Séance du
vendredi 19 mai 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
7e
session -
25e
séance
M 936-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission de l'économie a procédé à l'étude du projet de motion ci-joint lors de sa réunion du 28 novembre 1994. Elle était placée sous la présidence de Mme Micheline Spoerri et a profité de la présence de M. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique. A sa majorité, la commission a décidé de ne pas entrer en matière sur les invites de cette motion (9 entente contre 6 E, S, AdG).
Les demandes de motionnaires
Les motionnaires priaient le Conseil d'Etat:
- de réaliser une étude prospective sur l'avenir et la structure des secteurs économiques genevois;
- d'étudier la création d'une garantie cantonale contre les risques à l'innovation;
- de mettre sur pied un conseil cantonal de la productivité et de l'innovation;
- de définir des mesures en faveur de l'investissement industriel.
A l'appui de ces demandes ils précisaient dans l'exposé des motifs et par la voix de M. Champod, en commission, leur souhait de voir le Conseil d'Etat établir une stratégie «un peu volontariste mais pas tout-à-fait chimérique» qui offrirait des voies claires pour un développement actif et la création de places de travail.
Une étude prospective permettrait, mentionnent encore les motionnaires, de «favoriser l'attrait de notre place économique».
Une garantie des risques permettrait de créer «un climat propice aux investissements innovateurs, le financement de l'innovation par les banques restant en effet problématique».
Un Conseil de la productivité offrirait un lieu «de rencontre et une articulation entre divers acteurs sociaux économiques pour déterminer des zones d'intervention...».
Enfin «la recherche de mesures en faveur de l'investissement comprendrait des mesures fiscales, d'encouragement de la recherche, voire des aides plus directes».
La discussion en commission
Deux points principaux ont été évoqués en commission:
a. Industrie et services
La césure que les députés de tous bords s'ingénient souvent à étaler entre deux composantes de l'économie, tient d'une simplification binaire déplacée. L'économie n'est pas industrielle et bonne à développer, ou bien tertiaire et fâcheuse à voir croître. Pourquoi exclure? Pourquoi débattre?
Qui donc d'ailleurs, serait assez docte pour affirmer qu'un écran de bureautique est industriel ou tertiaire? Le problème n'est pas de sémantique tracassière, il est de choisir le développement de la Cité. Industrie ou services est un débat verbeux de rhéteurs incompétents. Par contre, il y a nécessité d'action, par l'investissement, qui pourrait être favorisé fiscalement, par le réveil du goût du risque dans un pays étouffé par les garanties et les assurances, par la compétence de management qui doit être mieux enseignée, et par une dynamique consensuelle des partenaires.
- Avec les institutions politiques et la société civile, l'économie est un des grands partenaires de la société. Elle doit se développer selon les grands sillons du passé, avec les compétences mises en place et sur les créneaux occupés. Chaque partenaire doit, pour le développement équilibré de la société, soutenir, amender et proposer aux deux autres, mais non pas dicter.
- Les partenaires suivront les normes générales propres à tous, typiques de la Cité et reconnues. A Genève, ces éléments clés sont les technologies de pointe, la place internationale, la place financière et la formation.
- Une troisième norme genevoise est la dimension raisonnable des entités car on est pas performant dans le gigantesque et dans l'entreprise de plus de 1000 collaborateurs.
Une minorité de la commission pensait avec les motionnaires que ces choses devaient être dites par l'Etat - et c'était l'objet de la première invite pour une étude prospective. Ces Monsieur Jourdin de l'économie ne parlaient même pas d'économie mais s'adonnaient à une sorte de langue de bois désolante visant à obtenir à tout prix inventaire, argumentaire, rapports de ceci et sur cela, expertises, et autres élucubrations!
La majorité refuse une étude supplémentaire vaine et nulle quand la priorité doit être donnée à l'action dynamique.
Pour en finir avec ce sujet par une note qui pourrait être consensuelle, on dira que le développement de l'innovation et la création d'emploi sur les créneaux existants ou prometteurs est un objectif prioritaire qui s'accole à celui de l'accueil d'entreprises étrangères et à celui du développement d'entreprises existantes. Sera-t-on encore consensuel en confiant cette tâche aux partenaires de la Cité, en priorité aux entreprises et en soutien de dynamique et d'aides ponctuelles aux deux autres partenaires, l'Etat et la société civile? C'est en tous les cas la voie médiane à suivre!
b. Idéologies
- C'est pas le privé qui doit faire çà, c'est l'Etat!
- C'est pas vrai, il est déjà obèse et en plus fauché, place libre à la libre entreprise!
Ce dialogue a fleuri et s'est envenimé à l'envi en commission. Las, la crise structurelle ne nous a-t-elle donc jusqu'ici rien appris sur la vanité des affrontements de Marx et de Smith? Faudra-t-il laisser péricliter la Cité pour le dérisoire privilège d'un K.O. verbal?
La gauche sage et réfléchie a-t-elle définitivement rompu les amarres pour rejoindre la filibuste des extrêmes?
Il ne s'agit pas aujourd'hui de faire triompher des mots creux, il s'agit de stimuler un système de vie commune qui fonctionne par l'addition de chacun et non par la négation de presque tous. On ne peut se satisfaire de clamer «misère!» dans les décombres de l'Etat Providence, ou de protester contre des acteurs dynamiques «qui font fi des acquis». Il s'agit de rendre complémentaires les éléments politiques, économiques et civils.
Les motionnaires ont proposé un engagement de l'Etat dans la sélection de projets, dans l'innovation et dans le soutien aux opérations qu'il jugeait méritoires.
La majorité de la commission a jugé par contre que les entreprises et les inventeurs devaient être laissés libres dans leur travail de création et de réalisation et que l'Etat ne leur venait pas en aide qu'à la demande ou dans des buts de formation. L'Etat n'a pas les compétences propres à sélectionner des projets technologiques avancés. Comment juger de la qualité d'un projet de spécialiste sans créer soi-même un service informatique? L'Etat peut soutenir des opérations, les stimuler, les favoriser fiscalement ou administrativement. Mais il n'a pas à inventer lui-même, à juger de la qualité des innovations, à garantir le travail des entreprises, ou à inventorier.
La majorité considère comme erroné, l'interventionnisme des invites 2 et 3 de garantie cantonale qui est à instaurer. Sans inventaire, sans garanties, mais avec de l'écoute et une volonté commune de percer les murailles d'un conservatisme corporatiste ou social.
c. PME ou grande entreprise
Cette rengaine du petit opposé au grand, déjà évoquée en plénum de ce Grand Conseil, n'a pas véritablement été discutée en commission. Et c'est heureux! Elle n'est ainsi mentionnée dans ce rapport que par défaut et par prévention! Soutenir les grands qui flanchent ou promouvoir les petits désireux de naître? On ne va tout de même pas au compte de la guerre à outrance gauche ou droite affirmer que les grandes entreprises industrielles, c'est la gauche, et les PME, c'est la droite!
La Cité à l'évidence doit se soucier des deux genres. Tavaro ou La Suisse sont des exemples largement discutés. Ils représentent de moyennes entreprises au chevet desquelles les partenaires de la Cité doivent se pencher assez tôt pour trouver des moyens, quelle que soit l'issue économique.
Les PME ou des entreprises à créer sont également des candidats au travail en commun des partenaires, Entreprises (organisation et marchés) Etat (insertion dans la législation cantonale), Société civile (débouchés et contacts).
En conclusion
La minorité de la commission a considéré que l'Etat devait s'insérer directement plus en avant dans la gestion de l'innovation et de la création d'emploi des entreprises privées. Elle vous recommande l'envoi au Conseil d'Etat de cette motion (6 voix; 1E, 2S, 3AdG).
La majorité est d'un avis diamétralement opposé et vous recommande le rejet de cette motion qui ne favorisera en rien mais freinera le développement des entreprises (9 voix; 5L, 2R, 2DC).
