Séance du
vendredi 19 mai 1995 à
17h
53e
législature -
2e
année -
7e
session -
24e
séance
M 971-A
Travaux de la commission
La commission des affaires sociales a examiné la proposition de motion concernant l'encadrement des mères (parturientes) lors de deux séances, les 14 et 21 mars 1995, sous la présidence de M. Roger Beer et en présence de M. Albert Rodrik, chef de cabinet du DASS.
La commission des affaires sociales entre en matière sur l'objet de la motion, mais est dans l'ensemble très réticente quant à la formulation de la problématique telle que présentée. La commission s'est donc employée à reformuler la préoccupation de prévention précoce et vous propose, au terme de cet examen, de nouvelles invites tenant mieux compte de ce qui existe et relevant une préoccupation particulière à l'égard des prestations de l'association des sages-femmes à domicile.
La commission s'est préoccupée de s'informer:
s'il existe une différence notoire entre les propositions de suivi après un accouchement en clinique ou dans le service publique;
si les pères (absents de la motion) sont pris en compte;
si l'offre de service est suffisante et surtout si la collaboration est effective;
si l'information est généralisée et pour le surplus quels sont les groupes de population pour lesquels l'accès aux services existants reste problématique.
Audition des représentants de la section genevoise de l'association suissedes sages-femmes, Mmes Lorenza Bettoli, présidente, et Béatrice Van der Schuren
Les sages-femmes décrivent leur pratique professionnelle en ces termes: «Accompagnement et suivi de la femme pendant la grossesse, l'accouchement et le post-partum en tenant compte de l'aspect physique, psychologique et du contexte socio-économique de la femme et du couple, pour veiller au développement physiologique de ces étapes de la vie». Comme les infirmières HMP (hygiène maternelle et infantile), elles se préoccupent de la mise en route de la relation mère-enfant, de l'allaitement maternel, de l'apprentissage des soins à l'enfant et du contexte psychologique. Elles sont donc partenaires de l'effort de prévention recherché par la motion.
Les sages-femmes sont présentent dans nombre de ces institutions genevoises qui réalisent l'intention de la motion, soit l'attention à la relation précoce parents-enfants dans un but de renforcer ou d'aider à un développement positif. Ces structures pertinentes et nombreuses seront mentionnées en annexe.
L'élaboration des liens précoces autour de la naissance est effectivement un moment crucial du développement des parents, des enfants et de leurs relations. Les situations à risque ont tout lieu d'être prise en charge dans la richesse des structures existantes et les dispositions de concertation des différents services. Cependant, il faut veiller à ce que personne ne soit exclu de ces opportunités de contact pour des raisons de manque d'information ou de mauvais accès à cette information.
Dans ce sens, la systématisation du premier contact n'est pas une réponse adéquate. La défiance pourrait dans ce cas se substituer à la confiance nécessaire à tout travail d'aide et de soutien.
Les représentantes de l'association des sages-femmes, puis la commission des affaires sociales, sont plutôt d'avis qu'il y a lieu de renforcer l'aptitude des professionnels engagés dans la voie que la motion nous invite à suivre et de s'assurer de la complémentarité des organismes et de leur concertation.
Sur le sujet particulier de la maltraitance, les sages-femmes mentionnent les études genevoises récentes et les recherches pour intervenir en amont de ces causes potentielles de difficultés. Ces travaux concernant les aspects suivants:
étude du Dr Halperin sur la maltraitance,
enquête du Dr Manzano sur la dépression du post-partum,
travail de la Drss Conne-Péreard sur la prématurité.
Audition des représentantes de l'association des sages-femmes à domicile, Mmes Martine Fuhrer-Rey et Antoinette Masur
L'association des sages-femmes à domicile est née en 1993, de la réunion de deux associations de sages-femmes à domicile préexistantes. L'existence de ces dernières remonte à une dizaine d'années.
