Séance du vendredi 19 mai 1995 à 17h
53e législature - 2e année - 7e session - 24e séance

M 904-A
20. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et M. Gabrielle Maulini-Dreyfus, Elisabeth Reusse-Decrey et Gilles Godinat concernant le préapprentissage et l'entrée en apprentissage. ( -) M904
Mémorial 1994 : Annoncée, 854. Développée, 1747. Renvoi en commission, 1753.
Rapport de M. Roger Beer (R), commission de l'enseignement et de l'éducation

La motion 904 concernant le préapprentissage et l'entrée en apprentissage a été renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation lors de la séance du Grand Conseil du 26 mai 1994. Sous la présidence de Mme Claude Howald, députée, cette commission s'est réunie pour traiter cet objet les 30 novembre 1994, les 7, 14 et 21 décembre 1994 ainsi que les 11, 18 et 25 janvier 1995.

Mmes Martine Brunschwig Graf, Conseillère d'Etat chargée du département de l'instruction publique. Leur aimable collaboration et leur disponibilité ont été vivement appréciées.

Objet de la motion

Le texte de la motion part du constat qu'il existe une césure entre l'enseignement obligatoire et l'enseignement post-obligatoire. Dans un article du «CO-information» d'avril 1994, on peut lire que de nombreux jeunes gens et jeunes filles n'ont pas la possibilité d'entreprendre un apprentissage dès la fin de la 9e année du cycle d'orientation.

Qu'ils échouent à un examen, qu'ils quittent leur école ou qu'ils ne puissent pas suivre une filière scolaire post-obligatoire, ces jeunes ne trouvent pas de places d'apprentissage: elles manquent! Et depuis 10 ans, ce sont près de 1 500 places d'apprentissage qui ont disparu à Genève. Les aînés, c'est-à-dire ceux qui ont 16 ans et plus et qui quittent le collège, l'école supérieure de commerce ou d'autres écoles, occupent donc ensuite les places d'apprentissage disponibles. En fait, ces places destinées à la formation préprofessionnelle ou au préapprentissage sont comptées, contrairement à celles du cursus scolaire habituel.

Dans la conjoncture actuelle, les perspectives d'emploi, de formation et d'apprentissage se sont - malheureusement - réduites en même temps que le marché du travail s'est resserré. Les carrières professionnelles sans base scolaire solide sont devenues plus problématiques. Les places d'apprentissage, plus rares, sont devenues moins «accessibles», notamment à cause d'exigences plus élevées. Ainsi de nombreux jeunes candidats à l'apprentissage sont des adolescents promus à la fin du cycle d'orientation, mais ayant déjà suivi un 10e degré scolaire, voire un début d'études au collège. Dès lors, la situation des jeunes peu ou faiblement scolarisés est nettement plus difficile lors de leur intégration dans le cycle de la formation professionnelle.

Malgré tout, il existe dans ce canton des structures multiples et variées répondant aux divers besoins spécifiques. Le problème reste toutefois la disponibilité limitée de places, en particulier à l'égard des élèves les moins bien scolarisés. Aujourd'hui, il existe très clairement un décalage entre le nombre de places disponibles et le nombre de places nécessaires. Cette différence - l'insuffisance de places d'apprentissage - est préoccupante.

Globalement, l'effort du département de l'instruction publique (DIP) ressort de l'application de l'article 4 de la loi sur l'instruction publique. Cet article, faut-il le rappeler, donne des objectifs précis à l'école publique :

L'enseignement public a pur but, dans le respect de la personnalité de chacun:

a) de donner à chaque élève le moyen d'acquérir les meilleures connaissances dans la perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d'apprendre et de se former;

b) d'aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques;

c) de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l'indépendance de jugement;

d) de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l'entoure, en développant en lui le respect d'autrui, l'esprit de solidarité et de coopération;

e) de tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les premiers degrés de l'école.

Au sein du DIP, il existe, dans le domaine concerné par la motion, des structures multiples et variées. A côté du cursus scolaire habituel, les solutions alternatives officielles - généralement des places protégées à l'intérieur d'une intégration privilégiée - peuvent répondre à un certain nombres d'adolescents. Il faut encourager d'autres solutions. L'importance de cette question a déjà été reconnue par l'instruction publique de Genève. Elle est aussi prise en compte par les professionnels eux-mêmes. Cette question reste problématique et concerne surtout les niveaux post-obligatoires de la formation professionnelle. En résumé, il faudrait trouver une filière pour chaque adolescent qui ne trouve pas de place afin d'éviter qu'il se retrouve dans la rue!