PROPOSITION DE MOTION
pour une politique économique active (productivité et innovation)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que la mondialisation de l'économie et l'accroissement de la concurrence provoquent des craquements dans le tissu économique et social;
- que sous l'influence des facteurs conjugués de l'augmentation des performances en productivité et des réserves de capacité de production des entreprises, les besoins en main-d'oeuvre diminuent à un rythme angoissant et que même une reprise nous laissera une situation difficile du point de vue de l'emploi;
- que les économies qui créeront des emplois seront celles qui sauront s'orienter vers l'avenir et qu'il convient en conséquence de mener une politique économique active pour aider les entreprises à se moderniser et à affronter les mutations,
invite le Conseil d'Etat
- à réaliser une étude prospective sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement;
- à étudier la création d'une garantie cantonale pour les risques à l'innovation en particulier pour les petites et moyennes entreprises;
- à mettre sur pied un Conseil cantonal de la productivité et de l'innovation dans le cadre du Conseil économique et social pour permettre une articulation entre les acteurs sociaux et économiques et déterminer les zones d'intervention pour favoriser l'innovation, la recherche de capital risque, la commercialisation et l'exportation;
- à définir des mesures en faveur de l'investissement dans la production et la reconversion industrielles et des services ainsi que pour l'introduction de nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les PME.
Rapport de la minorité
Cette motion a été mise à l'ordre du jour de la commission de l'économie du 28 novembre 1994. Après un bref tour de table, la majorité a demandé un vote sur l'entrée en matière. Au vote, l'entrée en matière a été refusée par 9 voix (5L, 2 R et 2 DC) contre 6 ( 3 AdG, 1E et 2 S)
Une fois de plus, l'attitude de la majorité a empêché qu'un véritable dialogue se développe au sein de la commission de l'économie et n'a pas permis de trouver des solutions constructives; ce que la minorité de la commission regrette. En effet, nous estimons que les problèmes soulevés méritaient un traitement plus sérieux. La situation de l'économie est préoccupante, le nombre des chômeurs est élevé. Il serait souhaitable que sur un sujet de cette importance, les parlementaires recherchent des solutions permettant une amélioration réelle de l'économie et du marché de l'emploi.
La majorité de droite a donné peu d'arguments pour refuser cette motion, nous avons la désagréable impression que dans le domaine économique, la droite n'examine pas le contenu de nos propositions, mais part d'une idée toute faite : l'économie c'est l'affaire de la droite.
1. Introduction
Contrairement à la majorité de la commission, nous estimons que la situation économique ne va pas s'améliorer sans une politique économique active. Nous ne partageons pas les théories libérales pronant le laisser faire et nous ne comptons pas «sur la main invisible» pour retrouver le plein emploi et le dynamisme économique. Il est évident que Genève a des atouts dans le domaine économique, encore faut-il les mettre en évidence par des mesures actives comme celles que nous proposons dans cette motion.
Au cours de la dernière législature, le groupe socialiste a fait de nombreuses interventions parlementaires (projets de loi, motions, etc.) pour améliorer la situation des chômeurs. Ces mesures concernant le traitement social du chômage ont, pour la majorité d'entre elles, été refusées par la droite. Cette dernière nous reprochait de ne pas faire des propositions permettant de créer des emplois. Cette motion proposant des mesures permettant d'agir en amont du chômage n'a pas reçu un meilleur accueil de la droite. Les partis de l'entente, contrairement à la majorité des économistes, continuent de penser que la reprise économique sera spontanée et sera, à elle seule, créatrice d'un nombre d'emplois suffisant pour résorber le chômage.
Pour notre part, nous continuons d'affirmer que l'Etat doit jouer un rôle actif dans le domaine économique. Le but recherché n'étant pas la performance économique pour elle même. Dans notre esprit l'économie doit être un moyen au service de la société, l'objectif est de permettre à chacun d'avoir des conditions de vie décentes et d'éviter les phénomènes d'exclusion. C'est pour réaliser cet objectif que l'Etat doit intervenir pour suppléer aux lacunes de l'économie de marché. Or, nous constatons que la situation économique se dégrade, que le nombre des sans emploi progresse, bref que l'avenir est sombre. L'Etat doit donc jouer un rôle actif pour favoriser l'emploi. C'est dans cet esprit que nous avons déposé cette motion qui propose des mesures pour revitaliser le tissu économique et encourager l'innovation sociale et technologique afin que les entreprises genevoises puissent se moderniser et ainsi rester compétitives. Cette motion ne propose pas un catalogue des interventions possibles et souhaitables de l'Etat, elle ne propose que quelques mesures dans le domaine de l'innovation et de la productivité. Il faut rappeler que sans l'intervention de l'Etat pour créer des zones industrielles, il n'y aurait plus de secteur secondaire à Genève. Le prix des terrains fixé par les seules lois du marché n'est pas compatible avec les possibilités financières des industries et en particulier de celles travaillant pour l'exportation.
Cet exemple des zones industrielles montre que l'Etat est capable de jouer un rôle incitatif dans le domaine économique. Selon nous, il ne joue pas suffisamment ce rôle actuellement. Son action a été présentée en décembre dernier dans le rapport du Conseil d'Etat à la motion 803. Ce rapport étant annoncé, nous avions proposé à la commission d'attendre sa publication pour examiner notre motion en regard avec l'action de l'Etat dans ce domaine. Cette proposition a évidemment été rejetée par la majorité de la commission. Les commissaires des partis de droite ont manifesté ainsi clairement leur refus de discuter sereinement des problèmes liés à la situation économique de notre canton.
Signalons enfin que la plupart des Etats industriels ont une politique économique dynamique pour moderniser leur appareil de production et pour favoriser l'innovation. Même aux Etats-Unis, patrie du libéralisme, l'Etat intervient pour financer de nombreuses recherches exploitées ensuite par ses industries.
Ce rapport de minorité reprendra brièvement les invites proposées par cette motion et qui ont déjà été largement explicitées dans l'exposé des motifs.
2. Contenu de la motion.
Première invite
Cette invite demande de réaliser une étude prospective sur les secteurs économiques porteurs de développement. Il s'agit en fait de dresser un inventaire des productions adaptées à la situation de Genève. Notamment les secteurs employant du personnel qualifié et utilisant des technologies de pointe. En raison du coût de la main d'oeuvre lié à la force du franc suisse, notre canton ne peut pas produire de manière concurrentielle des produits bon marché fabriqués en grande série. En revanche sur des créneaux pointus, nous avons des atouts importants.
Nous pensons notamment aux entreprises à haute valeur ajoutée, travaillant pour l'exportation dans des domaines aussi variés que la biotechnologie, l'informatique, la mécanique de haute précision, l'électronique, l'environnement, etc.
Cette étude permettrait de développer des synergies entre les entreprises d'une part, et, d'autre part, entre ces entreprises et les lieux de recherche (universités, école d'ingénieur, CERN, etc.). De plus cette étude permettrait à l'Etat de favoriser l'implantation d'entreprises pouvant s'insérer dans ces domaines favorables. Nous ne pouvons plus nous contenter de comptabiliser passivement les entreprises qui viennent s'installer et celles qui quittent Genève.
Cette étude permettrait d'orienter de manière efficace la politique de promotion économique et devrait prendre en compte non seulement Genève, mais aussi la région.
Il convient aussi de préciser que pour nous l'économie forme un tout et que cette étude ne devrait pas seulement inclure le secteur secondaire mais également l'agriculture et les services. Notre canton ayant dans ces domaines, mais en particulier dans le domaine tertiaire, une carte importante à jouer. Notamment en raison de la place financière et du rôle international de Genève liés à l'implantation sur son sol de nombreuses organisations internationales et humanitaires.
Deuxième invite
Cette étude demande une étude sur la création d'une garantie cantonale pour les risques à l'innovation. Une garantie qui devrait concerner en priorité les petites et moyennes entreprises. Une telle garantie avait été refusée au niveau fédéral il y a quelques années, mais le vote des genevois avait été favorable.
