Séance du vendredi 19 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 7e session - 25e séance

No 25

vendredi 19 mai 1995,

nuit

Présidence :

Mme Françoise Saudan,présidente

La séance est ouverte à 20 h 45.

Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Jean-Philippe Maitre, Claude Haegi et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Philippe Joye, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Florian Barro, Pierre Ducrest, Christian Ferrazino, Michel Halpérin, Dominique Hausser, Claude Howald, Pierre Marti, Alain-Dominique Mauris, Jean-Pierre Rigotti, Philippe Schaller et Evelyne Strubin, députés.

3. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

La présidente. La proposition de motion suivante a été retirée :

M 661
de M. Philippe Joye (reprise par M. Jean Montessuit) concernant les charges et les prestations de la CIA. ( )  M661

 

c) de propositions de résolutions;

M. Chaïm Nissim (Ve). Madame la présidente, nous retirons les propositions de résolutions suivantes :

 de MM. Chaïm Nissim et Pierre Vanek sur la conception cantonale de l'énergie. ( )  

 de M. Chaïm Nissim sur la conception cantonale de l'énergie. ( )  

Elles sont remplacées par une nouvelle proposition de résolution que nous venons de déposer.

R 288
de MM. Chaïm Nissim et Pierre Vanek sur la conception cantonale de l'énergie. ( )  R288
R 290
de M. Chaïm Nissim sur la conception cantonale de l'énergie. ( )  R290

La présidente. Il en est pris note, Monsieur le député.

 

d) de demandes d'interpellations;

La présidente. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :

I 1936
de Mme Liliane Charrière Urben (S) : DIP, service des loisirs, office de la jeunesse : Chalet «Clos des Sapins», à Saint-Cergue : qu'en est-il de l'affectation future de cette maison ? ( )  I1936

Cosignataires : Maria Roth-Bernasconi, René Longet, Micheline Calmy-Rey, Claire Torracinta-Pache, Mireille Gossauer-Zurcher.

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

e) de questions écrites.

Néant.

R 287
4. Proposition de résolution de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Bénédict Fontanet, Jacques Boesch, Hervé Burdet, Marie-Françoise de Tassigny et René Longet concernant l'initiative populaire fédérale «Oui à l'Europe». ( )R287

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le vote du 6 décembre 1992 a été particulièrement clair dans notre canton. Certes, il ne portait pas sur l'adhésion à l'Union européenne proprement dite, cependant l'on peut partir de l'idée qu'une telle adhésion serait largement majoritaire à Genève.

L'adhésion de la Suisse à l'Union européenne est particulièrement importante pour un canton frontière comme le nôtre. Sans elle, nous n'arrivons pas à valoriser le potentiel régional. Nous peinons à retrouver pleinement notre insertion régionale.

Le Grand Conseil s'est, à plusieurs reprises, manifesté en faveur de la participation de notre pays à l'intégration européenne, et tout récemment le Conseil d'Etat déclarait vouloir introduire dans nos lois cantonales une clause d'eurocompatibilité.

L'actuel blocage du processus d'adhésion suscite une forte déception et une forte démobilisation parmi les partisans de l'intégration européenne dans notre pays; il est nécessaire que les forces favorables à l'ouverture puissent retrouver un espace d'expression politique.

L'initiative «Oui à l'Europe» offre l'occasion de sortir de cette impasse et elle permet d'envisager que notre pays puisse apporter, avant la fin du siècle encore, le concours actif de son histoire, de son expérience et de ses valeurs à la réussite de la construction européenne très directement.

Dans ce contexte et pour ces raisons, nous estimons qu'une prise de position claire et ferme du Grand Conseil est essentielle et vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

ANNEXE

TEXTE DE L'INITIATIVE

L'initiative propose d'ajouter trois articles supplémentaires aux dispositions transitoires de la constitution fédérale:

Art. 23 (nouveau)

1 La Suisse participe au processus d'intégration européenne et vise dans ce but à adhérer à l'Union européenne.

2 La Confédération engage sans délai des négociations avec l'Union européenne en vue d'y adhérer.

3 L'adhésion à l'Union européenne sera soumise au vote du peuple et des cantons, conformément à l'article 89, 5e alinéa.

Art. 24 (nouveau)

Lors des négociations et de l'adaptation du droit suisse au droit de l'Union européenne, toutes les autorités veilleront à ce que, notamment, les valeurs fondamentales de la démocratie et du fédéralisme ainsi que les acquis sociaux et environnementaux soient assurés par des mesures adéquates.

Art. 25 (nouveau)

La Confédération tiendra compte des compétences des cantons et sauvegardera leurs intérêts lors de la mise en oeuvre du traité d'adhésion et du développement de l'Union européenne, de même que dans le cadre d'autres questions relatives à l'intégration européenne.

Elle informera les cantons à temps et de manière exhaustive, les consultera et les associera à la préparation des décisions.

Débat

M. Hervé Burdet (L). C'est à réitérées reprises que, dans ce parlement, nous nous sommes prononcés pour ce «oui à l'Europe». Je n'aurais donc pas à faire une longue argumentation pour vous présenter la résolution 287.

Nous vous proposons de dire oui à l'Europe, oui à l'initiative pour l'adhésion à l'Union européenne, car nous ne pourrons plus, en restant isolés, résoudre les défis sociaux, économiques et écologiques présents et futurs.

Nous vous invitons à dire oui à l'initiative pour l'adhésion à l'Union européenne, car la jeunesse d'aujourd'hui entend participer de plein droit à la construction de l'Europe de demain.

Nous vous demandons d'accepter l'initiative pour l'adhésion à l'Union européenne, car la Suisse, berceau de la coexistence pluriculturelle, veut contribuer au développement d'une Europe pacifique et tolérante.

Enfin, nous vous proposons de dire oui à l'Europe et à l'initiative pour l'adhésion à l'Union européenne pour que la Suisse puisse mettre son expérience démocratique, son expérience du fédéralisme, au service de la construction d'une Europe toujours plus proche du peuple.

Le parti libéral est particulièrement bien placé pour vous inviter à soutenir cette résolution, puisque son comité central suisse a décidé, dès le 21 mars, d'appuyer l'initiative «Oui à l'Europe» lancée conjointement, à fin février, par cinq mouvements de jeunes.

Les libéraux ont été les premiers, il y a quatre ans, à réclamer que l'adhésion de la Suisse à l'Europe figure parmi les objectifs à terme du gouvernement fédéral.

L'alinéa 2, de l'article 23, est le seul point du texte qui nous a causé quelque perplexité. Il demande à la Confédération d'engager sans délai les négociations d'adhésion. Ce texte a suscité la discussion. Le parti libéral n'entend, en aucune façon, entraver les négociations bilatérales des complexes négociations sectorielles que la Suisse vient d'entamer avec Bruxelles.

Nous vous proposons donc de voter ce soir, si possible avec enthousiasme et à la majorité, la résolution 287 qui soutient l'effort des jeunes de ce pays et nous incite, nous autres Suisses, Européens de toujours, à faire partie de l'Europe pour travailler à son futur.

M. René Longet (S). Cette résolution, ni rhétorique, ni anodine, affirme trois choses :

1) L'Europe que nous voulons constitue, bel et bien, un projet politique. Nous voulons une Europe du citoyen, et cette Europe ne sera pas le fruit spontané de l'intégration économique. Elle devra être obtenue de haute lutte par ses citoyens. Elle ne doit pas être seulement le résultat d'un processus ou d'un pouvoir technocratique. Elle ne doit pas se limiter à la recherche d'économies d'échelle. C'est un projet politique dont nous nous réclamons et auquel, en tant que Suisses, nous voulons participer.

2) La résolution affirme que le destin de la Suisse et celui de l'Europe sont liés. La Suisse, en effet, est un des rares Etats d'Europe qui ne soit pas un Etat nation. Notre pays, datant d'avant les Etats nations, est apte à ouvrir la voie de leur dépassement. C'est, en fait, une mini-Europe et la Suisse réunit, sur son territoire, trois cultures européennes. Si la Suisse a un sens, c'est bien celui de préfigurer l'Europe. Le projet européen nous concerne donc intrinsèquement.

3) La résolution affirme qu'il y a une chance de sortir de l'enlisement du processus de rapprochement et de négociation en vue de l'adhésion qui, depuis le vote du 6 décembre 1992, se limite aux négociations bilatérales. Effectivement, l'initiative «Oui à l'Europe» nous offre une possibilité de sortir de cet enlisement.

A Genève, nous sommes doublement impatients de voir ce dossier avancer. Doublement impatients, parce que nous entendons, selon la volonté de l'ensemble de ce Grand Conseil, développer la politique régionale - à ce titre, notre non-appartenance à l'Union européenne risque de nous imposer des limitations de plus en plus contraignantes - et parce que le canton de Genève a voté oui à 80%, le 6 décembre 1992, avec une participation de 80% ! Donc, deux tiers, en chiffres absolus, des électrices et électeurs ont voté affirmativement. Genève a un rôle particulier à tenir, quand il s'agit de rappeler aux autres cantons suisses qu'il y a un intérêt, pour notre pays, à participer à la construction de l'Europe. Et nous revendiquons notre part de cette construction.

La résolution a été conçue comme un double instrument. En fait, elle ne demande pas au Conseil d'Etat de faire le travail que nous pourrions faire. Le Conseil d'Etat a, lui aussi, apporté son appui à cette initiative. Nous pensons que le Grand Conseil doit faire de même, dans son propre rayon d'action.

Que proposons-nous ?

D'une part, forts du résultat du 6 décembre 1992, nous demandons à nos concitoyennes et concitoyens de souscrire à cette initiative, parce qu'elle représente le débouché politique que nous attendons.

D'autre part - et cela s'adresse particulièrement à vous, Madame la présidente, et au Bureau - nous demandons aux autres Grands Conseils de Suisse de suivre notre exemple.

Nous souhaitons, avec le vote de cette résolution, que le Bureau puisse acheminer cette dernière aux vingt-cinq autres parlements cantonaux pour les inviter à réfléchir, avec nous, à ce dossier et à lancer la dynamique à laquelle nous aspirons.

Je crois savoir qu'il y aura des amendements à la motion déposée par nos collègues de l'Alliance de gauche. Ils les présenteront tout à l'heure. Ces amendements ne me posent pas de problème, mais je ne saurais, à leur propos, engager les autres signataires.

J'espère que cette motion sera votée à l'unanimité pour exprimer la volonté politique de Genève dans ce dossier.

M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe tient à vous faire part de ses réflexions quant au processus de construction européenne.

Issu de la dernière guerre mondiale, le processus d'intégration politique des différents Etats nationaux est plutôt chaotique. Il est dominé par les intérêts des grands groupes industriels et financiers, en particulier les multinationales, pour la mise sur pied d'un nouveau marché, le marché européen.

Au plan institutionnel, il est important de rappeler que la doctrine Truman a donné naissance au plan Marshall et à la conférence de Paris, en 1947. L'adoption du plan Marshall et sa proposition aux Européens étaient liées, d'une part, au processus d'unification européenne et, d'autre part, à l'adhésion à l'économie de marché.

L'acceptation du plan Marshall par l'Europe de l'Ouest a abouti à la création de l'Organisation européenne de coopération économique, l'OECE, en 1951, l'ancêtre de l'Organisation de coopération et de développement économique, née en 1960.

En 1949, le Conseil de l'Europe avait amené à la création, en 1951, de la communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA, qui précédera la création du Marché commun, avec le traité de Rome, en 1957, et, par là, la naissance de la Communauté économique européenne, la CEE.

L'actuelle mondialisation du marché tend à relativiser les marges d'autonomie réelle et les prérogatives des gouvernements nationaux. Les enjeux de la globalisation entraînent une concurrence croissante entre trois pôles, les Etats-Unis, l'Europe et le Japon. Les Etats nationaux sont soumis à cette dynamique.

J'aimerais donner un exemple, sur le plan financier, en citant un article récent de la presse locale : «L'International Security Market Association remarque la chose suivante dans l'évolution de son activité : l'euromarché obligataire, c'est trente mille milliards de dollars d'obligations échangées en 1994 sur le marché obligataire, soit l'équivalent de 440 milliards de dollars de nouvelles émissions, l'an dernier. C'est le plus grand marché de capitaux libre du monde, relève, en souriant, son secrétaire général, M. Langton.».

A défaut d'être lié, au départ, à un règlement, à des taxes, à des précomptes, l'euromarché obligataire fut contraint à se structurer, sous peine d'implosion, après la crise de 1973. Depuis, ce n'est plus un marché axé sur l'Europe, mais un marché aux dimensions globales, sans barrières, auquel plus personne ne peut s'opposer, assure son secrétaire général. L'une des difficultés, reconnaît M. Langton, c'est de faire comprendre aux banques centrales la globalité et l'extranationalité de l'euromarché obligataire.

Voilà une illustration de la dynamique qui domine les processus de globalisation.

Pour notre groupe, le problème de l'intégration de la Suisse à l'Europe ne se pose donc pas en termes d'ouverture ou de fermeture, mais en termes d'orientation de développement économique et social globale.

Dans ce sens, nous voulons construire une Europe sociale, par le biais d'une politique économique qui réponde aux besoins et à l'émancipation de toutes et de tous, au-delà de l'exploitation du travail de la majorité par une minorité, détentrice des capitaux.

Contre le développement de sociétés à plusieurs vitesses, celles du chômage et de l'exclusion, nous voulons l'Europe de la nouvelle citoyenneté par l'extension des droits démocratiques et sociaux : droits de vote et d'éligibilité; droits sociaux, tels le droit au logement, le droit à la formation et le droit aux soins.

Nous sommes donc contre l'Europe de Schengen, ce nouvel apartheid européen.

Nous sommes pour une Europe antimilitariste et démilitarisée, pour une politique globale de paix. Nous sommes contre les exportations d'armes et contre les lobbies militaristes et nationalistes.

Enfin, nous sommes pour une Europe solidaire, pour une coopération avec les populations laissées pour compte. Nous sommes pour le respect de l'environnement, mais contre l'oppression et l'exploitation, la misère, le pillage des ressources de l'ensemble de la planète.

C'est pour cette Europe là que nous nous engageons.

Nous apportons donc notre soutien à l'initiative «Oui à l'Europe», mais nous jugeons la résolution insuffisante. Nous devons tirer les conséquences de notre appui à l'adhésion à l'Union européenne, en adaptant notre législation aux normes européennes, en particulier dans le domaine social.

Je rappelle que dans le cadre d'Eurolex, tant sur le plan fédéral que cantonal, plusieurs projets de lois avaient été préparés à cet effet. Après l'échec, en votation populaire, de l'entrée de la Suisse dans l'espace européen, une partie importante de ces projets de lois a été retirée, voire remisée aux oubliettes. Mon collègue Spielmann en parlera tout à l'heure.

C'est donc dans ce sens que vont nos amendements qui complètent la résolution, afin que se concrétise la volonté affirmée d'adhésion, en cohérence avec le travail effectué pour l'adaptation aux acquis communautaires de l'Europe.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). A l'heure où le parti radical a démontré sa capacité d'être un mouvement de progrès, en promouvant l'adhésion à l'Union européenne, en tant qu'objectif principal, il est nécessaire et opportun que le Grand Conseil genevois s'engage très clairement pour cette initiative.

En effet, il est capital de confirmer le vote des Genevois du 6 décembre 1992 et, surtout, de prouver que notre canton a un projet pour l'avenir de ses concitoyens. Il n'est pas permis que nos jeunes subissent une évidente discrimination, du fait de la limite de leur sphère d'activité professionnelle. Il n'est pas permis, pour la Genève internationale, que nous ne souscrivions pas à une garantie du maintien de la paix, face aux désordres émergeant au sud et à l'est de l'Europe communautaire. Il n'est pas permis que nous ne participions pas à une stratégie commune, en matière d'ouverture de la politique d'environnement. Il n'est pas possible, en tant que canton frontalier, de laisser passer notre chance en matière d'ouverture économique.

Pour ces grands principes et les nombreux autres, qu'il est inutile de vous rappeler, nous vous demandons de faire vôtre, sans conditions, cette initiative.

Je terminerai en citant Lazlo : «Pour que l'humanité cesse enfin de réagir et commence à agir, elle a besoin d'une étoile à suivre.». Il n'est pas question ici de voyage interplanétaire, mais simplement d'une bonne boussole. Les idéaux positifs sont importants, non pas parce qu'on peut les accomplir tout de suite et complètement, mais parce qu'ils établissent des règles grâce auxquelles nous pouvons diriger nos pas.».

M. Bénédict Fontanet. Monsieur Godinat, je vous fais remarquer qu'il conviendrait de participer à l'Europe avant de la souhaiter comme ceci, comme cela, avec ce qui est bien et ce qui ne l'est pas.

Pour l'instant, notre pays est, malheureusement, sur le bord du chemin. Avant de dire que l'Europe n'est pas assez sociale, qu'elle est trop orientée sur le marché et sur le grand capital, terrorisant et terrifiant, nous devrions, nous autres Suisses, participer, ne serait-ce que modestement, au processus d'intégration avant de le critiquer. Il est, certes, plus difficile de participer de l'intérieur que de critiquer de l'extérieur. Et j'ai le sentiment que c'est ce que vous faites.

Nous prendrons connaissance de vos amendements avec intérêt, mais, pour l'instant, nous ne les avons pas.

Ce pays a besoin d'un grand dessein. Indubitablement, l'idée européenne, pour un pays multiculturel comme le nôtre, une sorte de petite Europe avant l'heure, devrait nous enthousiasmer et nous pousser à y adhérer, puisque cette idée a fait qu'il n'y a plus eu de conflits, depuis cinquante ans, en Europe.

Quoi qu'en aient dit certains, tout à l'heure, on peut regretter que, dans ce pays, la plupart des grands partis politiques font l'impasse sur l'idée européenne. Ce n'est jamais le moment d'en discuter, pour cause d'élections fédérales, d'élections cantonales, et d'autres choses encore. Finalement, c'est un débat que l'on préfère éviter.

Nous, démocrates-chrétiens genevois, estimons indispensable que cette question soit clairement et rapidement posée au peuple, parce que, pour la génération à laquelle j'appartiens et qui tente de voir au-delà de l'an 2000, sans doute à l'instar de beaucoup dans ce parlement, elle est essentielle pour l'avenir de notre pays. C'est la question de politique étrangère de la Suisse par excellence, et nous ne pouvons pas nous cantonner dans une attitude qui consisterait à dire : «Voyons d'abord ce que donnent les négociations bilatérales, ensuite nous déciderons de savoir si nous devons adhérer ou pas.».

Nous nous trouvons au centre d'une communauté de 320 millions d'habitants. C'est notre premier partenaire commercial, c'est notre premier partenaire dans le cadre de nos échanges. C'est aussi notre premier partenaire quant aux citoyens étrangers qui résident sur notre sol.

Alors, au diable les tergiversations de petite politique politicienne à la petite semaine ! Il faut poser rapidement la question de l'Europe. C'est pourquoi nous voterons cette résolution avec enthousiasme, laquelle n'est pas révolutionnaire en tant que telle !

Je laisserai M. Spielmann s'exprimer sur la révolution. C'est un expert en la matière.

Votons donc cette résolution pour marquer la vocation de Genève pour la diplomatie multilatérale, induite par le grand nombre de ses organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales. Il nous faut affirmer cette vocation et dire notre volonté de participer à la construction européenne, avec les moyens modestes dont nous disposons, face aux 320 millions d'habitants de la communauté.

Votons donc cette résolution avec enthousiasme. Invitons nos Confédérés à voter en faveur de l'Europe et faisons en sorte que ce débat européen, dans ce pays, se tienne le plus rapidement possible.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le groupe écologiste soutient cette résolution, telle qu'elle est présentée, puisqu'il ne connaît pas encore les amendements proposés par M. Godinat.

L'intervention de M. Godinat est particulièrement intéressante au niveau de l'histoire, mais ce n'est pas ce soir que nous allons créer l'Europe de nos rêves. Votre Europe, Monsieur Godinat, est celle à laquelle je voudrais adhérer, mais il n'en est pas question pour l'heure.

Ce soir, notre but est de donner un coup de pouce à cette initiative lancée par des jeunes, toutes tendances confondues. Le cadre en est si large que presque chacun de nous peut y souscrire, et ce débat doit être aussi celui de la Suisse allemande.

Quant à nous, nous n'entrerons pas dans une longue discussion. Nous soutiendrons simplement cette résolution.

M. Jean Spielmann (AdG). Je n'avais pas l'intention de polémiquer avec M. Fontanet, mais je lui réponds, puisqu'il m'interpelle.

En disant qu'il ne s'agissait pas, avec ce débat sur l'Europe, de faire de la politique politicienne à la petite semaine - je cite - il me rappelle qu'on en a eu quelques exemples récents, notamment quand le PDC, au niveau national, a décidé de ne pas soutenir le projet européen, cet automne, afin d'essayer de se placer, sur l'échiquier politique, du côté de ceux qui pourraient empocher les dividendes du refus à l'Europe. C'est cela que j'appelle, Monsieur Fontanet, de la politique à la petite semaine.

Il s'agit de montrer des exemples concrets de notre volonté de participer à la construction européenne et, par conséquent, de poursuivre le travail fait par le Conseil d'Etat et le parlement, au moment où nous avions débattu de l'Eurolex et des différentes modifications législatives qu'elle entraînait. Le travail considérable du Conseil d'Etat avait démontré qu'il y avait toute une série de domaines dans lesquels nous étions en retard par rapport aux autres pays européens. Je veux parler notamment de la politique sociale, mais aussi de la politique économique, de tout un volet des droits de la population. Aussi vais-je énumérer un certain nombre de lois que le Conseil d'Etat nous avait présentées dans un gros pavé, en nous disant : «Voilà les points de notre législation cantonale à modifier», car, nonobstant l'Eurolex au niveau fédéral, il était nécessaire d'adapter certaines lois cantonales pour les rendre eurocompatibles, avec le plus petit dénominateur commun, pour adhérer à l'EEE.

Des lois qui doivent être modifiées aujourd'hui encore, il y a, bien sûr, toutes les lois sociales, aussi bien celles qui concernent les assurances-maladie que celles qui concernent l'assurance-chômage. Il y a aussi celles réglant le droit à la participation des travailleurs, qui n'est pas de cogestion, ni de codécision, mais un simple droit à l'information. Nous avions déposé ce projet de loi avant la votation sur l'EEE. Il est toujours dans les tiroirs des commissions. Nous n'avons donc pas encore rempli cette obligation juridique pour être eurocompatibles.

Restent aussi les droits des populations, notamment pour ce qui est des enfants. Le regroupement familial devant vous préoccuper, Monsieur Fontanet, je cite le droit des enfants à rejoindre leur famille, et le droit, pour eux, d'obtenir un enseignement et une éducation. Tout cela est actuellement bafoué par une série de dispositions que nous devons modifier. Je pense notamment à la suppression du statut de saisonnier, mais aussi à toute une série de droits fondamentaux qui n'existent pas encore dans notre pays et que nous aurions dû adopter pour être eurocompatibles.

Votre invitation, à l'ensemble des cantons suisses, à prendre position en faveur de l'adhésion à l'Europe est une démarche honorable, que nous soutenons. Mais elle serait plus crédible si vous aviez fait, en partie du moins, les pas nécessaires en direction de l'Europe, et cela en adaptant notre législation et en modifiant les points que je viens d'énumérer.

On pourrait ajouter encore la loi sur les cartels, les pouvoirs économiques, la position des banques dans ce pays, etc. Dans les documents du Conseil d'Etat figurent des enseignements et des propositions qui permettraient de rendre plus eurocompatible notre législation cantonale.

L'argument, qui prétend que c'est au niveau fédéral que les choses doivent se régler, n'est pas suffisant. Il ne permettra pas à ce parlement de se dégager de ses responsabilités. Une série de décisions ont, en effet, été prises au niveau de la Confédération, mais les cantons devaient modifier leur propre législation pour la rendre eurocompatible, dans la mesure où nous avions décidé d'adhérer à l'EEE.

Pour un parlement, qui s'apprête à convier les autres cantons à participer, avec nous, à la construction européenne, il serait légitime de faire le minimum du minimum et d'adapter la législation cantonale en vue de son eurocompatibilité. Votre démarche n'en serait que plus crédible.

C'est pourquoi nous proposons de compléter la résolution 287, en lui ajoutant deux invites, soit une invite No 3 qui énoncerait :

«la Confédération et les cantons à adapter leur législation aux normes européennes (Eurolex) notamment dans le domaine social;»

et, pour entreprendre ces démarches nous-mêmes, une invite No 4 rédigée comme suit :

«le Conseil d'Etat à saisir le Grand Conseil des projets des lois répondant à cet objectif.».

Voilà nos propositions. Elles sont minimalistes. Si vous n'entrez pas en matière et n'entendez même pas faire un signe concret en direction de la construction de l'EEE, il vous sera facile de vous donner bonne conscience en appelant les autres à faire ce que vous refusez de faire vous-mêmes.

Tout à l'heure, on verra, dans ce parlement, qui est crédible et qui ne l'est pas.

M. Bénédict Fontanet. Dans le brouhaha ambiant et généralisé, au demeurant fort sympathique, je voudrais répondre brièvement à M. Spielmann. Je...

La présidente. Monsieur Fontanet, attendez que le calme revienne ! Même du bureau, on ne vous entend pas, et pourtant vous avez une voix qui porte. Oh, je ne fais que sonner !

M. Bénédict Fontanet. Qui est K.-O., Madame la présidente, puisque vous venez de sonner ?

La présidente. Monsieur Fontanet, vous pouvez vous exprimer.

M. Bénédict Fontanet. Madame la présidente, pour répondre à l'attente légitime de notre collègue Boesch, impatient de connaître ma réaction à l'intervention de M. Spielmann, je dirais que, personnellement, je regrette la position de la présidence du parti démocrate-chrétien suisse, s'agissant de l'Europe.

Mais que voulez-vous, Monsieur Spielmann, diverses opinions s'expriment dans notre parti, un grand parti national, par rapport à l'Alliance de gauche, un mouvement politique qui, à défaut d'être éphémère, n'en demeure pas moins local. Notre parti, à l'instar de bien d'autres, connaît des divisions sur le sujet européen, mais je vois que j'ai définitivement dégoûté M. Grobet qui s'en va. Nous aurons donc une intervention en moins !

Nous n'allons pas nous laisser conter fleurette par l'Alliance de gauche.

L'Europe, elle, procède de la volonté de deux grands mouvements politiques, au lendemain de la seconde guerre mondiale. L'un d'eux, que je citerai en premier par courtoisie, est la social-démocratie et l'autre, la démocratie chrétienne. Ce sont ces deux mouvements politiques qui ont construit l'Europe telle qu'elle existe aujourd'hui, telle qu'elle est certainement perfectible. Mais l'Europe ne doit rien, vous en conviendrez, à l'Alliance de gauche. Par voie de conséquence, ce n'est pas sur ce sujet que nous allons nous laisser nous donner une leçon par M. Spielmann, malgré ses qualités d'orateur et l'affection que nous pouvons lui porter.

Nous vous invitons donc à voter cette résolution telle quelle. En effet, les amendements proposés ne nous semblent pas appropriés, car ils procèdent de la confusion des genres.

Ce que nous tenons à savoir c'est si l'on soutient, oui ou non, l'initiative, et non pas, en cas d'acceptation, si notre législation sera adaptée ou pas.

Ne confondons donc pas les genres. Votons cette résolution qui a été cosignée par tous les partis représentés sur les bancs de ce Grand Conseil et cessons-là, Monsieur Spielmann, ces petites querelles de politique politicienne.

M. Jean Spielmann (AdG). Je ne conçois pas, Monsieur Fontanet, que vous puissiez esquiver de la sorte des sujets qui me semblent très importants. Même si cela vous fait rire, vous devez, à partir de la démarche que vous faites vous-même, répondre concrètement aux questions qui se posent.

Les problèmes que je viens d'évoquer devraient vous préoccuper au plus haut point. Il ne s'agit pas d'une confusion des genres, mais de crédibilité. Vous avez parlé de grands mouvements européens. Moi, j'ai dit les retards que notre pays avait, dans plusieurs domaines, à rattraper par rapport à l'Eurolex.

Aussi laissez-moi vous rappeler que les domaines où la Suisse accuse des retards sont précisément ceux que la démocratie chrétienne a améliorés dans d'autres pays. Je pense notamment au regroupement familial, au droit des enfants, au droit des familles. Pour le moins, on pourrait attendre qu'un parti comme le vôtre qui, de ces propositions, se forge des arguments tout à fait honorables, fasse également un petit pas vers leur concrétisation, en acceptant que ce pays soit également digne de ce qui a été fait par les grands mouvements, que vous avez cités tout à l'heure, au niveau européen, et supprime enfin le statut des saisonniers, absolument incompatible avec l'ensemble de la législation européenne.

Que l'on commence par modifier notre propre législation avant de donner des leçons, avant de demander aux autres cantons de rejoindre, avec Genève, le mouvement européen.

Il ne s'agit donc pas d'un mélange des genres, mais de la prise en compte des propositions, faites par le Conseil d'Etat, de modifications de notre législation pour son adaptation minimale à la législation européenne.

Il faut modifier la loi dans le domaine des assurances sociales, du regroupement familial, du droit des enfants et aussi, en ce qui concerne l'interdiction des cartels, la position dominante et toute-puissante des banques.

Tous ces points devraient vous tenir à coeur et si vous persistez à prétendre que ce n'est que de la diversion, alors je vous dis que votre démarche, qui n'est pas sérieuse, ne permettra pas d'aller de l'avant, parce qu'elle cache un fait inacceptable : vous vous posez en donneur de leçons et vous n'êtes même pas capable, ici, d'entrer seulement en matière sur ce que vous demandez aux autres de réaliser.

M. Jean-Philippe Maitre. Le Conseil d'Etat tient à rappeler un fait inhabituel en la matière : il a, en tant qu'exécutif cantonal, apporté son soutien à cette initiative, en faisant partie du comité du soutien à l'initiative.

Nous avons agi ainsi pour trois motifs essentiels d'importance égale. Il ne s'agit donc pas de les évoquer en imaginant une quelconque hiérarchie.

L'un est de nature économique. Sur deux francs gagnés, notre pays en gagne plus d'un sur les marchés extérieurs. Notre premier partenaire économique est l'Union européenne. En termes de maintien et, mieux encore, de développement des emplois, il est suicidaire d'imaginer que nous pourrons vivre encore longtemps, quels que soient les résultats des relations bilatérales, dans un isolement économique.