L'ensemble des besoins est mal connu, comme l'ensemble des possibilités d'ailleurs. Comment concevoir, dans ce cas, que les personnes concernées - déjà défavorisées quant à l'accès aux démarches administratives - puissent avoir accès à la bonne réponse de la façon la plus simple possible.

Pour améliorer l'efficacité du système de formation préprofessionnelle, il faut proposer la mise sur pied d'une coordination. Cette dernière devrait permettre de traiter les demandes de manière concertée et de poser les bonnes questions en matière de politique d'éducation.

Dans la proposition de motion, la coordination est envisagée comme un organe de réflexion, de proposition et de gestion des problèmes liés au placement des jeunes scolairement défavorisés. Cette coordination devrait devenir le lieu unique où s'adressent les personnes concernées, un lieu susceptible de donner toutes les informations nécessaires, voire un endroit qui traiterait les dossiers sans les renvoyer d'une institution à l'autre. La motion ne propose pas une nouvelle structure coûteuse.

Auditions

Afin de se faire une idée plus complète de la question, les commissaires ont procédé à plusieurs auditions. Auparavant, la présidente du DIP et sa secrétaire générale ont rappelé le fonctionnement des structures existantes (voir annexes).

Mme Arlette Boget, directrice de la SGIPA. Bernard Petitpierre, directeur général adjoint de l'enseignement secondaire post-obligatoire (DGPO).

La SGIPA, fondée en 1958 pour répondre aux besoins des jeunes élèves libérés de leur scolarité obligatoire, accueille des jeunes provenant de 17 cycles d'orientation. Ayant terminé leur scolarité obligatoire, promus ou non promus, ces adolescents peuvent également venir, suite à des échecs ou non, des écoles de culture générale (ECG) ou encore d'autres établissements.

Généralement, ces jeunes cherchent une voie. La SGIPA va les guider, enrichir leur bagage et s'efforcer de leur trouver un patron en vue d'un contrat d'apprentissage. La SGIPA alterne le côté pratique avec l'enseignement théorique. De nombreux stages d'une durée d'une semaine sont organisés pour les élèves. Cet échange entre l'élève et un patron (un maître d'apprentissage potentiel) participe à la préparation professionnelle.

Actuellement la SGIPA, ne pouvant répondre à toutes les demandes, occupe 126 jeunes, répartis dans 14 ateliers - mixtes ou non - de 9 à 10 élèves. 83% des jeunes qui ont quitté la SGIPA en juin 1994 ont trouvé une place d'apprentissage. La SGIPA propose 37 professions. En général, un jeune reste une année. Exceptionnellement, un élève peut envisager une seconde année. La situation de chaque élève est considérée séparément et examinée avec beaucoup d'attention. Les relations de l'élève avec l'enseignant responsable sont très fortes. D'ailleurs, contrairement au cycle d'orientation, les élèves travaillent avec un seul professeur.

MM. W. Zimmermann et C. Perrottet, praticiens et maîtres d'atelierà la SGIPA.

Ces ateliers accueillent plus de 100 élèves provenant du CO et des classes d'accueil. Par rapport au taux d'échecs et de départs en 10e année, le détour par une structure de raccordement s'impose. Les responsables de classes d'atelier insistent sur la qualité et la souplesse des structures existantes pour répondre aux besoins très variés des candidats. Malgré tout, l'offre de structures ne semble pas assez grande. De plus, les candidats à une structure parallèle semblent devenir de plus en plus nombreux.

Finalement, pour illustrer leurs propos, MM. Perrottet et Zimmermann évoquent les passerelles ou l'interface en classe de scolarité obligatoire et l'accès à une filière. Par «passerelle», ils entendent les classes, les ateliers, voire les écoles qui permettent à des élèves qui ne remplissent pas les conditions au sortir de la scolarité obligatoire, de rejoindre des filières du post-obligatoire ou des apprentissages. Selon eux, l'interface de la filière «études» fonctionne bien. En revanche, l'interface de la filière «professionnelle» ne présente que peu de solutions de raccordement si l'on excepte le préapprentissage de la SGIPA. Les 150 places que peuvent offrir la SGIPA et le CEFI sont largement insuffisantes. Il faut chercher à ouvrir des structures analogues au sein du DIP. Sinon, il faut charger la SGIPA de cette tâche en lui donnant les moyens de répondre à cette demande.

M. Jean-Paul Biffiger, inspecteur de l'enseignement spécialisé, service médico-pédagogique.

M. Jean-Paul Biffiger explique ce que sont les écoles de formation préprofessionnelle. Ces écoles accueillent des jeunes de 13 ans qui peuvent bénéficier d'apports pédagogiques, psychologiques et sociaux. Le but de ces écoles est de préparer les élèves, malgré leurs problèmes, à la vie sociale et professionnelle.