Les entreprises qui veulent innover ont généralement de la difficulté à trouver des capitaux, les banques se montrant trop restrictives dans ce domaine. Il est vrai que pour elles les marchés financiers et la spéculation sur les monnaies, sont plus rémunératrices que la fourniture du capital risque à des petites entreprises souhaitant développer de nouveaux produits.
Pourtant, à terme, seules les entreprises produisant des produits sont générateurs de richesses, les profits réalisés sur les marchés financiers sont fragiles comme l'a démontré une récente faillite d'une banque anglaise.
La question du capital-risque est d'actualité, en effet, dans une interview au Nouveau Quotidien, le professeur Beat Burgenmeier déclarait : «...Il faut également réfléchir sérieusement au capital-risque pour les PME créatrices d'emplois. On peut dépoussiérer la vieille idée d'une garantie des risques à l'innovation. Le capital risque et l'innovation vont devenir des thèmes centraux. Si l'on ne parvient pas à se mobiliser, nous courons le risque d'avoir une primauté des placements financiers sur les investissements industriels. Au Japon et dans les pays de la Communauté européenne, les programmes de recherche bénéficient d'une aide de l'Etat ».
Cette motion invite le Conseil d'Etat à étudier la faisabilité d'une telle garantie et les conditions que devraient remplir les entreprises bénéficiaires d'une telle mesure et l'impact sur l'économie d'une action de l'Etat dans ce domaine.
Enfin, comme nous l'avions indiqué dans l'exposé des motifs de notre motion, pour nous, l'innovation, source de progrès, ne concerne pas seulement l'innovation technologique mais aussi l'innovation sociale. L'Etat devrait encourager les entreprises qui font des expériences pour un meilleur partage du travail (retraite anticipée, développement du travail à temps partiel, réduction de l'horaire hebdomadaire du travail). Ce domaine étant générateur d'emplois à long terme. Ce point est d'autant plus important que le développement de la productivité est un phénomène irréversible. Il est par conséquent normal que les profits générés par ces gains de productivité soient partagés entre tous les acteurs de la production et, notamment, pour les salariés sous forme d'un diminution du temps de travail. Depuis le début de la révolution industrielle, les gains de productivité liés à la mécanisation et à l'automatisation du travail se sont toujours traduit par une diminution du temps de travail.
Troisième invite
Cette invite propose de créer, dans le cadre du Conseil économique et social (CES), un Conseil de la productivité et de l'innovation. Le but d'un tel organisme est de mettre ensemble les acteurs de la vie économique pour favoriser le développement des productions nouvelles porteuses d'avenir. Dans ce domaine la concertation est un facteur essentiel pour la mise en place d'une politique économique favorable au développement, à la production et la commercialisation des innovations.
Quatrième invite
Cette dernière invite propose une intervention directe de l'Etat pour aider la reconversion des entreprises, la recherche et le développement de nouvelles technologies. L'intervention de l'Etat pourrait se faire sous diverses formes (fiscales, prêt à taux préférentiels, aides à la formation etc.) et devrait être judicieusement ciblées. Le but de cette intervention est d'éviter des licenciements et favoriser la création de nouveaux postes de travail dans des secteurs économiques porteurs d'avenir.
Avec 16 000 chômeurs et la perte en quelques années de plus de 25 000 postes de travail, il est urgent d'agir en amont pour aider des secteurs économiques à se reconvertir et à se moderniser. L'argent ainsi investi diminuera d'autant celui dépensé pour les mesures en faveur des chômeurs.
Bien sûr l'aide de l'Etat devra être dispensée avec discernement pour ne pas fausser la concurrence. Elle pourrait se matérialiser par des aides destinées à former le personnel aux nouvelles technologies, à favoriser la recherche, à aider à commercialiser des inventions etc.
Dans ce domaine l'Etat a déjà mis en place la FONGIT (Fondation genevoise pour l'innovation technologique) dont l'activité devrait être renforcée pour améliorer son rôle d'interface entre les inventeurs et les entreprises.
3. Conclusions
La situation économique et la montée du chômage préoccupe une partie de plus en plus importante de la population comme l'atteste le succès de l'initiative, lancée par les syndicats, intitulée : « pour l'emploi, contre l'exclusion». Les nombreuses personnes qui ont signé cette initiative souhaitent que les pouvoirs politiques adoptent une attitude active dans ce domaine. Elle souhaite que des mesures, comme celles proposées dans cette motion, soient prises.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, et en regrettant que les députés de la majorité de droite n'aient pas accepté la discussion en commission, la minorité (S, AdG, E) de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
M. Armand Lombard (L), rapporteur. En ouverture de cette discussion, j'aimerais vous rappeler certains points de la motion qui nous est soumise.
Cette motion est une proposition intéressante sur le fond, puisqu'elle a trait à la relance d'une politique économique active. C'est donc un acte politique positif qui intervient après tant d'avis négatifs émis des bancs, quels qu'ils soient, de ce Grand Conseil. C'est l'espoir de retrouver, dans un temps pas trop éloigné, l'esprit qui avait présidé à l'élaboration de la précédente motion 803 qui concernait aussi la relance économique et avait permis un travail en commun de l'ensemble du Grand Conseil, il y a deux ou trois ans.
Les pistes évoquées, par les quatre points de cette motion, le sont à juste titre. Il s'agit de la productivité, du capital-risque, de la commercialisation et de la formation. A l'évidence, il s'agit de sujets qui intéressent tous les groupes de la société, que ceux-ci réunissent quelques individus ou l'ensemble des personnes d'une entreprise, qu'ils se situent sur le plan économique ou de la société civile, au niveau de la cité ou de la région. Ce sont bien les quatre points formateurs d'un ensemble qui fonctionne et, par conséquent, les bases d'un travail important.
Mais la motion s'égare aussi sur des pistes où nous ne pouvons plus la suivre et que je précise ici : parlant de productivité, elle parle des secteurs de pointe genevois; parlant de capital-risque, elle parle de garanties contre le risque à l'innovation; parlant de la commercialisation, elle parle de conseil cantonal de la productivité; parlant de l'innovation, elle parle de garanties en faveur de l'innovation. A ce niveau, nous considérons que la traduction de ces intentions, par ailleurs positives, ne nous paraît pas admissible et que le rendez-vous avec les réalités et les moyens de l'économie est manqué.
Quant à la productivité, les secteurs de pointe genevois ont été clairement définis et votés par ce Grand Conseil, avec l'acceptation de la motion 803.
Pour ce qui est du capital-risque, nous recevons une proposition de garantie contre les risques à l'innovation. Mais nous voudrions, nous, parler du goût du risque, du goût d'innover, mais pas de la garantie, car la nouvelle entreprise ne demande pas une garantie, elle sollicite simplement un soutien, un apport, un accompagnement vers l'innovation. Elle n'entend pas se faire conseiller par rapport à ce en quoi elle a innové.
La commercialisation a donné lieu à une demande de conseil cantonal de la productivité, d'ailleurs proposé dans le cadre du Conseil économique et social. Que celui-ci se saisisse alors du problème, et il le fera à n'en pas douter. Il n'est donc nul besoin d'une motion complémentaire de notre Grand Conseil.
Enfin, nous disons non aux interventions publiques dans le domaine de l'innovation. Définir cette dernière par le biais de commissions, de comités ou de départements du secteur public, n'est pas une solution à préconiser. En revanche, le marché des capitaux est à même de sélectionner les innovations, à les soutenir, ainsi que les pépinières d'entreprises, les fonds régionaux de capitaux, et toute autre action directe et positive. Cet ensemble est bien plus efficace que ne le seraient des demandes d'études multiples au Conseil d'Etat.
Sur le plan formel, nous regrettons vivement que cette motion se résume à une suite de demandes d'études, à une suite de demandes de définitions, à une suite de demandes de comités. Nous disons donc aux motionnaires : Inventez vous-mêmes ! Comme nous, vous savez que l'on peut faire des motions et les envoyer au Conseil d'Etat. Mais si nous voulons véritablement travailler et agir en vue du développement du système économique et du développement général de notre canton, c'est à nous à proposer des projets de lois, à inventer des solutions nouvelles, quitte à les soumettre à ce Grand Conseil si elles requièrent un caractère de partenariat public. Il faut vraiment se mettre au travail nous-mêmes et pas adresser de vagues projets au Conseil d'Etat.