Je vous donne deux exemples récents, parmi d'autres :

L'exemple de Battelle. De par ses activités, Battelle est concernée par des contrats qui la mettent en présence d'Etats, donc de marchés publics. Parce que Battelle, en Suisse, n'a pas accès à ces marchés, elle a été obligée de délocaliser une partie de ses activités à Archamps, qui n'est pas très loin...

Autre exemple. En matière de télécommunications, les PTT étaient partenaires d'un projet européen, extraordinairement important. Nous avions la possibilité d'avoir à Genève le siège de cette nouvelle multinationale. Pour des raisons de stricte appartenance à l'Union européenne et alors même qu'il était établi que le dossier genevois était le meilleur, ce projet va se réaliser à Amsterdam.

C'est la conséquence claire et directe de notre non-appartenance à l'Union européenne.

L'autre motif de notre appui à cette initiative est évidemment fortement de nature politique. L'Europe est un projet pour la paix. A cet égard, notre pays a une responsabilité tout à fait particulière. Nous vivons maintenant l'époque du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre. Nous avons donc une responsabilité, a fortiori, parce que nous avons été épargnés. Et dans la mesure où l'Europe est un projet pour la paix, il est nécessaire que la Suisse s'y engage.

Politiquement également, la construction européenne est un projet qui colle parfaitement à l'identité de notre pays qui pratique plusieurs langues, qui vit plusieurs cultures et plusieurs confessions. Cela est fondamental et correspond à notre identité politique.

Le dernier motif, et j'en termine là, est celui-ci : les jeunes, qui ont lancé cette initiative, ont simplement fait preuve, tout à la fois, de maturité et de responsabilité politiques. Les dossiers où les élus politiques peuvent être en phase avec la jeunesse ne sont pas si nombreux pour que l'on puisse faire l'économie d'un soutien clair, d'un soutien engagé, d'un soutien qui conduit le gouvernement de ce canton à dire très clairement oui à l'Europe, raison pour laquelle il vous invite à voter cette résolution.

La présidente. Nous allons voter sur la proposition d'amendements de nos collègues Godinat et Lyon, qui visent à compléter le texte de la résolution par les deux alinéas 3 et 4 suivants :

« 3. la Confédération et les cantons à adapter leur législation aux normes européennes (Eurolex) notamment dans le domaine social;»

et

« 4. le Conseil d'Etat à saisir le Grand Conseil des projets de lois répondant à cet objectif.».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

RÉSOLUTION

concernant l'initiative fédérale «Oui à l'Europe»

LE GRAND CONSEIL,

vu le vote des Genevoises et Genevois le 6 décembre 1992;

vu le lancement, le 21 février 1995, de l'initiative poulaire fédérale «Oui à l'Europe»,

 déclare faire siennes les demandes de cette initiative;

 invite:

1. les citoyennes et citoyens de Genève à la signer;

2. les parlements cantonaux suisses à prendre une position analogue à la sienne.

PL 6754-A
Projet de loi de M. Charles Bosson (repris par M. Roger Beer) instituant des contributions pour des prestations de caractère écologique dans l'agriculture (M 8 15). ( -) PL6754
 Mémorial 1991 : Projet, 4705. Commission, 4719.
Rapport de Mme Sylvie Châtelain (S), commission de l'environnement et de l'agriculture
PL 6768-A
Projet de loi de Mmes et MM. Hervé Burdet, Erica Deuber-Pauli, Maurice Giromini, Yves Meylan, Martine Roset et Claire Torracinta-Pache sur la conservation de la nature et la protection des biotopes par l'encouragement à la culture biologique et les contrats d'exploitation (M 8 17). ( -) PL6768
 Mémorial 1991 : Projet, 6085. Commission, 6100.
Rapport de Mme Sylvie Châtelain (S), commission de l'environnement et de l'agriculture
PL 7239
b) Projet de loi visant à encourager l'implantation, la sauvegarde et l'entretien de surfaces de compensation écologique (M 8 19). ( )PL7239

5. a) Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier les objets suivants :

En date du 8 novembre 1991, le Grand Conseil renvoyait pour étude le projet de loi 6754 à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Quelques semaines plus tard, le 20 décembre 1991, il lui transmettait également le projet de loi 6768, qui abordait le même sujet. La commission a donc depuis le début traité ces deux projets de manière conjointe.

La commission de l'environnement et de l'agriculture a consacré 18 séances, entre le 7 avril 1992 et le 6 avril 1995, à l'examen approfondi des deux projets de loi. Sous les présidences successives de MM. Hervé Burdet et Roger Beer, Mme Sylvie Châtelain et enfin M. Luc Barthassat, la commission a vu ses travaux se dérouler à cheval sur deux législatures, avec le transfert du service de l'agriculture du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales à celui de l'économie publique.

De nombreux représentants des deux départements ont donc prêté leur concours au travail de la commission, à savoir MM. Claude Haegi et Jean-Philippe Maitre, conseillers d'Etat, MM. René Delacuisine et Jean-Pierre Viani, directeur et directeur adjoint du service de l'agriculture, M. Eric Matthey, inspecteur cantonal du service des forêts, de la faune et de la protection de la nature, et Mme Anne-Catherine Desprez, chef du service de la protection de la nature et des paysages, Mmes Claude-Janik Sollberger et Catherine Rosset, secrétaires adjointes au DIER et au DEP, et enfin M. Jean-Michel Masherpa, direction de l'environnement.

I. Présentation des projets de loi

1. Projet de loi instituant des contributions pour des prestations de caractère écologique dans l'agriculture(PL 6754, annexe I)

Le projet de loi 6754 a été présenté au Grand Conseil lors de sa séance du 8 novembre 1991. Il est le fruit d'une étude conduite par la Chambre genevoise d'agriculture (CGA) et l'Association genevoise pour la protection de la nature (AGPN). Ces deux organisations souhaitaient, en effet, concrétiser le projet d'ordonnance fédérale concernant les prestations agricoles de caractère écologique.

Le but de ce projet de loi est donc d'encourager, par une indemnisation, la création et la sauvegarde de zones tampons le long de surfaces naturelles existantes, telles que haies, cours d'eau, lisières et autres biotopes. Le suivi de la valeur naturelle botanique et faunistique doit également être assuré. La réalisation de ces objectifs repose sur la base de contrats volontaires, conclus avec des exploitants agricoles et fixant les mesures à prendre.

A l'issue du débat de préconsultation, le projet de loi 6754 était renvoyé en commission. Un autre projet, abordant le sujet d'une manière plus globale, était annoncé par quelques députés pour une séance ultérieure. Une étude était également en cours au sein du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales.

2. Projet de loi sur la conservation de la nature et la protection des biotopes par l'encouragement à la culture biologique et les contrats d'exploitation(PL 6768, annexe II)

Le projet de loi 6768, basé sur une réflexion conduite par le WWF, a été présenté au Grand Conseil lors de sa séance du 20 décembre 1991.

Le but de ce projet de loi est, par le biais de subventions, de favoriser le maintien au sein de la zone agricole des biotopes naturels existants, ainsi que le réaménagement des milieux supprimés. Il permet, d'autre part, de rendre certaines surfaces à une agriculture plus respectueuse de la terre et de l'environnement, en limitant l'emploi de fertilisants et de pesticides. Comme le projet de loi précédent, il repose sur la base de contrats librement consentis par les exploitants agricoles.

A l'issue du débat de préconsultation, le Grand Conseil renvoyait également le projet de loi 6768 en commission.

II. Travaux de la commission : 1992 - 1993

1. Première discussion

La commission de l'environnement et de l'agriculture, qui venait d'être constituée, s'est vue confier l'étude des projets de loi 6754 et 6768. Elle met d'emblée en évidence les objectifs poursuivis par les deux projets.

Le projet de loi 6754 propose le maintien ou la création de zones tampons le long ou autour de biotopes existants, tels que haies, cours d'eau, lisières ou autres surfaces naturelles.

Le projet de loi 6768 propose le maintien de surfaces naturelles ou le réaménagement de biotopes disparus. Il intervient également sur le mode de production - recours à des techniques agrobiologiques extensives ou limitant l'utilisation de fertilisants et de pesticides - de manière à conserver la qualité des sols.

Les deux projets se basent, pour leur concrétisation, sur le versement d'indemnités à des exploitants agricoles qui, d'une manière volontaire, se seront engagés à prendre un certain nombre de mesures définies dans d'un contrat d'exploitation.

La commission décide de traiter ces projets en parallèle, avec également celui que le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales a préparé. Afin de faciliter le travail des commissaires, le département a élaboré un document comparatif de synthèse sur les différents textes. La commission souhaite aussi être tenue au courant des dispositions fédérales prévues en la matière, de manière à disposer de tous les éléments nécessaires à l'étude des projets.

L'ordonnance fédérale du 2 décembre 1991 sur l'orientation de la production végétale et l'exploitation extensive est présentée à la commission. Cette ordonnance vise à orienter la production agricole par l'octroi de contributions. Elle traite notamment des primes de culture, de l'abandon de l'exploitation des terres assolées visant à limiter les surfaces céréalières (jachères vertes et surfaces de compensations écologiques) et de l'utilisation extensive de la surface agricole utile (céréales et prairies extensives).

Par ailleurs, d'autres contributions sont à l'étude au niveau fédéral et seront introduites dès 1993, par le biais d'une nouvelle ordonnance.

2. Audition du WWF section de Genève (World Wildlife Fund)

Les représentants du WWF tiennent à apporter leur soutient au projet de loi 6768 qui répond parfaitement aux exigences minimales qu'il convient d'introduire pour une meilleure protection des terres agricoles et de la campagne genevoise. Ils soulignent que ce projet n'est pas un gadget de protection de l'environnement, mais qu'il met en place un excellent outil fondé sur l'incitation et la collaboration volontaire entre les agriculteurs et l'Etat.

Un tel projet de loi répond à un véritable besoin en matière de protection des biotopes naturels et de lutte contre la pollution des terres agricoles et des eaux de surface ou souterraines. Le but visé est d'inciter les agriculteurs à s'associer à la protection de l'environnement, par le biais de pertes ponctuelles de productivité, en contre-partie de compensations financières. Il s'agit donc d'offrir au départ la gamme la plus large possible de prestations écologiques valant dédommagement financier, quitte à sélectionner ensuite les propositions les plus intéressantes du point de vue environnemental.

3. Audition de la CGA (Chambre genevoise d'agriculture)et de l'AGPN (Association genevoise pour la protection de la nature)

La CGA a des contacts réguliers avec l'AGPN et c'est donc en collaboration qu'elles ont élaboré le projet de loi 6754. Ce projet prévoit le maintient et la création de zones tampons, ainsi que leur suivi écologique. Il est basé sur le volontariat des agriculteurs et une commission consultative est prévue pour évaluer les propositions.

Les représentants de l'AGPN relèvent l'importance de désenclaver les réserves naturelles. Les zones tampons permettront de relier entre eux les différents milieux.

4. Audition de l'Association des propriétaires des domaines ruraux

Les représentants de ce groupement sont plutôt opposés aux projets de loi en question. Ils s'inquiètent des règlements, contrôles et formalités supplémentaires que leur mise en place entraînera.

Ils ne croient par ailleurs pas que les projets de loi permettront d'atteindre le but recherché. L'expérience leur a démontré que les terres non cultivées sont envahies par les promeneurs, qui les dégradent rapidement.

Enfin, selon eux, les contributions envisagées sont inférieures aux revenus des agriculteurs.

5. Evaluation intermédiaire des projets de loi

Les membres de la commission de l'environnement et de l'agriculture, après l'audition des divers milieux concernés, estiment qu'il est indispensable, dans un premier temps, d'attendre l'introduction des nouvelles ordonnances fédérales prévues en la matière.

Dans un second temps, il deviendra alors possible d'évaluer, en collaboration avec les auteurs des projets, s'il est nécessaire d'introduire au niveau cantonal des compléments aux dispositions fédérales.

III. Travaux de la commission : 1994 - 1995

1. Ordonnance fédérale instituant des contributions pour des prestations écologiques particulières dans l'agriculture,du 26 avril 1993, modifiée le 26 janvier 1994 et le 15 février 1995(OCEco, annexe III)

La loi fédérale sur l'agriculture, modifiée le 9 octobre 1992 (notamment article 31b), fixe un cadre général visant à limiter la production agricole tout en assurant aux exploitants qui renoncent à une production intensive, des revenus comparables à ceux de l'agriculture traditionnelle. Ce but est atteint en instituant des contributions pour des prestations écologiques particulières dans l'agriculture, dont les principes sont définis dans la nouvelle ordonnance fédérale.

La Confédération accorde donc, sur demande, des contributions aux exploitants pour les compensations écologiques, la production intégrée, la culture biologique et la détention contrôlée d'animaux de rente en plein air. Les compensations écologiques comprennent les prairies extensives, surfaces à litière, haies et bosquets champêtres, les prairies extensives sur terres assolées gelées, les jachères florales, les prairies peu intensives et les arbres fruitiers haute-tige.

Une large place est ainsi accordée au mode de production - production intégrée ou culture biologique. En ce qui concerne les compensations écologiques, les dispositions s'appliquent à l'ensemble du territoire suisse et ne tiennent donc absolument pas compte des spécificités locales. Pour prendre un exemple, les compensations écologiques d'une surface inférieure à 500 m2, ce qui est fréquent dans notre canton, ne sont pas prises en considération pour l'octroi de contributions dans les dispositions fédérales.

Contributions versées pour le canton de Genève (selon art. 31 B)

1993 (année d'introduction) 1 191 000  F

1994 1 912 000  F

Détail 1994 selon le type de mesure:

1) compensation écologique 663 000  F

2) production intégrée 1 207 000  F

3) culture biologique 29 000  F

4) garde d'animaux en plein air 13 000  F

2. Audition de l'AGPN, de la CGA et du WWF

De l'avis unanime de ces trois organismes, la législation fédérale met en place des dispositions générales intéressantes, mais pas forcément adaptées à certaines conditions particulières de notre canton. Il est donc indispensable de prévoir des mesures spécifiques dans une loi cantonale, soit en complément aux dispositions fédérales, soit pour les cas non prévus par ces mêmes dispositions.

Les propositions suivantes sont données à titre d'exemple:

• contributions pour l'installation de jachères non ensemencées favorables à la faune (perdrix, rapaces, passereaux, insectes); l'ordonnance fédérale prévoit l'ensemencement obligatoire des jachères;

• contributions pour des zones labourées sans cultures; cette possibilité n'est pas envisagée au niveau fédéral, mais présente un grand intérêt pour l'avifaune migratrice (p.ex. zone des marais de Sionnet);

• financement pour la plantation de haies (non prévu au niveau fédéral) dans le cadre de la reconstitution de réseaux écologiques;

• contributions pour des compensations écologiques de surfaces trop restreintes pour rentrer dans le cadre de l'ordonnance fédérale.

De plus, les tailles minimales imposées pour les surfaces de compensation écologique défavorisent la mise en place de structures linéaires (réseaux écologiques). La durée de l'engagement fixée à 6 ans, dans le cas des jachères florales, n'est pas favorable aux plantes pionnières qui sont souvent des espèces menacées. Enfin, les dates de fauche prévues dès le 15 juin sont trop précoces pour assurer la reproduction de la faune au sol; il serait souhaitable de ne pas faucher avant le 15 juillet.

Il ne faudrait par ailleurs pas négliger d'informer le public sur les prestations environnementales de l'agriculture, afin d'éviter la dégradation des nouveaux espaces naturels. Un suivi scientifique devrait être assuré, afin de pouvoir juger l'utilité des mesures prises.

3. Synthèse des propositions et audition du Pool Agri-nature

A ce stade de son étude, la commission de l'environnement et de l'agriculture est convaincue de la nécessité de rédiger un nouveau projet, qui tienne compte des modifications intervenues au sein de la législation fédérale depuis le dépôt des projets de loi 6754 et 6768, ainsi que des spécificités genevoises.

Pour l'aider dans ce travail, la commission souhaite pouvoir disposer des informations suivantes: liste des mesures à envisager pour notre canton, évaluation des surfaces concernées, estimation des coûts. Dans ce but, elle décide de solliciter la collaboration du Pool Agri-Nature, qui pourra lui fournir les renseignements recherchés.

Le Pool Agri-Nature est un groupement d'intérêts constitué en février 1994, destiné à coordonner et superviser l'ensemble des activités agro-environnementales proposées par des collectivités publiques et des organisations privées au secteur agricole du canton de Genève. Il regroupe les organisations suivantes: la Production intégrée genevoise (PIGE), la Chambre genevoise d'agriculture (CGA), l'Association genevoise des centres d'études techniques agricoles (AGCETA), l'Association genevoise pour la protection de la nature (AGPN), ainsi que le Service de l'agriculture de la république et canton de Genève.

En mai 1994, un premier document du Pool Agri-Nature est remis à la commission (annexe IV). Il propose toute une série de mesures pouvant être prise en compte pour l'élaboration d'un projet cantonal. En octobre 1994, un second document est adressé à la commission (annexe V), comprenant une évaluation des surfaces touchées par les propositions, ainsi qu'une estimation du coût du projet (entre 250 000 F et 450 000 F par an, selon les subventions fédérales).

4. Naissance d'un nouveau projet de loi

A l'instigation de quelques députés et en collaboration avec le Pool Agri-Nature, un projet de loi actualisé est élaboré, afin de permettre à la commission de poursuivre ses travaux.

Ce texte reprend les intentions contenues dans les projets de loi initiaux (PL 6754 et 6768), à l'exception de ce qui concerne le mode de production (production intégrée et culture biologique), puisque cet aspect est largement pris en compte par les nouvelles dispositions fédérales.

Le nouveau projet fixe volontairement un cadre très général, de telle sorte qu'il reste adapté après des modifications éventuelles de la législation fédérale ou en fonction de l'évolution des besoins. Les dispositions précises, telles que la nature des compensations écologiques, leur surface, le montant des contributions, devront être définies dans un règlement d'application en tenant compte des propositions formulées par le Pool Agri-Nature (annexes IV et V).

PROJET DE LOI visant à encourager l'implantation, la sauvegardeet l'entretien de surfaces de compensation écologique(M 8 19)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1

But

La présente loi a pour but d'encourager l'implantation, la sauvegarde et l'entretien de surfaces de compensation écologique.

Art. 2

Définition

Par surface de compensation écologique, on entend les surfaces proches de l'état naturel, présentant un intérêt écologique marqué.

Art. 3

Champ d'application

1 Les dispositions de la présente loi s'appliquent à l'ensemble de l'aire agricole genevoise.

2 Demeurent réservées les dispositions du droit fédéral.

Art. 4

Moyens

L'Etat concourt à la réalisation du but visé par la présente loi par l'octroi de contributions pour prestations de caractère écologique.

CHAPITRE II

Contributions

Art. 5

Octroi

L'octroi de contributions est subordonné à la conclusion d'une convention entre le département de l'économie publique, ci-après département, et l'exploitant, où sont fixés les droits et obligations respectifs des parties.

Art. 6

Convention

La convention porte notamment sur les points suivants:

a) délimitation de la surface de compensation écologique;

b) mesures d'implantation, de sauvegarde et d'entretien à prendre;

c) modes et restrictions d'exploitation;

d) montant de la contribution;

e) modalités de versement de la contribution;

f) durée de la convention.

Art. 7

Bénéficiaire des contributions

1 Le bénéficiaire des contributions est l'exploitant du bien-fonds comprenant la surface de compensation écologique.

2 Le propriétaire du bien-fonds doit en principe ratifier la convention lorsqu'il n'est pas lui-même l'exploitant.

Art. 8

Contributions

1 Le règlement détermine le mode de calcul des contributions en fonction, notamment, de la superficie et de la nature de la surface de compensation écologique, de son rendement potentiel, ainsi que des mesures à prendre.

2 Ces contributions sont complémentaires à celles prévues par les dispositions fédérales ou concernent des prestations écologiques non comprises dans ces mêmes dispositions.

Art. 9

Financement

1 Les contributions sont financées par le canton et les communes; la part communale est fixée à 20% au minimum.

2 Le département est chargé d'entreprendre les démarches nécessaires pour l'obtention de subventions de la part de la Confédération.

CHAPITRE III

Mise en oeuvre

Art. 10

Autorité décisionnelle

1 Le département est chargé de l'application de la présente loi et de son règlement.

2 Il veille à la coordination des interventions des services concernés.

Art. 11

Commission consultative

1 Une commission consultative assiste le département dans l'application des tâches relevant de l'application de la présente loi.

2 Elle évalue les projets, émet des préavis et des propositions et contrôle l'application des mesures.

3 Elle est nommée au début de chaque législature par le Conseil d'Etat et comprend 6 membres:

a) un représentant du département de l'économie publique;

b) un représentant du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales;

c) deux représentants des milieux agricoles;

d) deux représentants des milieux de protection de la nature;

Art. 12

Procédure

1 Le département sollicite le préavis de la commission avant de rendre ses décisions.

2 La commission examine les demandes de contributions présentées par les exploitants et en apprécie le bien-fondé.

3 Elle prend, au besoin, l'initiative des pourparlers nécessaires à la conclusion de conventions.

4 Elle dresse progressivement un inventaire des surfaces affectées aux compensations écologiques.

Art. 13

Surveillance

Le département veille au respect des conventions.

CHAPITRE IV

Sanctions et contentieux

Art. 14

Sanctions

1 Si l'exploitant viole les obligations fixées par la convention, il n'a pas droit à tout ou partie des contributions octroyées et le département peut exiger, le cas échéant, leur rétrocession intégrale ou partielle.

2 Le département peut également procéder ou faire procéder à l'exécution d'office des obligations non respectées, aux frais de l'exploitant défaillant.

Art. 15

Contentieux

Sans préjudice de ses compétences en matière d'action pécuniaire, le Tribunal administratif connaît des recours interjetés contre les décisions prises par le département, en application de la présente loi et de ses dispositions d'exécution.

CHAPITRE V

Dispositions finales

Art. 16

Dispositions d'application

Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'application de la présente loi.

Art. 17

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 18

Modification à une autre loi

(E 3,5 1)

La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit:

Art.8, 77° (nouveau)

Décisions du département de l'économie publique en application de la loi visant à encourager l'implantation, la sauvegarde et l'entretien de surfaces de compensation écologique (M 8 19, article 14).

5.  Audition de l'Association des communes genevoises (ACG)

Les représentants de l'Association des communes genevoises, bien qu'accueillant favorablement les objectifs fixés dans le projet de loi, ont le sentiment qu'un transfert de charges va à nouveau être opéré vers les communes. Ils estiment que les buts poursuivis sont d'intérêt général et que le financement doit être trouvé au niveau cantonal.

L'Association des communes genevoises transmet donc à la commission un préavis négatif quant à une éventuelle participation financière des communes.

6. Audition de l'Association suisse pour la production intégrée (ASPI)

Les contributions fédérales concernant la production intégrée sont accordées en fonction d'un cahier des charges que l'exploitant s'engage à respecter. Une couverture maximum des sols (par rotation des cultures) doit être assurée afin d'éviter le lessivage des nitrates. L'utilisation d'engrais, de pesticides et autres produits est réglementée. Enfin, l'exploitant doit affecter à des compensations écologiques, 5% des surfaces donnant droit aux contributions.

7. Audition de la commission consultative de la faune

La commission consultative de la faune a donné un préavis favorable au nouveau projet de loi à l'unanimité, moins une abstention. Elle insiste sur l'intérêt de faire aboutir un tel projet, qui constitue un complément indispensable à la législation fédérale, et souhaite être associée à l'élaboration de son règlement d'application. Elle souligne, enfin, la nécessité d'assurer un suivi qualitatif des prestations écologiques qui seront mises en place.

Quelques propositions de modifications au projet de loi sont ensuite présentées. Elles sont reprises dans le chapitre suivant.

IV Discussion article par article

La commission de l'environnement et de l'agriculture vote l'entrée en matière à l'unanimité. La discussion article par article est effectuée sur la base du projet de loi figurant aux pages 9 et suivantes du présent rapport.

Titre

La commission consultative de la faune suggère de parler de prestations écologiques dans l'agriculture, plutôt que de surfaces de compensation écologique. Le département de l'économie publique préfère conserver la formulation initiale, qui correspond aux termes utilisés dans la législation fédérale.

Le titre inchangé est adopté à l'unanimité.

Article 1

La commission consultative de la faune propose de dire que la présente loi a pour but d'encourager les prestations écologiques en agriculture et d'en assurer un développement cohérent selon les qualités naturelles du territoire. Il semble cependant difficile de pouvoir définir les qualités naturelles du territoire; quels critères devraient être utilisés pour cela? Les commissaires préfèrent donc conserver l'article 1, sans le modifier.

L'article 1 inchangé est adopté à l'unanimité.

Article 2

Certains commissaires s'interrogent sur la notion d'intérêt écologique marqué. L'idée est de ne pas forcément accorder des contributions d'une manière automatique, comme cela est prévu au niveau fédéral, mais de pouvoir privilégier l'aspect qualitatif des prestations.

L'article 2 est adopté à l'unanimité.

Article 3

L'article 3 est adopté à l'unanimité.

Article 4

Le département souhaite insister sur la complémentarité des contributions cantonales au regard des subventions fédérales. Il suggère la formulation suivante, qui permet en outre de préciser que le financement est assuré au travers du budget: Indépendamment des éventuelles subventions fédérales, l'Etat concourt à la réalisation du but visé par la présente loi, à concurrence du montant porté annuellement au budget pour l'octroi de contributions pour des surfaces de compensation écologique (ci-après, contributions).

L'article 4 ainsi amendé est adopté à l'unanimité.

Article 5

Le département propose que le service de l'agriculture soit l'autorité compétente pour conclure les conventions avec les exploitants. Le département deviendrait ainsi l'instance de recours en cas de litige. Les modifications suivantes sont donc proposées.

1 La demande de contributions fait l'objet d'une requête de l'exploitant au service de l'agriculture (ci-après, le service)

2 L'octroi de contributions est subordonné à la conclusion d'une convention entre le service et l'exploitant, où sont fixés les droits et obligations respectifs des parties.

3 Les mesures de compensation écologique faisant l'objet de la convention doivent être approuvées par le propriétaire du bien-fonds, lorsque celui-ci n'en est pas l'exploitant.

La notion contenue dans le troisième alinéa figurait dans l'article 7, alinéa 2, où il sera supprimé.

L'article 5 ainsi amendé est adopté à l'unanimité.

Article 6

La commission consultative de la faune souhaitait indiquer sous la lettre b: mesures d'implantation, d'amélioration et d'entretien à prendre. Le texte initial est préféré.

L'article 6 inchangé est adopté à l'unanimité.

Article 7

Le deuxième alinéa est supprimé, puisqu'il figure dans l'article 5.

L'article 7 ainsi modifié est adopté à l'unanimité.

Article 8

Dans le premier alinéa, le terme surface est supprimé, car il prête à confusion avec la notion de superficie exprimée dans la même phrase. Pour le deuxième alinéa, la commission consultative de la faune propose la formulation suivante, plus claire, qui est acceptée:

2 Ces contributions sont soit complémentaires à celles octroyées selon les dispositions fédérales, soit concernent des prestations écologiques non comprises dans ces mêmes dispositions.

L'article 8 ainsi amendé est adopté à l'unanimité.

Article 9

Cet article est supprimé. En effet, le premier alinéa prévoyait une participation financière des communes, que ces dernières refusent. Le département préfère renoncer à cette participation et envisager que les communes puissent se charger du contrôle auprès des exploitants, comme elles le font pour les prestations fédérales. Le contenu du deuxième alinéa, quant à lui, figure déjà dans l'article 4.

Article 10 (qui devient l'art. 9)

Le département propose un éclaircissement de cet article, qui devient: Le Conseil d'Etat est chargé de prendre les dispositions réglementaires nécessaires.

Ainsi modifié, cet article est adopté à l'unanimité.

Articles 11 et 12 (qui deviennent l'art.10)

La prise des décisions et leur application ne sont pas du ressort d'une commission consultative, mais de l'administration. Le département propose donc de regrouper les articles 11 et 12 et de mieux cerner les compétences de la commission consultative. Par ailleurs, la proposition de la commission consultative de la faune d'assurer le suivi des prestations écologiques est retenue et figure sous le chiffre 4.

1 Une commission consultative assiste le service dans l'application des tâches relevant de la loi.

2 Elle lui donne les préavis qu'il sollicite à propos des requêtes dont il est saisi.

3 Elle lui fait part de toutes propositions utiles pour l'application de la loi.

4 Elle procède régulièrement à une évaluation d'ensemble de l'application de la loi et lui fait rapport à ce propos.

5 Elle est nommée au début de chaque législature par le Conseil d'Etat et comprend 6 membres:

a) un représentant du département chargé de l'agriculture (ci-après, le département);

b) un représentant du département chargé de l'environnement;

c) deux représentants des milieux agricoles, sur proposition de la Chambre genevoise d'agriculture;

d) deux représentants des milieux de protection de la nature, sur proposition des organisations concernées.

Ainsi formulé, l'article est adopté à l'unanimité.

Article 13 (qui devient l'art.11)

Comme expliqué à l'article 5, le service de l'agriculture est l'autorité compétente pour conclure les conventions. Les commissaires estiment qu'il en va de même pour veiller au respect de celles-ci, le département demeurant l'instance de recours en cas de litige (cf. articles suivants). Le département propose, par ailleurs l'adjonction d'un deuxième alinéa visant à pouvoir déléguer certaines tâches de contrôle aux communes, ce qui rejoint une suggestion de la commission consultative de la faune.

1 Le service veille au respect des conventions.

2 Il peut déléguer certaines tâches de contrôle aux offices communaux de culture des champs.

L'article ainsi amendé est adopté à l'unanimité.

Article 14 (qui devient l'art.12)

Le département suggère une formulation plus claire de cet article:

1  L'exploitant qui, malgré une mise en demeure restée sans effet, viole les obligations fixées par la convention, perd son droit à tout ou partie des contributions octroyées.

2 Le remboursement des contributions versées est alors exigé par le service.

3 Après une mise en demeure restée sans effet, le service peut faire procéder à l'exécution d'office des obligations non respectées, aux frais de l'exploitant défaillant.

Cet article, avec les modifications, est adopté à l'unanimité.