Autrefois, l'école durait 2 ans et permettait d'entrer en apprentissage. Aujourd'hui, les élèves restent le temps nécessaire pour réaliser un projet personnalisé avec les meilleures conditions d'encadrement possible. Dans cette optique, les enseignants des EFP cherchent également à sensibiliser les élèves aux connaissances et au savoir-faire déjà acquis à travers leur parcours personnel. Ils les incitent aussi à comprendre la nécessité et l'intérêt de développer leurs acquisitions personnelles. Le travail des enseignants consiste encore à influencer les comportements sociaux et intellectuels des élèves, notamment dans le but d'améliorer leur appréciation et leur estime de soi. Tout en renforçant et en développant les connaissances scolaires, il faut donc développer et identifier les acquisitions utiles et les attitudes nécessaires dans le monde du travail.

La majorité des élèves des EFP ont suivi leur scolarité dans les classes ou institutions de l'enseignement spécialisé. Quelques-uns ont suivi l'enseignement ordinaire avec beaucoup de difficultés. La plupart d'entre eux souffrent de troubles de la personnalité. A leur arrivée, leur niveau scolaire s'avère très faible.

L'enseignement à l'EFP est un travail d'équipe où enseignants, maîtres d'éducation physique, maîtres de dessin et maîtres d'ateliers, psychologues, médecins et conseillers sociaux conjuguent leurs efforts pour offrir les activités et les contextes les plus stimulants aux élèves. L'éducation physique, le dessin ou d'autres ateliers jouent, par exemple, un rôle important dans le développement corporel, le comportement social ainsi que la structuration de la pensée et de l'identité.

En fait, à côté de leur travail direct avec les élèves, les enseignants des EFP travaillent également à l'extérieur afin de créer un réseau qui permette de trouver de plus en plus de gens disposés à offrir une collaboration à ces jeunes. Par rapport à un patron - un maître de stage -, l'encadrement des enseignants assure une infrastructure suivie pour l'enfant lors de son stage.

M. Gilles Milliquet, membre du Comité de la Société pédagogique genevoise.

En évoquant son activité professionnelle à l'école pré-professionnelle de Saint-Gervais, Monsieur Milliquet nous commente un document rappelant le mandat de son unité de formation qui doit :

· assurer aux jeunes les conditions d'encadrement qui leur permettront de meilleurs projets de formation;

· faire prendre conscience des connaissances et du savoir-faire déjà acquis à travers leur utilisation et susciter la nécessité de les développer;

· aider à une modification de la personne tant dans ses comportements sociaux et intellectuels que dans son appréciation et son estime de soi;

· renforcer l'utilisation des instruments langagiers, mathématiques et graphiques nécessaires au traitement des informations et du monde environnant pour y développer l'extension d'autres connaissances;

· faire identifier les savoirs utiles et les aptitudes nécessaires dans le monde du travail.

En fait, ces propos correspondent à ceux de M. Jean-Paul Biffiger, inspecteur de l'enseignement spécialisé. La nécessité de structures décentralisées et destinées à certains adolescents, notamment ascolaires, est encore une fois mise en évidence. Les problèmes d'insertion de ces jeunes qui pour beaucoup d'entre eux peinent à lire et à écrire restent réels. La recherche de stages ou de places de formation professionnelle constitue l'objectif principal des enseignants des EFP. Ils collaborent dans ce cas étroitement avec les conseillers d'orientation (Orientation Professionnelle, OP; Assurance Invalidité, AI). Par ailleurs, pour cette population, les formations mises en place restent principalement de type «formation élémentaire» ou «formation pratique».

Enfin, le besoin d'une liaison entre les différentes structures existantes à Genève est rappelé, même si par ailleurs le nombre de structures d'accueil de ces jeunes, qu'elles soient AI ou non, semble insuffisant.

MM. René Gossauer, responsable des classes d'accueil de la scolarité post-obligatoire (CASPO) et Daniel Deshusses, enseignant.

Les classes d'accueil de la scolarité post-obligatoire (CASPO) ont été créées dans l'enseignement secondaire afin d'offrir une structure aux jeunes non francophones pour apprendre le français et ensuite entrer dans une école «ordinaire».

Aujourd'hui, environ 240 jeunes de 15 à 19 ans fréquentent ces CASPO. Ils proviennent d'une quarantaine de pays, les régions les plus concernées étant la Bosnie (37), la Somalie (33), le Kosovo (28), le Portugal (20) et la Turquie (12). Les élèves se réunissent en 22 classes, dont la moitié est répartie dans les collèges, écoles de commerce et école de culture générale. L'autre moitié dépend directement du service. Les CASPO comptent, dans l'ensemble, 60 enseignants, dont 30 sont engagés par la service.