L'association qui travaille en étroite collaboration avec la maternité (les médecins privés, le CIFERN, la Guidance infantile, etc.) est une association à but non-lucratif, reconnue d'utilité publique en 1994. Ses prestations auprès des parturientes en relation avec la motion sont les suivantes:
permanence téléphonique (7 jours sur 7) concerne surtout des questions pratiques et recueille l'expression de la fatigue ou de l'épuisement des mères. Les contacts téléphoniques peuvent si nécessaires donné lieu à des visites à domicile;
accueil, information, écoute dans ses locaux (Arcade sages-femmes);
groupe de rencontre pour parturiente de culture différente;
suivi à domicile de grossesse à risque en collaboration avec la maternité et les médecins privés;
suivi à domicile après accouchement ambulatoire (sur 10 jours);
suivi à domicile après accouchement hospitalier.
Les prestations à domicile sont financées par le biais d'une convention avec la Fédération genevoise des caisses-maladie. Malheureusement une convention suisse va remplacer sous peu la convention cantonale et elle sera moins ouverte à cette pratique.
Quant à la permanence téléphonique et à l'arcade, elles sont à 95% bénévoles, l'association ne touchant qu'une subvention de la Ville de Genève de 20 000 F.
L'accouchement ambulatoire, soit l'accouchement à l'hôpital suivi d'un retour très rapide à domicile, se développe beaucoup actuellement. L'activité de l'association concerne actuellement 20 à 25% des parturientes du canton.
De toute évidence, les visites à domicile et les prestations pratiques permettent la rencontre avec le réseau social de la parturiente et rendent possible un conseil approfondi.
La qualité de cette approche est encore renforcée par l'individualisation du suivi (c'est la même sage-femme qui intervient tout au long) et par la philosophie qui sous-tend l'action: «favoriser l'adaptation et les compétences des parents durant cette période où les femmes sont très réceptives, ainsi que favoriser l'appel au secours ou la demande d'aide le cas échéant.»
Discussion de la commission
Suite à ces présentations, la commission des affaires sociales estime justifié d'aborder la question du statut de l'association des sages-femmes à domicile.
La fédération des caisses-maladie, avant nous, est entrée en matière sur le financement des prestations à domicile, reconnaissant par là leur efficacité et leur caractère économique. L'hôpital public quant à lui, tend à raccourcir le séjour de maternité et renforce sa demande à l'égard de l'association dont l'activité ne cesse de croître.
L'association négocie déjà avec le DASS concernant une possible prise en compte d'une partie de son activité par les pouvoirs publics, à l'intérieur de la loi sur l'aide à domicile ou à titre de prévention, ou selon les deux modalités.
A l'occasion de cette motion, la commission des affaires sociales estime justifié de demander au Conseil d'Etat d'examiner quelle place occupe l'association des sages-femmes à domicile dans le dispositif genevois de prévention et de promotion de la santé. Cet examen doit évidemment prendre en compte quelle part de l'activité de l'association relève d'un service à la collectivité et quelle part relève d'une activité lucrative (indépendante).
Les commissaires libéraux craignant une éventuelle nouvelle subvention refuseront l'invite. La majorité, cependant, estime que les démarches de conseil et de prévention de proximité, individualisées et compétences sont susceptibles d'être, au plan global, plus économique qu'une abstention en la matière.
En conclusion, la commission des affaires sociales s'est convaincue de la qualité des structures existantes et que s'il convient de toujours progresser, c'est vraisemblablement à l'intérieur du dispositif existant. La commission a dès lors repris à son compte l'esprit de la demande de la motion concernant les parturientes selon des invites transformées, convaincue qu'elle est que la prévention est favorable aux familles et aux finances publiques si l'on veut bien se donner la peine de réfléchir globalement et à court, moyen et long terme.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales, par 10 oui et 5 non (L), vous recommande le renvoi de la motion 971, selon les invites ainsi reformulées:
proposition de motion
concernant l'encadrement des mères (parturientes)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
que les mesures de prévention sont d'autant plus efficaces qu'elles sont précoces;
que le lien entre toxicomanie et enfance maltraitée est reconnu par les milieux spécialisés;
que l'intérêt de l'enfant est prépondérant,
invite le Conseil d'Etat
à évaluer l'accessibilité des structures existantes pour les différents groupes de population;
à définir la place de l'association des sages-femmes à domicile dans le dispositif genevois de prévention et de promotion de la santé.