Article 15 (qui devient l'art. 13)

Comme les montants en jeu sont de peu d'importance, il est préférable que l'autorité de recours soit le département, plutôt que le Tribunal administratif. Dans ce sens, le département propose la rédaction suivante: Les litiges intervenant entre l'exploitant et le service sur le contenu de la convention, son exécution ainsi que les droits et obligations respectifs des parties, peuvent faire l'objet d'une réclamation dans les 10 jours auprès du chef du département.

Ainsi formulé, l'article est adopté à l'unanimité.

Article 16

Cet article est supprimé, puisque son contenu figure dans le nouvel article 9.

Article 17 (qui devient l'art 14)

Cet article est adopté à l'unanimité.

Article 18

Vu le nouvel article 12, celui-ci n'a plus de raisons d'être et est supprimé.

Article nouveau (art. 15)

Les commissaires trouveraient intéressant d'être informé des effets de cette loi après quelques années d'application. Un nouvel article est rédigé dans ce sens: Cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Conseil d'Etat procédera à l'évaluation de ses effets et en fera rapport au Grand Conseil.

Ce nouvel article est adopté à l'unanimité.

Finalement, le projet de loi dans son ensemble est adopté à l'unanimité par la commission de l'environnement et de l'agriculture.

V. Conclusions

Après plus de trois ans de travaux, la commission de l'environnement et de l'agriculture peut enfin apporter une réponse concrète aux projets de loi 6754 et 6768. Le nouveau texte qu'elle soumet à l'approbation du Grand Conseil reprend, en effet, l'essentiel des préoccupations contenues dans les projets initiaux. Il tient compte en plus des modifications apparues entre-temps dans la législation fédérale, ainsi que des aspects spécifiques à notre canton.

Le chef du département de l'économie publique soutient d'ailleurs pleinement les objectifs poursuivis par le projet de loi. Il s'est également engagé à prévoir les montants nécessaires à son application dans le budget de fonctionnement, et ceci dès 1996.

C'est donc à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, que la commission de l'environnement et de l'agriculture vous recommande d'approuver le projet de loi 7239 en guise de réponse aux projets de loi 6754 et 6768.

Liste des annexes

Annexe I

PL 6754, instituant des contributions pour des prestations de caractère écologique dans l'agriculture (M 8 15).

Annexe II

PL 6768, sur la conservation de la nature et la protection des biotopes par l'encouragement à la culture biologique et les contrats d'exploitation.

Annexe III

Contributions pour prestations écologiques particulières dans l'agriculture: tableau récapitulatif de l'ordonnance fédérale du 26 avril 1993, modifiée le 26 janvier 1994 et le 15 février 1995.

Annexe IV

Propositions du Pool Agri-nature concernant les prestations écologiques dans le canton de Genève.

Annexe V

Estimation des surfaces et des coûts concernant les propositions du Pool Agri-nature.

ANNEXE I

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de M. Charles Bosson

Dépôt: 11 octobre 1991

PL 6754

PROJET DE LOI

instituant des contributions pour des prestations de caractère écologique dans l'agriculture

(M 8 15)

LE GRAND CONSEIL

vu l'article 18 c de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, du 1er juillet 1966;

vu les articles 20, 20 a et suivants de la loi fédérale sur l'agriculture, du 3 octobre 1951,

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1

But

1 La présente loi a pour but d'encourager, par une indemnisation, la création et la sauvegarde de zones tampons le long des haies et des cours d'eau, ainsi que celles créées en pourtour des biotopes inventoriés en application des ordonnances fédérales.

2 Elle encourage le suivi de la valeur naturelle botanique et faunistique.

Art. 2

Champ d'application

1 Les dispositions de la présente loi s'appliquent à l'ensemble de l'aire agricole genevoise.

2 Demeurent réservées les dispositions du droit fédéral ou cantonal relatives à la protection de la nature et à la faune.

Art. 3

Droit à la contribution

Peut prétendre à une indemnisation, l'exploitant dont le bien-fonds est en tout ou partie digne de protection et qui s'engage, par voie contractuelle, à l'exploiter de façon appropriée.

Art.4

Contrat d'exploitation

1 Le contrat d'exploitation fixe notamment la nature et l'étendue du bien-fonds ou de l'objet à protéger, les mesures de protection, les charges et les restrictions d'exploitation et le montant de l'indemnité.

2 Le contrat dure 6 ans au minimum, sous réserve des dispositions du bail à ferme existant.

CHAPITRE II

Autorités

Art. 5

Délégation de compétence; organe exécutant

1 Le Conseil d'Etat désigne une organisation agricole d'importance cantonale (ci-après organe exécutant), habilitée à conclure les contrats d'exploitation volontaires.

2 L'organe exécutant tient à jour le répertoire des surfaces objet d'un contrat; il le communique au département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales (ci-après département).

Art. 6

Application et surveillance

1 Le département est chargé de l'application de la présente loi et de son règlement.

2 Il surveille l'activité de l'organe exécutant.

3 Il veille à l'exécution du suivi écologique.

Art. 7

Commission consultative

1 Une commission consultative, nommée par le Conseil d'Etat, donne son avis sur les objets prioritaires pouvant bénéficier d'un contrat, en fonction de leur importance écologique.

Compétences

2 Spontanément ou sur requête des autorités ou de l'organe exécutant, elle donne son avis sur toute question relative à l'application de la présente loi et de son règlement.

Art. 8

Composition

1 La commission comprend des représentants de l'organe exécutant, des services concernés de l'Etat et des milieux intéressés.

2 Le règlement définit pour le surplus sa composition et le nombre de ses membres.

CHAPITRE III

Financement

Art. 9

Financement

1 Le financement est assuré par la Confédération et par le canton.

2 Le budget annuel de l'Etat prévoit les sommes nécessaires pour honorer les contrats signés et ceux à établir.

Art. 10

Indemnités

1 L'indemnité est fixée en fonction de la surface du bien-fonds, de son rendement potentiel et des frais d'entretien.

2 Le règlement précise le montant et le mode de calcul des indemnités.

Art. 11

Paiement et remboursement

1 Sur la base des contrats qui lui sont transmis par l'organe exécutant, le département verse les indemnités.

2 Sur indication de l'organe exécutant, il exige le remboursement des indemnités indûment perçues.

CHAPITRE IV

Voies de droit et dispositions d'exécution

Art. 12

Différend

Lorsque, à l'issue des pourparlers entre l'exploitant et l'organe exécutant, un désaccord subsiste au sujet de la conclusion du contrat ou de l'une ou l'autre de ses clauses, le différend est porté devant le département.

Art. 13

Respect des contrats

1 L'organe exécutant veille au respect des contrats d'exploitation.

2 Il propose au département la résiliation du contrat lorsque l'exploitant n'en respecte pas les dispositions.

Art. 14

Décision du département

Dans les cas prévus aux articles 12 et 13, le département rend une décision après avoir entendu les parties; il prend l'avis de la commission consultative.

Art. 15

Recours

Les décisions rendues par le département en application de la présente loi sont susceptibles de recours.

Art. 16

Règlement d'exécution

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'exécution de la présente loi.

Art. 17

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

ANNEXE II

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes Erica Deuber-Pauli, Martine Roset, Claire Torracinta-Pache et MM Hervé Burdet, Maurice Giromini et Yves Meylan

Dépôt: 29 novembre 1991

PL 6768

PROJET DE LOI

sur la conservation de la nature et la protection des biotopes par l'encouragement à la culture biologique et les contrats d'exploitation

(M 8 17)

LE GRAND CONSEIL

vu la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, du 1er juillet 1966;

vu la loi fédérale instituant des contributions à l'exploitation agricole du sol dans des conditions difficiles, du 14 décembre 1979;

vu la loi cantonale sur la faune, du 14 mars 1975,

Décrète ce qui suit:

Article 1

But

1 La présente loi a pour but de contribuer à la création et au maintien sur le territoire du canton de Genève de biotopes naturels variés.

2 Elle vise également à réduire la charge polluante des eaux et des sols voués à une exploitation agricole en favorisant des méthodes agrobiologiques limitant l'emploi de fertilisants et de pesticides.

Art. 2

Maintien des biotopes protégés

1 Le Conseil d'Etat établit, en collaboration avec les organisations de protection de la nature, une liste des biotopes à protéger.

2 Dans ces zones, ainsi que dans leurs abords immédiats, le recours à des méthodes de culture biologique est encouragé, au besoin par l'octroi de subventions.

3 Lorsque cette protection peut être favorisée par un subventionnement de la Confédération, soit dans le cadre de la protection des biotopes, soit au titre de l'exploitation agricole des sols dans des conditions difficiles, celui-ci sera complété par le canton dans une proportion de 30 à 50% de la somme allouée.

Art. 3

Recréation de biotopes protégés

1 L'Etat encourage la recréation de biotopes naturels variés en zone agricole, tels que haies, bosquets champêtres, rives boisées, prairies maigres et autres, en particulier lorsque la mesure envisagée s'inscrit dans le développement ou la revitalisation d'un réseau biologique.

2 A cette fin, des subventions peuvent être accordées aux agriculteurs qui s'engagent à accepter les conditions prévues à l'article 5.

Art. 4

Culture biologique

1 L'Etat favorise le recours à des techniques agrobiologiques extensives ou qui limitent l'utilisation de fertilisants et de pesticides et permettant la conservation de la qualité des sols.

2 A cette fin, des subventions peuvent être octroyées aux agriculteurs qui s'engagent à accepter les conditions prévues à l'article 5.

3 Un enseignement des techniques agrobiologiques est garanti dans les établissements scolaires destinés aux agriculteurs, jardiniers ou horticulteurs du canton. Le Conseil d'Etat s'efforce en outre d'assurer la présence d'un tel enseignement dans les autres établissements du même type auxquels il verse des contributions financières.

Art. 5

Contrat d'exploitation

1 Les exploitants agricoles et les propriétaires qui souhaitent être mis au bénéfice des subventions prévues par la présente loi concluent avec l'Etat un contrat d'exploitation fixant les conditions d'octroi et le montant des subventions.

2 Ces conditions, de même que le montant des subventions doivent être de nature à garantir la préservation, l'entretien et la recréation des biotopes à protéger et à permettre une diminution de la charge polluante des zones cultivées et de leur voisinage immédiat.

3 Le Conseil d'Etat fixe dans un règlement les conditions cadre pour la conclusion de tels contrats, notamment les types d'exploitation admissibles et les taux de subvention prévus.

4 Le contrat d'exploitation peut être dénoncé lorsque:

a) l'exploitant ou le propriétaire ne respecte pas les conditions posées par le contrat;

b) les conditions d'exploitation ont été modifiées dans une mesure qui exclut la poursuite de l'exploitation prévue.

Art. 6

Litiges

Les litiges relatifs à la réalisation du contrat d'exploitation sont portés devant le Tribunal administratif.

Art. 7

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

ANNEXE III

CONTRIBUTIONS POUR PRESTATIONS ECOLOGIQUES PARTICULIERESDANS L'AGRICULTURE

(15 février 1995)

Conditions pour le droit à la contribution:

• Présentation d'une demande;

• Domicile de droit civil en Suisse;

• Exploitant gérant pour son compte et à ses risques et périls une entreprise agricole d'au moins 3 ha de SAU imputable (propriété ou affermage); sont imputés:

∗ Les animaux estivés à raison de 0,3 are par UGB et par jour;

∗ Les cultures spéciales (vigne, cultures fruitières, petits fruits, légumes sauf légumes de conserve, plantes médicinales et aromatiques) avec le double de la surface;

• Respect des dispositions concernant la protection des eaux et des animaux;

• Pour 1.2 et 1.4: 50% au moins des travaux qu'exige l'exploitation sont effectués par la main-d'oeuvre propre à l'entreprise.

N'ont pas droit à la contribution les exploitations:

• dont le nombre d'animaux dépasse celui prévu dans l'ordonnance fixant les effectifs maximums pour la production de viande et d'oeufs;

• qui occupent toute l'année plus de 7 unités de main-d'oeuvre à des tâches agricoles, ou plus de 12 pour les exploitations pratiquant des cultures spéciales;

• que la Confédération, les cantons ou les communes gèrent pour leur compte et à leurs risques et périls.

Limite de la contribution:

Ne donnent droit qu'à 50% de la contribution:

• les surfaces exploitées par tradition en zone limitrophe étrangère pour la PI et la culture biologique;

• la surface des pâturages attenants à la ferme et des autres pâturages.

Les contributions pour la compensation écologique, la production intégrée et la culture biologique sont versées pour un maximum de 50 ha par exploitation et par type de prestation.

N'ont pas droit à la contribution les surfaces:

• hors de la SAU;

• que l'exploitant ne détient ni en propriété ni en affermage;

• appartenant à la zone délimitée de routes publiques et de lignes de chemin de fer;

• dont l'affectation principale n'est pas l'exploitation agricole, comprise notamment dans les terrains de golf et de camping, les aérodromes, les terrains d'entraînement militaire et les terrains à bâtir équipés;

• aménagées en pépinières, réservées aux plantes forestières ou ornementales et les surfaces sous serre reposant sur des fondations en dur;

• au bénéfice d'une contribution prévue dans l'ordonnance sur l'orientation de la production végétale pour les matières premières renouvelables et les jachères vertes;

• servant à la compensation écologique en zone limitrophe étrangère;

• pour lesquelles existent des contraintes de protection de la nature (biotopes d'importance nationale ou régionale) sans qu'il n'ait été conclu d'accord avec les propriétaires ou les exploitants.

1. Compensation écologique

1.1  Prairies extensives, surfaces à litière, haies et bosquets champêtres

• Pas de fumure ni de produit de traitement des plantes, à l'exception du traitement plante par plante;

• Prairies: uniquement fauche, au moins une fois par an, dernière repousse exceptionnellement pacage d'automne;

• Surfaces à litière: uniquement fauche;

• Haies et bosquets champêtres: en général bordés d'un ourlet herbacé d'au moins 3 mètres de large;

• Fauche des prairies pas avant le 15 juin en ZGC à ZPC, le 1er juillet en ZM I et II, le 15 juillet en ZM III et IV; fauche des surfaces à litière pas avant le 1er septembre;

• Les cantons peuvent édicter des dispositions différentes en ce qui concerne la date et la fréquence de fauche;

• Utilisation appropriée pendant au moins 6 ans;

• Surface minimale de 5 ares par parcelle exploitée.

Contribution (fr. / ha et année):

ZGC à ZPC: 1200 fr.; ZM I et II: 700 fr.; ZM III et IV: 450 fr. pour au plus 30%, avec 1.4, 50% de la SAU.

1.2  Prairies extensives sur terres assolées gelées

• Terres assolées dont on peut prouver qu'elles ont été gelées, situées en ZGC à ZPC;

• Pas de réduction de la part de la surface herbagère par rapport à 1994;

• Autres charges comme pour 1.1.

Contribution (fr. / ha et année):

ZGC à ZPC: 3000 fr. pour au plus 30%, avec 1.3, 50% de la SAU.

1.3  Jachères florales

• Terres assolées d'au moins 3 mètre de large, dont on peut prouver qu'elles ont été gelées, situées en ZGC à ZPC;

• Surface ensemencée d'un mélange recommandé d'herbacées indigènes sauvages;

• Pas de fumure ni de produits de traitement des plantes, à l'exception du traitement plante par plante;

• Pas d'utilisation; coupe d'entretien tous les 2 ans (chaque année, ½ de la surface); en cas d'envahissement des mauvaises herbes, coupe de nettoyage admise la première année;

• Pas de réduction de la part de la surface herbagère par rapport à 1994;

• Mesure appliquée pendant au moins 6 années consécutives dont deux au même endroit.

Contribution (fr. / ha et année):

ZGC à ZPC: 3000 fr. pour au plus 30%, avec 1.2, 50% de la SAU.

1.4  Prairies peu intensives

• Pas de produits de traitement des plantes, à l'exception du traitement plante par plante;

• Fumure azotée en général sous forme de fumier de ferme, exceptionnellement sous forme de lisier complet;

• Uniquement fauche, au moins une fois par an, dernières repousses exceptionnellement pacage d'automne;

• Dates de coupe: les charges selon 1.1 sont applicables;

• Les cantons peuvent édicter des dispositions différentes en ce qui concerne la date de fauche;

• Utilisation appropriée pendant au moins 6 ans;

• Surface minimale de 5 ares par parcelle exploitée.

Contribution (fr. / ha et année):

ZGC à ZPC: 650 fr.; ZM I et II: 450 fr.; ZM III et IV: 300 fr. pour au plus 30%, avec 1.1, 50% de la SAU.

1.5  Arbres fruitiers haute-tige

• Arbres fruitiers à noyaux et à pépins, ainsi que noyers avec un tronc d'au moins 1,6 mètre de hauteur;

• Arbres de 5 ans au minimum;

• Au moins 20 arbres donnant droit à la contribution par exploitation;

• Pas de cultures fruitières.

Contribution:

15 fr. / arbre pour au plus 300 arbres par exploitation.

2. Production intégrée (PI)

• L'exploitant s'engage à appliquer les règles PI admises d'une organisation professionnelle (contrat) et accepte les contrôles;

• Les règles PI de l'organisation doivent satisfaire à certaines exigences minimales et être reconnues par l'Office fédéral de l'agriculture;

• Tenue d'un cahier d'exploitation.

Contribution par ha SAU et année:

Terres ouvertes et cultures spéciales: 700 fr.

Autres surfaces agricoles utiles: 200 fr.

Supplément de 25%, mais au maximum 2000 fr., pour application des règles PI à l'ensemble de l'exploitation.

3. Culture biologique

• L'exploitant s'engage à appliquer les règles admises d'une organisation professionnelle (contrat) à l'ensemble de l'exploitation et accepte les contrôles;

• Les règles de l'organisation doivent satisfaire à certaines exigences minimales et être reconnues par l'Office fédéral de l'agriculture;

• Tenue d'un cahier d'exploitation.

Contribution par ha SAU et année:

Terres ouvertes et cultures spéciales: 1300 fr.

Autres surfaces agricoles utiles: 300 fr.

Supplément de 25%, mais au maximum 2000 fr., pour application des règles de la culture biologique à l'ensemble de l'exploitation.

4. Détention contrôlée d'animaux de rente en plein air

• L'exploitant s'engage à appliquer les règles admises d'une organisation professionnelle (contrat) et accepte les contrôles;

• Les règles de l'organisation doivent satisfaire à certaines exigences minimales et être reconnues par l'Office fédéral de l'agriculture;

• Tenue d'un journal des sorties.

A droit à la contribution celui qui remplit l'ensemble des conditions pour au moins une catégorie d'animaux et qui détient au moins 5 unités de gros bétail donnant droit à la contribution.

Espèce

Catégorie d'animaux donnant droit à la contribution

Contribution annuelle par UGB:

A) Animaux de rente consommant du fourrage grossier

A1) Vaches,A2) Bétail d'élevage,A3) Veaux d'élevage,A4) Veaux à l'engrais,A5) Gros bétail à l'engrais,A6) Chevaux,A7) Chèvres,A8) Moutons,A9) Cerfs,A10) Lapins.

• Bovins: 60 fr.

• Autres animaux consommant du fourrage grossier: 30 fr.

B) Porcs

B1) Porcs d'élevage,B2) Porcs à l'engrais.

• Porcs: 90 fr.

C) Volaille

C1) Poules pondeuses,C2) Poules d'élevage,C3) Géniteurs,C4) Poulets à l'engrais,C5) Dindes.

• Volaille: 120 fr.

ANNEXE IV

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ANNEXE V

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Préconsultation

Mme Sylvie Châtelain (S), rapporteuse. J'ai une correction à apporter à la première ligne du chapitre V. «Conclusions», à la page 19. Il faut lire : «Après plus de trois ans de travaux» au lieu de «Après trois ans...».

Les projets de lois 6754 et 6768 datant de plusieurs années, je voudrais brosser un bref historique de la situation.

Le 8 novembre 1991, le projet 6754, intitulé le projet de l'AGPN et de la Chambre genevoise de l'agriculture, était déposé devant le Grand Conseil. Il proposait le maintien et la création de zones tampons aux abords de biotopes naturels existants. Un mois plus tard, le 20 décembre 1991, le deuxième projet 6768, dit du WWF, allait plus loin en proposant le maintien ou le réaménagement de surfaces naturelles et en touchant, également, le mode de production, en encourageant la culture biologique. Le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales, qui avait alors le service de l'agriculture sous son contrôle, préparait également un projet de loi, à la même période.

Le fonctionnement de tous ces projets prévoyait le versement d'indemnités, sur la base de contrats volontaires conclus avec les exploitants agricoles. La commission de l'environnement et de l'agriculture, qui a repris ces textes, a décidé d'emblée de traiter globalement tous ces sujets et non séparément. Après avoir procédé à un certain nombre d'auditions, elle s'est trouvée face à deux problèmes. Le premier était le financement des contributions projetées et le deuxième était qu'au niveau fédéral une ordonnance était en cours d'élaboration, laquelle devait répondre à un certain nombre de propositions des projets de lois. Après une année de travaux à peu près, la commission a décidé donc de suspendre son étude jusqu'à plus ample information.

Ces deux projets ont été repris en commission de l'environnement et de l'agriculture, au début de cette législature, avec la collaboration du service de l'agriculture, qui avait passé, entre-temps, au département de l'économie publique.

La commission a commencé par analyser l'ordonnance fédérale, qui avait été mise en vigueur le 26 avril 1993 et qui instituait des contributions pour prestations écologiques particulières dans l'agriculture. Cette ordonnance, dans sa version modifiée du 15 février 1995, se trouve en annexe de mon rapport. Elle prend en compte différents types de mesures qui sont la compensation écologique, la production intégrée, la culture biologique et la garde d'animaux en plein air. Sur la base de son analyse, la commission a décidé d'évaluer ce qui serait possible de prévoir en plus pour notre canton. A cet effet, elle a procédé à toute une série de nouvelles auditions.

J'aimerais souligner l'énorme travail qu'a fourni, à ce niveau, la commission de l'environnement et de l'agriculture, tant sous la précédente législature que durant celle-ci, et surtout l'excellente collaboration qui a existé avec les associations de la protection de la nature, à savoir le WWF et l'AGPN, avec la Chambre genevoise d'agriculture, ainsi qu'avec le service des forêts, de la faune et de la protection de la nature, devenu, entre-temps, le service de la protection de la nature et des paysages et, enfin, avec le service de l'agriculture lui-même.

Cette excellente collaboration a permis d'aboutir à l'élaboration d'un nouveau texte qui tient compte d'un certain nombre de points. D'une part, ce texte, qui est le projet de loi 7239, reprend les principales intentions contenues dans les projets de lois initiaux. Il tient compte également des contributions fédérales introduites entre-temps.

Les objectifs principaux sont :

- le soutien aux prestations écologiques spécifiques à notre canton, qui ne sont pas prévues dans l'ordonnance fédérale;

- l'encouragement de l'aspect qualitatif des prestations en prévoyant, de cas en cas, un complément aux contributions fédérales.

Le texte qui vous est proposé fixe, volontairement, un cadre général, pour demeurer adapté, même après d'éventuelles modifications de la législation fédérale, aux besoins spécifiques de notre canton. Des dispositions précises devront, en effet, être définies dans un règlement d'application.

La commission arrivant ainsi à bout touchant de ses travaux, M. Maitre, chef du département de l'économie publique, s'est alors joint aux dernières discussions. Devant la détermination de la commission de voir aboutir ce projet, M. Maitre a déclaré adhérer totalement aux objectifs poursuivis et s'est engagé à prévoir les montants nécessaires, dans le budget de fonctionnement, et ceci dès 1996. Ceci figure dans l'article 4 du projet de loi.

Le dernier obstacle sur le plan financier est ainsi levé. La commission, après quelques amendements, a accepté le nouveau projet de loi à l'unanimité. Elle vous encourage vivement à faire de même.

En guise de conclusion et étant donné que la chancellerie a attribué le numéro 7239 à ce nouveau projet de loi, je vous demande de vouloir bien accepter la discussion immédiate à son sujet.

M. Max Schneider (Ve). Tout d'abord, un grand merci à Mme Châtelain de son excellent rapport et de son excellent travail en commission. Grâce à elle, nous avons pu sortir un projet de loi qui a obtenu le consensus de tous les partis de ce parlement, qui a fait que le message passe auprès du Conseil d'Etat - il va le financer, bien qu'il ne nécessite pas des moyens très élevés - et fait aboutir les projets de lois antérieurs du WWF et de M. Bosson.

Ce message est un message d'espoir pour tous les agriculteurs du canton de Genève, les viticulteurs, les horticulteurs, après le vote fédéral qui, avec ses «non», a donné un coup de frein à l'agriculture suisse.

Aujourd'hui, il y a un changement de cap pris, lors de notre dernière séance, avec l'étiquetage des produits agricoles. Le consommateur, dans une libre économie de marché, va pouvoir choisir entre les différents produits, qu'ils proviennent du Kenya, du Maroc ou autres, qu'ils soient chargés de pesticides, voire traités radioactivement, et les produits du terroir, issus des cultures biologique et intégrée. Et c'est à ce prix que l'agriculture genevoise et l'agriculture suisse pourront faire face à l'ouverture des frontières, notamment à l'ouverture du GATT et de l'OLT.

Grâce à ces mesures touchant la culture biologique, voire la culture intégrée, notre agriculture pourra se développer, conserver ses emplois, même en créer.

En effet, les produits biologiques, cultivés au Kenya, nous parviendront certainement dans un mauvais état s'ils ne sont pas traités chimiquement. C'est dire que la culture biologique a de l'avenir dans notre canton et dans notre pays, et ce à des prix correspondant à notre coût de la vie.

Il s'agit donc d'une agriculture qu'il faut absolument soutenir. Ses produits de haute qualité nous aideront à faire face à la concurrence étrangère.

Si nous n'entrons pas dans le débat, s'il n'y a pas un encouragement de notre parlement et un encouragement bien clair du Conseil d'Etat dans ce sens, il est évident que le producteur suisse, avec les réformes de la l'APAC et l'ouverture des marchés internationaux, ne sera pas compétitif, cette concurrence produisant à des coûts de loin inférieurs aux nôtres.

Ici, je cite l'exemple des horticulteurs suisses qui ont pris l'initiative d'avoir un label, le label des fleurs suisses. Eh bien, ne croyez pas qu'en achetant des fleurs en provenance du tiers-monde vous contribuez à l'aide au développement ! Bien au contraire ! Prenons, par exemple, la production des oeillets. A Genève, ces fleurs sont cultivées selon des normes bien précises de qualité, de protection des travailleurs. Dans les pays du tiers-monde, ces normes n'existent pas ou ne sont pas respectées. La main-d'oeuvre est quasiment asphyxiée, non seulement dans les serres d'oeillets, mais aussi dans celles de tulipes et les roseraies. Au bout d'une année, elle se fait congédier, parce que sur le point de tomber malade à force d'avoir respiré toutes ces cochonneries. Et ces pays sont les principaux concurrents de notre pays, pour ce qui est du marché des fleurs.

On sort du sujet qui n'était pas celui de l'horticulture... (Rires.) ...mais cet exemple peut être fourni aussi pour l'agriculture.

Les horticulteurs suisses ont choisi le label «Fleurs suisses». Ainsi, en toute économie de marché, le consommateur pourra choisir entre la production venue d'ailleurs et les fleurs produites dans notre pays. (Contestations.)

Ce qui se passe dans les pays du tiers-monde, aujourd'hui, dans la production des oeillets et des fleurs exotiques, c'est absolument scandaleux !

Voilà pourquoi ce projet de loi est un message d'espoir. Il marque le deuxième pas, le premier étant l'étiquetage. Le deuxième pas, ce sont les compensations écologiques, puis - et là, le Conseil d'Etat nous donnera certainement son accord - l'enseignement, notamment dans notre école d'ingénieurs, des techniques agrobiologiques. Nous devons aussi lancer cette formation à Lullier, l'encourager, la soutenir, et je sais que M. Mascherpa partage ces idées. Il faut, maintenant, sur le plan du marketing, lancer à fond cette agriculture biologique et je souhaite le plus grand succès aux agriculteurs genevois.

M. Roger Beer (R). Parler après Max l'enflammé n'est guère facile...

Une voix. Max l'allumé !

M. Roger Beer. Je n'ai pas osé dire «l'allumé», pas cette fois ! Madame la rapporteuse, vous nous avez expliqué que les travaux ont duré trois ans. L'une des raisons en était aussi que le discours que vous avez eu la chance d'écouter ce soir, nous l'avons entendu à chaque séance de commission. (Rires.)

Cela étant, nous sommes parvenus au bout. Nous avons eu deux conseillers d'Etat qui sont toujours là, presque deux commissions et, finalement, nous avons trouvé une synthèse. Aussi, je tiens à féliciter notre rapporteuse, notre collègue Mme Châtelain, de son excellent travail et de son allant pour rapprocher des gens qui n'étaient pas tout à fait d'accord.

Néanmoins, j'apporte un bémol pour dire que même si, aujourd'hui, tout le monde est content, que les fleurs pousseront au bord des champs, que les cultivateurs seront dédommagés, il y a des agriculteurs qui ne sont pas d'accord avec ce système. Ils l'acceptent parce qu'il procède de l'évolution agricole en Suisse, mais ils savent que ce n'est pas l'unique voie. Ils regrettent, évidemment, de perdre leur rôle de producteurs.

Nous devons le savoir et en tenir compte quand nous prenons des mesures faisant passer la production primaire à la protection de l'environnement. C'est une tendance actuelle qui ira en se renforçant dans les années à venir, et, à ce titre, mais seulement à ce titre, Max Schneider a raison : on doit soutenir ce message d'espoir.

Les députés de la commission ont eu quelque problème par rapport au fameux article qui veut que l'on ne vote pas ce projet de loi si l'on n'a pas de couverture financière. Celle-ci oscille entre 250 000 F et 600 000 F. Nous avons passé des heures à en discuter et il était évidemment impossible de trouver 400 000 F auprès du département chargé de l'agriculture.

Heureusement, après trois ans - et j'espère que cela nous sera confirmé ce soir, sinon ce projet de loi ne vaudrait pas grand-chose - nous allons recevoir l'assurance que le montant nécessaire à ces compensations écologiques figurera dans le budget 1996.

Au terme de ces longs travaux et de ce rapport, je peux vous annoncer que si nous votons ce projet de loi, je retirerai, au nom de M. Charles Bosson, le projet de loi 6754 qui est l'un des deux projets à la base de cette synthèse.

Je vous remercie de voter le projet de loi 7239.