Si je me suis permis de faire un rapport...
Mme Micheline Calmy-Rey. Un rapport stupide !
M. Armand Lombard, rapporteur de majorité. Avec ce débat, Madame, j'entendais précisément éviter des apostrophes aussi stupides ! C'est pour cela que je m'efforce, dans cette introduction, d'utiliser des termes normaux. Aussi, je regrette le niveau des débats, ici et en commission, tout comme les motionnaires, d'ailleurs. Des échanges valables n'ont quasiment pas eu lieu en commission. Ils se sont limités à ceux que j'ai relatés fidèlement dans mon rapport.
M. Pierre-Alain Champod (S), rapporteur de minorité. Pour commencer, j'exprime le regret que la commission de l'économie, sans véritable débat, ait refusé d'entrer en matière sur cette motion.
Je voudrais aussi faire quelques remarques sur le ton du rapport de majorité du député Armand Lombard, même si lui-même vient de s'exprimer d'une façon moins polémique. En fait, son rapport est un «coup de gueule» qui ne fera pas avancer les choses. Ce rapport ne contient, nulle part, une analyse de nos propositions, alors que la situation économique demeure extrêmement préoccupante. Nous avons, à Genève, plus de quinze mille chômeurs. Par rapport à l'emploi, l'inquiétude de la population est réelle, une inquiétude d'ailleurs partagée par les responsables d'entreprises.
Il y a quelques jours, j'ai reçu un téléphone d'une personne assumant des responsabilités dans une association de PME. Sans être de gauche, elle m'a dit trouver cette motion intéressante et ne pas comprendre pourquoi la droite n'était pas entrée en matière à son sujet, quitte à l'amender en commission.
On a souvent reproché au parti socialiste de ne faire des propositions que pour le traitement social du chômage. On lui a dit qu'il était bien de faire des lois pour aider les chômeurs, mais qu'il serait mieux d'en faire pour créer des places de travail. Je suis d'accord, car le meilleur traitement social du chômage ne vaudra jamais le plein emploi.
Or, cette motion a précisément pour but de permettre d'agir en amont du chômage et l'on constate que la droite ne veut pas entrer en matière, refuse même de discuter, puisqu'en moins d'une heure de travaux en commission ce projet a été «shooté».
M. Lombard reprend le reproche que l'on nous fait souvent, à savoir que nous sommes pour le secteur secondaire et contre le secteur tertiaire. Aussi je tiens à dire que nous ne sommes pas fous au point de désirer la mort du secteur tertiaire, alors que la majorité de nos militants en viennent et que la majorité des députés socialistes y travaillent. Nous ne sommes donc pas stupides au point de souhaiter la disparition d'un secteur qui représente nos emplois. Donc, nous disons et maintenons que nous sommes pour le tertiaire, mais qu'en revanche nous sommes contre la spéculation qui n'avantage pas l'emploi. Le coût des terrains, à Genève, décourage les entreprises de s'y installer. La preuve en est que l'Etat doit intervenir pour la création de zones industrielles. Sinon, il y a longtemps que nous n'aurions plus de secteur secondaire à Genève.
Je suis convaincu que le vote, en commission, était de nature purement politique, puisque les propositions faites n'ont même pas été examinées. J'en ai pour preuve que, dans les semaines qui ont suivi le refus de la motion dont nous parlons ce soir, et ce après une discussion qui a duré moins d'une heure, le groupe socialiste a proposé neuf amendements aux neuf invites d'une motion, déposée par le parti libéral, et intitulée «Concernant la priorité donnée à l'emploi par l'amélioration des conditions-cadres offertes à l'économie genevoise». Sept amendements ont été refusés et deux acceptés, l'un concernant la formation et l'autre, je vous le lis maintenant. Je vous propose de m'écouter tout en lisant le texte de la page 6 du rapport que vous avez sous les yeux. L'amendement accepté par la commission de l'économie disait : «à poursuivre et à accélérer une politique économique active en prenant, notamment, des mesures pour : a) favoriser l'innovation, la recherche du capital-risque, la commercialisation et l'exportation». Cet amendement présente plus d'une ressemblance avec la deuxième invite de la motion 936-A.
D'autre part, aux lettres b) et c), on lit «favoriser l'investissement dans la production industrielle et la reconversion industrielle et des services et favoriser l'introduction des nouvelles technologies et des nouveaux produits dans les PME». Les invites se ressemblent étrangement. Maintenant, je vous demande de vous reporter à la première invite de la motion pour constater qu'elle est la copie conforme du texte, lettre d, de notre amendement, qui est, je cite : «réaliser les études prospectives sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois, ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement». C'est mot pour mot, le texte que la commission de l'économie avait refusé, pour l'accepter quelques semaines plus tard, les commissaires n'ayant pas réalisé qu'il s'agissait du même énoncé. (Rires.)
Compte tenu de ce que je viens de dire et de l'avis positif émis par M. Lombard au début de son intervention, par rapport à notre motion, je vous propose de renvoyer celle-ci en commission.
M. Max Schneider (Ve). Après ce débat soporifique, je voudrais juste souligner que votre arrogance, votre dédain, votre refus d'écouter l'autre en commission... (Contestation.) ...Oui, oui, cette motion a été balayée. Il n'y a eu que des attaques partisanes, les bons vieux clivages gauche-droite, qui ont abouti, quelques semaines plus tard, à des amendements qui sont, de toute façon, acceptés. C'était un débat ridicule en commission et je regrette que le parti libéral, notamment, n'a pas accepté d'entrer au moins en matière sur cette motion.
Elle contient peut-être des erreurs, elle est peut-être susceptible d'être modifiée ou corrigée. Mais la manière dont elle a été traitée est le reflet du débat de ce soir.
M. Pierre Kunz (R). Si, avec la majorité de la commission de l'économie, les radicaux ont rapidement rejeté la motion 936, ce n'est pas parce qu'ils considéraient que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes économiques. C'est parce que les moyens proposés par les motionnaires, pour revitaliser l'économie genevoise, sont inadéquats.
Les suggestions des motionnaires partent, peut-être, d'un bon sentiment, mais en tout cas pas de la réalité.
Cependant, le constat qu'ils posent est correct. La mondialisation de l'économie et l'accroissement de la concurrence provoquent effectivement des craquements, des ruptures, dans notre tissu économique et social. Il est vrai aussi que la reprise, si elle se concrétise et se développe, nous laissera dans une situation difficile en termes d'emploi. Il est vrai, enfin, qu'une politique économique active peut contribuer efficacement à la modernisation, à la réorientation, de notre tissu économique, et à la création de nouveaux emplois.
Je suis certain que la majorité de ce Grand Conseil est convaincue de l'utilité d'une politique économique active. C'est pourquoi elle soutient celle menée par le Conseil d'Etat, aux plans administratif et promotionnel.
C'est pourquoi aussi, Monsieur Champod, les représentants de cette majorité au sein de la commission de l'économie, qui ne sont pas aussi stupides que vous semblez le penser, ont accepté d'intégrer aux invites de la motion libérale 919, que ce Grand Conseil aura à traiter prochainement, un texte présenté par le parti socialiste, et qui rappelle et précise les grandes lignes de cette politique économique active.
Les moyens proposés par la motion 936, je le répète, ne sont pas les bons. Ils procèdent d'un goût immodéré pour la planification et renforceraient, si on les appliquait, la bureaucratie et l'interventionnisme d'un Etat déjà bien trop présent dans le domaine économique.
Ce sont les entreprises, et pas l'Etat, qui ont pour mission d'affronter la concurrence et, à cet effet, d'améliorer leur productivité et leurs capacités innovatrices. Ce sont les entreprises, pas l'Etat, qui doivent peser et gérer les risques de ces processus innovateurs. Et il revient aux entreprises, pas à l'Etat, de trouver les capitaux nécessaires à leur démarrage, puis à leur développement.