Pendant 10 ans, la grande majorité des élèves s'orientaient vers des études. On leur enseignait le français et les connaissances générales (les mathématiques en particulier). Aujourd'hui, environ 30% des élèves suivent cette voie. Pour les autres, les besoins ont changé: beaucoup de jeunes souhaitent entrer rapidement dans la vie pratique, mais malheureusement ils n'ont pas le niveau scolaire suffisant. Aussi, les CASPO ont évolué en classe de formation pratique qui permettent aux jeunes d'acquérir, en plus des connaissances générales, un savoir-faire pratique (atelier bois, métal, couture ou cuisine). Avec un tel bagage, certains jeunes peuvent accéder à des apprentissages. D'autres sont obligés de doubler une CASPO. Parfois certains restent en projet de formation.

En ce qui concerne la situation de ces jeunes, plus de 50% d'entre eux ont un permis B ou C (regroupement familial); environ 25% possèdent un permis F (admission provisoire) et 12% sont requérants d'asile (permis N). Le restant est constitué de cartes de "légitimation" de la Confédération, de confédérés et de quelques cas en suspens.

Les deux collaborateurs des CASPO évoquent la difficulté de leurs jeunes à être confrontés à des problèmes d'intégration et de scolarisation. Ces jeunes devraient pouvoir s'adresser à des personnes à même d'identifier leurs besoins et capables de les diriger valablement. Une fois de plus, il s'avère que le désir des élèves est de trouver un apprentissage, voire un emploi.

Pour les personnes des CASPO, deux catégories d'élèves sont évoquées dans la motion. D'une part, ceux qui ont commencé un 10e degré et qui se retrouvent rapidement en échec (entre 40 et 50%, lors de la première année de l'ECG et de l'école de commerce). Il s'agit souvent d'élèves étrangers, présentant des problèmes de langage et possédant un bagage scolaire insuffisant. D'autre part, la motion concerne les élèves de plus de 15 ans qui n'ont pas pu commencer une école post-obligatoire (professionnelle ou gymnasiale) en raison d'un grand retard scolaire et/ou d'un statut précaire.

Toujours selon eux, ces adolescents représentent plus de 200 élèves qui semblent se répartir comme suit:

· environ 125 jeunes ont trouvé une place dans une atelier de préapprentissage de la SGIPA;

· environ 30 jeunes ont été placé dans des ateliers (ASTURAL, ABC, X, FOG) sans mentionner les institutions spécialisées;

· environ 30 jeunes ont été repris au cycle d'orientation (classe atelier, 9e générale ou EFP) faute d'une formation professionnelle;

· environ 50 jeunes ont été repris en CASPO, faute d'une meilleure orientation;

· enfin, une centaine de jeunes sans formation et sans travail ont été identifiés par l'Office d'orientation et de formation professionnelle (OOFP); il faut encore rajouter à cette liste environ 80 jeunes identifiés par le Centre de contact Suisse-immigrés (CCSI).

Pour les représentant des CASPO, la nécessité de rassembler les forces, de coordonner les actions et, le cas échéant, de développer les structures existantes est importante. Une commission réunit d'ailleurs déjà les responsables des différents organismes concernés et il s'agit là d'un pas réjouissant. Ils évoquent également la nécessité d'une coordination pour les jeunes eux-mêmes. Il s'agit de trouver une solution pour les nombreux élèves en échec à l'issue de la scolarité obligatoire et en recherche d'une formation professionnelle. Ces démarches sont particulièrement difficiles pour cette catégorie de jeunes souvent en rupture avec l'école. Aussi, les remettre dans un circuit de formation, c'est non seulement les insérer dans notre société, mais c'est aussi lutter contre la délinquance.

M. Rudi Willig, enseignant au Cycle d'Orientation.

M. Rudi Willig évoque la commission - nouvellement constituée - «insertion professionnelle et scolaire» qui vient de se réunir sous la présidence de M. Jean-Charles Lathion, directeur du service de la formation professionnelle à l'OOFP. Cette commission regroupe les représentants des différents ordres d'enseignements, de l'OOFP, de l'Office cantonal de l'emploi et de la SGIPA et semble faire un travail très positif. Monsieur Willig évoque le rapport sur la situation des candidats en attente d'une insertion professionnelle et scolaire pour la rentrée 1994, ainsi que la séance du 7 décembre à l'OOFP qui a réuni plus de 42 jeunes en recherche d'insertion.