Mme Claire Chalut (AdG). Au vu de ce projet de loi et des dispositions prises, au niveau fédéral, d'aucuns pourraient dire qu'il s'agit d'un double subventionnement de paysans déjà subventionnés, mais je crois qu'ils résultent d'une prise de conscience bien antérieure aux applications fédérales et cantonales, et cela pour une raison très simple : jusqu'à maintenant, on a peut-être trop exploité la terre, abusé de toutes sortes de produits, et la nature a déclaré forfait. Il a fallu se rendre à l'évidence que la nature n'était pas une machine et qu'il fallait cultiver différemment.

C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je vous invite à accepter ce projet de loi.

M. John Dupraz (R). Je suis très heureux de voir aboutir enfin ce projet de loi issu, je tiens à le rappeler, de la merveilleuse manifestation organisée par M. Haegi, à qui il faut quand même rendre hommage, à l'occasion de la Foire de Genève, dont le thème était «Genève redécouvre sa terre». La Chambre genevoise d'agriculture et l'AGTN avaient, dans un stand assez extraordinaire, mis en évidence les points de rapprochement et les points de divergence entre protection de la nature et production agricole. C'est de là qu'est parti ce projet.

A l'époque, le Conseil d'Etat avait un projet de loi qui n'était jamais sorti de ses tiroirs. Nous avions donc donné un coup de main à M. Haegi, puisque M. Bosson avait déposé ce projet de loi qui est à l'origine de nos discussions. Ensuite, le WWF, par le biais de plusieurs députés, avait également proposé des mesures analogues. M. Maitre ayant repris le service de l'agriculture, c'est sous sa houlette que ce projet de loi s'est concrétisé.

Contrairement à ce qu'a dit Mme Chalut, il ne s'agit pas d'accorder des subventions, mais d'apporter des contributions pour des prestations spécifiques fournies par les agriculteurs en matière de protection de l'environnement et de reconstitution des biotopes.

Ce que ce projet de loi a de remarquable, c'est qu'il n'implique pas que n'importe qui vienne frapper à la porte du département de l'agriculture, en se disant porteur d'un projet pour bénéficier de ces compensations cantonales en sus des subventions fédérales. En effet, une commission évaluera les projets qui seront présentés et jugera s'ils méritent ou pas une contribution.

C'est dire que l'on travaillera sérieusement et que l'argent ne sera pas distribué tous azimuts.

Notre collègue Beer a dit que tous les agriculteurs n'étaient pas d'accord avec ce type de prestations. Aussi je veux que vous sachiez que les agriculteurs de ma génération, c'est-à-dire ceux qui ont 50 ans...

M. Olivier Vaucher. Les vieux, quoi !

M. John Dupraz. Il est des moins de cinquante ans qui sont séniles, comme ceux qui s'expriment à côté de moi ! Ces cinquantenaires ont appris que, pour gagner plus, il faut produire plus. A l'époque, toute la politique agraire a été basée sur le principe d'une forte production, afin de nourrir le pays et assurer le revenu du paysan.

Mais les temps ont changé et il y a une prise de conscience de l'environnement et de sa préservation. Aussi, de par la rigueur de la loi sur l'aménagement du territoire et les prestations actuelles des paysans, la ville de Genève jouit d'un environnement remarquable.

Ce projet de loi permet de renforcer les prestations environnementales de l'agriculture. C'est pourquoi je me réjouis qu'il trouve un consensus unanime devant ce parlement.

Pour terminer, je remercie sincèrement Mme Châtelain. Elle a fait un remarquable rapport et un remarquable travail en commission.

M. Hervé Burdet (L). Je me joins au concert de louanges adressées à Mme Châtelain qui a réalisé la synthèse de ces projets de loi. Je ne répéterai pas ce qui a été abondamment dit, notamment pas ce qu'a dit M. Roger Beer à propos du projet de loi 6754.

Contact pris avec mes coauteurs du projet de loi 6768, dit du WWF, il est entendu que nous le retirerons également, dans la mesure où nous entendrons, dans cette enceinte, de la part du Conseil d'Etat, ce que nous avons entendu en commission. En effet, si nous avons obtenu, en commission, un consensus unanime pour prendre le courage de voter le projet de loi 7239, c'est parce que le représentant du Conseil d'Etat, responsable du département de l'économie publique, nous a affirmé que les moyens de financer ce projet de loi seraient mis à disposition par la voie budgétaire.

C'est donc la confirmation de cette proposition gouvernementale qui nous poussera à retirer le premier projet de loi et à voter le projet définitif, proposé par Mme Châtelain.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Au cours de la précédente législature, votre Grand Conseil avait été saisi de différents projets de loi qui, après quelques discussions en commission, ont effectivement été mis en suspens, parce qu'un nouveau dispositif, prévu dans le droit fédéral - les articles 31a et 31b de la loi sur l'agriculture - entraient en vigueur, et qu'il fallait attendre leur application et mesurer leurs premiers effets pour en déterminer la portée.

Il a été rapidement démontré que le dispositif, prévu par le droit fédéral, pour important, intéressant, nécessaire qu'il soit, n'était pas suffisant pour aller au-devant de certains objectifs plus pertinents à la situation spécifique genevoise. Cela sur le plan qualitatif, d'une part, et sur le plan des surfaces susceptibles d'être prises en considération, d'autre part.

Il n'y a pas de doute que l'agriculture, aujourd'hui, est nécessairement conduite vers des modes de production plus doux, qui ménagent davantage l'environnement et font appel à des techniques de production manifestement plus extensives.

Il faut, pour cela, modifier un certain nombre d'habitudes, mais également modifier le cadre légal. C'est ce qu'a fait le droit fédéral. Aujourd'hui, le droit cantonal se propose d'accompagner, par des mesures plus ciblées, plus ponctuelles, cet effort de reconversion des engagements des agriculteurs.

Les solutions qui ont été mises en place, sur le plan cantonal, sont justifiées, mais il y avait, effectivement, un problème de financement. Pour des raisons parfaitement compréhensibles, la commission n'était pas en mesure de trouver le financement elle-même. Aussi, la seule possibilité, pour que ce projet entre en vigueur, était d'envisager que le financement nécessaire soit porté au projet de budget 1996.

Les évaluations faites par le service de l'agriculture montrent que, pour 1996, il est raisonnable de tabler sur une dépense qui pourrait être de l'ordre de 250 000 à 300 000 F. D'une manière générale, on a parlé de 300 000 F.

Compte tenu qu'il s'agit d'un dispositif qui vient en appui de ce que prévoit le droit fédéral, nous avons examiné si nous pouvions obtenir, par ailleurs, un appui complémentaire de l'Office fédéral de l'agriculture, soit un subventionnement fédéral à ce dispositif complémentaire sur le plan cantonal.

Les démarches, que nous avons entreprises, nous donnent bon espoir qu'une subvention fédérale viendra appuyer les efforts du canton, de sorte que je suis en mesure, à cet égard, de vous confirmer que j'ai porté, au projet de budget du département de l'économie publique, la somme qui a fait l'objet des évaluations et qui a été retenue en commission.

Il conviendra, maintenant, que le Conseil d'Etat statue sur ce projet de budget, fasse les arbitrages nécessaires en fonction des priorités qui seront évoquées. Le vote, qui pourrait intervenir à l'instant, sera, évidemment, une indication très précieuse pour que ce projet et son financement figurent, effectivement, au budget 1996. Il vous appartiendra au mois de décembre, je l'espère, de confirmer ce choix et ce financement, en votant le budget.

La présidente. La proposition de discussion immédiate ayant été demandée par Mme Sylvie Châtelain, je soumets à votre approbation la discussion immédiate.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

La présidente. Les projets de lois 6754-A et 6768-A sont retirés. 

PL 7239

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

visant à encourager l'implantation, la sauvegarde et l'entretiende surfaces de compensation écologique

(M 8 19)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1

But

La présente loi a pour but d'encourager l'implantation, la sauvegarde et l'entretien de surfaces de compensation écologique.

Art. 2

Définition

Par surface de compensation écologique, on entend les surfaces proches de l'état naturel, présentant un intérêt écologique marqué.

Art. 3

Champ d'application

1 Les dispositions de la présente loi s'appliquent à l'ensemble de l'aire agricole genevoise.

2 Demeurent réservées les dispositions du droit fédéral.

Art. 4

Moyens

Indépendamment des éventuelles subventions fédérales, l'Etat concourt à la réalisation du but visé par la présente loi, à concurrence du montant porté annuellement au budget pour l'octroi de contributions pour des surfaces de compensation écologique (ci-après, contributions).

CHAPITRE II

Contributions

Art. 5

Procédure

1 La demande de contributions fait l'objet d'une requête de l'exploitant au service de l'agriculture (ci-après, le service).

2 L'octroi de contributions est subordonné à la conclusion d'une convention entre le service et l'exploitant, où sont fixés les droits et obligations respectifs des parties.

3 Les mesures de compensations écologiques faisant l'objet de la convention doivent être approuvées par le propriétaire du bien-fonds, lorsque celui-ci n'en est pas l'exploitant.

Art. 6

Conventions

La convention porte notamment sur les points suivants:

a) délimitation de la surface de compensation écologique;

b) mesures d'implantation, de sauvegarde et d'entretien à prendre;

c) modes et restrictions d'exploitation;

d) montant de la contribution;

e) modalités de versement de la contribution;

f) durée de la convention.

Art. 7

Bénéficiaire des contributions

Le bénéficiaire des contributions est l'exploitant du bien-fonds comprenant la surface de compensation écologique.

Art. 8

Contributions

1 Le règlement détermine le mode de calcul des contributions en fonction, notamment, de la superficie et de la nature de la compensation écologique, de son rendement potentiel, ainsi que des mesures à prendre.

2 Ces contributions sont soit complémentaires à celles octroyées selon les dispositions fédérales, soit concernent des prestations écologiques non comprises dans ces mêmes dispositions.

CHAPITRE III

Mise en oeuvre

Art. 9

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat est chargé de prendre les dispositions réglementaires d'application nécessaires.

Art. 10

Commission consultative Mission

1 Une commission consultative assiste le service dans l'application des tâches relevant de la loi.

2 Elle lui donne les préavis qu'il sollicite à propos des requêtes dont il est saisi.

3 Elle procède régulièrement à une évaluation d'ensemble de l'application de la loi et lui fait rapport à ce propos.

Composition

4 Elle est nommée au début de chaque législature par le Conseil d'Etat et comprend 6 membres:

a) un représentant du département chargé de l'agriculture (ci-après, le département);

b) un représentant du département chargé de l'environnement;

c) deux représentants des milieux agricoles, sur proposition de la Chambre genevoise d'agriculture;

d) deux représentants des milieux de protection de la nature, sur proposition des organisations concernées.

Art. 11

Surveillance

1 Le service veille au respect des conventions.

2 Il peut déléguer certaines tâches de contrôle aux offices communaux de la culture des champs.

CHAPITRE IV

Sanctions et contentieux

Art. 12

Perte du droit

1 L'exploitant qui, malgré une mise en demeure restée sans effet, viole les obligations fixées par la convention, perd son droit à tout ou partie des contributions octroyées.

Remboursement

2 Le remboursement des contributions versées est alors exigé par le service.

Exécution d'office

3 Après une mise en demeure restée sans effet, le service peut faire procéder à l'exécution d'office des obligations non respectées, aux frais de l'exploitant défaillant.

Art. 13

Réclamation

Les litiges intervenant entre l'exploitant et le service sur le contenu de la convention, son exécution, ainsi que les droits et obligations respectifs des parties, peuvent faire l'objet d'une réclamation dans les 10 jours auprès du chef du département.

CHAPITRE V

Dispositions finale et transitoire

Art. 14

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 15

Evaluation

Cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Conseil d'Etat procédera à l'évaluation de ses effets et en fera rapport au Grand Conseil.

M 936-A
6. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et M. Micheline Calmy-Rey et Pierre-Alain Champod pour une politique économique active (productivité et innovation). ( -) M936
 Mémorial 1994 : Développée, 3374. Renvoi en commission, 3381.
Rapport de majorité de M. Armand Lombard (L), commission de l'économie
Rapport de minorité de M. Pierre-Alain Champod (S), commission de l'économie

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La commission de l'économie a procédé à l'étude du projet de motion ci-joint lors de sa réunion du 28 novembre 1994. Elle était placée sous la présidence de Mme Micheline Spoerri et a profité de la présence de M. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique. A sa majorité, la commission a décidé de ne pas entrer en matière sur les invites de cette motion (9 entente contre 6 E, S, AdG).

Les demandes de motionnaires

Les motionnaires priaient le Conseil d'Etat:

 - de réaliser une étude prospective sur l'avenir et la structure des secteurs économiques genevois;

 - d'étudier la création d'une garantie cantonale contre les risques à l'innovation;

 - de mettre sur pied un conseil cantonal de la productivité et de l'innovation;

 - de définir des mesures en faveur de l'investissement industriel.

A l'appui de ces demandes ils précisaient dans l'exposé des motifs et par la voix de M. Champod, en commission, leur souhait de voir le Conseil d'Etat établir une stratégie «un peu volontariste mais pas tout-à-fait chimérique» qui offrirait des voies claires pour un développement actif et la création de places de travail.

Une étude prospective permettrait, mentionnent encore les motionnaires, de «favoriser l'attrait de notre place économique».

Une garantie des risques permettrait de créer «un climat propice aux investissements innovateurs, le financement de l'innovation par les banques restant en effet problématique».

Un Conseil de la productivité offrirait un lieu «de rencontre et une articulation entre divers acteurs sociaux économiques pour déterminer des zones d'intervention...».

Enfin «la recherche de mesures en faveur de l'investissement comprendrait des mesures fiscales, d'encouragement de la recherche, voire des aides plus directes».

La discussion en commission

Deux points principaux ont été évoqués en commission:

a. Industrie et services

La césure que les députés de tous bords s'ingénient souvent à étaler entre deux composantes de l'économie, tient d'une simplification binaire déplacée. L'économie n'est pas industrielle et bonne à développer, ou bien tertiaire et fâcheuse à voir croître. Pourquoi exclure? Pourquoi débattre?

Qui donc d'ailleurs, serait assez docte pour affirmer qu'un écran de bureautique est industriel ou tertiaire? Le problème n'est pas de sémantique tracassière, il est de choisir le développement de la Cité. Industrie ou services est un débat verbeux de rhéteurs incompétents. Par contre, il y a nécessité d'action, par l'investissement, qui pourrait être favorisé fiscalement, par le réveil du goût du risque dans un pays étouffé par les garanties et les assurances, par la compétence de management qui doit être mieux enseignée, et par une dynamique consensuelle des partenaires.

 - Avec les institutions politiques et la société civile, l'économie est un des grands partenaires de la société. Elle doit se développer selon les grands sillons du passé, avec les compétences mises en place et sur les créneaux occupés. Chaque partenaire doit, pour le développement équilibré de la société, soutenir, amender et proposer aux deux autres, mais non pas dicter.

 - Les partenaires suivront les normes générales propres à tous, typiques de la Cité et reconnues. A Genève, ces éléments clés sont les technologies de pointe, la place internationale, la place financière et la formation.

 - Une troisième norme genevoise est la dimension raisonnable des entités car on est pas performant dans le gigantesque et dans l'entreprise de plus de 1000 collaborateurs.

Une minorité de la commission pensait avec les motionnaires que ces choses devaient être dites par l'Etat - et c'était l'objet de la première invite pour une étude prospective. Ces Monsieur Jourdin de l'économie ne parlaient même pas d'économie mais s'adonnaient à une sorte de langue de bois désolante visant à obtenir à tout prix inventaire, argumentaire, rapports de ceci et sur cela, expertises, et autres élucubrations!

La majorité refuse une étude supplémentaire vaine et nulle quand la priorité doit être donnée à l'action dynamique.

Pour en finir avec ce sujet par une note qui pourrait être consensuelle, on dira que le développement de l'innovation et la création d'emploi sur les créneaux existants ou prometteurs est un objectif prioritaire qui s'accole à celui de l'accueil d'entreprises étrangères et à celui du développement d'entreprises existantes. Sera-t-on encore consensuel en confiant cette tâche aux partenaires de la Cité, en priorité aux entreprises et en soutien de dynamique et d'aides ponctuelles aux deux autres partenaires, l'Etat et la société civile? C'est en tous les cas la voie médiane à suivre!

b. Idéologies

 - C'est pas le privé qui doit faire çà, c'est l'Etat!

 - C'est pas vrai, il est déjà obèse et en plus fauché, place libre à la libre entreprise!

Ce dialogue a fleuri et s'est envenimé à l'envi en commission. Las, la crise structurelle ne nous a-t-elle donc jusqu'ici rien appris sur la vanité des affrontements de Marx et de Smith? Faudra-t-il laisser péricliter la Cité pour le dérisoire privilège d'un K.O. verbal?

La gauche sage et réfléchie a-t-elle définitivement rompu les amarres pour rejoindre la filibuste des extrêmes?

Il ne s'agit pas aujourd'hui de faire triompher des mots creux, il s'agit de stimuler un système de vie commune qui fonctionne par l'addition de chacun et non par la négation de presque tous. On ne peut se satisfaire de clamer «misère!» dans les décombres de l'Etat Providence, ou de protester contre des acteurs dynamiques «qui font fi des acquis». Il s'agit de rendre complémentaires les éléments politiques, économiques et civils.

Les motionnaires ont proposé un engagement de l'Etat dans la sélection de projets, dans l'innovation et dans le soutien aux opérations qu'il jugeait méritoires.

La majorité de la commission a jugé par contre que les entreprises et les inventeurs devaient être laissés libres dans leur travail de création et de réalisation et que l'Etat ne leur venait pas en aide qu'à la demande ou dans des buts de formation. L'Etat n'a pas les compétences propres à sélectionner des projets technologiques avancés. Comment juger de la qualité d'un projet de spécialiste sans créer soi-même un service informatique? L'Etat peut soutenir des opérations, les stimuler, les favoriser fiscalement ou administrativement. Mais il n'a pas à inventer lui-même, à juger de la qualité des innovations, à garantir le travail des entreprises, ou à inventorier.

La majorité considère comme erroné, l'interventionnisme des invites 2 et 3 de garantie cantonale qui est à instaurer. Sans inventaire, sans garanties, mais avec de l'écoute et une volonté commune de percer les murailles d'un conservatisme corporatiste ou social.

c. PME ou grande entreprise

Cette rengaine du petit opposé au grand, déjà évoquée en plénum de ce Grand Conseil, n'a pas véritablement été discutée en commission. Et c'est heureux! Elle n'est ainsi mentionnée dans ce rapport que par défaut et par prévention! Soutenir les grands qui flanchent ou promouvoir les petits désireux de naître? On ne va tout de même pas au compte de la guerre à outrance gauche ou droite affirmer que les grandes entreprises industrielles, c'est la gauche, et les PME, c'est la droite!

La Cité à l'évidence doit se soucier des deux genres. Tavaro ou La Suisse sont des exemples largement discutés. Ils représentent de moyennes entreprises au chevet desquelles les partenaires de la Cité doivent se pencher assez tôt pour trouver des moyens, quelle que soit l'issue économique.

Les PME ou des entreprises à créer sont également des candidats au travail en commun des partenaires, Entreprises (organisation et marchés) Etat (insertion dans la législation cantonale), Société civile (débouchés et contacts).

En conclusion

La minorité de la commission a considéré que l'Etat devait s'insérer directement plus en avant dans la gestion de l'innovation et de la création d'emploi des entreprises privées. Elle vous recommande l'envoi au Conseil d'Etat de cette motion (6 voix; 1E, 2S, 3AdG).

La majorité est d'un avis diamétralement opposé et vous recommande le rejet de cette motion qui ne favorisera en rien mais freinera le développement des entreprises (9 voix; 5L, 2R, 2DC).

PROPOSITION DE MOTION

pour une politique économique active (productivité et innovation)

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- que la mondialisation de l'économie et l'accroissement de la concurrence provoquent des craquements dans le tissu économique et social;

- que sous l'influence des facteurs conjugués de l'augmentation des performances en productivité et des réserves de capacité de production des entreprises, les besoins en main-d'oeuvre diminuent à un rythme angoissant et que même une reprise nous laissera une situation difficile du point de vue de l'emploi;

- que les économies qui créeront des emplois seront celles qui sauront s'orienter vers l'avenir et qu'il convient en conséquence de mener une politique économique active pour aider les entreprises à se moderniser et à affronter les mutations,

invite le Conseil d'Etat

- à réaliser une étude prospective sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement;

- à étudier la création d'une garantie cantonale pour les risques à l'innovation en particulier pour les petites et moyennes entreprises;

- à mettre sur pied un Conseil cantonal de la productivité et de l'innovation dans le cadre du Conseil économique et social pour permettre une articulation entre les acteurs sociaux et économiques et déterminer les zones d'intervention pour favoriser l'innovation, la recherche de capital risque, la commercialisation et l'exportation;

- à définir des mesures en faveur de l'investissement dans la production et la reconversion industrielles et des services ainsi que pour l'introduction de nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les PME.

Rapport de la minorité

Cette motion a été mise à l'ordre du jour de la commission de l'économie du 28 novembre 1994. Après un bref tour de table, la majorité a demandé un vote sur l'entrée en matière. Au vote, l'entrée en matière a été refusée par 9 voix (5L, 2 R et 2 DC) contre 6 ( 3 AdG, 1E et 2 S)

Une fois de plus, l'attitude de la majorité a empêché qu'un véritable dialogue se développe au sein de la commission de l'économie et n'a pas permis de trouver des solutions constructives; ce que la minorité de la commission regrette. En effet, nous estimons que les problèmes soulevés méritaient un traitement plus sérieux. La situation de l'économie est préoccupante, le nombre des chômeurs est élevé. Il serait souhaitable que sur un sujet de cette importance, les parlementaires recherchent des solutions permettant une amélioration réelle de l'économie et du marché de l'emploi.

La majorité de droite a donné peu d'arguments pour refuser cette motion, nous avons la désagréable impression que dans le domaine économique, la droite n'examine pas le contenu de nos propositions, mais part d'une idée toute faite : l'économie c'est l'affaire de la droite.

1. Introduction

Contrairement à la majorité de la commission, nous estimons que la situation économique ne va pas s'améliorer sans une politique économique active. Nous ne partageons pas les théories libérales pronant le laisser faire et nous ne comptons pas «sur la main invisible» pour retrouver le plein emploi et le dynamisme économique. Il est évident que Genève a des atouts dans le domaine économique, encore faut-il les mettre en évidence par des mesures actives comme celles que nous proposons dans cette motion.

Au cours de la dernière législature, le groupe socialiste a fait de nombreuses interventions parlementaires (projets de loi, motions, etc.) pour améliorer la situation des chômeurs. Ces mesures concernant le traitement social du chômage ont, pour la majorité d'entre elles, été refusées par la droite. Cette dernière nous reprochait de ne pas faire des propositions permettant de créer des emplois. Cette motion proposant des mesures permettant d'agir en amont du chômage n'a pas reçu un meilleur accueil de la droite. Les partis de l'entente, contrairement à la majorité des économistes, continuent de penser que la reprise économique sera spontanée et sera, à elle seule, créatrice d'un nombre d'emplois suffisant pour résorber le chômage.

Pour notre part, nous continuons d'affirmer que l'Etat doit jouer un rôle actif dans le domaine économique. Le but recherché n'étant pas la performance économique pour elle même. Dans notre esprit l'économie doit être un moyen au service de la société, l'objectif est de permettre à chacun d'avoir des conditions de vie décentes et d'éviter les phénomènes d'exclusion. C'est pour réaliser cet objectif que l'Etat doit intervenir pour suppléer aux lacunes de l'économie de marché. Or, nous constatons que la situation économique se dégrade, que le nombre des sans emploi progresse, bref que l'avenir est sombre. L'Etat doit donc jouer un rôle actif pour favoriser l'emploi. C'est dans cet esprit que nous avons déposé cette motion qui propose des mesures pour revitaliser le tissu économique et encourager l'innovation sociale et technologique afin que les entreprises genevoises puissent se moderniser et ainsi rester compétitives. Cette motion ne propose pas un catalogue des interventions possibles et souhaitables de l'Etat, elle ne propose que quelques mesures dans le domaine de l'innovation et de la productivité. Il faut rappeler que sans l'intervention de l'Etat pour créer des zones industrielles, il n'y aurait plus de secteur secondaire à Genève. Le prix des terrains fixé par les seules lois du marché n'est pas compatible avec les possibilités financières des industries et en particulier de celles travaillant pour l'exportation.

Cet exemple des zones industrielles montre que l'Etat est capable de jouer un rôle incitatif dans le domaine économique. Selon nous, il ne joue pas suffisamment ce rôle actuellement. Son action a été présentée en décembre dernier dans le rapport du Conseil d'Etat à la motion 803. Ce rapport étant annoncé, nous avions proposé à la commission d'attendre sa publication pour examiner notre motion en regard avec l'action de l'Etat dans ce domaine. Cette proposition a évidemment été rejetée par la majorité de la commission. Les commissaires des partis de droite ont manifesté ainsi clairement leur refus de discuter sereinement des problèmes liés à la situation économique de notre canton.

Signalons enfin que la plupart des Etats industriels ont une politique économique dynamique pour moderniser leur appareil de production et pour favoriser l'innovation. Même aux Etats-Unis, patrie du libéralisme, l'Etat intervient pour financer de nombreuses recherches exploitées ensuite par ses industries.

Ce rapport de minorité reprendra brièvement les invites proposées par cette motion et qui ont déjà été largement explicitées dans l'exposé des motifs.

2. Contenu de la motion.

Première invite

Cette invite demande de réaliser une étude prospective sur les secteurs économiques porteurs de développement. Il s'agit en fait de dresser un inventaire des productions adaptées à la situation de Genève. Notamment les secteurs employant du personnel qualifié et utilisant des technologies de pointe. En raison du coût de la main d'oeuvre lié à la force du franc suisse, notre canton ne peut pas produire de manière concurrentielle des produits bon marché fabriqués en grande série. En revanche sur des créneaux pointus, nous avons des atouts importants.

Nous pensons notamment aux entreprises à haute valeur ajoutée, travaillant pour l'exportation dans des domaines aussi variés que la biotechnologie, l'informatique, la mécanique de haute précision, l'électronique, l'environnement, etc.

Cette étude permettrait de développer des synergies entre les entreprises d'une part, et, d'autre part, entre ces entreprises et les lieux de recherche (universités, école d'ingénieur, CERN, etc.). De plus cette étude permettrait à l'Etat de favoriser l'implantation d'entreprises pouvant s'insérer dans ces domaines favorables. Nous ne pouvons plus nous contenter de comptabiliser passivement les entreprises qui viennent s'installer et celles qui quittent Genève.

Cette étude permettrait d'orienter de manière efficace la politique de promotion économique et devrait prendre en compte non seulement Genève, mais aussi la région.

Il convient aussi de préciser que pour nous l'économie forme un tout et que cette étude ne devrait pas seulement inclure le secteur secondaire mais également l'agriculture et les services. Notre canton ayant dans ces domaines, mais en particulier dans le domaine tertiaire, une carte importante à jouer. Notamment en raison de la place financière et du rôle international de Genève liés à l'implantation sur son sol de nombreuses organisations internationales et humanitaires.

Deuxième invite

Cette étude demande une étude sur la création d'une garantie cantonale pour les risques à l'innovation. Une garantie qui devrait concerner en priorité les petites et moyennes entreprises. Une telle garantie avait été refusée au niveau fédéral il y a quelques années, mais le vote des genevois avait été favorable.

Les entreprises qui veulent innover ont généralement de la difficulté à trouver des capitaux, les banques se montrant trop restrictives dans ce domaine. Il est vrai que pour elles les marchés financiers et la spéculation sur les monnaies, sont plus rémunératrices que la fourniture du capital risque à des petites entreprises souhaitant développer de nouveaux produits.

Pourtant, à terme, seules les entreprises produisant des produits sont générateurs de richesses, les profits réalisés sur les marchés financiers sont fragiles comme l'a démontré une récente faillite d'une banque anglaise.

La question du capital-risque est d'actualité, en effet, dans une interview au Nouveau Quotidien, le professeur Beat Burgenmeier déclarait : «...Il faut également réfléchir sérieusement au capital-risque pour les PME créatrices d'emplois. On peut dépoussiérer la vieille idée d'une garantie des risques à l'innovation. Le capital risque et l'innovation vont devenir des thèmes centraux. Si l'on ne parvient pas à se mobiliser, nous courons le risque d'avoir une primauté des placements financiers sur les investissements industriels. Au Japon et dans les pays de la Communauté européenne, les programmes de recherche bénéficient d'une aide de l'Etat ».

Cette motion invite le Conseil d'Etat à étudier la faisabilité d'une telle garantie et les conditions que devraient remplir les entreprises bénéficiaires d'une telle mesure et l'impact sur l'économie d'une action de l'Etat dans ce domaine.

Enfin, comme nous l'avions indiqué dans l'exposé des motifs de notre motion, pour nous, l'innovation, source de progrès, ne concerne pas seulement l'innovation technologique mais aussi l'innovation sociale. L'Etat devrait encourager les entreprises qui font des expériences pour un meilleur partage du travail (retraite anticipée, développement du travail à temps partiel, réduction de l'horaire hebdomadaire du travail). Ce domaine étant générateur d'emplois à long terme. Ce point est d'autant plus important que le développement de la productivité est un phénomène irréversible. Il est par conséquent normal que les profits générés par ces gains de productivité soient partagés entre tous les acteurs de la production et, notamment, pour les salariés sous forme d'un diminution du temps de travail. Depuis le début de la révolution industrielle, les gains de productivité liés à la mécanisation et à l'automatisation du travail se sont toujours traduit par une diminution du temps de travail.

Troisième invite

Cette invite propose de créer, dans le cadre du Conseil économique et social (CES), un Conseil de la productivité et de l'innovation. Le but d'un tel organisme est de mettre ensemble les acteurs de la vie économique pour favoriser le développement des productions nouvelles porteuses d'avenir. Dans ce domaine la concertation est un facteur essentiel pour la mise en place d'une politique économique favorable au développement, à la production et la commercialisation des innovations.

Quatrième invite

Cette dernière invite propose une intervention directe de l'Etat pour aider la reconversion des entreprises, la recherche et le développement de nouvelles technologies. L'intervention de l'Etat pourrait se faire sous diverses formes (fiscales, prêt à taux préférentiels, aides à la formation etc.) et devrait être judicieusement ciblées. Le but de cette intervention est d'éviter des licenciements et favoriser la création de nouveaux postes de travail dans des secteurs économiques porteurs d'avenir.