Le rôle de l'Etat, en matière économique, est de créer, puis de développer ou de modifier, si nécessaire, les conditions-cadres qui permettent à ces entreprises d'assurer leur compétitivité. Ces conditions cadres doivent être nettement améliorées par une action réformatrice encore insuffisamment engagée, c'est sûr ! Mais malgré cet environnement pas aussi favorable qu'on pourrait le souhaiter, malgré les handicaps que ces entreprises rencontrent, celles-ci, généralement, savent répondre efficacement au défi permanent de la compétitivité et, par conséquent, assurer leur pérennité.
On peut d'ailleurs mesurer cette efficacité - c'est malheureux, mais c'est comme ça - à l'aune des conséquences de celle-ci sur le marché de l'emploi, puisqu'une partie du chômage, que nous connaissons, en découle directement.
Les motionnaires disent aussi, avec raison, que s'agissant de l'aménagement du territoire, de la fiscalité, de l'enseignement, le rôle économique actif de l'Etat impose une vision prospective. Mais permettez-moi de rappeler, à ce sujet, que le Conseil d'Etat, dont c'est la responsabilité, a déjà indiqué qu'il comptait former un groupe de personnalités qui l'aideront à cette réflexion prospective sur l'avenir de Genève.
Un rôle actif de l'Etat en matière d'économie implique aussi, rappellent les motionnaires, que l'Etat, fort de cette vision prospective, favorise l'investissement, la recherche, l'innovation et le développement d'entreprises utilisant les technologies de pointe.
Or, personne ne peut nier que le Conseil d'Etat, dans les limites d'une action raisonnable, c'est-à-dire surtout administrative et promotionnelle, répond déjà largement à notre attente, même si des progrès restent à faire dans certains secteurs, par exemple en ce qui concerne la création et l'accompagnement, que je qualifierais de quasi scolaire, de certaines jeunes entreprises.
Alors, à quoi pourrait bien servir un bureau cantonal des risques à l'innovation ? Ou un conseil cantonal de la productivité ? Ou un secrétariat aux reconversions industrielles ? Ou encore un service des technologies nouvelles ? A rien, sinon à donner bonne conscience à une partie de ce parlement et à renforcer encore la bureaucratie publique.
Ce que les entreprises désirent, ce ne sont pas les aides et les conseils de l'Etat, c'est un environnement favorable à leur développement, c'est une liberté d'action suffisante.
C'est en faisant davantage confiance à la capacité créatrice des acteurs économiques - patrons, cadres, travailleurs - que nous favoriserons vraiment la compétitivité de l'économie genevoise et, par conséquent, la création d'emplois. Et cela ne se fera pas en renforçant la planification et l'intervention de l'Etat dans l'économie.
Voilà pourquoi le groupe radical vous recommande de rejeter cette motion.
M. Claude Blanc (PDC). Il est vrai que nous avons rejeté rapidement cette motion en commission, et cela parce que nous étions fatigués des pleureuses qui croient soutenir l'économie en lui fournissant des béquilles en papier. Parce que tout cela n'est que du papier ! Séance après séance, vous nous fabriquez du papier ! Chaque fois que des mesures concrètes sont proposées pour créer des conditions types, aptes à faire sortir l'économie de ce canton de sa léthargie, vous trouvez de bonnes raisons pour les refuser !
De béquilles en papier, nous ne savons qu'en faire. Nous voulons du concret, et chaque fois que nous vous présentons du concret, vous nous soupçonnez de soutenir des spéculateurs ou des profiteurs. Vous devez quand même bien savoir que si nous voulons sortir l'économie de ce canton de sa léthargie, il faut encourager les gens qui cherchent à produire de la valeur ajoutée et pas seulement leur donner des conseils sur papier.
On a assez gâché de papier ! Maintenant, il faut agir et faire des choses plus sérieuses.
Mme Claire Chalut (AdG). J'entends dire qu'il faut laisser les entreprises agir librement, mais voilà, il y a un problème !
Effectivement, elles agissent peut-être librement, mais ce que M. Kunz a peut-être oublié de préciser, c'est que l'on fait appel sans arrêt à l'Etat.
Et que fait l'Etat ? A lui seul, il assume le chômage, ce qui constitue une subvention énorme aux entreprises. Il s'occupe de créer des occupations temporaires, organise des cours de formation, etc. Il s'agit là d'une immense contribution qui dépasse largement le montant de la cotisation que vous acquittez.
Je ne m'étendrai pas sur le rapport rédigé par M. Lombard, parce que, voyez-vous, M. Lombard ne connaît pas bien la commission de l'économie, puisqu'on ne l'y voit plus depuis le mois de novembre. Il ne doit donc pas savoir grand-chose du travail qui s'y fait et des personnes qui l'accomplissent. Pour ce faire, il faudrait qu'il se rende plus souvent en commission !
Mme Micheline Calmy-Rey (S). J'ai été très choquée par le ton et le contenu du rapport de M. Lombard. Je ne pense d'ailleurs pas qu'il ait lu le texte de la motion. Elle traite de quatre volets, prétend-il, la formation, le capital-risque, la commercialisation, l'innovation et la productivité. C'est faux, Monsieur Lombard. Ce sont bien là les actes d'une politique économique active dans une vision socialiste, mais la motion ne traite que de la productivité et de l'innovation. Alors, vous avez formulé vos critiques, à l'avance, concernant les volets qui suivront certainement, d'ici quelque temps, et nous en prenons acte, mais nous n'avons rien à dire là-dessus pour l'instant.
Quant au ton et au contenu du rapport de majorité, je les ai, dans un premier temps, attribués à l'hyperémotivité de son auteur et à son anesthésie intellectuelle concernant le sujet, mais j'ai révisé ma première réaction et mon jugement au fil de ma lecture et des débats de ce soir. On a entendu dire qu'en commission les débats avaient été dominés par des a priori idéologiques, que les uns reprochaient aux autres d'être des interventionnistes à tout crin, et que les autres ont reproché aux uns d'être les partisans, à tout crin, de la libre entreprise.
J'avoue mon étonnement de pareilles discussions, parce que la motion se voulait la traduction pratique d'un discours fort différent et beaucoup plus concret.
Il y a longtemps que les socialistes ont abandonné l'idée que l'Etat doit tout faire et nous espérions que les libéraux et consorts avaient abandonné aussi, depuis longtemps, leur foi dans le hasard et la main invisible. Nous pensons que la passivité ne convient pas dans la situation actuelle, et que les effets conjoncturels, dus à la crise que nous venons de vivre, liés à la formidable augmentation de la productivité, nous préparent un avenir difficile, même en cas de bonne reprise des affaires.
Nous pensons que dans une telle situation, il convient qu'une politique économique audacieuse et imaginative puisse être mise en place.
Or, que voyons-nous ?
Il y a quelque quinze jours, les commissions syndicales de la SIP et de Tavaro sont venues devant ce Grand Conseil nous remettre des tracts. Et ces tracts nous rappelaient que ces entreprises étaient les fleurons de l'industrie genevoise, il n'y a pas si longtemps encore. Et ces commissions de s'étonner que le département de l'économie publique ou que le canton ne soit pas plus actif, et attendent que les gens soient licenciés ou au chômage pour intervenir.
Eh bien, précisément, la proposition faite dans notre motion d'un conseil cantonal de la productivité et de l'innovation, avait pour objectif de permettre d'intervenir préventivement par la pose d'un diagnostic, une structure de conseil et d'aide pour veiller aux places de travail et au maintien d'un savoir-faire précieux.
Vous n'avez même pas voulu en entendre parler. Nous aurions été prêts à discuter d'une formule différente. Vous n'êtes même pas entrés en matière. Nous étions prêts à écouter vos propositions, vous n'en avez fait aucune.
En réalité, vous dites non à toute mesure un tant soit peu ciblée, vous renoncez à examiner sérieusement l'idée d'une garantie des risques à l'innovation. Et là, je dois franchement faire mon mea culpa, j'ai utilisé un terme tabou, pour vous, qui est la garantie des risques à l'innovation. J'aurais pu employer un autre terme, je suis désolée. Mais de là à refuser toute discussion...