D'après les recherches entreprises, au 4 novembre 1994, 131 jeunes restaient en recherche d'insertion en plus de ceux qui étaient suivis par le service des jeunes travailleurs, par le centre de jeunes de l'Office cantonal de l'emploi et dont le nombre varie selon la date à laquelle les enquêtes sont effectuées. M. Willig, de par son expérience d'enseignant du cycle d'orientation, estime qu'il manque une structure qui puisse accueillir les élèves qui n'ont pas d'intégration professionnelle possible. Il juge par ailleurs indispensable de s'occuper de cette population en «échec», étant donné qu'elle se retrouvera plus tard dans les statistiques du chômage. Il s'agira alors de personnes qui n'ont pas de formation de base complète.

La localisation de ces classes de préapprentissage est à nouveau évoquée. Une extrême souplesse est de mise. Par ailleurs, il semble difficile d'essayer d'intégrer des jeunes de 15 à 17 ans avec des élèves de 10 à 12 ans. La différence d'âge porterait préjudice aux réussites de recherche d'emplois (stages). Dans ce genre de structure, il est indispensable que les enseignants ou autres responsables de ces jeunes se rencontrent régulièrement pour discuter de l'évolution de chaque situation en fonction des attentes et des besoins individuels.

Mmes Anne-Marie Bisetti et Claire Martenot. Charles Heimberg (SSP/VPOD) et Marco Polli (UCESG).

Les représentants des enseignants citent les chiffres des jeunes concernés par la motion et qui ne trouvent pas de places d'apprentissage: 800 en 1992, plus de 1 000 en 1993. Alors que la moitié d'entre eux trouvent une place dans une structure post-obligatoire, il semble que les autres «disparaissent». Dans ce contexte, le renforcement de la commission qui s'occupe de l'insertion professionnelle et scolaire est bienvenue.

A la fin du cycle d'orientation et au collège, des difficultés scolaires et sociales sont souvent liées à la marginalisation des élèves. Par ailleurs, ces enseignants évoquent également le manque d'orientation des élèves. Ils insistent sur le fait que ces orientations représentent plus qu'un acte administratif. De même, la responsabilité de l'Etat par rapport à l'intégration dans la société de ces jeunes qui ne trouvent ou ne peuvent pas suivre un apprentissage est soulevée. Les enseignants relèvent que le coût social de ces élèves marginalisés se révélera très élevé dans les années qui viennent.

MM. Gabriel Barrilier de la Fédération des métiers du bâtiment (FMB) et Blaise Matthey de l'Union des Associations patronales genevoises (UAPG).

La disponibilité des patrons des petites et moyennes entreprises est rappelée. Les représentants des entreprises regrettent toutefois la préférence très nette donnée à Genève à la filière études.

De même, ils s'étonnent que les candidats aux différents apprentissages éprouvent tant de difficulté à satisfaire aux exigences professionnelles des employeurs. Ils évoquent les différentes attractivités qu'exercent les métiers. Ainsi, on ne trouve pas assez de maçons à Genève, alors que les monteurs électriciens n'ont aucune peine à trouver des apprentis. Il en va tout autrement des ferblantiers ou des installations sanitaires.

En fait, il existe de nombreux responsables de PME qui sont prêts à offrir des places d'apprentissage ou de formation élémentaire à des jeunes en difficulté ou marginalisés. L'engagement effectif provient toutefois presque toujours d'un contact personnel. Dans le même ordre d'idée, certains patrons ont tenté de mettre sur pieds des échanges d'apprentis pour permettre à ces derniers de changer d'entreprise. Etant donné la variété des structures existantes d'une entreprise à l'autre, cet exercice reste difficile.

Finalement, les représentants des patrons entretiennent des contacts privilégiés avec la direction générale des cycles d'orientation comme avec les responsables du CEPIA. Par rapport aux études, la question d'une juste orientation des élèves est également évoquée.

Discussion de la commission

Au terme des ces différentes auditions, les commissaires ont pu se faire une idée plus précise de la situation du post-obligatoire. D'ailleurs, un intéressant document de récapitulation de l'offre existante a été remis aux commissaires. Il est annexé au présent rapport.

En fait, les commissaires ont été frappés par la multitude de structures offertes au sein du DIP. Ils ont toutefois dû constater à quel point chaque structure travaille pour elle-même sans trop se préoccuper des autres. Dans cette problématique, la commission d'insertion professionnelle et scolaire, récemment constituée, devrait jouer un rôle important de coordination et de décloisonnement.

