencontre un certain nombre de difficultés à créer son entité, non seulement au niveau du financement mais aussi des structures.

Grâce à l'expérience de ses partenaires - départements de l'économie publique, chambres de commerce - celle de ses parrains qui surveilleront les projets, et par les acteurs eux-mêmes, cette Génération Innovation Lémanique leur apportera un certain nombre d'informations et un soutien logistique. Bien sûr, qu'elle ne résoudra pas tous leurs problèmes, mais elle aidera à résoudre les premières difficultés; celles-ci une fois surmontées, on obtiendra une meilleure garantie de réussite de l'entreprise. En effet, je vous le rappelle Monsieur Clerc, il n'existe aucune école de créateurs d'entreprise. Pour parvenir à ce but, il n'existe pas de formation adéquate mais seulement des formations complémentaires, pour améliorer la compréhension d'un certain nombre de sujets afférents à la création d'entreprise.

A ce jour, la mondialisation des marchés rend absolument indispensable l'établissement d'un business-plan au moment de la création d'une entité, business-plan qui devient de plus en plus complexe et nécessite très souvent un accompagnement par des gens spécialisés. Les besoins en investissement, de même que les coûts de fonctionnement, sont de plus en plus lourds, ce qui justifie de créer des budgets, d'avoir des plans financiers. Une organisation comme GENILEM est destinée à apporter un support et une transparence vis-à-vis des partenaires financiers, ainsi qu'une logistique adaptée aux besoins des jeunes entrepreneurs. Bien sûr, si l'on parle de locaux, cela paraît moins évident, surtout quand nous avons entre 100 000 et 200 000 m2 de locaux disponibles dans ce canton, mais il faut savoir qu'il est très difficile pour un créateur d'entreprise de trouver une surface aménagée de 50 m2 à un prix raisonnable.

L'élément le plus important est que GENILEM va apporter, à ces nouveaux entrepreneurs, une formation en cours d'activité, tant sur le plan financier que sur le plan commercial - par exemple, pour les marchés, la recherche de partenaires, sujets souvent difficiles à traiter. Puisque vous êtes aussi préoccupés par les problèmes sociaux, GENILEM pourra aussi fournir son aide concernant la recherche et l'engagement de personnel, qui sont des domaines nécessitant une certaine expérience.

Depuis deux ans, un groupe de travail a collaboré à la mise en place de ce projet. Le département de l'économie publique en a été un des éléments fondamentaux, ainsi que la Chambre de commerce et d'industrie, la Banque cantonale genevoise et Kalvin K. Associates. Ce projet va dans le sens d'une solution en faveur de l'emploi, aussi modeste soit-elle. Je vous propose donc, comme le groupe démocrate-chrétien, de le renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. A ce stade de notre débat, nous pouvons dire que ce projet est concret : c'est l'une de ses caractéristiques, par rapport à un certain nombre de discussions plus «abstraites» que nous avons eues. Il est incontestablement intéressant, encore qu'il ne faille pas en surestimer la portée. Il intervient dans un créneau qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été, en tant que tel, exploité. Le département de l'économie publique a été amené à y coopérer par un certain nombre de conseils techniques, dès ses premiers pas.

Toutefois, il faut être bien conscients que, s'agissant en particulier de petites entreprises destinées à être accompagnées dans leur phase de démarrage par la structure que GENILEM souhaite leur offrir, ces entreprises ne valent que par la qualité de leurs produits ou leurs services, en fonction des marchés sur lesquels elles souhaitent se placer, ainsi que par la qualité des personnes qui les animent.

Il est vrai, à cet égard, qu'un certain nombre de jeunes créateurs d'entreprises doivent être des femmes et des hommes polyvalents - surtout lorsqu'il s'agit de minuscules entreprises - et qu'ils sont parfois laissés dans une grande solitude à la phase de démarrage, solitude qui peut donner lieu à des erreurs qui compromettront l'avenir de leur entreprise, comme on l'a vu, en particulier, dans le cadre de la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, qui est un autre projet mis sur pied par l'Etat avec un autre partenaire.

Il faudra que ce projet soit coordonné de manière optimale avec d'autres instances, qui ne visent pas exactement les mêmes buts, mais interviennent de manière complémentaire, aussi bien en amont qu'en aval du travail accompli par GENILEM. Il s'agit, par exemple, de la Fondation genevoise pour l'innovation technologique déjà évoquée, ou de l'Office genevois de cautionnement mutuel pour artisans et commerçants, qui, indépendamment, de sa mission de cautionnement en tant que telle, a une activité de conseil, d'appui, relativement à la mise en route d'un projet de petite entreprise. Il faudra à cet égard coordonner les activités des uns et des autres.

Le Conseil d'Etat, au niveau de l'idée, peut accepter ce projet mais nous devons, en l'état, faire les réserves d'usage concernant les implications budgétaires. Qu'il me soit ici permis de dire que la préparation du budget 1996 est extrêmement difficile à ce stade ! Or, vous me proposez une dépense supplémentaire. En conséquence, il ne m'est pas possible, pour des motifs que vous comprendrez aisément, d'engager le Conseil d'Etat, sans que nous ayons pu effectuer les évaluations d'ensemble sur les différents aspects du budget 1996 et procéder aux arbitrages qui s'imposent.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

relative à la création d'une pépinière d'entreprises GENILEM (Génération Innovation Lémanique) pour les exercices 1996, 1997 et 1998

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

1. à soutenir GENILEM, Association d'accompagnement à la formation et à la gestion de jeunes entreprises lémaniques;

2. à prévoir, dans le cadre des budgets du département de l'économie publique, un crédit annuel à GENILEM de 90 000 F pour 1996, 1997 et 1998.

M 824-B
15. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Max Schneider, André November, Liliane Johner, Elisabeth Reusse-Decrey et David Lachat concernant le placement des jeunes qui débutent dans leur vie professionnelle. ( -) M824
Mémorial 1992 : Développée, 6891. Commission, 6900.
Mémorial 1994 : Rapport, 2010. Motion, 2021.