ANNEXE 1
Structures et offres genevoises en périnatalogie:
cours de préparation à la naissance, lieu d'information, d'écoute et de parole;
cours de puériculture, donnés par les infirmières de la Croix-Rouge;
prise en charge des femmes enceintes toxicomanes, service de la toxicomanie, rue Verte;
centre de santé migrant;
centre Camille Martin;
suivi par des sages-femmes, de grossesse à domicile sur ordre médical lors d'une grossesse à risque;
premier contact, avant la naissance, avec le pédiatre;
en clinique ou à la maternité, les soignants envisagent leur action dans un contexte global et informent ou sollicitent, si nécessaire, l'intervention de l'un ou l'autre des services;
sages-femmes à domicile;
SASCOM assure un suivi à court ou long terme;
CIFERN ou unité psychosomatique et de sexologie a notamment mandat (depuis 1965) d'informer et d'orienter les parturientes de la maternité à propos des services existants;
guidance infantile;
assistances sociales;
consultations des nourrissons de la Croix-Rouge dans les quartiers ou les communes;
le Cerf-volant, maison verte selon le modèle de Dolto;
l'Ecole des parents.
Débat
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse. Je voudrais qu'à la page 5, où est inscrite la motion de la commission, on supprime tous les considérants, qui ne font pas partie de cette motion, mais qui étaient ceux de la motion initiale.
La présidente. On me transmet une proposition d'amendement. Auriez-vous la gentillesse de répéter votre proposition ?
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. En ce qui concerne la proposition de motion de la commission des affaires sociales, en page 5 du rapport, il faut supprimer les considérants, qui n'ont pas lieu d'être inscrits ici, puisque ce sont ceux de la motion originale.
La présidente. D'ailleurs, à ce sujet, j'ai remarqué qu'il faudra que nous précisions vraiment la procédure, parce que, lorsque le texte des motions est entièrement changé, il nous faut avoir un rapport et une nouvelle motion distincte, car, le jour où nous voudrons faire des recherches, on ne s'y retrouvera plus.
Mme Elisabeth Häusermann (R). Le constat du professeur Manzano : «Les relations précoces parents-enfants et leurs troubles sont l'un des principaux centres d'intérêt des pédopsychiatres genevois. La présence, au congrès de la Société suisse de psychiatrie d'enfants et d'adolescents, d'éminents auteurs étrangers nous a permis de faire le point sur l'état actuel d'un sujet très important dans le développement normal et pathologique de l'enfant et qui ouvre la voie à des possibilités préventives et thérapeutiques nouvelles.».
Genève, en 1994, comptait plus de deux mille toxicomanes recensés et était à la pointe, dans les statistiques, des tentatives de suicide et de suicides de jeunes. Pourquoi ? Les raisons sont multiples, allant de l'éclatement de la famille aux difficultés économiques des parents, en passant par les mauvais traitements et les abus sexuels. De plus en plus, on constate des troubles du comportement chez de très jeunes enfants, suite à des problèmes sociaux familiaux. Pouvons-nous ne rien faire et rester de glace devant une telle misère ? La santé d'un pays dépend de celle de ses forces vives : les enfants, vos enfants, Mesdames et Messieurs les députés, nos enfants, qui seront les citoyens de demain.
Les professionnels des services sociaux et de santé font preuve d'un dévouement remarquable. Les compétences de chacun d'entre eux, qu'il s'agisse des médecins, pédiatres, psychologues, infirmiers, infirmiers HMP, sages-femmes, assistants sociaux, et j'en passe, sont indispensables à la résolution de tels problèmes. Chacun a son rôle à jouer. Encore faut-il leur donner la possibilité de travailler en équipes pluridisciplinaires, en profitant des infrastructures existantes, par exemple le réseau de soins à domicile, afin d'assurer une plus grande complémentarité et une plus grande efficacité dans l'action d'encadrement et de prévention. C'était le but de la motion radicale.