Avec 16 000 chômeurs et la perte en quelques années de plus de 25 000 postes de travail, il est urgent d'agir en amont pour aider des secteurs économiques à se reconvertir et à se moderniser. L'argent ainsi investi diminuera d'autant celui dépensé pour les mesures en faveur des chômeurs.

Bien sûr l'aide de l'Etat devra être dispensée avec discernement pour ne pas fausser la concurrence. Elle pourrait se matérialiser par des aides destinées à former le personnel aux nouvelles technologies, à favoriser la recherche, à aider à commercialiser des inventions etc.

Dans ce domaine l'Etat a déjà mis en place la FONGIT (Fondation genevoise pour l'innovation technologique) dont l'activité devrait être renforcée pour améliorer son rôle d'interface entre les inventeurs et les entreprises.

3. Conclusions

La situation économique et la montée du chômage préoccupe une partie de plus en plus importante de la population comme l'atteste le succès de l'initiative, lancée par les syndicats, intitulée : « pour l'emploi, contre l'exclusion». Les nombreuses personnes qui ont signé cette initiative souhaitent que les pouvoirs politiques adoptent une attitude active dans ce domaine. Elle souhaite que des mesures, comme celles proposées dans cette motion, soient prises.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, et en regrettant que les députés de la majorité de droite n'aient pas accepté la discussion en commission, la minorité (S, AdG, E) de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Débat

M. Armand Lombard (L), rapporteur. En ouverture de cette discussion, j'aimerais vous rappeler certains points de la motion qui nous est soumise.

Cette motion est une proposition intéressante sur le fond, puisqu'elle a trait à la relance d'une politique économique active. C'est donc un acte politique positif qui intervient après tant d'avis négatifs émis des bancs, quels qu'ils soient, de ce Grand Conseil. C'est l'espoir de retrouver, dans un temps pas trop éloigné, l'esprit qui avait présidé à l'élaboration de la précédente motion 803 qui concernait aussi la relance économique et avait permis un travail en commun de l'ensemble du Grand Conseil, il y a deux ou trois ans.

Les pistes évoquées, par les quatre points de cette motion, le sont à juste titre. Il s'agit de la productivité, du capital-risque, de la commercialisation et de la formation. A l'évidence, il s'agit de sujets qui intéressent tous les groupes de la société, que ceux-ci réunissent quelques individus ou l'ensemble des personnes d'une entreprise, qu'ils se situent sur le plan économique ou de la société civile, au niveau de la cité ou de la région. Ce sont bien les quatre points formateurs d'un ensemble qui fonctionne et, par conséquent, les bases d'un travail important.

Mais la motion s'égare aussi sur des pistes où nous ne pouvons plus la suivre et que je précise ici : parlant de productivité, elle parle des secteurs de pointe genevois; parlant de capital-risque, elle parle de garanties contre le risque à l'innovation; parlant de la commercialisation, elle parle de conseil cantonal de la productivité; parlant de l'innovation, elle parle de garanties en faveur de l'innovation. A ce niveau, nous considérons que la traduction de ces intentions, par ailleurs positives, ne nous paraît pas admissible et que le rendez-vous avec les réalités et les moyens de l'économie est manqué.

Quant à la productivité, les secteurs de pointe genevois ont été clairement définis et votés par ce Grand Conseil, avec l'acceptation de la motion 803.

Pour ce qui est du capital-risque, nous recevons une proposition de garantie contre les risques à l'innovation. Mais nous voudrions, nous, parler du goût du risque, du goût d'innover, mais pas de la garantie, car la nouvelle entreprise ne demande pas une garantie, elle sollicite simplement un soutien, un apport, un accompagnement vers l'innovation. Elle n'entend pas se faire conseiller par rapport à ce en quoi elle a innové.

La commercialisation a donné lieu à une demande de conseil cantonal de la productivité, d'ailleurs proposé dans le cadre du Conseil économique et social. Que celui-ci se saisisse alors du problème, et il le fera à n'en pas douter. Il n'est donc nul besoin d'une motion complémentaire de notre Grand Conseil.

Enfin, nous disons non aux interventions publiques dans le domaine de l'innovation. Définir cette dernière par le biais de commissions, de comités ou de départements du secteur public, n'est pas une solution à préconiser. En revanche, le marché des capitaux est à même de sélectionner les innovations, à les soutenir, ainsi que les pépinières d'entreprises, les fonds régionaux de capitaux, et toute autre action directe et positive. Cet ensemble est bien plus efficace que ne le seraient des demandes d'études multiples au Conseil d'Etat.

Sur le plan formel, nous regrettons vivement que cette motion se résume à une suite de demandes d'études, à une suite de demandes de définitions, à une suite de demandes de comités. Nous disons donc aux motionnaires : Inventez vous-mêmes ! Comme nous, vous savez que l'on peut faire des motions et les envoyer au Conseil d'Etat. Mais si nous voulons véritablement travailler et agir en vue du développement du système économique et du développement général de notre canton, c'est à nous à proposer des projets de lois, à inventer des solutions nouvelles, quitte à les soumettre à ce Grand Conseil si elles requièrent un caractère de partenariat public. Il faut vraiment se mettre au travail nous-mêmes et pas adresser de vagues projets au Conseil d'Etat.

Si je me suis permis de faire un rapport...

Mme Micheline Calmy-Rey. Un rapport stupide !

M. Armand Lombard, rapporteur de majorité. Avec ce débat, Madame, j'entendais précisément éviter des apostrophes aussi stupides ! C'est pour cela que je m'efforce, dans cette introduction, d'utiliser des termes normaux. Aussi, je regrette le niveau des débats, ici et en commission, tout comme les motionnaires, d'ailleurs. Des échanges valables n'ont quasiment pas eu lieu en commission. Ils se sont limités à ceux que j'ai relatés fidèlement dans mon rapport.

M. Pierre-Alain Champod (S), rapporteur de minorité. Pour commencer, j'exprime le regret que la commission de l'économie, sans véritable débat, ait refusé d'entrer en matière sur cette motion.

Je voudrais aussi faire quelques remarques sur le ton du rapport de majorité du député Armand Lombard, même si lui-même vient de s'exprimer d'une façon moins polémique. En fait, son rapport est un «coup de gueule» qui ne fera pas avancer les choses. Ce rapport ne contient, nulle part, une analyse de nos propositions, alors que la situation économique demeure extrêmement préoccupante. Nous avons, à Genève, plus de quinze mille chômeurs. Par rapport à l'emploi, l'inquiétude de la population est réelle, une inquiétude d'ailleurs partagée par les responsables d'entreprises.

Il y a quelques jours, j'ai reçu un téléphone d'une personne assumant des responsabilités dans une association de PME. Sans être de gauche, elle m'a dit trouver cette motion intéressante et ne pas comprendre pourquoi la droite n'était pas entrée en matière à son sujet, quitte à l'amender en commission.

On a souvent reproché au parti socialiste de ne faire des propositions que pour le traitement social du chômage. On lui a dit qu'il était bien de faire des lois pour aider les chômeurs, mais qu'il serait mieux d'en faire pour créer des places de travail. Je suis d'accord, car le meilleur traitement social du chômage ne vaudra jamais le plein emploi.

Or, cette motion a précisément pour but de permettre d'agir en amont du chômage et l'on constate que la droite ne veut pas entrer en matière, refuse même de discuter, puisqu'en moins d'une heure de travaux en commission ce projet a été «shooté».

M. Lombard reprend le reproche que l'on nous fait souvent, à savoir que nous sommes pour le secteur secondaire et contre le secteur tertiaire. Aussi je tiens à dire que nous ne sommes pas fous au point de désirer la mort du secteur tertiaire, alors que la majorité de nos militants en viennent et que la majorité des députés socialistes y travaillent. Nous ne sommes donc pas stupides au point de souhaiter la disparition d'un secteur qui représente nos emplois. Donc, nous disons et maintenons que nous sommes pour le tertiaire, mais qu'en revanche nous sommes contre la spéculation qui n'avantage pas l'emploi. Le coût des terrains, à Genève, décourage les entreprises de s'y installer. La preuve en est que l'Etat doit intervenir pour la création de zones industrielles. Sinon, il y a longtemps que nous n'aurions plus de secteur secondaire à Genève.

Je suis convaincu que le vote, en commission, était de nature purement politique, puisque les propositions faites n'ont même pas été examinées. J'en ai pour preuve que, dans les semaines qui ont suivi le refus de la motion dont nous parlons ce soir, et ce après une discussion qui a duré moins d'une heure, le groupe socialiste a proposé neuf amendements aux neuf invites d'une motion, déposée par le parti libéral, et intitulée «Concernant la priorité donnée à l'emploi par l'amélioration des conditions-cadres offertes à l'économie genevoise». Sept amendements ont été refusés et deux acceptés, l'un concernant la formation et l'autre, je vous le lis maintenant. Je vous propose de m'écouter tout en lisant le texte de la page 6 du rapport que vous avez sous les yeux. L'amendement accepté par la commission de l'économie disait : «à poursuivre et à accélérer une politique économique active en prenant, notamment, des mesures pour : a) favoriser l'innovation, la recherche du capital-risque, la commercialisation et l'exportation». Cet amendement présente plus d'une ressemblance avec la deuxième invite de la motion 936-A.

D'autre part, aux lettres b) et c), on lit «favoriser l'investissement dans la production industrielle et la reconversion industrielle et des services et favoriser l'introduction des nouvelles technologies et des nouveaux produits dans les PME». Les invites se ressemblent étrangement. Maintenant, je vous demande de vous reporter à la première invite de la motion pour constater qu'elle est la copie conforme du texte, lettre d, de notre amendement, qui est, je cite : «réaliser les études prospectives sur la structure et l'avenir des secteurs économiques genevois, ainsi que sur les conditions de leur maintien et de leur développement». C'est mot pour mot, le texte que la commission de l'économie avait refusé, pour l'accepter quelques semaines plus tard, les commissaires n'ayant pas réalisé qu'il s'agissait du même énoncé. (Rires.)

Compte tenu de ce que je viens de dire et de l'avis positif émis par M. Lombard au début de son intervention, par rapport à notre motion, je vous propose de renvoyer celle-ci en commission.

M. Max Schneider (Ve). Après ce débat soporifique, je voudrais juste souligner que votre arrogance, votre dédain, votre refus d'écouter l'autre en commission... (Contestation.) ...Oui, oui, cette motion a été balayée. Il n'y a eu que des attaques partisanes, les bons vieux clivages gauche-droite, qui ont abouti, quelques semaines plus tard, à des amendements qui sont, de toute façon, acceptés. C'était un débat ridicule en commission et je regrette que le parti libéral, notamment, n'a pas accepté d'entrer au moins en matière sur cette motion.

Elle contient peut-être des erreurs, elle est peut-être susceptible d'être modifiée ou corrigée. Mais la manière dont elle a été traitée est le reflet du débat de ce soir.

M. Pierre Kunz (R). Si, avec la majorité de la commission de l'économie, les radicaux ont rapidement rejeté la motion 936, ce n'est pas parce qu'ils considéraient que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes économiques. C'est parce que les moyens proposés par les motionnaires, pour revitaliser l'économie genevoise, sont inadéquats.

Les suggestions des motionnaires partent, peut-être, d'un bon sentiment, mais en tout cas pas de la réalité.

Cependant, le constat qu'ils posent est correct. La mondialisation de l'économie et l'accroissement de la concurrence provoquent effectivement des craquements, des ruptures, dans notre tissu économique et social. Il est vrai aussi que la reprise, si elle se concrétise et se développe, nous laissera dans une situation difficile en termes d'emploi. Il est vrai, enfin, qu'une politique économique active peut contribuer efficacement à la modernisation, à la réorientation, de notre tissu économique, et à la création de nouveaux emplois.

Je suis certain que la majorité de ce Grand Conseil est convaincue de l'utilité d'une politique économique active. C'est pourquoi elle soutient celle menée par le Conseil d'Etat, aux plans administratif et promotionnel.

C'est pourquoi aussi, Monsieur Champod, les représentants de cette majorité au sein de la commission de l'économie, qui ne sont pas aussi stupides que vous semblez le penser, ont accepté d'intégrer aux invites de la motion libérale 919, que ce Grand Conseil aura à traiter prochainement, un texte présenté par le parti socialiste, et qui rappelle et précise les grandes lignes de cette politique économique active.

Les moyens proposés par la motion 936, je le répète, ne sont pas les bons. Ils procèdent d'un goût immodéré pour la planification et renforceraient, si on les appliquait, la bureaucratie et l'interventionnisme d'un Etat déjà bien trop présent dans le domaine économique.

Ce sont les entreprises, et pas l'Etat, qui ont pour mission d'affronter la concurrence et, à cet effet, d'améliorer leur productivité et leurs capacités innovatrices. Ce sont les entreprises, pas l'Etat, qui doivent peser et gérer les risques de ces processus innovateurs. Et il revient aux entreprises, pas à l'Etat, de trouver les capitaux nécessaires à leur démarrage, puis à leur développement.

Le rôle de l'Etat, en matière économique, est de créer, puis de développer ou de modifier, si nécessaire, les conditions-cadres qui permettent à ces entreprises d'assurer leur compétitivité. Ces conditions cadres doivent être nettement améliorées par une action réformatrice encore insuffisamment engagée, c'est sûr ! Mais malgré cet environnement pas aussi favorable qu'on pourrait le souhaiter, malgré les handicaps que ces entreprises rencontrent, celles-ci, généralement, savent répondre efficacement au défi permanent de la compétitivité et, par conséquent, assurer leur pérennité.

On peut d'ailleurs mesurer cette efficacité - c'est malheureux, mais c'est comme ça - à l'aune des conséquences de celle-ci sur le marché de l'emploi, puisqu'une partie du chômage, que nous connaissons, en découle directement.

Les motionnaires disent aussi, avec raison, que s'agissant de l'aménagement du territoire, de la fiscalité, de l'enseignement, le rôle économique actif de l'Etat impose une vision prospective. Mais permettez-moi de rappeler, à ce sujet, que le Conseil d'Etat, dont c'est la responsabilité, a déjà indiqué qu'il comptait former un groupe de personnalités qui l'aideront à cette réflexion prospective sur l'avenir de Genève.

Un rôle actif de l'Etat en matière d'économie implique aussi, rappellent les motionnaires, que l'Etat, fort de cette vision prospective, favorise l'investissement, la recherche, l'innovation et le développement d'entreprises utilisant les technologies de pointe.

Or, personne ne peut nier que le Conseil d'Etat, dans les limites d'une action raisonnable, c'est-à-dire surtout administrative et promotionnelle, répond déjà largement à notre attente, même si des progrès restent à faire dans certains secteurs, par exemple en ce qui concerne la création et l'accompagnement, que je qualifierais de quasi scolaire, de certaines jeunes entreprises.

Alors, à quoi pourrait bien servir un bureau cantonal des risques à l'innovation ? Ou un conseil cantonal de la productivité ? Ou un secrétariat aux reconversions industrielles ? Ou encore un service des technologies nouvelles ? A rien, sinon à donner bonne conscience à une partie de ce parlement et à renforcer encore la bureaucratie publique.

Ce que les entreprises désirent, ce ne sont pas les aides et les conseils de l'Etat, c'est un environnement favorable à leur développement, c'est une liberté d'action suffisante.

C'est en faisant davantage confiance à la capacité créatrice des acteurs économiques - patrons, cadres, travailleurs - que nous favoriserons vraiment la compétitivité de l'économie genevoise et, par conséquent, la création d'emplois. Et cela ne se fera pas en renforçant la planification et l'intervention de l'Etat dans l'économie.

Voilà pourquoi le groupe radical vous recommande de rejeter cette motion.

M. Claude Blanc (PDC). Il est vrai que nous avons rejeté rapidement cette motion en commission, et cela parce que nous étions fatigués des pleureuses qui croient soutenir l'économie en lui fournissant des béquilles en papier. Parce que tout cela n'est que du papier ! Séance après séance, vous nous fabriquez du papier ! Chaque fois que des mesures concrètes sont proposées pour créer des conditions types, aptes à faire sortir l'économie de ce canton de sa léthargie, vous trouvez de bonnes raisons pour les refuser !

De béquilles en papier, nous ne savons qu'en faire. Nous voulons du concret, et chaque fois que nous vous présentons du concret, vous nous soupçonnez de soutenir des spéculateurs ou des profiteurs. Vous devez quand même bien savoir que si nous voulons sortir l'économie de ce canton de sa léthargie, il faut encourager les gens qui cherchent à produire de la valeur ajoutée et pas seulement leur donner des conseils sur papier.

On a assez gâché de papier ! Maintenant, il faut agir et faire des choses plus sérieuses.

Mme Claire Chalut (AdG). J'entends dire qu'il faut laisser les entreprises agir librement, mais voilà, il y a un problème !

Effectivement, elles agissent peut-être librement, mais ce que M. Kunz a peut-être oublié de préciser, c'est que l'on fait appel sans arrêt à l'Etat.

Et que fait l'Etat ? A lui seul, il assume le chômage, ce qui constitue une subvention énorme aux entreprises. Il s'occupe de créer des occupations temporaires, organise des cours de formation, etc. Il s'agit là d'une immense contribution qui dépasse largement le montant de la cotisation que vous acquittez.

Je ne m'étendrai pas sur le rapport rédigé par M. Lombard, parce que, voyez-vous, M. Lombard ne connaît pas bien la commission de l'économie, puisqu'on ne l'y voit plus depuis le mois de novembre. Il ne doit donc pas savoir grand-chose du travail qui s'y fait et des personnes qui l'accomplissent. Pour ce faire, il faudrait qu'il se rende plus souvent en commission !

Mme Micheline Calmy-Rey (S). J'ai été très choquée par le ton et le contenu du rapport de M. Lombard. Je ne pense d'ailleurs pas qu'il ait lu le texte de la motion. Elle traite de quatre volets, prétend-il, la formation, le capital-risque, la commercialisation, l'innovation et la productivité. C'est faux, Monsieur Lombard. Ce sont bien là les actes d'une politique économique active dans une vision socialiste, mais la motion ne traite que de la productivité et de l'innovation. Alors, vous avez formulé vos critiques, à l'avance, concernant les volets qui suivront certainement, d'ici quelque temps, et nous en prenons acte, mais nous n'avons rien à dire là-dessus pour l'instant.

Quant au ton et au contenu du rapport de majorité, je les ai, dans un premier temps, attribués à l'hyperémotivité de son auteur et à son anesthésie intellectuelle concernant le sujet, mais j'ai révisé ma première réaction et mon jugement au fil de ma lecture et des débats de ce soir. On a entendu dire qu'en commission les débats avaient été dominés par des a priori idéologiques, que les uns reprochaient aux autres d'être des interventionnistes à tout crin, et que les autres ont reproché aux uns d'être les partisans, à tout crin, de la libre entreprise.

J'avoue mon étonnement de pareilles discussions, parce que la motion se voulait la traduction pratique d'un discours fort différent et beaucoup plus concret.

Il y a longtemps que les socialistes ont abandonné l'idée que l'Etat doit tout faire et nous espérions que les libéraux et consorts avaient abandonné aussi, depuis longtemps, leur foi dans le hasard et la main invisible. Nous pensons que la passivité ne convient pas dans la situation actuelle, et que les effets conjoncturels, dus à la crise que nous venons de vivre, liés à la formidable augmentation de la productivité, nous préparent un avenir difficile, même en cas de bonne reprise des affaires.

Nous pensons que dans une telle situation, il convient qu'une politique économique audacieuse et imaginative puisse être mise en place.

Or, que voyons-nous ?

Il y a quelque quinze jours, les commissions syndicales de la SIP et de Tavaro sont venues devant ce Grand Conseil nous remettre des tracts. Et ces tracts nous rappelaient que ces entreprises étaient les fleurons de l'industrie genevoise, il n'y a pas si longtemps encore. Et ces commissions de s'étonner que le département de l'économie publique ou que le canton ne soit pas plus actif, et attendent que les gens soient licenciés ou au chômage pour intervenir.

Eh bien, précisément, la proposition faite dans notre motion d'un conseil cantonal de la productivité et de l'innovation, avait pour objectif de permettre d'intervenir préventivement par la pose d'un diagnostic, une structure de conseil et d'aide pour veiller aux places de travail et au maintien d'un savoir-faire précieux.

Vous n'avez même pas voulu en entendre parler. Nous aurions été prêts à discuter d'une formule différente. Vous n'êtes même pas entrés en matière. Nous étions prêts à écouter vos propositions, vous n'en avez fait aucune.

En réalité, vous dites non à toute mesure un tant soit peu ciblée, vous renoncez à examiner sérieusement l'idée d'une garantie des risques à l'innovation. Et là, je dois franchement faire mon mea culpa, j'ai utilisé un terme tabou, pour vous, qui est la garantie des risques à l'innovation. J'aurais pu employer un autre terme, je suis désolée. Mais de là à refuser toute discussion...

Vous nous reprochez aussi de vouloir promouvoir l'innovation en disant : «Vous voulez mettre sous tutelle les entreprises novatrices et les inventeurs». Quel procès d'intention vous nous faites !

Vous ne voulez même pas d'une étude préventive, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, et cette façon d'envisager l'avenir économique de Genève a de quoi inquiéter.

Genève est un canton cher, Genève a des salaires élevés, une bonne protection sociale, de fortes contraintes écologiques. Genève a une productivité élevée et un grand savoir-faire. Il s'agit de forcer notre compétitivité en misant sur nos compétences, et non pas avec une politique de bas salaires, des mesures fiscales à l'encan, une politique de moratoire social, voire de démantèlement social.

Nous voulons aider les entreprises à être compétitives, à moderniser leur technologie et à se développer. Nous voulons aider, non seulement le secteur des industries, mais aussi le secteur des services.

Ce sont les choix qui sous-tendent cette motion. Nous voulons que l'Etat, à côté des conditions cadres qu'il est chargé de mettre en place, joue un rôle novateur dans l'organisation du développement économique et la modernisation des technologies.

Vous ne partagez pas ces choix et je pense que ce que j'avais pris pour de l'hyperémotivité chez M. Lombard est tout simplement la justification de l'inertie du département de l'économie publique.

Monsieur Lombard, vous jouez le rôle d'un porteur d'eau. Je le regrette, car cela ne me permet pas d'avoir un débat intéressant et efficace sur la politique économique du canton.

M. Armand Lombard (L), rapporteur. Juste quelques mots pour faire le point sur des réflexions désagréables. Ensuite, je passerai à quelque chose de plus intéressant.

Je dirais à Mme Chalut que j'avais des raisons valables, que je ne lui donnerai pas, pour être absent de la commission de l'économie.

Par ailleurs, je suppose que si le parti socialiste avait développé un tel intérêt pour sa motion, Mme Calmy-Rey serait venue la présenter en commission et que, si M. Champod tenait à nous faire passer son message, il n'aurait pas attendu six mois pour déposer son rapport.

Beaucoup de temps s'étant écoulé depuis la rédaction de mon rapport, Mme Calmy-Rey ne se souvient sûrement pas que, dans son projet de motion, en page 3, figurent les quatre plans précis d'action qui sont, dans l'ordre : productivité et innovation; capital-risque; commercialisation; formation professionnelle. (Interruption de Mme Calmy-Rey.) Gnia, gnia, gnia ! (Rires.) C'est ce qui est écrit dans votre motion. Donc, arrêtons de chipoter sur des vétilles ridicules.

Je poursuis en étant, j'espère, plus constructif. Mme Calmy-Rey aura certainement compris que nous pourrions nous entendre sur des projets - et non sur des envois d'études et des créations de comités - car le parti socialiste «n'a jamais prôné le tout à l'Etat et qu'il n'y a pas que lui pour agir dans la communauté». Par conséquent, je pense vraiment que nous ne sommes pas si loin d'un accord.

J'aimerais également rassurer Mme Calmy-Rey quant à l'attitude du rien à l'Etat, qui fut peut-être celle du parti libéral, en matière économique. A l'évidence, et je l'ai dit hier soir à mon collègue Longet, nous pensons qu'un partenariat avec les institutions politiques est absolument nécessaire pour mener à bien le développement de notre tissu économique. Vous prétendez que ces institutions sont nulles, mais, nous, nous disons le contraire. Les institutions politiques, en l'occurrence les services du département de l'économie publique, sont extrêmement efficaces et compétentes, particulièrement dans l'accueil des entreprises. En se structurant pour aider à la création des entreprises, ils deviendront des partenaires, et nous ferons avec eux.

Nous en avons besoin, certes, mais nous avons aussi besoin des entreprises et de la société civile. Nous avons surtout besoin de projets précis et pas de «discutailles».

Nous sommes tous suffisamment compétents dans cette enceinte, socialistes compris, pour mettre de véritables projets sur pied.

Mme Micheline Spoerri (L). Il est vrai que la commission de l'économie a traité rapidement la motion 936, puisque c'est en une demi-séance qu'elle a refusé, à la majorité, d'entrer en matière. Aujourd'hui, Mme Micheline Calmy-Rey et M. le rapporteur de minorité nous en font le reproche.

N'ayant pas pu m'exprimer personnellement au cours de ces travaux, en ma qualité de présidente de la commission, j'aimerais dire ce soir à M. Champod qu'il va, lui aussi, un peu vite en besogne lorsqu'il écrit dans son rapport de minorité, à la page 7 : «Une fois de plus, l'attitude de la majorité a empêché qu'un véritable dialogue se développe au sein de la commission de l'économie et n'a pas permis de trouver des solutions constructives, ce que la minorité de la commission regrette. En effet - poursuit-il - nous estimons que les problèmes soulevés méritaient un traitement plus sérieux», car refuser d'entrer en matière sur la motion ne signifiait pas que nous traitions le thème de la politique économique active par le mépris, mais que nous n'avions pas trouvé d'éléments suffisamment convaincants - j'y reviendrai tout à l'heure - pour nous saisir de cette motion.

J'ajouterai, à l'intention de Mme Calmy-Rey, que son absence à la séance du 28 novembre aura peut-être joué un certain rôle. Non pas que je sous-estime les compétences de M. Champod, en tant que motionnaire, mais dans ce type de motion, que l'on peut qualifier de généraliste, on n'est pas trop de deux, vous le savez, Madame, pour défendre sa conviction. Force est donc de constater que M. Champod s'est trouvé un peu isolé.

L'intérêt de la motion 936, c'est qu'elle contribue effectivement à alimenter la réflexion que ce Grand Conseil doit mener à propos de l'emploi, notamment de la définition du rôle qu'il entend voir jouer par les partenaires, qu'ils soient privés, publics ou autres, dans l'économie genevoise.

Pour vous, Mesdames et Messieurs les socialistes et Mesdames et Messieurs des partis de gauche, les choses paraissent claires, du moins en théorie.

Pour nous, les libéraux, la définition du rôle de l'Etat en faveur de l'emploi est chose plus difficile, c'est vrai. Mais nous entendons bien donner à notre gouvernement les moyens concrets, et non pas théoriques, d'y parvenir, et ceci avec une certaine cohérence, ce qui, en politique, n'est pas chose aisée.

C'est précisément le manque de cohérence par rapport à la réalité de vos choix politiques, de même que la nature très théoricienne de votre motion, qui nous ont empêchés d'adhérer à cette dernière.

Quel n'a pas été notre étonnement de voir le parti socialiste développer , en solo, des thèses sur la productivité, alors même que régulièrement, constamment et patiemment, il fait aux partis de droite, voire aux entrepreneurs, le reproche de trop se préoccuper de productivité aux dépens des avantages sociaux.

Avouez que même si nous nous réjouissons de vous voir enfin reconnaître la productivité à son juste titre, nous avons de quoi être perplexes quant à la crédibilité de vos arguments, surtout quand vous conjuguez, Monsieur le rapporteur de minorité, productivité et partage du temps de travail.

Vous parlez ensuite d'innovation. Importante et indispensable, l'innovation l'est, nous en sommes bien d'accord ! Mais quand, pour l'encourager, vous parlez de garantie et de nouvelles institutions, comme vient de le dire M. Kunz, à savoir un conseil cantonal de la productivité, alors même qu'existe ce fameux Conseil économique et social dont, aujourd'hui, on ignore l'avenir, comment imaginer, Mesdames et Messieurs les députés socialistes, que vous puissiez nous convaincre ?

Notre intention, et la mienne en particulier, car je serai bien mal placée pour le faire, n'est pas de dispenser des leçons d'économie. J'aimerais simplement vous dire que je suis cheffe d'entreprise et je crois, Madame, que vous l'êtes également, et qu'à ce poste on doit innover et que pour innover, on prend nécessairement des risques.

Alors, il y a les bons entrepreneurs qui prennent des risques calculés, ce qui ne les met pas forcément à l'abri des aléas économiques, et les autres, qui prennent des risques purs - espérons que c'est une espèce en voie de disparition.

Mais dans tous les cas, pour nous, l'innovation est liée au risque. Sinon, il ne s'agit pas d'innovation. Pour nous, l'innovation représente, d'abord, des choses concrètes et durables, parce qu'innover sans durer ne correspond pas à grand-chose. Et vous savez que le principal souci des entreprises genevoises est de pouvoir durer.

Nous pensons aussi, comme l'a dit M. Kunz, que c'est à l'entreprise elle-même et dans son ensemble, patrons et collaborateurs réunis, que revient la difficile et prestigieuse tâche d'innover. Nous ne croyons pas à des instances supérieures ou aux «mains invisibles» auxquelles, Monsieur Champod, vous faites allusion dans votre rapport.

Enfin, en introduction à l'unique séance de la commission de l'économie, je cite M. Champod qui dit : «le but de la motion est d'encourager le développement des productions d'avenir dans la haute technologie». A la première occasion qu'a rencontrée le Grand Conseil après vos propos, Monsieur - je veux parler de Reuters - vous avez, Mesdames et Messieurs les socialistes, fini par vous rallier au projet du bout des lèvres et au prix de nombreuses conditions, si bien que vous n'aurez pas beaucoup encouragé les entreprises à se lancer dans ce genre de bataille. Et ceci parce que les conditions d'implantation de Reuters ne correspondaient pas, à 100%, à votre schéma idéal de l'économie genevoise.

Vous avez démontré qu'entre un projet perfectible et les théories contenues dans cette motion, vous êtes encore capables d'hésiter.

Voilà pourquoi les partis de l'Entente n'ont pas été convaincus par la motion 936, et que sans vouloir écarter la minorité de la réflexion parlementaire, le parti libéral vous recommande de rejeter cette motion.