Son texte ayant été modifié par la commission de l'économie, le Grand Conseil a renvoyé au Conseil d'Etat la nouvelle version de motion, l'invitant:

 à développer, avec les partenaires sociaux, les milieux économiques et les entreprises, les mesures permettant aux jeunes d'avoir les meilleures chances d'insertion professionnelle;

 à renforcer les mesures déjà appliquées, notamment stages de formation, initiation au travail, occupation temporaire y compris pendant la période d'indemnisation, stages linguistiques, entreprises d'entraînement. A prendre en considération la mise sur pied des entreprises-tremplins et de stages à l'étranger susceptibles d'être financés par la LACI;

 à accentuer les efforts pour le placement des jeunes par le développement du Centre-Jeunes;

 à envisager d'introduire une allocation d'initiation au travail pour les jeunes qui restent sans emploi après leur stage initial de formation;

 à renforcer l'offre faite aux jeunes de suivre un programme de formation continue, cours de recherche d'emploi, cours de perfectionnement, formation de base en cas de nécessité;

 à développer la collaboration entre le Centre-Jeunes, le Centre de Bilan, l'office d'orientation et de formation professionnelle et les associations professionnelles;

 à diffuser largement l'information sur les moyens à disposition pour trouver un emploi.

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17Débat

M. Max Schneider (Ve). Ce rapport fait état d'une série d'actions qui se développent actuellement ou l'ont été en 1994, au sein du département de l'économie publique.

Vous savez que cette motion a été déposée en 1992, retravaillée au sein de la commission de l'économie en 1994, et avait donné lieu à un rapport de M. Belli. Nous avions trouvé un consensus au sein de la commission, comme l'avait écrit M. Belli dans son rapport, autour de plusieurs points concrets.

Le premier point concernait le cumul des stages en entreprises de trois à six mois, dont un stage d'initiation à l'emploi d'une durée de six mois, financé à 40% par l'employeur. M. Maitre nous avait assuré qu'il allait s'engager à Berne pour faire passer le message. Or, je ne vois pas de réponse à cette demande dans le rapport qui nous est proposé ce soir, et j'espère qu'il pourra nous la donner tout à l'heure.

Le deuxième point avait trait aux engagements. Il serait intéressant de savoir ce qui se passe, au bout d'une année, pour ces jeunes : est-ce que leur emploi perdure ou les jeunes se retrouvent-ils au chômage ?

Le troisième point concerne la réforme de l'apprentissage dont on parle beaucoup, avec ces fameux trois piliers : va-t-on suivre l'école latine où les apprentissages se font à l'école, ou les modèles allemands ou suisses ? Cette réforme est-elle aussi en discussion au sein de ce département et est-on proche d'une solution ? On avait aussi parlé des primes aux entreprises qui forment de jeunes apprentis. Cette formule est-elle à l'étude ou toujours en débat au sein du département ?

Je ne sais pas si M. le président préfère nous répondre en plénière ou en commission, auquel cas nous renverrons ce rapport en commission.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Cette proposition de motion avait fait l'objet d'une discussion assez large en commission, au travers de laquelle toute une série d'informations avaient déjà été données, et un certain nombre de questions posées et résolues. Une bonne partie des réponses à ces questions étant reproduite dans ce rapport, je ne comprends pas très bien pourquoi M. Schneider les repose à nouveau.

En ce qui concerne le cumul des stages de trois ou six mois, cela se pratique et se développe. Le canton de Genève est le premier de Suisse à avoir introduit ce nouveau modèle. Les informations se trouvent dans le rapport, et je vous conseille de vous y référer pour plus de détails. Nous vous donnerons d'autres indications dans le cadre de la commission permanente de l'économie, au travers d'une évaluation, que l'on peut effectuer, par exemple, sur le premier semestre 1995, de ce type de prestations qui ont de très bons résultats. (Chahut.)

On est vraiment navré de ne pas pouvoir participer à la joie d'aucuns !

Une voix. Est-ce que vous pourriez vous arranger pour faire taire la bête...! (La présidente tape la cloche.)

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. A la suite de ces stages pratiques, en particulier sur les stages de six mois, et a fortiori lorsqu'ils sont cumulés avec des stages d'initiation au travail au sens du droit fédéral, les résultats sont bons puisque plus de 50% des jeunes sont engagés.

Nous n'avons pas de statistiques, malheureusement, Monsieur Schneider, qui nous renseignent sur ce que deviennent ces jeunes, après une année, ou davantage encore, d'activité professionnelle. Nous n'avons tout simplement pas la possibilité de mettre en place un dispositif qui permette d'obtenir ce type d'informations.

En ce qui concerne les différentes questions que vous avez posées à propos de l'apprentissage, je vous suggère de les traiter plus directement avec Mme Brunschwig Graf, dont l'office d'orientation et de formation professionnelle relève. Je n'ai pas moi-même les réponses précises aux questions, en soi légitimes, que vous posez.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

PL 7220-A
16. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mme et M. Elisabeth Häusermann et Roger Beer modifiant la loi instituant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée (B 5 16). ( -) PL7220
Mémorial 1995 : Projet, 1604. Commission, 1612.
Rapport de M. Claude Blanc (DC), commission des finances

La commission des finances a étudié le projet de loi 7220 lors de ses séances des 12 et 26 avril 1995, tenues sous la présidence de Mme Claire Torracinta-Pache, en présence de MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, M. Patrick Pettmann, directeur du service finances et assurances à l'office du personnel de l'Etat, et M. Jean-Daniel Rossi, directeur de la division «personnel» du département de l'instruction publique.

Le projet de loi 7220, déposé par Mme Elisabeth Häusermann et M. Roger Beer, vise à modifier la loi instaurant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée, en faisant porter le calcul de la rente non sur le dernier traitement mensuel de base comme c'est actuellement le cas, mais en tenant compte du taux moyen d'activité.

Les auteurs du projet de loi se basent essentiellement sur la situation au département de l'instruction publique. En effet, il est, disent-ils, courant dans l'enseignement qu'un titulaire obtienne le changement de son taux d'activité, soit en le diminuant, soit en l'augmentant. D'où deux injustices possibles, soit l'enseignant à temps partiel obtient l'augmentation de son taux d'activité avant de demander le Plend, et sa rente est abusive, soit il obtient la diminution de son activité, et il est injustement pénalisé. M. Rossi a déclaré à la commission que les craintes exprimées quant aux abus étaient purement hypothétiques, aucun cas ne s'était présenté jusqu'ici. D'autre part, il doute qu'un enseignant à temps partiel puisse obtenir de passer au temps complet durant les dernières années de son activité.

Par contre, il est possible que certains collaborateurs, enseignants ou non, demandent à réduire leurs activités à quelques années de la retraite pour des raisons de santé, plutôt que de recourir au détestable artifice du certificat médical. Pour ces personnes, et dans ce cas-là seulement, le Conseil d'Etat a admis qu'il était possible de ne pas les pénaliser et de les laisser partir au Plend sur la base du taux d'activité des dix dernières années précédant celui-ci. Dans ce cas-là également, les craintes des auteurs du projet de loi n'apparaissent donc pas fondées.