Il serait contre-productif de confier la résolution de problèmes aussi graves et complexes à une seule catégorie professionnelle quelle qu'elle soit. Le groupe radical considère qu'il ne s'agit pas tant de démonter la plus grande efficacité de tel ou tel groupe de professionnels que de rechercher comment accroître, dans une action interdisciplinaire, l'efficacité de tous les groupes professionnels oeuvrant pour le bon développement de la petite enfance. Dans ce sens, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer la motion qui vous est soumise au Conseil d'Etat, en modifiant la deuxième invite comme suit :
« - à définir une action concertée entre les professionnels des différents services médico- sociaux (y compris les sages-femmes) dans le dispositif genevois de prévention et de promotion de la santé.».
Les enfants vous en remercieront.
Mme Vérène Nicollier (L). Si le rapport de Mme Maulini-Dreyfus reflète, de façon détaillée, les travaux de la commission sociale, concernant l'encadrement des mères, il me semble cependant nécessaire de préciser la pensée du groupe libéral à cet égard.
Il nous paraît que, à la lecture de l'annexe 1 du rapport et à la suite des diverses auditions au cours des séances de la commission sociale, que les structures genevoises, dans le domaine de la préparation à la naissance et du suivi postnatal, offrent un éventail très complet. Comme vous l'avez lu ou entendu, l'accessibilité à ces structures est organisée de façon systématique au niveau de la maternité de l'hôpital cantonal. Il apparaît que le système privé accueille des parturientes plus averties et souvent mieux encadrées, dans ces moments de la vie, par leur famille, la sage-femme (cours d'accouchement sans douleur, de gymnastique, de détente, les séances auprès d'un psychologue après la naissance) et naturellement le médecin. Les cliniques n'abandonnent pas les parturientes comme semblait le laisser entendre la motion.
Le médecin, pratiquant dans une clinique privé, met la parturiente en contact avec une sage-femme, que la patiente aura la possibilité d'avoir à ses côtés, chez elle, après la naissance. En effet, si les cliniques privées, comme d'ailleurs la maternité, ont des équipes de sages-femmes, elles ont recours aux services de l'association des sages-femmes à domicile, pour le suivi postnatal, notamment en cas de séjour écourté - moins de quatre jours. Ces sages-femmes servent alors de relais entre la parturiente et les médecins, qu'il s'agisse du gynécologue ou du pédiatre.
Quant à la place de l'association des sages-femmes à domicile, il nous semble que c'est le rôle de l'association elle-même de savoir promouvoir son importance et que ce n'est pas à notre parlement de prendre des dispositions à cet égard. J'ajouterai que, depuis quelques années déjà, les sages-femmes à domicile sont mises à contribution de façon beaucoup plus intense : la réputation de leur travail et de leur rôle n'est donc plus à faire.
Ce sont les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe libéral, nous n'entrerons pas en matière sur cette motion, modifiée, telle qu'elle apparaît dans le rapport.
M. Pierre Froidevaux (R). La lecture de votre rapport, Madame la députée Maulini-Dreyfus, fut intéressante, mais j'ai cherché vainement à retrouver les idées, la volonté et les traits d'espoir qui avaient animé un groupe de travail au sein du parti radical. Certes, la juvénilité parlementaire des motionnaires a entraîné quelques erreurs d'aiguillage, qui amènent cette motion sur une voie de garage, sans espoir. Mais au fond de moi, je n'arrive pas à croire que le dynamisme de ces partisans radicaux ne puissent pas se retrouver dans une assemblée aussi éclectique vouée au bien commun.
Nous caressions le rêve d'améliorer l'équation de politique sociale, en remplaçant dans cette formule algébrique extrêmement complexe, le paramètre «groupe» par celui d' «individu». Au lieu de placer les gens dans des groupes du genre alcooliques, chômeurs, smicards, toxicomanes, ou même millionnaires, en croyant qu'ils interagissent uniquement dans un groupe, il y avait lieu de réfléchir, en matière de politique sociale, sur la manière de les individualiser pour les autonomiser.