M. Pierre-Alain Champod (S), rapporteur. Je voudrais juste faire remarquer à M. Lombard qu'à la page 3 du texte de notre motion, où l'on mentionne effectivement, sous le point 1, la productivité et l'innovation, sous le point 2, le capital-risque, sous le point 3, la commercialisation et l'exportation, sous le point 4, la formation, la phrase suivante est : «les auteurs de la présente motion n'entendent pas aborder la totalité de ces pistes. Les invites adressées au Conseil d'Etat traitent de productivité et d'innovation, donc uniquement de la première piste.».

Par rapport au débat en commission, un député a déclaré que votre intention première était de «shooter» la motion en plénière. Mais comme elle était inscrite au débat en même temps que le débat sur la privatisation du service des autos et de la navigation, vous avez préféré la renvoyer en commission pour la refuser.

Nous n'avons jamais été contre les progrès techniques, ni contre les gains de productivité. Mais nous divergeons quant à la manière dont on partage les gains de productivité. C'est pour cela que nous disons que ces gains sont naturels à une économie qui se développe, mais simplement, compte tenu du chômage actuel, c'est leur partage, avec celui du travail, qui doit amener à retrouver le plein emploi. Mon grand-père travaillait six jours par semaine, mon père, cinq jour et demi par semaine, et moi, je travaille cinq jours par semaine, et je suppose qu'en fin de carrière je travaillerai quatre jours.

C'est l'évolution dans laquelle nous nous inscrivons.

Concernant les garanties par rapport aux risques à l'innovation, j'ai entendu des responsables de PME moins dédaigneux que vous. Ils disent avoir beaucoup de peine à trouver des prêts bancaires et il est vrai que les banques, aujourd'hui, font leurs affaires sur le marché des capitaux et non en soutenant des entreprises qui fabriquent des produits. Cela cause un réel problème au développement des entreprises.

Enfin, il est incroyable que l'on nous reproche ce qui s'est passé à propos de Reuters, alors que ce sont des députés, notamment des députés socialistes, qui ont sauvé ce dossier, géré de manière catastrophique par le Conseil d'Etat !

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je ne reviendrai pas sur l'affaire Reuters, dont M. Champod vient de parler. Vous avez pris un très mauvais exemple, Madame Spoerri... (Protestations.) ...parce qu'au jour d'aujourd'hui il y aurait référendum s'il n'y avait pas eu les socialistes pour faire aboutir ce dossier dans le consensus.

Je regrette de n'avoir pu être présente en commission le jour où la motion a été discutée. Je ne suis pas membre de la commission de l'économie, je ne pouvais pas y être le lundi soir qui est le jour, vous le savez, de réunion des comités directeurs des partis politiques, nonobstant le fait que l'on ne m'a pas donné une chance d'être présente.

Je voudrais, en outre, tenter de dissiper quelques malentendus. On nous dit que cette motion est trop généraliste, théorique, que c'est du bla-bla, du papier, etc. Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que nous nous sommes, par exemple, contentés de demander la réalisation d'une étude prospective, c'est peut-être du bla-bla. Si nous demandons de mettre sur pied un conseil cantonal de la productivité, c'est peut-être du bla-bla. Si nous demandons de définir des mesures en faveur de l'investissement, ce sera aussi du bla-bla ?

La seule chose que nous demandons, c'est que soit étudiée la création d'une garantie cantonale des risques à l'innovation. Je vous aurais entendus, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, si j'avais proposé de mettre sur pied une garantie cantonale des risques à l'innovation !

Par conséquent, votre discours à ce sujet ne tient absolument pas !

Quant aux pistes évoquées par M. Lombard, il est vraisemblable qu'il n'a pas réussi à lire le texte de la motion au-delà du début de la deuxième page ou de la troisième, car deux lignes plus loin, il est dit : «les auteurs de la présente motion n'entendent pas aborder la totalité de ces pistes. Les invites adressées au Conseil d'Etat traitent uniquement de productivité et d'innovation.».

M. Armand Lombard. Tu l'as déjà dit.

Mme Micheline Calmy-Rey. Eh bien, je le redis, parce que vous ne savez pas lire ! En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, vous ne voulez pas de cette motion, non pas parce que vous y êtes fondamentalement opposés, mais parce que, tout simplement, elle émane des socialistes. Et cela vous embête énormément ! C'est du pur parti pris partisan ! Cela me déçoit énormément.

Mme Marlène Dupraz (AdG). Je voudrais juste rassurer Mme Spoerri et lui dire que 48 000 m2 pour quarante-huit emplois, c'est très peu d'emplois ! C'est tout.

M. Jean-Philippe Maitre. A l'occasion de la discussion de cette motion, il n'est pas inutile de faire un bref tour d'horizon de la situation économique de notre canton, parce que force est d'admettre, malgré quelques améliorations sectorielles, que nous n'avons pas fini de manger notre pain noir.

L'industrie présente une situation très contrastée. Des entreprises, dans certains secteurs industriels porteurs dans notre canton, se défendent extrêmement bien. Certaines sont en progression, gagnent des parts de marché, se développent et créent des emplois. D'autres entreprises, dans des secteurs d'activité plus classiques à l'expression industrielle de notre canton, sont en très sérieuse difficulté. A cet égard, je voudrais vous dire que l'un des aspects de la promotion économique de notre canton - et je me permets de le rappeler, car on a tendance à l'oublier - consiste à être présent, actif et engagé auprès d'entreprises en difficulté. En effet, celles-ci ont besoin de certains appuis pour lesquels l'Etat est un partenaire utile, si ce n'est indispensable.

Je crois, Monsieur Kunz, que vous avez eu tort de dire que les entreprises ne demandaient pas l'appui de l'Etat. Très souvent, les entreprises en difficulté se tournent vers nous, afin que nous mettions en place des mesures, propres à favoriser des rapprochements avec des partenaires, propres à engager des dialogues plus constructifs avec certains établissements bancaires qui se montrent extrêmement difficiles, propres à faire patienter un certain nombre de créanciers par des mesures de type concordataire que nous mettons en place.

J'aimerais dire à Mme Calmy-Rey qu'il est logique qu'elle ne puisse pas connaître l'ensemble des mesures développées. Vous avez parlé de deux entreprises, la SIP et Tavaro. Je peux vous affirmer que nous sommes très engagés auprès de ces entreprises. Et je le dis sans chercher à en tirer un quelconque mérite, car nous ne faisons que notre devoir. L'une de ces entreprises n'existerait probablement plus, si elle n'avait bénéficié du soutien extrêmement engagé de l'Etat, et des mesures prises pour l'accompagner dans une situation des plus délicates.

En réponse à l'interpellation urgente de M. Godinat, j'évoquerai, dans un instant, ce qu'il en est d'une des deux entreprises.

Secteur industriel, situations difficiles dans certains contextes, situations fortes, voire prospères dans d'autres créneaux qu'il nous faut également soutenir, parce qu'il ne s'agit pas d'ignorer les entreprises qui se portent bien et de ne s'occuper que de celles qui vont mal.

Il faut que vous soyez également conscients de la réalité du secteur tertiaire. A la différence de ce que nous avons connu, lors de la crise économique des années 70, nous vivons aujourd'hui un phénomène qui n'est en rien comparable. Durant la crise des années 70, due au choc pétrolier, c'est essentiellement le secteur industriel qui a été touché en partie. Sur le plan de l'emploi, la crise n'a pratiquement pas été perçue, en tout cas pas à Genève. On n'en dira pas autant des cantons de l'arc jurassien, mais à Genève, il n'y a pas eu de conséquences, parce qu'en termes d'emploi le tertiaire était en progression si forte que les postes qui y étaient créés compensaient, plus que largement, les pertes d'emplois dans le secteur secondaire.

Toujours est-il qu'aujourd'hui, avec une compétition économique de plus en plus vive, on constate que le secteur industriel s'est restructuré à la faveur, si j'ose dire, de la crise des années 70. Il a réussi des reconversions et a gagné en productivité, ce qui, pour partie, n'avait pas été fait par le secteur tertiaire, d'où le décalage. Et c'est dans les années 90 que le secteur tertiaire a été contraint, tout simplement pour pouvoir durer, de rechercher des gains de productivité qui se sont traduits par des compressions d'emplois. Et je dois vous déclarer que ce processus n'est pas terminé.

Dans le secteur bancaire, qui a été un très grand pourvoyeur d'emplois au cours des années 80, on assiste, aujourd'hui, à une érosion des emplois.

C'est dire que la situation est délicate, que nous n'en sommes pas sortis, malgré quelques signes positifs, ça et là, sur le marché de l'emploi à Genève.

Après une stabilisation du chômage, nous commençons, peut-être, à nous engager dans une période de régression progressive, mais néanmoins modeste, du chômage. Cependant, il nous faut demeurer prudents, nos soucis ne sont pas terminés.

Revenons au secteur tertiaire, si vous le voulez bien, et prenons en considération le commerce de détail, qui est le plus gros employeur du canton. Le commerce de détail connaît de grosses difficultés, actuellement, compte tenu d'une compétition effroyable due à l'adversaire le plus redoutable qui soit, surtout dans un canton entouré d'une ceinture française, où le commerce de détail s'exprime avec des prix complètement différents. Je veux parler du niveau de notre franc qui cause de graves problèmes au commerce genevois.

Si nous attendons de votre part une attitude compréhensive et positive, c'est pour soutenir des mesures déjà prises et à prendre, propres à permettre au secteur du commerce de détail de gagner, ou de maintenir, quelques parts de marché.

Quand, par exemple, on essaie de favoriser certains actes d'achat par une nouvelle clientèle qui, à l'occasion d'importants événements touristiques, vient à Genève et que l'on constate que certaines de ces mesures sont, d'entrée de cause, l'objet de contestations, en particulier des dérogations et des heures de fermeture de nature à favoriser des achats par une clientèle de passage, on pense que les conditions ne sont pas remplies pour que l'on saisisse, à bras le corps, ce qui doit véritablement être fait dans ce canton pour favoriser, chaque fois que faire se peut, le redéploiement et le développement de certaines activités.

Vous savez que dans notre canton, le Conseil d'Etat se bat sur le front de la promotion économique, et déjà par le soutien qu'il apporte aux entreprises actuellement existantes. Je vous rappelle qu'en 1994 70% des mesures d'accompagnement fiscales décidées par le Conseil d'Etat concernaient des entreprises déjà établies dans notre canton. Vous voyez l'appui que nous apportons aux entreprises existantes, pour ne prendre que ce seul exemple.

Pour ce qui est des entreprises nouvelles, le Conseil d'Etat se bat pour une promotion économique, considérée comme l'une des plus actives de notre pays, et obtient de bons résultats, en termes d'entreprises nouvelles créées et d'emplois nouveaux créés.

Dans les conditions cadres auxquelles nous avons affaire, il y a des infrastructures, la formation, les mesures d'accompagnement fiscales. Effectivement, il y a, Madame Calmy-Rey, un certain nombre de thèmes et de dossiers importants, par exemple, une hypothèse relative à la garantie contre les risques à l'innovation. En ce qui la concerne, je voudrais vous rappeler ceci, car il ne faudrait pas avoir la mémoire courte. Ce débat a eu lieu devant ce Grand Conseil, à la faveur d'un projet de loi déposé, il y a quelques années, par le parti radical. La majorité de ce Grand Conseil n'a pas voulu de ce projet de loi et nous a demandé de faire d'autres propositions. Et nous sommes venus avec la proposition de la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, la FONGIT, qui constitue un accompagnement ciblé différemment en faveur de l'innovation technologique. Aujourd'hui, nous devons procéder à l'évaluation de ce projet qui a quelques années d'activité. Nous serons amenés à accroître l'effort, mais l'Etat n'est pas seul. Par définition, il va continuer à travailler avec ses partenaires du projet FONGIT, qui sont les banquiers, les associations professionnelles et les organisations syndicales.

Nous voulons également travailler - et nous avons des projets en cours d'évaluation, qui font l'objet de tests - à un renforcement des mesures de soutien à la création, en particulier, de PME. Nous sommes en train de revoir complètement le système de l'Office genevois de cautionnement mutuel pour les petites entreprises du commerce et de l'artisanat. Il y a là, probablement, des pistes intéressantes qui doivent nous amener, en coopération étroite avec la Banque cantonale, à imaginer des mécanismes nouveaux. Voilà ce qui montre que ce dossier est ouvert et souligne l'imprudence de croire qu'il serait clos à jamais.

Ce qui frappe le Conseil d'Etat, dans tous les débats tenus sur la politique économique, c'est qu'il y a des invectives, une sorte de combat de chiens de faïence gauche-droite. La situation est bien plus complexe ! Il ne faut pas venir avec des propositions effectivement marquées du sceau «n'y a qu'à», si vous me permettez l'expression. Il faut être modeste et ouvert pour prendre en considération des propositions s'inscrivant dans l'actualité d'un débat. En tout état de cause, il faut être déterminé - lorsque des projets concrets se présentent - à ne pas leur mettre des entraves, à ne pas chercher systématiquement la petite bête, pour rendre ces projets ultra désirables, alors que nous voulons simplement les rendre possibles.

Dans ce contexte et quels que soient les atouts de ce canton, quelles que soient ses conditions cadres que de très nombreux cantons et que de très nombreuses collectivités étrangères nous envient, vous ne pouvez pas sous-estimer les facteurs psychologiques inhérents au développement économique. Il y a, à cet égard, une question d'attitude. Je constate que les partis politiques de ce canton ne sont pas suffisamment positifs en ce qui concerne l'économie. On a encore les réflexes que l'on avait du temps du plein emploi, à l'époque où les débats, qui fleurissaient au sein de certains partis, avaient pour thème «Stop à la croissance».

Il faut absolument abandonner cette attitude totalement archaïque. Aussi, à propos de l'économie, nous vous invitons à adopter une nouvelle attitude qui vise à être engagée, concrète, pragmatique et un peu plus modeste et surtout positive.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'économie est rejetée.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

IU 93
7. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Gilles Godinat  : Tavaro. ( ) IU93
 Mémorial 1995 : Développée, 2470.

M. Jean-Philippe Maitre. M. le député Godinat est intervenu à propos de l'entreprise Tavaro. Je voudrais simplement dire que cette entreprise fait l'objet d'une action de notre département depuis plusieurs années déjà, parce que depuis fort longtemps sa situation est préoccupante.

Elle comporte trois cent cinquante emplois, dont cent cinquante en Valais. A Genève, soixante emplois, environ, sont attribués à la production de la machine à coudre Elna, soixante autres emplois à la production de pièces dans le domaine militaire, et quatre-vingts postes sont des emplois administratifs au sens large du terme, puisque incluant les fonctions de marketing, de recherche et de développement.

Vous avez demandé si nous étions en contact avec les représentants du personnel. Vous avez même dit «Quand serez-vous en contact avec les représentants du personnel ?». Permettez-moi de vous répondre, Monsieur le député, que c'est déjà fait. Nous sommes en contact avec les organisations syndicales, nous collaborons étroitement avec la FTMH qui joue, dans cette partie très difficile, un rôle constructif, je tiens à le souligner.

Nous sommes très préoccupés par le sort de Tavaro. C'est une entreprise qui, pour une partie de sa production industrielle, détient, avec la fameuse machine à coudre Elna 4000, un produit technologiquement remarquable, mais extraordinairement difficile à placer sur un marché qui a évolué dans ses habitudes.

D'autre part, vous connaissez les réductions du budget militaire, des programmes d'armement. Cela touche, bien entendu, Tavaro et d'autres entreprises.

Nous travaillons avec Tavaro pour que, malgré tout, son avenir demeure.

J'en viens aux perspectives immobilières auxquelles vous avez fait allusion, Monsieur le député. Il est parfaitement clair qu'à l'occasion du dossier «Charmilles» le Conseil d'Etat de l'époque a décidé d'accorder l'égalité de traitement à l'entreprise Tavaro, dans la mesure où des actifs immobiliers pouvaient être valorisés au service d'un projet industriel. Il faut peser les mots «au service d'un projet industriel». Le Conseil d'Etat d'aujourd'hui n'entend pas revenir sur cet engagement, mais il entend clairement dire que les conditions, qui lui sont liées, sont seules à déterminer la concrétisation, le cas échéant, de ce projet.

En d'autres termes, il est concevable d'envisager la valorisation des actifs immobiliers, qui sont des réserves latentes de Tavaro, à une seule et unique condition : c'est que la valorisation de ces actifs immobiliers soit la concrétisation d'un véritable projet industriel, avec des emplois à la clé, comme cela s'est fait pour Charmilles-Technologies.

Quelles que soient les critiques actuelles à l'endroit du périmètre des Charmilles, qu'il me soit permis de dire que la valorisation des actifs immobiliers a permis de créer, avec Charmilles-Technologies, l'un des éléments les plus performants, le meilleur outil de travail de l'ensemble du groupe Georg Fischer. Aujourd'hui, Charmilles-Technologies est l'un des fleurons de l'industrie genevoise. Et c'est en valorisant les actifs immobiliers que nous sommes parvenus à ce résultat.

Les choses se présentent de la même manière pour Tavaro. Il est concevable de valoriser ses actifs immobiliers si c'est au service d'un projet industriel. Dans la négative, je donne très peu de chances à la valorisation de tels actifs.

Les choses doivent être dites très clairement. Nous en avons, bien entendu, informé l'entreprise. Nous entendons respecter notre engagement, mais demeurer très fermes sur les conditions qui lui étaient liées.

Cette interpellation urgente est close.

PL 7221
8. Projet de loi de Mmes Micheline Calmy-Rey et Christine Sayegh sur l'imposition des personnes morales. (D 3 1,3). ( )PL7221

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 20 (nouvelle teneur)

Société de capitaux et coopératives

Le taux d'impôt sur le bénéfice net est fixé à 12%.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le principe de calcul de l'impôt sur le bénéfice des sociétés est simple: on détermine le bénéfice de l'exercice et on y applique un taux d'imposition qui peut être proportionnel ou progressif, ou encore dépendre du rapport entre le bénéfice net et la somme des fonds propres et des réserves.

A Genève, le taux d'imposition du bénéfice net est progressif et évolue en fonction de l'intensité du rendement.

Ainsi, pour un bénéfice identique, le taux d'imposition de deux sociétés diffère selon leur degré de capitalisation. Plus le capital et les réserves d'une société sont élevés, moins elle paie d'impôts, à bénéfice net égal.

Dépendant de l'intensité du rendement, le taux d'imposition des personnes morales fortement capitalisées est donc plus bas que celui de petites et moyennes entreprises ainsi que d'entreprises en voie de création, ou d'entreprises qui font avant tout appel à de la main-d'oeuvre.

Selon une étude de l'administration fiscale cantonale du 30 mars 1990, pour les banques, le taux de base moyen d'imposition est de 6,8% en 1989. Aucune n'atteint le taux d'imposition maximum. Pour 40% d'entre elles environ, le taux d'imposition de base est inférieur à 6%.

En ce qui concerne les institutions d'assurances, le taux d'imposition moyen de base est de 6,3%, aucune n'est taxée au taux maximum de 15%. Pour 60% d'entre elles, le taux d'imposition de base est inférieur à 6%.

Afin de permettre à l'Etat d'enregistrer des recettes supplémentaires sans courir le risque d'un départ des contribuables touchés par ces mesures, telles que les banques, les compagnies d'assurances et sociétés immobilières, et pour encourager les entreprises riches en main-d'oeuvre, celles dont les fonds propres sont modestes mais le taux de rentabilité élevé, les socialistes proposèrent en 1992 de porter le taux minimum d'imposition de base de 4% à 6% et de réduire le taux de base maximum de l'impôt à 14%. Cette proposition a été introduite dans la loi fiscale et acceptée par le Grand Conseil en automne 1994.

La question n'est pas close pour autant, d'une part parce que le défaut constaté, à savoir le faible taux de base d'imposition relative des sociétés fortement capitalisées, persiste, malgré la correction. Les chiffres remis à la commission fiscale en janvier de cette anéée sont en effet significatifs sur ce point. Le rendement moyen des personnes morales avec un capital imposable supérieur à 10 millions de francs (sans les sociétés holdings) est de 6,11%, portant le taux d'imposition moyen autour de 10%.

Cette inégalité entre sociétés fortement capitalisées et les autres est encore accentuée par la comparaison avec les autres cantons suisses, car, d'après les données fédérales, l'imposition du bénéfice à Genève est relativement plus légère pour les intensités de rendement basses (jusqu'à 15%) et plus lourde pour les intensités plus élevées.

Autrement dit, le système fiscal est plus favorable aux entreprises fortement capitalisées à Genève que dans les autres cantons. D'autre part, une initiative fiscale, l'initiative 101 «pour des emplois d'utilité publique et écologique», est actuellement en discussion devant le parlement et propose un impôt supplémentaire sur le bénéfice des sociétés «que le régime fiscal favorise», c'est-à-dire une deuxième correction visant à augmenter l'impôt pour toutes les sociétés dont le taux minimum légal d'imposition est inférieur à 8%. De deux choses l'une, ou le système n'est plus adapté à la réalité d'aujourd'hui et il convient dès lors de le réformer, ou on continue dans la voie des modifications au coup par coup au gré des constats successifs de ses distorsions.

Nous préférons la première solution, et c'est la raison pour laquelle nous proposons de recourir à un barème qui ne fasse pas référence au capital propre. La capacité économique d'une entreprise ne croissant pas en fonction de son bénéfice, un tarif progressif comme on le connaît pour le revenu des personnes physiques ne nous convainc pas et, en définitive, le meilleur système consiste en une imposition proportionnelle du bénéfice, selon un taux unique. C'est en tout cas le système adopté par la plupart des pays de l'OCDE et, en Suisse, pour les cantons du Jura et du Tessin. Le message du Conseil fédéral sur l'harmonisation fiscale privilégie également ce mode d'imposition.

Le taux retenu dans le présent projet a été fixé à 2% au-dessus du taux de base d'imposition moyen des sociétés fortement capitalisées, soit 12% avec l'objectif d'influer à la hausse sur le montant total des recettes fiscales provenant des sociétés. Bien entendu, il nous a été impossible de vérifier si le taux choisi permet de maintenir et d'augmenter le niveau des recettes. Ses effets devront être évalués sérieusement au moyen des données de l'administration fiscale. Mais, d'une façon générale, l'imposition du bénéfice des sociétés à un taux proportionnel conduira à un réajustement de la charge fiscale au profit des sociétés présentant une forte intensité de rendement, qui seront dégrevées par rapport aux autres.

Au bénéfice de ces explications, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à ce projet.

Préconsultation

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Je n'interviendrai pas en préconsultation. Je voudrais simplement que ce projet de loi soit renvoyé en commission. Il est inscrit à l'ordre du jour depuis longtemps. Je propose de renoncer au débat et de renvoyer immédiatement le projet en commission.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.

PL 7190-A
9. Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Bernard Clerc et Jean Spielmann modifiant la loi générale sur l'imposition des personnes morales (D 3 1,3). ( -) PL7190
 Mémorial 1994 : Annoncé, 5699. Projet, 6294. Renvoi en commission, 6296.
Rapport de majorité Mme Anne Chevalley (L), commission fiscale
Rapport de minorité M. Bernard Clerc (AG), commission fiscale

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Préambule

Ce projet de loi, déposé le 19 décembre 1994, fait suite à deux précédents projets de loi, soit les PL 6954 et PL 7090 déposés par le Conseil d'Etat respectivement les 24 mars 1993 et 13 avril 1994, ce dernier dans le cadre de la nouvelle loi sur l'imposition des personnes morales. Il s'agit des mesures destinées à encourager la liquidation des sociétés immobilières.

Ces deux derniers projets de loi furent renvoyés à la commission fiscale qui en a débattu en long et en large, au cours de nombreuses séances sur le détail desquelles je ne reviendrai pas, et furent acceptés par la majorité de notre Parlement les 23 juin et 23 septembre derniers. C'est dire que les auteurs du projet de loi qui nous occupe n'hésitent pas à revenir sur deux votes acquis démocratiquement il y a moins d'une année, montrant une nouvelle fois leur refus d'accepter les décisions majoritaires qui leur déplaisent!

Travaux de la commission

La commission fiscale, présidée par M. Daniel Ducommun, s'est réunie à deux reprises, les 28 février 1995 en présence de MM. Olivier Vodoz, chef du département des finances, accompagné de MM. Georges Adamina, directeur de la division des personnes morales, et 7 mars 1995, accompagné de M. Daniel Brauen, administrateur général de l'administration fiscale, et de M. Pietro Sansonetti, directeur des affaires fiscales.

Il n'a été procédé à aucune audition, le sujet ayant déjà été discuté d'une manière exhaustive.

Je rappellerai brièvement que la proposition du Conseil d'Etat votée, je le rappelle, par notre Parlement, vise à encourager la liquidation des sociétés immobilières dans le but d'exercer un meilleur contrôle sur les opérations de transfert d'immeubles qui, par le biais de simples cessions d'actions, pouvaient aisément échapper au fisc, notamment à la perception de l'impôt spécial sur certains bénéfices immobiliers et à celui des droits d'enregistrement qui ne frappent que le transfert de propriété de l'immeuble lui-même.

C'est ainsi que les mesures incitatives mises en place consistent notamment en une réduction de 75% de l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé lors du transfert de l'immeuble à l'actionnaire pour autant que la société immobilière fondée avant le ler janvier 1995 ait été dissoute. Le même abattement est consenti sur l'impôt sur l'excédent de liquidation, étant entendu que la liquidation de la société et sa radiation doivent intervenir d'ici au 31 décembre 1999 au plus tard.

Le dépôt du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui est motivé par le refus de notre Parlement d'accepter un amendement présenté par l'un de ses auteurs demandant, je le cite, «la suppression de l'inégalité de traitement existant entre les sociétés immobilières qui distribueront leurs dividendes en fin d'exercice, jusqu'à leur liquidation, et celles qui reporteront ce bénéfice d'année en année pour bénéficier, lors de la liquidation (laquelle peut intervenir d'ici l'an 2000) d'une réduction sur la totalité du bénéfice cumulé». Fin de citation.

Le chef du département, tout en ne contestant pas l'existence d'un risque potentiel d'inégalité de traitement tel qu'évoqué explique que les mesures prises doivent être suffisamment attractives car plus il y aura de liquidations plus la situation fiscale des véritables propriétaires sera déterminable pour le fisc. D'autre part la loi fédérale elle-même a prévu la possibilité de report des bénéfices. M. Vodoz a également déclaré, lors du débat du mois de septembre dernier, avoir questionné l'administration fédérale qui a confirmé qu'elle n'entendait pas distinguer les diverses sources de l'excédent de liquidation fiscalement privilégiées et qu'après discussions avec les différents services de l'administration fiscale cantonale il lui est apparu plus judicieux d'avoir une harmonisation complète entre le droit fédéral et le droit cantonal.

M. Adamina, quant à lui, explique que, par ailleurs, les liquidations de sociétés immobilières sont loin d'être avantageuses car elles obligent fréquemment leurs actionnaires à emprunter pour payer l'impôt. Dans les années 1960 on comptait à Genève plus de huit mille S.I.; il en subsiste aujourd'hui encore environ cinq mille dont la liquidation pour nombre d'entre elles est problèmatique en raison des coûts élevés qu'elle comporte. Comme il n'est pas rare qu'une société soit propriétaire de plusieurs immeubles, on doit admettre qu'une partie importante du parc immobilier genevois est propriété de sociétés immobilières.

Il est vrai que ce type de société présente ou a présenté un certain nombre d'avantages à ses détenteurs, notamment l'anonymat et le transfert facilité de cette propriété économique (la vente d'actions ne requiert pas d'acte authentique et ne comporte pas le paiement de droits de mutation).

Cependant, d'après M. Adamina, l'argument d'inégalité de traitement est à pondérer compte tenu du fait que si une société immobilière ne distribue pas de dividendes elle doit constituer un compte qui doit porter intérêt aux yeux du fisc. Elle doit donc mettre au crédit de son compte pertes et profits un compte débiteur portant intérêt. Cela constitue des bénéfices artificiels imposés sur lesquels elle acquittera des impôts plus élevés qu'une S.I. qui verse un dividende.

On rappellera à cet égard que la Suisse demeure pratiquement le seul état d'Europe qui ne prévoit pas de mesures visant à atténuer la double imposition. C'est ainsi que pour déterminer le bénéfice imposable que réalise une société immobilière, on opposera au prix de vente de l'immeuble une valeur comptable qui elle n'a pas changé depuis son acquisition ou sa construction, soit un prix de vente de 1995 à un prix de revient de 1930, par exemple. Aucune disposition légale ne permet d'indexer la valeur d'immeuble 1930 pour tenir compte de l'érosion monétaire.

Enfin, les premiers résultats de la loi nouvellement entrée en vigueur ne permettent pas de fonder les craintes exprimées par les auteurs du projet de loi 7190. En effet, grâce à l'attrait des mesures incitatives votées auxquelles il est impératif de ne rien retrancher, de nombreuses sociétés immobilières ont déjà entrepris les démarches nécessaires en vue de leur liquidation qui, contrairement à ce que pensent les auteurs du projet de loi, procureront des recettes fiscales importantes, non seulement dans l'immédiat mais ultérieurement, lors des futures transactions immobilières qui n'échapperont plus au fisc. C'est dire qu'une entrée en matière irait à fin contraire du but recherché.

En conclusion et pour toutes ces raisons la majorité de la commission, par 8 voix (lib., rad., pdc) contre 4 (adg., soc.,) et une abstention (peg.,) vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

modifiant la loi générale sur l'imposition des personnes morales

(D 3 1,3)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit:

Art. 42, al. 2 (nouvelle teneur)

2 L'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire est réduit dans la même proportion, mais cette réduction du taux d'imposition est limitée au seul bénéfice d'exploitation réalisé durant l'année où la liquidation de la société immobilière intervient, à l'exclusion de celui des années précédentes.