Vous nous reprochez aussi de vouloir promouvoir l'innovation en disant : «Vous voulez mettre sous tutelle les entreprises novatrices et les inventeurs». Quel procès d'intention vous nous faites !
Vous ne voulez même pas d'une étude préventive, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, et cette façon d'envisager l'avenir économique de Genève a de quoi inquiéter.
Genève est un canton cher, Genève a des salaires élevés, une bonne protection sociale, de fortes contraintes écologiques. Genève a une productivité élevée et un grand savoir-faire. Il s'agit de forcer notre compétitivité en misant sur nos compétences, et non pas avec une politique de bas salaires, des mesures fiscales à l'encan, une politique de moratoire social, voire de démantèlement social.
Nous voulons aider les entreprises à être compétitives, à moderniser leur technologie et à se développer. Nous voulons aider, non seulement le secteur des industries, mais aussi le secteur des services.
Ce sont les choix qui sous-tendent cette motion. Nous voulons que l'Etat, à côté des conditions cadres qu'il est chargé de mettre en place, joue un rôle novateur dans l'organisation du développement économique et la modernisation des technologies.
Vous ne partagez pas ces choix et je pense que ce que j'avais pris pour de l'hyperémotivité chez M. Lombard est tout simplement la justification de l'inertie du département de l'économie publique.
Monsieur Lombard, vous jouez le rôle d'un porteur d'eau. Je le regrette, car cela ne me permet pas d'avoir un débat intéressant et efficace sur la politique économique du canton.
M. Armand Lombard (L), rapporteur. Juste quelques mots pour faire le point sur des réflexions désagréables. Ensuite, je passerai à quelque chose de plus intéressant.
Je dirais à Mme Chalut que j'avais des raisons valables, que je ne lui donnerai pas, pour être absent de la commission de l'économie.
Par ailleurs, je suppose que si le parti socialiste avait développé un tel intérêt pour sa motion, Mme Calmy-Rey serait venue la présenter en commission et que, si M. Champod tenait à nous faire passer son message, il n'aurait pas attendu six mois pour déposer son rapport.
Beaucoup de temps s'étant écoulé depuis la rédaction de mon rapport, Mme Calmy-Rey ne se souvient sûrement pas que, dans son projet de motion, en page 3, figurent les quatre plans précis d'action qui sont, dans l'ordre : productivité et innovation; capital-risque; commercialisation; formation professionnelle. (Interruption de Mme Calmy-Rey.) Gnia, gnia, gnia ! (Rires.) C'est ce qui est écrit dans votre motion. Donc, arrêtons de chipoter sur des vétilles ridicules.
Je poursuis en étant, j'espère, plus constructif. Mme Calmy-Rey aura certainement compris que nous pourrions nous entendre sur des projets - et non sur des envois d'études et des créations de comités - car le parti socialiste «n'a jamais prôné le tout à l'Etat et qu'il n'y a pas que lui pour agir dans la communauté». Par conséquent, je pense vraiment que nous ne sommes pas si loin d'un accord.
J'aimerais également rassurer Mme Calmy-Rey quant à l'attitude du rien à l'Etat, qui fut peut-être celle du parti libéral, en matière économique. A l'évidence, et je l'ai dit hier soir à mon collègue Longet, nous pensons qu'un partenariat avec les institutions politiques est absolument nécessaire pour mener à bien le développement de notre tissu économique. Vous prétendez que ces institutions sont nulles, mais, nous, nous disons le contraire. Les institutions politiques, en l'occurrence les services du département de l'économie publique, sont extrêmement efficaces et compétentes, particulièrement dans l'accueil des entreprises. En se structurant pour aider à la création des entreprises, ils deviendront des partenaires, et nous ferons avec eux.
Nous en avons besoin, certes, mais nous avons aussi besoin des entreprises et de la société civile. Nous avons surtout besoin de projets précis et pas de «discutailles».
Nous sommes tous suffisamment compétents dans cette enceinte, socialistes compris, pour mettre de véritables projets sur pied.
Mme Micheline Spoerri (L). Il est vrai que la commission de l'économie a traité rapidement la motion 936, puisque c'est en une demi-séance qu'elle a refusé, à la majorité, d'entrer en matière. Aujourd'hui, Mme Micheline Calmy-Rey et M. le rapporteur de minorité nous en font le reproche.
N'ayant pas pu m'exprimer personnellement au cours de ces travaux, en ma qualité de présidente de la commission, j'aimerais dire ce soir à M. Champod qu'il va, lui aussi, un peu vite en besogne lorsqu'il écrit dans son rapport de minorité, à la page 7 : «Une fois de plus, l'attitude de la majorité a empêché qu'un véritable dialogue se développe au sein de la commission de l'économie et n'a pas permis de trouver des solutions constructives, ce que la minorité de la commission regrette. En effet - poursuit-il - nous estimons que les problèmes soulevés méritaient un traitement plus sérieux», car refuser d'entrer en matière sur la motion ne signifiait pas que nous traitions le thème de la politique économique active par le mépris, mais que nous n'avions pas trouvé d'éléments suffisamment convaincants - j'y reviendrai tout à l'heure - pour nous saisir de cette motion.
J'ajouterai, à l'intention de Mme Calmy-Rey, que son absence à la séance du 28 novembre aura peut-être joué un certain rôle. Non pas que je sous-estime les compétences de M. Champod, en tant que motionnaire, mais dans ce type de motion, que l'on peut qualifier de généraliste, on n'est pas trop de deux, vous le savez, Madame, pour défendre sa conviction. Force est donc de constater que M. Champod s'est trouvé un peu isolé.
L'intérêt de la motion 936, c'est qu'elle contribue effectivement à alimenter la réflexion que ce Grand Conseil doit mener à propos de l'emploi, notamment de la définition du rôle qu'il entend voir jouer par les partenaires, qu'ils soient privés, publics ou autres, dans l'économie genevoise.
Pour vous, Mesdames et Messieurs les socialistes et Mesdames et Messieurs des partis de gauche, les choses paraissent claires, du moins en théorie.
Pour nous, les libéraux, la définition du rôle de l'Etat en faveur de l'emploi est chose plus difficile, c'est vrai. Mais nous entendons bien donner à notre gouvernement les moyens concrets, et non pas théoriques, d'y parvenir, et ceci avec une certaine cohérence, ce qui, en politique, n'est pas chose aisée.
C'est précisément le manque de cohérence par rapport à la réalité de vos choix politiques, de même que la nature très théoricienne de votre motion, qui nous ont empêchés d'adhérer à cette dernière.
Quel n'a pas été notre étonnement de voir le parti socialiste développer , en solo, des thèses sur la productivité, alors même que régulièrement, constamment et patiemment, il fait aux partis de droite, voire aux entrepreneurs, le reproche de trop se préoccuper de productivité aux dépens des avantages sociaux.
Avouez que même si nous nous réjouissons de vous voir enfin reconnaître la productivité à son juste titre, nous avons de quoi être perplexes quant à la crédibilité de vos arguments, surtout quand vous conjuguez, Monsieur le rapporteur de minorité, productivité et partage du temps de travail.
Vous parlez ensuite d'innovation. Importante et indispensable, l'innovation l'est, nous en sommes bien d'accord ! Mais quand, pour l'encourager, vous parlez de garantie et de nouvelles institutions, comme vient de le dire M. Kunz, à savoir un conseil cantonal de la productivité, alors même qu'existe ce fameux Conseil économique et social dont, aujourd'hui, on ignore l'avenir, comment imaginer, Mesdames et Messieurs les députés socialistes, que vous puissiez nous convaincre ?
Notre intention, et la mienne en particulier, car je serai bien mal placée pour le faire, n'est pas de dispenser des leçons d'économie. J'aimerais simplement vous dire que je suis cheffe d'entreprise et je crois, Madame, que vous l'êtes également, et qu'à ce poste on doit innover et que pour innover, on prend nécessairement des risques.
