Séance du
vendredi 19 mai 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
7e
session -
24e
séance
M 863-A
Rappel du texte
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
l'accroissement du volume des déchets et les coûts y afférent;
l'article 160C, alinéa 3, lettre c, chiffre 3 de la constitution genevoise;
invite le Conseil d'Etat
à lui faire connaître sa politique d'acquisition, d'entretien, de récupération et de recyclage de ses équipements et de son mobilier (administration, écoles, hôpitaux, aéroport, etc.);
à lui présenter une étude sur les avantages et désavantages d'une stratégie de la durabilité pour ceux-ci ou une partie de ceux-ci, tant du point de vue des coûts que des économies d'énergie et de matière première.
RÉPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT
Cette proposition de motion déposée le 13 mai 1993, a été adoptée le 11 juin 1993. Il est évident que le Conseil d'Etat ne peut qu'adhérer à cette motion, dont il applique les principes depuis toujours. En effet, la politique de l'économat cantonal, et donc celle du Conseil d'Etat, pour les achats d'équipements et de mobilier, a toujours été celle de la durabilité maximum.
Politique de l'Etat pour le mobilier et l'équipement
L'économat cantonal met régulièrement en soumission ses marchés d'équipements et de mobilier. Outre les conditions, la garantie du suivi des produits, la garantie de qualité de fabrication, la possibilité d'intégration des nouveaux produits avec les anciens, les critères d'ergonomie, d'écologie et de sécurité, l'économat cantonal tient aussi compte dans ses critères de choix de la durabilité des produits.
En règle générale, une garantie de 10 ans est exigée à laquelle il convient d'ajouter 5 ans pour la fourniture des pièces de rechange. On admet ainsi une durée minimum des équipements et du mobilier de 15 années. A l'échéance de ces 15 ans, le mobilier n'est pas systématiquement remplacé. Toutefois, si le mobilier est repris, il est contrôlé lors de chaque retour. Dans la plupart des cas, après une légère remise en état, ce mobilier est replacé dans les services de l'administration. Ainsi, une deuxième durée de vie peut être estimée de 4 à 8 ans. Le mobilier obsolète ou hors d'usage, est détruit. Les dépenses sont ainsi limitées et les déchets ne s'accumulent pas inutilement.
Autre exemple de durabilité de produit: les travaux entrepris pour transformer les luminaires halogènes 500W en version HQI 150W. Nous obtenons une diminution de 66% de la consommation avec les nouvelles ampoules. La durée de vie d'environ 2 000 heures (ampoules halogène 500W) passe à 6 000 heures (pour les ampoules HQI 150W).
La nécessité de s'astreindre à une discipline d'achats sur le plan quantitatif et qualitatif est une évidence. Les efforts déjà entrepris tendant à renoncer aux produits dont l'élimination porte atteinte à l'environnement, notamment ceux en PVC, seront poursuivis.
Il faut également promouvoir toute forme de recyclage et reconditionnement. Après de vives oppositions, tant de la part des utilisateurs que des constructeurs de machines, l'économat cantonal achète et fournit depuis quelques années des cartouches pour imprimantes laser reconditionnées, qui sont un produit de qualité à un prix extrêmement intéressant. La cartouche consommée est reprise par un fournisseur, nettoyée, contrôlée, remplie de tonner, et remise en circuit. Cette opération se répète plusieurs fois, contribuant d'une part à des économies et d'autre part à une diminution des déchets.
L'utilisation de matériels recyclés est d'ores et déjà en place dans certaines écoles du canton et tend à se généraliser. Un assez grand nombre d'articles en papier sont fabriqués avec un pourcentage très élevé de vieux papier récupérés et triés. Exemple: papier pour photocopie, enveloppes pour courrier, papier pour toilette, les emballages, etc., ainsi nous utilisons un grand nombre d'articles fabriqués à partir de matières premières récupérées.
Par ailleurs, l'économat cantonal, par sa politique d'achats, joue un rôle déterminant auprès de ses fournisseurs et fabricants en les incitant à ne fournir sur le marché que des produits qui sont conformes aux législations existantes, notamment à la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE).
En ce qui concerne les véhicules, ceux-ci ne sont pas remplacés selon les critères d'âges ou de kilomètres, mais uniquement s'ils ne répondent plus aux critères de sécurité édictés par la législation (visite technique au service des automobiles et de la navigation), sinon ils sont systématiquement réparés et peuvent effectuer 180 000 à 240 000 km.