Au cours de la discussion, les invites de la motion seront modifiées pour mieux s'adapter aux problèmes réels. Il faut inviter le département à mieux répondre aux besoins et aux demandes des jeunes. Un endroit de référence - qui centraliserait en quelque sorte les différentes possibilités - semble répondre à une attente des différentes instances auditionnées. Ce lieu centralisé pourrait se situer à l'Office d'orientation et de formation professionnelle (OOFP), office qui devrait regrouper les renseignements nécessaires. On pourrait imaginer que ce lieu de référence unique dispose d'un numéro de téléphone avec un répondant ou un groupe de répondants, qui gérerait les demandes de parents ou d'élèves.

Il faut d'emblée préciser qu'un certain nombre de cas trouvent tout de suite une solution ou que leur attribution à une filière précise ne pose pas de problèmes. En revanche, l'orientation de situations moins évidentes doit faire l'objet d'une discussion et d'une évaluation en connaissance de toutes les possibilités. C'est dans ce sens que les députés de la commission de l'enseignement et de l'éducation ont modifié les considérants et les invites de la proposition de motion concernant le préapprentissage et l'entrée en apprentissage.

Dans les modifications des invites, la première invite de la proposition de motion est supprimée, étant donné qu'avec les auditions, les commissaires ont eu un bel aperçu des différentes institutions subventionnées qui prennent en charge le domaine du préapprentissage ou la formation pré professionnelle. Les deuxième et troisième invites sont remplacées par une nouvelle demande au Conseil d'Etat (rapport au Grand Conseil). Enfin, les commissaires entendent conserver la dernière invite qui demande un projet de coordination à partir des institutions existantes. En effet, même si cette proposition est déjà partiellement réalisée, son maintien semble essentiel pour assurer l'efficacité du système et pour arriver à la simplification de l'accession à l'information pour les jeunes concernés.

Ainsi modifiée, la motion - avec ses nouveaux considérants et invites - est acceptée à l'unanimité. En conséquence, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

Annexes:

1) Structures de formation d'accueil à la fin de la scolarité obligatoire (insertion scolaire et professionnelle)

2) Organigramme du DIP avec des institutions existant dans le domaine du préapprentissage ou de la formation professionnelle

ANNEXE I

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ANNEXE II

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Débat

M. Gilles Godinat (AdG). Le travail en commission a bien montré qu'il y avait, au niveau du constat, une situation préoccupante pour le préapprentissage, tant sur le plan des places d'apprentissage, de stage ou de formation, que sur le plan de l'adaptation des structures de formation aux différents problèmes posés par un groupe important d'adolescents. Ce constat a effectivement été accepté par l'ensemble des commissaires.

Sur le plan des propositions du côté du DIP, à savoir la mise en place d'une commission d'insertion professionnelle, nous estimons qu'elles vont dans le bon sens. Les invites de la motion sont donc pour nous tout à fait acceptables. J'aimerais toutefois insister sur la nécessaire coordination en la matière, afin de pouvoir favoriser des structures souples, décentralisées, mieux adaptées aux difficultés scolaires et sociales de ces adolescents, en risque de rupture et de dérive sociales.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Comme M. Gilles Godinat, nous sommes satisfaits non seulement du rapport effectué sur cette motion mais encore du travail réalisé en commission. Il a été très constructif et la commission a fait preuve d'ouverture d'esprit.

Nous sommes également satisfaits que le département se soit rendu à l'évidence de nos premières constatations, qui avaient été accueillies très fraîchement, et qu'un accord ait été trouvé entre le département et les motionnaires de la commission. Je voudrais juste souligner une ou deux choses.

La motion nous donne entièrement satisfaction, mais j'ajouterai quelque chose au sens de la deuxième invite, lettre a. Comme nous l'espérions, nous avons pensé qu'il fallait une «collaboration active, une concertation et gestion commune des demandes» pour les multiples raisons que nous avons évoquées dans la motion et en commission, à savoir que l'accès aux structures existantes sont difficiles pour une catégorie de personnes plutôt en difficultés scolaires, donc forcément réticentes aux démarches administratives.

Nous sommes très heureux de cette issue, mais nous voudrions insister sur le fait que cette collaboration est non seulement une collaboration de gestion mais aussi de créativité, qui doit aller vers le développement et l'adaptation aux besoins. Elle doit permettre des réponses souples. Comme nous l'avons dit d'entrée de jeu, il ne s'agit pas de couler dans le bronze, définitivement, les institutions, mais bien de trouver, avec le nombre limité de places à disposition, des solutions adéquates ciblées.