Alors, il y a les bons entrepreneurs qui prennent des risques calculés, ce qui ne les met pas forcément à l'abri des aléas économiques, et les autres, qui prennent des risques purs - espérons que c'est une espèce en voie de disparition.
Mais dans tous les cas, pour nous, l'innovation est liée au risque. Sinon, il ne s'agit pas d'innovation. Pour nous, l'innovation représente, d'abord, des choses concrètes et durables, parce qu'innover sans durer ne correspond pas à grand-chose. Et vous savez que le principal souci des entreprises genevoises est de pouvoir durer.
Nous pensons aussi, comme l'a dit M. Kunz, que c'est à l'entreprise elle-même et dans son ensemble, patrons et collaborateurs réunis, que revient la difficile et prestigieuse tâche d'innover. Nous ne croyons pas à des instances supérieures ou aux «mains invisibles» auxquelles, Monsieur Champod, vous faites allusion dans votre rapport.
Enfin, en introduction à l'unique séance de la commission de l'économie, je cite M. Champod qui dit : «le but de la motion est d'encourager le développement des productions d'avenir dans la haute technologie». A la première occasion qu'a rencontrée le Grand Conseil après vos propos, Monsieur - je veux parler de Reuters - vous avez, Mesdames et Messieurs les socialistes, fini par vous rallier au projet du bout des lèvres et au prix de nombreuses conditions, si bien que vous n'aurez pas beaucoup encouragé les entreprises à se lancer dans ce genre de bataille. Et ceci parce que les conditions d'implantation de Reuters ne correspondaient pas, à 100%, à votre schéma idéal de l'économie genevoise.
Vous avez démontré qu'entre un projet perfectible et les théories contenues dans cette motion, vous êtes encore capables d'hésiter.
Voilà pourquoi les partis de l'Entente n'ont pas été convaincus par la motion 936, et que sans vouloir écarter la minorité de la réflexion parlementaire, le parti libéral vous recommande de rejeter cette motion.
M. Pierre-Alain Champod (S), rapporteur. Je voudrais juste faire remarquer à M. Lombard qu'à la page 3 du texte de notre motion, où l'on mentionne effectivement, sous le point 1, la productivité et l'innovation, sous le point 2, le capital-risque, sous le point 3, la commercialisation et l'exportation, sous le point 4, la formation, la phrase suivante est : «les auteurs de la présente motion n'entendent pas aborder la totalité de ces pistes. Les invites adressées au Conseil d'Etat traitent de productivité et d'innovation, donc uniquement de la première piste.».
Par rapport au débat en commission, un député a déclaré que votre intention première était de «shooter» la motion en plénière. Mais comme elle était inscrite au débat en même temps que le débat sur la privatisation du service des autos et de la navigation, vous avez préféré la renvoyer en commission pour la refuser.
Nous n'avons jamais été contre les progrès techniques, ni contre les gains de productivité. Mais nous divergeons quant à la manière dont on partage les gains de productivité. C'est pour cela que nous disons que ces gains sont naturels à une économie qui se développe, mais simplement, compte tenu du chômage actuel, c'est leur partage, avec celui du travail, qui doit amener à retrouver le plein emploi. Mon grand-père travaillait six jours par semaine, mon père, cinq jour et demi par semaine, et moi, je travaille cinq jours par semaine, et je suppose qu'en fin de carrière je travaillerai quatre jours.
C'est l'évolution dans laquelle nous nous inscrivons.
Concernant les garanties par rapport aux risques à l'innovation, j'ai entendu des responsables de PME moins dédaigneux que vous. Ils disent avoir beaucoup de peine à trouver des prêts bancaires et il est vrai que les banques, aujourd'hui, font leurs affaires sur le marché des capitaux et non en soutenant des entreprises qui fabriquent des produits. Cela cause un réel problème au développement des entreprises.
Enfin, il est incroyable que l'on nous reproche ce qui s'est passé à propos de Reuters, alors que ce sont des députés, notamment des députés socialistes, qui ont sauvé ce dossier, géré de manière catastrophique par le Conseil d'Etat !
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je ne reviendrai pas sur l'affaire Reuters, dont M. Champod vient de parler. Vous avez pris un très mauvais exemple, Madame Spoerri... (Protestations.) ...parce qu'au jour d'aujourd'hui il y aurait référendum s'il n'y avait pas eu les socialistes pour faire aboutir ce dossier dans le consensus.
Je regrette de n'avoir pu être présente en commission le jour où la motion a été discutée. Je ne suis pas membre de la commission de l'économie, je ne pouvais pas y être le lundi soir qui est le jour, vous le savez, de réunion des comités directeurs des partis politiques, nonobstant le fait que l'on ne m'a pas donné une chance d'être présente.
Je voudrais, en outre, tenter de dissiper quelques malentendus. On nous dit que cette motion est trop généraliste, théorique, que c'est du bla-bla, du papier, etc. Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que nous nous sommes, par exemple, contentés de demander la réalisation d'une étude prospective, c'est peut-être du bla-bla. Si nous demandons de mettre sur pied un conseil cantonal de la productivité, c'est peut-être du bla-bla. Si nous demandons de définir des mesures en faveur de l'investissement, ce sera aussi du bla-bla ?
La seule chose que nous demandons, c'est que soit étudiée la création d'une garantie cantonale des risques à l'innovation. Je vous aurais entendus, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, si j'avais proposé de mettre sur pied une garantie cantonale des risques à l'innovation !
Par conséquent, votre discours à ce sujet ne tient absolument pas !
Quant aux pistes évoquées par M. Lombard, il est vraisemblable qu'il n'a pas réussi à lire le texte de la motion au-delà du début de la deuxième page ou de la troisième, car deux lignes plus loin, il est dit : «les auteurs de la présente motion n'entendent pas aborder la totalité de ces pistes. Les invites adressées au Conseil d'Etat traitent uniquement de productivité et d'innovation.».
M. Armand Lombard. Tu l'as déjà dit.
Mme Micheline Calmy-Rey. Eh bien, je le redis, parce que vous ne savez pas lire ! En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, vous ne voulez pas de cette motion, non pas parce que vous y êtes fondamentalement opposés, mais parce que, tout simplement, elle émane des socialistes. Et cela vous embête énormément ! C'est du pur parti pris partisan ! Cela me déçoit énormément.
Mme Marlène Dupraz (AdG). Je voudrais juste rassurer Mme Spoerri et lui dire que 48 000 m2 pour quarante-huit emplois, c'est très peu d'emplois ! C'est tout.
M. Jean-Philippe Maitre. A l'occasion de la discussion de cette motion, il n'est pas inutile de faire un bref tour d'horizon de la situation économique de notre canton, parce que force est d'admettre, malgré quelques améliorations sectorielles, que nous n'avons pas fini de manger notre pain noir.
L'industrie présente une situation très contrastée. Des entreprises, dans certains secteurs industriels porteurs dans notre canton, se défendent extrêmement bien. Certaines sont en progression, gagnent des parts de marché, se développent et créent des emplois. D'autres entreprises, dans des secteurs d'activité plus classiques à l'expression industrielle de notre canton, sont en très sérieuse difficulté. A cet égard, je voudrais vous dire que l'un des aspects de la promotion économique de notre canton - et je me permets de le rappeler, car on a tendance à l'oublier - consiste à être présent, actif et engagé auprès d'entreprises en difficulté. En effet, celles-ci ont besoin de certains appuis pour lesquels l'Etat est un partenaire utile, si ce n'est indispensable.
Je crois, Monsieur Kunz, que vous avez eu tort de dire que les entreprises ne demandaient pas l'appui de l'Etat. Très souvent, les entreprises en difficulté se tournent vers nous, afin que nous mettions en place des mesures, propres à favoriser des rapprochements avec des partenaires, propres à engager des dialogues plus constructifs avec certains établissements bancaires qui se montrent extrêmement difficiles, propres à faire patienter un certain nombre de créanciers par des mesures de type concordataire que nous mettons en place.