RAPPORT DE MINORITÉ DE L'ALLIANCE DE GAUCHE

Le 23 juin 1994, lors du débat relatif à la modification de la loi générale sur les contributions publiques pour favoriser la liquidation des sociétés immobilières, le rapport de majorité faisait état des avantages fiscaux dont bénéficient les sociétés immobilières. Nous citons:

«De nombreux auteurs de doctrine fiscale ont assimilé la société immobilière, particulièrement celle à l'actionnaire unique, à une fraude à la loi déguisée» (Mémorial p. 2489)

Ainsi par le jeux de la sous-capitalisation de ces sociétés les propriétaires effectifs de ces immeubles ont bénéficié pendant des années d'une imposition allégée. De plus, grâce à la cession d'actions opérée par convention sous seing privé, la vente d'immeubles échappe aux droits d'enregistrement et, dans de nombreux cas, à la perception de l'impôt sur les bénéfices immobiliers. De ce fait, il existe une inégalité de traitement en matière fiscale entre les propriétaires en nom et ceux soumis au régime de la société immobilière.

Face à cette situation les prescriptions de la LIFD prévoient dès le ler janvier de cette année une imposition qui tienne davantage compte de la valeur économique réelle des sociétés immobilières. Par ailleurs, il est fort probable que, passé le délai accordé aux sociétés immobilières pour leur liquidation, les conditions de leur imposition seront identiques à celle de n'importe quelle société.

Dans ce contexte, les mesures transitoires visant à favoriser la liquidation des sociétés immobilières jusqu'à l'an 2000 sont une occasion rêvée, pour celles-ci, d'échapper largement à la forte imposition provenant d'une liquidation ordinaire. La réduction de 75% de l'impôt sur le bénéfice en capital et de celui portant sur l'excédent de liquidation comme la réduction de 50% du droit de vente est considérable.

C'est en considérant l'ensemble de ces éléments: les avantages fiscaux dont ont bénéficié les sociétés immobilières pendant des années, l'intérêt qu'elles rencontrent à se dissoudre d'ici l'an 2000, que nous avons déposé notre projet de loi. En effet, la possibilité offerte de reporter les bénéfices jusqu'au moment de la dissolution permettra aux sociétés immobilières de bénéficier d'un avantage fiscal supplémentaire. Cela nous ne pouvons l'admettre.

Il existe dans notre pays une propension à banaliser la fraude fiscale alors que d'autres Etats la considèrent comme un délit et les auteurs sont poursuivis pénalement. La fraude fiscale est en fait assimilable à un vol même si elle se cache sous une construction juridique légale. Il s'agit d'un vol, car les sommes soustraites à l'imposition doivent en fait être payées par l'ensemble des autres contribuables, que ce soit sous la forme d'une augmentation des impôts, d'une baisse des prestations de l'Etat ou d'une hausse de l'endettement.

Dans le cas d'espèce nous nous trouvons dans la situation suivante: une catégorie de contribuables, 4500 sociétés immobilières, ont échappé pendant des années à une imposition correspondant à leur force contributive. En cas de dissolution elles doivent payer de fortes sommes d'impôts adaptées à la valeur réelle de leur capital. L'évolution de la législation fiscale rend de moins en moins attrayante cette forme de propriété et les sociétés immobilières ont intérêt à se dissoudre. Pour leur faciliter la tâche le législateur leur accorde un premier cadeau en prévoyant une réduction des trois quarts sur les montants dus. La majorité du Grand Conseil va plus loin en acceptant qu'en cas de report de bénéfice jusqu'à la liquidation ces bénéfices cumulés soient, eux aussi, exemptés des trois quarts de l'imposition. C'est la cerise sur le gâteau!

C'est pourquoi nous avons déposé ce projet de loi afin de n'accepter l'abattement fiscal en matière de bénéfice que sur celui réalisé lors du dernier exercice, l'abattement sur la plus-value restant entier. Contrairement à ce qui a été dit, notre proposition ne freinera nullement la dissolution des sociétés immobilières qui, pour la grande majorité d'entre elles, ont tout intérêt à se dissoudre avant l'an 2000. L'argument selon lequel il ne faut pas modifier la loi peu de temps après son entrée en vigueur n'est pas pertinent. En effet, les sociétés qui se liquideraient en 1995 (et elles n'y ont pas intérêt avec les dispositions actuelles pour permettre le report des bénéfices) ne seraient pas désavantagées par rapport à celles qui le feraient en 1996 avec la loi modifiée, puisque les unes et les autres ne bénéficieraient de l'abattement que sur le bénéfice d'un seul exercice.

En conclusion nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter notre projet de loi qui n'est que justice par rapport aux avantages fiscaux dont a bénéficié cette catégorie de contribuables jusqu'à ce jour. En refusant notre proposition vous feriez preuve de complaisance à l'égard de ceux qui, sous le couvert de la société immobilière anonyme, ont souvent spéculé sans acquitter leur part d'impôt. En outre, nous ne doutons pas que la majorité de ce parlement, soucieuse de réduire le déficit des comptes de l'Etat, n'acceptera pas une réduction d'impôt supplémentaire.

Premier débat

Mme Anne Chevalley (L), rapporteuse de majorité. Nous voilà appelés, pour la troisième fois, par le biais de trois projets successifs, à discuter d'un même sujet, c'est-à-dire les facilités fiscales destinées à encourager la liquidation des sociétés immobilières !

Je ne vous ferai pas l'affront, après tant de débats, de vous expliquer à nouveau ce dont il s'agit, mais je stigmatiserai seulement l'acharnement mis par les auteurs du projet de loi à vouloir à tout prix torpiller les décisions prises démocratiquement par notre parlement, sans considération aucune pour le travail supplémentaire infligé aux membres de la commission fiscale et à vous, Mesdames et Messieurs les députés. Pourquoi ? En raison, je cite le rapporteur : «...de la complaisance dont la majorité de notre Grand Conseil fait preuve à l'égard de ceux qui, sous le couvert de la société immobilière anonyme, ont spéculé sans acquitter d'impôts.» !

Les arguties du rapporteur de minorité nous sont connues, notamment celle concernant le report possible des bénéfices jusqu'à la fin de l'année 1999, qui lui déplaît tant et qui a motivé le dépôt de ce nouveau projet de loi, dont il est question aujourd'hui.

Je vous rappelle que la loi fédérale n'entend pas distinguer les diverses sources de l'excédent de liquidation fiscalement privilégié et que, par conséquent, la disposition contestée est conforme à l'harmonisation fiscale entre le droit fédéral et le droit cantonal. Le chef du département des finances avait déjà longuement répondu, lors de la session du 23 septembre dernier, aux nombreuses objections soulevées et, notamment, à la proposition d'amendement de M. Clerc. Ces mêmes réponses ont été données lors des récents travaux en commission et n'ont pas modifié les positions.

On ne cessera de le répéter : le but des facilités accordées est d'encourager la liquidation du plus grand nombre de sociétés immobilières et la loi, telle que votée au mois de septembre, est entrée en vigueur. Il ne saurait être question d'en modifier quelque disposition que ce soit ! A titre d'exemple, certains cantons, dont le canton de Vaud qui compte un nombre très important de sociétés immobilières, sont allés au-delà des mesures incitatives de notre canton. De plus, n'est-ce pas le meilleur moyen de mettre fin à la prétendue fraude fiscale que vous dénoncez, Monsieur Clerc, allant jusqu'à parler de vol ? Les actionnaires des sociétés immobilières et plus particulièrement les actionnaires-locataires apprécieront !

Mesdames et Messieurs les députés, la plaisanterie a assez duré, et le groupe libéral vous invite à suivre l'avis de la majorité de la commission fiscale en refusant ce projet de loi !

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de minorité. Visiblement, Mme Chevalley me semble excédée ! Que je sache ce n'est pas la troisième fois, mais la deuxième fois seulement que nous traitons cet objet. La première fois nous l'avions traité au mois de juin 1994, il y a bientôt une année.

Je rappelle que vous-même, dans votre rapport de majorité, reconnaissez que les sociétés immobilières ont présenté un certain nombre d'avantages à ses détenteurs. Je rappelle également que, lors du débat du 23 juin 1994, le rapport de majorité était encore beaucoup plus explicite, puisqu'il disait, je cite : «De nombreux auteurs de doctrines fiscales ont assimilé la société immobilière, particulièrement à l'actionnaire unique, à une fraude déguisée de la loi.». Ce n'est pas moi qui ai parlé de fraude ou de vol, c'est le rapport de majorité de l'époque !

Je rappelle, enfin, que les sociétés immobilières ont intérêt à se dissoudre indépendamment des allégements fiscaux accordés, et j'en veux pour preuve que ces sociétés immobilières, qui étaient au nombre de huit mille au début des années 1980, sont aujourd'hui au nombre de quatre mille cinq cents. Donc, indépendamment des allégements fiscaux, beaucoup d'entre elles se sont déjà dissoutes.

Il faut tout de même souligner que ces allégements ne sont pas rien : une réduction de 75% de l'impôt sur le bénéfice en capital, de celui sur l'excédent de liquidation et réduction de moitié du droit de vente ! En fait, c'est en examinant ces avantages déjà considérables que nous proposons de ne pas accorder l'abattement sur le bénéfice reporté, mais seulement sur celui de l'année de dissolution. Nous estimons, en effet, que la possibilité de report, même si elle est conforme au droit fédéral, Madame Chevalley, est en fait un cadeau supplémentaire à ceux qui ont déjà largement profité du système des sociétés immobilières.

D'autre part, on nous a dit que ce projet de loi visait à faciliter la dissolution de ces sociétés, le plus rapidement possible. Or, je pense que la disposition permettant le report du bénéfice va aller dans le sens contraire, c'est-à-dire qu'elle va pousser les sociétés immobilières à attendre 1999 pour entamer leur procédure de dissolution, même si, par ailleurs, elles procèdent, déjà actuellement, à un certain nombre de calculs pour savoir ce que cela leur coûtera.

Enfin, ce sera ma conclusion - je ne veux pas allonger le débat, mais je tiens à ce que les choses soient explicites - je trouve qu'il est incohérent, à l'heure des déficits publics, d'en rajouter en matière d'allégements fiscaux, pour ceux qui ont souvent profité de la forme juridique de leur propriété pour échapper partiellement ou totalement à l'imposition !

Mme Christine Sayegh (S). Le législateur fédéral a voulu inciter les sociétés immobilières à se liquider, et il s'agit effectivement d'une réduction substantielle de 75% d'impôts sur le bénéfice en capital, réalisé lors du transfert du droit de propriété à l'actionnaire. Sur ce point, tout le monde est d'accord, et la loi cantonale reprend fidèlement les principes fédéraux.

Mais la question devient plus délicate au niveau de l'actionnaire qui bénéficie aussi d'une réduction de 75% sur l'excédent de liquidation, car cette réduction n'est pas précisée dans le temps. En effet, si les SI bénéficient de ce régime fiscal privilégié pour se liquider du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999, elles n'ont aucune obligation d'utiliser cette opportunité et peuvent continuer d'exister sans être inquiétées.

Comme l'a relevé, d'ailleurs, l'administration fiscale, pour beaucoup de sociétés, l'impôt de liquidation sera tel que même le taux de 25% ne pourra pas convaincre les actionnaires de prendre une telle décision.

Par contre, les autres SI n'ont aucun motif de se précipiter, puisque la loi leur permet de continuer à faire des économies d'impôt, notamment sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire pendant cinq ans. Ce dernier a un intérêt fiscal direct à renoncer à percevoir des dividendes et à prévoir sa liquidation pour 1999 seulement. En revanche, si l'excédent de liquidation pris en compte pour l'application de ce traitement fiscal privilégié se limite à l'année de liquidation, cette mesure sera plus incitative et dissuadera les actionnaires de laisser perdurer, jusqu'aux limites du délai légal, l'existence de leur société.

Enfin, il n'est pas inopportun de modifier la loi aujourd'hui, puisque nous sommes dans la première année de l'application de celle-ci et que cette modification ne peut engendrer aucune inégalité de traitement. Les arguments invoqués contre ce projet de loi vont eux-mêmes à l'encontre de l'esprit de la loi et reportent de quatre ans les effets incitatifs que le législateur voulait obtenir.

J'ajouterai encore que, si ce projet avait été rejeté par un vote démocratique, c'est également par une voie prévue par notre système législatif qu'il revient devant vous, à la suite d'une réflexion appropriée. Une analyse raisonnable de notre situation économique ne peut que plaider en faveur de la modification proposée de l'article 42, alinéa 2, de la loi générale sur l'imposition des personnes morales, et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter cette modification.

M. Daniel Ducommun (R). En ce qui nous concerne, nous serons moins sévères que la rapporteuse de majorité. Nous n'estimons pas que c'est abuser de notre démocratie que de déposer un nouveau projet de loi de la même matière qu'une loi venant d'être votée.

En effet, en l'occurrence, le projet de l'Alliance de gauche est digne d'être analysé. Cette analyse nous entraîne néanmoins, ce soir, à ne pas le soutenir. D'une part, il risquerait de fragiliser le but principal de l'opération : celui de rendre attractive la liquidation de quelque cinq mille sociétés immobilières, qui restent fonctionnelles à Genève, et, d'autre part, la conséquence fiscale est modeste. Si la société immobilière distribue son dividende, l'actionnaire est taxé au droit fiscal ordinaire. Si la société immobilière ne verse pas de dividende, elle conserve en son livre des profits taxables, comme le précise Mme Chevalley dans son rapport. Il serait donc dommage que, pour une conséquence financière marginale, nous ralentissions la liquidation des sociétés immobilières, qui doit se faire au plus vite, compte tenu de l'exigence fédérale en la matière.

Cet objet ne présente pas un enjeu politique majeur, bien que M. Clerc essaye, malgré tout, de nous entraîner sur un terrain inutilement boueux, qualifiant les actionnaires des sociétés immobilières de «fraudeurs» et de «spéculateurs».

Cet état d'esprit, à lui seul, nous pousse à refuser ce projet de loi !

M. Bénédict Fontanet. Nous avons déjà eu amplement l'occasion de débattre de ce sujet.

Notre groupe soutiendra, bien sûr, le rapport de majorité. C'est une affaire dont nous avons déjà discuté, et la problématique des sociétés immobilières est délicate. D'ailleurs, je ne suis pas convaincu, compte tenu de la pratique, que les dispositions votées vont amener certaines sociétés immobilières à se liquider, compte tenu des difficultés qui subsistent.

Par voie de conséquence, nous vous invitons à voter ce projet de loi... (Rires et remarques.) Excusez-moi, il est tard ! ...à refuser ce projet de loi et à accepter le rapport de majorité.

La présidente. Monsieur Pierre Vanek, vous avez la parole ! Excusez-moi, Monsieur Grobet, j'ai cru que vous incitiez votre collègue à lever la main. En effet, c'est à votre tour, vous aviez levé la main avant.

M. Christian Grobet (AdG). Mon collègue de parti est assez grand pour décider s'il veut intervenir ou non ! (Protestations.)

La présidente. Vous avez fait un geste très explicite envers lui, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. Après avoir levé la main, j'ai effectivement échangé quelques propos avec lui...

La présidente. C'est ce qui m'a induite en erreur !

M. Christian Grobet. Cela ne voulait pas dire que je renonçais à prendre la parole, Madame la présidente !

Si vous me le permettez, je voudrais exprimer mon étonnement par rapport aux propos de Mme Chevalley, rapporteur, qui parle de «mauvaise plaisanterie». La mauvaise plaisanterie, Madame, c'est la loi qui a été votée et dont nous demandons la modification ! A vrai dire, cette loi - vous le savez fort bien - amène non seulement des avantages supplémentaires aux sociétés immobilières et aux actionnaires, comme cela a été fort bien rappelé tout à l'heure par Mme Sayegh, mais nous sommes convaincus qu'elle engendrera une diminution des recettes fiscales pendant les cinq ans à venir, car un certain nombre de sociétés immobilières vont reporter leurs bénéfices.

C'est cet aspect-là du problème qui nous a préoccupés et qui est à l'origine de ce projet de loi. En effet, nous avions le sentiment - cela semblait être le cas lorsque nous avions développé notre projet de loi - que certains députés... Je ne parle évidemment pas de M. Fontanet qui, en tant que président d'un certain nombre de conseils d'administration, avait fort bien compris tous les avantages de cette loi. Nous nous sommes d'ailleurs rendu compte tout à l'heure que vous aviez fait un lapsus ! Je disais que certains députés n'avaient peut-être pas compris que le système du report de la distribution des dividendes, pendant plusieurs années, entraînerait une diminution des recettes fiscales pour l'Etat. (M. Fontanet hoche la tête en signe de dénégation.) Vous dites non, eh bien, nous verrons à la fin des exercices si nous avons eu raison de parier ces diminutions !

Monsieur Fontanet, vous êtes très bien placé pour savoir quelles sont les discussions qui sont tenues dans les assemblées générales des sociétés immobilières - inutile de vous en cacher - s'agissant des avantages de cette loi. Vous connaissez également les circulaires qui ont été envoyées aux administrateurs de ces sociétés immobilières pour leur expliquer les avantages de cette loi.

Nous avons le souci, face aux difficultés financières de l'Etat, de ne pas diminuer les recettes fiscales; or, nous sommes convaincus que cette loi va effectivement les diminuer durant les quatre à cinq années à venir. Mme Sayegh a évoqué le problème des actionnaires. Notez bien, pour la petite histoire, qu'on peut citer le cas d'actionnaires exonérés fiscalement qui, eux, au contraire, se bagarrent dans les assemblées générales pour obtenir la distribution des dividendes !

M. Armand Lombard. On ne comprend pas !

M. Christian Grobet. Vous ne comprenez pas !

La présidente. Monsieur Lombard, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. J'ai déjà eu l'occasion de dire que, s'il y avait une banque où il ne fallait pas mettre son argent, c'était bien la vôtre, parce que vous avez déjà démontré que vous avez des connaissances très limitées dans votre domaine ! (La présidente demande le calme.) D'autres personnes qui s'occupent de ces questions savent de quoi on parle, elles !

Nous ne voulons rien d'autre que rétablir, pendant les quatre ans qui viennent, une situation pour éviter les pertes fiscales !

M. Pierre Vanek (AdG). Je ne vous parlerai pas de fiscalité, mais du règlement du Grand Conseil. Il me semble, en vertu de l'article 24 de ce règlement, qu'il y aurait lieu que les administrateurs de sociétés immobilières - je crois savoir qu'il y en a un certain nombre dans cette salle - se récusent pour le vote auquel nous allons procéder et s'abstiennent de se prononcer sur un objet qui les concerne assez directement !

M. Nicolas Brunschwig (L). Les propos de M. Grobet sont particulièrement déplaisants et, surtout, ils sont faux ! Je regrette qu'il n'ait pas été présent aux différentes séances de la commission fiscale et, en particulier, à l'audition de M. Adamina qui a donné des explications tout à fait claires à cet égard.

Ce dernier a entre autres expliqué deux choses :

- Première chose : la liquidation de ces sociétés immobilières coûte excessivement cher et place fort souvent les propriétaires ou les actionnaires de ces sociétés immobilières devant une situation extrêmement difficile, en particulier s'agissant de la trésorerie, dans la mesure où la société est taxée et ensuite c'est au tour de l'actionnaire. Vous savez que la Suisse est encore un des rares pays d'Europe où se pratique le système de la double fiscalité qui produit pleinement ses effets dans le cadre de la liquidation de ces sociétés immobilières, ce qui rend ces opérations extrêmement coûteuses. Il en résulte que de nombreux propriétaires de SI hésitent fortement à s'engager dans cette voie, malgré l'avantage important qui a été accordé par cette loi, soit le rabais de 75%.

- Deuxième chose : si une société immobilière ne distribue pas de bénéfices pendant un certain nombre d'années, pour profiter de l'exonération de 75%, cela implique que le compte augmente toujours plus avec les intérêts au profit de la société immobilière, laquelle se trouve davantage taxée sur son bénéfice augmenté des intérêts créditeurs. Vous comprendrez aisément qu'il n'est pas du tout évident que le fait de ne pas distribuer les bénéfices soit un réel avantage.

En l'occurrence, vous avez le droit de déposer tous les projets de lois que vous désirez et de proposer tous les référendums que vous voulez. Néanmoins, nous constatons que nous avons longuement débattu en commission de ces différents aspects, que nous avons voté dans le cadre de ce parlement tout à fait démocratiquement, que vous n'avez pas utilisé votre droit de référendum et que, maintenant, vous revenez en arrière avec la même problématique, alors que nous étions arrivés aux mêmes conclusions en commission !

Nous ne pouvons donc pas accepter votre argumentation !

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Il est évidemment difficile, à 23 h 25, de procéder à un débat de nature fiscale, sur un sujet déjà abordé à deux reprises : la fiscalité et, en particulier, la liquidation des sociétés immobilières !

Tout d'abord, comme tout le monde le sait - d'aucuns l'ont d'ailleurs rappelé - la législation fédérale incite à la liquidation des sociétés immobilières; et le canton de Genève, comme le canton de Vaud, puisque c'est essentiellement en Suisse romande que l'on trouve les sociétés immobilières, ont calqué leur législation cantonale sur la loi fédérale, ce qui permet, effectivement, de reporter les bénéfices pendant cinq ans, soit jusqu'en 1999.

Le directeur des personnes morales à l'administration fiscale, M. Adamina - ce dernier n'est pas connu à Genève comme quelqu'un de particulièrement généreux, mais par contre comme une personne droite et claire - a expliqué à la commission fiscale que l'essentiel était que ces sociétés immobilières puissent se liquider. En effet, comme vous le savez, cela permettra, au terme de leur liquidation, de suivre les mouvements et les passages d'un propriétaire à l'autre d'un immeuble, ce que nous ne pouvons pas faire avec le régime des sociétés immobilières.

Aujourd'hui - c'est vrai - même si un certain nombre de sociétés ont demandé à se liquider, l'administration fiscale est inquiète, parce que ce n'est pas si facile malgré tout. Pour ma part, j'ai vu des circulaires qui n'allaient pas dans le sens de celles dont a parlé M. Grobet, mais il m'en fera tenir copie. En effet, l'administration fiscale a reçu des délégations des milieux immobiliers considérant qu'à teneur de la loi cantonale en matière de liquidation des SI les conditions n'étaient pas suffisamment bonnes pour les encourager à le faire. Et je ne parle pas des cas des petits propriétaires pour lesquels les problèmes sont plus délicats, puisque liés à la trésorerie. Je m'étais, du reste, engagé devant ce Grand Conseil à accorder les délais nécessaires à celles et ceux qui, malheureusement, à une époque, avaient acheté leur petite villa en SI et qui sont, aujourd'hui, confrontés, notamment lorsque ces personnes se trouvent à la retraite, à un problème évident de trésorerie dans le cadre de leur liquidation.

Dans la préparation du débat de ce soir, j'ai demandé encore à la direction de l'administration fiscale, et, plus précisément, à M. Adamina, d'examiner un exemple tout à fait concret d'une société immobilière propriétaire d'un immeuble d'un million, la valeur fiscale de l'immeuble étant estimée par l'administration à 1,47 million, avec un capital de 200 000 F et des créances hypothécaires pour un montant de 800 000 F. De l'autre côté, son compte de pertes et profits, avec des charges d'intérêts hypothécaires qui s'élèvent à 100 000 F, et un bénéfice de 20 000 F, à la suite du loyer de 120 000 F.

Sur cette base, un calcul a été fait dans le cas d'une société distribuant chaque année la totalité de son bénéfice sous forme de dividende. Eh bien le coût fiscal de la distribution pour l'actionnaire représente 55 800 F. En revanche, si cette même société décidait d'attendre cinq ans avant de se liquider et de mettre de côté ses bénéfices annuels jusqu'au moment de la liquidation, les bilans et comptes de pertes et profits se verraient amplifier évidemment d'une réserve - les intérêts produits par le dividende non versé. Dans ce cas, le coût fiscal de la non-distribution annuelle des bénéfices et donc de la radiation retardée s'élèverait à 53 223 F. Je ne pense pas, au vu de cet exemple - il est tard, aussi je n'en donnerai pas d'autres - que pour 2 000 ou 3 000 F de différence on retarde la liquidation d'une société immobilière.

En revanche, ce qui retarde ou ce qui va probablement être un frein à ces liquidations c'est leur coût, les moyens financiers absents, ainsi que la volonté de ne pas emprunter davantage pour le faire. Nous sommes donc inquiets, ce d'autant - on ne peut pas l'ignorer - que dans bon nombre de sociétés immobilières l'actionnaires s'est vu prêter des fonds importants sur la base d'une valeur ne correspondant évidemment pas à la valeur inscrite au bilan. De ce point de vue-là, on trouve l'actionnaire en difficulté pour rembourser à la société immobilière les montants dus et les créances.

C'est la raison pour laquelle, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, nonobstant le débat soulevé à nouveau par l'Alliance de gauche et le caractère délicat de cette matière, l'administration fiscale m'a convaincu, moi aussi, qu'il était plus judicieux de laisser la loi calquée sur la loi fédérale en l'état - comme on nous l'a fait constater à la commission fiscale, les moyens à prendre peuvent l'être verticalement - que de se lancer dans des opérations, qui, probablement, au niveau des coûts, ne sont pas très intéressantes contrairement à ce qu'on peut dire pour l'actionnaire locataire et pour l'actionnaire, notamment au regard de l'exemple que j'ai donné.

Voilà ce que je voulais vous dire ce soir à propos de ce projet de loi.

M. Pierre Vanek (AdG). La question que j'ai posée tout à l'heure n'était pas une pure formule de rhétorique !

J'ai entendu sur les bancs d'en face, lorsque j'ai dit qu'en vertu de l'article 24 les administrateurs des sociétés immobilières ne devaient pas se prononcer dans ce vote : «Alors, on s'en va tous !». Je ne tirerai pas la même conclusion, mais ma question est sérieuse. Selon l'article 79a du règlement, un député peut inviter le Bureau à faire appliquer le règlement.

En l'occurrence, Madame la présidente, je vous demande de l'appliquer !

La présidente. Monsieur Vanek, je regrette ! Vous pouvez nous rappeler qu'il existe une disposition, mais c'est encore au Bureau de décider si elle est applicable ou non !

Dans ce cas d'espèce, je vous confirme qu'elle n'est pas applicable. Je vous ferai remettre un avis de droit sur la nature des liens d'intérêts, tels qu'ils doivent être conçus. J'estime, pour ma part, que tous les députés présents dans cette salle ont le droit de voter, et je soumets à ce parlement les conclusions du rapport de majorité, à savoir le rejet du projet de loi 7190.

M. Pierre Vanek (AdG). Excusez-moi de reprendre la parole sur cet objet et de prolonger une séance déjà fort longue ! Mais, puisque nous avons une divergence d'interprétation sur ce point, j'aimerais bien, en conséquence, que nous procédions à un appel nominal pour que nous sachions qui a voté pour ce projet ou non. (Appuyé.)

La présidente. Il en sera fait ainsi. C'est la troisième fois que nous intervenons sur ces questions de liens d'intérêt, aussi, pour la clarté des débats, je verrai avec le Bureau les dispositions à prendre afin de vous éclairer une fois pour toutes !

M. Claude Blanc (PDC). Puisque vous allez procéder à l'appel nominal, je crois, Madame la présidente, qu'il faudrait clarifier la situation ! Nous ne votons pas sur les conclusions du rapport de majorité, mais sur la prise en considération du projet de loi !

La présidente. Vous avez raison ! Je suis également fatiguée !

M. Daniel Ducommun. Vous êtes fatiguée !

La présidente. Oui, il y a de quoi, Monsieur Ducommun ! J'aimerais vous voir à ma place ! (Charivari.)

Nous allons donc voter sur la prise en considération du projet de loi 7190. Merci, Monsieur Blanc !

L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent la prise en considération de ce projet répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.

Ce projet est rejeté en premier débat par 43 non contre 27 oui et 4 abstentions.

Ont voté non (43):

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Hervé Burdet (L)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

Henri Duvillard (DC)

Catherine Fatio (L)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Elisabeth Häusermann (R)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Claude Lacour (L)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Micheline Spoerri (L)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Michèle Wavre (R)

Ont voté oui (27):

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Jacques Boesch (AG)

Micheline Calmy-Rey (S)

Pierre-Alain Champod (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Liliane Johner (AG)

René Longet (S)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Liliane Maury Pasquier (S)

Laurent Moutinot (S)

Danielle Oppliger (AG)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Andreas Saurer (E)

Christine Sayegh (S)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Se sont abstenus (4):

Anne Briol (E)

Sylvia Leuenberger (E)

Chaïm Nissim (E)

Max Schneider (E)

Etaient excusés à la séance (10):

Florian Barro (L)

Pierre Ducrest (L)

Christian Ferrazino (AG)

Michel Halpérin (L)

Dominique Hausser (S)

Pierre Marti (DC)

Alain-Dominique Mauris (L)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Philippe Schaller (DC)

Evelyne Strubin (AG)

Etaient absents au moment du vote (15):

Fabienne Bugnon (E)

Matthias Butikofer (AG)

Claire Chalut (AG)

Liliane Charrière Urben (S)

Anita Cuénod (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

John Dupraz (R)

Jean-Claude Genecand (DC)

Janine Hagmann (L)

David Hiler (E)

Claude Howald (L)

Pierre Kunz (R)

Michèle Mascherpa (L)

Pierre Meyll (AG)

Claire Torracinta-Pache (S)

Présidence:

Mme Françoise Saudan, présidente.

M 993
10. Proposition de motion de Mme et M. Sylvia Leuenberger et Chaïm Nissim concernant la gestion de l'appareil de l'Etat. ( )M993

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que léguer à nos descendants une énorme dette publique limite singulièrement leur liberté et ne respecte pas le principe du développement durable;

- la nécessité d'améliorer le fonctionnement de l'Etat;

- le projet de loi 6909, sur l'information et la consultation du personnel de l'administration cantonale et des établissements publics cantonaux;

- les essais de dialogue et de fonctionnement budgétaire par enveloppes faits à l'hôpital dans le cadre de caducée notamment,

invite le Conseil d'Etat

à étudier:

- de nouvelles structures de gestion qui intègrent les notions de participation et d'initiative des fonctionnaires (voir PL 6909);

- de nouvelles relations administration-administrés, basées sur une transition graduelle de nos structures hiérarchiques et pyramidales actuelles, vers des structures plus modernes en réseaux décentralisés;

- des systèmes d'enveloppes budgétaires;

- à ouvrir une vaste consultation sur les meilleures idées qui ressortent de ce débat

- et à les appliquer.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le Grand Conseil vient d'accepter le projet de loi 7123 concernant la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques. Cette loi d'application, qui vise à renforcer le contrôle de gestion interne à l'Etat et à mettre en place un système d'évaluation de l'adéquation des lois votées et de leurs applications concrètes par une commission externe et indépendante, répondait en partie à notre motion 822, déposée en 1992, qui invitait le Conseil d'Etat à introduire un contrôle budgétaire dans l'administration publique.