Je vais prendre un exemple pour être plus expressif. «T» a dix-sept ans. Il est toxicomane, depuis de nombreuses années. Un jour, il est admis à l'hôpital en état d'overdose. Sa vie y est sauvée. Il quitte l'établissement le soir même et, durant la nuit, il décède d'une nouvelle overdose. L'histoire est banale. «T» entre dans un groupe appelé «Toxicomanes» : il est donc normal qu'il décède. Je dirais même plus : la classification sociale et politique de «T» dans ce groupe donne un droit très particulier, celui de mourir précocement. Sa maladie est certes gravissime, mais pas davantage que celle de «S» qui a le même âge et qui est admis, le même soir, aux soins intensifs pour une leucémie aiguë, dont le pronostic est tout aussi réservé, à la différence que «S» fait partie d'un groupe politiquement et socialement accepté. Nous avons donc une inégalité de traitement entre ces deux adolescents.
Revenons à «T». En cherchant à l'individualiser, à lui enlever son étiquette, aussi pour que sa mort soit respectée, en faisant sa levée de corps, on apprend que c'est le cinquième adolescent d'un groupe d'amis mort dans des circonstances comparables. Il ne s'agit donc pas d'une overdose, mais d'un suicide. Ce jeune homme de dix-sept ans aurait donc pu bénéficier d'un traitement psychiatrique, si sa classification politique ne le rejetait pas. Donc ce désespéré, laissé sans soins, était-il vraiment abandonné ? Non ! Il vivait dans un foyer, car il était orphelin à la suite du décès par overdose de ses parents. Bien qu'il fût soutenu par ses éducateurs, il n'a pas pu éviter la désocialisation et un décès volontaire avant l'âge adulte. Pourtant, la société possède des moyens d'encadrement pour éviter qu'un tel cas ne se produise, comme nous le montre votre rapport, Madame Maulini-Dreyfus, notamment à la page 6, en citant pas moins de seize institutions diverses à Genève.
Malgré cela, l'histoire de «T» est banale et je puis vous en raconter une différente mais, ô combien semblable, toutes les semaines ! Faut-il rajouter une dix-septième institution pour que je sois content ? La réponse est évidemment non ! Nous en mettrions cent que je reste persuadé, quant à moi, que le résultat final sera à peu près le même. Le cas de «T» se présente comme un phénomène singulier sans solution. A ce stade, on peut décider d'ignorer ce phénomène en le rejetant, comme cela s'est fait pour tant d'autres phénomènes sociaux qui paraissaient inexplicables à la conscience humaine; ou nous pouvons chercher, tous ensemble, à améliorer notre connaissance de notre humanisme, ce qui est le but le plus avisé de la politique.
Mesdames et Messieurs les libéraux, vous n'avez pas accepté notre travail en commission. Pourtant, les progrès en général et les progrès sociaux en particulier sont sources de profit. Les dernières grandes crises ont été résolues aussi par des révolutions sociales. Rappelez-vous : en 1870, les enfants interdits de travail; en 1930, l'introduction des congés payés; ou à la fin de la seconde guerre mondiale, la retraite pour les plus âgés.
Cette fin de millénaire verra l'amélioration de la dyade mère-enfant, qui assurera la grande autonomisation de l'enfant. Comme première mesure, je vois la mise en place d'un congé maternité, et cette motion-là est aussi pour vous en persuader.
Monsieur le député Schaller, vous vous étiez exprimé au nom de votre groupe en fustigeant notre travail, en le comparant à une mauvaise série télévisée et en me priant de soutenir dans la foulée votre projet sur les allocations familiales. Je ne l'ai évidemment pas voté, car, pour moi, l'échange des richesses ne se fait pas par une caisse publique ou à la sortie de la messe. Les vraies richesses sont au fond de nous et s'échangent dès la naissance.
Madame la députée Maulini-Dreyfus, vous avez initialement considéré comme de la psychiatrie à bon marché notre démarche qui est purement politique. Distribuer de l'héroïne aux toxicomanes est une démarche d'abord politique avant d'être exécutée par les institutions de psychiatrie.
Madame la députée Roth-Bernasconi, vous aviez élargi les débats, dans cette enceinte, au moment de la présentation de cette motion. Puis le travail en commission vous a poussée à favoriser le groupe des sages-femmes. Vous n'avez pas voulu ou pas pu éviter la classification, afin de favoriser un groupe au détriment de l'autre. Or, telle n'est en tout cas pas notre volonté. Je souhaite donc votre soutien pour que la seconde invite soit corrigée et que la réflexion politique sur la dyade mère-enfant se fasse de manière globale pour lui donner une chance d'aboutir. Le pronostic de l'assurance-maternité n'en sera qu'amélioré.