J'aimerais dire à Mme Calmy-Rey qu'il est logique qu'elle ne puisse pas connaître l'ensemble des mesures développées. Vous avez parlé de deux entreprises, la SIP et Tavaro. Je peux vous affirmer que nous sommes très engagés auprès de ces entreprises. Et je le dis sans chercher à en tirer un quelconque mérite, car nous ne faisons que notre devoir. L'une de ces entreprises n'existerait probablement plus, si elle n'avait bénéficié du soutien extrêmement engagé de l'Etat, et des mesures prises pour l'accompagner dans une situation des plus délicates.
En réponse à l'interpellation urgente de M. Godinat, j'évoquerai, dans un instant, ce qu'il en est d'une des deux entreprises.
Secteur industriel, situations difficiles dans certains contextes, situations fortes, voire prospères dans d'autres créneaux qu'il nous faut également soutenir, parce qu'il ne s'agit pas d'ignorer les entreprises qui se portent bien et de ne s'occuper que de celles qui vont mal.
Il faut que vous soyez également conscients de la réalité du secteur tertiaire. A la différence de ce que nous avons connu, lors de la crise économique des années 70, nous vivons aujourd'hui un phénomène qui n'est en rien comparable. Durant la crise des années 70, due au choc pétrolier, c'est essentiellement le secteur industriel qui a été touché en partie. Sur le plan de l'emploi, la crise n'a pratiquement pas été perçue, en tout cas pas à Genève. On n'en dira pas autant des cantons de l'arc jurassien, mais à Genève, il n'y a pas eu de conséquences, parce qu'en termes d'emploi le tertiaire était en progression si forte que les postes qui y étaient créés compensaient, plus que largement, les pertes d'emplois dans le secteur secondaire.
Toujours est-il qu'aujourd'hui, avec une compétition économique de plus en plus vive, on constate que le secteur industriel s'est restructuré à la faveur, si j'ose dire, de la crise des années 70. Il a réussi des reconversions et a gagné en productivité, ce qui, pour partie, n'avait pas été fait par le secteur tertiaire, d'où le décalage. Et c'est dans les années 90 que le secteur tertiaire a été contraint, tout simplement pour pouvoir durer, de rechercher des gains de productivité qui se sont traduits par des compressions d'emplois. Et je dois vous déclarer que ce processus n'est pas terminé.
Dans le secteur bancaire, qui a été un très grand pourvoyeur d'emplois au cours des années 80, on assiste, aujourd'hui, à une érosion des emplois.
C'est dire que la situation est délicate, que nous n'en sommes pas sortis, malgré quelques signes positifs, ça et là, sur le marché de l'emploi à Genève.
Après une stabilisation du chômage, nous commençons, peut-être, à nous engager dans une période de régression progressive, mais néanmoins modeste, du chômage. Cependant, il nous faut demeurer prudents, nos soucis ne sont pas terminés.
Revenons au secteur tertiaire, si vous le voulez bien, et prenons en considération le commerce de détail, qui est le plus gros employeur du canton. Le commerce de détail connaît de grosses difficultés, actuellement, compte tenu d'une compétition effroyable due à l'adversaire le plus redoutable qui soit, surtout dans un canton entouré d'une ceinture française, où le commerce de détail s'exprime avec des prix complètement différents. Je veux parler du niveau de notre franc qui cause de graves problèmes au commerce genevois.
Si nous attendons de votre part une attitude compréhensive et positive, c'est pour soutenir des mesures déjà prises et à prendre, propres à permettre au secteur du commerce de détail de gagner, ou de maintenir, quelques parts de marché.
Quand, par exemple, on essaie de favoriser certains actes d'achat par une nouvelle clientèle qui, à l'occasion d'importants événements touristiques, vient à Genève et que l'on constate que certaines de ces mesures sont, d'entrée de cause, l'objet de contestations, en particulier des dérogations et des heures de fermeture de nature à favoriser des achats par une clientèle de passage, on pense que les conditions ne sont pas remplies pour que l'on saisisse, à bras le corps, ce qui doit véritablement être fait dans ce canton pour favoriser, chaque fois que faire se peut, le redéploiement et le développement de certaines activités.
Vous savez que dans notre canton, le Conseil d'Etat se bat sur le front de la promotion économique, et déjà par le soutien qu'il apporte aux entreprises actuellement existantes. Je vous rappelle qu'en 1994 70% des mesures d'accompagnement fiscales décidées par le Conseil d'Etat concernaient des entreprises déjà établies dans notre canton. Vous voyez l'appui que nous apportons aux entreprises existantes, pour ne prendre que ce seul exemple.
Pour ce qui est des entreprises nouvelles, le Conseil d'Etat se bat pour une promotion économique, considérée comme l'une des plus actives de notre pays, et obtient de bons résultats, en termes d'entreprises nouvelles créées et d'emplois nouveaux créés.
Dans les conditions cadres auxquelles nous avons affaire, il y a des infrastructures, la formation, les mesures d'accompagnement fiscales. Effectivement, il y a, Madame Calmy-Rey, un certain nombre de thèmes et de dossiers importants, par exemple, une hypothèse relative à la garantie contre les risques à l'innovation. En ce qui la concerne, je voudrais vous rappeler ceci, car il ne faudrait pas avoir la mémoire courte. Ce débat a eu lieu devant ce Grand Conseil, à la faveur d'un projet de loi déposé, il y a quelques années, par le parti radical. La majorité de ce Grand Conseil n'a pas voulu de ce projet de loi et nous a demandé de faire d'autres propositions. Et nous sommes venus avec la proposition de la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, la FONGIT, qui constitue un accompagnement ciblé différemment en faveur de l'innovation technologique. Aujourd'hui, nous devons procéder à l'évaluation de ce projet qui a quelques années d'activité. Nous serons amenés à accroître l'effort, mais l'Etat n'est pas seul. Par définition, il va continuer à travailler avec ses partenaires du projet FONGIT, qui sont les banquiers, les associations professionnelles et les organisations syndicales.
Nous voulons également travailler - et nous avons des projets en cours d'évaluation, qui font l'objet de tests - à un renforcement des mesures de soutien à la création, en particulier, de PME. Nous sommes en train de revoir complètement le système de l'Office genevois de cautionnement mutuel pour les petites entreprises du commerce et de l'artisanat. Il y a là, probablement, des pistes intéressantes qui doivent nous amener, en coopération étroite avec la Banque cantonale, à imaginer des mécanismes nouveaux. Voilà ce qui montre que ce dossier est ouvert et souligne l'imprudence de croire qu'il serait clos à jamais.
Ce qui frappe le Conseil d'Etat, dans tous les débats tenus sur la politique économique, c'est qu'il y a des invectives, une sorte de combat de chiens de faïence gauche-droite. La situation est bien plus complexe ! Il ne faut pas venir avec des propositions effectivement marquées du sceau «n'y a qu'à», si vous me permettez l'expression. Il faut être modeste et ouvert pour prendre en considération des propositions s'inscrivant dans l'actualité d'un débat. En tout état de cause, il faut être déterminé - lorsque des projets concrets se présentent - à ne pas leur mettre des entraves, à ne pas chercher systématiquement la petite bête, pour rendre ces projets ultra désirables, alors que nous voulons simplement les rendre possibles.
Dans ce contexte et quels que soient les atouts de ce canton, quelles que soient ses conditions cadres que de très nombreux cantons et que de très nombreuses collectivités étrangères nous envient, vous ne pouvez pas sous-estimer les facteurs psychologiques inhérents au développement économique. Il y a, à cet égard, une question d'attitude. Je constate que les partis politiques de ce canton ne sont pas suffisamment positifs en ce qui concerne l'économie. On a encore les réflexes que l'on avait du temps du plein emploi, à l'époque où les débats, qui fleurissaient au sein de certains partis, avaient pour thème «Stop à la croissance».
Il faut absolument abandonner cette attitude totalement archaïque. Aussi, à propos de l'économie, nous vous invitons à adopter une nouvelle attitude qui vise à être engagée, concrète, pragmatique et un peu plus modeste et surtout positive.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'économie est rejetée.
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.