M. Vodoz souligne, par ailleurs, que les mesures d'encouragement à la retraite anticipée sont parmi les rares propositions budgétaires ayant obtenu l'accord de tous les partenaires sociaux. Il ne juge donc pas souhaitable de les modifier déjà.

Il est relevé également que la proposition constituerait une exception au principe contenu dans la loi sur les traitements qui veut que toutes les indemnités, qu'elles soient de départ, de décès ou de licenciement, sont calculées sur le dernier salaire de base.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la commission vous recommande, par 9 voix contre 1 (rad) et 1 abstention (rad), de rejeter le projet de loi 7220.

PROJET DE LOI

modifiant la loi instaurant des mesures d'encouragementà la retraite anticipée

(B 5 16)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi instaurant des mesures d'encouragement à la retraite anticipée, du 15 décembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 3, al. 2 (nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)

2 Cette rente peut être calculée en tenant compte du taux moyen d'activité.

Premier débat

Mme Elisabeth Häusermann (R). Notre amendement à la loi instituant le Plend ajoute, à la seule mesure proposée par celui-ci, une seconde mesure, mais ne substitue pas celle-ci à celle-là, comme le rapporteur de la commission des finances le laisse croire.

Si la rente de départ représente 20% du dernier salaire - comme le prévoit la loi actuelle - et que, par conséquent, elle est supérieure aux 20% du taux moyen d'activité, tant mieux ! Nous proposons qu'en plus cette rente puisse être les 20% du taux moyen d'activité.

Par notre proposition, le nombre de fonctionnaires susceptibles d'être incités à prendre une retraite anticipée se trouve augmenté. Or, inciter au départ anticipé, c'est justement le but du Plend. Nous allons dans son sens en proposant simplement l'ouverture la plus grande.

La commission des finances vous propose de rejeter cette ouverture : à croire que la diminution de la charge salariale lui a été indifférente; à croire que nous n'avons pas à lutter contre le chômage, notamment des jeunes; à croire qu'une mesure - celle que nous proposons - qui permet à un fonctionnaire de diminuer son emploi avant de prendre une retraite anticipée, sans aucunement être pénalisé, n'est d'aucun intérêt dans le contexte social actuel; à croire surtout que le département de l'instruction publique n'a pas besoin d'anticiper le renouvellement du corps enseignant, dont il reconnaît pourtant que le vieillissement global est préoccupant. Il y a actuellement six mille quatre cent soixante enseignants à l'école primaire, au cycle d'orientation et dans l'enseignement postobligatoire, sans compter ceux qui travaillent à l'université.

Grâce au Plend actuel, vingt postes seulement ont été libérés par des départs à la retraite anticipée, soit environ 3%. Or, dans cinq ans déjà, les enseignants de l'enseignement postobligatoire qui atteindront l'âge de la retraite se compteront par plus de deux cents par an; dans dix ans, par plus de trois cents par an; et dans quinze ans, par près de cinq cents par an. Nous craignons autant le vieillissement global de ce corps enseignant que la situation inverse qui arrivera sous peu, lorsque ce corps sera composé dans sa grande majorité de personnes en début de carrière.

Le Conseil d'Etat s'est réservé la possibilité de prendre d'autres mesures d'incitation à la préretraite que celle du Plend actuel, si les départs anticipés ne devaient pas atteindre 1% du nombre de fonctionnaires. Or, chez les enseignants, voyez le rapport ! Il est donc évident que le Plend actuel est peu efficace. Que va alors faire le Conseil d'Etat, s'il refuse notre proposition ?

Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances se leurre lorsqu'elle vient vous dire que tout va très bien ainsi. Force sera de le constater ! A moins que ce Grand Conseil, saisissant les enjeux de notre proposition, ne fasse preuve d'indépendance d'esprit, renonce à suivre le préavis de la commission des finances et adopte le projet de loi qui vous est soumis ce soir.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Mme Häusermann vient à nouveau de plaider pour son projet de loi, en avançant toutes sortes d'arguments très intéressants en eux-mêmes mais qui n'ont rien à voir avec sa proposition, puisqu'il a été démontré en commission des finances qu'actuellement on ne connaît aucun fonctionnaire susceptible d'être concerné par ce projet et qu'on doute qu'il puisse y en avoir dans le futur.

Il est donc tout à fait faux de dire qu'on augmentera ainsi le nombre des fonctionnaires qui pourront profiter du Plend. Quand un fonctionnaire, bientôt susceptible de bénéficier du Plend, a des problèmes de santé, le Conseil d'Etat admet qu'on prenne en compte le taux d'activité sur la base des derrières années. Pour les autres, il n'y a pas de cas connus où cela pourrait apporter quelque chose de plus.

Par contre, cela poserait certains problèmes, du fait notamment que le principe proposé par ce projet de loi est contraire à celui qui est à la base des indemnités de départ de la loi sur les traitements, c'est-à-dire que, chaque fois qu'on doit quitter l'Etat, pour une raison ou pour une autre, en cas de licenciement, de démission, ou, malheureusement, de décès, la loi indique que le dernier salaire est déterminant pour la fixation de l'indemnité de départ. C'est un principe absolu. Si l'on commence, pour un hypothétique avantage, à remettre en cause ce principe, on sombre dans l'anarchie.

C'est la raison pour laquelle la commission des finances, à l'unanimité moins deux voix - parce qu'elles ne pouvaient pas faire autrement - a décidé de vous recommander le rejet de ce projet de loi.

M. Roger Beer (R). Ce sujet me tient particulièrement à coeur, d'autant plus que le Conseil d'Etat et la commission des finances n'en ont cure et estiment qu'il ne faut même pas entrer en matière, étant donné que c'est un sujet mineur.

Le rapport de la commission des finances est, à mon avis, relativement affligeant et les paroles de M. Blanc, rapporteur, me rappellent les propos d'une de ses anciennes collègues de parti, qui s'était également acharnée contre le projet de loi que M. Föllmi, alors président du DIP, avait reconnu, plus tard, comme étant à la base du Plend. Je ne peux pas vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, si nous assistons, ce soir, aux prémices d'un même phénomène, quoique...!