En matière sociale, une nouvelle répartition des richesses pécuniaires paraît peu vraisemblable, tant l'économie a atteint un équilibre difficile. Les progrès sociaux doivent être pourtant poursuivis. La vie suivra le progrès individuel, dans le sens d'une meilleure adaptation aux difficultés personnelles. Les mesures qui favorisent l'autonomie de l'individu doivent être une source constante de réflexion politique. Aussi je vous encourage à voter cette motion, telle qu'amendée par le groupe radical.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse. Si, pour partie, nous pouvons adhérer à la déclaration de foi de M. Froidevaux, il faut tout de même que je vous explique les travaux de la commission, parce que je crois que nous ne comprenons pas tous les mêmes choses.
Ce qui s'est passé, Monsieur le motionnaire, c'est que votre motion, à son arrivée au Grand Conseil, a été assez fraîchement accueillie parce qu'elle est très simplificatrice. Nous l'avons dit en séance plénière à cette époque-là, parce qu'elle soulevait un problème d'importance, à savoir celui de la prévention, particulièrement du lien précoce mère-enfant. Nous avons désiré travailler sur ce sujet, seulement pour cette raison, et non pas pour les termes que vous avez utilisés soit dans vos considérants, soit dans votre invite.
A partir de là, nous avons jugé opportun d'auditionner des personnes qui avaient souhaité l'être et nous avons répondu à leur demande, comme c'est l'usage dans les commissions. Nous avons entendu des sages-femmes - et seulement elles - qui nous ont fait des communications concernant différentes institutions du canton, parce qu'elles y sont les unes et les autres impliquées. Par ailleurs, nous avons pris connaissance d'autres informations qui venaient des députés présents et nous nous sommes assez rapidement faits à l'idée que les structures étaient, comme vous le dites, déjà très nombreuses, ainsi que je l'ai mentionné dans le rapport.
De plus, nous avons discuté du fait que, quel que ce soit le nombre de structures - là, vous avez raison ! - il y a toujours des manques, et ce n'est pas en multipliant les structures que nous arriverons à entrer en contact avec des gens qui ont échappé à toutes les aides possibles grâce auxquelles ils auraient pu éventuellement améliorer leur qualité de vie.
Dans cette optique, nous avons formulé la première invite qui dit en substance qu'il faut examiner ce qui, dans un système déjà très riche en possibilités, empêche certaines personnes d'avoir recours aux institutions existantes, de rechercher les freins et les barrages, les difficultés des uns ou des autres pour recourir aux services qui sont à leur disposition. Les services ne sont pas également utilisés par les différentes catégories sociales ou culturelles - c'est ma conception personnelle - alors qu'elles sont à disposition de tous de manière égale. Il est vrai qu'il existe toutes sortes de barrages pour demander de l'aide.
La première invite s'engage donc dans cette voie-là, en tâchant de voir s'il y a quelque chose de supplémentaire, de possible, de mieux ciblé, de mieux informatif, de plus à la rencontre de, pouvant être réalisé avec l'aide des institutions existantes.
La deuxième invite est plus particulière. Si elle ne parle que d'une profession, c'est pour la raison suivante : ce n'est pas parce que nous voulons réduire la préoccupation de cette motion à une catégorie professionnelle. Ce n'est pas pour cela ! C'est parce que toutes les catégories professionnelles déjà engagées dans la relation précoce mère-enfant ont une mission bien définie dans les institutions citées en annexe. Il est apparu à la commission qu'une de ces institutions, à savoir l'association des sages-femmes à domicile, avait une mission qui avait été reconnue d'utilité publique mais qui, étant relativement nouvelle et ayant une pratique qui se développe actuellement énormément, n'avait pas encore pris une place dans ce dispositif. C'est pour cela que nous avons créé cette deuxième invite qui demande une réponse à la manière dont doit être considérée cette activité dans l'ensemble du dispositif.