Dans les nombreux tableaux que le département a préparés pour nous, nous voyons que nous avons un grand nombre de structures. Cela démontre, encore une fois, la richesse de notre canton en matière de réponses. Nous voulons cependant vous signaler qu'un certain nombre d'institutions concernent la scolarité obligatoire ou l'éducation spécialisée et que, en définitive, seule une petite partie concerne le problème des élèves marginalisés, en fin de scolarité obligatoire.

Le problème reste entier, mais la réponse sera certainement meilleure et moins urgente qu'elle ne l'a été l'année dernière. Les statistiques du mois d'avril nous apprennent qu'entre avril 1994 et avril 1995, il y a bien cinquante places de plus d'apprentissage, mais qu'il y a trois cents demandes supplémentaires. L'effort doit donc continuer !

Mme Nelly Guichard (PDC). Mes préopinants ayant déjà relevé et mis en exergue la richesse des structures à disposition des jeunes en difficulté et l'importance de leur diversité, ainsi que la nécessité d'avoir un interlocuteur unique à qui des familles, quelque peu désorientées, puissent s'adresser, sans avoir à frapper à plusieurs portes ou ne sachant trop à qui parler, je n'ai pas grand-chose d'autre à rajouter à l'excellent rapport de mon collègue Roger Beer. Notre groupe soutiendra donc cette motion dans sa nouvelle formulation.

Mme Janine Hagmann (L). Comme on vous l'a déjà dit, à Genève, l'offre en matière professionnelle est très large : tous les tableaux annexés au rapport de M. Beer le montrent.

Cette offre concerne non seulement les filières qui peuvent être suivies sans rupture entre la formation obligatoire et l'entrée en apprentissage mais encore les filières passerelles qui permettent, après avoir passé le temps nécessaire dans une école de formation préprofessionnelle, d'entreprendre un apprentissage qui conduit à un CFC.

Les auditions ont permis aux membres de la commission de constater que les entités, qui sont chargées de concrétiser l'offre sur le terrain de l'enseignement à proprement parler, commencent enfin à collaborer de manière formelle. D'ailleurs, elles travaillent informellement depuis longtemps. Elles seront encouragées à faire plus et mieux encore, puisque la motion de la commission propose, à partir des institutions existantes, que le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un projet de coordination, pour les enseignements et un guichet unique d'information pour les utilisateurs, gage de transparence et de facilité d'accès pour les mêmes utilisateurs.

Le groupe libéral votera avec satisfaction ce rapport, parce que ses conclusions et la motion qui le complète nous donnent l'occasion de souligner la qualité, l'ampleur et la diversité de l'offre proposée par le département de l'instruction publique, en matière d'apprentissage et de préapprentissage.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Après toutes ces interventions, je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit. J'aimerais, à mon tour, relever le travail qui a été fait en commission, à partir d'une motion qui n'avait pas reçu un accueil très chaud au sein de ce Grand Conseil.

Je crois que les députés ont beaucoup appris sur les cursus différents et difficiles de certains jeunes, ce qui sera très utile à l'avenir dans d'autres travaux, suite à cette prise de conscience des députés en commission de l'enseignement.

C'est donc bien volontiers que les motionnaires acceptent les changements d'invites et soulignent ainsi le vote à l'unanimité de la commission de l'enseignement. Nous nous réjouissons d'ores et déjà de pouvoir prendre connaissance du rapport du Conseil d'Etat au printemps prochain, sur ce point. Il pourra ainsi nous apporter de plus amples renseignements sur l'évolution de la situation.

Cependant, il reste pour nous une petite inquiétude dans ce problème d'apprentissage et de préapprentissage, à savoir la forme de privatisation actuellement en cours de la SGIPA. En effet, pendant une année, des élèves sortiront d'une structure DIP pour aller dans le privé et réintégrer par la suite, très vraisemblablement, des structures publiques. Nous reviendrons peut-être sur ce sujet ultérieurement.

M. Roger Beer (R), rapporteur. J'aimerais tout d'abord remercier mon excellent collègue qui, au pied levé, m'a remplacé au début de ce point. Je dois vous avouer que je n'imaginais pas que le Grand Conseil était encore capable de travailler aussi vite et que l'on en serait déjà là.

La présidente. Vous voyez, Monsieur Beer, rien n'est impossible !

M. Roger Beer, rapporteur. Concernant le rapport, j'aurais voulu corriger une faute que l'on m'a fait remarquer à la page 10. Dans le premier paragraphe de la «Discussion de la commission», il faut lire : «une idée plus précise de la situation du post-obligatoire», et non pas «de la situation existant au terme du post-obligatoire», car nous parlons uniquement du post-obligatoire dans toute cette motion.