A lire le rapporteur, on voit qu'il pourrait exister des cas d'application, mais qu'on ne veut pas adapter la loi déjà aujourd'hui, même par un simple article. Si jamais une demande émanait d'un instituteur, d'un professeur ou d'un quelconque fonctionnaire, il serait toujours assez tôt pour réagir et s'adapter... Je ne peux pas admettre ce genre de propos ! Ce n'est pas parce qu'une personne ou un département nous dit que, le cas échéant, l'on réagira convenablement, que cet article de loi ne doit pas être adopté.

Il me paraît tellement évident, après avoir travaillé vingt ans à plein temps, puis deux à mi-temps, que le Plend soit calculé sur l'ensemble du travail, que j'ai effectivement beaucoup de peine à admettre que l'on essaie de me faire la démonstration contraire. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que, dans quelques années, notre projet de loi deviendra une proposition du Conseil d'Etat.

Par ailleurs, je perçois le simple fait de le rejeter - et j'imagine qu'un certain nombre d'enseignants et de collaborateurs de l'instruction publique, ou même de la fonction publique, pourrait faire la même analyse - comme un cinglant désaveu de l'ensemble de ces personnes arrivant en fin de carrière, qui souhaiteraient bénéficier d'une retraite anticipée justifiée. Pour cette raison, Madame la présidente, je demande l'appel nominal concernant le vote d'entrée en matière de ce projet de loi. (Appuyé.)

La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent d'entrer en matière sur ce projet répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Mise aux voix, l'entrée en matière sur ce projet est rejetée par 70 non contre 13 oui.

Ce projet est rejeté en premier débat.

Ont voté non (70):

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Jacques Boesch (AG)

Anne Briol (E)

Nicolas Brunschwig (L)

Fabienne Bugnon (E)

Hervé Burdet (L)

Matthias Butikofer (AG)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Anne Chevalley (L)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Jean-Claude Dessuet (L)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Laurette Dupuis (AG)

Henri Duvillard (DC)

Catherine Fatio (L)

Christian Ferrazino (AG)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Jean-Claude Genecand (DC)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Henri Gougler (L)

Christian Grobet (AG)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Dominique Hausser (S)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

Liliane Johner (AG)

René Koechlin (L)

Claude Lacour (L)

René Longet (S)

Olivier Lorenzini (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Liliane Maury Pasquier (S)

Pierre Meyll (AG)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Laurent Moutinot (S)

Vérène Nicollier (L)

Chaïm Nissim (E)

Jean Opériol (DC)

Danielle Oppliger (AG)

Barbara Polla (L)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Martine Roset (DC)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Christine Sayegh (S)

Max Schneider (E)

Jean Spielmann (AG)

Micheline Spoerri (L)

Evelyne Strubin (AG)

Pierre Vanek (AG)

Yves Zehfus (AG)

Ont voté oui (13):

Roger Beer (R)

Thomas Büchi (R)

Hervé Dessimoz (R)

Daniel Ducommun (R)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Elisabeth Häusermann (R)

Pierre Kunz (R)

David Revaclier (R)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Michèle Wavre (R)

Etaient excusés à la séance (6):

René Ecuyer (AG)

Nelly Guichard (DC)

David Hiler (E)

Pierre Marti (DC)

Alain-Dominique Mauris (L)

Philippe Schaller (DC)

Etaient absents au moment du vote (10):

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Marlène Dupraz (AG)

Bernard Lescaze (R)

Sylvia Leuenberger (E)

Armand Lombard (L)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Andreas Saurer (E)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Présidence:

Mme Françoise Saudan, présidente.

I 1897
17. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Laurent Moutinot : Nouveau questionnaire concernant la valeur locative des appartements et villas : quels résultats ? Est-il vrai que 60% des propriétaires verront la valeur locative IFD baisser ? ( ) I1897
Mémorial 1994 : Annoncée, 1746. Développée, 2418. Réponse, 2419.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je prendrai quelques minutes pour vous exposer quelques chiffres, puisqu'il s'agit de valeur locative. J'invite celles et ceux que cela ennuierai à se retirer, (Protestations.) la question intéressant essentiellement M. Moutinot et quelques autres.

Permettez-moi donc de vous rappeler que la valeur locative représente un revenu immobilier théorique. Elle correspond au loyer... Pardon ? (M. Moutinot interrompt le président du Conseil d'Etat et lui propose de lui transmettre sa réponse par écrit.)

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Elle est là, à votre disposition !

La La présidente. Bien, Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous pouvez nous transmettre votre réponse, que nous allons photocopier pour M. l'interpellant et elle figurera ainsi au Mémorial.

Annexe lettre réponse

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Attention

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"Cette interpellation est close"

en bas de la page

Cette interpellation est close.

R 293
18. Proposition de résolution de Mmes et MM. René Longet, Luc Gilly, Martine Roset et Fabienne Bugnon concernant l'initiative populaire "Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix". ( )R293

EXPOSÉ DES MOTIFS

En date du 22 mars 1995, le Conseil des Etats décidait de déclarer irrecevable l'initiative populaire «Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix». Cette décision manifeste un brusque changement de pratique s'agissant des critères appliqués à l'étude de l'unité de la matière d'initiatives populaires, c'est-à-dire à la qualité du lien entre les diverses propositions d'un texte constitutionnel donné.

En l'occurrence, avant de lancer leur initiative, les initiants avaient pris soin de consulter, s'agissant des aspects formels, des experts, ainsi les professeurs Kälin et Saladin, de l'université de Berne. Tous deux ont certifié que le critère de l'unité de la matière, dans son acception courante, était respecté.

Au moment du lancement, la chancellerie fédérale, contactée, rendit la même appréciation.

Cette position se trouve également dans le message du Conseil fédéral relatif à l'initiative.

Ce n'est qu'au niveau du débat au sein du Conseil des Etats que l'idée de changer de pratique en matière d'appréciation de l'unité de la matière est apparue.

Ce changement pose de nombreux problèmes.

Tout d'abord, il est choquant de changer les règles et de les appliquer séance tenante à un texte conçu sous l'empire des règles précédemment en vigueur.

Ensuite, on ne peut que relever que le parlement lui-même n'hésite pas à proposer aux électrices et aux électeurs des textes qui sont en contradiction directe avec les exigences appliquées à l'initiative, que l'on pense aux multipacks nombreux en matière d'assurance-maladie, d'AVS, ou encore à la disposition sur la TVA prévoyant une affectation partielle à l'AVS. On aurait pu parfaitement estimer, à l'instar du raisonnement qu'applique le Conseil des Etats à l'initiative, que l'on peut vouloir la TVA mais pas son affectation, ou encore que l'on voudrait financer l'AVS mais pas par la TVA... pourtant les Chambres ont estimé que le lien qu'elles ont établi entre ces points avait sa logique.

