Séance du vendredi 19 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 7e session - 24e séance

I 1935
27. Interpellation de Mme Liliane Maury Pasquier concernant le dépistage des maladies héréditaires chez les nourrissons : quelle politique de prévention ? ( )I1935

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Mon interpellation à M. Segond concerne le test de Guthrie.

Quelques mots s'imposent peut-être pour les profanes. En 1961, l'américain Robert Guthrie a mis au point une méthode de test simple, rendant possible des examens en série, qui permettent de détecter des concentrations anormalement élevées de dérivés métaboliques dans le sang. Depuis 1965, ce test, dit de Guthrie, a été introduit en Suisse, d'abord à Zurich, puis, depuis 1974, à tous les nouveau-nés de Suisse, comme, du reste, de tous les pays ayant un niveau de santé élevé.

Ce test, réalisé par le prélèvement de huit gouttes de sang, le quatrième jour de vie, permet, par sa précocité, de dépister des maladies qui ont pour noms barbares : la phénylcétonurie, la galactosémie, et j'en passe. Ces affectations métaboliques altèrent considérablement le fonctionnement de divers organes, notamment le développement de l'encéphale, conduisant généralement à une arriération mentale incurable.

Seul un traitement très précoce est alors efficace et c'est justement grâce à ce test de Guthrie, qui permet de savoir assez tôt quels enfants il faut traiter, qu'une chance de le faire existe. C'est ainsi que, depuis 1965, le test a permis de dépister ces maladies métaboliques, totales ou partielles, chez mille cent quatre-vingt-trois nouveau-nés, dont quatre-vingt-quatre en 1994. Ce test dont la systématicité fait le succès et la valeur a donc une place reconnue et non contestée dans notre système de santé.

C'est donc avec étonnement que j'ai reçu, avec les gynécologues, les cliniques et les autres sages-femmes de ce canton, une lettre du service du médecin cantonal, datée du 7 avril, nous informant que, je cite : «par raison d'économie, l'Etat de Genève ne prend plus en charge les tests de Guthrie effectués depuis le 1er janvier 1995.».

Bien que la même lettre nous accorde généreusement la possibilité de répercuter la facturation du test, dont le coût est de 24,70 F, je ne peux m'empêcher de me poser, et de vous poser, Monsieur le président, les questions suivantes :

S'il semble que, dans d'autres cantons, notamment alémaniques, les tests de Guthrie soient déjà facturés aux cliniques, sages-femmes et médecins qui pratiquent les accouchements, pourquoi notre canton prend-il une telle décision, sans concertation, sans avertissement préalable et, pire encore, avec un effet rétroactif de plus de trois mois, au risque de compromettre la place du test ?

Pourquoi le service du médecin cantonal n'attend-il pas l'entrée en vigueur, au 1er janvier 1996, de la nouvelle loi sur l'assurance-maladie qui reconnaît la prise en charge des actes préventifs ?

Ce même service du médecin cantonal a-t-il négocié le remboursement par les caisses maladie ? Sinon qui va payer le test ? La maternité ! Donc l'hôpital, pour les près de trois mille accouchements qui s'y déroulent ! Ce serait là une curieuse interprétation de ce souci d'économie dont la lettre fait mention.

Les quelque 150 000 F ainsi économisés représentent-ils vraiment une priorité de diminution des frais ?

Combien coûterait la prise en charge annuelle d'un enfant atteint d'une telle maladie non dépistée ?

Enfin, qui payera le test pour les bébés de femmes en situation irrégulière, donc sans assurance, dont seule une bonne dose d'hypocrisie peut nous faire nier la présence à Genève ?

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. C'est, si j'ose dire, une tempête dans un verre d'eau ou, plus exactement, dans une seringue !

Dans le cadre de l'élaboration du projet de budget 1995, nous avons découvert cette dépense au service du médecin cantonal où elle n'avait rien à faire. Nous avons donc supprimé ces 150 000 F au budget du service du médecin cantonal et nous les avons ajoutés au budget de l'hôpital cantonal, à la maternité, où la majorité des nourrissons de Genève voient le jour.

Ces tests ont toujours été effectués et facturés par le laboratoire de la Croix-Rouge. A aucun moment, ils n'ont été interrompus. La question qui s'est posée, entre les services, était de savoir si c'était le service du médecin cantonal qui devait les payer ou si c'était la maternité, ni l'un ni l'autre n'ayant lu la lettre qui leur avait été adressée le 24 décembre, leur indiquant que la couverture budgétaire de ces factures passait du service du médecin cantonal à la maternité.

Il n'y a donc eu aucune économie et aucune réduction de prestations. C'est simplement l'illustration du fait que, quand il y a de nombreux cadres intermédiaires, ils ont parfois de la peine à se comprendre les uns et les autres.

Cette interpellation est close.

 

La séance est levée à 19 h 10.