Politique de l'Etat pour les équipements lourds (bâtiments)
Le manque de durabilité dans le domaine bâti est lié à l'allégement des matériaux. Les ponts du Gothard en pierres massives pesaient 1000 tonnes; les mêmes ponts en métal ne pèsent que 100 tonnes; le rapport entre le pont vide et le pont chargé passe donc, pour un train que l'on peut estimer à 100 tonnes, de 1 à 1,1 pour un pont en pierres et de 1 à 2 pour un pont en métal.
Dans le domaine du béton armé, on arrive de plus en plus à des sections minces. Ceci augmente le risque d'une couverture insuffisante des aciers par le béton. Or, le béton est un matériau qui, en vieillissant, présente toujours des micro-fissures, d'où le risque de la carbonisation ou carbonatation.
C'est pourquoi des bâtiments massifs du début de ce siècle, ou même plus anciens, sont plus solides, plus durables et de meilleure qualité que la plupart des bâtiments récents; la politique de l'Etat doit donc être de rénover et de conserver ces bâtiments anciens. Malheureusement, ces mêmes bâtiments ne sont pas toujours fonctionnels par rapport à ce que l'on exige d'eux. Le bâtiment de l'Ecole de Médecine, par exemple, ne peut pas remplacer le Centre Médical Universitaire (CMU).
L'Etat de Genève a toujours la volonté de construire «durable», mais cela pèse évidemment sur les coûts de construction qui semblent élevés. Toutefois ainsi les coûts d'entretien diminuent. L'opinion du professeur Schmidt, président de la Commission fédérale des monuments historiques est que la mémoire collective est courte si l'objet est de qualité, car on oublie très vite qu'un objet a coûté très cher s'il est bien.
Le résultat du rapport «qualité de construction maintenance durabilité vieillissement» commence à se faire sentir après cinq ans déjà.
Il y a malheureusement des limites: prenons le cas des façades: le béton lavé utilisé pour la plupart de nos façades est sensible aux agents extérieurs; l'idéal serait de revenir à la pierre naturelle, mais cela augmenterait sensiblement le coût de construction, alors que l'Etat de Genève se doit de faire des économies.
De ce fait, chaque élément constituant un bâtiment a une existence fort différente. La structure principale du bâtiment a une durée de vie de cinquante ans au moins, alors que le coeur de l'installation de chauffage, par exemple, ne dure qu'une dizaine d'années environ.
Un bâtiment bien conçu pour durer doit être flexible; la durabilité doit donc être vue en relation avec la variabilité des espaces. On cite le cas de l'Abbatiale de Payerne, qui a été tour à tour: une église, un grenier à grain, une caserne ainsi qu'un dépôt communal. Pour que cela soit possible, il faut que la trame statique soit large et permette une bonne adaptation à de nouvelles fonctions.
Il faut également une relation étroite entre le constructeur et l'exploitant pour assurer la durabilité, c'est ce que l'Etat de Genève a réalisé en regroupant la construction et l'entretien des immeubles dans une seule direction. C'est également en collaboration entre ces deux services que se rédigent les directives données à nos mandataires pour nos normes de qualités dans la construction.
Débat
M. Chaïm Nissim (Ve). Cette motion que nous avions présentée sur la durabilité des équipements publics a reçu une réponse qui n'est pas mauvaise. Personnellement, j'ai particulièrement apprécié la fin de cette réponse, sur les équipements lourds et le génie civil. Je me suis même demandé si c'était M. Joye qui avait écrit ce petit morceau, plein de poésie, sur les ponts du Gothard !
Par contre, il y a une mauvaise partie qui fait état du remplacement de certains éclairages dans les bureaux. Des luminaires halogènes de 500 W ont été remplacés par une version HQI 150 W. A ce propos, nous devons dire que ce n'est pas une très bonne opération qui a été faite par le service de l'énergie. Nous pensons que le remplacement des halogènes de 500 W par des modèles de 150 W ne se justifie souvent pas techniquement. Ce n'est pas une bonne économie d'énergie. Il existe aujourd'hui des lampes qui consomment beaucoup moins de 150 W. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais il n'y a pas là de quoi se vanter.
Cela dit, grosso modo, ce rapport est bon. Il n'y a pas grand-chose rajouter.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je voudrais répondre sur ce point particulier, après avoir remercié M. le député Nissim pour son passage sur les ponts du Gothard. Je ne suis malheureusement pas l'auteur de cette prose, et je tiens à rendre hommage à celui qui l'a écrite.
En ce qui concerne l'éclairage, il faut savoir que les luminaires halogènes de 500 W sont très différents des luminaires HQI 150 W. C'est un autre type d'éclairage et c'est aussi là que réside une des améliorations.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.