Sur le fond, le lien matériel est donné par une démarche qui ne souffre pas d'être disjointe: les initiants proposent bien une seule idée, à savoir un meilleur équilibre entre le pilier militaire et le pilier non militaire de la sécurité. Cette idée a sa raison d'être et sa cohérence interne indiscutable, et le peuple doit pouvoir se prononcer sur un tel concept. Dans le cas contraire, toute idée politique un peu globale ne pourrait plus faire l'objet d'une proposition d'article constitutionnel !

De nombreux juristes éminents désapprouvent la décision du Conseil des Etats. Ainsi le professeur Fleiner, dans un avis de droit du 22 octobre 1994, le professeur Aubert, qui s'est notamment exprimé longuement dans le «Nouveau Quotidien» du 11 avril 1995, ou encore le professeur Peter Haenni.

Nous estimons par ailleurs que le canton de Genève ne doit pas consentir au changement de pratique voulu par le Conseil des Etats, et par la présente résolution notre canton demande le respect des règles de base de la démocratie qui, encore une fois, ne sauraient être modifiée à l'occasion d'une décision circonstancielle et avec effet rétroactif...

Sachant que la décision du Conseil des Etats n'entre en vigueur que si le Conseil national s'y rallie, il convient de demander au Conseil national de réparer la décision du Conseil des Etats.

Signalons encore que la décision des Chambres ne souffre, contrairement à une décision analogue qui serait prise par notre Conseil en matière cantonale, d'aucun recours, le parlement n'étant pas soumis au juge constitutionnel.

Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

Débat

M. Luc Gilly (AdG). Le sens de la démarche de cette résolution, vous l'avez compris Mesdames et Messieurs, est la défense des droits populaires, un des piliers de notre démocratie. C'est pour cette raison que je m'étonne déjà que cette résolution figure au département militaire, alors qu'elle aurait davantage eu sa place à la commission des droits politiques, dans le département de M. Haegi.

Il ne s'agit pas de discuter ce soir du contenu de cette initiative mais bien de corriger la dérive du Conseil des Etats et de deux commissions à Berne. Cette initiative, déposée en 1992, avec plus de cent dix mille signatures, avait reçu, avant son lancement, l'aval de deux experts, les professeurs Kälin et Saladin de l'université de Berne; de même, la Chancellerie de Berne donnait le même avis : l'unité de la matière était respectée. Plus tard, le Conseil fédéral confirme cette appréciation dans son message. Or, surprise ! Cette année, en mars 1995, le Conseil des Etats décide que l'unité de la matière n'est pas respectée et prend la décision d'invalider cette initiative. A la mi-mai, la commission des institutions politiques du Conseil national reprend les mêmes critères. Le 29 mai, la commission politique de sécurité du Conseil national va dans le même sens. Le même jour, nous déposions, auprès du président de la commission, quinze mille signatures, recueillies en quelques semaines pour demander l'annulation de cette décision d'invalidation.

Je rappellerai encore que cinq experts reconnus ont été entendus dans le cadre de la commission des institutions politiques et non des moindres : Jean-François Aubert de Neuchâtel, Thomas Fleiner de Fribourg, Walter Haller de Zurich, et enfin le directeur de l'Office fédéral de justice, M. Henrich Kohler. Tous ont estimé que l'unité de la matière était respectée et que cette initiative pouvait être soumise au vote populaire. Seul, M. Paul Richli, mandaté par le DMF s'y est opposé : seul contre quatre, M. Richli emporte la décision en commission.

Ce qui est grave dans cette affaire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de changer les règles concernant l'appréciation de l'unité de la matière d'une initiative et de les appliquer séance tenante. Dans notre résolution, nous faisons part de diverses dispositions analogues que le parlement propose aux électrices et électeurs, sans qu'on y voie une trace d'invalidation, que ce soient les textes au sujet de l'AVS que nous voterons le 25 juin, ceux concernant les affectations de la TVA, ou de l'impôt sur les bénéfices des casinos.

Cela veut dire que, même s'il y a cohérence entre ces différentes dispositions, on décide d'une façon peu élégante et un peu cavalière, d'invalider cette initiative très rapidement. Faudra-t-il désormais lancer deux, voire trois, initiatives parallèles, pour qu'elles aient une unité de matière minimum ? En tout cas, je pense que, démocratiquement, ce n'est pas possible.

Les juristes, experts de la Confédération, ont donné l'aval à cette initiative. Donc, la décision du Conseil des Etat est pour le moins surprenante. C'est bien pour défendre ces droits démocratiques de base que nous proposons cette résolution. Genève doit donner un signe explicite à Berne, puisque, le 20 juin, le Conseil national prendra sa décision, qui ne pourra être sujette à aucun recours, en cas d'invalidation de l'initiative. Je demande, ce soir, à notre parlement d'exprimer sans faille sa volonté de défendre les droits démocratiques. Par son soutien, il estimera donc que c'est au peuple de décider et non au parlement. C'est pourquoi je vous prie d'accepter cette résolution.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Permettez-moi de m'étonner également de la place réservée à notre résolution dans l'ordre du jour. Il ne s'agit pas du tout d'une affaire militaire - c'est important de le relever - mais bien d'une affaire de droits politiques. Finalement, ce n'est pas si important, puisque c'est une résolution et qu'elle ne transitera pas par une commission, mais c'est nécessaire de le signaler pour situer le débat à sa juste place.

Le but de cette résolution, Mesdames et Messieurs, est d'éviter à tout prix une réduction des droits populaires, qui sont dangereusement attaqués de part et d'autre, ces derniers temps. Le Conseil des Etats a donc décidé, à notre grand étonnement mais à une grande majorité, de déclarer irrecevable l'initiative populaire fédérale intitulée «Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix», déposée par le parti socialiste, le 24 septembre 1992, avec plus de cent cinq mille signatures valables.

Après le Conseil des Etats, la commission de politique de sécurité du Conseil national a également décidé de déclarer l'initiative nulle, pour la même raison, celle du non-respect du principe de l'unité de la matière. Le 20 juin, le Conseil national devra, à son tour, prendre la décision de suivre, ou non, sa commission. A cette occasion, un signe positif de notre canton aurait une valeur considérable.