Par contre, les invites de cette motion concernant la participation et l'esprit d'initiative des fonctionnaires pour améliorer la gestion de l'Etat ne furent pas prises en compte. Bien qu'il faille signaler que nous avions déposé, avec le parti du travail et les socialistes en 1992, un projet de loi (6909) sur l'information et la consultation du personnel de l'administration cantonale et des établissements publics cantonaux.

Il s'agissait, suite à la directive du Conseil d'Etat du 19 août 1992, d'instaurer des commissions du personnel au sein des départements ainsi que de notre préoccupation d'être eurocompatible et de répondre à l'arrêté fédéral sur l'information et la consultation auprès des entreprises privées et publiques, d'élargir ce sujet et de donner une base légale à l'initiative du Conseil d'Etat.

Aussi, comme nous venons de recevoir, à la commission des finances, un rapport intermédiaire concernant la mise en place de ces commissions expérimentales du personnel, nous voulons marquer notre volonté, à travers cette motion, de revenir sur ce thème, d'en débattre et de voter une loi qui permettra au personnel de l'Etat d'avoir des structures légales pour participer aux décisions concernant, entre autres, les restrictions budgétaires, la protection de l'environnement, l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, etc.

Il est certain que ceci est le début d'une modification en profondeur des rapports entre employés et employeurs et qu'elle ne peut pas se réaliser sans prendre du temps et de la réflexion. Il est certain également que l'introduction d'enveloppes budgétaires doit être subordonnée à la réalisation de cette première étape qu'est la participation. Il est indispensable que les fonctionnaires soient motivés par une telle approche afin que l'on puisse introduire dans un second temps le système d'enveloppes budgétaires. Sinon, ce ne serait que la mise en place de petits diktats décentralisés.

D'où l'objet de notre motion d'aujourd'hui.

Nous nous basons sur les critères, chers à l'écologie, de la décentralisation et de la participation, ainsi que sur certaines notions des nouvelles méthodes de gestion dont il est beaucoup question aujourd'hui (« new public management ») pour demander à l'Etat d'étudier, puis de mettre sur pied, de nouvelles structures étatiques de gestion des relations humaines.

Et là je profite de citer les paroles de Michel Crozier, sociologue, qui sont tout à fait éclairantes à ce sujet:

« La crise vient de ce qu'on l'on ne s'est pas adapté à un monde qui est devenu tout à fait différent. Le système de contrôle ancien de la société industrielle était fondé sur la hiérarchie, la distance et le secret. Or la hiérarchie ne fonctionne plus quand il y a une possibilité de discussion et de choix. La distance diminue parce que les rapports humains se simplifient... »

Et je rajouterai:

Un homme (= femme ou homme) motivé et responsable en vaut deux !

Améliorer le contrôle et la surveillance de l'Etat, c'est bien; mais ce n'est pas suffisant pour que les choses évoluent. Il faut envisager une nouvelle vision de la gestion étatique: décentraliser, responsabiliser les employés, les inciter en les valorisant à proposer des méthodes de rationalisation et d'économie, améliorer les relations avec les administrés (les contribuables).

Certains aspects du New Public Management constituent une remise en cause d'un système rigide et hiérarchique de l'Administration où la dimension psychologique des rapports humains n'avait aucune place. Selon les régions, les identités culturelles, l'Etat doit trouver de nouvelles méthodes de gestion qui visent à abaisser les coûts de son administration, mais pas uniquement en effectuant des coupes linéaires dans un budget ou en licenciant, mais en motivant le personnel à éclairer leurs supérieurs sur les causes réelles du gaspillage.

Et ces nouvelles méthodes de gestion ne relèvent pas d'une recette toute prête à l'avance, mais ne peuvent se construire qu'à travers la participation et les propositions des gens concernés, à savoir les fonctionnaires qui travaillent sur le terrain.

On peut également citer quelques titres de la presse romande très évocateurs de ce nouveau chemin que devrait prendre la fonction publique: « Réinventer l'Etat, loin des idéologies », « La ville de Berne fait sa révolution », « Déficit public: au-delà du sécateur », « Dépasser la tyrannie des comptables », « pas de tabous pour réformer l'Etat ».

Certes, rien n'est jamais aussi facile qu'on pourrait le croire en lisant simplement un article dans un journal.

Certes aussi, le rôle du fonctionnaire, les rigidités budgétaires et des réglementations dépassées bloquent pas mal d'évolutions et de souplesse dans le fonctionnement de l'Etat genevois. Car il faut avouer honnêtement que le processus du budget actuel de l'Etat de Genève, qui n'est que la reconduction systématique des lignes budgétaires d'année en année, ne laisse aucune marge de manoeuvre politique pour modifier quoi que ce soit. Hormis quelques amendements. Et la commission des finances, dans son ensemble, constate son impuissance.

Certes encore, la structure politique actuelle ne facilite guère le dialogue constructif, on dirait que tout est fait pour que les échanges de horions soient plus faciles que le travail constructif. Et certes enfin, le New Public Management seul n'est en rien une panacée, sans partage du travail par exemple il peut même aboutir à une aggravation du chômage et de l'exclusion.

En décentralisant ce qui peut l'être, après une concertation intelligente avec les fonctionnaires, en donnant à chaque service une enveloppe à gérer de manière autonome, en considérant le service public comme une organisation de services qui doit être appréciée de ses clients, en faisant participer les employés aux économies ou idées d'amélioration qu'ils pourraient suggérer, il semble que certaines villes, un peu partout dans le monde, aient retrouvé leur sourire en sortant des chiffres rouges. (A noter que la « participation » à laquelle nous pensons ici, pour les employés qui trouveraient des idées d'amélioration du fonctionnement de l'appareil, n'est pas forcément financière bien sûr, il peut aussi s'agir d'une récompense en temps libre supplémentaire, d'une récompense au groupe qui a vécu l'origine de l'idée, etc. De plus, la participation c'est aussi dans notre esprit la prise en charge autonome de certaines décisions. Enfin, la participation c'est encore le libre accès des administrés - les utilisateurs du service public - à l'administration, le dialogue par exemple entre une association d'habitants et le service du département des travaux publics et de l'énergie qui s'occupe de l'aménagement de leur quartier).

Le problème n'est pas de montrer du doigt des responsables (et ne le sommes-nous pas tous un peu dans nos demandes continuelles sans tenir compte de l'ensemble de la problématique), mais de lancer un débat pour amorcer un changement de mentalité. Et pour nous les écologistes, il n'est possible qu'avec des notions de décentralisation (enveloppes budgétaires), de participation, de motivation.

Nous voudrions un débat, des propositions concrètes, des expériences pilotes.

Pour ces raisons, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion.

Références:

- Articles de l'Hebdo, Domaine public, Journal de Genève sur le NPM.

- Document du SSP: « pour des services publics performants et peu onéreux, réformer vaut mieux que privatiser »

- David Osborne/ Ted Gaebler, reinventing government.

- M 471 concernant les modalités d'établissement du budget annuel.

- M 448 concernant l'établissement d'un bilan écologique et social du canton.

- M 669 concernant les priorités dans les économies réalisées par l'Etat.

- M 697 concernant l'augmentation de certaines recettes fiscales de l'Etat.

- M 767 concernant un plan de rigueur négocié avec les partenaires sociaux afin de rétablir l'équilibre de fonctionnement.

- M 772 concernant le temps partiel dans la fonction publique.

- M 776 concernant un plan de redressement financier.

- M 810 concernant l'assainissement des finances publiques.

- PL 6909 sur l'information et la consultation du personnel.

- PL sur l'EP SAN (PL 7213).

Débat

La présidente. (Contestation.) Je suis navrée, mais nous terminerons de traiter les objets concernant le département des finances !

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Vu l'heure tardive et malgré le fait que nous tenions à discuter de ce sujet, nous renonçons à en débattre. Nous proposons donc simplement le renvoi de cette motion à la commission des finances, dans laquelle nous avons déjà entrepris un débat sur le thème de la participation par le biais du PL 6909.

Mme Christine Sayegh (S). Je ne vais pas abuser du temps de notre Grand Conseil. Je tiens simplement à dire que nous appuyons le renvoi à la commission des finances.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des finances.

R 292
11. Proposition de résolution de MM. Michel Balestra, Roger Beer, Hervé Dessimoz, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol et Jean Opériol demandant la modification de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) et de la loi de l'impôt fédéral direct (LIFD), afin de permettre la réalisation de systèmes de financement pour l'acquisition de son logement principal sous forme de leasing immobilier privé. ( )R292

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 14 décembre 1990, le Parlement fédéral adoptait la loi fédérale sur les impôts directs (LIFD) et la loi d'harmonisation des impôts directs (LHID) en exécution de l'article 42 quinquies de la Constitution fédérale. En vertu de l'article 72 LHID, les cantons ont un délai au 31 décembre 2000 pour adapter leur législation aux dispositions de la LHID.

Politique fiscale et intérêt général

L'harmonisation fiscale est nécessaire pour tenir compte de la mobilité de la population, des imbrications économiques qui dépassent largement les frontières des cantons ainsi que des besoins de rationalisation.

Toutefois, la politique fiscale cantonale peut et doit rester, dans certains domaines, un instrument au service d'une politique d'intérêt général. L'encouragement à l'accession à la propriété demeure un des domaines de la politique sociale où des mesures incitatives d'ordre fiscal doivent pouvoir être prises par les cantons.

Il est donc essentiel que les cantons conservent la faculté, s'ils l'estiment opportun, d'utiliser l'instrument fiscal dans leur politique générale d'encouragement à l'accession à la propriété.

Or, l'article 9 LHID interdit toute déduction au titre de l'encouragement à l'accession à la propriété et retire ainsi aux cantons leurs compétences dans ce domaine.

Un ensemble de mesures nécessaires et urgentes

La Suisse compte à peine 30% de propriétaires et Genève moins de 15%, soit le plus faible taux de propriétaires d'Europe. Ce déséquilibre n'est économiquement pas satisfaisant et socialement injustifié.

Des mesures politiques s'imposent d'autant plus que l'accession à la propriété de son logement est un objectif de rang constitutionnel et que le Conseil fédéral a clairement souligné dans son programme de politique foncière du 11 septembre 1991 qu'il s'agissait d'une mesure urgente et importante.

Comme le démontre la politique d'accession à la propriété menée dans d'autres pays européens, un tel objectif ne peut être atteint que par un ensemble de mesures.

La faculté d'utiliser les fonds du 2e pilier pour l'acquisition de son logement constitue un premier pas. Il n'est, cependant, pas suffisant et doit être complété par la mise en place de nouveaux moyens de financement, tel que le leasing immobilier privé, qui sont adaptés au niveau de revenu de l'acquéreur qui lui permettent de se garantir contre les fluctuations des taux.

Encourager des solutions simples et pratiques

En effet, pour un particulier, les deux freins principaux à l'acquisition de son logement résident dans le manque de fonds propres et le risque lié à la fluctuation des taux d'intérêts.

Le concept de leasing immobilier permet de mensualiser la dépense d'acquisition de son logement principal tout en permettant la constitution des fonds propres nécessaires pendant la durée du leasing. Ce moyen de financement résout donc le problème de l'insuffisance des fonds propres tout en garantissant la sécurité d'un investisseur à coût constant.

Le système du leasing immobilier privé permet au preneur de leasing, avec une dépense mensualisée fixe, à la fois de constituer ses fonds propres en amortissant le 20% du prix de son logement et de payer les intérêts du leasing. Par un calcul adapté à chaque cas, ce budget mensuel correspond au budget loyer-impôt que verse la personne comme locataire. Ainsi, le système du leasing immobilier privé permet de devenir propriétaire sans devoir mobiliser des fonds propres importants. Après une période de dix ans, le leasing peut être transformé en crédit hypothécaire pour le montant résiduel.

D'un point de vue fiscal, le concept de leasing immobilier privé par du constat que le preneur de leasing se trouve dans la position d'un propriétaire et qu'il doit donc être traité fiscalement comme tel. Ainsi, le preneur doit pouvoir déduire les intérêts du leasing de son revenu imposable mais, en contrepartie, se laisser imposer une valeur locative. Cette solution a été examinée et approuvée par le Docteur Hans Hansjürg Brumann dans un ouvrage très documenté. Le principe de la déduction des intérêts d'un leasing immobilier est, au demeurant, déjà acquis dans le domaine commercial.

Ce concept, fondé sur le principe de l'équité, évite toute inégalité de traitement avec la personne qui loue son logement. Il a fait l'objet de modèles chiffrés qui confirment l'équilibre du système.

Par ailleurs, des experts suisses du plus haut niveau, notamment le Juge fédéral Bernard Corboz, ont longuement examiné ce système de leasing immobilier privé et confirmé sa conformité avec l'ordre juridique suisse.

Conclusion: assouplir le droit fédéral

Le leasing immobilier privé n'entraîne aucune perte de substance fiscale. Il se justifie même de l'encourager puisqu'il favorise non pas la fortune existante mais la formation de patrimoine.

De plus, à moyen et long terme, en favorisant l'ancrage du contribuable sur le sol cantonal, un tel système s'avère nettement favorable à l'économie.

Pour permettre la réalisation de ce projet simple et pragmatique qui contribuerait à la relance de l'économie, indispensable afin d'encourager les emplois dans la construction, des assouplissements sont nécessaires. Par conséquent:

- la LHID doit être modifiée afin que les cantons retrouvent leurs compétences en matière de politique du logement;

- la LIFD doit être assouplie afin de permettre un traitement fiscal similaire et équitable du propriétaire et du preneur de leasing.

Pour ces motifs, nous vous prions de réserver, Mesdames et Messieurs les députés, un accueil favorable à la présente résolution.

Débat

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Malgré l'heure tardive et puisque nous devons traiter le sujet, je vais essayer de retenir votre attention deux minutes ! (Protestations.)

Il ne devrait pas être nécessaire de rappeler que l'encouragement à l'accession à la propriété est un objectif constitutionnel tant au niveau fédéral que cantonal, mais, aujourd'hui, qui s'en soucie réellement ? Sur tous les bancs de ce Grand Conseil, nous sommes convaincus, depuis longtemps déjà, que l'Etat doit faire un effort pour aider la construction de logements sociaux. Le canton consacre plusieurs dizaines de millions de francs par année dans ce but et il ne relâchera pas son effort, puisque la demande de logements bon marché persiste.

Cependant, en matière de logement et d'habitat, il ne serait pas normal que l'effort des collectivités publiques soit unilatéral et que l'accession à la propriété soit oubliée. Dans ce domaine, l'Etat doit avancer sur deux pieds. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'acquisition de son propre logement est souhaitée par une majorité de personnes, comme l'attestent les nombreux sondages et enquêtes organisés régulièrement sur ce thème !

Le logement constitue un bien précieux; il est d'autant plus précieux lorsqu'on en est le propriétaire. La propriété favorise l'épanouissement de l'être humain, et le toit que l'on possède constitue un refuge pour toute la famille et les proches. (Brouhaha. La présidente fait sonner sa cloche.) La propriété du logement constitue aussi une forme de prévoyance idéale pour la vieillesse, à condition que l'habitation soit bien gérée.

Il est donc grand temps que le rêve que partagent de très nombreuses familles devienne maintenant réalité dans ce pays et que l'on passe enfin des bonnes intentions aux actes. Il est temps d'encourager réellement l'accession à la propriété par des mesures fiscales, avant tout au niveau fédéral et cantonal, pour ceux qui n'attendent plus qu'un petit coup de pouce pour franchir ce pas !

Il ne faut pas non plus négliger la dimension économique de l'accession à la propriété. En effet, si le taux des propriétaires, à Genève, passait de 14% à 20%, cela représenterait vingt mille propriétaires de plus, soit un investissement de l'ordre de 8 milliards de francs, à partir d'un investissement de 400 000 F par propriétaire ! (La présidente fait encore sonner sa cloche.) J'ai bientôt terminé ! (Des voix : aaahhh !) Le même raisonnement - si vous arrivez à savoir où j'en suis, ce qui m'étonnerait ! (Rires.)

La présidente. Monsieur Gardiol, je vous en prie, continuez votre intervention !

M. Jean-Pierre Gardiol. Le même raisonnement, donc, peut être fait au niveau suisse, où la moyenne des propriétaires se situe à 31%. C'est d'ailleurs une des raisons qui avait poussé les Chambres fédérales à introduire la possibilité d'utiliser une partie du deuxième pilier pour accéder à la propriété.

Mesdames et Messieurs les députés, le temps est venu d'agir différemment et de permettre, pour une nouvelle classe sociale, l'accession à la propriété, mais cela n'est pas réalisable sans un véritable encouragement fiscal.

En adressant cette résolution au Conseil fédéral, le canton de Genève contribuera de façon décisive à aller au-delà des discours politiciens. D'ailleurs, si vous en teniez moins, on progresserait davantage dans nos ordres du jour ! Elle encouragera, enfin, en Suisse, l'accès à la propriété en permettant de mettre sur le marché des produits tels que le «Logis Leasing» de la Banque cantonale de Genève et elle remplira ainsi les objectifs constitutionnels que j'ai mentionnés au début de mon intervention. (Applaudissements.)

Une voix. Hip, hip, hip, hourra !

M. Jean-Pierre Gardiol. Je recommence !

M. Laurent Moutinot (S). L'atmosphère qui règne ce soir est très sympathique, mais je ne crois pas qu'elle soit propice à regagner le respect et la confiance que nos concitoyens n'ont manifestement plus dans nos institutions ! (Manifestation et remarques.) On pourra jouer tout à l'heure, si vous le voulez !

Une voix. Rabat-joie !

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, cela fait trois fois que nous renvoyons les points concernant le président du Conseil d'Etat ! Je tiens à ce que nous terminions son département ce soir : ce serait la moindre des courtoisies ! Laissez donc M. Moutinot s'exprimer !

M. Laurent Moutinot. Par souci de transparence, je vous indique que j'ai eu connaissance du projet «Logis Leasing», alors que j'étais membre du Conseil d'administration de la Banque hypothécaire. Je m'en suis ouvert au président Dominique Ducret et les propos de mon intervention ne se fondent que sur le texte de la résolution 292 et le très intéressant dossier publié par la Société privée de gérance dans l'«Information immobilière».

Monsieur Gardiol, vous avez fait un vibrant plaidoyer en faveur de l'accession à la propriété. C'est fort intéressant, mais cela n'est pas à l'ordre du jour ! C'est votre proposition de résolution sur le leasing immobilier qui est à l'ordre du jour. C'est une formule qui permettrait, sans fonds propres, de constituer lesdits fonds propres par mensualité et de devenir propriétaire. Ce système - cela a été dit dans la résolution - peut comporter certains avantages. Mais la question qui se pose, en réalité, à travers ces grilles successives, est de connaître le traitement fiscal qui sera réservé et si nous consentons, ou non, à faire un effort fiscal en faveur de ce mode d'accession à la propriété. L'administration fiscale estime que le leasing ne peut pas être déduit; elle a raison en l'état actuel du droit fédéral, et, vous, vous proposez que Genève intervienne pour le modifier !

Cette proposition de résolution doit être critiquée sur un certain nombre de points. On nous explique, en page 4, que le leasing immobilier privé n'entraîne aucune perte de substance fiscale. On nous explique, dans le brillant dossier auquel je me référais tout à l'heure, dans la bouche de M. Salama, directeur adjoint de la BCG : «Le principe est simple : permettre à un particulier, pour un budget mensuel, loyer et impôt, sensiblement égal à celui qu'il a en tant que locataire, de devenir propriétaire avec très peu de fonds propres.». Cela signifie, en d'autres termes, payer moins d'impôts et avoir plus de ressources pour acquérir sa propriété.

On ne peut pas admettre ce système sans réserve et sans discussion ! En effet, on prive ainsi manifestement l'Etat d'une ressource importante de la part de personnes qui ont des moyens importants pour un but qui n'est pas essentiel aujourd'hui, surtout vu l'état de nos finances. Les exemples cités dans le dossier sont parlants. On nous cite des cas de personnes qui gagnent entre 100 000 et 200 000 F. On nous explique qu'avec ce brillant système des personnes gagnant 200 000 F payeraient 64 000 F d'impôts en tant que locataires et 53 000 F avec un leasing déductible. En d'autres termes, on financerait, à raison de 10 000 F et par contribuable interposé, l'achat d'un logement pour une personne qui gagne 200 000 F !

Ce système n'est pas adéquat, surtout sans garde-fou. Si vous voulez discuter de leasing immobilier - je l'admets, c'est une formule qui offre un certain nombre d'avantages - il faut renvoyer cette proposition de résolution à la commission fiscale afin, précisément, de placer un minimum de garde-fous. Un système qui permet de faire une acquisition et d'obtenir un prêt important sans fonds propres au départ me paraît comporter un risque, qui n'a pas été suffisamment mesuré.

Vous êtes bien conscients de la difficulté, d'ailleurs, Messieurs les résolutionnaires, parce que vous parlez dans l'invite de  «...permettre la mise en place des moyens de financement.». En réalité, vous auriez dû dire : «...autorise la déduction fiscale du leasing.»; cela aurait été plus clair !

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons pas souscrire à cette résolution dans son principe, en tout cas sous la forme de laquelle elle nous est proposée. Si elle est renvoyée en commission fiscale, il faudra s'assurer que les efforts que pourrait faire la collectivité pour l'accession à la propriété ne soient pas faits au détriment d'autres priorités plus importantes ! (Applaudissements.)

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de résolution à la commission fiscale est rejetée.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

RÉSOLUTION

pour demander la modification de la loi fédérale sur l'harmonisationdes impôts directs des cantons et des communes (LHID) et de la loide l'impôt fédéral direct (LIFD), afin de permettre la réalisationde systèmes de financement pour l'acquisition de son logement principalsous forme de leasing immobilier privé

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- l'article 34 sexies de la Constitution fédérale ainsi que l'article 10 A de la Constitution genevoise;

- que l'accession à la propriété de leur logement du plus grand nombre de citoyens constitue un but essentiel de sa politique;

- qu'un tel objectif ne saurait être atteint que par un ensemble de mesures, notamment fiscales;

- que la LHID méconnaît la nécessité de laisser aux cantons une certaine latitude pour encourager l'accession à la propriété par des mesures incitatives d'ordre fiscal;

- que la LIFD, telle qu'elle est actuellement appliquée par l'administration fédérale, empêche la mise en place d'un système de leasing immobilier privé qui permette, avec un budget mensuel fixe, la constitution des fonds propres nécessaires à l'acquisition de son logement;

 exerçant le droit d'initiative du canton de Genève, en application de l'article 93, alinéa 2, de la Constitution fédérale et en vertu de la compétence que lui réserve l'article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil,

demande au Conseil fédéral

de proposer à l'Assemblée fédérale de modifier la loi d'harmonisation des impôts directs (LHID), notamment de son article 9 et de la loi de l'impôt fédéral indirect (LIFD) afin de permettre la mise en place de moyens de financement pour l'acquisition de son logement principal, tel que le leasing immobilier privé, qui ne nécessitent pas la mobilisation de fonds propres importants et qui garantissent la sécurité d'un investissement à coût constant.

 

La présidente. Nous allons passer aux réponses des deux interpellations, Mme Evelyne Strubin ayant renvoyé son interpellation au Conseil fédéral.

I 1897
12. Réponse orale du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Laurent Moutinot : Nouveau questionnaire concernant la valeur locative des appartements et villas : quels résultats ? Est-il vrai que 60% des propriétaires verront la valeur locative IFD baisser ? ( ) I1897
 Mémorial 1994 : Annoncée, 1746. Développée, 2418. Réponse, 2419.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je sais que M. Moutinot - nous étions d'accord - a attendu patiemment pour connaître la réponse de l'administration. Elle est évidemment technique et risque, de ce fait, de ne pas intéresser grand monde dans cette salle. Je ne m'oppose pas, bien sûr, à la développer maintenant, mais, si vous le voulez bien, je répondrai à cette interpellation la prochaine fois, même si mon département passe en dernier, compte tenu de l'ordre fixé.

En revanche, j'aurais aimé pouvoir répondre en deux mots, à l'interpellation urgente de M. Ferrazino sur l'affaire dite «des ristournes», reportée depuis un mois et demi déjà, en raison de l'ordre du jour chargé.

La présidente. C'est tout à fait possible ! M. Ferrazino lira la réponse dans le Mémorial, puisqu'il n'est pas là !

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Vous êtes d'accord, Madame ?

La présidente. Bien entendu !

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Monsieur Moutinot, êtes-vous d'accord de reporter cette réponse ?

La présidente. M. Moutinot vient de vous donner son accord; vous pouvez y aller ! 

13. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Christian Ferrazino relative aux fraudes fiscales. ( )

IU 85
13. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Christian Ferrazino relative aux fraudes fiscales. ( ) IU85
 Mémorial 1995 : Développée, 1686.

M. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat. Je réponds donc à l'interpellation urgente de M. Ferrazino sur ce que d'aucuns ont appelé «l'affaire des ristournes».

Permettez-moi simplement de vous dire que c'est en novembre 1991 qu'un inspecteur de l'administration fiscale des contributions a téléphoné aux administrations fiscales des différents cantons romands, pour leur demander d'investiguer à la suite de découvertes qu'ils avaient faites à Berne, dans le cadre d'un grossiste sur ce qu'on appelle des «ristournes», c'est-à-dire des versements accordés en fin d'année à un certain nombre de sociétés ou d'individus travaillant, en l'occurrence, dans le domaine du bâtiment.

Notre première procédure de contrôle a été ouverte en novembre 1991 et le premier supplément, assorti d'une amende d'impôts, a été notifié le 13 février 1992. L'administration fiscale cantonale et, plus précisément, sa division du contrôle a fait un travail exceptionnel, lequel vient d'ailleurs d'être reconnu par l'administration fédérale des contributions à Berne.

Je suis donc en mesure de vous dire que cinq cent cinquante-six contribuables ont été contrôlés; que le montant distribué à des clients par ce grossiste représente un total de 63 millions, dont 45 millions concernaient des contribuables genevois. Sur ces 45 millions, une partie était déclarée. Le montant des ristournes non déclarées a été de 34,696 millions : c'est le montant sur lequel nous avons imposé, infligé des amendes et un redressement fiscal !

Sur les cinq cent cinquante-six personnes morales ou individuelles, personnes physiques, qui ont été contrôlées, quatre cent dix-huit n'avaient pas déclaré ces ristournes : cent nonante-sept sociétés et deux cent vingt et une personnes physiques; cent trente-huit personnes, soit trente-cinq sociétés et cent trois personnes physiques les avaient déclarées, d'où le total de cinq cent cinquante-six dossiers. A fin mars de cette année neuf dossiers étaient encore ouverts.

Le montant total des impôts dus sur les montants détournés touchant à des contribuables genevois s'est élevé, pour l'impôt cantonal : à 11,711 millions - j'arrondis - pour les amendes : à 4,291 millions, l'impôt fédéral direct : à 3,357 millions et les amendes pour l'impôt fédéral direct : à 1,97 million de francs, soit un total global de 20 458 634 F d'impôts de redressement, y compris les amendes.

S'agissant des amendes, puisque M. Ferrazino m'a demandé quels taux étaient pratiqués, elles ont été fixées à une demie fois les droits éludés, sauf pour les cas de double imposition. En effet, dans ces cas-là, l'amende a été fixée à 1/8ème du montant des impôts éludés. Il faut bien dire que les personnes morales et leurs actionnaires touchés auront eu à s'acquitter en impôts et en amendes entre 61% et 120% du montant des ristournes non déclarées, sans compter le fait que les 35% d'impôts anticipés ne pourront jamais être récupérés par ces derniers. Au surplus, et sur des instructions de ma part données au directeur général de l'administration fiscale à l'époque, il n'y a eu aucune remise consentie ni aucune complaisance. Nous avons appliqué les règles uniformément à l'ensemble des cas à Genève.

M. Ferrazino m'a posé une question relative au nombre de contrôleurs. Cette question m'avait du reste déjà été posée par M. Lyon, il y a quelque temps. Les contrôleurs, entre 1982 et 1993, étaient neuf ou douze suivant les périodes. En 1994, à la suite de trois départs dus à des raisons de retraite anticipée, PLEND, ils étaient neuf. Ils seront dix à la fin de cette année, et douze, à nouveau, en 1996. Les résultats ne vont d'ailleurs pas forcément de pair avec le nombre de contrôleurs. En effet, il y a un seuil que l'on ne franchit pas. On peut constater, par exemple, qu'en 1991 nous avons eu 24 millions de supplément d'impôts notifiés avec douze contrôleurs et, en 1994, 20,596 millions avec neuf contrôleurs. C'est dire que d'autres paramètres entrent en ligne de compte : les dossiers, les méthodes qui ont été modifiées, suite à un audit effectué en 1990 de la division des contrôles, etc.

Voilà ce que je pouvais vous dire en matière de ristournes. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, les députés, contrairement à ce qui a été écrit par certains esprits chagrins, il n'y a eu aucune complaisance de l'administration fiscale ni du chef du département dans ce domaine ! (Applaudissements.)

Cette interpellation urgente est close. 

PL 7242
14. Projet de loi de Mmes et MM. Françoise Saudan, Jean-Luc Ducret, Liliane Johner, Florian Barro et Max Schneider modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 1). ( )PL7242

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:

Art. 8, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 Tous les documents utiles à la discussion doivent parvenir aux députés 13 jours ouvrables avant la séance du Grand Conseil, sauf urgence motivée par le bureau.

3 Pour être inscrits à l'ordre du jour, les divers textes doivent être en possession du bureau 23 jours avant la séance.

Art. 2

La présente loi entre en vigueur le 9 novembre 1995

EXPOSÉ DES MOTIFS

Actuellement, les députés ne disposent pas du temps nécessaire pour prendre connaissance de la masse de textes qui leur sont adressés pour chaque séance du Grand Conseil.

En déposant les textes une semaine avant les délais actuels, les députés et les conseillers d'Etat auront à disposition sept jours de plus pour se pencher sur les documents qui feront l'objet des prochains débats.

En espérant que vous ferez bon accueil à ce projet de loi visant à favoriser le travail de notre parlement, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer ce texte à la commission des droits politiques et du règlement.

Préconsultation

La présidente. Avant de vous souhaiter une bonne rentrée chez vous, je dois vous demander d'accepter de renvoyer le projet de loi 7242 à la commission des droits politiques et du règlement.

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.

 

La séance est levée à 23 h 55.