Ce n'est donc en aucun cas pour rester de glace à l'égard de quelque chose que, personnellement, je connais très bien pour l'avoir pratiqué professionnellement pendant douze ans. Je connais «T», «S», et encore d'autres, mais je n'accepte pas la confusion entre la prévention, le dépistage et la tarte à la crème.
M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe est favorable à une meilleure coordination des divers intervenants dans une optique de prévention concernant les soins aux jeunes mères et aux futures mères. A notre avis, cette réflexion doit s'insérer dans le cadre général de la loi sur l'aide et les soins à domicile.
Ensuite, il faut veiller à ce que, dans le cadre de l'ordonnance de la LAMAL sur les soins infirmiers dispensés sous forme ambulatoire au domicile du patient ou dans les établissements médico-sociaux, la place des sages-femmes soit effectivement respectée, car la situation de l'association est précaire en ce moment, vu que la convention cantonale reconnaissant son travail va être réduite sur le plan fédéral.
On a le devoir dans ce canton de veiller à cette situation. Raison pour laquelle notre groupe soutiendra l'invite telle qu'elle est rédigée actuellement, car il y a une attention particulière à porter aux sages-femmes, afin qu'elles soient reconnues comme partenaires dans le travail pluridisciplinaire nécessaire.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). La motion dont nous parlons actuellement partait d'un constat juste : il vaut mieux prévenir que guérir. La prévention et la promotion de la santé commence, je dirais même, avant l'accouchement, mais en tout cas dès les premières respirations du nouveau-né. Il est important de donner toutes les chances possibles au nouvel être. Il s'agit d'accompagner de la meilleure manière possible les nouvelles familles.
Un aspect très important est de rendre accessible les structures existantes pour les différents groupes de la population : c'est ce qui est demandé justement dans la première invite. La question qui se pose alors est de savoir quels moyens nous mettons à disposition des structures existantes à Genève, car, mises à part celles qui doivent être mises en place sur le plan fédéral - par exemple, l'assurance-maternité - nous pouvons également agir sur le plan cantonal.
En ce qui concerne la deuxième invite qui considère tout particulièrement l'association des sages-femmes à domicile, je crois qu'il serait important qu'on vous explique quel travail réalise cette association. (Protestations.) Je m'excuse, mais j'ai eu l'occasion de bénéficier des services des sages-femmes et j'ai trouvé cela bien et agréable.
L'association des sages-femmes à domicile n'est pas un service médico-social en tant que tel. Pour le moment, il n'y a pas de reconnaissance officielle, sauf celle d'être reconnue d'utilité publique, ce qui limite considérablement leur action. Ce n'est pas à l'Etat de définir une action concertée, mais cette définition doit venir de la base, des gens qui travaillent sur le terrain. Comme le dit très justement la rapporteuse, les visites à domicile et les prestations pratiques permettent la rencontre avec le réseau social de la parturiente et rend possible un conseil approfondi.
A part quelques sages-femmes indépendantes n'appartenant pas à cette association, personne ne fait ce travail d'accompagnement, lors d'un accouchement à Genève. S'il est vrai que le SASCOM fait quelques visites à domicile, ce n'est pas la même approche, ni le même personnel. Or, les sages-femmes de l'association des sages-femmes à domicile sont spécifiquement formées.
Il faut également signaler que, grâce à cette association, on peut promouvoir les accouchements ambulatoires, ce qui aide à réduire les coûts d'hospitalisation de manière considérable.
Voilà les raisons pour lesquelles nous vous prions d'accepter la motion telle qu'elle est sortie de la commission et de rejeter l'amendement proposé par le groupe radical.
La présidente. Je mets aux voix l'amendement de M. Froidevaux et Mme Häusermann, qui a la teneur suivante :
« - à définir une action concertée entre les professionnels des différents services médico-sociaux (y compris les sages-femmes) dans le dispositif genevois de prévention et de promotion de la santé.».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
La présidente. Je mets aux voix la motion 971 dont les considérants ont été supprimés, je vous le rappelle.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant l'encadrement des mères (parturientes)
LE GRAND CONSEIL,
invite le Conseil d'Etat
à évaluer l'accessibilité des structures existantes pour les différents groupes de population;
à définir la place de l'association des sages-femmes à domicile dans le dispositif genevois de prévention et de promotion de la santé.