Il est peut-être utile de rappeler très brièvement ce que demande cette initiative. Elle exige la réduction des crédits alloués en faveur de la défense nationale de 10% par année, jusqu'à ce qu'ils soient réduits de moitié par rapport à l'année précédant la première réduction. Les montants économisés seront principalement affectés à des efforts supplémentaires en matière de politique de paix sur le plan international, et à la sécurité sociale en Suisse.

Il est peut-être également utile de rappeler ou de signaler qu'en juin 1994 le message que le Conseil fédéral délivrait au parlement concluait à la validité de l'initiative, bien que, estimait-il : «le rapport de connexité entre le transfert de dépenses en faveur de la sécurité sociale et la défense nationale est problématique».

La décision du Conseil fédéral est essentiellement fondée sur le principe selon lequel l'exercice des droits populaires ne doit être restreint que si une telle mesure s'impose indiscutablement. La majorité de la commission du Conseil national a, elle aussi, reconnu que «le fait d'invalider une initiative, à laquelle plus de cent mille personnes ont souscrit et qui demande une révision partielle de la constitution, est une décision grave, d'autant plus que notre pays ne connaît pas de cour constitutionnelle et que le parlement se prononce, par conséquent, en dernière instance». Elle conclut enfin ses travaux en disant : «Par sa décision, la majorité de la commission souhaite opérer un changement de pratique qui devra être appliquée à l'avenir, non seulement aux initiatives populaires mais également aux révisions partielles de la Constitution émanant du parlement. La minorité de la commission, elle, considère cette décision comme une atteinte aux droits populaires et un changement de règles en cours de jeu. Elle craint également que la crédibilité du parlement ne soit ainsi remise en question».

Au vu de ces éléments, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons plus avoir de doute. Il existe une volonté de restreindre les droits populaires. Les auteurs de cette résolution, avec vous je l'espère, souhaitent transmettre aux autorités fédérales leur attachement aux droits populaires. C'est le sens de cette résolution et je vous remercie de la soutenir.

M. René Longet (S). Tous les partis ici représentés ont fait au moins une fois l'exercice de l'usage des droits populaires. Nous savons tous combien peut être difficile cet exercice. Nous savons aussi, puisque nous en parlons à l'occasion, au sein de ce Grand Conseil, que l'annulation d'une initiative n'est pas un acte anodin.

Dans notre Grand Conseil, notre règle est : «dans le doute, pour le peuple». Nous savons aussi, et nous l'approuvons, que l'exercice des droits populaires est lié à des exigences de recevabilité, parmi lesquelles il y a l'unité de la matière, dont il vaut la peine de rappeler le sens : c'est un principe qui veut éviter de soumettre au peuple des questions n'ayant pas de lien intrinsèque entre elles, et de le placer ainsi devant des cartes forcées. Mais ce genre de principes ne peut pas être étendu jusqu'à l'absurde, car, sinon, Mesdames et Messieurs, aucune politique un peu globale ne pourrait plus être proposée au peuple.

L'article constitutionnel sur les médias, celui sur la politique coordonnée des transports, un certain nombre de lois sur la sécurité sociale ou sur l'assurance-maladie auraient pu poser problème, si on avait appliqué une définition très restrictive de l'unité de la matière. Dans chacun de ces cas, le lien intrinsèque entre tous les éléments de ces paquets aurait fort bien pu être contesté. Il nous faut trouver une interprétation entre la carte forcée et l'atomisation politique. Cette voie existe : c'est celle qui est habituellement appliquée pour la recevabilité quant à l'unité de la matière.

Mme Bugnon ayant rappelé le contenu de l'initiative, vous pouvez constater qu'elle est bel et bien un tout cohérent. La volonté qu'elle suppose est une volonté qui ne saurait être divisée, parce qu'elle propose au peuple suisse - quelle que soit votre opinion, il faut voir cela sous l'angle juridique - une orientation nouvelle de la politique de sécurité qui ne serait plus fondée sur le seul volet militaire, mais également sur le développement de la sécurité sociale et des actions préventives.

C'est une idée avec laquelle vous pouvez être d'accord ou pas, mais là n'est pas l'objet. Par contre, cette idée a une valeur en tant que telle et ne souffre pas d'être coupée en tranches, car elle suppose que ce qu'on aurait économisé dans le volet traditionnel soit investi dans un volet nouveau, et non pas simplement supprimé. Il y a donc une cohérence et unité de la matière. Comme M. Gilly l'a dit, tout ceux qui ont examiné de près l'initiative, que ce soit la chancellerie fédérale, un certain nombre de professeurs ou le Conseil fédéral, l'ont admis, mais il a fallu le Conseil des Etats pour être d'un autre avis.

Comment peut-on changer les règles en plein milieu du jeu ? Cela n'est pas acceptable ! C'est pourtant ce que veut faire le Conseil des Etats ! Or, le même parlement, qui veut soudainement annuler une initiative, au titre de modification de la définition de l'unité de la matière, est prêt à plonger le pays dans le désarroi au sujet de la dixième révision de l'AVS, puisque beaucoup de gens - nous-mêmes au parlement avons voté une motion dans ce sens - auraient souhaité que les questions qui divisent l'opinion soient posées de manière séparée. Le même parlement, qui applique de manière rétroactive une nouvelle définition de l'unité de la matière, veut interdire à l'avenir les initiatives avec effet rétroactif. En quelque sorte, on peut traduire cette façon d'agir par : «Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais !». M. Gilly a parlé de «dérive», et je crois que la manière de procéder du Conseil des Etats démontre une grande incohérence.

Le 20 juin prochain se déroulera le débat décisif, puisqu'il n'y a aucun recours possible, et il nous appartient de clamer haut et fort notre attachement à la démocratie. Nous devons dire ce soir que nous ne sommes pas d'accord que l'on fasse joujou avec la démocratie. Les droits populaires sont le fondement de notre système politique, comme on nous le rappelle au début de chaque séance. Il faut donc être conséquents et rester fermes sur ce qui fonde les règles du jeu.

Pour terminer, je souhaite que les députés genevois au Conseil des Etats soient unis lors de ce débat. Je rappelle à nos collègues du parti radical que le conseiller des Etats de leur parti a voté en faveur de la recevabilité : soyez donc à l'aise avec la résolution que nous proposons.