Sinon, tout a été dit. On a insisté sur le travail de la commission. Les auditions ont eu beaucoup de valeur. Cette motion, telle qu'elle a été réaménagée, doit rendre attentif le Conseil d'Etat, notamment le département de l'instruction publique, sur le risque que ces cas, qui ne trouvent pas obligatoirement une filière, pourraient augmenter. Il faut donc rester vigilant.

Les structures existent, même si certaines devraient être renforcées, et il ressort du rapport que les contacts avec les patrons devraient être renforcés pour qu'ils fassent encore plus d'efforts, bien que les conditions soient actuellement difficiles.

C'est tout ce que je voulais rajouter à mon rapport, en félicitant encore mon ami Lescaze de son aide.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je considère, à la lecture du rapport, au suivi des travaux et aux questions débattues lorsque j'ai assisté aux séances d'auditions, que tous les députés, par rapport à leur position de départ, ont fait un effort de compréhension du système tel qu'il existe, dans sa complexité et aussi dans sa nécessité de coordination.

Comme le relève une invite, il est vrai que le département de l'instruction publique, depuis plus d'une année maintenant, travaille non seulement sur une structure de concertation mais aussi sur une tâche - qu'il accomplissait de façon peut-être moins visible auparavant et moins accentuée - consistant à rechercher, jour après jour, jusqu'à la dernière minute, des possibilités d'insertion pour les jeunes.

Cette liste ne mentionne pas certains lieux totalement informels, qui font appel à l'imagination soit d'associations, comme la Croix-Rouge, soit de combinaisons entre associations et structures de l'instruction publique qui, toutes, visent à résoudre particulièrement des situations précaires, pour des jeunes qui ne disposent pas nécessairement d'une formation de base et qui, pour le temps qu'ils passent parmi nous, trouvent ainsi la possibilité d'acquérir des compétences professionnelles, même si elles sont relativement limitées.

C'est l'addition de l'usage intelligent des structures, de leur souplesse et de leurs possibilités imaginatives, qui nous permet, au fil des jours, de trouver des solutions. C'est à l'honneur des collaborateurs du département de l'instruction publique que de s'y attacher, toutes provenances confondues, tous ordres d'enseignement confondus, car, dans certains cas, cela touche des institutions proches de l'enseignement primaire.

S'agissant de la SGIPA, j'ajouterai ceci. La SGIPA est une association de droit privé, qui va se transformer en fondation de droit privé. Parler de privatisation n'est donc pas le terme approprié, s'agissant d'une institution qui a, de tout temps, été de caractère privé, bien que le lien avec le département reste fort. La SGIPA, dans sa forme actuelle ou future, représente un élément important du dispositif, notamment par rapport à ce qu'a dit M. Beer tout à l'heure.

Dans le domaine de la collaboration avec les entreprises, face à des jeunes ayant des difficultés particulières au départ, la SGIPA a des relations privilégiées importantes et efficaces. Nous avons déjà négocié avec elle, par une convention, qu'elle n'instaure pas de numerus clausus mais que nous ayons la possibilité de pouvoir faire appel, de façon plus souple, à ses services, parce qu'elle a l'expérience, les contacts et, j'ose le dire, aussi les résultats. A la lecture d'une récente enquête, s'agissant des apprentissages de peintre en automobile, secteur particulièrement difficile, les élèves sortant de la SGIPA ont, par rapport aux autres, un taux d'échec nettement inférieur, ce dont nous nous félicitons.

Nous accueillerons donc avec plaisir et engagement cette motion. Durant le temps qui s'est écoulé entre notre présence à la commission et aujourd'hui, le travail s'est poursuivi, la structure est prête à se mettre en place, et nous sommes toujours aussi attentifs à suivre la situation au jour le jour.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

concernant le préapprentissage et l'entrée en apprentissage

Le Grand Conseil,

considérant :

 qu'il existe une multiplicité de d'institutions responsables dans le domaine du préapprentissage ou de la formation préprofessionnelle;

 que nombre de ces institutions ont été crées à l'initiative de privés, puis reconnues d'utilité publique, mais sans être coordonnées;

 que le nombre de jeunes non intégrés dans les filières existantes ne cesse d'augmenter ou que ces jeunes sont mieux identifiés;

 que le département de l'instruction publique a entrepris une démarche de concertation entre les institutions concernées,

invite le Conseil d'Etat

 à rendre, au cours du premier trimestre 1996, un rapport au Grand Conseil sur la rentrée scolaire 1995 à propos des besoins en places de formation et les solutions adoptées;

 à présenter un projet de coordination à partir des institutions existantes qui réponde aux préoccupations suivantes :

a) collaboration active, concertation et gestion commune des demandes;

b) désignation d'un lieu d'information et de référence unique pour utilisateurs.