M. Jean-François Courvoisier (S). En automne 1989, la majorité des citoyens de notre canton s'est prononcée pour une Suisse sans armée. Cette majorité s'est aussi prononcée contre l'achat des FA-18, malgré les espoirs fallacieux donnés par les partisans de l'acquisition de ces avions qui prétendaient que cet achat créerait des emplois en Suisse. Nous en voyons aujourd'hui le résultat, puisque même le très sérieux «Journal de Genève» a osé écrire, il y a quelques semaines, que ces espoirs n'étaient qu'un miroir aux alouettes.

Quelle que soit notre opinion concernant notre défense nationale, notre parlement doit tout mettre en oeuvre pour permettre à notre population de s'exprimer sur cette initiative. Lorsque le Conseil des Etats déclare cette initiative irrecevable, en s'appuyant sur des arguments juridiques contestables, il attaque notre démocratie en empêchant le peuple suisse d'exprimer sa volonté. J'ose espérer que, dans notre parlement, les plus farouches partisans de notre armée croient encore assez à la démocratie pour se joindre à ceux qui demandent au Conseil national de se prononcer contre la décision du Conseil des Etats, car, si l'on ne défend la liberté de s'exprimer que pour soi-même, c'est que l'on a cessé de croire à la liberté.

M. Pierre Kunz (R). Lorsqu'il fut question des FA-18, il n'y avait pas beaucoup de gens parmi les représentants de la majorité pour défendre l'initiative. Ce fut pourtant mon cas. Aujourd'hui je maintiens que l'ampleur du budget militaire de notre pays constitue un gaspillage inacceptable mais, s'agissant de cette résolution, je ne peux que dire : NON ! Décidément non ! (Rires.)

L'initiative dite «Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix» est vraiment trop démagogique et incohérente pour que je puisse soutenir une résolution visant, en quelque sorte, à la réhabiliter. N'en déplaise à M. Longet, cette initiative n'est pas conforme à l'esprit des droits populaires, comme d'ailleurs beaucoup d'autres en cette matière. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter cette résolution.

M. Michel Halpérin (L). Cette proposition de résolution ne porte pas véritablement sur le budget militaire, ni sur celui de la Confédération, ni sur la politique de paix, mais sur un problème juridique qui est de savoir si les initiatives - et à quelles conditions - doivent être déclarées recevables ou irrecevables. Vous vous souvenez que c'est un débat que nous avons parfois commencé à entamer, au sein même de ce Grand Conseil.

Je suis frappé du fait qu'un certain nombre d'entre nous, pour ne pas dire la totalité, soyons prêts à voter sur une proposition de résolution concernant le texte d'une initiative que nous n'avons pas lu, comme c'est mon cas. Je ne connais pas cette initiative, et je n'ai pas l'intention de m'ériger aujourd'hui en censeur du Conseil des Etats, ni de procéder à une lecture juridique a posteriori sur un texte que je ne connais pas.

Par conséquent, ces deux raisons suffisent, en ce qui me concerne, pour que je ne puisse pas me joindre à la proposition de MM. Longet, Gilly et Mmes Roset et Bugnon. Je voterai donc contre cette résolution.

Mme Claire Chalut (AdG). On constate de plus en plus qu'on s'achemine lentement, mais en tout cas sûrement, vers la suppression par petits pans de ce qui a toujours été la fierté helvétique, c'est-à-dire notre démocratie directe. L'originalité de celle-ci voulait que la population suisse puisse exprimer, via des initiatives, sa volonté d'une politique ou d'une autre. Actuellement, on veut effectivement mettre un terme à cette expression populaire, puisque les projets de modification vont dans le sens d'une augmentation du nombre des signatures nécessaires de 100%, et de même pour les référendums.

A notre point de vue, cette résolution nous semble fondamentale. Il est indispensable de ne pas favoriser davantage l'armement et l'esprit militaire, dans le futur, car ce n'est pas ainsi qu'on arrivera à trouver les moyens de construire la paix en ce monde. Je ne peux ici que vous encourager à soutenir cette résolution et à charger le Conseil d'Etat de rappeler que Genève a voté majoritairement en 1989 pour la suppression de l'armée et qu'elle souhaite suivre cette direction.

M. Luc Gilly (AdG). Je m'étonne que M. Halpérin mette en doute 99% des avis des juristes fédéraux. On a bien expliqué, Monsieur Halpérin, qu'il ne s'agissait pas de discuter du contenu de l'initiative mais bien d'un principe démocratique bafoué.

Pas plus tard que mardi, dans cette salle, M. Lescaze, dans ses nouvelles fonctions, nous a rappelé...

Une voix. Il n'est pas là ce soir...

M. Luc Gilly. Tant pis pour lui ! Il est étonnant qu'on fasse si peu de cas des droits démocratiques dans ce parlement ! C'est une catastrophe ! Je vous rappelle que M. Lescaze nous a dit que nous avions été élus pour défendre les droits de nos citoyens et, en priorité, les règles de la démocratie. Ce soir, je constate qu'une partie de ce parlement méprise la volonté de cent dix mille citoyens et citoyennes, qui attendent que soit soumise au peuple et que soit discutée publiquement cette initiative. En refusant cette possibilité de vote, vous vous réfugiez dans les analyses pour le moins fallacieuses du Conseil des Etats et des commissions contre l'avis de tous les experts reconnus par la Confédération. Craignez-vous peut-être déjà le résultat d'un vote, alors que le débat public n'est même pas engagé ?

J'ai entendu, sur les bancs d'en face, que vous vouliez une Europe démocratique. Ce soir, vous empêchez ce processus démocratique dans notre pays. Vous avez peur d'un débat public traitant de l'enjeu entre dépenses militaires, dépenses sociales et, éventuellement, politique de paix. Je constate que vous n'êtes pas prêts à changer d'un iota la vision militaire de votre pays et du monde.

L'ensemble de ces dépenses liées à la défense nationale nous permettrait de réaliser treize traversées de la rade chaque année, puisque ce sont treize milliards que nous gaspillons chaque année pour la défense nationale. Dans dix ans, nous pourrions nous en payer cent trente ! Qui dit mieux ? Plus que de la mauvaise foi... (Protestations.)

La présidente. Monsieur Gilly, attendez que le calme revienne !

M. Luc Gilly. ...ce refus est la manifestation de l'arrogance d'une poignée d'élus. Le respect d'une volonté manifestée par cent dix mille signatures devient une entité négligeable devant le caractère sacré et intouchable de l'armée. Déjà méprisé sous l'uniforme, le citoyen - et la citoyenne - a l'impression de l'être davantage, lorsque ses chefs militaires troquent la tenue de combat contre la toge du sénateur.

Evidemment l'argument sur l'unité de la matière est spécieux. (Chahut.) Cette décision formelle vise aussi à éviter le débat, car elle empêche l'ouverture d'une discussion publique sur le programme d'armement de 1995, alors qu'on nous propose d'économiser 800 millions par an sur le dos des femmes en les obligeant à travailler jusqu'à l'âge de 64 ans. Ce nouveau programme n'est pas seulement un scandale, mais une provocation ! Provocation également pour les deux cent mille chômeurs dont on a progressivement réduit les indemnités ! Provocation encore pour toutes les femmes, qui depuis 50 ans attendent une véritable assurance-maternité jugée trop coûteuse !

La présidente. Monsieur Gilly, vous sortez du cadre de nos débats. Je suis navrée de devoir vous rappeler à l'ordre ! Il ne s'agit pas de se prononcer sur l'initiative concernant l'AVS. Revenons à notre proposition de résolution. (Chahut.) Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voté dans l'enthousiasme la prolongation de nos travaux, alors maintenant, faites preuve d'un peu de courtoisie vis-à-vis de M. Gilly !

M. Luc Gilly. Il ne s'agit pas de courtoisie mais de prendre une décision et de soutenir un droit démocratique. Je reprendrai la parole tout à l'heure, si nécessaire !

Des voix. Non !

M. Pierre Vanek (AdG). Notre débat de ce soir ne porte pas... (M. Dupraz interrompt l'orateur.)

M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur Dupraz de vos contributions utiles !

La présidente. Monsieur Dupraz, je vais vous envoyer à la pêche ! (Rires et applaudissements.)

Des voix. Du-praz-à-la-pêche ! Du-praz-à-la-pêche ! Du-praz-à-la-pêche ! (Applaudissements en rythme.)

La présidente. Monsieur Vanek, vous avez la parole !

M. Pierre Vanek. Désolé, Monsieur Dupraz, pour l'inconfort que je vous cause en ayant les manches retroussées, mais je crois que nous avons des choses plus sérieuses à discuter ce soir. J'aimerais y revenir.

L'essentiel des arguments a été avancé. Nous ne discutons pas ici du fond de l'initiative, s'il faut être pour l'état actuel des dépenses militaires, ou si, comme M. Kunz, il faut considérer que c'est un gaspillage scandaleux. Nous ne discutons pas de cela mais d'une question essentielle par rapport aux droits populaires dans ce pays.

A mon sens, une décision d'invalidation de cette initiative relève plus de la logique du coup d'Etat que d'une logique du fonctionnement normal des institutions. C'est une démarche particulièrement lâche de la part de ceux qui sont en désaccord avec le contenu de cette initiative, mais qui n'osent apparemment pas aller devant le peuple et combattre avec des arguments sur le fond pouvant être écoutés par la population, et qui se cachent derrière des arguties juridiques parfaitement inacceptables.

A l'évidence, il y a UNE idée dans cette initiative : dépenser moins pour l'armée et plus pour la sécurité sociale. Les deux tiers des économies réalisées devraient être consacrés à cela et le reste à une politique de paix. Il ne s'agit pas, ce soir, de savoir si l'on est d'accord avec cette idée ou pas, mais si on accepte que plus de cent mille citoyens puissent soumettre une idée unique, claire, simple, au peuple ou non. L'argument le plus scandaleux que nous ayons entendu, ce soir, est celui de Me Halpérin, qui nous a certes habitués à un certain nombre d'arguments tirés par les cheveux. (Applaudissements.)

Il n'a pas lu l'initiative; il ne sait pas de quoi elle parle; en conséquence, le brave homme ne peut pas se prononcer ! Cela signifie que, pendant un certain nombre de mois ou de semaines, il a évité de lire les journaux, de s'informer un minimum. Bref, on peut considérer que c'est une conception un peu particulière de l'exercice du mandat de député, qui règne parfois dans ce parlement. (Protestations.)

Pour rassurer Me Halpérin sur la question, cette initiative est toute simple : il s'agit de couper 50% des dépenses militaires... (Rires.) ...et de les affecter au social. Il y a un certain nombre de paliers prévus. Je ne rentrerai pas dans le détail de l'initiative. (Brouhaha.)

Mais il a eu le culot de dire qu'il n'avait pas lu le texte, qu'il ne pouvait donc pas se prononcer, et devait alors refuser cette résolution ! Je dirais même que si vous étiez tous dans cette situation sur les bancs d'en face...

Une voix. C'est même pas vrai !

M. Pierre Vanek. Evidemment que ce n'est pas vrai ! Comme dit M. Balestra...

La présidente. On va requérir la force publique dans un moment !

M. Pierre Vanek. Comme le dit M. Balestra, ce n'est pas vrai, bien sûr ! Mais si vous étiez tous dans cette situation, ne sachant pas ce que contenait cette initiative, je crois que, par défaut de connaissances, il vous fallait interpréter une telle décision sur les droits démocratiques dans le sens - comme nous l'a rappelé Mme la présidente sur le fonctionnement de ce Grand Conseil - de l'interprétation la plus extensive possible et, en conséquence, soutenir cette résolution.

La présidente. Ce n'était pas sur le même sujet, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek. Non, c'était moins grave !

Mme Martine Roset (PDC). Je ne veux pas rentrer dans ce débat qui dérape, mais j'aimerais vous dire, Monsieur Halpérin, que, dans la suite logique de votre non-connaissance de cette initiative, j'aurais compris votre abstention. Or, en votant non, vous prenez position ! (Rires.)

Je répète que le débat de ce soir concerne uniquement la recevabilité de l'initiative et non son contenu. (Applaudissements.)

La proposition de résolution est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cette résolution est adoptée par 40 oui contre 38 non.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

concernant l'initiative populaire «Pour moins de dépenses militaireset davantage de politique de paix»

LE GRAND CONSEIL,

- considérant la décision du Conseil des Etats du 22 mars 1995 de déclarer irrecevable l'initiative populaire «Pour moins de dépenses militaires et davantage de politique de paix»;

- considérant que Genève doit défendre le droit de vote et se prononcer démocratiquement sur les initiatives proposées, selon les règles usuelles en vigueur,

invite le Conseil national

à ne pas suivre le prononcé d'irrecevabilité du Conseil des Etats et de permettre ainsi au débat d'avoir lieu sur le fond.

 

La séance est levée à 20 h 20.